Jeudi 21 juin 2018

- Présidence de Mme Corinne Imbert, présidente -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Table ronde avec la direction générale de la santé (DGS), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la direction de l'eau et de la biodiversité

Mme Corinne Imbert, présidente. - Nous accueillons ce matin des représentants de services ministériels pour approfondir nos réflexions à la fois sur les enjeux du développement de la filière des plantes médicinales et les métiers liés à l'herboristerie. Pour la direction générale de la santé (DGS) du ministère des solidarités et de la santé, nous accueillons Mme Céline Perruchon, sous-directrice de la politique des produits de santé, accompagnée de Mme Cécilia Mateus du bureau du médicament. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère chargé de l'économie est représentée par Mme Annick Biolley-Coornaert, sous-directrice des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires et M. Guillaume Cousyn, adjoint au chef de bureau nutrition et information sur les denrées alimentaires. Enfin, M. Michel Perret, chargé de mission auprès du sous-directeur de la protection et de la restauration des écosystèmes terrestres s'exprimera au nom de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de la transition écologique et solidaire. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation n'est finalement pas représenté.

Cette audition a été ouverte à la presse et au public.

Mme Annick Biolley-Coornaert, direction générale de la concurrence, de consommation et de la répression des fraudes. - Je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir invité la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à s'exprimer sur ce sujet ô combien vivant et passionnant qu'est l'herboristerie, comme en ont témoigné vos précédentes auditions.

A titre liminaire, je souhaite rappeler que la DGCCRF est l'administration chargée de garantir le bon fonctionnement des marchés de consommation intérieurs. Elle intervient dans tous les domaines de la vie économique, y compris ceux abordés par votre mission d'information. Administration au service des consommateurs, la DGCCRF a l'ambition permanente de répondre à leurs attentes, de s'adapter à leur nouveau mode de consommation, en veillant à la sécurité des produits mis sur le marché français et à la loyauté des pratiques commerciales des professionnels à leur égard. Ce faisant, elle contribue également à maintenir les conditions d'une concurrence saine et loyale entre ces professionnels.

La DGCCRF intervient à la fois en amont, en particulier par l'exercice d'un pouvoir normatif qui lui permet de définir les conditions requises pour atteindre les objectifs en matière de sécurité et de loyauté, et en aval, en effectuant des contrôles chez les professionnels afin qu'ils se conforment aux règles édictées, tant au niveau national qu'européen.

Si la DGCCRF n'a pas vocation à se prononcer sur la nécessité de reconnaître et d'encadrer le statut des herboristes, elle est intéressée par leurs activités à plusieurs chefs.

En effet, l'herboristerie recouvre de multiples activités professionnelles, de la production à la distribution, ainsi que divers types de produits. La mise sur le marché de ces produits à base de plantes va soulever de nombreux défis réglementaires pour l'herboriste, dont certains dépassent d'ailleurs le strict cadre de compétences de la DGCCRF.

En premier lieu, l'herboriste devra déterminer le statut du produit qu'il commercialise en fonction de l'usage qu'il entend lui donner (aliment, médicament, cosmétique) et appliquer les règles inhérentes au statut. La réglementation européenne a, en effet, défini des cadres réglementaires spécifiques par catégorie de produit et a interdit quasiment toute forme de superposition. Pour dire les choses plus simplement, un produit ne peut être à la fois un aliment et un cosmétique ou un aliment et un médicament. Or certains produits présentent, par nature, de multiples usages, à l'instar des huiles essentielles que l'on peut parfois ingérer, appliquer sur la peau ou diffuser dans son environnement. Le droit européen, à ma connaissance, ne reconnaît pas la possibilité pour un professionnel de commercialiser un produit sous plusieurs dénominations.

Autre écueil : le monopole pharmaceutique qui interdit à un herboriste de vendre des préparations simples telles que les plantes séchées pour infusion dès lors que la plante est considérée comme étant médicinale sans bénéficier de l'exonération prévue à l'article D. 4211-11 du code de la santé publique (la fameuse liste des 148 plantes déjà évoquée à plusieurs reprises devant votre mission). Une exception remarquable existe néanmoins : le complément alimentaire qui échappe au monopole grâce à l'article D. 4211-12 du même code. Une exception qui explique en partie le nombre croissant de déclarations reçues par la DGCCRF pour ces produits, on en reparlera.

Il faut enfin signaler l'existence d'un cadre réglementaire très strict pour ce qui concerne la communication santé portant sur les denrées alimentaires.

Compte tenu des problématiques relatives à l'emploi de plantes médicinales que soulève la mission mais aussi des auditions déjà réalisées, il m'est apparu important de vous présenter plus spécifiquement deux aspects dont j'ai la charge et qui reflètent les activités de la DGCCRF : la loyauté des allégations de santé relatives aux plantes tout d'abord, la sécurité des compléments alimentaires à base de plantes ensuite.

Pour ce faire, je passe la parole à mon collègue, Guillaume Cousyn, qui est le spécialiste de ces questions.

M. Guillaume Cousyn, direction générale de la concurrence, de consommation et de la répression des fraudes. - Je commencerai par vous expliquer ce que peuvent ou ne peuvent pas dire les herboristes sur leurs produits dès lors que ceux-ci sont positionnés comme des denrées alimentaires (y compris les compléments alimentaires).

Avant cela, il faut rappeler qu'avant 2007, tout opérateur souhaitant communiquer sur les caractéristiques nutritionnelles de l'aliment (par exemple : riche en calcium) qu'il commercialise ou sur ses bénéfices pour la santé (par exemple : le calcium contribue au développement osseux), était soumis à l'obligation de publicité non trompeuse. Il devait ainsi présenter un dossier permettant d'alléguer sa communication. Il appartenait à la DGCCRF de recueillir ses justificatifs et de démontrer, le cas échéant, en quoi cette communication pouvait être trompeuse pour le consommateur. Il s'agissait d'un travail particulièrement fastidieux, d'autant plus que le marché était en pleine expansion. Face à la prolifération de ces allégations, l'Union européenne s'est dotée d'une réglementation ambitieuse, par le biais du règlement 1924/2006, qui a opéré un changement drastique de paradigme : tout opérateur souhaitant mettre en avant les bénéfices de son produit doit au préalable obtenir une autorisation de la commission européenne après évaluation par l'autorité européenne de sécurité des aliments (AESA).

Je vous ai représenté une version schématisée du processus d'autorisation qui peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années. Comme vous pouvez le constater, ce processus se déroule en trois temps : un examen de la recevabilité par l'autorité compétente de l'État membre dans lequel la demande est introduite (la DGCCRF pour la France), une évaluation scientifique par l'AESA à Rome, une décision par comitologie (pour laquelle la DGCCRF représente la France).

A ce stade, il faut souligner que dès le départ et conformément aux termes du règlement 1924/2006, l'AESA a exigé le plus haut niveau de preuves scientifiques, en l'occurrence des études en double aveugle contre placebo (minimum 50 000 euros l'étude). Ainsi, pour les plantes, elle a refusé de valider des allégations reposant uniquement sur la tradition, répertoriée dans des ouvrages de référence et des monographies. Pour l'anecdote, nous en sommes arrivés à une situation cocasse où un député européen mettait au défit M. Barroso, alors président de la commission européenne, de participer à un concours de pruneaux, pour prouver les effets sur le transit de ces derniers.

Or, plusieurs États membres, dont la France, ont fait valoir que la tradition était déjà un élément reconnu pour établir l'efficacité des médicaments traditionnels à base de plantes. Ainsi, le niveau d'exigence est plus élevé pour les produits d'alimentation que pour les médicaments traditionnels. Ces États ont souligné l'existence d'une disproportion importante entre les niveaux d'exigence, disproportion non justifiée et de surcroit susceptible de générer des contentieux. La commission européenne a alors mis le dossier en attente, le temps de procéder à diverses consultations. C'était en 2009. Aucune évolution significative n'a été apportée depuis lors.

Très concrètement, la mise en attente de l'évaluation des allégations de santé « plantes » a conduit l'Union européenne à admettre, à titre transitoire, l'utilisation des allégations « en attente ». Cette liste apporte une marge de manoeuvre non négligeable aux herboristes mais la situation n'est guère satisfaisante car aucune autre allégation ne peut être employée (à moins de déposer une demande fondée sur des études cliniques particulièrement coûteuses). Sans compter que cette liste s'avère très imparfaite.

Il faut enfin souligner qu'il est strictement interdit pour une denrée alimentaire de faire état de propriétés de prévention, de traitement ou de guérison de maladies humaines, sous peine d'encourir de multiples peines.

Venons-en maintenant aux compléments alimentaires. Tout opérateur souhaitant commercialiser en France un complément alimentaire à base de plantes doit effectuer une déclaration auprès de la DGCCRF au moyen de la téléprocédure dédiée. La DGCCRF dispose de deux mois pour réagir. Afin de faire autoriser son produit, l'opérateur doit apporter la preuve d'une commercialisation légale au sein d'un autre État membre de l'Union européenne. C'est l'application du principe de reconnaissance mutuelle.

La DGCCRF doit ensuite introduire les plantes contenues dans les compléments alimentaires qu'elle a autorisés sur la liste nationale des plantes autorisées dans les compléments alimentaires en France. C'est l'objet de l'arrêté du 24 juin 2014. A ce stade, il faut bien comprendre que la réglementation française en matière de plantes pouvant être utilisées dans les compléments alimentaires se construit un peu « passivement », par mimétisme de ce que font les autres États membres, même si la France a des choses à dire.

Enfin, la DGCCRF applique des programmes de contrôle afin de vérifier la conformité des produits mis sur le marché. Avant d'évoquer les conditions d'emploi permettant de garantir la sécurité des compléments alimentaires à base de plantes, je tenais à vous apporter quelques données chiffrées. En 2017, la DGCCRF a reçu environ 1 100 déclarations par mois, pour un total de près de 13 000 déclarations dans l'année. Ce rythme de déclaration est constant d'année en année ; il témoigne de la bonne santé économique de ce secteur (+ 5,8 % en 2017) et du renouvellement important des produits.

On peut d'ailleurs noter la prépondérance des ingrédients « plantes » par rapport aux autres types d'ingrédients actifs.

Tout à l'heure, j'évoquais la construction passive de la réglementation française. En réalité, elle n'est pas si passive que cela puisque, d'une part, la DGCCRF peut s'opposer à la commercialisation d'un complément alimentaire en France sous réserve d'être en mesure d'en démontrer la dangerosité dans les conditions d'emploi proposées et, d'autre part, la DGCCRF a contribué à un rapprochement des réglementations belge, française et italienne : le projet BELFRIT.

L'objectif était, en l'absence d'harmonisation européenne, de définir une liste commune de plantes et de conditions d'emploi afin de faciliter les échanges entre ces trois pays. Pour ce faire, nous avons mis en commun les différentes listes nationales, corrigé les dénominations et mis à contribution trois pharmacognostes réputés (experts dans les agences nationales et européennes) qui ont soigneusement épluché toute la littérature disponible pour chaque plante figurant dans la liste commune. Des restrictions ont notamment été proposées.

Le fruit de ce travail est une liste d'environ 1 000 plantes assorties de conditions d'emploi quantitatives ou qualitatives (avertissements à destination de populations fragiles). 500 plantes font ainsi l'objet de restrictions d'emploi. Ce travail, déjà intégré dans les réglementations belge et italienne, nous sert de doctrine lors de l'examen des déclarations de compléments alimentaires. C'est le cas du millepertuis notamment.

Toujours dans un objectif de sécurité, la DGCCRF a introduit dans l'arrêté du 24 juin 2014 l'obligation pour les opérateurs de tenir à la disposition des autorités de contrôle des informations essentielles pour garantir la qualité des préparations de plantes. Ces informations concernent l'identification de la plante, le process de transformation et les spécifications de la préparation de plantes.

Cette exigence impose des obligations de moyens, au-delà des obligations de résultat, et vise à élever le niveau de maîtrise de la qualité de tous les acteurs de la chaîne de fabrication du complément alimentaire. Le but est que l'opérateur final ne soit pas passif. L'annexe I de ce décret dresse la liste des plantes et l'annexe II impose aux opérateurs de disposer d'un dossier de contrôle reprenant les caractéristiques des préparations de plantes.

Un syndicat français des compléments alimentaires, le Synadiet, a développé un formulaire pour ses adhérents afin qu'ils remplissent au mieux cette obligation franco-française. Il faut souligner que les deux syndicats européens de fabricants de compléments alimentaires, FSE et EHPM, se sont dotés eux aussi de formulaires similaires sur la qualité des préparations à base de plantes, reprenant les items de l'annexe II de l'arrêté français qui a ainsi contribué à sa manière à l'harmonisation européenne.

La DGCCRF est en train de mettre à jour la liste des plantes autorisées et de rédiger un document plus complet recensant les restrictions, quantitatives et/ou qualitatives, qu'elle impose pour chaque plante. Ce document reprend les restrictions mais surtout en explique les raisons en citant notamment des sources bibliographiques. Doivent notamment être expliqués les contenus chimiques et les risques potentiels. Ce document permet de mieux comprendre l'origine de la doctrine administrative et conduira probablement à mieux la faire évoluer en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques.

Pour conclure, je tiens à rappeler ce qu'a souligné ma sous-directrice tout, à savoir les trois principaux obstacles réglementaires auxquels se heurtent les herboristes dans leurs démarches de commercialisation et qui peuvent selon les cas s'avérer rédhibitoires. La réglementation européenne s'intéresse aux produits. Elle est drastique. Enfin, elle prend en compte la communication et la publicité faites non seulement par écrit mais aussi par oral. Si une personne, y compris un praticien, présente un effet sur la santé non autorisé par le règlement, il est en infraction.

Mme Céline Perruchon, directrice générale de la santé. - La direction générale de la santé (DGS) est la direction au sein du ministère des solidarités et de la santé chargée de la conception et de la mise en oeuvre de la politique de santé publique.

Elle est chargée de la protection de la population contre les menaces sanitaires et veille à la qualité, à la sécurité et à l'égalité d'accès au système de soins.

Parmi les missions de la DGS figure l'élaboration de la politique liée aux produits de santé, dont les médicaments, les dispositifs médicaux et les produits issus du corps humains. La DGS se préoccupe également des produits cosmétiques et de tatouage. Les produits cosmétiques sont en effet liés à votre sujet.

La DGCCRF a mis l'accent sur l'importance de la réglementation européenne pour ce type de produits, surtout pas catégorie de produits.

Sur le plan de la réglementation française, les plantes médicinales peuvent être utilisées pour la fabrication de médicaments. Elles peuvent être délivrées en vrac ou sous forme de préparation pharmaceutique, par les officines de pharmacie. Certaines plantes médicinales qui sont dites « comme ayant un usage thérapeutique » sont identifiées dans deux listes publiées dans la pharmacopée française : elles sont réservées à la vente en pharmacie.

Au total, 546 plantes médicinales sont inscrites à la pharmacopée française et font l'objet de spécifications particulières. La liste se décline en deux parties :

- la liste A comprend les plantes médicinales utilisées traditionnellement, au nombre de 365. Elle comprend 148 plantes pouvant également avoir des usages alimentaires ou condimentaires, pour lesquelles il n'y a pas de monopole pharmaceutique ;

- la liste B comprend des plantes médicinales utilisées traditionnellement en l'état ou sous forme de préparation, dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu. C'est ainsi le rapport bénéfice/risque qui est pris en compte. Elles sont au nombre de 123. Aucune plante de cette liste B ne fait l'objet de dérogation au monopole pharmaceutique.

L'ensemble de la chaîne fait l'objet de contrôles précis sur le plan de la qualité des matières premières. Les monographies de la pharmacopée permettent ainsi de valider l'identification de la plante, sa qualité et son absence de contamination. Le pharmacien s'approvisionne auprès d'établissements pharmaceutiques de producteurs en gros. La préparation des plantes - que ce soient les plantes médicinales ou l'aromathérapie avec les huiles essentielles - fait l'objet de contrôles sur le plan de la préparation et de la délivrance. Il y a sur ces sujets un monopole pharmaceutique majoritaire.

La problématique majeure est la sécurité de la personne qui va utiliser les plantes, car on ne connait pas encore tous les effets qu'elles peuvent induire. Il y a ainsi un enjeu de formation des professionnels et d'information de l'utilisateur.

Le pharmacien, au regard des plantes et des produits qui en contiennent, a un rôle à jouer en tant qu'acteur majeur de la santé publique. D'ailleurs, il est désormais chargé de participer à des campagnes de vaccination ou de dépistage, et joue un rôle de prévention du tabac. Le ministère en charge de la santé accorde une attention particulière aux missions des pharmaciens. Leurs conseils sur les produits relevant du monopole pharmaceutique sont essentiels.

Pour autant, si un métier d'herboriste devait être créé, pour nous les conditions seraient de veiller à apporter toutes les garanties nécessaires, par le biais de formations de qualité validées. À ce stade, beaucoup de formations existent, mais il faudrait aboutir à un cursus bien défini. Le pharmacien, par exemple, bénéficie dans son cursus d'une formation. Il faudrait également que l'herboriste respecte les règles fixées pour chacun des produits à base de plantes. Les plantes sont utilisées dans plusieurs catégories de produits, comme des médicaments ou des compléments alimentaires, et obéissent, pour chacune de ces catégories, à une réglementation, le plus souvent européenne.

Faut-il créer un métier d'herboriste ? Il faut aussi s'interroger en amont sur l'organisation de l'offre de soins et sur l'existence ou non d'un manque à un endroit de cette organisation qui ferait une place à l'utilisation de ces produits. On peut également s'interroger sur la nécessité de renforcer les formations des professionnels de santé sur l'utilisation de ces produits à base de plantes, plutôt que de créer un nouveau métier.

M. Michel Perret, direction générale de la biodiversité et de l'eau. - La direction de la biodiversité et de l'eau a la charge de la santé des écosystèmes. Je travaille pour la sous-direction en charge de la protection des espèces sauvages, notamment les plantes, et des espaces qui les contiennent. Le rôle de la direction de la biodiversité et de l'eau est de concevoir, mettre en oeuvre et suivre la réglementation, mais aussi, dans le cadre de la stratégie nationale de la biodiversité, de valoriser les activités qui utilisent de manière raisonnable et durable les ressources naturelles. Nous voyons un intérêt pour une profession d'utiliser durablement la biodiversité, mais aussi pour le grand public, en montrant l'exemple de l'exploitation d'un écosystème favorable à son maintien.

Nous soutenons les activités de l'association française des cueilleurs de plantes sauvages (AFC) et nous la consultons.

Le code de l'environnement précise le cadre de protection des espèces sauvages et les exploitations possibles : destruction, vente, transport... Un arrêté du 20 janvier 1982 fixe la liste des plantes entièrement protégées. Une première liste en annexe indique les espèces les plus menacées. Pour ces dernières, toute activité est interdite, sauf dérogations. Celles-ci, très strictes, doivent répondre à trois critères cumulatifs, dont l'usage réservé à la science et la connaissance scientifique. Il ne peut donc y avoir, pour ces plantes, une production de marché. La deuxième annexe comporte les plantes partiellement protégés. La destruction des spécimens est interdite, mais leur cueillette et leur utilisation sont soumises à des autorisations administratives préalables.

Les dispositions de l'arrêté de janvier 1982 sont complétées dans chaque région par des arrêtés préfectoraux, fixant la liste d'espèces protégées avec interdiction de les cueillir ou de les détruire. Pour ces plantes, aucune distinction n'est faite.

Si ces interdictions concernent des plantes sauvages, vous pouvez toutefois cultiver ces espèces. Un dispositif prévoit que les plantes de l'annexe 1 dont la cueillette est normalement interdite peuvent faire l'objet, après autorisation administrative, d'une culture.

Un autre corpus réglementaire concerne la cueillette. L'arrêté du 13 octobre 1989 fixe au niveau ministériel la liste des plantes traditionnellement cueillies. Celles-ci peuvent également faire l'objet d'une réglementation préfectorale, afin d'interdire ou de restreindre la cueillette en fonction de la période ou de la quantité. Dans ce cas, ce n'est donc pas une autorisation administrative qui est donnée, mais une réglementation préfectorale qui définit les contours de la norme applicable.

Il est important que les professionnels connaissent ces réglementations et mettent en oeuvre en amont une pratique respectueuse, afin d'éviter la mise en place d'une réglementation plus drastique. Notre but est de surveiller l'état de conservation des espèces. Si une espèce cueillie fait l'objet d'une pression indue, son statut va changer et elle va être réglementée. Il est de l'intérêt de tous d'éviter un excès de réglementation. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire d'avoir une utilisation raisonnée de la ressource : c'est ce que nous promouvons en lien avec l'association des cueilleurs de France. Cette association met ainsi en oeuvre une charte de bonnes pratiques et des fiches techniques dans le cadre du projet « FLORES ». Ce projet bénéficie de soutiens privés et de la part du ministère en charge de l'écologie, pour élaborer cette charte et structurer la profession des cueilleurs. Il y a quelques années, et c'est encore un peu le cas aujourd'hui, ces professionnels étaient isolés. Il fallait soutenir leur mise en contact, organiser des séminaires, des groupes de travail. Cette année, les documents mentionnés devraient être publiés.

Des études sont conduites pour mesurer l'état de la ressource, c'est-à-dire l'état de conservation des espèces et leur capacité à perdurer sur le long terme, ainsi que pour identifier les menaces qui pourraient restreindre leur dynamique. Nous avons depuis dix ans soutenu le programme d'étude et d'élaboration des listes rouges de l'Union internationale de la conservation de la nature. En France, ce travail est réalisé par le comité français de l'union internationale de la conservation de la nature, ainsi que par le Museum national d'histoire naturelle. Il vise à élaborer des listes rouges se déclinant par territoire et par groupe d'espèces. Une liste rouge existe dans chacune des anciennes régions administratives pour les plantes vasculaires, qui qualifie leur statut au regard des codes de l'Union internationale de la conservation de la nature : en danger, en danger critique, vulnérable, quasi-menacé, de préoccupation mineure.

Nous sommes sur le point d'établir une liste nationale par agrégation de l'ensemble des listes, ce qui nous permettra d'avoir une vision nationale des plus de 4 000 taxons de flores vasculaires présentes sur le territoire métropolitain.

En 2012, une évaluation des 1 000 plantes les plus menacées en France a été réalisée. Les résultats sont consultables sur le site internet du comité français. Un des critères d'évaluation porte sur la tendance de croissance de la population d'un taxon.

Ces données sont lourdes à recueillir. Elles reposent sur le travail des conservatoires botaniques nationaux qui sont une particularité française ; nous avons la chance de posséder de tels organismes scientifiques. Soutenus par le ministère en charge de l'écologie, ces conservatoires se répartissent sur l'ensemble du territoire national. Ce sont des structures dédiées à l'étude, la connaissance et la conservation des espèces sauvages. Ces organisations territoriales peuvent entrer en contact avec les professionnels et, en fonction des territoires, déterminer les activités favorables à l'utilisation de la ressource.

L'AFC a travaillé avec plusieurs conservatoires botaniques nationaux dans le cadre du projet FLORES. Un des ateliers, auquel j'ai participé, portait sur l'estimation de la ressource. Ce sujet doit encore être développé et nécessite une connaissance plus précise, afin de mieux qualifier l'état de la ressource.

M. Joël Labbé, rapporteur. - Nous n'avons pas évoqué la question des ventes sur internet. Comment s'exercent les contrôles éventuels ? quel en est le bilan ?

Je souhaite évoquer la richesse des outre-mer. Vous avez parlé lors de l'évaluation de l'état de la ressource, du territoire métropolitain. Quelles sont les particularités des outre-mer ? Comment sont-elles prises en compte par vos services ?

Comment voyez-vous l'évolution du lien entre les cueilleurs et les conservatoires botaniques nationaux ? Quel pourrait être le rôle de chacun ?

Plusieurs intervenants ont jugé la réglementation extrêmement complexe, notamment pour les petits producteurs, et critiqué sa segmentation alors qu'une même plante peut avoir des usages multiples. Des simplifications de la réglementation sont-elles envisagées, y compris au niveau européen ?

M. Michel Perret, direction générale de la biodiversité et de l'eau. - En ce qui concerne le rôle de l'AFC, nous voyons un atout à soutenir toute démarche visant à promouvoir une utilisation durable de la biodiversité. C'est un gage de respect de la réglementation, mais aussi un exemple pour l'ensemble de la société. Nous avons soutenu les travaux de l'AFC, notamment la rédaction d'une charte. Nous avons également engagé les conservatoires botaniques nationaux à proposer leur aide. Je n'ai pas évoqué les différentes initiatives territoriales qui existent sur les territoires. Le projet FLORES se fait par la construction de partenariats avec les scientifiques et les gestionnaires d'espaces. Il y a des initiatives de valorisation de la ressource. Je pense aux parcs naturels régionaux, aux espaces protégés, pour lesquels une réglementation spécifique existe : toute cueillette est interdite, qu'il s'agisse ou non d'une espèce protégée.

Le dispositif prévu par l'arrêté du 20 janvier 1982 ne concerne que le territoire métropolitain, à l'exclusion des outre-mer. Toutefois, il existe des dispositions régionales y compris dans ces territoires. L'un des enjeux est de faire évoluer ces réglementations.

Des évaluations de l'état de la conservation de la flore dans les outre-mer ont été réalisées. C'est un chantier important eu égard à la richesse de la biodiversité. En ce qui concerne la cueillette, cette dernière est encadrée par une réglementation régionale : des décisions préfectorales en ce sens ont été prises dans les outre-mer.

M. Guillaume Cousyn, direction générale de la concurrence, de consommation et de la répression des fraudes. - En ce qui concerne internet, nous travaillons en fonction des catégories de produits conformément à la réglementation européenne. Ainsi, la vente de plantes en vrac ne relève pas de la compétence de la DGCCRF. Mais cette dernière intervient pour la vente sur internet de denrées alimentaires ou encore de compléments alimentaires.

Nous disposons au sein de la DGCCRF d'un service de surveillance du commerce électronique. Si le site se situe dans un pays de l'Union européenne, nous disposons d'un protocole d'échanges et de signalement rapide de l'infraction. C'est le réseau « foodfraud ».

Nous avons réalisé en 2016 une enquête sur le contrôle des allégations de santé sur les sites internet spécialisés dans la vente de compléments alimentaires. Nous avons constaté un taux de non-conformité de 80 %. Certaines de ces infractions étaient graves - comme des allégations thérapeutiques non autorisées - d'autres moins, par exemple une flexibilité un peu trop grande dans le libellé des allégations. Cette question revient régulièrement dans nos programmes de contrôle.

Je comprends les difficultés des petits acteurs, qui se retrouvent face à des catégories de produits différents et donc des réglementations applicables différentes. Certes les exigences sont similaires - la sécurité et la loyauté - mais les moyens et les résultats qui leur sont opposés sont différents. Ils doivent ainsi jongler entre des textes techniques, dans la mesure où il n'existe pas de réglementation transversale.

En matière alimentaire, la commission européenne s'est lancée dans un programme visant à simplifier le droit européen et à le rendre plus accessible. Toutefois, cette simplification se fera toujours sur la base de catégories de produits.

La DGCCRF a considérablement renforcé son site internet pour expliquer le plus clairement et simplement possible la réglementation en vigueur. Toutefois, nous ne sortirons pas de l'écueil « approche par catégorie de produit ».

Mme Céline Perruchon, direction générale de la santé. - S'agissant des plantes utilisées dans le cadre du monopole pharmaceutique vendues sur internet, elles doivent suivre la réglementation relative à la vente en ligne de médicaments. Il faut une autorisation de la part de l'agence régionale de santé et le site doit être lié à une pharmacie d'officine. Notre préoccupation majeure est de lutter contre la mise en place de sites illégaux qui vendraient des produits présentant des risques pour la santé.

Les sites officiels de vente en ligne doivent respecter certaines modalités. Ils doivent apposer un drapeau français dans un coin de la page d'accueil. L'une de nos préoccupations fortes est la vente de médicaments falsifiés. En effet, pour certaines catégories de produits pharmaceutiques, celle-ci est en pleine expansion, ce qui présente un risque majeur pour la population.

Pour les plantes des outre-mer et la question de leur inscription au monopole pharmaceutique, du point de vue de la direction générale de la santé, il s'agit avant tout d'évaluer leurs effets. L'agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) est chargée de l'évaluation de ce type de produits, dès lors qu'ils sont utilisés dans un cadre thérapeutique.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Lors des contrôles, avez-vous constaté l'existence de failles ? La profession est-elle bien organisée, de manière suffisamment sécurisante pour le consommateur final ? L'agence de biodiversité a inscrit sur une liste 540 plantes. Sont-elles inclues dans vos contrôles ?

Mme Marie-Pierre Monier. - Vous avez évoqué le contrôle des sites internet implantés en en France et dans les pays de l'Union européenne. Comment cela se passe-t-il pour les sites situés hors Union européenne ? En ce qui concerne la culture du chanvre, qu'a-t-on le droit de faire ? Comment peut-on l'utiliser et le transformer ?

Mme Catherine Procaccia. - Dans mon département se sont ouverts deux coffee shops. On constate une faille dans la réglementation, qui comme vous l'avez dit est d'origine européenne. Avez-vous l'intention d'agir ? Nos communes sont perturbées par le fait que l'on puisse vendre ces herbes alors que tout le monde dit que leur usage doit être réglementé.

M. Guillaume Gontard. - Lors de précédentes auditions, on nous a expliqué que plus de 80 % des plantes étaient importées. Quels contrôles, notamment en termes de protection de la biodiversité, sont alors réalisés ? Comment des plantes interdites en France sont-elles bloquées à l'importation ? Existe-t-il une réglementation particulière pour les espèces non endémiques cultivées en France ?

Mme Corinne Imbert, présidente. - Comment travaillez-vous entre ministères, afin de garantir que l'intérêt de santé publique prime sur les intérêts économiques, si c'est effectivement le cas ?

M. Michel Perret, direction générale de l'eau et de la biodiversité. - On regarde les plantes qui sont utilisées dans l'herboristerie. J'ai parlé du nombre de taxons présents sur le territoire métropolitain. Il y en a plus de 4 000.

Certaines espèces, dont l'état de conservation est le plus dégradé, sont soumises à certaines réglementations, quel que soit leur usage. Si je prends la liste des 148 taxons listés à l'article D. 4211-12 du code de la santé publique et que je la croise avec le statut d'évaluation biologique, nous avons deux taxons qui sont en danger, trois taxons déclarés vulnérables, et trois taxons qui sont quasi-menacés. Ces huit taxons sont présents sur le territoire métropolitain. Nous avons également des taxons de préoccupation mineure ou pour lesquels les données sont insuffisantes.

L'évaluation est une chose, la réglementation en est une autre. Sur les 148 taxons, un seul figure à l'heure actuelle à l'annexe 2 de l'arrêté du 20 janvier 1982 : la rose de France. Trois taxons sont listés à l'arrêté du 13 octobre 1989, lequel réglemente la cueillette et permet aux préfets de prendre un arrêté préfectoral réglementant la cueillette : la criste marine, la gentiane jaune et la myrtille.

Notre but est de faire évoluer la réglementation pour qu'elle soit adaptée et proportionnée. Ainsi, lorsque l'on peut éviter d'instaurer des réglementations, notamment par la mise en place d'une charte de bonnes pratiques ou par la gestion en amont de manière raisonnée de la ressource par la filière et les gestionnaires d'espaces, nous le faisons.

En outre, la cueillette de plantes, indépendamment des dispositions du code de l'environnement, est réglementée par le droit de propriété. Vous ne pouvez pas cueillir des plantes sur le terrain d'autrui sans son autorisation, contrairement aux animaux qui sont res nullius. Les plantes ne le sont pas : elles appartiennent aux propriétaires du fond. Ainsi, lorsque l'on va cueillir en forêt domaniale, l'avis de l'office national des forêts ou des communes est nécessaire. Or, en application du régime forestier, il existe des règles de protection patrimoniale. Le propriétaire du fonds, qui donnera son autorisation de cueillette, va s'assurer de la gestion favorable de la ressource, en prévoyant notamment des prélèvements raisonnés.

En ce qui concerne le contrôle à l'importation, les dispositions qui s'appliquent concernent les plantes inscrites à la convention CITES sur le commerce international des espèces menacées. Si une espèce végétale - et je ne sais pas si tel est le cas - est utilisée dans l'herboristerie et relève de la convention internationale CITES, elle est soumise à un système de permis d'importation, avec au niveau communautaire un règlement d'application de la convention CITES reprenant le système de certificat intracommunautaire. Cette réglementation est contrôlée à l'entrée du territoire de l'Union européenne ainsi que par les agents de l'environnement. Les articles L. 411-1 et L. 412-1 du code de l'environnement sanctionnent de façon délictuelle ces infractions. Ces sanctions ont été renforcées, notamment dans le cadre de la loi du 8 août 2016 sur la biodiversité.

Il existe un autre cadre : celui de la directive habitat-faune-flore de 1992. Elle prévoit également une liste d'espèces végétales protégées au niveau communautaire. Les interdictions s'appliquent dans l'ensemble de l'Union européenne.

Il existe par ailleurs des dispositions relatives aux espèces exotiques envahissantes : un règlement communautaire a été adopté il y a quelques années et des dispositions nationales du code de l'environnement le transposent. Au niveau communautaire, est établie une liste d'espèces faisant l'objet d'interdiction de détention, de vente et de transport. Il n'y a pas d'espèce qui relève, à ma connaissance, d'une utilisation au titre de l'herboristerie. Si une telle espèce présentant un caractère menaçant au cas où elle serait relâchée en milieu naturel, soit en application du règlement européen, soit en application de la législation nationale, était cultivée pour l'herboristerie, elle pourrait être interdite.

Le premier exemple que nous avons réglementé a concerné les jussies, avec interdiction de commerce et de détention.

Mme Céline Perruchon, direction générale de la santé. - Ces coffee shops vendent différents produits qui contiennent du cannabidiol ou CBD (savon, crème, huile, plante à infuser...). La réglementation en France est très stricte : c'est l'interdiction de l'usage du cannabis. Pour autant, il y a une dérogation pour l'utilisation du chanvre à des fins industrielles. Elle est fixée dans un arrêté datant de 1990. Certaines variétés de chanvre dépourvues de propriété stupéfiantes peuvent être utilisées si elles respectent trois conditions cumulatives : elles doivent figurer sur une liste, seules les graines et les fibres de ces variétés peuvent être utilisées, à l'exception des feuilles et fleurs, la plante doit avoir une teneur en THC (tetrahydrocannabinol, responsable des effets psychoactifs du cannabis) inférieur à 0,2 %. Ce taux concerne la plante et non pas le produit fini.

La question qui se pose pour le ministère en charge de la santé est le risque pour la population jeune qui pourrait être incitée à travers ces produits à consommer du cannabis. Pour le ministère, et en lien avec les autres ministères, l'enjeu est le contrôle voire la fermeture de magasins qui vendraient des produits ne correspondant pas à cette réglementation. Différents services sont concernés : la police mais aussi les douanes, en raison de la circulation internationale des produits. Des contrôles doivent être faits au regard de l'augmentation du nombre de ces commerces.

M. Guillaume Cousyn, direction générale de la concurrence, de consommation et de la répression des fraudes. - Les résultats des contrôles sont fournis par catégorie de produits.

Dans les bases de données, il est possible d'avoir le nombre de contrôles réalisés chaque année sur les compléments alimentaires. Mais je n'aurai pas de données par plante. En moyenne, sur le marché des compléments alimentaires, nous effectuons des visites au sein de 900 établissements, permettant de faire 3 500 actions de contrôle. Ils portent sur la présentation des produits, leur composition et leur sécurité en matière d'hygiène au sens large.

Dans le domaine alimentaire, des normes très strictes s'appliquent, parfois avec des seuils plus bas que pour le médicament. En effet, l'aliment est ingéré quotidiennement. Ainsi, les seuils en métaux lourds sont très bas. Il est pratiqué un contrôle important sur la sécurité et la loyauté de ces produits. On observe des taux de non-conformité de 20 à 30 %, avec des infractions d'une intensité très variable, par exemple l'absence de l'emploi de la langue française sur le site internet.

Le secteur des compléments alimentaires connaît une professionnalisation importante, avec un renforcement de la qualité et de la sécurité des produits mis sur le marché. Le gouvernement a mis en place en 2009 un dispositif de nutrivigilance, visant à s'assurer que, même après la mise sur le marché, il n'y ait pas d'effets indésirables. A l'heure actuelle, les données issues de la nutrivigilance sont rassurantes, même s'il peut y avoir un phénomène de sous-déclaration. C'est un processus qui se met en place. Il est à nos yeux extrêmement important. Il permet de s'assurer à tous les niveaux de la sécurité des produits.

Les principaux points d'alerte sur le secteur des compléments alimentaires concernent des produits importés. On peut appeler cela des compléments alimentaires, je les appelle les « produits miracles », avec des allégations farfelues, sur des secteurs spécifiques. Je pense en particulier aux produits miracles à visée érectile, qui sont souvent falsifiés avec des analogues du viagra. Le schéma est classique. Ces produits sont importés de pays tiers, revendus sur internet. On est loin du marché traditionnel et conventionnel du complément alimentaire et encore plus loin du sujet qui vous intéresse.

La question du commerce international via internet, en particulier des produits venant de pays tiers, est complexe. Les douaniers ont un rôle à jouer. Un des axes de contrôle du marché est la communication auprès des consommateurs, la transparence. Il est important de rassurer les consommateurs et de leur donner le maximum d'informations, pour qu'eux-mêmes aient une attitude de consommation responsable. Nous étudions le principe du « Name and Shame » visant à dénoncer des pratiques illégales lorsque les acteurs sont à l'autre bout du monde. Pour renforcer la transparence, nous avons mis en ligne la totalité des compléments alimentaires déclarés. Cela peut rassurer avant un achat sur internet. Dans 99 % des cas, les produits à visée érectile ne sont pas déclarés à l'administration française. Cette transparence peut créer un filtre. La base de données est mise à jour quotidiennement.

Pour le travail entre ministères, il se fait par l'intermédiaire de protocoles. Nous avons un protocole de coopération avec l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Il nous permet de coordonner les contrôles de produits pour lesquels la compétence est partagée, comme les cosmétiques, ou des « produits frontières » soulevant des réflexions communes. Nous avons également des réunions annuelles permettant d'échanger sur ces problématiques.

Dès lors que l'on est dans des domaines qui ne sont pas harmonisés, nous sommes soumis à la problématique de la libre circulation des marchandises. Pour autant, nous avons un droit de regard sur les produits mis sur le marché français, même s'ils sont autorisés dans d'autres États membres de l'Union européenne. Si l'on estime qu'il y a une problématique sanitaire, on peut refuser leur commercialisation. On observe un taux d'environ 10 % de refus d'autorisation de compléments alimentaires, pouvant donner lieu à contestation devant les tribunaux administratifs. Les décisions de la DGCCRF sont bien motivées. A ce stade, le juge nous donne raison dans 90 % des cas en première instance et 100 % en appel.

Mme Angèle Préville. - Pouvez-vous nous en dire plus sur les conservatoires botaniques nationaux ? Combien sont-ils ? Quel est le maillage ? Ils doivent avoir une histoire par rapport aux plantes présentes sur les territoires.

M. Michel Perret, direction générale de l'eau et de la biodiversité. - Ce sont des organisations à vocation scientifique et technique, dédiées à l'étude, à la conservation des plantes sauvages et des habitats naturels ainsi qu'à l'information du public. Ces organisations bénéficient d'un agrément de la part du ministère en charge de l'environnement, régulièrement examiné et renouvelé. Des missions précises définies par arrêté, pour un territoire donné, doivent être mises en oeuvre pour obtenir cet agrément. Le conservatoire botanique national du bassin parisien est attaché au Museum national d'histoire naturelle.

Il existe actuellement onze conservatoires. La couverture de l'ensemble du territoire national n'est pas encore tout à fait effective, notamment en outre-mer. Il y a un conservatoire botanique à La Réunion, mais il n'y en a pas sur les autres territoires ultra-marins : on y trouve en revanche des structures émergentes que l'on accompagne. Ces conservatoires sont fédérés au sein d'une fédération dont les attributions techniques ont été affectées, à la suite de la loi biodiversité de 2016, à l'agence française pour la biodiversité. Cette dernière a un rôle de coordination technique auparavant dévolu à cette fédération.

Les structures administratives sont hétérogènes : syndicats mixtes, associations, organisations rattachées à des établissements publics. Ce que l'on cherche c'est l'implication des collectivités territoriales, et notamment régionales, dans ces structures.

Ces conservatoires sont un outil précieux pour l'action sur le terrain. Ils fédèrent les associations de protection de la nature, les gestionnaires d'espace, les naturalistes et botanistes amateurs pour recueillir des données sur l'état de la flore sauvage et sur les milieux naturels. Ces données sont agrégées dans des systèmes d'information qui nous permettent d'avoir des indications sur les espèces et leur état de conservation.

Les conservatoires botaniques nationaux mettent en oeuvre des programmes locaux de protection, en partenariat avec les parcs naturels régionaux ou l'AFC afin d'avoir une gestion raisonnée de la ressource. Ces dispositions sur la cueillette sont à promouvoir et à développer largement, pour prévenir des effets négatifs.

C'est un réseau important dont la France est fière. A notre connaissance, il n'existe pas de système semblable en Europe.

M. Joël Labbé, rapporteur. - Je vous remercie pour vos contributions. Le ministère en charge de l'agriculture n'est pas représenté, mais il y a une raison. Nous avons déjà auditionné FranceAgriMer qui nous avait communiqué tous les éléments relevant du champ de compétences de ce ministère. Il faudra discuter de la préservation des plantes via la gestion de la cueillette, mais également via la biodiversité cultivée. Enfin, nous ne sommes pas allés au bout de la problématique des chanvriers mais il me semble qu'une mission interministérielle a été mise en place.

La réunion est close à 11 h 50.

- Présidence de Mme Corine Imbert, présidente -

La réunion est ouverte à 14 h 10.

Table ronde autour de responsables de formations universitaires : M. Guilhem Bichet, docteur en pharmacie et pharmacien d'officine, Mme Sabrina Boutefnouchet, maître de conférences en pharmacognosie à la faculté de pharmacie Paris-Descartes, M. Thierry Hennebelle, professeur en pharmacognosie à la faculté de pharmacie de l'Université Lille 2

Mme Corinne Imbert, présidente. - Notre mission d'information poursuit ses auditions en accueillant des responsables de formations universitaires spécialisées : M. Guilhem Bichet, docteur en pharmacie, Mme Sabrina Boutefnouchet, maître de conférences en pharmacognosie à la faculté de pharmacie Paris-Descartes et M. Thierry Hennebelle, professeur en pharmacognosie à la faculté de pharmacie de l'Université Lille 2.

Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo et d'une retransmission en direct sur notre site Internet. Elle a été ouverte à la presse ainsi qu'au public, que je salue.

M. Thierry Hennebelle. - Je vais cibler mon propos sur l'offre existante de formations spécialisées, c'est-à-dire les diplômes universitaires et interuniversitaires, et plus précisément sur les thématiques qui y sont abordées et les modalités des enseignements.

Même si chaque diplôme est défini par son concepteur et reflète souvent sa vision personnelle du sujet, la plupart des diplômes existants traitent de phyto-aromathérapie.

Nous avons répertorié douze formations diplômantes universitaires dispensées dans des facultés de pharmacie.

Trois diplômes plus récents traitent spécifiquement d'aromathérapie, sujet en vogue : à Dijon, Rennes et Strasbourg, ce dernier diplôme, spécialisé en « aromathérapie clinique », étant destiné à la pratique en établissement de santé.

J'ai mis à part la formation que je dirige à Lille car ce diplôme recouvre un domaine un peu plus large, à savoir les produits naturels et les compléments alimentaires : à côté de la phyto-aromathérapie, y est traitée la micro-nutrition, qui recouvre les vitamines, les minéraux et les autres substances pouvant entrer dans la composition de compléments alimentaires. À cet égard, la référence à l'ouvrage de Patrice de Bonneval, fondateur de l'École lyonnaise de plantes médicinales, renseigne sur ma conception large de l'herboristerie, à l'instar de son manuel pratique qui aborde les plantes et huiles essentielles mais aussi les vitamines et minéraux.

La progression du nombre de formations illustre assez bien la demande du grand public et l'intérêt des universitaires pour ces sujets : alors qu'il n'existait qu'un seul diplôme, à Besançon, avant 2008, il y en a douze à l'heure actuelle et un nouveau diplôme universitaire (DU) de phyto-aromathérapie ouvrira en 2018 à Grenoble.

J'ai interrogé les responsables de ces formations dans la perspective de cette audition pour savoir, approximativement, combien d'heures ils consacrent à chaque catégorie d'enseignement. Les formations s'intéressent majoritairement aux conceptions scientifiques (données pharmacologiques ou cliniques) qui régissent l'utilisation des plantes médicinales et des autres produits associés, ainsi qu'aux conseils pratiques sur les plantes. Cela correspond aux attentes et demandes des consommateurs, auxquelles ont vocation à répondre ces offres de formation continue. La sécurité d'emploi des produits considérés est également abordée.

Sur les objectifs considérés comme prioritaires par les responsables de ces formations universitaires, la défense d'une conception rationnelle de l'utilisation des plantes médicinales vient en premier, à savoir une utilisation scientifique et médicale correcte.

La diapositive suivante montre une présentation que je propose généralement en introduction de ma formation, pour monter la complexité du sujet : les concepts de phytothérapie, de plantes médicinales ou encore d'herboristerie se recouvrent quelque peu, avec des connotations néanmoins un peu différentes ; parallèlement, les produits ont des statuts différents, comme celui de complément alimentaire, ce qui ne facilite pas la lecture. Le conseil prodigué doit prendre en compte les dangers possibles du produit mais aussi la possible inefficacité du traitement.

Un article publié il y a quelques années par le Canard enchainé, « Des bobologues à la fac », a beaucoup fait parler, en estimant que des facultés de médecine ou de pharmacie s'enrichissaient sur le dos de personnes un peu crédules en lançant des formations sans aucun intérêt. C'est une donnée que nous devons prendre en considération. Cela montre aussi combien nos formations doivent répondre à des exigences scientifiques.

L'illustration suivante, qui montre un médecin menaçant de mort un patient à qui il a prédit deux semaines de survie, et qui a dépassé le temps imparti, renvoie à des images que nous pouvons avoir de la profession médicale, qui ne renverrait pas à une réelle compétence. Nous tentons d'aller à l'encontre de ces images pour rendre compte de la complexité inhérente à la pensée médicale. C'est le même message transmis par la dernière illustration, tirée du livre l'Abyssin, de Jean-Christophe Ruffin, lui-même médecin, illustrant l'histoire d'un « gentil apothicaire-herboriste » opposé au « méchant médecin ». On va souvent opposer une science médicale peu préoccupée de l'être humain à une vision humaniste de l'utilisation des plantes : la réalité est en général plus complexe.

Je terminerai en précisant que les portes de mon diplôme universitaire sont ouvertes aux non-professionnels de santé, considérant que « nous sommes tous herboristes », vision qui, je pense, illustre bien la philosophie que je développe au sein de ma formation et interroge sur ce que pourrait apporter de plus un diplôme d'herboriste.

Mme Sabrina Boutefnouchet. - Je vous remercie d'organiser cette mission autour de l'herboristerie.

Je suis responsable d'une formation universitaire en phyto-aromathérapie à l'Université Paris-Descartes pour les futurs pharmaciens ainsi que d'un diplôme universitaire en formation continue destiné aux pharmaciens et aux autres professionnels de santé.

Le contexte est aujourd'hui celui d'une très forte demande de la population de produits à base de plantes, non seulement dans un but de santé et de bien-être, mais également de prévention voire d'automédication.

Il nous a semblé indispensable d'organiser une formation, le format des DU existants n'étant pas, selon nous, adapté à la demande.

C'est la raison pour laquelle nous avons envisagé, au sein de l'université Paris-Descartes et en association avec le centre de formation professionnelle des préparateurs en pharmacie situé rue Planchat dans le 20ème arrondissement de Paris, de proposer un cursus de licence professionnelle en apprentissage pour former des conseillers spécialisés en herboristerie et produits de santé à base de plantes et ainsi garantir la sécurité d'utilisation de ces produits.

Ce cursus s'adresserait à des personnes diplômées de niveau Bac+2 (BTS santé, brevet professionnel de préparateur en pharmacie, L2 Sciences de la vie, Sciences pour la santé) qui, une fois devenues conseillers, pourraient exercer en pharmacie, parapharmacie, herboristerie, boutique spécialisée ou en grandes et moyennes surfaces.

Notre réflexion anticipe l'éventuelle recréation d'un diplôme d'État d'herboriste et invite à réfléchir aux contours de cette profession. Les prérogatives identifiées sont principalement la vente de plantes en vrac seules ou en mélange, sur la base d'une liste de plantes autorisées qui porte à discussion. Est également revendiquée la réalisation de préparations traditionnelles, tels les macérâts ou teintures de plantes, ce qui doit amener à réfléchir aux bonnes pratiques de préparation et à la traçabilité de ces préparations. Une autre activité serait évidemment la vente d'autres produits à base de plantes, comme les compléments alimentaires ou les huiles essentielles. Quant aux lieux d'exercice des titulaires d'un tel diplôme, nous pouvons envisager, en dehors des boutiques d'herboristerie, des pharmacies, des parapharmacies ou d'autres boutiques spécialisées.

Parmi les revendications les plus fréquentes, revient souvent le souhait d'associer à la vente de ces produits la possibilité de prodiguer des conseils en santé mettant en avant les propriétés médicinales des plantes. À cet égard, un certain nombre de plantes médicinales répondent à un usage traditionnel issu de traditions parfois populaires, réglementé notamment par l'Agence européenne du médicament. Une quinzaine d'indications traditionnelles sont reconnues pour environ 200 plantes : elles concernent des pathologies bénignes pouvant être prises en charge dans le cadre de l'automédication.

Il nous semblerait aujourd'hui raisonnable de lever le verrou réglementaire afin d'associer ces indications traditionnelles aux plantes utilisées en herboristerie, pour permettre, par exemple, d'indiquer que le thym est intéressant pour soulager la toux.

La demande de conseil en santé demande d'acquérir des connaissances solides que l'université peut apporteur pour appréhender le caractère ou non bénin d'une situation.

Ainsi, la formation que nous envisageons associerait plusieurs volets :

- un premier volet pourrait être dispensé par les écoles privées d'herboristerie, avec lesquelles nous avons déjà engagé des discussions, concernant la connaissance des plantes, la botanique, la connaissance du terrain, les circuits de production et de collecte, la gestion et la préservation de la ressource ainsi que les usages traditionnels ;

- un autre volet universitaire, dispensé au sein des universités ou de manière délocalisée, par exemple dans des écoles d'herboristerie ou des centres de formation professionnelle, porterait sur les fondamentaux en santé indispensables, dont la biochimie, la physiologie, l'anatomie, la physiopathologie, c'est-à-dire la capacité de comprendre ce qu'est la maladie pour savoir dans quel cas orienter vers un professionnel de santé et pour appréhender les limites du conseil en santé. Bien entendu, la formation inclurait également les risques de iatrogénie, à savoir les interactions entre plantes et médicaments. C'est également à l'université d'apporter la connaissance du principe actif des plantes, c'est-à-dire la pharmacognosie, et la capacité à analyser et à contrôler la qualité des plantes ;

- le dernier volet pourrait être assuré au sein des centres de formation des apprentis (CFA). Je laisserai M. Bichet vous exposer l'intérêt de l'apprentissage. Ces CFA pourraient participer à l'enseignement des fondamentaux, comme ils le font déjà dans le cadre de la formation des préparateurs en pharmacie.

Cette formation pourrait durer trois ans, comme cela est proposé dans d'autres pays européens, en passant éventuellement par une validation des acquis de l'expérience.

Nous avons le soutien du doyen de l'Université Paris-Descartes dans ce projet de formation. Les principaux avantages seraient de répondre à la réalité de la pratique de l'herboristerie en intégrant la dimension médicinale revendiquée, d'identifier un spécialiste reconnu, aux côtés des pharmaciens, voire même de dynamiser le secteur des PPAM (plantes à parfum, aromatiques et médicinales). En effet, l'université pourrait assurer, au sein de ses laboratoires, la sous-traitance du contrôle-qualité des plantes proposées et encourager les activités de recherche (qualité, intérêt clinique) autour des plantes.

Parmi les difficultés à surmonter, des aménagements réglementaires seraient à envisager, notamment pour réfléchir à la liste des plantes pouvant être proposées par des herboristes, et la mise en place d'une telle formation devrait reposer sur l'accord de toutes les parties. Comme je vous l'ai indiqué, des discussions sont déjà engagées avec les CFA et les écoles d'herboristerie, notamment sur le contenu de la formation.

M. Guilhem Bichet. - Le socle de la formation en alternance est la relation avec l'entreprise et les besoins des entreprises de disposer de personnes directement opérationnelles. C'est le modèle de référence aujourd'hui pour la formation des préparateurs en pharmacie.

Nous voyons d'un bon oeil la collaboration avec l'université : une collaboration tripartite entre des enseignements théoriques universitaires, des enseignements pratiques dans les CFA ou centres de formation professionnelle et une formation sur le terrain, en entreprise, peut être tout à fait fructueuse. Ce schéma serait applicable aux écoles des plantes, sachant que la gestion complète de la partie administrative peut être prise en charge par les centres de formation professionnelle.

Sept centres proposent déjà des formations liées aux plantes, avec un fort taux de réussite en termes d'intégration professionnelle. Pour le centre de formation professionnelle de préparateurs en pharmacie de Paris-Ile-de-France, 90 % des apprentis sont ainsi en emploi six mois après leur formation et un tiers d'entre eux continuent d'exercer dans les entreprises au sein desquelles ils ont été formés.

Cette réussite invite à penser que l'on puisse bâtir le futur diplôme d'herboriste sur ce même modèle. Néanmoins, plusieurs questions restent en suspens : quelle serait la part de formation prise en charge par l'entreprise ? Nous pourrions envisager un maximum de deux jours par semaine. Quelle serait la ou les tutelles et qui assurerait l'encadrement de ces formations, entre la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) et l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) ? Quelle serait la convention collective applicable et le statut de la personne formée ? Pour les moins de trente ans, le dispositif pourrait être financé par les régions et, pour les plus de trente ans, par les OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) même si ce système est en cours de réforme. Enfin, il faut réfléchir à ce que la formation soit en ligne avec les attentes des entreprises.

M. Joël Labbé, rapporteur. - Merci pour vos interventions qui enrichissent encore nos réflexions.

Au fil des auditions, plusieurs métiers correspondant à différents niveaux de connaissances ont été évoqués : paysan-herboriste, commerçant-herboriste et pharmacie-herboriste : que pensez-vous d'une telle structuration ?

Plus généralement, avez-vous des propositions de simplification de la réglementation applicable aux plantes médicinales et produits à base de plantes tels que les huiles essentielles ou compléments alimentaires ?

M. Thierry Hennebelle. - Tout le monde souhaite une simplification mais je n'ai pas de solution évidente à vous soumettre. La dissociation entre l'effet thérapeutique et l'effet physiologique, qui fait référence à un individu sain, n'est pas toujours très nette. Au niveau européen, le principe d'une définition thérapeutique « allégée » constituerait une avancée pour permettre une meilleure compréhension et éviter de louvoyer entre des allégations de santé qui ne sont pas à vocation thérapeutique pour tenter de définir un effet sur la santé.

Les pharmaciens n'ont pas beaucoup de droits : les préparations qu'ils peuvent réaliser en dehors d'une prescription médicale sont extrêmement limitées. Ils ne peuvent ainsi réaliser de dilutions ou de mélanges d'huiles essentielles sans ordonnance. Dans ce contexte, donner plus de droits à une autre profession ayant un niveau de formation inférieur sera vraisemblablement mal perçu. Un assouplissement réglementaire général pourrait favoriser les discussions.

Mme Sabrina Boutefnouchet. - Je pense que nous irons vers deux catégories de professionnels pouvant tout à fait coexister : les pharmaciens, auxquels il convient en effet de donner plus de droits pour la réalisation de préparations, et les herboristes. Pour ces derniers, si ce métier devait être créé, un seul diplôme pourrait permettre selon moi d'exercer cette profession dans différents contextes ; il me semble difficile d'envisager plusieurs niveaux de connaissances.

La réglementation européenne sur les compléments alimentaires a donné un coup de pied dans la fourmilière en autorisant un certain nombre d'allégations de santé. En revanche, la situation est bloquée s'agissant des plantes en vrac. Déverrouiller l'usage traditionnel des plantes comme allégation de santé permettrait d'éviter de jouer sur les mots pour dire par exemple que le thym est bon contre la toux ou pour les problèmes respiratoires.

M. Gérard Dériot. - Les personnes que vous envisagez de former sur le modèle des préparateurs en pharmacie exerceront-elles sous la responsabilité directe de quelqu'un ou bien seront-elles en totale autonomie ? Je ne suis pas sûr de vous avoir bien compris.

M. Thierry Hennebelle. - Les diplômes universitaires (DU) n'ouvrent aucun droit en particulier. Ils s'adressent en général à des professionnels de santé en exercice qui viennent chercher une spécialisation. La proposition de formation présentée par Sabrina Boutefnouchet n'est pas un DU mais une licence professionnelle.

Mme Corinne Imbert, présidente. - Dans l'intervention présentant la licence professionnelle, vous avez évoqué des formations en entreprise. Les interrogations se situent à ce niveau.

Mme Marie-Pierre Monier. - Vous envisagez d'ouvrir le métier d'herboriste au-delà des seuls pharmaciens. Des paysans sont aussi herboristes ou aimeraient le devenir. Tous n'ont pas le baccalauréat. Pourraient-ils suivre la formation que vous envisager de créer ? Par ailleurs, en quoi consistait jusqu'en 1941 le diplôme d'herboriste ? Le contenu de la formation alors proposée est-il devenu obsolète ?

M. Guilhem Bichet. - Sur votre première question, la réponse est oui. C'est bien l'intention et la vocation de l'université d'élever le niveau de connaissances et de compétences pour combler un vide. Nous avons aujourd'hui des écoles d'herboristerie alors qu'il n'existe pas de diplôme reconnu. Notre objectif est de canaliser les choses. Dès lors que des personnes auront suivi une formation solide en trois ans ou via la validation des acquis de l'expérience, ils pourront exercer en autonomie et faire profiter le public de leur savoir, en complémentarité avec les professionnels de santé.

M. Thierry Hennebelle. - Je connais une boutique dédiée aux huiles essentielles dont la propriétaire, préparatrice en pharmacie, a passé un diplôme universitaire alors qu'elle aurait pu ouvrir cette boutique sans formation particulière, les contrôles étant assez rares en pratique.

M. Daniel Laurent. - Les plantes sont déjà libres d'accès partout, sans conseil. L'objectif serait de cadrer les choses pour donner le meilleur conseil aux personnes qui sont de plus en plus en demande de consommation de plantes médicinales. Le noeud du problème réside dans le possible bras de fer entre les pharmaciens et ces personnes qui exerceraient en autonomie après le diplôme d'herboriste que vous proposez : comment dénouer ce problème ?

Mme Corinne Imbert, présidente. - J'ai trois questions courtes. Pourquoi n'avez-vous pas évoqué la direction générale de la santé pour l'encadrement ou la tutelle de votre projet de licence professionnelle ? Quelle serait la qualité professionnelle des tuteurs de ces formations en alternance ? La position de l'université Paris-Descartes est-elle enfin partagée par d'autres universités ?

M. Guilhem Bichet. - Sur la tutelle et l'encadrement de formations au champ très large, nous pensions nous reposer sur les agences ou services compétents en matière d'alimentation et de réglementation et bénéficiant par ailleurs d'un ancrage territorial. Dans l'ensemble des formations universitaires pharmaceutiques, les processus de qualification des tuteurs ou maîtres de stage sont en cours de révision, pour aller vers un socle de compétences commun contrôlé par les universités.

Mme Sabrina Boutefnouchet. - Des collègues dans d'autres universités seraient partants pour proposer de telles formations en herboristerie. Notre projet de licence professionnelle vise à combler un manque, en créant un nouveau professionnel, spécialiste des plantes, aux côtés du pharmacien. Cela risque-t-il de créer de la confusion ? Cette question doit être posée. Je pense toutefois qu'avoir un spécialiste mieux identifié permettrait d'aider les consommateurs en demande de conseil à s'y retrouver.

M. Daniel Chasseing. - Vous avez parlé d'un volet en santé solide : fondamentaux en santé, interactions médicamenteuses, physiopathologie, iatrogénie. Envisagez-vous que ce nouveau spécialiste formé seulement en trois ans soit sous la responsabilité du pharmacien ?

Mme Sabrina Boutefnouchet. - Ce personnel exercera plutôt à côté du pharmacien, de manière indépendante. En près de 400 heures de formation, on pourra déjà faire des choses. En 1941, il fallait reconnaître 50 plantes sèches et 50 plantes fraîches ; le jury était composé de pharmaciens et d'herboristes. Le contexte et la réglementation ont profondément évolué depuis.

M. Guilhem Bouchet. - La notion importante à retenir pour avancer me semble être celle de l'usage traditionnel des plantes.

Mme Corinne Imbert, présidente. - Merci pour vos interventions.

La réunion est close à 15 heures.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Jeudi 21 juin 2018

- Présidence de Mme Corinne Imbert, présidente -

La réunion est ouverte à 16 h 35.

Table ronde autour de M. Patrice de Bonneval, président de la fédération française des écoles d'herboristerie (FFEH), directeur de l'École lyonnaise de plantes médicinales (EPLM), Mme Ferny Crouvisier, présidente de l'Association pour le renouveau de l'herboristerie (ARH), Mme Marie-Jo Fourès, représentante de l'École bretonne d'herboristerie (Cap Santé), M. Yves Gourvennec, représentant de l'École des plantes de Paris (EDP), Mme Nathalie Havond, co-directrice de l'Institut méditerranéen des plantes médicinales (IMDERPLAM), Mme Françoise Pillet, directrice adjointe de l'ELPM

Mme Corinne Imbert, présidente. - Notre mission d'information sur le développement de l'herboristerie et des plantes médicinales poursuit ses auditions en accueillant des représentants des écoles d'herboristerie.

Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo et d'une retransmission en direct sur notre site Internet. Elle a été ouverte à la presse ainsi qu'au public.

M. Patrice de Bonneval, président de la Fédération française des écoles d'herboristerie, directeur de l'École Lyonnaise de Plantes Médicinales. - Le métier d'herboriste est un métier complet, qui existe depuis la création de la pharmacie, au Moyen Âge. Après bien des mésaventures, une école a été créée en 1920. Elle a disparu en 1941.

J'ai repris une herboristerie et une école entre les années 1974 et 1981.

Depuis quatre ans, nous avons créé une fédération qui regroupe les différentes écoles, au nombre de cinq.

Je voudrais vous présenter ce métier. Celui-ci s'intègre dans un système général d'évolution de l'humain. Les changements de la société invitent à repenser la relation de l'être humain à la terre et à la nature. Avec les autres personnes ici présentes, notre idée est de transmettre un idéal de respect de la nature, de l'homme et des plantes, une manière de soigner naturelle et sans danger. Depuis que je fais ce métier, je n'ai jamais recueilli une seule plainte. Mon prédécesseur, qui avait créé son école et son herboristerie en 1942, n'a jamais rencontré de problème non plus. Il faut chasser la peur que fait naître l'herboristerie. Le monde est couvert par les plantes : on doit vivre avec elles, s'en nourrir et les utiliser pour se soigner. Alors que nous vivons de plus en plus en ville, il faut convaincre les gens qu'ils peuvent retrouver grâce à la nature un moyen de vivre correctement.

L'herboristerie est également un métier de prévention, de bonne santé. Consommer une plante, c'est consommer la vie. Les principes actifs nous permettent de comprendre comment fonctionnent les choses. On ne doit pas être au service de la chimie, c'est la chimie qui doit être à notre service. Il est indispensable, à notre époque, de se situer à la fois dans la tradition et dans la science. Notre objectif est d'offrir à tous la possibilité de se soigner avec des plantes. Nos écoles sont ouvertes à tous, y compris aux scientifiques.

L'herboristerie est une école de bien-être. C'est un métier indépendant. J'insiste sur ce point : nous voudrions être reconnus comme un métier en soi. Tout comme il existe des infirmiers, des kinésithérapeutes, il existera des herboristes, pour conseiller les gens, les diriger vers une manière de se soigner totalement naturelle. Je vis de l'herboristerie depuis 40 ans. Nous avons toujours eu de très bons résultats. Nous sommes en rapport avec la médecine et la pharmacie classiques, mais nous voulons être totalement indépendants. Nous proposons un enseignement complet, comprenant de la botanique, de la chimie, de l'anatomie-physiologie.

L'herboristerie, c'est l'amour de la nature et des gens. Il existe un rapport entre l'homme, la plante et la nature. Le coeur et la raison se complètent. On ne peut conseiller quelqu'un sans avoir un rapport humain avec lui. Il n'existe pas de difficultés avec les plantes. S'il y a une incompatibilité, cela vient de la personne, par exemple si elle est allergique, et non pas de la plante. Il faut donc que l'herboriste soit capable de comprendre le rapport entre la plante et la personne et sache apporter le conseil approprié.

Les intervenants dans nos écoles sont généralement des universitaires, auteur d'ouvrages et parfaitement compétents. Nous n'avons pas besoin de demander à quelqu'un de nous apprendre ce que nous savons déjà faire.

Mme Corinne Imbert, présidente. - Deux observations : nous constatons tous l'envie de retour à la nature que la phytothérapie incarne, mais le danger est peut-être de considérer que ce qui est naturel est sans danger. Sur ce point, je ne partage pas votre avis.

Par ailleurs, vous avez mis en avant le fait que le métier d'herboriste repose sur l'amour des gens et la relation humaine. Les professionnels de santé, de manière générale, sont également à l'écoute de l'humain.

M. Patrice de Bonneval. - Je me suis peut-être mal expliqué : je n'ai jamais dit que la nature était sans danger. C'est d'ailleurs pour cela qu'il faut des spécialistes. Je ne dis pas non plus que les autres professions ne sont pas à la hauteur : je revendique simplement notre indépendance.

Mme Ferny Crouvisier, présidente de l'Association pour le renouveau de l'herboristerie. - Je suis responsable et directrice de l'enseignement de l'Association pour le renouveau de l'herboristerie (ARH) et de l'Institut français d'herboristerie.

Les objectifs de la fédération des écoles d'herboristerie sont les suivants :

- oeuvrer à la promotion et à la reconnaissance de l'herboristerie en France et à la sauvegarde des savoirs traditionnels, en s'appuyant sur des données récentes scientifiques, dans le domaine de la botanique par exemple ;

- établir un lien entre les différentes écoles adhérentes et les fédérer autour d'un projet commun comme les congrès qui ont lieu tous les deux ans ;

- garantir un enseignement de qualité en vue d'assurer la sécurité du consommateur ;

- oeuvrer collectivement à la reconnaissance des formations en herboristerie dispensées dans les écoles adhérentes ;

- réfléchir à l'élaboration d'un tronc commun de compétences en vue d'une homologation ou du rétablissement du diplôme d'herboriste ;

- définir un référentiel métier d'herboriste et une charte de déontologie en vue du rétablissement du métier ;

- devenir l'interlocuteur institutionnel représentant la profession auprès des pouvoirs publics et des élus pour faire évoluer la législation.

Les actions en cours portent sur :

- la reconnaissance du rôle de l'herboristerie dans la société contemporaine, ce professionnel du bien-être contribuant au maintien de la santé de ses concitoyens ;

- le respect du consommateur et de l'environnement ;

- la garantie donnée à l'ensemble de la filière, qui associe dans un même professionnalisme et une même éthique tous les représentants de l'herboristerie, de pouvoir exercer leur métier dans des conditions reconnues et sécurisantes.

Nous organisons depuis quatre ans avec le syndicat Synaplante un congrès qui rassemble les gens proches du métier. Nous avons également adressé un courrier aux élus des deux chambres pour sensibiliser les parlementaires à cette problématique.

Mme Nathalie Havond, co-directrice de l'Institut méditerranéen des plantes médicinales. - Je suis codirectrice de l'Institut méditerranéen des plantes médicinales (Imderplam) créée en 1974. J'enseigne la botanique et les plantes médicinales.

La création de notre fédération en 2014 a permis de mettre en évidence certains de nos objectifs communs, en particulier celui de permettre à nos élèves d'acquérir des compétences pour atteindre une véritable autonomie dans la connaissance, la reconnaissance et l'utilisation des plantes médicinales.

À la fin de leur formation, nos élèves doivent être capables de connaître et reconnaître une plante sur le terrain sans aucun doute possible. Nous sommes parfaitement conscients qu'il existe des plantes toxiques. Les confondre peut entraîner la mort.

Nos élèves doivent être capables de cueillir les plantes et de les transformer, en tenant compte de la fragilité de notre environnement et des limites des ressources. La cueillette et le séchage des plantes conduit à une forme galénique simple et connue, qui fait le coeur de l'herboristerie. Mais nous allons au-delà de la préparation d'une infusion ou d'une décoction par le recours à des solvants comme l'alcool ou la glycérine, ou encore le traitement d'huiles essentielles ou végétales. Nos élèves doivent être capables de préconiser la forme galénique la plus adaptée pour chaque plante.

Nous souhaitons que nos élèves soient capables de connaître l'usage des plantes d'un point de vue traditionnel et ethnobotanique, mais également en tenant compte des dernières découvertes. Ils doivent être capables de dispenser des conseils de santé.

Les cinq écoles regroupées au sein de cette fédération ont toutes des formations dites longues en deux à trois ans d'environ 500 heures de cours en moyenne. La botanique représente environ 150 heures d'enseignement théorique et pratique, avec des sorties sur le terrain, des travaux pratiques en salle avec l'utilisation de loupes binoculaires. Nos enseignements comportent des ateliers de transformation pour apprendre à réaliser des extraits hydroalcooliques, des macérats glycérinés, des huiles de macération solaire, etc.

On apprend à nos élèves à connaître les principes actifs des plantes, la chimie et la biochimie des plantes, ce qui représente une quarantaine d'heures d'enseignement.

Nous souhaitons que nos élèves soient capables de dispenser des conseils de santé, sur la base d'un enseignement d'anatomie-physiologie qui correspond, dans la plupart de nos écoles, au niveau des études d'infirmier et représente une cinquantaine d'heures.

L'enseignement des plantes médicinales s'articule par système (articulaire, urinaire, etc.), avec une approche en phytothérapie, en aromathérapie, en gemmothérapie, etc. Nous abordons environ 300 plantes, bien au-delà de la liste des 148 plantes libérées du monopole officinal. Nous abordons également les compléments alimentaires.

Nos écoles ont une prédilection pour les plantes de la pharmacopée française, afin de privilégier des espèces cultivées et séchées dans le respect de la plante, sans trop grande empreinte carbone sur l'environnement du fait du transport.

Nos enseignements se veulent complets. Ils reposent sur plus de 40 ans d'expertise et s'adaptent aux évolutions des connaissances. Nous sommes en permanence dans une dynamique d'amélioration. Je souhaite insister sur le fait que nos enseignements intègrent la législation qui régit la pratique de l'herboristerie, les compléments alimentaires, l'étiquetage ou la cosmétique. Nous tenons à nos élèves un discours très clair : les formations que nous proposons n'ont pas vocation à leur permettre de devenir des professionnels de santé mais des praticiens de santé. Nos élèves ne sont en aucune manière autorisés à faire du diagnostic. Tous les conseils de santé qu'ils pourront être amenés à prodiguer devront reposer sur des diagnostics posés par des professionnels de santé ; nos élèves doivent avoir conscience des limites qu'ils pourront rencontrer et qui devront les conduire à orienter les personnes vers des professionnels de santé. Enfin, nos équipes pédagogiques sont constituées d'un grand nombre de professionnels de santé - médecins, infirmiers, docteurs en pharmacie, diététiciens, nutritionnistes, sages-femmes, docteurs en biologie - ainsi que de botanistes, ingénieurs agronomes et même avocats spécialisés en législation des plantes.

Mme Françoise Pillet, directrice adjointe de l'ELPM. - Les effectifs de l'École lyonnaise de plantes médicinales, dont je suis codirectrice depuis dix-huit ans, évoluent fortement depuis une dizaine d'années. On comptait 484 personnes en formation en 2008, 780 en 2013 ; elles sont environ 1 300 en 2018. Nous refusons du monde chaque année.

Le profil des élèves est très divers. Nous sommes ouverts à tous dans le cadre de la formation continue pour adultes. On dénombre une majorité de femmes : 80 % en moyenne. L'âge de nos élèves va de 18 à 80 ans. La moyenne se situe entre 35 et 40 ans. Nos élèves viennent de toute la France, et même de l'étranger ou des outre-mer dans le cadre de nos formations à distance, par correspondance ou en ligne.

Certains jeunes sont là dans un but d'insertion professionnelle. De plus en plus d'étudiants viennent se former en plus des études qu'ils peuvent suivre par ailleurs. Des personnes plus mûres viennent dans un but de reconversion professionnelle. Le pourcentage d'élèves qui suivent notre enseignement dans un but professionnel s'élève à environ 80 %, les autres personnes se formant dans un but personnel. Tous nos élèves et toutes nos équipes de formateurs partagent la même passion.

Si nous sommes ouverts à tous, nous recommandons le niveau baccalauréat. Notre philosophie est de rendre le savoir autour des plantes accessible à chacun. Le niveau de nos élèves se situe en moyenne entre le niveau bac et bac+5. Certains ont jusqu'à bac+10, doctorants dans des domaines divers. Quelques personnes ont enfin un niveau CAP, BEP ou sont en train de poursuivre leurs études.

Le panel des catégories socioprofessionnelles est large. Environ 40 % sont salariés du secteur privé. Certains sont issus des professions médicales et paramédicales, à hauteur de 10 % en moyenne. Il s'agit surtout d'infirmiers, de pharmaciens, de médecins, de puéricultrices, de sages-femmes, de dentistes, de kinésithérapeutes. 6 à 7 % sont des ostéopathes, praticiens du massage ou relaxologues. Nous comptons par ailleurs environ 10 à 12 % de personnes travaillant dans la production et la transformation des plantes. En Bretagne, le taux est plus élevé qu'à Lyon ou Paris. Les personnes sans emploi représentent de 3 à 4 % des élèves - bien qu'elles n'obtiennent pas toujours facilement des financements.

7 % des personnes obtiennent des financements grâce aux organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ou aux entreprises.

Nous réalisons depuis quelques années un suivi plus approfondi des débouchés et des taux d'insertion professionnelle, notamment dans le cadre de la certification qualité de certaines écoles. Nous avons conduit une première enquête cette année : 50 personnes y ont répondu sur les 100 étudiants sortis de formation il y a deux ans ; 50 % ont déclaré avoir changé de situation professionnelle. Une précédente enquête de 2014 réalisée par la fédération montrait, sur 245 réponses, que le taux de personnes ayant changé de situation professionnelle après la formation était de 40 %.

Les types de professions sont variés. L'herboristerie est aujourd'hui une réalité multiforme. Les principaux débouchés concernent l'installation en production, la cueillette, la distillation, la transformation, l'embauche dans une boutique ou la création d'un magasin. D'autres développent des compléments d'activité, la fabrication de produits, la transmission, la création de jardins avec animation. Des personnes évoluent dans leur emploi, en passant de vendeur à responsable de magasin, ou approfondissent le conseil en pharmacie ou en magasin bio. Les débouchés sont de plus en plus nombreux : notre école a reçu une trentaine d'offres d'emploi au cours des trois à quatre dernières années.

Nous favorisons en outre la mise en réseau des élèves et des anciens élèves.

Nous avons posé à nos élèves la question de savoir si une reconnaissance du diplôme d'herboriste leur semblait nécessaire. La grande majorité a répondu par l'affirmative, pour ne pas être à la limite de la légalité ou car ils rencontrent des difficultés dans leur recherche d'emploi ou leurs démarches pour obtenir des aides. Il s'agit donc de légitimer quelque chose qui existe déjà et de permette aux élèves d'exercer leur métier plus sereinement.

Mme Marie-Jo Fourès, représentante de l'École bretonne d'herboristerie (Cap Santé). - J'ai une formation d'infirmière puéricultrice et travaille à l'École bretonne d'herboristerie comme formatrice. Cette école est située dans le Finistère, au coeur des Monts d'Arrée, dans un secteur rural. Elle propose une formation en ligne sur deux ans. Les élèves sont en lien direct avec les formateurs par le biais d'une plateforme Internet.

L'enseignement est renforcé par des regroupements présentiels, en accord avec les contenus des autres écoles de la fédération. Cette école répond à des demandes diverses, notamment dans le développement de la filière des plantes aromatiques et médicinales.

En 1985, nous comptions deux producteurs en Bretagne. Aujourd'hui, nous en dénombrons plus de 80. Ces derniers souhaitent se former. De plus, les structures de commercialisation se développent et induisent une demande de formation pour les vendeurs dans les magasins diététiques, qui se multiplient, les herboristeries, les coopératives biologiques. Des demandes importantes viennent également de personnels médicaux et paramédicaux. Nous commençons à intégrer des formations auprès des directeurs d'Ehpad, des équipes de coordination de soins palliatifs et des maisons d'accueil spécialisées en mettant en place des jardins thérapeutiques, qui assurent le lien entre l'homme et la terre.

Nous mettons également en place des réflexions sur le mieux-être pour répondre à des demandes importantes qui relèvent de la bientraitance, du bien vieillir, du bien manger. Nous travaillons sur des thèmes de santé publique, comme l'amélioration du sommeil ou de la digestion, ainsi que sur les soins de confort, tout ceci en accord avec la législation.

De plus, la diffusion des savoirs par les écoles participe au développement économique et local et à la revitalisation du secteur rural, à l'augmentation des produits à base de plantes et à une dynamique auprès des producteurs et des cueilleurs. Les retombées auprès des hôtels, des gîtes et des restaurants sont importantes dans les campagnes.

Nos élèves prennent conscience de la richesse du patrimoine végétal - landes, prairies naturelles, tourbières - et apprennent à la préserver.

Les écoles favorisent le développement touristique grâce aux sorties botaniques et au travail des professeurs sur la connaissance des plantes. Elles permettent d'assurer le lien avec la nature et les paysages. Elles donnent la possibilité de créer des liens entre des élèves issus de différents secteurs professionnels. Tous nous disent l'importance des mises en réseau et des échanges. Pour les générations futures, ce sont des écoles de vie.

M. Yves Gourvennec, représentant de l'École des Plantes de Paris (EDP). - Je suis membre du conseil d'administration de l'École des plantes de Paris. Je ne suis pas herboriste et je ne le revendique pas. J'ai suivi trois années d'enseignement à l'École des plantes de Paris. Je développe une activité de découverte des plantes sauvages comestibles dans une association appelée « Hommes et plantes ». Je me permets de temps en temps d'indiquer les propriétés médicinales de ces plantes, sans bien évidemment donner de conseil.

L'École des plantes a été créée en 1985 par Clotilde Boisvert, ethnobotaniste et ingénieur au CNRS. Elle a été reprise au milieu des années 2000 par Josiane Prunier. Une des particularités de cette école est d'être consacrée à la botanique pour près de 50 % des enseignements. Nous avons institué un examen très proche de l'ancien certificat d'herboriste, qui consiste à reconnaître en une heure 50 plantes sèches et 50 plantes fraîches parmi 160.

Cyrille Coulard, lors de son audition, évoquait la possibilité de confusion entre la grande ciguë et la carotte sauvage : quand on anime une balade de plantes, on dit bien aux non-initiés de ne pas cueillir d'opiacés ou d'ombellifères : il peut exister un risque. Pour ceux qui ont été formés à l'herboristerie, aucune confusion n'est possible.

La fédération française des écoles d'herboristerie a de nombreux projets. Nous avons constaté une évolution exponentielle des demandes de formation, qu'on ne peut toutes satisfaire et surtout une augmentation des projets professionnels.

Aucune étude n'existe toutefois à ce sujet, hormis celle de Carole Brousse et de Jean-Baptiste Thévenin, que vous avez auditionnés. Nous avons décidé de nous y atteler en adoptant une démarche différente. Nous avons adressé un questionnaire sur les pratiques, les représentations et les attentes en matière d'herboristerie d'une part aux producteurs de simples et, d'autre part, aux participants à nos deux derniers congrès, qui rassemblaient à la fois des personnes travaillant dans les boutiques, des herboristes de comptoir, des personnes intéressées par l'herboristerie, quelques pharmaciens et médecins. Cette enquête est en cours.

L'étude de 2014, à laquelle Françoise Pillet faisait allusion, nous a permis de constater la grande hétérogénéité dans les pratiques actuelles. Cette étude recense deux catégories de producteurs, ceux ne souhaitant pas une formation complète mais voulant améliorer leur situation économique et détailler la composition de leurs produits, et ceux désireux d'aller plus loin. 54 % des producteurs de simples ont suivi nos formations.

On trouve dans les pratiques actuelles de l'herboristerie, qui sont contraintes par la réglementation, l'accueil à la ferme, les jardins pédagogiques, l'animation, à titre professionnel mais aussi de loisir. Il existe également beaucoup de créativité autour de la vente : bar à tisanes, bibliothèques, ateliers cosmétiques, balades de reconnaissance de plantes avec les syndicats d'initiative, blogs, sites Internet, conférences.

Les praticiens de santé et du bien-être se retrouvent également dans la liste des personnes recourant à l'herboristerie. Ce sont des professions qui bénéficient déjà d'une qualification paramédicale. Elles ne peuvent pas dispenser de conseils du fait de la réglementation mais utilisent leurs compétences en herboristerie dans le cadre de leur activité. Pour autant, elles ne sont guère nombreuses à se lancer dans le métier d'herboriste.

On trouve également parmi les professions utilisant l'herboristerie les animateurs de sorties dans la nature, les animateurs en botanique, les accompagnateurs en moyenne montagne. Certaines activités sont en rapport avec le développement local - gîtes, séjours thématiques, jardins pédagogiques, formation, enseignement en atelier, stages, etc. Il existe une tendance à associer ces compétences afin de générer une activité.

Notre projet est de pousser les études à ce sujet. Une commande a été passée par la fédération des écoles d'herboristerie à Ida Bost, ethnologue, que vous avez auditionnée lors de votre première séance, afin de documenter l'état actuel de ce secteur et ses perspectives. Cette étude porte sur la bibliographie scientifique disponible, qui est très pauvre, sur le discours médiatique, le poids économique représenté par l'herboristerie, l'étude des manuels contemporains et le statut de l'herboristerie par rapport aux autres pays européens. Ida Bost et moi travaillons enfin sur la définition de l'herboriste et les attentes concernant la formation.

La première étape est constituée par notre questionnaire, qui cible le public intéressé par l'herboristerie. Nous avons déjà 668 réponses.

La deuxième étape se déroule sous forme d'entretiens avec des personnes ayant une activité d'herboriste leur permettant d'en vivre, même avec difficulté. Ceci nous a amené à constater une grande proximité culturelle entre ces personnes.

La troisième étape sera plus technique et aura lieu l'année prochaine. Elle portera sur la constitution de référentiels métiers ayant pour but la certification, à l'image des titres professionnels du ministère du travail, qui habilitent un certain nombre d'organismes à dispenser une formation. Cette certification vaudrait pour nous diplôme d'école, dans la perspective d'un futur diplôme d'herboriste, avec l'idée que la réglementation changera.

Si les activités sont très hétérogènes, l'image de l'herboristerie est relativement traditionnelle et moins associée aux compléments alimentaires, qui représentent l'industrie.

Nous avons une certaine légitimité. Quelques écoles ont quarante ans d'existence. Nous avons créé un réseau, une culture de l'herboristerie. J'espère en conséquence que nous pourrons participer à la construction d'une formation d'herboriste.

M. Joël Labbé, rapporteur. - Merci pour vos interventions.

Quelles sont vos relations avec les acteurs des formations universitaires ou de formations professionnelles spécialisées dispensées dans les centres de formation professionnels et de promotion agricole (CFPPA) ?

Deuxièmement, un certain nombre d'intervenants ont évoqué plusieurs métiers correspondants à divers niveaux de connaissance, de paysan-herboriste à pharmacien-herboriste, en passant par herboriste de comptoir. Qu'en pensez-vous ? Quels seraient les contours de ces métiers et des formations correspondantes ?

Mme Ferny Crouvisier. - D'anciens élèves sont maintenant professeurs dans les CFPPA. On les rencontre souvent.

M. Yves Gourvennec. - Nous avons eu avant-hier un entretien avec Sabrina Boutefnouchet, de la faculté de pharmacie de Paris, qui a été auditionnée tout à l'heure, au sujet de son projet de licence professionnelle. Toutes les collaborations nous intéressent. L'exemple de la formation continue démontre que l'on peut habiliter des organismes à dispenser une formation, quel que soit leur statut, à condition que celle-ci réponde au cahier des charges. Certains pharmaciens suivent nos propres cours. Nos programmes sont donc de ce point de vue considérés comme intéressants. Pour ce qui est des CFPPA, nous les avons rencontrés lors des fêtes des simples organisées par les producteurs. Des discussions ont eu lieu. On espère qu'elles vont se poursuivre grâce à la mission parlementaire.

M. Patrice de Bonneval. - Nous travaillons beaucoup, pour ce qui nous concerne, avec les facultés de pharmacie de Grenoble et de Lyon, où j'ai eu l'occasion de faire un congrès l'année dernière et de tenir des conférences avec les pharmaciens.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - De qui les écoles dépendent-elles ? Quel est le ministère de tutelle ? Par ailleurs, quel est le budget d'une école ? Quel est le reste à charge d'une formation, compte tenu des OPCA et d'un éventuel financement des régions ?

M. Yves Gourvennec. - Il n'existe pas de ministère de tutelle. Nos écoles sont privées.

Mme Françoise Pillet. - Nous exerçons dans le cadre de la formation professionnelle continue et relevons de la direction du travail.

M. Patrice de Bonneval. - On compte d'ailleurs sur votre mission d'information pour savoir de qui l'on va dépendre. On peut dépendre du ministère du commerce, de celui de la santé, ou de l'agriculture. On ne demande pas mieux !

Mme Françoise Pillet. - Pour ce qui est du coût, les sommes sont variables d'une école à l'autre. En moyenne, on peut considérer que 2 000 euros par an sont à charge de l'élève, voire plus en cas de stage. On peut arriver à 5 000 euros voire 6 000 euros au total.

M. Yves Gourvennec. - Si le diplôme d'herboriste était réhabilité, il faudrait instituer une égalité de traitement entre les différents organismes habilités. On pourrait, comme dans le cadre de la formation continue, bénéficier d'agréments et de financements des régions. Ceci permettrait d'éviter la distorsion de concurrence par rapport aux CFPPA, qui font d'ailleurs également payer leurs stagiaires, voire par rapport aux universités.

Mme Nathalie Havond. - Le coût d'une formation de trois ans est en effet d'environ 5 000  à 6 000 euros, quelle que soit l'école. Nous sommes parfaitement conscients de l'importance de cette somme. C'est pourquoi nous attachons énormément d'importance à la qualité de nos enseignements. C'est un véritable investissement pour nos élèves. Ils sont parfois issus de milieux socioprofessionnels qui ne leur permettent pas de dégager de gros revenus. Peut-être cela va-t-il changer. Tant mieux pour eux, et tant mieux pour nous !

Aucune de nos écoles, à ma connaissance, ne bénéficie de subvention. La mission que nous avons confiée à Ida Bost est totalement prise en charge par la fédération et les écoles. Il nous paraît important de faire évoluer nos enseignements pour être à la hauteur de l'attente et des exigences légitimes de nos élèves.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Personne ne vous contrôle-t-il ? Vous dites que vous respectez la législation...

M. Patrice de Bonneval. - Pour qu'il y ait contrôle, il faut qu'il y ait reconnaissance. Tous nos enseignants sont universitaires.

Mme Ferny Crouvisier. - Nous avons tous les ans un contrôle de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dirrecte) à qui nous remettons notre bilan financier et pédagogique.

Mme Françoise Pillet. - Depuis l'année dernière, l'inscription Datadock et la certification qualité nous obligent à fournir plus d'éléments, à répondre à des critères de qualité et à entrer dans un cadre plus contrôlé et contraignant. Ceci nous conduit à nous structurer plus encore, ce qui est positif.

M. Yves Gourvennec. - Le contrôle des organismes de formation a énormément évolué. Un décret de 2015 oblige ceux-ci à répondre à 21 critères en matière de qualification des enseignants, d'objectifs de formation, de contenu, d'insertion professionnelle des stagiaires, etc.

Mme Corinne Imbert, présidente. - Combien chacune de vos écoles compte-t-elle d'élèves ?

M. Patrice de Bonneval. - Nous en avons cette année 1 235, dont 600 en herboristerie pure.

Mme Françoise Pillet. - Il faut y ajouter des stages « tout public » ou d'approfondissement destinés aux anciens élèves.

Mme Marie-Jo Fourès. - Le nombre d'élèves de l'école bretonne s'élève à 100 pour les deux dernières années. Notre association de formation compte 450 adhérents. Il s'agit de formations « tout public », à la semaine, en herboristerie, aromathérapie, nutrition.

M. Yves Gourvennec. - L'École des plantes de Pairs est passée depuis 2008 de 19 à 254 personnes - et l'on refuse le monde. Nous avons un statut associatif.

Mme Nathalie Havond. - L'Imderplam compte 180 élèves en 2018 dans son cycle long de trois ans. Nous refusons également beaucoup de monde.

Mme Ferny Crouvisier. - Nous avons 80 élèves par an et nous refusons du monde.

M. Joël Labbé, rapporteur. - Je remercie cette belle représentation des écoles d'herboristerie, qui existent et jouent leur rôle. Elles sont sérieuses, conformément à leur réputation. La question de la tutelle se pose effectivement, au regard de celle d'une formation diplômante.

Mme Corinne Imbert, présidente. - Merci à toutes et à tous.

La réunion est close à 17 h 55.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.