Mercredi 17 octobre 2018

- Présidence de M. Vincent Éblé, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Sport, jeunesse et vie associative » - Examen du rapport spécial

M. Vincent Éblé, président. - Nous entrons ce matin dans le vif du sujet avec les premiers examens de missions du projet de loi de finances, après avoir entendu les ministres ainsi que le président du Haut Conseil des finances publiques. Permettez-moi de saluer parmi nous la présence de Jean-Jacques Lozach et Jacques-Bernard Magner, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative », chargés respectivement des programmes « Sport » et « Jeunesse et vie associative » ; nous les accueillons avec plaisir.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - Comme l'an dernier, j'ouvre l'examen des crédits du budget de l'État avec la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Réduire ces trois politiques à une mission budgétaire relève toutefois d'une gageure. Un seul chiffre résume la difficulté de cet exercice : l'ensemble des crédits destinés aux politiques de jeunesse est évalué à près de 95 milliards d'euros, soit 95 fois plus que ceux qui sont proposés dans la mission.

Cependant, même si cette mission constitue la vingt-cinquième du budget général en termes de crédits, elle incarne, avec les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et le service national universel, la complexité de l'équation budgétaire que le Gouvernement devra résoudre.

Pour 2019, les crédits proposés sont en augmentation, particulièrement au titre des autorisations d'engagement (AE), qui progressent de 22,3 % par rapport à 2018, pour atteindre près de 1,2 milliard d'euros. Cette hausse marquée résulte essentiellement de la montée en charge des besoins de financement au titre des Jeux de 2024, multipliés par quatre en autorisations d'engagement par rapport à l'an dernier. Cette hausse masque toutefois une dynamique contraire des différents programmes de la mission, dans la mesure où les crédits du programme 219 consacré au sport diminuent de 8 % en crédits de paiement (CP).

Dans ces conditions, j'aimerais d'abord attirer votre attention sur deux points d'alerte.

Le premier concerne le risque d'une attrition des crédits destinés au mouvement sportif afin de répondre aux besoins de financement des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Ce scénario redouté, qui avait été balayé par les engagements du Président de la République, semble toutefois se concrétiser dès cette année. La décision d'attribution des Olympiades de 2024 étant intervenue après la préparation initiale du budget triennal pour les années 2018 à 2022, il est possible de déterminer la majoration du plafond opérée au titre de l'organisation des Jeux. En comparant celle-ci au besoin de financement effectif en 2019 et 2020, j'ai constaté un écart, pour chaque année, de 20 millions d'euros. De fait, ce montant doit être amorti par les crédits de la mission, par ailleurs extrêmement concentrés sur certains dispositifs.

En 2019, il nous est proposé deux parades budgétaires : si nous pouvons nous interroger sur leur sincérité, nous sommes certains de leur caractère non pérenne. Ces parades ne règlent pas le problème de fond, appelé à s'amplifier en raison de la montée en charge des besoins de financement liés aux Jeux. Sauf à rogner sur les dispositifs existants, ce sont ainsi 100 millions d'euros supplémentaires qui devront être trouvés dès 2021, et 160 millions d'euros en 2023.

Afin de respecter les engagements pris par le Président de la République, je vous proposerai un amendement visant à transférer des crédits à hauteur de 20 millions d'euros du programme 350 vers le programme 219, afin de préserver le soutien au mouvement sportif. Cet amendement, conçu pour mettre le Gouvernement face à ses responsabilités, pourrait être entre-temps satisfait par l'Assemblée nationale. La directrice de cabinet de la ministre des sports m'a en effet indiqué hier soir que le Gouvernement devrait présenter devant l'Assemblée nationale un amendement visant à majorer les crédits du programme 219 « Sport » à hauteur de 15 millions d'euros en mesures nouvelles. Dans l'attente, je vous proposerai d'adopter mon amendement.

Le second point d'alerte concerne les réflexions engagées sur la création d'un service national universel. Souhaité par le Président de la République, redouté par beaucoup en raison des difficultés qu'il présente, le dispositif devrait relever de cette mission. Le rapport du groupe de travail remis au printemps dernier envisage deux phases d'engagement : une première, entre quinze et dix-huit ans, obligatoire d'une durée d'un mois, et une seconde, entre dix-huit et vingt-cinq ans, volontaire, selon des modalités proches du service civique. Cependant, plusieurs questions restent à ce stade sans réponse tangible. Le caractère obligatoire, qui inquiète d'ailleurs de nombreuses associations de jeunesse, nécessite une révision constitutionnelle, afin de permettre à l'État d'imposer une telle obligation en dehors des besoins liés à la défense nationale. Surtout, son coût concentre notre attention : une estimation prudente l'évalue entre 2,1 milliards et 4,3 milliards d'euros en rythme de croisière, soit entre 1 point et 2 points de PIB. À cela s'ajoutent les coûts initiaux liés aux infrastructures, estimés à 1,75 milliard d'euros par le groupe de travail, dont une partie pourrait porter sur les collectivités territoriales. Il s'agit donc d'une équation complexe à résoudre ; elle ne doit pas conduire à remettre en cause le succès du service civique, qui, huit ans après sa création, fait aujourd'hui de la France le premier pays en termes de volontariat des jeunes en Europe.

Ces deux facteurs pèseront donc sur la soutenabilité de la mission au cours des prochaines années.

Permettez-moi de terminer ma présentation en formulant deux observations.

La première concerne l'évolution de la gouvernance du sport. Annoncée depuis le début de l'année, sa finalisation a toutefois pris du retard. Le projet de loi de finances est donc soumis à notre examen sans que le cadre soit stabilisé. L'objectif est pertinent : créer, sous la forme d'une agence nationale du sport, un groupement d'intérêt public agrégeant le mouvement sportif et ses différents financeurs : l'État, les collectivités territoriales et les acteurs économiques. Cette gouvernance devrait permettre de résoudre en partie le paradoxe selon lequel les collectivités territoriales, soutien essentiel du sport, n'étaient guère représentées dans sa gouvernance.

Cette évolution appelle toutefois de ma part trois remarques : elle ne doit pas conduire à une attrition progressive du soutien financier de l'État ; elle s'accompagnera d'une actualisation des missions du ministère et de la direction du sport, sans que nous en connaissions les conséquences, notamment en termes humains - je pense en particulier aux conseillers techniques sportifs - ; elle devra conduire à un réexamen des taxes affectées, dont bénéficie actuellement le Centre national pour le développement du sport (CNDS), conformément aux annonces faites par le Premier ministre le 10 septembre dernier, annonces qui n'ont pas été détaillées à ce stade.

La seconde concerne le soutien à la vie associative. L'audition organisée par notre commission il y a quinze jours a mis en lumière les difficultés auxquelles les associations sont confrontées en raison des réformes fiscales mises en oeuvre. D'autres facteurs s'ajoutent comme la forte réduction des contrats aidés ou la suppression de la dotation d'action parlementaire ou « réserve parlementaire ». Les 25 millions d'euros prévus en faveur du Fonds pour le développement de la vie associative l'an dernier à titre de compensation seront maintenus en 2019. Cependant, l'actualisation réglementaire tardive des missions de ce fonds s'est traduite par une coupure dans les ressources des petites associations qui bénéficiaient traditionnellement de ce soutien. Le mouvement associatif attend beaucoup de la concertation engagée par le Gouvernement pour le renouvellement de la vie associative. Il importe de ne pas le décevoir en concrétisant rapidement cette démarche par des actions concrètes.

En conclusion, et sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous ai présenté, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Nous restons attentifs aux débats qui se déroulent à l'Assemblée nationale.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Le rapporteur spécial a présenté un tableau précis de cette mission budgétaire, notamment pour ce qui concerne la jeunesse et la vie associative. Certes, on note une augmentation du budget, mais nous restons inquiets, car certaines mesures prévues n'ont pas été mises en place de manière satisfaisante ; je pense à la compensation de la réserve parlementaire. En réalité, ce budget est un trompe-l'oeil.

Pour ma part, je souhaite attirer votre attention sur le service civique, consommateur à hauteur de 80 % des crédits du programme 163. Il ne faudrait pas que l'idée du service national universel (SNU) vienne bousculer le service civique, qui a actuellement atteint sa vitesse de croisière, lequel pourrait être intégré au SNU.

Au nom de la commission de la culture, je proposerai un amendement sur une question qui me tient à coeur depuis quelques années, à savoir la recherche des fonds des comptes inactifs associatifs, une mesure censurée par le Conseil constitutionnel lors de son examen de la loi « Égalité et citoyenneté ». Ainsi, le Fonds pour le développement de la vie associative pourrait récupérer quelques millions d'euros. La commission des finances pourrait se saisir de cet amendement.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Mon propos concerne uniquement le programme « Sport ». Je partage globalement l'analyse présentée. Nous devons essayer d'améliorer la copie qui nous est proposée pour éviter tout quiproquo sur l'héritage olympique.

L'an dernier, nous avons été déçus par le budget relatif au sport dans la mesure où il est intervenu après l'attribution, le 13 septembre 2017, de l'organisation des Jeux olympiques de 2024 à la France. Nous sommes passés, au début du débat, d'une diminution des crédits de 7 % à une diminution de 2 %. Le Gouvernement devait faire une proposition mais nous allons essayer de procéder encore à des améliorations. Par-delà le remaniement ministériel, ce budget intervient dans un contexte de turbulences, avec neuf ministres ou secrétaires d'État en dix ans.

Concernant la question de la gouvernance, on est là aussi dans l'attente de clarifications. Annoncée initialement pour le 1er janvier 2019, la création de l'agence nationale du sport interviendrait au cours du premier trimestre de 2019. Si cette agence se substitue demain à l'État - un groupement d'intérêt public définirait les grandes orientations et la politique sportive -, ce sera une révolution en matière de gestion du sport.

On note aussi la volonté du Gouvernement de supprimer 1 600 postes de conseillers techniques sportifs (CTS) d'ici à 2022, soit la moitié des postes du ministère des sports, ce qui n'est pas rien. Il est prévu de les transférer aux collectivités locales ou aux fédérations sportives. Ces suppressions s'ajoutent à la réduction du nombre de contrats aidés, dont le secteur sportif est grand consommateur.

Nous sommes dans une situation d'attente aussi bien sur le plan budgétaire qu'en matière de gouvernance et nous espérons améliorer ce budget. Dernièrement, un débat sur la fiscalisation des primes olympiques a eu lieu ; ce point a été réglé à l'Assemblée nationale il y a quelques jours. D'autres sujets seront peut-être évoqués prochainement.

M. Marc Laménie. - Merci pour ce rapport intéressant. Je poserai une question concernant le service civique, qui est important pour les jeunes, et le service national universel, dont la mise en place requiert des crédits estimés à quelques milliards d'euros. Ces deux dispositifs seront-ils parallèles ou complémentaires ?

Par ailleurs, avec la suppression de 1 600 postes, quel sera l'avenir des CTS? En quoi consistent leurs missions ?

M. Yvon Collin. - Je remercie les rapporteurs qui nous ont apporté un éclairage sans fard sur ce budget. Les années se suivent et se ressemblent malgré l'ambition affichée et en dépit des réussites enregistrées au niveau international. Je déplore que notre pays ne se donne pas les moyens de mener une véritable politique sportive ; je pense notamment au sport à l'école, qui est la portion congrue de l'éducation scolaire. Le paradoxe, c'est que l'on voit, dans certaines disciplines, l'argent ruisseler d'une façon presque arrogante. Comment transférer une part de cette manne financière vers le mouvement sportif ?

M. Vincent Éblé, président. - Je propose qu' Éric Jeansannetas présente son amendement pour vous apporter d'ores et déjà certains éclairages.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - L'amendement que je propose vise à transférer du programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques de 2024 » 20 millions d'euros vers le programme 219 « Sport », qui soutient le sport pour tous, afin de répondre aux craintes exprimées par le mouvement sportif. Il s'agit d'un amendement d'alerte. Comme je l'ai indiqué précédemment, la directrice de cabinet de la ministre nous a fait savoir qu'un amendement tendant à augmenter de 15 millions d'euros les crédits du programme 219 « Sport » va être présenté à l'Assemblée nationale. Cela conforte la pertinence de notre analyse. Quoi qu'il en soit, nous restons prudents et maintenons cet amendement. Le besoin de financement de la Société de livraison des équipements olympiques et paralympiques (Solideo) va s'accroître dans les années qui viennent. Il ne faut pas que le sport pour tous soit la variable d'ajustement.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce budget, un peu contrasté, est en augmentation à cause des Jeux olympiques. Je soutiens tout à fait l'amendement proposé en vue de défendre le sport de proximité.

Mme Christine Lavarde. - Notre commission s'était interrogée l'année dernière sur la disparition de la dotation d'action parlementaire et sur les conséquences sur les tissus associatif et sportif. Avez-vous des informations sur la réorientation des modalités de financement ? Les structures associatives ont-elles retrouvé les dotations qu'elles percevaient antérieurement ? J'ai le sentiment que ce n'est pas vraiment le cas.

M. Vincent Capo-Canellas. - L'effort budgétaire demandé au secteur sportif va, à l'évidence, trop loin. Sans les crédits dévolus aux Jeux olympiques et paralympiques, on n'aurait pas la possibilité de procéder à un transfert des crédits. Quoi qu'il en soit, on le sait bien, la Solideo va devoir honorer un certain nombre d'engagements, faute de quoi nous ne serons pas au rendez-vous des Jeux. Battons-nous plutôt sur l'idée d'abonder les crédits de l'ensemble de la mission !

M. Bernard Delcros. - Le rapporteur spécial a en partie répondu à la question que je voulais poser concernant l'articulation entre le service civique et le service national universel, deux approches totalement différentes.

Dispose-t-on de données chiffrées sur les crédits disparus et à venir eu égard, d'une part, à la suppression de la « réserve parlementaire » - une partie des fonds était dirigée vers le monde associatif - et à la réduction du nombre de contrats aidés - Jacques-Bernard Magner a produit un rapport intéressant sur l'impact de cette mesure sur la vie associative - et, d'autre part, à l'abondement du Fonds pour le développement de la vie associative ? Au sein de ce fonds un conseil consultatif où siègent des représentants des communes et des intercommunalités a été créé. Peut-on imaginer que des parlementaires soient également présents, comme c'est le cas pour les commissions d'attribution de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ?

Pour ma part, je suis favorable à l'amendement présenté par le rapporteur spécial.

M. Thierry Carcenac. - Je tiens à remercier le rapporteur spécial pour cet éclairage et les perspectives. Je n'en suis pas étonné, car tout était indiqué dans le rapport du Comité action publique 2022, en particulier la mise en extinction progressive du corps des conseillers techniques sportifs, la création de l'agence, etc. Par ailleurs, je soutiendrai l'amendement proposé.

Mme Nathalie Goulet. - Il est assez rare que le budget des Jeux Olympiques ne dérape pas.

M. Yvon Collin. - Cela n'existe pas.

M. Philippe Dallier. - S'il y en a un qui devait ne pas déraper, espérons que ce sera celui-là !

Mme Nathalie Goulet. - Dans le cadre du contrôle budgétaire, ne pourrait-on pas prévoir un suivi des dépenses au titre des Jeux Olympiques ? Cela nous éviterait de mauvaises surprises.

M. Claude Nougein. - Merci pour ce rapport précis et concis. Le service national universel pose quelques problèmes, car il absorbera, dans les années à venir, tout le budget ; on devra même aller au-delà. Si la révision constitutionnelle est votée, le coût des investissements liés à l'hébergement sera considérable : il faudra loger quelque 80 000 personnes. Peut-on envisager des accords avec les régions et les départements pour loger une partie de ces personnes dans les internats des lycées et des collèges, qui sont fermés de nombreux mois dans l'année, en vue d'éviter la construction de nouvelles places d'hébergement ?

M. Philippe Dallier. - Nous sommes dans une année de transition et de grand flou. Cela dit, on voit dans quelle direction on nous entraîne. Les collectivités locales seront encore une fois le réceptacle de toutes les demandes de ceux qui auront vu, d'une manière ou d'une autre, leurs dotations diminuer.

Concernant le service national universel, même si le Président de la République a revu ses ambitions à la baisse, le coût sera important. Je me demande si le bénéfice que l'on peut en attendre vaut la peine d'y consacrer tant de crédits.

Sur l'amendement, je suis partagé. Avec la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), on ne peut que déshabiller Paul pour habiller Pierre. Certes, on peut envoyer un signal. Mais que faisons-nous si l'Assemblée nationale vote une augmentation des crédits à hauteur de 15 millions d'euros ? En restons-nous là ou proposons-nous une augmentation complémentaire de 5 millions d'euros ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - Il s'agit d'un amendement d'appel et d'alerte. Si l'Assemblée nationale vote une augmentation de 15 millions d'euros, je proposerai d'en rester là et de considérer que nous avons été entendus. Il ne s'agit pas de déshabiller la Solideo. Un protocole d'accord financier a été conclu entre les différents financeurs en juin dernier : ce sera plutôt en fin de programme que les collectivités seront plus sollicitées. Pour l'heure, Solideo respecte ses engagements. Nous sommes dans les phases d'études, avec beaucoup d'acquisitions de fonciers. C'est vrai, le premier coup de pioche n'a pas encore eu lieu, mais le dossier avance plutôt bien. Le sport de proximité, qui représente un enjeu pour les élus locaux et les parlementaires que nous sommes, va peut-être retrouver « ses billes ». Mais restons vigilants !

Le décret relatif à la suppression de la dotation d'action parlementaire est paru en juin dernier. A priori, les dotations prévues à hauteur de 25 millions d'euros seront consommées, mais seules les associations importantes ont déposé leur dossier. Les dotations que les parlementaires accordaient aux mairies en faveur des associations sportives et culturelles dans de petits villages ont disparu des écrans.

La seconde phase du service national universel, vous l'avez compris, aura des modalités proches du service civique. Concernant les bâtiments, on estime que l'investissement sera de 1,75 milliard d'euros ; d'où les craintes des collectivités locales. Certes, on pourrait utiliser des installations existantes, mais on n'accueille pas comme ça 800 000 jeunes, surtout des mineurs. Un secrétaire d'État a été nommé pour s'occuper spécifiquement de ce dossier. On devrait donc avancer dans les semaines et les mois qui viennent.

M. Vincent Éblé, président. - J'admire votre optimisme ! Personnellement, je serai plus prudent.

M. Yvon Collin. - On peut espérer...

M. Vincent Éblé, président. - Pour rappel, notre commission a auditionné le directeur général de la Solideo et les organisateurs des Jeux en juin dernier pour avoir leur éclairage sur les enjeux liés au financement des Jeux Olympiques et paralympiques 2024.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - Pour répondre à Nathalie Goulet sur le suivi, le rapporteur spécial et, au-delà, la commission procéderont à des auditions. Comme vient de l'indiquer le président, une première réunion a déjà eu lieu avec les acteurs des JO.

L'amendement est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » sous réserve de l'adoption de cet amendement.

Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Investissements d'avenir » (et communication sur son contrôle budgétaire sur les avances remboursables dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir) - Examen du rapport spécial

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - La mission « Investissements d'avenir » a été créée dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017, afin d'y faire figurer l'enveloppe de 10 milliards d'euros au titre des autorisations d'engagement (AE) pour mettre en oeuvre le troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3). Toutefois, aucun crédit de paiement (CP) n'était inscrit. Après avoir attribué au PIA 3 1,08 milliard d'euros de CP en 2018, le projet de loi de finances pour 2019 continue sur la même lancée, avec 1,05 milliard d'euros de CP. L'effort budgétaire en faveur des investissements d'avenir est reporté à la fin du quinquennat : à peine 21 % des CP de l'ensemble de la mission sont inscrits pour la période 2018-2019.

Cette mission présente la spécificité d'avoir des crédits budgétaires ayant un impact sur le déficit maastrichtien et d'autres qui n'en ont pas. La majorité des crédits inscrits en 2018 ne pèsent pas sur ce déficit. La budgétisation 2019 est marquée au contraire par une prépondérance de crédits ayant un impact sur le déficit maastrichtien. 350 millions d'euros sur les 1,05 milliard d'euros de crédits de paiement sont inscrits au titre de fonds propres (prises de participation), laissant 700 millions d'euros pour les autres dépenses (subventions, dotations décennales, avances remboursables).

Par ailleurs, la réalisation de cette mission est confiée à quatre opérateurs de l'État : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

En 2018, les conventions ont été signées entre les opérateurs et l'État ; cinq conventions sont encore à signer, ce qui explique que l'ensemble des AE n'aient pas encore été consommées - 86 % des AE l'ont été.

La maquette budgétaire demeure identique à celle qui a été créée par la loi de finances initiale pour 2017. Un changement d'opérateur est intervenu, pour les actions « Fonds national post maturation - Frontier Venture » du programme 422 et « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre -French Tech tickets et diversité » du programme 423, désormais opérées par Bpifrance et non plus par la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Il est possible que la loi de finances rectificative pour 2018 prévoie un transfert de 250 millions d'euros de crédits. On note toutefois une évolution dans les actions financées : le PIA 3, créé sous le précédent gouvernement, a été inclus par le Gouvernement dans l'enveloppe consacrée au Grand Plan d'investissement. Certaines des priorités ont été réorientées, notamment dans le domaine de l'enseignement : le « plan numérique à l'école » a été abandonné au profit du développement des MOOC, outils numériques destinés à améliorer la transition « bac - 3 / bac + 3 ». On observe le recours au PIA pour financer de nouvelles politiques du Gouvernement ; je pense en particulier à l'intelligence artificielle, qui fera l'objet de programmes de recherche, à un programme de recherche dédié au sport dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques ou à un autre programme concernant les alternatives aux produits phytosanitaires. Néanmoins, on peut s'interroger sur la pertinence de mobiliser le PIA 3 pour financer certains enjeux. Par exemple, le recours au PIA 3 pour participer au financement de la reconversion industrielle du site de Fessenheim pose question. Qu'en sera-t-il demain avec les sites charbonniers appelés à fermer ?

Nous avons noté avec satisfaction le renforcement des indicateurs de performance. La refonte de la maquette pour le projet de budget pour 2019 devrait apporter une meilleure information du Parlement.

La seconde partie du rapport porte sur le contrôle budgétaire réalisé sur les avances remboursables. Cette modalité d'intervention financière existait déjà pour le PIA 1 et le PIA 2 ; elle se situe à mi-chemin entre la subvention et le prêt. Les porteurs de projets qui bénéficient de ce dispositif doivent rembourser la somme qui leur a été allouée en cas de réussite. Ce dispositif est utilisé dans le cadre du PIA 3, car de nombreuses actions visent à accompagner les entreprises, les PME, les start-up dans leur phase de développement. Je prendrai l'exemple d'une start-up que j'ai visitée, située à Paris, ayant bénéficié d'avances remboursables, qui fabrique des exosquelettes, un domaine totalement novateur, en vue de faire marcher seules dans la rue des personnes qui, aujourd'hui, ne peuvent se déplacer qu'en fauteuil roulant.

Dans ces conditions, je vous propose d'adopter, sans modification, les crédits de cette mission.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'année dernière, nous avions identifié un risque de débudgétisation dans la mesure où ces crédits ne sont pas soumis à la norme de dépenses. Il peut être très tentant pour les administrations de prévoir des investissements qui ne sont pas des investissements d'avenir ; je pense à l'exemple du Grand Palais, dont les travaux de rénovation pouvaient être financés par le PIA 3. Avez-vous identifié certaines dépenses dont l'objet serait très éloigné des investissements d'avenir ? Par ailleurs, comment combine-t-on ces aides avec les règles européennes relatives aux aides d'État ? Notifie-t-on chaque programme à la Commission européenne ?

M. Jean-François Rapin. - A-t-on une idée des modalités d'extinction du PIA 1 et du PIA 2 ? Des crédits sont-ils encore en cours ? Comment seront-ils répartis à l'avenir ? Seront-ils reventilés ou reportés sur le PIA 3 ?

Au regard des différentes missions, notamment de la mission « Recherche et enseignement supérieur » dont je suis rapporteur spécial, il est très difficile de définir les crédits dévolus à l'intelligence artificielle : certains sont inscrits dans des programmes de la mission précitée, d'autres le sont au titre du PIA. La commissaire européenne au numérique a évalué tous fonds confondus en Europe la levée de fonds nécessaire pour aboutir et espérer pouvoir rivaliser avec les États-Unis et la Chine à 20 milliards d'euros. Avec 1,5 milliard d'euros, peut-on considérer que les crédits prévus sont suffisants ?

M. Claude Raynal. - Je remercie Mme le rapporteur spécial de son exposé synthétique et complet. D'une enveloppe de 35 milliards d'euros pour le PIA 1, nous sommes passés à une enveloppe de 10 milliards d'euros pour le PIA 3. Comme vous l'avez souligné, il faut veiller à ce que les projets n'aient pas un lien très limité avec les investissements d'avenir.

Il ne faut pas penser, comme cela a été le cas pour le PIA 2, que certains projets ayant bénéficié de financements importants ne doivent plus être financés ; je pense à la recherche relative à l'avionique ou l'aéronautique. Ce serait une erreur totale. La France a une position essentielle dans certains domaines, et il faut poursuivre les efforts en matière de recherche. Lorsque les financements sont français, la recherche se fait en France, tandis qu'elle se fait en Allemagne avec des financements allemands. Sachons conserver notre place ! Les industries de pointe, qui vivent une situation de concurrence particulièrement redoutable, nécessitent des financements et des aides au long cours.

Ne serait-il pas souhaitable d'avoir une vision d'ensemble des résultats du PIA 1 ? Si cela n'a pas déjà été fait, est-on capable d'estimer les résultats ?

M. Jérôme Bascher. - Le PIA 3 est-il aussi complexe que les PIA précédents, qui étaient de véritables usines à gaz ? Quel est le taux de consommation attendu des CP inscrits à hauteur de 1 milliard dans le budget de 2018 ? Continue-t-on à faire des investissements d'avenir ou fait-on des investissements tout court ?

Concernant la question des avances remboursables, Bpifrance a été créée par ripolinage d'Oséo, qui est elle-même née de la fusion de la BDPME - la Banque de développement des PME -, de la Sofaris et, surtout, de l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR), laquelle fonctionnait déjà avec un système d'avances remboursables. Je m'étonne du procédé consistant à réinventer un système qui existait déjà, avec des enveloppes financières beaucoup plus importantes.

M. Yvon Collin. - Les avances remboursables ont été beaucoup utilisées dans l'aéronautique, notamment pour développer l'Airbus A380. Les États-Unis y ont vu une forme de concurrence déloyale et avaient déposé un recours devant l'OMC. Faut-il craindre des saisines identiques ?

M. Jean-François Husson. - Les fonds du PIA seront utilisés pour financer les nouvelles politiques ou la relance industrielle territoriale, mais quand on regarde la répartition des crédits et les circuits de financement, on a un peu l'impression qu'il s'agit d'une usine à gaz. Le rapport pointe les retards dans la publication des appels à projets du volet « TIGA » de l'action « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition (TIGA) », car le Gouvernement souhaite recentrer son périmètre sur les « territoires d'industrie », dont le zonage doit être articulé avec la carte des 222 villes du plan « Action coeur de ville ». C'est très complexe et cela crée un risque de détournement de l'ambition initiale des investissements d'avenir. En Lorraine, une centaine de partenaires sont mobilisés autour de l'appel à projets. Plus on attend, plus la mobilisation et l'enthousiasme des équipes risquent de se réduire. Avez-vous des informations à ce sujet ?

M. Vincent Capo-Canellas. - Météo France souhaitait inscrire le développement de son nouveau supercalculateur parmi les projets financés par le PIA. Ce projet n'a pas été retenu, en dépit de la recherche requise par ce projet et de la nécessité d'une remise à niveau de son équipement. Au final, il n'est pas financé : il manque 6 millions d'euros pour le réaliser. Plus largement, cela pose la question de la frontière entre les projets éligibles et ceux qui ne le sont pas. On a parfois l'impression que les administrations cherchent à inscrire au titre des PIA des projets de droit commun qui ont déjà été retoqués par leur autorité de tutelle.

Lorsque les crédits de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ont fortement baissé, le financement a été remplacé par des appels à projets dans le cadre du PIA. Mais ces programmes sont ponctuels. Quand le PIA s'arrête, les industriels manquent de visibilité. Or les programmes aéronautiques s'inscrivent dans le temps long, par construction. Rapatrier les crédits d'investissement sur les crédits de droit commun de la DGAC est un gage de visibilité et de permanence pour les programmes longs. Ainsi, il me semble légitime que le PIA finance des projets ponctuels, comme le supercalculateur, et que l'on soit prudent pour des programmes de longue durée.

Mme Nathalie Goulet. - 60 % de ce PIA doivent contribuer au développement durable et à la croissance verte. Un des défis de demain est de trouver des alternatives au plastique. Or, nous avons en France des entreprises performantes en ce qui concerne la production de plastique. S'il faut soutenir les entreprises d'avenir, il faut aussi consolider les entreprises existantes qui ont besoin de recherche et développement pour modifier leur production. Beaucoup d'entreprises de la filière plastique sont menacées. Dans quelle mesure auront-elles accès aux financements des PIA ?

Mme Sylvie Vermeillet. - Pourriez-vous nous apporter un éclairage sur la répartition territoriale du PIA 3 ? Quel bilan dressez-vous, à cet égard, des PIA précédents ? Quels sont les territoires bénéficiaires ? Certains territoires ont-ils été oubliés ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Je ne sais pas quand l'arbitrage gouvernemental sur le zonage des appels à projets TIGA sera rendu.

Jean-François Husson, quand on voit que le périmètre de l'appel à projets du volet « territoires d'innovation de grande ambition » de l'action « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » serait recentré sur les « territoires d'industrie », on peut, en effet, se poser légitimement la question de l'utilisation du PIA : la priorité est-elle le financement de nouveaux investissements ou s'agit-il de redéploiements des crédits vers les priorités du Gouvernement ?

Aucune convention n'a été signée en ce qui concerne l'action 9 « Grands défis » du programme 423. Aucune autorisation d'engagement n'a été débloquée et donc aucun crédit de paiement. J'ai entendu dire qu'il serait possible que cette action soit abondée par une subvention de 200 millions d'euros pour financer la rénovation du Grand Palais. Mais il ne s'agit que de supputations...

Les règles européennes en matière d'aides d'État sont respectées et les notifications sont réalisées quand cela est nécessaire.

Certaines actions des PIA 1 et 2 ont été reprises dans le PIA 3, mais parfois avec des modalités différentes. Certaines actions n'ont pas été reprises, mais peuvent continuer à se poursuivre pendant quelques années dans la mesure où il s'agit d'actions de long terme, avec des financements qui peuvent parfois s'étaler sur dix ans. Si les AE des PIA 1 et 2 ont été décaissées, il y a toujours des décaissements de CP qui se poursuivent chez les opérateurs. Le système de financement du PIA 3 est plus complexe que celui des PIA précédents : dans les PIA 1 et 2, les AE et les CP faisaient l'objet d'une budgétisation simultanée en loi de finances. L'opérateur connaissait ainsi exactement le montant de l'enveloppe dont il allait disposer lorsqu'une action était décidée. Aujourd'hui, cette règle n'est plus respectée. Les AE sont débloquées au moment de la signature de la convention et les CP sont versés ensuite au fur et à mesure de leur vote en loi de finances, ce qui impose aux opérateurs la tenue d'une gestion par engagement et par décaissement. C'est très contraignant. Ainsi, parfois, les premières aides seront constituées des petits tickets pour s'adapter à l'enveloppe des CP disponibles, même si l'on sait que des CP seront versés ultérieurement. Il y a donc un décalage entre le rythme des projets d'innovation et les crédits dont disposent les opérateurs. Le secrétariat général pour l'investissement accepte une mutualisation temporaire de trésorerie entre plusieurs actions du PIA sur le compte d'un opérateur pour faciliter la gestion infra-annuelle des crédits. Mais ce n'est qu'une rustine. C'est l'une des fragilités du PIA 3, et cela aboutit à augmenter les coûts des opérateurs, de l'ordre parfois de 5 à 10 %.

Bpifrance ne délivre presque plus d'avances remboursables dans le cadre du PIA 3, mais intervient principalement sous la forme de prises de participation.

Ma mission de contrôle portait uniquement sur le PIA 3. Les PIA 1 et 2 font l'objet d'un jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances relatif à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir. Pour autant, lorsque nous recevons les opérateurs, nous leur demandons si un retour d'expérience a été tiré des PIA 1 et 2. Les opérateurs sont en train de faire les évaluations des premiers PIA, et ils nous transmettent leurs rapports au fur et à mesure. Il pourrait être utile, en effet, de disposer de ces rapports pour améliorer les actions qui se poursuivent dans le PIA 3.

Le supercalculateur de Météo France n'a pas été retenu. À l'inverse, le réacteur Jules Horowitz sera réalisé grâce au PIA 3. Je ne sais pas pourquoi.

Nous n'avons pas aujourd'hui une vision agrégée de la répartition territoriale des actions du PIA. En revanche, les opérateurs savent, pour des actions ciblées, comme, par exemple, le concours d'innovation numérique géré par Bpifrance, où se situent les projets. La répartition géographique n'est pas prédéfinie, sauf pour les projets avec un zonage, comme les territoires d'innovation. Ainsi, les financements liés aux actions sur les pôles universitaires seront conditionnés à la présence de pôles universitaires sur les territoires.

S'agissant du plastique, je n'ai pas vu de mention particulière relative à ces programmes de recherche dans la maquette budgétaire ou dans les réponses des opérateurs. En revanche, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) met en oeuvre, dans le cadre du PIA 3, un appel à projets autour de l'économie circulaire. On pourrait imaginer que des actions visant le recyclage du plastique puissent s'y insérer.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Engagements financiers de l'État » (et article 77) ; compte d'affectation spéciale « Participations de la France au désendettement de la Grèce » et comptes de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et « Accords monétaires internationaux » - Examen du rapport spécial

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Nous examinons la mission « Engagements financiers de l'État » et les comptes spéciaux qui lui sont associés. Ce rapport est stratégique, car il s'agit du troisième budget de l'État. Cette mission recouvre essentiellement les crédits alloués au paiement de la charge de la dette. Nous consacrons plus au service de la dette qu'à la plupart de nos politiques publiques. Ces quelque 40 milliards d'euros rémunèrent les créanciers qui ont bien voulu prêter à un État, la France, qui, de façon structurelle, dépense plus qu'il ne gagne. Comme le souligne le Haut Conseil des finances publiques, « la France n'aura pas encore amorcé, à l'horizon de 2019, le mouvement de réduction de son ratio de dette publique par rapport au PIB, à la différence de la quasi-totalité des pays européens ». En résumé, notre dette publique représente 10 points de PIB de plus que la moyenne européenne. On peut se rassurer en regardant au Sud : la Grèce, l'Italie, le Portugal, mais chacun sait que notre ambition est de nous comparer à l'Allemagne. Et là, l'histoire est tout autre ! Le décrochage ne cesse de s'accentuer.

La portée de notre travail sur cette mission est cependant limitée, car nous enregistrons ici une dépense plus que nous ne l'autorisons. La charge de la dette fait l'objet de crédits évaluatifs et non pas limitatifs. Nous votons donc non pas des plafonds de crédits juridiquement contraignants, mais de simples prévisions.

La charge d'intérêts de la dette de l'État inscrite dans cette mission devrait s'élever à 42,2 milliards d'euros en 2019, soit une augmentation de l'ordre de 1,7 % entre 2018 et 2019. L'État français vit à crédit et la facture augmente ! L'encours de la dette négociable de l'État, qui représente plus des trois quarts de cette dette, devrait atteindre plus de 1 800 milliards d'euros en 2019, en croissance de 4,7 % par rapport à fin 2018, soit plus de 80 milliards d'euros supplémentaires. C'est presque deux fois le budget de la Défense. Les chiffres sont là : la dette publique, qui était à peine au-dessus du seuil de 60 points de PIB en 2007, a augmenté de plus de 30 points en dix ans. C'est considérable. Le ministre Bruno Le Maire l'a souligné lui-même devant nous, c'est « un poison lent pour notre économie et les générations futures » ; mais on ne devrait pas s'y habituer...

La dérive de la dette publique n'est pas enrayée. L'endettement public atteint 98,7 % du PIB en 2018. Le projet de loi de finances indique qu'il devrait atteindre 98,6 % du PIB en 2019. On frôle les 100 % de PIB... C'est alarmant. L'Allemagne va revenir sans doute dès cette année sous la barre des 60 % de PIB de dette publique, en se tenant depuis la sortie de la crise financière de 2008 à sa stratégie du « Die schwarze Null » (équilibre budgétaire sans nouvelles dettes). Il serait bon que le France trouve une règle d'or qu'elle appliquerait vraiment ! Dans ce contexte, il convient plus que jamais de remettre l'accent sur les quatre principaux risques qui pourront conduire à revoir à la hausse la charge de la dette pour 2019. Le premier risque est une remontée des taux d'intérêt car cela reste soutenable tant que les intérêts sont bas, voire négatifs ; mais les intérêts vont finir par remonter, la question est dans quelle proportion ! À force de crier au loup, on a fini par oublier le risque. Les agences de notation ne semblent pas inquiètes pour la dette française, en tout cas beaucoup moins que votre rapporteur...Avec la hausse des taux, la charge de la dette progressera - d'autant plus vite que la maturité moyenne de la dette française n'est pas extrêmement élevée par comparaison avec d'autres pays. Elle s'élève à environ 7 ans et demi en France, contre 14 ans au Royaume-Uni, par exemple.

D'après les simulations de l'Agence France Trésor, une hausse d'un point de pourcentage, toute chose égale par ailleurs, aura un coût cumulé de près de 35 milliards d'euros après cinq ans, un chiffre à rapprocher des 40 milliards d'euros de la mission. La charge de la dette est actuellement le troisième poste budgétaire, mais, dans ces conditions, son rang risque de remonter. Évidemment, si cette augmentation d'un point des taux d'intérêt s'accompagne d'une augmentation du taux de croissance à due concurrence, la situation serait très différente. Un point de croissance supplémentaire, c'est ce que l'on peut souhaiter ! Mais, pour l'instant, on a surtout assisté à des révisions à la baisse des prévisions de croissance...

Deuxième risque : les engagements hors bilan de l'État qui constituent l'ensemble des obligations potentielles de l'État liées, notamment, à des opérateurs qui bénéficient de la garantie implicite ou explicite de l'État. Tous les engagements hors bilan n'ont pas vocation à se traduire par des dépenses, mais il s'agit d'un risque qui pèse bel et bien sur le niveau de la dette. À titre d'exemple, la dette publique affichée en comptabilité nationale a été significativement affectée par la reprise de la dette de la SNCF. La SNCF porte en effet une dette conséquente, de plus de 46 milliards d'euros en 2017, dont 39 milliards ont été intégrés dans la dette des administrations publiques en 2017. Je me permets d'attirer votre attention et celle de notre rapporteure spéciale du budget des transports terrestres sur la nécessité, pour les pouvoirs publics, de clarifier rapidement les modalités du transfert de cette dette à l'État.

Troisième risque : le risque de notation. Les agences de notation ne sont pas inquiètes, mais elles ne l'étaient pas non plus en 2008... Elles sont plutôt préoccupées par la situation en Italie et les prochaines élections européennes, car, si les eurosceptiques l'emportent, cela aura nécessairement des conséquences sur les politiques nationales. Elles estiment que la France est capable d'assumer la charge de la dette. Ce contexte international pourrait cependant peser sur la notation de notre dette.

Enfin, le quatrième risque concerne une évolution possible du traitement prudentiel des dettes souveraines.

Dans ce contexte peu réjouissant, que faire ? Face à la réalité de la dette, on peut faire le choix d'augmenter les prélèvements...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Non, cela suffit !

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Absolument ! On peut aussi baisser la dépense publique, mais, pour l'instant, les tentatives du Gouvernement sont timides. On peut et on doit surtout en améliorer l'efficacité. Le Gouvernement gagnerait, de ce point de vue, à se fixer dans chaque secteur une ambition plus forte pour améliorer le rapport entre le coût et le résultat. Je pense que l'on gagnerait à revoir à la hausse les ambitions du comité Action publique 2022 en matière de réforme de l'État. Les agences de notation estiment qu'il est trop tôt pour porter un jugement, car le Gouvernement n'est en place que depuis un an ; elles évalueront la situation dans deux ou trois ans. Le Gouvernement affiche sa volonté de réduire la dette publique, mais les privatisations ne seront qu'une goutte d'eau face à l'océan de la dette...

Le niveau de la dette publique française est un problème évident pour la France, mais c'est aussi un problème pour l'Europe. Je propose de réfléchir à des solutions européennes mutualisées et innovantes de financement des dépenses publiques sous la forme de fonds sectoriels sur des sujets tels que la défense ou la sécurité, ou au travers de la création d'emprunts mutualisés. Je ne sous-estime ni les questions techniques ni les enjeux politiques que ces propositions soulèvent. Mais il me paraît urgent d'ouvrir le débat.

Au total, je vous propose l'adoption des crédits de la mission et des comptes spéciaux. Je préconise, par ailleurs, d'adopter l'article 77 rattaché à cette mission. Cet article autorise le ministre chargé de l'économie à souscrire à une augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement (BEI). Il s'agit de faire face aux conséquences du Brexit sur le capital de la BEI. Dans la mesure où cet article tend exclusivement à permettre une hausse de la participation de la France au titre du capital appelable de la Banque européenne d'investissement, sans devoir procéder à une augmentation du capital appelé, il sera sans incidence sur la dette ni sur le déficit. Cette mesure n'en est pas moins essentielle pour son évaluation par les agences de notation, notamment par les investisseurs qui achètent les obligations émises par la BEI. Je ne vois aucune raison de s'y opposer.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le pire n'est jamais sûr ; néanmoins tous les éléments tendent à renforcer l'hypothèse d'une hausse des taux d'intérêt : la politique américaine, la fin du Quantitative Easing - assouplissement quantitatif - de la BCE, etc. Cette hausse aurait un impact considérable sur notre budget compte tenu de la maturité de la dette française. Le surcoût de 35 milliards d'euros sur cinq ans concerne-t-il seulement la dette de l'État, qui est gérée par l'Agence France Trésor (AFT), ou inclut-il la dette des organismes de la sécurité sociale ?

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Il s'agit de la dette de l'État.

M. Michel Canévet. - Ce rapport nous éclaire, à défaut de nous rassurer... Peut-on s'attendre à une remontée significative des taux d'intérêt en 2019 ? Quel sera l'impact sur notre dette l'année prochaine, alors que notre croissance économique n'est pas aussi bonne que prévu ?

M. Philippe Dallier. - Philippe Marini, il y a déjà quelques années, parlait de l'insoutenable légèreté de la dette... Le constat n'a pas changé ! La dette a explosé. Heureusement, les taux d'intérêt restent bas, mais, lorsqu'ils remonteront, ce sera douloureux pour l'État, les collectivités territoriales et tous les Français, alors que la dette avoisine déjà les 100 % du PIB. Une hausse de 100 points de base des taux d'intérêt aurait un coût cumulé de 14 milliards d'euros après trois ans. Or une hausse de 100 points de base, ce n'est pas considérable, si l'on songe à ce qui se passe en Italie ou aux États-Unis. En cas de choc plus sévère, la hausse des taux pourrait être beaucoup plus importante.

La maturité de la dette française n'est pas très élevée, inférieure à celle de beaucoup d'autres pays. Ne faudrait-il pas allonger cette maturité par sécurité, pour profiter des taux bas et anticiper une éventuelle hausse des taux ?

M. Roger Karoutchi. - Je ne sais pas si l'on peut s'habituer aux poisons lents. N'est pas Mithridate qui veut et même pour lui, cela s'est mal terminé...

Les reversements à la Grèce découlent des accords de 2012. Ils sont liés aux contrôles européens et aux garanties que donne la Grèce. Que se passera-t-il si la Grèce ne tient plus ses engagements ? Les reversements s'arrêteront-ils ou bien continueront-ils jusqu'en 2022 ?

M. Éric Bocquet. - La dette est la clef de voûte de toutes les réflexions et de tous les débats. Pourquoi comparer la dette au PIB d'une année ? Ne vaudrait-il pas mieux comparer la dette à l'actif de la Nation, incluant les particuliers et les entreprises ? Cela modifierait sans doute un peu le regard sur la réalité de la dette.

Chaque année on tient un discours catastrophiste, même si notre rapporteur le fait avec beaucoup d'enthousiasme. On en viendrait presque à vouloir ouvrir la fenêtre pour sauter et quitter ce monde voué à la disparition...Un bébé qui naît aujourd'hui aurait plus de 30 000 euros de dettes. À cause évidemment de ses parents qui ont voulu les 35 heures ou les congés payés... mais imaginez maintenant que l'évasion fiscale s'élève en France à 80 milliards d'euros. Ce chiffre n'est pas totalement pris au hasard...

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Absolument !

M. Éric Bocquet. - Comme on compte 800 000 naissances chaque année en France, cela signifie que chaque nouveau-né dispose en fait d'un crédit de 100 000 euros supplémentaires sur son compte, soit un solde net de 70 000 euros !

Les élections européennes semblent inquiéter les marchés et les agences de notation. Cela me laisse sceptique. Ainsi, au Brésil, quand le candidat populiste, voire, disons-le, fasciste, a dépassé les 30 % dans les sondages, la bourse a monté, car il a annoncé des privatisations et de nouvelles dérégulations du secteur financier. Cela a rassuré les marchés. Peu importe que ce soit un fasciste qui dirige le pays, pourvu que le business continue !

Enfin, en Allemagne, la dette se dit Schulden. Or Schuld signifie aussi culpabilité, comme si la dette était une faute morale...

M. Marc Laménie. - Le montant atteint par le programme 117 est inquiétant, avec une charge de la dette qui s'élève à 42 milliards d'euros, tandis que les perspectives ne sont pas rassurantes. Ma question porte sur les engagements hors bilan. La commission des finances avait demandé un rapport à la Cour des comptes sur ce sujet. La Cour fait état d'une progression des engagements de retraite de 588 milliards d'euros entre 2007 et 2012. À quoi correspond ce chiffre ?

M. Patrice Joly. - En se focalisant sur la dette publique, on ne prend pas en compte l'ensemble de l'endettement des Français. Si l'on additionne la dette publique et la dette privée, le total représente 240 % du PIB au Royaume-Uni, 256 % aux États-Unis, 230 % en France, 171 % en Allemagne. La situation de la France n'est donc pas catastrophique. La répartition entre la dette publique et la dette privée tient à notre modèle socio-économique, qui n'a finalement pas donné de si mauvais résultats... Discuter du financement sans discuter des politiques financées, c'est amputer la discussion !

En outre, certaines conventions comptables sont discutables : ainsi est-il justifié de placer en dépenses de fonctionnement les dépenses de formation, alors que celles-ci contribueront à améliorer la productivité sur le long terme ? Tout cela fausse le débat.

M. Jérôme Bascher. - Le rapport sous-estime la menace. Les chiffres indiquent la dette brute. Je crains que les chiffres de la dette nette ne soient pires encore. En dépit des privatisations et de la vente des bijoux de famille, notre dette a continué à augmenter et nous nous sommes appauvris. C'est paradoxal. A-t-on aujourd'hui les moyens de rembourser la dette ? Le directeur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, s'inquiétait de la progression de la dette mondiale, publique et privée, qui était passée de 210 % à 240 % du PIB mondial en cinq ans. Je crains un risque systémique.

Nathalie Goulet évoque des emprunts européens. Mais ce serait une catastrophe pour la France. Nous empruntons à des taux historiquement bas, voire négatifs sur certaines échéances. La gestion de la dette française est bonne. Notre notation par les agences de notation figure parmi les meilleures du monde et nous permet d'emprunter à des taux très bas, à l'inverse de l'Italie. Mutualiser notre dette dans des eurobonds aurait pour effet d'augmenter nos taux d'emprunt. Est-ce vraiment une bonne idée ?

M. Emmanuel Capus. - Je partage l'analyse de notre rapporteur spécial. La réduction de la dette doit être notre impératif. Mais nous devons aussi l'avoir à l'esprit lorsque nous examinons les crédits de chaque mission ; on est parfois un peu schizophrènes à cette occasion, voire plus...

Les appels en garantie de l'État augmentent fortement passant de 27 millions d'euros en 2017 à 125 millions en 2019. Pourquoi ? Cette tendance va-t-elle se poursuivre ? Ne faudrait-il pas prévoir un mécanisme d'alerte du Parlement, comme l'a préconisé la Cour des comptes, lorsque les appels en garantie dépassent un certain seuil ?

Mme Sophie Taillé-Polian. - Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris ce que le Gouvernement comptait faire du produit de la vente d'Aéroports de Paris et de la Française des jeux. Il est question d'un fonds pour l'innovation comme de désendettement. Le débat à l'Assemblée nationale n'a pas permis d'y voir plus clair. Avez-vous des précisions à ce sujet ?

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Les remboursements à la Grèce sont prévus par un mécanisme européen. Les décisions relèvent d'un dialogue au sein de l'Eurogroupe. Il est probable que si la Grèce venait à ne pas respecter ses engagements, les remboursements cesseraient.

Selon le Gouvernement, les privatisations doivent pouvoir contribuer au désendettement à hauteur de 0,5 % de PIB, mais il faudra attendre le débat budgétaire et la mise sur le marché pour avoir plus de précisions sur la répartition des produits des cessions.

La hausse des taux d'intérêt constitue une vraie menace, même si on l'agite chaque année et qu'elle ne s'est pas encore matérialisée. Le budget pour 2019 est construit sur la base d'une hausse de 0,75 % sur un an. Une de nos préoccupations est de savoir si l'augmentation dépassera ce niveau. Je rappelle que les crédits de la mission ne sont qu'évaluatifs. Nous manquons donc de vision.

L'Agence France Trésor n'envisage pas de modifier la maturité de la dette qu'elle trouve adéquate. Elle est en relation constante avec ses homologues européens. Pour information, un des plus gros acheteurs étrangers de la dette française actuellement est le Japon.

Les engagements hors bilan peuvent évoluer, notamment si l'on modifie la gouvernance d'un établissement en renforçant la part de l'État au conseil d'administration, car Eurostat peut alors décider de comptabiliser la dette de l'organisme concerné en dette publique. Ainsi, cette année, la gouvernance de l'Agence française de développement (AFD) pourrait évoluer pour éviter une requalification de sa dette.

La dette est un sujet anxiogène, car tout peut arriver dans un monde aujourd'hui complètement déstabilisé, avec les tensions sur le commerce international, ou au Moyen-Orient par exemple, le risque de hausse du prix du pétrole, les crises internationales, etc. Malheureusement, pour l'instant, notre travail consiste à tenir la caisse d'enregistrement d'une mission budgétaire dont les crédits évaluatifs équivalent au double du budget de la Défense nationale...

M. Jean-Marc Gabouty. - Le sujet est complexe. L'usage simultané des expressions « dette publique » et « dette de l'État » peut être source de confusion. Il faudrait aussi éviter de présenter la dette sous forme de la dette cumulée sur plusieurs années. En effet, au fil des discussions, les échéances changent, en fonction des intérêts politiques ; au final, cela n'est pas très pédagogique et cela renvoie une image qui ne correspond pas tout à fait à la réalité.

La maturité moyenne de la dette est brève, mais on peut aisément rééchelonner la dette à volume équivalent. Il serait surtout intéressant de disposer d'un graphique présentant l'extinction de la dette. Enfin, je m'étonne que la classification de la dette des établissements dépende de la composition de leur conseil d'administration et non de l'usage de la dette. Ainsi, la dette de l'AFD n'est pas une dette structurelle, car l'agence assure une mission de refinancement, et les prêts qu'elle octroie sont remboursés. Sa dette n'est donc pas assimilable à de la dette primaire. Il ne s'agit pas de crédits de fonctionnement.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - C'est vrai, mais les prêts de l'AFD bénéficient d'une garantie implicite par l'État. Eurostat peut requalifier la dette, il estime que la gouvernance est dominée par l'État et les prêts garantis in fine par les deniers publics car il y a aussi des risques d'impayés, surtout quand on prend des risques dans des pays en développement. Enfin, présenter la dette cumulée se justifie, car au capital s'ajoutent les intérêts d'emprunts, ce qui fait boule de neige.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État ». Elle décide en outre de proposer d'adopter sans modification l'article 77 rattaché à la mission.

Enfin, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et des crédits des comptes de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et « Accords monétaires internationaux ».

Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » et budget annexe « Publications officielles et information administrative » - Examen du rapport spécial

M. Vincent Éblé, président. - Nous avons le plaisir d'accueillir trois collègues rapporteurs pour avis d'autres commissions : M. Jean-Yves Leconte, sur les programmes « Coordination du travail gouvernemental » et « Protection des droits et libertés » à la commission des lois, M. Olivier Cadic, sur le programme « Coordination du travail gouvernemental » à la commission des affaires étrangères et de la défense, et Mme Chantal Deseyne, sur la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) à la commission des affaires sociales.

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - La mission représente 1,33 milliard d'euros, et se divise en trois programmes : le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », le programme 308 « Protection des droits et libertés », qui correspond au budget d'autorités administratives indépendantes (AAI), et le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », correspondant aux loyers des directions départementales interministérielles (DDI), aux moyens de fonctionnement des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) et aux dépenses des personnels des services du Premier ministre, en particulier les services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication (Sidsic). À périmètre constant, les crédits de paiement augmentent de 14 millions d'euros. Une importante mesure de périmètre, de 164 millions d'euros, affecte la mission en raison de la suppression des loyers budgétaires et du transfert de la direction interministérielle de la transformation publique vers le ministère de l'action et des comptes publics, qui est chargé de la réforme de l'État.

Côté ressources humaines, la mission enregistre un gain net de 24 emplois, compte tenu des suppressions et des créations. J'avais attiré l'attention l'année dernière sur la nécessité de créer des postes à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) : la lutte contre les cyberattaques est en effet une priorité absolue. Elle a été dotée de moyens en personnels supplémentaires, comme la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (Dinsic) et le groupement interministériel de contrôle (GIC) - les « grandes oreilles », qui procèdent aux écoutes. L'Anssi gagne 42 emplois, le GIC 15 ; la CNIL en gagne également 15, le Défenseur des droits 2, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) 2 et la Commission nationale consultative des droits de l'homme 1. En contrepartie, on procède à 36 suppressions de postes. Si l'Anssi est importante, le GIC est lui aussi de plus en plus sollicité.

La Dinsic est compétente pour les systèmes d'information. Notre commission s'est souvent étonnée des errements de l'État s'agissant de ses systèmes d'information : Sirhen, système d'information des ressources humaines de l'éducation nationale, a été un désastre. Celui-ci a été évité pour les paiements agricoles réalisés par l'Agence de services et de paiement dont nous parlait mercredi dernier la Cour des comptes - mais nous ne sommes pas passés loin. Il y a eu des dégâts considérables sur le terrain. Comme l'évoquait Alain Houpert, les agriculteurs ont beaucoup souffert de l'incapacité de l'État à distribuer les aides de la politique agricole commune (PAC). Si on a pu s'en sortir, c'est que la Dinsic a été appelée au secours pour mettre de l'ordre. Aujourd'hui, son avis conforme est requis lorsque le coût d'un programme informatique dépasse 9 millions d'euros. Je crois que c'est insuffisant et qu'il faudrait abaisser ce seuil à 5 millions d'euros. Il est préférable de s'assurer a priori que la réalisation du programme est possible, plutôt que rattraper la situation a posteriori.

À titre d'information, les fonds spéciaux gérés par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) s'élèvent à 67,2 millions d'euros.

Concernant les autorités administratives indépendantes (AAI), leur installation dans le nouveau centre Ségur-Fontenoy a permis des mutualisations, qu'il faut poursuivre, dans le domaine de la gestion des ressources humaines ou des marchés publics. Seule la CNIL résiste ; je ne crois pourtant pas que le niveau de son recours aux marchés publics le justifie. Je souhaite que les efforts de mutualisation se poursuivent ; aussi, je proposerai un amendement de réduction de crédit.

Dix postes sont supprimés dans les Sidsic, issus de la mutualisation des différents services informatiques des administrations déconcentrées. Prévoir ainsi des pools de personnel spécialisé est astucieux, mais ils agrègent des corps et des statuts très différents, ayant pour des fonctions similaires des conditions statutaires et salariales très différentes, ce qui n'est jamais bon...

Le site de Ségur-Fontenoy accueille des AAI, mais aussi des services du Premier ministre - depuis 2017 pour la CNIL et depuis 2018 pour les autres administrations. L'opération de déménagement s'est bien passée. La mise à disposition des locaux, prévue en septembre, a pu avoir lieu en juin. La Société de valorisation foncière et immobilière (Sovafim), mandatée par le Gouvernement, a bien travaillé. L'État lui verse un loyer jusqu'en 2029, soit 370 millions d'euros ; après cette date, il redeviendra propriétaire du site. L'idée était notamment de faire des économies grâce à la mutualisation.

Le budget annexe « Publications officielles et information administrative » est géré par la direction de l'information légale et administrative (DILA), qui était chargée jusqu'à il y a peu de l'édition du Journal officiel imprimé, qui est maintenant dématérialisé. Celle-ci gère des sites internet : « legifrance.fr », qui présente la législation à jour, « service-public.fr », qui informe les citoyens sur l'action publique et donne accès aux différents sites de démarches administratives dématérialisées, et le nouveau site de la Documentation française. 

La DILA est financée pour la moitié de son budget d'un peu moins de 180 millions d'euros par le Bulletin officiel des annonces de marchés publics (BOAMP) et le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc). Mais les droits à payer pour la publicité de la transmission des entreprises ont été supprimés l'année dernière et le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) prévoit la gratuité des annonces relatives aux créations d'entreprises. La DILA a beaucoup évolué. Son personnel, de 763 emplois en 2017, passera en 2019 à 663 - moins 100 en trois exercices ! Ses efforts de gestion sont corroborés par son recentrage sur trois sites : outre Ségur-Fontenoy, la DILA est désormais concentrée rue Desaix, avec un centre d'appel à Metz. Réduire ainsi recettes et dépenses va dans le sens bienvenu d'une moindre pression exercée sur les entreprises.

Je propose deux mesures sur cette mission. La seule dépense fiscale rattachée à ce budget est l'exonération d'imposition sur le revenu du traitement relatif à la légion d'honneur à titre militaire et à la médaille militaire. Puisque nous voulons réduire les niches fiscales...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Combien cela représente-t-il ?

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - Pas grand-chose... Le traitement est de 6,10 euros par an pour les 40 000 légionnaires sur les 100 000 qui pourraient en bénéficier et de 4,57 euros pour la médaille militaire, concernant quelque 100 000 bénéficiaires potentiels, car tout le monde ne le réclame pas. Résultat ? Les coûts administratifs sont beaucoup plus élevés que le montant des traitements eux-mêmes, soit 700 000 euros. C'est une gabegie à laquelle il faut remédier en prenant nos responsabilités. Soyons clairs : 4,57 euros par an ne change pas la face du monde pour les gens qui les reçoivent...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - D'autant plus qu'il faut retirer de cette somme le coût du timbre pour faire sa demande !

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - Je propose également un amendement de réduction de crédits. Si le budget relatif à la coordination du travail gouvernemental, dont l'essentiel est constitué par des dépenses de fonctionnement, ne montre pas l'exemple, il sera difficile de solliciter les gestionnaires des autres missions pour faire les économies nécessaires.

Mme Nathalie Goulet et M. Vincent Delahaye. - Très juste !

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - Mon amendement vise à réduire les crédits de 14,1 millions d'euros. La réduction serait de 13,1 millions pour le programme « Coordination du travail gouvernemental », dont 1,5 million pour le titre 2. Certes, l'Anssi et le GIC ont besoin de personnels ; mais l'Anssi a 18 emplois qui auraient dû être créés cette année et ont été reportés pour 2019. Les recrutements seront donc possibles. Le budget du SGDSN prévoit 17 millions d'euros de plus en 2019 que ce qu'il avait dépensé en 2017. Retirer 13,1 millions d'euros ne mettra pas en danger le fonctionnement de ces organismes.

L'amendement tend également à retirer 1 million d'euros au programme « Protection des droits et des libertés ». La CNIL a dépensé 16 millions d'euros en 2017 et se voit attribuer un budget de 18,8 millions d'euros; un petit effort de 500 000 euros n'obèrera pas son action. Quant au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui a dépensé 37 millions d'euros en 2017, et pour qui il était prévu 37,57 millions, il semble raisonnable de lui demander de fonctionner à moyens constants. C'est l'AAI dont le budget est de loin le plus important.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je soutiens l'amendement du rapporteur spécial. L'exemple doit venir d'en haut. Y a-t-il d'autres AAI ou organismes payant des loyers élevés, comme c'était le cas de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) qui occupait un ancien siège de banque ?

Il faut faire attention à l'immobilier : il peut y avoir des dérapages. Certains organismes ne respectent pas le ratio de mètres carrés.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Je suis mal à l'aise : en ce qui me concerne, je n'ai pas commencé mes auditions. Je suis impressionné de voir combien vous êtes capables de faire les rapports aussi vite, sachant que les bleus budgétaires sont arrivés il y a peu... (Sourires.) Si la logique est de dire : « les crédits augmentent, ce n'est pas bien, il faut qu'ils baissent. », ils ne sont pas nécessaires...

M. Vincent Éblé, président. - Il nous arrive de les augmenter !

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis. - Il est regrettable que certains loyers soient comptés dans d'autres missions ; cela ne permet pas d'avoir une vision du coût complet. Dans le cadre de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », des économies peuvent entraîner des dépenses ultérieures. Compte tenu du cyberrisque, l'Anssi a besoin d'attirer des professionnels aux compétences particulières, qui peuvent s'employer facilement dans le privé. Or on leur offre des contrats à durée déterminée. Les difficultés de recrutement de l'Anssi ne doivent pas servir à faire baisser son budget. Car ce sont bien ces difficultés qui expliquent que des postes ne soient pas pourvus. Certaines attaques ont coûté des dizaines de millions d'euros aux entreprises françaises. Ce n'est pas en mégotant sur quelques milliers d'euros à l'Anssi qu'on défend l'intérêt national.

Concernant les AAI, il est légitime de s'intéresser aux deux plus importantes. Concernant le CSA, on peut s'interroger sur la persistance d'un même périmètre d'action, alors que des médias de plus en plus importants apparaissent, mais lui échappent... Dans ces conditions, pourquoi son budget augmente-t-il ?

En revanche, la CNIL, après l'adoption du Règlement général sur la protection des données (RGPD), ne doit plus seulement protéger le citoyen contre l'État, mais aussi surveiller l'utilisation des données par les opérateurs. La France doit continuer à être un leader européen dans ce domaine. Pourquoi réduire ses moyens ?

Concernant la DILA, sans auditions, je dirai que si les moyens baissent, il faut veiller à la qualité. Il y a beaucoup de progrès à faire.

M. Vincent Delahaye. - Toujours plus de dépenses !

M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense. - Personne ne peut dédaigner les menaces cyber. J'ai auditionné Guillaume Poupard, directeur général de l'Anssi, qui a évoqué le turn-over dont souffre son agence, ces emplois étant très recherchés dans le privé. Il a exprimé une frustration : il n'a pas pu recruter à cause d'un problème de disponibilité de fonds, qui a aujourd'hui été réglé - il pense donc pouvoir enfin remplir son objectif. N'oublions pas que la lutte contre les menaces cyber doit suivre une courbe ascensionnelle dans la loi de programmation militaire. La cyberdéfense est une priorité de la défense nationale. Je vous invite à revoir l'Anssi pour vérifier que la réduction de son plafond d'emploi est une bonne idée. Pour ma part, je n'en suis pas convaincu.

Mme Chantal Deseyne, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) voit ses crédits de 2018 reportés en 2019, avec une réduction de 2 équivalents temps plein. Je suis favorable aux propositions du rapporteur : il faut restructurer les missions pour assurer une stabilité dans les charges.

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - La CNIL, relogée à Ségur-Fontenoy, n'a plus un loyer prohibitif, mais elle pourrait mutualiser davantage avec ses voisins. La HATVP est toujours hébergée dans des locaux loués, car il n'y a pas assez de place à Ségur-Fontenoy. Les mutualisations sont en cours et la CNIL a encore des efforts à faire. Le ratio de 12 m2 par poste de travail est respecté à Ségur-Fontenoy.

Jean-Yves Leconte, la CNIL, qui a dépensé 16 millions d'euros en 2017, se verrait attribuer 18,52 millions d'euros en 2019. Si nous lui demandons un effort de 500 000 euros, cela lui laisse toujours deux millions d'euros de plus ! Ce n'est pas mal, surtout dans un contexte où l'on demande des efforts à tous.

Nous faisons porter une économie de 1,5 million d'euros en dépenses de personnel sur le programme 129. Son action 02 relative à la coordination de la sécurité et de la défense - à qui nous demandons un effort et dont fait partie l'Anssi - a dépensé 80,5 millions d'euros en dépenses de personnel en 2017. Elle se verrait attribuer 97,2 millions en 2019 : même si l'on lui enlevait 1,5 million d'euros, cela fait toujours 16 millions d'euros de plus, soit 20 % !

Nous faisons toujours un effort pour l'ANSSI, mais pondéré par le fait que la difficulté de recrutement oblige à reporter les embauches. La revalorisation des régimes indemnitaires à l'Anssi est une nécessité, car avec la rigidité des statuts de fonctionnaires, nous ne pourrons pas attirer les profils dont nous avons besoin. L'Anssi a de grosses difficultés pour recruter, car les conditions salariales sont bien plus avantageuses dans le privé. Il faudrait accentuer les mesures de revalorisation prévues en donnant plus de latitude au directeur de l'Anssi, comme d'ailleurs au directeur de la Dinsic.

Concernant la Mildeca, elle est engagée dans un nouveau programme d'action quinquennal et cela se passe plutôt bien.

M. Jean-Claude Requier. - Merci pour ce rapport clair et synthétique ; le rapporteur jongle avec allégresse avec les chiffres et les sigles...

Nous soutiendrons l'amendement concernant la légion d'honneur et la médaille militaire. Les anciens combattants que nous rencontrons souhaiteraient que le contingent de la médaille militaire soit plus important, mais ne parlent jamais de cette petite rente. Combien d'emplois ont-ils été économisés grâce à l'opération Ségur-Fontenoy ? Que sont devenus la douzaine d'anciens locaux parisiens, souvent très bien placés ?

M. Roger Karoutchi. - Nous sommes très forts pour créer des postes dans les structures de contrôle... En revanche, France Stratégie, lointain héritier du commissariat au plan, qui pourrait nous informer sur ce qui va se passer dans dix ou vingt ans, voit ses emplois supprimés. C'est dommage...

M. Thierry Carcenac. - Merci à Michel Canévet pour son rapport très intéressant. Je partage son avis sur la Dinsic : un contrôle a priori des projets informatiques est préférable, d'autant que les dérives de coût sont fréquentes. Pour l'Opérateur national de paie, le coût du projet a augmenté de 143 % en très peu de temps. Descendre le seuil à 5 millions d'euros serait déjà très bien : il y a des projets à 4,5 millions d'euros qui dépassent largement ce seuil en cours de réalisation...

En commission l'an dernier, Claude Nougein et moi-même avions déjà proposé que, dans certains secteurs, des recrutements avec d'autres grilles que celles de la fonction publique soient possibles pour faire face aux difficultés de recrutement. Nous étudierons la possibilité de déposer un amendement sur cette question.

Concernant l'immobilier de l'État, l'opération Ségur-Fontenoy est mise en avant pour les économies de budget. Par ailleurs, les loyers budgétaires disparaissent, ce qui occasionne un débasage. Hier, la directrice de l'immobilier de l'État nous a confié vouloir conserver la référence aux loyers budgétaires.

La Sovafim a fait du bon boulot, de l'avis général ; or elle va disparaître. Avec Michel Bouvard, nous avions travaillé sur un rapport que je vous présenterai avec Claude Nougein sur le thème : faut-il une foncière publique ? Nous en avions une, la Sovafim, et elle va être absorbée pour sa partie logement par la Caisse des dépôts et consignations. C'est dommage.

M. Dominique de Legge. - Merci pour votre rapport. Je partage l'avis de Roger Karoutchi sur notre capacité à renforcer le contrôle plutôt qu'à préparer l'avenir... Puisqu'on parle de transparence, le Gouvernement a-t-il été transparent sur les postes qu'il propose de créer à la HATVP ? Même question pour le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

M. Marc Laménie. - Merci au rapporteur pour son travail de qualité. Nous, nous les connaissons bien, mais dans l'opinion publique, qui connaît ces AAI et autres structures, qui se multiplient alors que les services publics disparaissent du terrain ? Pourquoi les 362 millions d'euros consacrés à la coordination de la défense ne sont-ils pas rattachés à la mission « Défense » ? Au sein du programme, à quoi correspondent les 122 millions d'euros de la ligne « Soutien » ?

M. Jean-Marc Gabouty. - Je mettrai de côté l'Anssi, secteur sensible qui mérite plus d'emplois, mais est confronté à des difficultés de recrutement. Pour le reste, il faut faire preuve de discernement. Compte tenu des avancées technologiques et des efforts, nous devrions observer une décélération beaucoup plus rapide des postes et des crédits. La DILA n'est qu'un des services de l'État ayant des fonctions de reproduction et de communication : celles-ci pourraient être mutualisées, y compris avec l'Imprimerie nationale, qui est une société anonyme dont tout le capital est détenu par l'État. Et je ne parle pas de la Société anonyme de composition et d'impression des Journaux officiels (Sacijo), dont les coûts sont totalement non-concurrentiels... Certains ministères consacrent plusieurs milliers de mètres carrés dans les quartiers les plus chers de Paris à des installations qui sont utilisées à 15 ou 20 % de leur capacité, ce qui fait monter la part du coût d'investissement dans le document final de 30 %, contre 5 % dans le privé.

M. Rémi Féraud. - Merci à Michel Canévet pour son rapport. Je ne sais pas si son siège a un loyer onéreux, mais je vois que le budget de la Mildeca est en baisse. Je fais ce constat, et parallèlement je constate que la stratégie du Gouvernement en matière de lutte contre la toxicomanie n'est toujours pas présentée. En quelques années, un quart du budget de cette mission a été amputé. Le Gouvernement fait très peu d'efforts dans la lutte contre les conduites addictives, alors que la consommation des opiacés est en hausse avec l'explosion de la consommation de crack. La diminution de 2 emplois poursuit la dégradation de l'an dernier : ce n'est pas très bon signe pour la prise en charge des addictions.

Mme Nathalie Goulet. - Puisqu'on parle des écoutes du GIC, il faudrait aborder la question du dérapage des contrats relatifs à la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), censée coûter 8 millions d'euros initialement et qui coûte aujourd'hui 110 millions d'euros - et cela ne marche toujours pas ! Ne parlons pas de Louvois - le logiciel unique à vocation interarmées de la solde - ou des appels d'offres de ministères régaliens remportés par Microsoft. Ne pourrions-nous pas imaginer une mission de contrôle sur ces questions ? Concernant la PNIJ, il n'y a pas de contrôle entre le début de l'opération et la fin : il n'y a aucune garantie ni aucun contrôle budgétaire, et l'Intérieur et la Justice se renvoient la patate chaude...

M. Michel Canévet. - La PNIJ relève du ministère de la justice et concerne les interceptions judiciaires ; nous parlons aujourd'hui du GIC et des interceptions de sécurité. Je n'ai pas vérifié si la Dinsic avait pu s'exprimer sur le projet PNIJ, c'est un sujet qui peut être étudié.

Jean-Claude Requier, 2 315 emplois sont présents sur le site Ségur-Fontenoy, dont les travaux ont coûté 200 millions d'euros. Pourquoi a-t-on choisi la Sovafim ? Parce qu'elle n'avait plus d'activité et que cela permettait de ne pas la supprimer. L'année dernière, on évaluait à 150 millions d'euros le patrimoine libéré à céder. Aujourd'hui, on estime que cela rapporterait entre 200 et 250 millions d'euros, soit plus que le coût des travaux à Ségur-Fontenoy. L'Assemblée nationale a acheté l'hôtel de Broglie pour 65 millions d'euros, d'autres cessions sont en cours. A priori, oui, cela devrait être une bonne opération.

France Stratégie a été installée à Ségur-Fontenoy et bénéficie d'une mutualisation de certaines fonctions : elle n'a plus besoin de personnel pour l'accueil ou pour les marchés publics ; la réduction de 9 postes peut s'expliquer ainsi. Le regroupement sur un seul site lui a également permis d'être plus opérationnelle grâce à une grande synergie.

Thierry Carcenac, vous posez une bonne question. Une foncière d'État est sans doute préférable à un partenariat public-privé (PPP) ; or nous avons beaucoup de prisons à construire... Les utilisateurs sont satisfaits, il n'y a pas eu de dépassement du coût, l'entrée dans les locaux s'est faite plus tôt que prévu.

Marc Laménie, il y a treize AAI dans le périmètre de la mission, sur une quarantaine. Le SGDSN n'est pas rattaché à la mission Défense, car il s'agit d'un service du Premier ministre. Quant à la direction des services administratifs et financiers (DSAF), elle mutualise toutes les fonctions support pour les services du Premier ministre.

Dominique de Legge, les créations de postes à la HATVP sont justifiées par les missions supplémentaires : les gouvernements changent plus vite que prévu, les lois de l'année passée amènent du travail supplémentaire, comme le répertoire numérique des représentants d'intérêts...

M. Vincent Delahaye. - Allons bon !

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - Pour le Défenseur des droits, les critères de discriminations se sont multipliés et il a été désigné compétent pour les droits des travailleurs détachés. Mais il a fait des économies considérables avec son installation à Ségur-Fontenoy, car ses loyers étaient très onéreux.

Jean-Marc Gabouty, les imprimeries dont vous parlez ne sont pas dans le périmètre, sauf celle de la DILA. Perdre 100 emplois en trois ans, ce n'est pas rien ; l'immobilier a été rationalisé autour de Desaix et de Ségur-Fontenoy. La DILA est dans une démarche d'économies.

M. Jean-Marc Gabouty. - Pas suffisamment.

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - Il reste à gérer l'extinction progressive de la Sacijo, société anonyme intégrée à la DILA.

Les crédits de la Mildeca ne baissent pas : aux 17,5 millions d'euros de crédits, il faut ajouter 13 millions de fonds de concours. Son budget est donc un peu supérieur aux 28,7 millions d'euros qu'elle avait dépensés en 2017.

La stratégie numérique de l'État est loin d'être au point. Il y a 18 500 agents qui s'occupent d'informatique, en majorité à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Il y a encore beaucoup d'efforts à faire pour que l'État soit en ordre de marche.

L'amendement n° 1 est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » sous réserve de l'adoption de son amendement et l'adoption sans modification du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Contrôle budgétaire - Outils financiers permettant d'optimiser la gestion des flux de transports en milieu urbain - Communication

M. Vincent Éblé, président. - Nous en venons maintenant au contrôle réalisé par Fabienne Keller en sa qualité de rapporteure spéciale du programme « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - De nombreuses grandes villes en Europe et dans le monde ont mis en place ces vingt dernières années des outils financiers de régulation du trafic automobile connus sous le nom de congestion charges pour lutter contre les embouteillages et améliorer la qualité de l'air.

Ces outils financiers ont suscité un vif intérêt en France il y a une dizaine d'années, si bien que la loi Grenelle 2 avait prévu un dispositif juridique dans le code général des impôts permettant l'instauration par les collectivités territoriales volontaires de « péages urbains » à titre expérimental. Mais ce dispositif était mal calibré et son décret d'application n'a jamais été adopté.

J'ajoute que la dénomination de « péage urbain » n'était pas adaptée, car elle ne permettait pas de faire comprendre aux automobilistes le fonctionnement et les objectifs de cette fiscalité environnementale, qui n'est pas punitive, mais cherche à faire évoluer les comportements en révélant les véritables coûts pour la société de l'utilisation des véhicules dans les grandes agglomérations. Le terme de congestion charge est à cet égard bien plus pertinent ...

M. Philippe Dallier. - En français !

Mme Fabienne Keller, rapporteure. - Ce terme est employé par les deux villes que j'ai visitées. Rebaptiser les péages urbains « contribution anti-congestion » ou « contribution qualité de l'air » permettrait de beaucoup mieux faire comprendre et accepter ce type d'outils.

L'idée de remettre l'ouvrage sur le métier a émergé à l'occasion des Assises de la mobilité qui se sont tenues à l'automne 2017. Elle a été reprise par la ministre des transports, qui a annoncé qu'une réécriture de l'article du code général des impôts consacré aux péages urbains serait proposée dans le projet de loi d'orientation des mobilités qui devrait être présenté en conseil des ministres au mois de novembre, pour un examen par le Parlement au premier semestre de 2019.

Pour préparer l'examen de ce nouveau dispositif, j'ai souhaité, en tant que rapporteure spéciale chargée du budget des transports terrestres, étudier des exemples de tarifs de congestion en vigueur à l'étranger.

Mon objectif est de tirer un certain nombre de leçons de ces expériences afin que le Parlement puisse cette fois-ci bâtir un cadre législatif efficace dont les collectivités territoriales françaises pourront s'emparer, si elles le souhaitent, pour lutter plus efficacement contre la congestion automobile et la pollution de l'air.

Dans cette perspective, j'ai effectué deux déplacements à Londres, puis à Stockholm au cours du premier semestre de 2018 pour examiner sur le terrain à la fois l'ensemble des caractéristiques, mais surtout les résultats concrets de ces dispositifs.

J'ai pu également m'appuyer pour la réalisation de ce contrôle sur des travaux récents conduits par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), mais aussi par la direction générale du Trésor.

Les déplacements dans les grandes agglomérations françaises sont actuellement réalisés à 65 % en voiture. Or l'utilisation de ce mode de transport provoque de nombreuses nuisances pour l'économie et pour la société : pertes de temps dues aux embouteillages, émissions de dioxyde de carbone qui participent au réchauffement climatique, pollution de l'air - question étudiée en détail par notre collègue Jean-François Husson - et responsable de 48 000 décès prématurés en France, accidents de la route, etc.

Les économistes qualifient ces nuisances d'externalités négatives, pour montrer que les automobilistes créent des dommages dont le coût pèse non pas sur eux, mais sur la collectivité dans son ensemble. Je rappelle que le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la pollution de l'air publié en 2015 et qui fait toujours référence aujourd'hui avait évalué le coût de cette seule nuisance à quelque 100 milliards d'euros par an pour notre pays.

La direction générale du Trésor a cherché à comparer le coût pour la société de l'utilisation d'une voiture individuelle avec les prélèvements obligatoires dont s'acquittent les automobilistes, selon qu'ils roulent en milieu urbain ou en milieu rural. Ses conclusions sont très éclairantes. Elle relève, comme notre commission l'avait à juste titre fait remarquer lors de l'examen du projet de loi de finances de l'an dernier, que les ménages ruraux paient aujourd'hui plus d'impôts qu'ils n'engendrent d'externalités négatives, en raison de l'alourdissement de la fiscalité qui pèse sur les carburants. Elle constate en revanche que c'est le contraire en milieu urbain dense, puisque, selon ses calculs, les coûts provoqués par un véhicule roulant à l'essence ne sont couverts qu'à hauteur de 13 % par des prélèvements et ceux d'un véhicule roulant au diesel ne le sont qu'à 7 %, ce qui est très faible.

Ce décalage entre les dommages causés et la contribution individuelle de celui qui les cause légitime la mise en place de tarifs de congestion fondés sur le principe du pollueur-payeur. Il s'agit à la fois d'internaliser les externalités négatives, comme le disent les économistes, en faisant payer chacun à proportion des coûts qu'il engendre pour la collectivité, mais également d'orienter les usagers vers les transports en commun ou les mobilités actives.

J'ajoute qu'un tel outil financier est tout à fait compatible avec l'utilisation de zones à faibles émissions (ZFE), dont on a beaucoup parlé la semaine dernière après que quinze grandes agglomérations souffrant d'un air trop pollué ont annoncé qu'elles allaient étudier leur mise en place d'ici à la fin 2020. Nous ne le faisons que le couteau sous la gorge, sous la contrainte de contentieux qui prospèrent à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

Les zones à faibles émissions (ZFE), qui reposent sur le principe de l'interdiction d'accès de certaines parties des agglomérations pour les poids lourds et/ou les véhicules les plus anciens peuvent être intelligemment combinées avec un tarif de congestion, comme c'est le cas à Londres et à Stockholm, les deux exemples étrangers dont je vais à présent vous parler.

Au début des années 2000, les dommages causés par la circulation automobile tant dans le centre de Londres que dans celui de Stockholm étaient considérables. Le plus visible était la congestion, même si la pollution de l'air était déjà un important sujet de préoccupation.

Pour prendre l'exemple de Londres, 185 000 voitures entraient quotidiennement dans le centre-ville au début des années 2000, ce qui provoquait des embouteillages tout au long de la journée, les voitures ne pouvant circuler qu'à une vitesse moyenne de 15 kilomètres par heure. Selon les experts, le coût pour l'économie et pour la société de cette congestion s'élevait à quelque 4 milliards de livres sterling, soit 4,4 milliards d'euros.

Dans les deux capitales, les municipalités ont décidé de prendre le problème à bras-le-corps. Elles ont commandé des études socio-économiques qui ont montré que l'instauration d'une congestion charge serait susceptible d'améliorer nettement la situation, en incitant les automobilistes à utiliser d'autres modes de transport. Elles ont également reçu l'appui du Gouvernement, qui a favorisé la définition d'un cadre législatif adapté et a apporté, dans le cas de Stockholm, une aide financière très significative pour contribuer au développement des alternatives à la voiture.

Après de vastes campagnes de concertation et de communication dont je reparlerai, la congestion charge de Londres, qui ceinture une zone de 21 kilomètres carrés, a commencé à fonctionner en février 2003 et celle de Stockholm, qui enserre une zone de 47 kilomètres carrés, en janvier 2006.

Les points communs entre Londres et Stockholm permettent de dresser un portrait-robot des agglomérations pour lesquelles la mise en place d'un tarif de congestion peut avoir du sens.

En premier lieu, les deux zones soumises à péage correspondent au centre-ville, voire à l'hypercentre d'une grande métropole. Elles sont, l'une comme l'autre, très denses en termes de population et riches en activités économiques.

Les comparaisons conduites par la direction générale du Trésor et l'Ademe montrent en effet que la mise en place d'un péage urbain ne constitue un outil pertinent de politique publique que s'il est utilisé dans de grandes agglomérations, dont la taille minimale est estimée à 300 000 habitants. Les échecs des expériences tentées dans des agglomérations de taille plus réduite viennent du reste confirmer ce constat - c'est le cas, par exemple, à Göteborg.

En deuxième lieu, ces zones souffraient toutes les deux d'une congestion automobile provoquant retards et pollution atmosphérique, entraînant des dommageables significatifs pour l'économie de la ville ainsi que pour la qualité de vie de ses habitants.

En troisième lieu, enfin, dans les deux cas, ces villes étaient pourvues avant même la mise en service de leur dispositif de péage de réseaux de transports publics très performants à même de fournir une véritable alternative à la voiture individuelle. Ils étaient en outre très utilisés, puisque 85 % des Londoniens fréquentaient les transports en commun.

Au total, il paraît nécessaire que ces trois éléments soient réunis pour que la mise en place d'un tarif de congestion soit opportune. Si l'un d'entre eux venait à manquer, il y a fort à parier que ce ne serait pas un outil efficace et qu'il serait rejeté par les populations.

L'instauration de la congestion charge, qui suscitait naturellement des craintes, a bénéficié, à Londres comme à Stockholm, d'un portage politique très fort de la part de la municipalité, mais également de l'État central. C'est indubitablement ce portage politique initial qui a permis à la congestion charge d'être expérimentée puis de s'imposer en surmontant les réticences initiales.

Les modalités pratiques des tarifs de congestion peuvent être ajustées de façon très fine pour s'adapter le mieux possible aux caractéristiques locales.

Les technologies utilisées à Londres et à Stockholm pour assurer leur fonctionnement opérationnel sont très proches, puisqu'il s'agit dans les deux cas de systèmes de reconnaissance optique automatique des plaques d'immatriculation par des caméras installées sur des bornes qui se trouvent aux différents points d'accès de la zone soumise à péage. Le coût total du système mis en place à Londres en 2003 a représenté environ 180 millions d'euros et celui de Stockholm quelque 200 millions d'euros, soit deux montants très élevés. Ces systèmes technologiques, désormais très bien maîtrisés, seraient beaucoup moins chers aujourd'hui, puisque les chiffres que je vous cite ont dans les deux cas une quinzaine d'années. En outre, des alternatives existent, comme le système technologique utilisé par Singapour depuis 1998, et d'autres, basés sur l'utilisation de la géolocalisation par GPS, devraient prochainement émerger.

Les investissements initiaux à consentir pour instaurer un tarif de congestion ne paraissent donc pas démesurés, même s'il est clair que plusieurs années sont nécessaires pour les amortir - environ huit ans selon les spécialistes. C'est la raison pour laquelle il nous faudra revenir sur la rédaction actuelle de l'article du code général des impôts relatif aux péages urbains qui dispose que ceux-ci ne peuvent être mis en place que pour une durée maximale de trois ans : cette limitation dans le temps tue dans l'oeuf toute possibilité d'instaurer un péage urbain en France, compte tenu du temps nécessaire pour rentabiliser l'investissement initial.

Deuxième modalité du tarif de congestion : ses horaires de perception. Ceux-ci sont similaires à Londres et à Stockholm - en journée, du lundi au vendredi. Il s'agit en effet de cibler uniquement les moments où la circulation automobile est spontanément trop importante, mais de garantir la gratuité la nuit, les week-ends et les jours fériés. Les deux villes se distinguent en revanche dans leurs politiques de tarification pour l'accès à la zone soumise à péage ainsi que dans l'étendue des exonérations accordées.

Londres a fait le choix d'un tarif relativement élevé - 11,50 livres -, mais forfaitaire : un automobiliste ne s'acquitte du péage qu'une seule fois par jour, qu'il n'entre dans la zone protégée qu'une fois dans la journée ou qu'il y pénètre à plusieurs reprises. Le tarif est fixe quelle que soit l'heure de la journée : aucune distinction n'est établie entre heures creuses et heures pleines.

Le tarif de Stockholm est nettement plus bas que celui de Londres et varie de 1,60 euro en heures creuses à 3,70 euros en heures pleines. Autre différence significative : les automobilistes doivent s'acquitter de la congestion charge à chaque fois qu'ils accèdent au centre-ville, même si cela se produit plusieurs fois dans la même journée. Il existe toutefois un plafond journalier qui s'élève à environ 11 euros par jour.

Il ressort de la confrontation entre ces deux modèles que l'exemple de Stockholm paraît nettement plus efficace, en ce qu'il permet de comptabiliser tous les trajets effectués. Surtout, il a le grand avantage d'inciter les automobilistes à décaler leurs déplacements lorsqu'ils le peuvent tout en prenant mieux en compte les coûts pour la société engendrés par la congestion aux heures de pointe.

Une collectivité désireuse de mettre en place un tel dispositif devrait donc prévoir une tarification simple, lisible et stable, modulée selon les horaires de la journée, avec un paiement à chaque entrée dans la zone, mais plafonné quotidiennement.

Quatrième point à prendre en compte : les exonérations. Les autorités londoniennes ont fait le choix de consentir de nombreuses exonérations, là où celles de Stockholm ont décidé d'adopter une attitude plus restrictive, tout en mettant en place un système très astucieux de déductions d'impôts pour les automobilistes qui gagnent plus de deux heures par jour en prenant leur voiture pour se rendre à leur travail au lieu de prendre les transports en commun, pour ceux qui roulent plus de 3 000 kilomètres par an dans le cadre de leur travail ainsi que pour les véhicules de société.

Je suis, pour ma part, convaincue qu'il peut être utile, voire indispensable, de prévoir des exonérations ou des systèmes de déduction des impôts ou de remboursements pour certaines catégories de la population pour lesquelles il ne serait pas juste de faire payer la congestion charge à son plein tarif alors qu'elles sont contraintes d'utiliser leur voiture et ne peuvent utiliser d'autres modes de transport.

Je plaide donc pour que des exonérations et des systèmes de déductibilité soient mis en place pour les populations les plus vulnérables, les automobilistes qui ne peuvent pas bénéficier d'alternatives efficaces à la voiture ainsi que pour les acteurs économiques qui pourraient voir leur compétitivité affectée de manière excessive par un tel dispositif.

J'en viens en conclusion aux trois conditions nécessaires pour que l'instauration d'un tarif de congestion soit acceptable dans la durée.

La première est qu'il obtienne des résultats, si possible rapidement, et en tout état de cause visibles par la population de la ville. Ce sont d'abord les résultats obtenus par les dispositifs de Londres et de Stockholm qui en ont fait des dispositifs aujourd'hui consensuels. Ils ont eu tout d'abord des effets très concrets sur la circulation automobile dans les deux centres villes. Le nombre total de véhicules accédant au centre-ville de Londres les jours de semaine est passé de 185 000 au début des années 2000 à 125 000 aujourd'hui, soit une diminution du trafic de 60 000 véhicules faisant baisser la densité du trafic de 15 % et les embouteillages de 30 %.

À Stockholm, le nombre de franchissements journaliers du cordon est passé de 450 000 en 2005 à 325 000 en 2015, soit une baisse de 28 % en 10 ans, alors même que la population de la ville avait augmenté de 22 % en dix ans - c'est donc une baisse de 40 % à périmètre constant. La durée des retards des automobilistes aux heures de pointe, c'est-à-dire entre 7h30 et 9 heures ainsi qu'entre 16 heures et 18 heures, a été réduite d'un tiers.

Mais les congestion charges ont également permis d'améliorer substantiellement la qualité de l'air, tant à Londres qu'à Stockholm : dans la zone soumise à péage de la capitale britannique, les émissions de CO2 ont diminué de 16 %, celles de dioxyde d'azote de 8 % et celles des particules fines PM10 - les plus grosses - de 7 % entre 2003 et 2018 ; à Stockholm, les différentes études disponibles montrent que les émissions de polluants auraient baissé de 14 % dans le centre-ville. Enfin, la congestion charge semble avoir eu un réel effet sur le nombre d'accidents de la route, puisque leur nombre aurait diminué de 40 % à Londres depuis 2003.

Deuxième facteur essentiel d'acceptabilité : le bon usage des recettes. Mettre en place un tarif de congestion n'a en effet de sens que si les autorités municipales déploient en parallèle une stratégie visant à offrir aux habitants de la ville de nombreuses alternatives à la voiture, transports en commun ou modes actifs.

Afin que les citoyens puissent modifier rapidement leurs comportements et comprennent que le tarif de congestion n'est pas une taxe de rendement, mais bien un outil incitatif, il est essentiel qu'ils puissent ressentir très rapidement une amélioration des services publics de transport dès l'entrée en vigueur du péage urbain.

M. Jean-François Husson. - Il ne faut pas dire « péage urbain » !

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Il faut donc anticiper sur les recettes. La congestion charge de Londres a rapporté à la ville quelque 1,8 milliard de livres de recettes nettes depuis 2003, soit environ 2 milliards d'euros. Ces recettes nettes, qui ont représenté 185 millions d'euros l'an dernier, ont été systématiquement investies dans le réseau de transport londonien, et en particulier dans l'amélioration du réseau de bus.

Les recettes du péage urbain de Stockholm représentent pour leur part environ 75 millions d'euros. Dans un premier temps, ces recettes ont été uniquement affectées au développement d'offres de transport alternatives à l'utilisation de la voiture : création de nouvelles lignes de bus reliant le centre-ville de Stockholm à ses banlieues, achat de nouveaux bus, nouvelles pistes cyclables, mise en place de parkings-relais, etc. Dans un deuxième temps, il a été décidé d'affecter une partie de ces recettes non plus seulement aux transports en commun, mais également aux infrastructures routières, qu'il s'agisse de la maintenance des routes existantes ou de la construction de routes et de tunnels.

Ce nouveau choix d'affectation des recettes a permis de rendre plus acceptable la congestion charge pour les habitants des communes voisines de Stockholm qui effectuent des déplacements pendulaires entre leur domicile et leur travail situé au centre-ville.

Il me paraît donc essentiel d'investir massivement dans les transports en commun grâce aux recettes nouvelles pour proposer de véritables alternatives à la voiture individuelle et en réserver une partie pour les infrastructures routières, de sorte que les automobilistes puissent bénéficier de retombées positives.

Troisième facteur d'acceptabilité, sur lequel tous mes interlocuteurs ont insisté : l'importance de la concertation et de la communication. Le maire de Londres a organisé une large consultation des Londoniens pendant 18 mois pour connaître leur avis sur les limites géographiques de la zone soumise à péage, ses heures de fonctionnement et son tarif. Les réponses obtenues à cette occasion ont permis à la population de se sentir entendue et ont directement influencé les caractéristiques du péage qui est entré en vigueur en 2003, le rendant plus opérationnel.

La façon dont a été conduite la communication au moment de la mise en place de la congestion charge à Stockholm est également exemplaire et explique sans doute en grande partie la raison pour laquelle ce dispositif fait dorénavant consensus.

Le dispositif a d'abord été mis en place à titre expérimental, pour une période probatoire de six mois, du 3 janvier 2006 au 31 juillet de la même année. À l'issue de cette période, le péage a été suspendu, et un référendum a été organisé en septembre 2006. Le choix était donc vraiment laissé aux citoyens, la mairie s'étant engagée à supprimer le péage et à démonter l'infrastructure en cas de vote négatif. Mais c'est le « oui » qui l'a emporté avec 51,1 % des voix et une participation à hauteur de 74,7 %. Le péage urbain a donc été rétabli en août 2007 et fonctionne sans interruption depuis lors.

Ce résultat s'explique avant tout par les intenses efforts déployés en matière de communication durant l'expérimentation pour convaincre les habitants des bienfaits de ce dispositif sur leur qualité de vie. Des rapports mensuels, puis un rapport final fournissant des informations détaillées sur la qualité de l'air dans le centre-ville, mais aussi en périphérie, sur le nombre de véhicules s'acquittant de la congestion charge, sur les recettes, les améliorations du réseau de transport public obtenues grâce à ces dernières, ont ainsi été mis en ligne sur un site dédié. De nombreuses conférences de presse ont également été organisées pour diffuser ces informations auprès des médias et, au fil des mois, le ton des journaux a changé : alors que 3 % des articles portant sur le péage urbain lui étaient favorables à l'automne 2005, 42 % de ceux qui ont été rédigés au printemps 2006 étaient positifs. Depuis le rétablissement du péage, la municipalité finance régulièrement des études afin d'évaluer précisément ses résultats et continue à les communiquer aux médias et au public, ce qui permet de maintenir la confiance de la population. De fait, les habitants de Stockholm semblent s'être désormais pleinement emparés de cet outil, qu'ils sont plus de 70 % à soutenir aujourd'hui : ils ont pris conscience qu'il peut permettre, à condition d'être bien articulé avec d'autres dispositifs, de fluidifier la circulation automobile dans le centre-ville et d'améliorer la qualité de l'air qu'ils respirent.

À partir des expériences de Londres et de Stockholm ainsi que de l'analyse d'autres expériences menées dans le monde, mon souhait était donc de vous proposer une boîte à outils, susceptible d'inspirer les collectivités françaises ou européennes qui souhaiteraient s'en saisir.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est un sujet que l'on connaît mal et ce rapport permet de mieux l'appréhender. Sur l'efficacité de la congestion charge, je constate qu'il y a encore beaucoup d'embouteillages à Londres.

À propos de l'affectation des recettes, le produit des amendes issues des radars automatiques devrait être affecté à l'amélioration des infrastructures, tandis que celui de la fiscalité sur le carburant devrait l'être davantage à la transition énergétique.

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Absolument.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Or on voit qu'elle devient une recette comme une autre. La hausse du cours du pétrole va mécaniquement conduire à une augmentation des recettes, qui ne sont absolument pas affectées à la conversion automobile. La fiscalité écologique est parfois présentée comme vertueuse, mais elle devient trop souvent une recette comme une autre.

Mais l'on ne peut être favorable à l'instauration d'un péage qu'à condition d'avoir des solutions alternatives en matière de transport. Or cette condition n'est absolument pas remplie aujourd'hui. Je ne suis pas certain que notre réseau de transport puisse accueillir un plus grand nombre de voyageurs à certaines heures quand on voit les conditions de transport des usagers, par exemple sur les lignes A et B du RER. Le projet du Grand Paris Express semble avoir des difficultés ; de nombreuses zones proches ne sont pas desservies par les transports en commun ou le sont mal. Si l'on veut un transfert massif vers des modes de transports alternatifs, encore faut-il que ces derniers existent ! Cette offre alternative est-elle aujourd'hui suffisante pour mettre en place une contribution anticongestion ?

M. Philippe Dallier. - S'il faut attendre que les transports en commun soient efficaces, on en reparlera en 2035 ou en 2040 quand le Grand Paris Express aura été financé ! Je vois bien comment cela va se passer : avant les élections municipales, on évoquera la gratuité des transports ; après, on parlera du péage urbain, mesure qui aura plus de chances d'aboutir.

La grande différence avec Londres, c'est l'outil de gouvernance de la métropole, le Grand Londres, avec une autorité des transports, sur un périmètre qui me semble pertinent. La Ville de Paris fait ce qu'elle veut - j'en veux pour preuve la fermeture des voies sur berge -, sans concertation avec les municipalités alentour. En surface, le Grand Londres représente à peu près la métropole du Grand Paris, avec la petite couronne. La zone payante est-elle l'équivalent de Paris intra-muros ?

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Elle représente 21 kilomètres carrés.

M. Philippe Dallier. - Paris intra-muros représente beaucoup plus ; les banlieusards seraient donc priés de bien vouloir payer.

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - À Stockholm, la surface est double, soit 47 kilomètres carrés, pour cinq fois moins d'habitants - 2 millions d'habitants.

M. Rémi Féraud. - Paris a une surface légèrement supérieure à 100 kilomètres carrés.

M. Jean-François Husson. - Je remercie Fabienne Keller de son retour d'expérience. Pour ma part, je suis très partagé. Rebaptiser le nom ne changera rien. Sur ce sujet, il faut jouer cartes sur table. Le préalable est de parvenir à baisser la fiscalité générale.

Comme l'a relevé le rapporteur général, la fiscalité relative aux carburants est punitive et contreproductive, et elle commence à hérisser les Français dans les territoires ruraux mais également urbains. Une telle approche ne permet pas, selon moi, un débat apaisé. Il faut créer un climat de confiance.

Par ailleurs, l'État a une responsabilité particulière. Dans le contentieux européen, on demande des comptes à l'État français. Au travers de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), l'État a confié aux grandes agglomérations la responsabilité exclusive de traiter ce dossier. Je l'ai toujours dit, ce jeu de bonneteau est inacceptable. Comme l'a souligné Fabienne Keller, dans les deux tarifs de congestion évoqués, l'État a joué un rôle d'appui décisif.

En outre, le rapport de la commission d'enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l'air, qui a fait l'unanimité, a un peu alimenté la chronique des médias pendant quelques jours et a été adressé à chaque nouveau ministre, dont, initialement, Ségolène Royal. Mais il est resté lettre morte. Aucun membre de la commission n'a obtenu de rendez-vous. C'est vous dire la considération pour notre travail, dans une démocratie ouverte et apaisée !

Enfin, je vous rappelle que le diesel est moins nocif pour le réchauffement climatique que l'essence, mais qu'il est plus nocif en termes de pollution de l'air. L'État ne peut pas prendre des décisions en fonction du moment : il faut dire les choses. La vallée de l'Arve doit gérer ce problème, il a fallu trois ans pour que les populations acceptent les diagnostics. Dans le contexte actuel, je suis d'accord pour travailler sur le sujet, mais des préalables doivent être posés. Il s'agit d'un sujet important, voire majeur. Entendons-nous d'abord sur un état des lieux ! Il s'agit en quelque sorte de revenir à l'état d'esprit du Grenelle.

M. Claude Nougein. - Les deux villes citées pratiquent-elles une différenciation des tarifs selon la puissance des véhicules ? Je ne le crois pas. Ne pensez-vous pas qu'une telle mesure serait demandée, vu la propension française à vouloir faire payer les propriétaires de grosses voitures pour lutter contre les inégalités ?

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Merci pour votre intérêt pour ce rapport délicat, car il examine la piste de nouvelles contributions, à l'heure où le niveau des prélèvements obligatoires est tel que l'exaspération contre les impôts atteint des records.

Initialement, la contribution climat-énergie devait être entièrement dédiée à l'investissement en faveur du chauffage urbain et du transport. C'était une idée vertueuse : en aidant les gens à investir dans leurs modes chauffage ou de transport, on les aide non pas à éviter le paiement de la taxe, mais bien à économiser l'énergie et à réduire leur facture. Je n'accepte pas que le produit de cette contribution ne soit pas entièrement redéployé pour soutenir des investissements liés à la transition écologique. C'est pourquoi je souscris à l'idée de Jean-François Husson d'un compte retraçant le produit de cette taxe. Son produit augmentera de 14 milliards d'euros à l'horizon 2022 : il faut que cet argent finance les investissements des ménages et des entreprises. C'est toute la question de la transparence sur l'affectation des recettes. Mais même pour un dispositif aussi ciblé que les radars routiers, on n'a pas été capable d'expliquer que la recette contribuait à financer la sécurité routière. Tout cela ne fait que limiter l'acceptabilité sociale des nouveaux dispositifs. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) est ainsi devenue une recette fiscale comme une autre, destinée à équilibrer le budget de l'État. Pour les Français, c'est le tonneau des Danaïdes puisque le déficit dure depuis trente ans !

Vous soulignez qu'il est nécessaire de développer des alternatives. C'est en effet un point très important. Il faut raisonner en termes de chainages des déplacements. Certaines lignes de RER sont dans un état calamiteux. L'alternative à Paris est-elle possible ? Je n'entrerai pas dans ce vaste débat que Philippe Dallier maîtrise mieux que moi...Il me semble que le Grand Paris apporte un début de réponse même s'il ne cesse d'être reporté dans le temps, ce qui est regrettable. Il faut tenir compte de la perception du voyageur. La perception du transport change selon que l'on voyage dans un cadre agréable, chauffé et sécurisé ou que l'on passe beaucoup de temps à attendre sur des quais dans le vent avec la peur de se faire agresser. Le chantier est vaste. Les provinciaux n'accepteraient pas de voyager dans les mêmes conditions que les Parisiens...

M. Vincent Éblé, président. - Les Parisiens ne l'acceptent pas non plus !

M. Philippe Dallier. - Ils n'ont pas le choix, non plus que ceux qui habitent en banlieue !

Mme Fabienne Keller, rapporteure. - Il est intolérable que les abris sur les quais ne représentent que 20 % de la longueur du quai ! On pourrait améliorer grandement la situation si l'on mettait moins l'accent sur les infrastructures et davantage sur la qualité de vie.

S'agissant de la gratuité et des péages urbains, il faut être réaliste. Une tribune parue dans Le Monde aujourd'hui rappelle que la gratuité n'existe pas. La seule question est de savoir qui doit payer ? Tout est aussi question d'échelle. Si la gratuité peut avoir du sens dans une petite ville, où les transports sont plus limités, elle semble beaucoup moins raisonnable dans une grande ville où le coût des transports en commun est beaucoup plus important.

En filigrane se pose la question de la gouvernance des politiques de qualité de l'air. À l'inverse de ce qui de passe pour la gestion de l'eau ou des déchets, on ne sait pas qui est responsable faute d'un lieu de gouvernance. Le seul lieu qui rassemble les acteurs est les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), mais elles ne gèrent pas de budget.

Si l'on peut réfléchir au nom de la contribution, il serait opportun de s'écarter d'une terminologie qui rappelle le schéma de la redevance d'infrastructure, qui sert à financer une infrastructure, mais n'a pas d'objectif écologique. Oui, il faut faire baisser la fiscalité. Il faut aussi éviter la fiscalité punitive, qui est contreproductive ; alors que les Français sont favorables à des mesures en faveur de l'environnement, évitons de justifier la hausse des taxes par ce prétexte sans utiliser les fonds réellement pour l'environnement ! Cela ne fait que renforcer l'exaspération antifiscale. C'est pourquoi je suis favorable à une comptabilité transparente sur la contribution climat-énergie, pour que l'État nous démontre que ses recettes sont entièrement réinvesties dans l'amélioration des systèmes de chauffage et de transport.

La loi NOTRe confie aux agglomérations la compétence exclusive en matière de qualité de l'air. C'est dommage, car les masses d'air ont tendance à se déplacer, et des épisodes de pollution aux particules en France sont parfois liés à des pratiques agricoles en Pologne ou ailleurs. En tout cas, on ne pourra pas progresser si tous les acteurs ne vont pas dans le même sens, ni sans associer les citoyens. Le travail de la commission d'enquête du Sénat sur la pollution de l'air n'est malheureusement pas assez connu. C'est pourquoi j'ai tenu à le citer dans mon rapport.

Enfin, différencier le coût de la taxe en fonction de la puissance des véhicules est une piste intéressante, qui n'a jamais été réalisée. Plus le dispositif sera fin, plus il sera accepté et efficace.

La commission donne acte de sa communication à Mme Fabienne Keller et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

La réunion est close à 12h50.