Mercredi 29 novembre 2017

- Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président -

La réunion est ouverte à 09 h 35.

Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Écologie, développement et mobilité durables » - Crédits « Transports maritimes » - Examen du rapport pour avis

M. Didier Mandelli, président. - Mes chers collègues, avant de commencer nos travaux de commission ce matin, je voudrais excuser le président Hervé Maurey, absent de Paris aujourd'hui.

Charles Revet nous a déjà présenté à de multiples reprises ce rapport pour avis sur les transports maritimes. Il en a donc une grande connaissance et, grâce à un recul de plusieurs années, en mesure parfaitement les évolutions. Comme chaque année, je sais que vous avez procédé, cher collègue, à plusieurs auditions pour préparer votre rapport. Les intervenants dans le secteur maritime sont en effet nombreux et l'actualité toujours riche. Je vous cède donc la parole, Monsieur le rapporteur, pour que vous nous disiez, d'une part, où en sont les crédits du transport maritime, d'autre part, quelle est l'actualité du secteur.

M. Charles Revet, rapporteur pour avis. - Les crédits consacrés à la politique maritime française s'établissent dans le projet de loi de finances pour 2018 à 240 millions d'euros. Ce montant reste faible au regard des ambitions du comité interministériel de la mer de novembre 2016, qui a souhaité faire de l'économie maritime un pilier de la croissance économique de notre pays.

Ces crédits sont répartis en deux programmes : le programme 203 « infrastructures et services de transport », pour une petite partie, et le programme 205 « affaires maritimes ».

Seule une infime partie du programme 203 « infrastructures et services de transport » est consacrée au transport maritime : 77 millions d'euros, soit 2,2% des crédits de ce programme. Les montants consacrés au transport maritime y sont en augmentation de 19,75 millions d'euros. 2 lignes de crédits principales sont alimentées : la subvention aux grands ports et le transport combiné.

La subvention aux grands ports s'élève à 64,75 millions d'euros, en augmentation de 44% par rapport à 2017. Toutefois, plutôt qu'une subvention, il s'agit du remboursement par l'État des frais pour le dragage des ports et l'entretien de leurs accès. En effet, comme le précise le code des transports, cette charge incombe à l'État. L'augmentation de 20 millions d'euros par rapport au PLF 2017 est un des engagements de l'État pris lors du comité interministériel de la mer de novembre 2016. Toutefois, ce montant reste insuffisant pour couvrir l'intégralité des frais de dragage qui sont estimés à 96 millions d'euros. Le reste à charge pour les ports s'élève ainsi à 32 millions d'euros, soit un tiers du montant.

La deuxième ligne budgétaire concerne la partie maritime du transport combiné, pour un montant de 6,96 millions d'euros, identique à celui du projet de loi de finances pour 2017. Il s'agit de répondre à la volonté d'opérer un rééquilibrage intermodal, en favorisant le développement du cabotage maritime et des autoroutes de la mer. 2 fonctionnent désormais en France : la liaison Nantes-Gijón, et la liaison Nantes-Vigo. Mais, l'équilibre financier de ces autoroutes reste très fragile. En outre, le rééquilibrage souhaité ne se fera que si les acteurs concernés bénéficient d'une certaine visibilité économique. C'est notamment le cas de l'aide à la pince qui permet de réduire les coûts de manutention, reconduite, d'année en année, sans aucune visibilité sur le moyen terme. Lors des Assises de l'économie de la mer qui se sont tenues la semaine dernière, le Premier ministre a laissé entendre qu'elle serait maintenue de manière durable. Notre commission devra être vigilante sur ce point.

Enfin, et de manière annexe au programme 203, dans le cadre des contrats de projets État-Régions, l'AFITF prévoit de mobiliser 40 millions d'euros en faveur des ports maritimes, soit le même montant que l'année dernière.

Le programme 205 regroupe l'essentiel des crédits du transport maritime. D'un montant initial de 140 millions d'euros, soit une diminution de 17,8 millions d'euros par rapport au PLF 2017, il a bénéficié du vote d'un amendement gouvernemental de 17,8 millions d'euros - lors de son examen à l'Assemblée nationale. Quatre axes majeurs animent ce programme.

En premier lieu, il vise à assurer la sécurité maritime. Depuis 5 ans, le nombre d'opérations de sauvetage dépasse les 10 000. Dans ce cadre, une subvention de 4,2 millions d'euros, soit une augmentation de 0,5 million d'euros, a été accordée à la Société nationale de sauvetage en mer. Je souhaite saluer l'action au quotidien des 7 000 bénévoles qui ont participé en 2016, en coordination avec les CROSS, à plus de la moitié des sauvetages en mer. 98,5% des personnes impliquées dans un accident maritime ont été sauvées suite à une opération de sauvetage coordonnée par les CROSS.

Le deuxième axe de ce programme est la promotion d'une formation maritime de qualité. 28 millions d'euros, soit le même montant qu'en 2017 sont consacrés à cette action, ainsi qu'aux actions sociales et médicales. 18,5 millions d'euros sont prévus pour l'école nationale supérieure maritime. La qualité de la formation des marins français est internationalement reconnue et appréciée.

Le troisième axe vise à préserver l'environnement marin. Il s'agit à la fois du volet terre du plan POLMAR - contre la pollution maritime - pour lequel 1,7 million d'euros sont prévus, comme dans le PLF 2017, mais également des contrôles des navires effectués au titre de l'État du pavillon et de l'État du port. 1 300 contrôles de navires étrangers sont effectués tous les ans.

Je m'arrêterai plus longtemps sur le quatrième axe visant à soutenir économiquement la filière maritime, car c'est sur celui-ci que porte l'augmentation de 17,8 millions d'euros, votée à l'Assemblée nationale. Initialement, les crédits affectés à cet objectif étaient de 64,2 millions d'euros, en diminution de 23 % par rapport au PLF 2017.

Vous vous en souvenez, nous avons voté en juin 2016, dans la loi pour l'économie bleue, une exonération de la cotisation employeur d'allocation familiale et de l'allocation d'assurance contre le risque de privation d'emploi, pour un montant estimé à 18 millions d'euros. Il s'agissait de renforcer la compétitivité-coût de l'armement maritime français dans un secteur hyperconcurrentiel. En effet, les coûts étant les mêmes pour l'achat d'un bateau, le carburant, les péages, les dépenses de personnel sont la principale, si ce n'est la seule variable d'ajustement. D'ailleurs, plusieurs pays européens ont recours au netwage : le salaire net exonéré de toute cotisation. Grâce à cette exonération votée en 2016, le coût d'un marin français diminue de 17% - il reste toutefois supérieur au coût d'un marin danois ou anglais.

Or, l'article 53 de ce projet de loi de finances a prévu de revenir sur cette exonération. Interrogée par notre commission le 8 novembre dernier, la ministre Élisabeth Borne nous indiquait connaître le problème, mais ne pas pouvoir le prendre en charge, en raison de son budget très contraint. Toutefois, le lendemain, à la demande du Premier ministre, le gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale de suppression de l'article 53, qui a été adopté. Ces exonérations sont ainsi conservées pour 2018, et le Premier ministre Édouard Philippe, lors des Assises de l'économie de la mer qui se sont tenues la semaine dernière, a indiqué vouloir les rendre pérennes. J'attire votre vigilance sur un point : aucune indication n'a été donnée quant à la manière dont cette mesure sera financée. Il a simplement été indiqué qu'elle le sera dans le périmètre du ministère de la Transition énergétique et solidaire.

La question des exonérations sociales et de leur stabilité me paraît d'autant plus importante aujourd'hui qu'avec le Brexit, certains armateurs britanniques pourraient décider de passer sous pavillon d'un autre État européen afin de pouvoir continuer à bénéficier de certains bénéfices fiscaux. Quelques-uns pourraient se tourner vers la France, à condition que le régime proposé soit favorable.

Permettez-moi de profiter de cet avis budgétaire pour faire le point sur la situation des ports français. Ces derniers sont aujourd'hui en perte de vitesse par rapport aux ports allemands, espagnols, néerlandais et portugais. Le 1er port français en volume, Marseille, n'est que le 6ème port européen. Le Havre est en 8ème position, et loin derrière les autres ports européens de la façade Manche/mer du Nord. L'ensemble des tonnages des grands ports maritimes français métropolitain, soit 256 millions de tonnes est inférieur au tonnage traité par le seul port de Rotterdam. En, outre, depuis 25 ans, plus aucun port français ne dessert la Suisse. Plus grave encore, la part de marché des ports français est sur une tendance baissière. Aujourd'hui, un conteneur sur deux à destination de la France ne passe pas par un de nos ports. Si le premier semestre 2017 s'annonce meilleur que le premier semestre 2016 marqué par des conflits sociaux et une récolte céréalière très mauvaise, la croissance du fret maritime français reste inférieure à celle constatée dans les autres ports européens.

Quelles en sont les raisons ? Le développement du trafic de marchandises dans les grands ports maritimes français subit l'absence de la mise en place d'une desserte fiable et efficace des ports et de leur hinterland. La route reste, en France, le moyen privilégié pour le post et préacheminement des marchandises à destination des ports, avec près de 85% des trafics. Or, le transport par route, outre la pollution, ne peut pas absorber une augmentation importante de trafic. Certains ports déjà, comme celui du Havre, peuvent connaître des problèmes de congestion. Or, la fiabilité de la desserte est un critère essentiel pour les transporteurs. Un chiffre, que m'a donné, lors de son audition, Jean-Michel Genestier, Directeur général adjoint de SCNF Logistics, est édifiant : sur un trajet de 1 000 km, 98,5% des camions arrivent à l'heure prévue, à un quart d'heure près. Pour le fret ferroviaire, 70% seulement des trains arrivent à l'heure prévue, à la demi-journée près. De même, lors de son audition, Voies navigables de France a indiqué que certains transporteurs hésitaient à recourir au report modal sur la Seine, en raison de la vétusté de l'écluse de Méricourt, menaçant de tomber en panne - et ainsi de bloquer le trafic.

Or, si le report modal du routier vers le fluvial ou le ferroviaire se fait difficilement, l'inverse est beaucoup plus facile. Toute interruption pendant quelques temps du trafic fret fluvial ou ferroviaire est susceptible d'entraîner un report définitif vers la route. A titre d'exemple, une partie de la desserte des marchandises du port de Fos est assurée par voie fluviale vers Lyon. Le port de Fos donne la priorité au déchargement et chargement des navires maritimes sur les navires fluviaux. Dès lors le chargement d'un navire fluvial peut être retardé, réduisant ainsi le nombre de rotations qu'il peut faire en une semaine. Cela à des conséquences importantes sur une filière à l'équilibre budgétaire fragile. D'ailleurs, un des opérateurs a décidé de supprimer un de ses bateaux, pour des raisons financières. En conséquence, certains jours, aucun bateau ne circule entre Fos et Lyon. Comme l'indique VNF, cela entraîne mécaniquement un abandon supplémentaire du recours au fluvial. En effet, pour un transporteur, rien n'est pire que de savoir son conteneur bloqué dans un port. Et, si le bateau maritime arrive avec retard et rate la correspondance avec le bateau fluvial, du fait de la fin d'une liaison quotidienne, le conteneur sera bloqué deux jours à quai. Cette contrainte ne se posera pas avec le camion.

L'augmentation de la desserte modale des ports nécessite des investissements dans les ports, tels que la modernisation des écluses et des terminaux, la construction de nouveaux terminaux dédiés aux bateaux fluviaux, la modernisation du réseau ferroviaire portuaire. Des contraintes réglementaires peuvent jouer : aujourd'hui, pour accéder au port du Havre, les barges fluviales doivent passer en zone maritime dans l'estuaire de la Seine, et ont besoin d'une dérogation. L'AFITF prévoit de modifier cette réglementation afin de permettre leur passage dans l'estuaire 99 % du temps. Toutefois, cette modification réglementaire ne peut être qu'une solution temporaire dans l'attente d'infrastructures permettant un accès fluvial direct et sécurisé. C'est ce qui serait possible au Havre si le port s'engageait sans attendre dans la réalisation d'une chatière souhaitée par tous les acteurs concernés, et ce qui permettrait un accès sécurisé du transport fluvial au port, dans de meilleures conditions, toute l'année, 24 heures sur 24. Le Président du Conseil régional s'était d'ailleurs engagé à participer à son financement.

Mais, d'importants investissements en dehors des ports sont également nécessaires. Comme le soulignait Élisabeth Borne, en France nous sommes incapables de tracer un sillon de fret traversant le pays. L'électrification de la ligne Serqueux-Gisors, prévue pour mi 2020 répond en partie à cette préoccupation : elle permettra aux conteneurs et marchandises en provenant du Havre d'éviter les noeuds ferroviaires de Rouen et de Mantes la Jolie.

Enfin, il faut donner aux ports les moyens d'agir. Cela passe tout d'abord par une amélioration de la gouvernance. La Cour des comptes dans son rapport annuel de 2017 s'est intéressée à la mise en oeuvre de la réforme portuaire de 2008. Elle juge inégal le bilan de cette réforme. Sur la gouvernance, la Cour des comptes a constaté que le comité d'audit qui doit permettre une expertise indépendante des questions financières est impliqué de manière variable : d'une implication forte à Rouen, Dunkerque et au Havre, il l'est beaucoup moins à Bordeaux.

En outre, des périodes de vacance parfois longues ont pu être constatées dans la composition des directoires : 4 mois de vacance à Rouen, et à Marseille le directoire n'avait pas encore été réinstallé début 2017. Or, du fait de la prépondérance de la voix du président du directoire - directement nommé par l'État-, la Cour des comptes souligne que cette vacance revient à un pilotage par le seul président du directoire, et non par une direction collégiale. De même, on constate un retard dans le renouvellement de certains conseils de développement, alors même qu'ils regroupent les acteurs locaux concernés et participent à la définition des projets stratégiques du port.

De manière générale, il semble important de renforcer l'implication des collectivités territoriales dans la gouvernance des ports, notamment des conseils régionaux. Comme le note la Cour des comptes, depuis la loi NOTRe, ces derniers exercent de nouvelles compétences en matière de développement économique. Le Premier ministre s'est toutefois exprimé contre une décentralisation de la gouvernance plus poussée pour les grands ports maritimes, à minima pour ceux de l'axe Seine et de Marseille, en raison de l'intérêt national stratégique qu'ils représentent.

Enfin, les ports doivent disposer des moyens de se développer, grâce à une visibilité et une stabilité économiques accrues. Il s'agit tout d'abord de créer une marque portuaire visible et reconnaissable depuis l'Orient et le Sud-est asiatique. Ainsi, les ports de Paris, Rouen et du Havre se sont réunis dans le groupement d'intérêt public HAROPA pour améliorer la coordination des investissements, des aménagements, et mettre en place un guichet unique portuaire. À l'international, les ports du Havre et de Rouen doivent ainsi devenir la desserte de Paris, et d'un bassin de 13 millions de personnes. Marseille, Lyon et les ports intérieurs de l'axe Rhône-Saône se sont engagés dans une démarche logistique coordonnée similaire, avec Medlinks. Bien évidemment, et cela rejoint ce qui a été dit précédemment : pour que cela fonctionne, il faut que la chaîne logistique de l'axe Seine et de l'axe Rhône-Saône ne connaisse aucune interruption.

Par ailleurs, pour pouvoir se projeter économiquement à l'international, les ports français doivent disposer d'une stabilité fiscale et financière pour penser les investissements de demain. Or, ils ont récemment connu deux avaries fiscales. Il s'agit tout d'abord de la fin, suite à un arrêt du Conseil d'Etat en 2014 de l'exonération de taxe foncière pour les grands ports maritimes. Par ailleurs, très récemment en juillet dernier, la Commission européenne a remis en cause, pour distorsion de concurrence, l'exonération d'impôt sur les sociétés dont ils bénéficiaient depuis 1942. Ainsi, au titre de l'impôt sur les sociétés, les ports devront maintenant s'acquitter d'un montant d'environ 30 millions d'euros par an. A ces charges s'ajoute le reste à charge pour un même montant des opérations de dragage, qui dans d'autres pays sont prises en charge intégralement par l'Etat. C'est autant d'argent qu'ils ne peuvent investir dans leur développement à l'international, dans la captation de nouveaux clients, ou l'amélioration de leurs infrastructures. D'ailleurs, le port du Havre et celui de Marseille sont dans une situation d'endettement particulièrement difficile. Le Premier ministre a annoncé la semaine dernière, lors des Assises de l'économie de la mer, vouloir donner aux gestionnaires des ports « de la visibilité sur leurs charges, notamment fiscales ». Il s'agit d'un engagement que je salue, dont nous devrons nous assurer qu'il sera suivi.

En conclusion, nous sommes actuellement à un moment critique de la politique maritime de la France. Nos ports risquent un décrochage pérenne. L'ouverture du Canal Seine Nord peut certes constituer une opportunité pour le développement des ports français de la façade Manche et de la mer du Nord, mais, sans anticipation de la part des ports français et de l'Etat, cette ouverture risque de faciliter le transit des marchandises entre les ports allemands et néerlandais et le bassin parisien. Au final, comme l'a souligné le Premier ministre lors des Assises de l'économie de la mer la semaine dernière, il est nécessaire « d'améliorer la fluidité du passage portuaire. [...] Les ports ont besoin de la mer. Ils ont aussi besoin de la terre, plus précisément du rail et des fleuves. »

La commission des finances en appelle à la sagesse de notre assemblée sur ces crédits. Pour ma part, l'avis est défavorable, car le budget affecté au transport maritime ne permet pas de répondre aux défis d'aujourd'hui et de demain.

Je souhaite également préciser que nous avons, avec Michel Vaspart, reçu les responsables de Voies navigables de France. Il leur manque 100 millions d'euros par an pendant 10 ans, uniquement pour l'entretien et la sécurisation du fonctionnement du fluvial. SNCF Logistics nous a fait part des grandes difficultés que connaît le fret ferroviaire en France. Le déficit de compétitivité pour les ports français sur ces points est sans appel par rapport aux autres ports européens.

En outre, suite à l'échec de l'écotaxe, nous avions voté une taxe nouvelle pour financer l'AFITF. Or, de la même manière que l'Etat va faire un prélèvement sur les agences de l'eau, il récupère un tiers de la somme ainsi collectée pour le budget général, alors même que cet argent aurait pu revenir à l'AFITF et lui permettre de financer des travaux supplémentaires.

Enfin, il y a un véritable enjeu en matière de gouvernance. Je ne suis pas pour régionaliser les ports - l'État doit garder un droit de veto, notamment pour éviter toute concurrence entre ports français -, mais dans la gestion au quotidien, il doit laisser plus de place aux acteurs locaux. En 2008, j'avais reçu, dans le cadre des travaux préparatoires de la réforme portuaire, tous les responsables des conseils d'administration des ports. De manière unanime, ils m'avaient indiqué ne recevoir aucune instruction de la part de l'État, ni de réponse lorsqu'ils faisaient remonter un projet. J'avais introduit en 2008 un amendement pour permettre à un port, qui ne demande pas de financement à l'État, de pouvoir lancer un projet, simplement après en avoir informé ce dernier. Or, dans le cadre de la mission sur la mise en oeuvre de cette réforme, en 2013, nous nous étions rendu compte qu'aucun président de directoire ne s'était saisi de cette opportunité. Interrogés, certains indiquaient que leur mode de nomination, directement par l'État, et les conséquences d'une telle décision les faisaient hésiter à se saisir de cet outil.

Dans ces conditions et compte tenu des risques majeurs d'un décrochage pérenne du transport maritime français, je vous propose de donner un avis défavorable à ce budget.

M. Christophe Priou. - Nous avons entendu le 8 novembre dernier la ministre, qui nous avait indiqué que les crédits seraient en baisse, mais que c'était notamment dû au rattachement de la pêche au ministère de l'Agriculture. Les crédits inscrits au PLF 2018 permettent-ils de rester dans l'esprit de la loi pour l'économie bleue, qui visait à redynamiser le secteur maritime ?

Je souhaiterais alerter la commission sur la situation financière de la SNSM qui vient de fêter ses 50 ans. Elle a besoin d'un financement de 3 millions d'euros. Il faut trouver une solution pérenne à ce sujet, pour ne pas obliger chaque année cette association d'utilité publique à quémander des subventions  pour boucler son budget.

On a beaucoup parlé des autoroutes de la mer comme solution du futur. Toutefois, d'année en année, il est difficile d'avoir des crédits pour assurer leur viabilité et pérennité. Ces dernières semaines ont été chargées pour l'actualité du secteur maritime, tout d'abord avec le comité interministériel de la mer, puis les Assises de l'économie de la mer. Le Premier ministre a eu lors de ces dernières, un discours fort, et a indiqué vouloir mettre en place la complémentarité entre les ports. Avec nos trois façades maritimes, nous sommes les mieux placés en Europe. Nous devons améliorer notre compétitivité et la fluidité du passage portuaire. Pour autant, on a l'impression de rester en cale sèche. Ainsi, l'amendement de notre collègue Bruno Retailleau lors de la loi NOTRe, visant à donner un droit à l'expérimentation pour une gestion décentralisée des ports a été refusé. Il semble que le Premier ministre soit désormais ouvert à une discussion sur ce sujet. Localement il y a une réalité qui ne peut être ignorée. Ainsi, dans le grand port maritime de Nantes-Saint Nazaire, les collectivités n'ont pas voté le budget du port, car l'État n'avait pas respecté ses engagements. Là, où il devait apporter une subvention de 17 millions d'euros pour les travaux de dragage, il les a ramenés à 12 millions d'euros, sans aucune discussion possible. Il y a un problème de confiance et de réalité. Cela a été souligné par le rapporteur. Pour ma part, je voterai contre ce budget et ces crédits.

M. Frédéric Marchand. - Ce budget est un budget de transition. Le Premier ministre a fait de nombreuses annonces les deux dernières semaines. De même, tant dans le discours d'Elisabeth Borne que de Nicolas Hulot, on voit qu'il y a une intention manifeste de vouloir améliorer les choses pour le transport maritime. Nous savons aujourd'hui, que l'Etat a une vision plus globale sur ce sujet.

En ce qui concerne la SNSM, le gouvernement s'efforce de la ramener à l'équilibre, par des mesures financières qui sont là et affichées. En matière de formation, on peut se targuer d'avoir les outils pour avancer. Pour moi, c'est un budget de transition qui manifeste de bonnes intentions. J'entends les problématiques portuaires, et je suis de ceux qui pensent qu'une véritable politique globale est nécessaire. Or cette réflexion globale est au rendez-vous, on veut faire en sorte que nos ports puissent repartir de l'avant. C'est la raison pour laquelle, et cela ne vous étonnera pas, nous voterons les crédits proposés.

M. Jérôme Bignon. - Il y a quelque chose de malheureux dans cette affaire : ce budget vient en décalage avec les annonces récentes faites au CIMER et lors des Assises, où une feuille de route sur la politique maritime et portuaire française a été présentée. Dans le monde actuel, le fait d'être une puissance maritime décuple les capacités de développement de l'économie nationale. C'est une erreur de la France de ne pas en avoir pris conscience plus tôt. Il y a des choses qui ne vont pas si mal. La prise en charge des coûts de dragage a été améliorée, des efforts sont faits pour se rapprocher du netwage.

Pour moi, la loi pour l'économie bleue procédait à un ajustement de la situation maritime. Au contraire, le Premier ministre a présenté la semaine dernière, une vraie feuille de route qui trace à grands traits un avenir pour notre politique maritime. Elle me paraît à la fois ambitieuse et réaliste. Un des maîtres mots de cette politique est de jouer collectif. Or, le drame est en France que de trop nombreux maires considèrent que le port appartient à la commune. Le port est un instrument de la politique portuaire nationale. Dès lors, le port du Havre ne doit pas être opposé à celui de Dunkerque ou de Marseille. C'est une des erreurs historiques. La réalité, c'est qu'il faut jouer ensemble et bâtir un réseau fiable et efficace à l'arrière des ports. En effet, le port ne peut pas vivre sans hinterland. Ainsi, le port de Dunkerque ne vit pas s'il n'a pas derrière un territoire qui alimente à la fois l'entrée et la sortie de marchandises. Aujourd'hui, l'hinterland du port de Dunkerque va jusqu'à Paris, d'où l'utilité du Canal Seine-Nord-Europe.

Par ailleurs, il faut renforcer l'intermodalité. Or, on ne peut plus supporter des lignes de camions sur les autoroutes. Le recours au train ou à une péniche participe de la transition énergétique. Dès lors, on ne peut pas dire que l'on va respecter l'accord sur le climat et réduire les gaz à effet de serre, tout en continuant à favoriser les camions sur les routes. Le rapporteur a raison de revendiquer une ligne de chemin de fer entre Paris et le Havre pour le transport de marchandises, ainsi qu'une liaison directe entre le port et le fleuve. Sans cela, aucun résultat ne sera possible.

Pour ma part, je voterai pour ce budget, car dans les circonstances actuelles de fortes contraintes, il n'est pas si mauvais que cela. Toutefois, je souhaite que dans le budget de l'année prochaine, les engagements du Premier ministre se traduisent financièrement.

Dans le courant de l'année, nous devrons également veiller au dragage, pour lequel les crédits ne sont pas suffisants. De même, la SNSM est en grand danger. En effet, le service des douanes n'a aucune idée du montant que va lui rapporter la ressource affectée - la taxe sur les yachts de luxe. À mon avis, il faut une discussion solide dans l'hémicycle sur l'avenir de la SNSM. Nous sommes tous attachés à cette association d'utilité publique. Certes, cela peut paraître mineur pour la politique maritime de la France, mais c'est capital pour l'enjeu de la sécurité de nos compatriotes, principalement les pécheurs et plaisanciers.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Certes, ces dix derniers jours, des évènements importants ont eu lieu pour le domaine maritime. Mais si des déclarations fortes ont été faites, il y a pour l'instant peu de réalisations. On est dans l'expectative, dans son sens littéral, dans une attente fondée sur des probabilités. On ne sait pas ce qui va en sortir. Ces Assises étaient extrêmement attendues par les professionnels. D'ailleurs, les discours tenus peuvent être corrélés au livre de Jacques Attali sur l'Histoire de la mer, dans lequel il recense les diagnostics, les potentialités et les stratégies de ce secteur. L'ouverture de nouvelles voies maritimes, notamment la route du Nord-Ouest peut rebattre les cartes. Il y a donc un intérêt à avoir une véritable politique maritime ambitieuse. Or, je crains que la France ne rate son rendez-vous avec son destin maritime. On a, en effet, du mal à penser la mer de façon globale.

En 2005, j'avais travaillé sur les autoroutes de la mer. On ne peut que constater l'absence de progrès significatifs depuis. Nous avions travaillé sur cette problématique, par seulement sur l'aspect portuaire, mais sur la logistique dans son ensemble. Dans ce domaine, ce qui compte, ce n'est pas les ports, ou les collectivités territoriales qui ont participé au financement de ces autoroutes de la mer, mais il faut mesurer l'appétence des chargeurs, des opérateurs portuaires, qui sont des opérateurs privés. Nous avons deux façons de le faire : par une mobilisation par l'enthousiasme, via une subvention, ou par une mobilisation par la peur et la contrainte. En 2005, nous avions constaté que 1 000 camions passaient la frontière belge pour se rendre en Espagne. L'autoroute de la mer fonctionnait bien côté espagnol - près de 100% du trafic dans le sens Espagne-France l'empruntait. Par contre, dans le sens France-Espagne, à peine 50% du trafic l'empruntait. Il y ainsi un effort à faire sur la contrainte, pour que les camions ne continuent plus à saturer nos dessertes infrarégionales. Le Sénat doit réfléchir à la mise en place d'un schéma logistique global, afin de mieux valoriser nos ressources portuaires. Nous avions également tenté des expériences avec le ferroutage. Cela avait été un échec complet. On nous avait conseillé d'attendre la libéralisation du fret ferroviaire, car cela n'était pas la priorité de la SNCF. Serait-il possible de relancer des expérimentations du ferroutage ?

Enfin, la SNSM joue un rôle important en matière de sécurité maritime. Comment assurer sa pérennité dans le temps ?

M. Ronan Dantec. - Notre problème est de ne pas avoir un État suffisamment stratège en face de nous. Par ailleurs, il y a un sujet qui n'est absolument pas abordé en termes de prospective, c'est la question de l'avenir du trafic d'hydrocarbures. Actuellement, ces trafics sont très importants vers les ports français et alimentent toute une économie, via les raffineries et la pétrochimie. Or, on veut arrêter les moteurs thermiques pour 2040 en France - 2030 pour les Pays-Bas. Cela veut dire que l'un des principaux flux de trafics portuaires est sur la sellette à une échéance de 20 ans. C'est dès aujourd'hui qu'il faut penser les investissements de demain pour réagir à cette situation. En effet, cela va aller très vite. Le Premier ministre a déjà parlé de l'effet ciseau de la baisse des recettes liées aux importations des hydrocarbures et la fin du charbon pour les Ports du Havre et de Nantes à horizon 2021. Cela aura des conséquences très importantes pour Nantes, où le trafic y est beaucoup moins diversifié qu'au Havre. Je souhaiterai que l'on demande à l'État ce qu'il prévoit face à la fin inévitable de ces trafics. Cela aura une influence majeure sur les ports français. Les contrats de transition écologique prévoient que l'État finance la mutation des territoires les plus impactés. Or, les territoires portuaires feront partie de ces derniers, dans un temps très court. Il faut lancer une consultation avec l'État. Certes cette mutation va dans le sens de l'histoire, mais il faut dès à présent accélérer la mutation. Cela concerne l'ensemble du fret ferroviaire et fluvial également.

Enfin, le transport maritime n'échappera pas à un système de plafonnement de ses émissions. La CEMA-CGM a déjà annoncé l'utilisation des premiers navires à gaz naturel liquéfié qui permettra d'émettre moins de gaz à effet de serre. Ce plafonnement peut également redonner de la compétitivité à la façade atlantique, à Nantes et Bordeaux. Les bateaux iront en effet moins loin.

M. Michel Vaspart. - Nous sommes plusieurs à être inquiets pour l'avenir des ports français. Ils sont en effet loin d'avoir la force économique que leur permettrait d'avoir leur situation géographique. En ce moment tout se télescope. Il y a eu les Assises de la mer, avec une déclaration intéressante du Premier ministre, et il y a en ce moment le budget. Nous sommes ici consultés sur le budget. J'ai participé à quelques auditions avec Charles Revet, et j'ai été inquiété par ce que nous avons entendu. C'est notamment le cas de l'entretien des infrastructures fluviales. En effet, les ports ne peuvent pas fonctionner et être compétitifs, si derrière, l'intermodalité n'est pas développée. La route ne peut pas être la seule solution. Tout le monde partage cet avis. Or, les infrastructures sont dans un état lamentable. VNF nous a indiqué qu'ils ne savent pas si l'écluse de Méricourt va tenir encore longtemps. Si tel n'est pas le cas, le trafic sera bloqué en totalité, et se transférera automatiquement sur la route. Une fois ce transfert réalisé, il est difficile de le reconquérir pour les autres modes. 100 millions d'euros par an pendant 10 ans sont nécessaires, pour remettre à niveau nos infrastructures fluviales. Il faut rapporter ce chiffre au budget de l'État.

Il y a également un problème de gouvernance vis-à-vis de l'ensemble des acteurs économiques des ports. Tant que cela ne sera pas résolu, nous aurons du mal à reconquérir la compétitivité française.

Sur ce budget 2018, notre groupe partage l'avis du rapporteur. Il est différent de l'avis de la commission des finances qui s'est prononcée au fond. Toutefois, en commission des finances, l'avis portait également sur les autres modes de transport, dont l'aérien. Nous avons d'ailleurs émis un avis favorable sur l'aérien la semaine dernière, sur le rapport de notre collègue Nicole Bonnefoy. Mais, dans notre commission, il y a un avis propre au transport maritime.

Mme Christine Lanfranchi Dorgal. - Avoir un seul chef de file n'est-il pas mieux, pour développer une politique solidaire ? En effet, s'il y a plusieurs intervenants, le dialogue devient plus compliqué et difficile à gérer. Au contraire, avec un chef de file, il y a des directives, des possibilités de mutualisation d'économies d'échelle, et une force de frappe beaucoup plus importante.

Mme Martine Filleul. - Le canal Seine Nord est important pour le développement des ports de la façade de la mer du Nord, pour Dunkerque, mais aussi pour le Havre. Aujourd'hui, nous sommes dans une rivalité forte entre ces deux ports, qui freine les projets de développement du port de Dunkerque. Je souhaite que l'Etat mette en avant l'intérêt national par rapport à l'intérêt de chacun des ports. De la même manière l'État doit jouer un rôle au niveau européen. Que veut dire aujourd'hui la rivalité entre les ports néerlandais et français ? Nous avons besoin d'un Etat fort, avec une politique maritime plus ambitieuse.

M. Jean-Pierre Corbisez. - Mon collègue Gérard Cornu et moi-même avons donné un avis favorable au budget de l'AFITF qui augmente de 10%. Certes, ce dernier fait la part belle au réseau routier - 100 millions d'euros - et au réseau ferroviaire -50 millions d'euros. Au contraire, pour les ports maritimes et fluviaux, il y aura une baisse de 42 millions d'euros à 36 millions d'euros. Est-il possible de donner un avis négatif uniquement sur la partie portuaire ? Ne devrions-nous pas plutôt avoir une table ronde avec les services de l'État concernant la problématique des ports, sans pour autant avoir trois avis positifs et un avis négatif au sens de la même structure de financement des transports en France ?

M. Didier Mandelli, président. - Notre commission peut, si elle le souhaite, donner un avis négatif sur un seul des secteurs.

M. Michel Dagbert. - Je partage un certain nombre de choses qui ont été dites. Il est important de souligner la situation de VNF. Nos ports ne peuvent pas vivre sans hinterland. Le comité d'orientation des infrastructures, auquel je participe avec le président Maurey est très attentif à ces questions. Il a vocation à donner plus de lisibilité aux gros investissements qui seront nécessaires pour l'ensemble des infrastructures. VNF continue à gérer des linéaires qui ne servent plus au transport de marchandises. Il faudra à un moment se poser la question de savoir s'il ne faut pas procéder à une partition entre ceux qui ont une vocation économique et les autres. C'est à ce seul prix que l'on arrivera à relever le défi des infrastructures. La fragilité des écluses de la Seine a été soulignée. Nous sommes en effet, sur des infrastructures qui ont plus à voir avec celles du XIXème siècle, qu'avec celle du XXIème siècle.

Concernant, les ports, s'il me paraît salutaire de garder un Etat stratège définissant une vision nationale, il faudra ouvrir le débat de la régionalisation ou, à tout le moins, d'une plus grande participation et prise en compte des acteurs régionaux.

Il apparaît également utile de s'interroger dès à présent sur les mutations à venir : la fin du charbon en 2021, des hydrocarbures en 2030 aux Pays-Bas, 2040 en France. Il faut faire de cette difficulté une opportunité et s'intéresser dès à présent à la manière dont l'État entend accompagner la mutation de l'activité des ports.

Pour moi, le Canal Seine Nord est indispensable, mais à la condition que le gouvernement trouve les voies et moyens pour que cette infrastructure, ainsi que le Lyon-Turin, ne viennent pas assécher les crédits nécessaires à la régénération d'un certain nombre d'infrastructures ferroviaires, fluviales, routières. Il nous faut faire preuve d'imagination afin de trouver un financement sur un horizon long. On doit pouvoir réussir à le faire au sein du comité d'orientation des infrastructures.

Mme Françoise Cartron. - Nous sommes dans un budget de transition. Un certain nombre d'annonces ont été faites lors des Assises de la mer qui ne peuvent trouver leur concrétisation dans ce budget. C'est la raison pour laquelle notre groupe adoptera une abstention vigilante par rapport au budget de l'année prochaine.

La problématique de VNF est ancienne. Nous devons l'examiner dans sa globalité. Une priorité de ses actions doit être définie.

Mme Michèle Vullien. - J'ai travaillé dans la région lyonnaise sur la problématique du dernier kilomètre qui fait partie intégrante de la grande chaîne logistique. J'ai été frappée par ce qu'a dit la ministre sur l'incapacité en France à tracer un sillon ferroviaire. Or, pour la route, il existe des grands sillons. On critique le transport routier, mais celui-ci est organisé. Au contraire, pour le ferroviaire, il y a des ruptures de charge, la question des gabarits des tunnels ou encore de l'écartement des rails lorsque l'on change de pays se pose. Il est nécessaire d'avoir des grands sillons de fret maritimes et ferroviaires.

Au-delà du débat budgétaire, il faudrait que l'on ait une vision globale de tout ce qui concerne la logistique. Nous devons nous demander pourquoi un conteneur sur deux à destination de la France ne passe pas par un port français. Certains mouvements syndicaux ont fait fuir des chargeurs.

J'ai eu à travailler sur le port intérieur Édouard Herriot et je rejoins l'analyse qu'a faite le rapporteur. Lorsque, à un moment donné, le transport fluvial souffre d'une priorité donnée à d'autres, pendant plusieurs jours, aucune marchandise n'y est débarquée. On a l'impression d'un port fantôme.

En ce qui concerne la gouvernance, je me suis rendue dans le cadre de ma délégation à Padoue, qui est la base arrière de Trieste. Suite à un accord entre chargeurs, un seul d'entre eux était chargé de faire sortir les marchandises du port. C'était d'une efficacité redoutable.

M. Pierre Médevielle. - Nous avons tous l'impression d'un formidable gaspillage de cet atout maritime. Il y a aujourd'hui un problème de qualité de service. Je connais des entrepreneurs pyrénéens qui travaillent beaucoup avec le Maroc. Ils passent par le port d'Anvers pour y envoyer leur marchandise.

Je suis très inquiet pour la SNSM, car la ressource qui lui a été affectée va rapidement diminuer. En effet, les gestionnaires des ports voient les propriétaires des yachts de luxe commencer à s'installer ailleurs. Cette ressource sera très éphémère.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI suivra l'avis du rapporteur.

M. Charles Revet, rapporteur pour avis. - Certes, on peut voter ces crédits, en demandant à ce qu'il y ait une amélioration. Mais l'expérience prouve que cela n'a que peu d'impact. Au contraire, un refus attire l'attention. L'avis défavorable que je propose ne vise pas à faire une critique acerbe du budget proposé, mais à indiquer que si on ne fait rien, la situation va se dégrader de manière pérenne. Il faut marquer le coup pour interpeller le gouvernement.

S'agissant de la SNSM, les besoins de formation sont très importants. Les bénévoles, qui viennent de moins en moins du milieu de la mer, interviennent dans des conditions extrêmement difficiles. Pour eux-mêmes, et pour les gens qu'ils vont avoir à sauver, ils doivent être bien formés.

Les autoroutes de la mer peuvent bénéficier des financements européens, qui sont sous-utilisés. Certes, ces programmes, tels que Marco Polo, ne financent jamais intégralement un projet, mais cela peut aller jusqu'à 40 %.

En ce qui concerne le canal Seine Nord, le Premier ministre, ancien maire du Havre, n'en voulait pas. Pour ma part, ma position était plus nuancée, car je partais du principe que de toute manière il se fera. Je lie les financements européens à ce sujet : il faut les utiliser pour faire les travaux fluviaux, ferroviaires, portuaires nécessaires, procéder aux réorganisations, afin d'être prêts lorsque le canal va ouvrir. Dans ces conditions, les trafics maritimes viendront chez nous. Il faut que les ports retrouvent la compétitivité. Avant les conteneurs, l'hinterland était proche. Maintenant, il est beaucoup plus éloigné. Pour le Havre et Rouen, ce doit être Paris, mais aussi l'Europe centrale. Pour cela, il faut des moyens d'acheminements adaptés. Il y a urgence pour les développer. À Hambourg, au-delà de 50 kilomètres, tout se fait par voie ferroviaire. À Anvers, les deux tiers des flux partent par le fleuve ou le train. Chez nous, 85% de ceux-ci passent par la route. Dunkerque a fait beaucoup de progrès dans ce domaine. Il faut l'aider à continuer dans cette mutation.

Sur la question des autoroutes de la mer, une réflexion est en cours entre la France, l'Italie, l'Espagne, et le Portugal sur la mise en place d'un écobonus.

En France, il y a un chef de file : c'est l'État. Malheureusement, trop souvent, il ne donne aucune directive.

Nous sommes le pays avec le réseau de canaux et de voies ferrées le plus dense. Or, l'entretien ne suit pas. Il faut mettre des priorités, à la fois, pour la plaisance et le fret. Peut-être faut-il procéder à une réorganisation ? Il me semble qu'il faut aller plus loin que l'examen budgétaire sur ce sujet.

Par ailleurs, nous devrions également réfléchir sur l'entrée de capitaux étrangers dans nos infrastructures.

M. Michel Dagbert. - Depuis longtemps, nous avons procédé à une hiérarchisation de l'infrastructure routière voiries communales, départementales, nationales.... Nous devons avoir une vision similaire sur le fluvial. Beaucoup de linéaires ont vocation à gérer des phénomènes de crues. Ils répondent ainsi plus à des besoins de bassins hydrauliques que de déplacements. D'autres ont des vocations touristiques infrarégionales.

De manière générale, ne soyons pas pessimistes. La Chine vient de faire transiter, avec la réouverture de la route de la soie, un train jusqu'à la plateforme multimodale de Dourges.

M. Didier Mandelli, président. - Je proposerai au Président Maurey un débat sur la vision stratégique de l'ensemble de nos infrastructures et de l'intermodalité. En effet, on ne peut pas segmenter les transports.

M. Charles Revet, rapporteur pour avis. - En ce qui concerne le GNL, certains armateurs, comme Britany Ferries utilisent déjà ce carburant. Le Havre est en train de s'organiser, car cela peut avoir une incidence très importante sur le tourisme. En effet, les bateaux l'utilisant doivent accoster pour se ravitailler dans un port équipé. De manière générale, la loi a fait obligation de disposer des équipements, mais les ports ne sont pas en mesure de le faire.

Le droit à l'expérimentation a été évoqué. Il faut le faire rapidement. Toutefois, si je prône la décentralisation de la gestion, l'État doit jouer un rôle stratège.

Je finirai par une anecdote. Quand a été décidé le grand port maritime du Havre, le directeur maritime général de l'époque avait eu l'idée d'utiliser, pour faire transiter les marchandises, les quelques 10 000 kilomètres de lignes ferroviaires qui venaient d'être abandonnées. Dès lors, si ces dernières étaient dédiées au fret, il n'était pas nécessaire que les trains roulent très vite, car ils pourraient rouler de manière continue.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports maritimes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2018.

La réunion est close à 11 h 05.