Mercredi 31 mai 2017

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Évolutions, perspectives et gestion de la dette publique de la France - Communication

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La dette publique, en raison de son caractère faussement indolore, ne s'est que très progressivement imposée au sein du débat public. La crise des dettes souveraines dans l'Union européenne et l'abaissement de la note de la France à la fin des années 2000 nous en ont brusquement rappelé les dangers.

Elle n'a jamais cessé de croître, et ce depuis le milieu des années soixante-dix, en dépit du caractère anesthésiant de la baisse des taux d'intérêt. Elle est passée de 15 % du PIB en 1974 à 96,3 % du PIB en 2016. Elle représente près de 2 150 milliards d'euros, soit une dette moyenne de 75 850 euros par ménage.

En dépit de la faiblesse des taux d'intérêt, la charge de la dette de l'ensemble des administrations s'élève tout de même à 46,1 milliards d'euros en 2016, c'est-à-dire un montant supérieur aux dépenses consacrées à la défense et au produit net de l'impôt sur les sociétés.

L'alourdissement de la dette publique durant les quatre dernières décennies trouve sa source, non dans une politique d'investissement, mais dans une succession ininterrompue de déficits publics. Notre ancien collègue Jean-Pierre Fourcade le disait, il a été le dernier ministre des finances à présenter un budget en équilibre en 1974. Depuis, les administrations n'ont pas connu d'excédent.

Les ralentissements de la conjoncture n'expliquent qu'en partie cette situation. En effet, si les pouvoirs publics ont été au-delà des stabilisateurs automatiques lors des ralentissements économiques, en menant des politiques de relance, ils n'ont pas profité des embellies conjoncturelles pour redresser les comptes publics. Entre 1990 et aujourd'hui, à de rares exceptions près, les déficits publics ont été d'abord structurels.

Leur cause principale réside dans l'insuffisante maîtrise de la dépense des administrations. Au cours de même période, les dépenses publiques ont progressé plus rapidement que le PIB : de 3,6 % en moyenne et en valeur par an, contre 3 % pour le PIB.

Toujours entre 1990 et 2016, le poids de la dépense dans la richesse nationale a augmenté de 6,6 points de PIB. Le dynamisme des prestations sociales qui représentent désormais près de 26 % du PIB, l'explique à 90 %. La masse salariale de l'État et des administrations publiques a, elle, augmenté de 1 point de PIB. La charge de la dette a, quant à elle, reculé de 0,7 point de PIB en raison de la baisse quasi continue des taux d'intérêt depuis près de trois décennies.

Cette forte progression des dépenses est d'autant plus problématique qu'elle a alimenté la dette sans profiter à l'investissement ou à des secteurs porteurs d'avenir tels que l'éducation et la recherche.

Depuis 2009, le déficit public a été systématiquement supérieur aux dépenses d'investissement. Autrement dit, la dette publique constituée depuis cette date trouve essentiellement son origine dans les charges de personnel, de fonctionnement, d'intervention et d'intérêts de la dette. La part de l'investissement public dans le PIB a diminué de 0,5 point entre 2009 et 2016.

La part des dépenses publiques de recherche dans la richesse nationale a nettement reculé : 1,3 % du PIB en 2015, contre 1,8 % en 2015. Et ce, principalement aux dépens de la recherche fondamentale. Idem en matière d'éducation : la part des dépenses a diminué de 0,2 point de PIB durant la même période. Dans ces conditions, il est difficile d'affirmer que la hausse de la dette publique a contribué à créer de la richesse ou à préparer l'avenir.

D'après certains, le gonflement de la dette publique serait lié à un recul des prélèvements obligatoires. Pour autant, en dépit de diminutions ponctuelles entre 2000 et 2003, ainsi qu'entre 2007 et 2009, le taux de prélèvements obligatoires n'est jamais revenu en deçà de son niveau de 1990. Après une hausse de 4,2 points de PIB entre 1990 et 2013, il a enregistré une forte accélération après la crise de 2008, notamment à partir de 2012. Malgré un léger recul au cours de la période récente, les prélèvements obligatoires représentent encore 44,4 % du PIB en 2016.

En réalité, la dégradation de notre situation budgétaire provient, non d'une baisse de la fiscalité, mais de la dynamique des dépenses. Toutes les catégories d'administrations publiques y ont contribué mais à des degrés divers. L'État, au premier chef : il a été à l'origine de près de 85 % de la hausse de l'endettement public dans la richesse nationale entre 1980 et 2016. À partir du début des années quatre-vingt-dix, la dette des administrations de sécurité sociale, quasiment inexistante auparavant, a participé à hauteur de 12 % à la dynamique de la dette publique. La contribution des administrations publiques locales a été plus modeste, de 3 %, tandis que celle des organismes divers d'administration centrale a été nulle. Les collectivités locales, souvent montrées du doigt, ne sont pas responsables de l'endettement public.

C'est l'administration publique centrale et, en son sein, l'État, qui porte la majeure partie de la dette publique : en 2016, elle représente 80 % du total. Globalement, les dépenses de l'administration publique centrale rapportées au PIB sont restées stables depuis la fin des années soixante-dix : de 23,4 % du PIB en 1980 à 23 % en 2015. Cependant, cette stabilité globale masque des évolutions différenciées selon les dépenses considérées.

Malheureusement, la réduction la plus forte concerne les investissements : leur part dans le PIB a été divisée par deux depuis la fin des années soixante-dix. Les achats courants ont connu une diminution marquée ; la masse salariale de l'État a également baissé, quoique de façon plus mesurée. En revanche, les prestations sociales, qui incluent les retraites des fonctionnaires et des dispositifs ciblés comme les aides personnalisées au logement, ont fortement crû : elles sont supérieures d'un tiers à leur niveau de 1978 par rapport au PIB. La défense est le secteur qui accuse la diminution la plus marquée, ce qui est inquiétant dans le contexte international actuel. Les dépenses de recherche financées par l'administration publique centrale n'ont pas non plus été épargnées.

Bref, la maîtrise des dépenses a d'abord pesé sur l'investissement, en particulier sur la recherche et développement, et le budget de la défense, alors que les dépenses d'intervention ont connu une hausse particulièrement dynamique.

Quant aux recettes, leur poids par rapport au PIB a décru depuis la fin des années soixante-dix : 19,6 % de la richesse nationale en 2015, contre 22,4 % en 1978. Ce phénomène est lié à la concurrence fiscale, à la tendance à baisser les taux des impôts d'État en phase haute de cycle mais aussi à la progression des dépenses fiscales qui devraient s'élever à près de 90 milliards d'euros en 2017.

Concernant le secteur public local, qui intéresse particulièrement le Sénat, les transferts de compétences liés à la décentralisation ont alimenté la croissance très dynamique de leurs dépenses. Fait à souligner, les administrations locales réalisent une part majoritaire de l'investissement public, qui est financé pour partie par l'emprunt.

La masse salariale locale a doublé depuis la fin des années soixante-dix en raison de la hausse des effectifs mais aussi de mesures décidées par l'État, comme la réduction du temps de travail ou le dégel du point d'indice qui devrait représenter une charge de 546 millions d'euros pour le budget des collectivités territoriales en 2016.

La hausse des dépenses a été partiellement financée par celle des impôts locaux : ils représentent 6,1 % de la richesse nationale, contre 3,3 % en 1980. Elle s'est également traduite par une dépendance accrue des collectivités territoriales aux ressources transférées par l'État.

La dette sociale, presque inexistante avant les années quatre-vingt-dix, a significativement progressé ces dernières années. Cette tendance a été entretenue par le dynamisme des dépenses sociales qui ont crû de 3,6 % en valeur entre 1995 et 2015 alors que le PIB progressait seulement de 2,9 % par an en valeur. Les hausses les plus marquées sont celles des dépenses de santé, dont la part dans le PIB est passée de 7,5 % en 1995 à 8,5 % en 2014 et celles des dépenses de retraite, qui sont passées de 7,5 % à 11,4 % du PIB entre 1995 et 2014. Au total, la croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale a été plus rapide que leurs ressources.

Il faut aussi dire un mot des engagements hors bilan de l'État, c'est-à-dire des obligations potentielles susceptibles de créer une charge financière et donc de peser sur la dette publique. Les engagements hors bilan de l'État, soit les engagements pris dans le cadre d'accords bien définis - les garanties accordées à certains acteurs économiques, les engagements découlant de la mission de régulateur économique et social de l'État et les engagements de retraites de l'État - qui représentent à eux seuls plus de la moitié de l'ensemble, ont crû dans des proportions importantes depuis 2007. Ainsi, les engagements pris dans le cadre d'accords bien définis ont augmenté de plus de 50 % et les engagements de retraite de 70 % en dix ans.

Une part de cette hausse est toutefois liée à un meilleur recensement de ces engagements - certains d'entre eux sont dorénavant soumis à l'accord du Parlement. En outre, les engagements hors bilan reflètent des niveaux de risque très divers et leur contrôle par le Parlement est variable. Je préfère donc retenir seulement les engagements de retraite et les engagements découlant de la mission de régulateur économique et social de l'État pour calculer la dette publique implicite. Cette dernière s'élève en 2015 à 4 300 milliards d'euros, soit plus du double de la dette publique effective et près de 200 % du PIB.

Une réduction significative du poids de la dette publique portée par la croissance du PIB et l'inflation, comme nous l'avons connue au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, semble illusoire. De fait, les deux variables que sont la croissance économique et l'inflation ont tendanciellement ralenti depuis les années soixante-dix dans tous les pays industrialisés.

N'en concluons pas que le niveau actuel de notre dette publique trouve son origine dans le ralentissement de la croissance et l'inflation. En effet, après avoir été dans la moyenne européenne, nous nous en sommes écartés depuis 2012-2013. En 2016, notre ratio d'endettement est supérieur de 7,1 points de PIB à la moyenne de la zone euro, et de 12,8 points à celle de l'Union européenne. La France figure parmi les derniers États de l'Union européenne faisant l'objet d'une procédure de déficit excessif, aux côtés de la Croatie, de l'Espagne, de la Grèce, du Portugal et du Royaume-Uni. Parmi eux, notre pays est le seul à avoir vu ses recettes ainsi que ses dépenses publiques augmenter entre 2011 et 2016. Cela explique le creusement de l'écart entre la part des dépenses publiques dans le PIB français et la moyenne de la zone euro, qui est passée de 6,7 points en 2011 à 8,5 points en 2016. Entre 2012 et 2016, la croissance moyenne des dépenses publiques françaises s'est élevée à 1,7 % par an en valeur, contre 1,3 % dans la zone euro et 1,5 % dans l'Union européenne. Depuis 2016, la France est le pays de l'Union européenne dont le poids des dépenses dans le PIB est le plus élevé. Et ce, devant la Finlande : 56,2 %, contre 56,1 % du PIB.

La France est un émetteur souverain majeur au sein de la zone euro : depuis 2014, nous nous endettons autant que l'Allemagne et plus que tous les pays de la zone euro, sinon l'Italie. Si ce statut constitue une opportunité pour l'Agence France Trésor, dans la mesure où le volume des titres émis favorise leur liquidité, cela représente également un défi, voire un risque. Des volumes importants doivent être absorbés très régulièrement par les marchés financiers or la France n'est pas l'émetteur de référence de la zone euro ; c'est l'Allemagne qui bénéficie des meilleurs taux. Fort heureusement, l'Agence France Trésor effectue un travail approfondi pour garantir que les émissions se déroulent dans les meilleures conditions possible.

Le contexte actuel est particulier : les taux sont très faibles, la Banque centrale européenne absorbe une part importante des émissions dans le cadre de son programme de rachats et une grande partie de l'encours de dette accumulé lors de la crise financière arrive à échéance dans les prochaines années. Ces spécificités emportent deux conséquences. D'une part, la faiblesse des taux d'intérêt favorise un allongement de la maturité de la dette, ce qui sécurise pour plusieurs années les conditions de financement actuelles de l'État : la durée de vie de la dette a ainsi augmenté entre 2009 et 2017, avec une inflexion marquée à partir de 2014. D'autre part, les rachats de dette, qui visent à lisser les échéances de remboursements, ont significativement augmenté ces dernières années pour atteindre 33 milliards d'euros en 2015. Cette hausse correspond aux émissions réalisées lors de la crise de 2008 qui arrivent à échéance aujourd'hui. Le profil de remboursement de la dette souveraine restera élevé jusqu'en 2021.

Les collectivités territoriales, après la crise des emprunts toxiques, connaissent une période de relative accalmie. La faiblesse prolongée des taux d'intérêt et la concurrence accrue entre les financeurs facilitent leur accès à des emprunts bancaires au coût contenu. En outre, se développent d'autres modes de financement, tel l'endettement obligataire. Le financement désintermédié représente aujourd'hui 7 % du total de la dette locale, soit un montant quatre fois supérieur à celui de 1980. Ce mouvement est lié, entre autres, à l'émergence de l'Agence France Locale, dont le modèle de financement est calqué sur celui des agences scandinaves.

La dette sociale représente 225 milliards d'euros en 2016. Elle est gérée par divers acteurs, à commencer par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Cette dernière a porté 126,6 milliards d'euros de dette en 2015 - provenant des déficits du régime général, de l'Acoss et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). La Cades, depuis sa création en 1996, bénéficie de recettes dédiées : la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG), un versement du Fonds de réserve des retraites (FRR). En 2016, elle a amorti 124,7 milliards d'euros de dette. Lui reste donc 135,8 milliards d'euros à amortir - la dette sociale étant censée disparaître en 2024.

Grâce à la Cades, notre gestion de la dette sociale est particulièrement efficace : elle est fondée sur des émissions obligataires, notamment en devises. Avec le décret du 9 mai 2017, ses équipes seront intégrées à celles de l'Agence France Trésor. En revanche, et c'est heureux, la Caisse conservera une gouvernance autonome et elle continuera d'émettre en son nom propre.

L'Acoss, elle, est chargée de gérer les déficits cumulés des régimes de sécurité sociale qui n'ont pas été transférés à la Cades. Le montant de ces déficits a atteint 32,7 milliards d'euros en 2015. Auparavant financée par la Caisse des dépôts et consignations, l'Acoss recourt directement aux marchés financiers depuis 2005-2006.

L'Unédic porte une dette qui a atteint 25,7 milliards d'euros en 2015 en raison de la hausse du chômage. Sa stratégie financière, déterminée par son conseil d'administration, repose sur des obligations pour le long terme et des créances négociables pour les moyen et long termes. L'Union bénéficie d'une garantie de l'État.

Enfin, le reste de la dette sociale est constitué de celle des établissements publics de santé. Leur endettement a fortement augmenté au cours des quinze dernières années du fait des programmes d'investissement Hôpital 2007 et Hôpital 2012 ; elle représente 30 milliards d'euros en 2015.

La dette hospitalière présente des similarités avec la dette des collectivités territoriales : d'importantes difficultés financières au début des années 2010 ; un financement qui demeure essentiellement bancaire, mais repose également sur la Caisse des dépôts et consignations, la Banque européenne d'investissement et un recours accru à des financements désintermédiés. Ainsi, les émissions ont couvert près de 20 % des besoins de financement des hôpitaux en 2015. Si l'AP-HP est le principal émetteur d'obligations, certains hôpitaux recourent désormais à des émissions groupées.

La dette des administrations, en dépit d'une gestion à l'efficacité croissante, n'en reste pas moins un poids pour l'économie française. Elle limite les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires à la stabilisation de l'activité en cas de dégradation de la conjoncture. De plus, elle incite les contribuables à moins consommer afin de faire face à d'éventuelles hausses d'impôt. Elle est également à l'origine d'un effet d'éviction de l'investissement privé, dans la mesure où elle absorbe une part significative de l'épargne.

Quoi qu'il en soit, une dette élevée nous expose à une forte hausse de la charge d'intérêts. Certes, le pire n'est pas toujours sûr ; toutefois, il est probable que les taux d'intérêt sur la dette souveraine remontent bientôt, pour plusieurs raisons. Premièrement, la croissance et l'inflation en zone euro repartiraient à la hausse en 2017. Deuxièmement, la Banque centrale européenne a indiqué qu'elle poursuivrait sa politique monétaire accommodante jusqu'en décembre 2017 mais elle a déjà réduit son programme de rachats de 80 à 60 milliards d'euros. En cas de reprise de l'activité et de l'inflation, elle pourrait réduire davantage son programme de rachats de titres et relever ses taux directeurs à partir de 2018. Troisièmement, la Réserve fédérale américaine a mis fin à son programme de rachat d'actifs en 2014 et procédé à plusieurs hausses de son taux directeur depuis 2015 ; ce mouvement de réévaluation devrait se poursuivre en 2017. Enfin, la prime de risque demandée par les acheteurs sur la dette souveraine des États membres de la zone euro pourrait connaître une nouvelle hausse.

L'impact d'une augmentation des taux d'intérêt sur la charge de la dette de l'État, dépend de deux paramètres : l'ampleur de la hausse des taux et l'évolution du déficit budgétaire. J'ai ainsi établi plusieurs scénarios.

Premier scénario : une augmentation des taux de 1 % et une réduction volontariste du déficit budgétaire de 5 % chaque année. Dans ce cas, la hausse de la charge de la dette resterait modérée : elle dépasserait 10 milliards d'euros après la cinquième année suivant le choc.

Deuxième scénario, un choc de taux plus important avec une hausse de 2 % mais une trajectoire budgétaire de l'État maîtrisée avec une diminution de 5 % du déficit budgétaire par an. La charge de la dette augmenterait deux fois plus vite pour atteindre 13,4 milliards d'euros dès la troisième année qui suit le choc.

Troisième scénario : une hausse des taux de 1 % combinée à une dégradation du solde budgétaire de l'État de 5 % par an. L'augmentation de la charge budgétaire de la dette représenterait 18,7 milliards d'euros en 2026.

Quatrième et dernier scénario, un choc de 2 % et une dégradation du déficit budgétaire de 5 % par an. Un surcroît de près de 37 milliards d'euros pèserait sur le budget de l'État en 2026.

À court terme, c'est avant tout l'ampleur du choc de taux qui détermine le niveau de la hausse de la charge de la dette de l'État. Cependant, l'accumulation de déficits budgétaires importants pèse de façon de plus en significative sur la charge de la dette. En d'autres termes, plus le temps passe et plus la dégradation du déficit budgétaire amplifie l'impact budgétaire de la hausse des taux subie en début de période.

Je ne crois pas crier au loup en formulant ces hypothèses. Ces simulations n'intègrent pas l'effet d'un choc de taux sur le budget des administrations de sécurité sociale et des administrations locales. En outre, elles modélisent un choc de taux unique et relativement modéré alors que les taux remonteront probablement par paliers successifs avec des hausses répétées sur plusieurs années.

D'après les simulations de la Banque centrale européenne dans son rapport sur la stabilité financière, un choc de taux conjugué à une dérive des dépenses publiques conduirait à augmenter la dette dans des proportions insoutenables pour les États fortement endettés. La remontée des taux d'intérêt ne sera donc soutenable, pour la France, que si elle s'accompagne d'une maîtrise de la dépense publique.

Existe-t-il un risque réel de dérive de la dette publique française ? On peut malheureusement le penser car, depuis 1990, le solde public effectif a rarement été en deçà du solde stabilisant le ratio d'endettement, ce qui explique l'accroissement du poids de notre dette dans le PIB. Ensuite, depuis 2009, le solde public primaire a été systématiquement inférieur au solde primaire stabilisant. La France est bel et bien exposée à un effet boule de neige : une croissance de la dette entretenue par l'accumulation des charges d'intérêts.

Sur la base des hypothèses du dernier consensus de la croissance potentielle de la commission des finances, que j'avais proposé en juillet 2016, j'ai souhaité examiner comment la part de la dette publique dans le PIB évoluait si aucun effort budgétaire supplémentaire n'était engagé.

L'absence d'efforts budgétaires au cours des années à venir conduirait à une véritable dérive de la dette publique. En 2022, le poids de l'endettement dans la richesse nationale atteindrait près de 105 % du PIB dans le scénario le plus favorable, 118 % du PIB dans le scénario le moins favorable, avec une moyenne à 110 %.

Dans ces conditions, la maîtrise de la dette publique représente une nécessité absolue. Toutefois, cela ne saurait constituer le seul objectif de notre stratégie budgétaire ; nous devons également relever notre potentiel de croissance, significativement affaibli par la crise économique. Une stratégie de consolidation équilibrée des finances publiques consisterait à consacrer un tiers de l'effort de maîtrise de la dette à la hausse des investissements publics et à la baisse des prélèvements obligatoires.

En application du Pacte européen de stabilité et de croissance, la France devra respecter une règle de dette lorsque son déficit sera revenu en deçà de 3 % du PIB. Elle impose une réduction d'un vingtième, chaque année, de l'écart entre le poids de la dette dans le PIB et le seuil de 60 %. La dette publique devrait donc reculer de 2,3 points de PIB entre 2020 et 2021. D'après la « règle du tiers » de la consolidation budgétaire, un tiers de cette évolution, soit 0,8 point de PIB, serait consacré, pour moitié, à l'augmentation des investissements publics et, pour l'autre moitié, à la diminution des prélèvements obligatoires. Cette règle du tiers n'est pas seulement une règle de répartition, elle implique aussi une exigence : la baisse des impôts et l'accroissement des investissements impliqueront un effort accru en dépenses, soit 80 milliards d'euros d'économies sur les dépenses hors investissement entre 2017 et 2022.

Comment réaliser ces économies ? Question récurrente dans notre commission des finances... A la technique du coup de rabot, largement utilisée ces dernières années, préférons des réformes de structure pour ralentir durablement l'évolution de la dépense ; faisons preuve de sélectivité. Hausse du temps de travail dans la fonction publique, que j'ai pratiquée dans ma collectivité territoriale ; révision du périmètre des missions de l'État et suppression des doublons - qu'il reste des routes nationales est assez délirant ! - ou encore l'inévitable réforme du système de retraites si nous voulons revenir à l'équilibre financier sont autant de pistes. De telles mesures ne sont pas exclusives d'une réforme du marché du travail créatrice d'emplois, qui serait de nature à diminuer les dépenses consacrées à l'indemnisation du chômage.

Pour suivre l'évolution des finances publiques, le Parlement fixe de nombreux objectifs, qui s'appliquent à l'ensemble des administrations publiques, en loi de programmation des finances publiques : solde structurel, effort structurel, ratio de dette publique... En revanche, il n'existe aucune norme de dépenses s'appliquant à l'ensemble des administrations publiques. Créons-en une pour veiller à la bonne application de la règle du tiers. Le Parlement disposerait ainsi d'un point de repère pour évaluer la trajectoire des dépenses publiques. Cette norme, définie en loi de programmation des finances publiques, serait reprise dans l'article liminaire de la loi de finances, de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de règlement. Elle n'aurait pas de caractère contraignant mais contribuerait à sortir du pilotage et de l'analyse des dépenses publiques en silo qui n'a pas donné les résultats escomptés. Parce que les dépenses d'investissement sont les premières à diminuer, nous le voyons en examinant les décrets d'avance, la norme de dépenses pourrait s'accompagner d'une trajectoire d'investissement afin de protéger ces dépenses utiles au pays.

Voilà, en amont du débat d'orientation sur les finances publiques, les quelques pistes qui me paraissent favoriser une politique budgétaire équilibrée, crédible, afin de réduire la dette tout en préservant la croissance et l'investissement.

M. Éric Bocquet. - La dette publique, sujet intéressant qui mériterait d'amples débats... Je me limiterai à quelques remarques. Pourquoi en parle-t-on toujours sans évoquer l'actif de la France ? Le gonflement de la dette s'expliquerait par la dépense publique, le nombre de fonctionnaires ou encore les dépenses sociales. Mais soigner et éduquer, cela ne contribue-t-il pas à créer de la richesse ? Le budget de l'État ne se gère pas comme celui d'un ménage : couper dans les dépenses n'améliore pas automatiquement la situation financière, loin de là : la réduction des dépenses de l'État peut diminuer les recettes fiscales. Il est bon de rappeler que la dette des collectivités locales est maîtrisée et que les collectivités territoriales, dont on sait le rôle dans l'investissement public, présentent des budgets en équilibre, comme la loi l'exige d'ailleurs.

Une question naïve de béotien : comment se fait-il que la France emprunte sans difficulté des volumes aussi importants - 185 milliards d'euros en 2017 - si notre situation est aussi cataclysmique qu'on l'entend parfois ? Que je sache, la dette française se vend bien ; on se l'arrache !

M. Philippe Dallier. - Pourvu que ça dure !

M. Éric Bocquet. - Les États-Unis présentent un taux d'endettement supérieur à 100 % de leur richesse nationale, le Japon affiche une dette de plus de 200 % du PIB. Comme on le dit dans ma région, on dort mieux avec des dettes qu'avec des puces...

Quand disposerons-nous d'un véritable audit de la dette publique ? Elle provient de très nombreux éléments, dont des cadeaux fiscaux à l'efficacité douteuse, comme le CICE, ou encore le manque à gagner occasionné par l'évasion fiscale.

Enfin, puisque la Banque centrale européenne s'est partiellement affranchie de ses propres règles en mettant en oeuvre l'assouplissement quantitatif depuis quelques années, ne peut-on pas imaginer qu'elle finance les États européens et investisse pour créer la richesse de demain ?

M. Michel Bouvard. - Un regret pour commencer, celui que ce débat sur la dette ait été absent de la campagne présidentielle et, pour l'instant, de la campagne pour les élections législatives. Pouvez-vous en dire davantage sur ces « accords bien définis » dans le cadre des engagements hors bilan de l'État ? S'agit-il d'accords internationaux ? Concernant l'Acoss, ses lignes de trésorerie à 364 jours non consolidées en dette, qui m'ont valu d'être convoqué à Matignon il y a quelques années parce que je refusais de les augmenter, sont-elles comprises dans la dette sociale ? De même, y a-t-il une zone grise dans le traitement de la dette ferroviaire par Eurostat ?

Je partage l'analyse du rapporteur général sur la dichotomie entre hausse de la dette et insuffisance de l'investissement - et j'aimerais connaître l'évolution des investissements civils et militaires. Pour autant, l'investissement ne comprend pas les dépenses fiscales, comme le crédit d'impôt recherche, qu'il faudrait réintégrer. Éric Bocquet évoque le cas du Japon mais la question, pour la France, est d'abord de savoir si nous sommes dépendants à l'égard de l'étranger. Les derniers chiffres que j'ai en mémoire indiquaient que la dette était détenue à 40 % par des résidents nationaux. Y a-t-il eu une évolution ?

Effectivement, l'année 2021 sera une année sensible ; nous serons très exposés si les taux venaient à monter car nous aurons à renouveler une partie du stock d'emprunts constitué lors de la crise de 2008.

Enfin, le nouveau président de la République évoque une nationalisation de l'Unédic. Si elle survient, comment sera traitée la dette de cet organisme ?

M. Vincent Delahaye. - Financer le fonctionnement par l'endettement est anormal. À nous d'assumer nos dépenses, plutôt que de les reporter sur les générations futures, même si des liquidités sont disponibles sur les marchés financiers.

M. André Gattolin. - Les dépenses consacrées à la recherche comprennent-elles le crédit d'impôt recherche et le programme d'investissements d'avenir ? La réduction des dépenses publiques de recherche, en particulier des dépenses de recherche fondamentale, que souligne le rapporteur général, me semble cohérente avec la politique qui a été menée ces dernières années : il fallait, disait-on, tout faire pour inciter le secteur privé à investir dans la recherche...

Enfin, comment distinguer les dépenses de fonctionnement de celles d'investissement en matière de recherche ? Le salaire d'un chercheur tient des unes comme des autres.

En général, les comparaisons internationales ne me convainquent guère. Le périmètre des dépenses publiques varie selon les pays. Ainsi, les dépenses sociales, portées par le secteur public en France, relèvent du privé dans d'autres pays.

Enfin, les partenariats public-privé, Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli l'ont démontré, constituent une bombe à retardement pour l'endettement des collectivités territoriales. Face à des difficultés pour trouver des financements, les collectivités ont recouru à ces contrats, mais le risque est réel. Comme les programmes d'investissements d'avenir, leur statut est flou : on ne sait plus où commence et où finit la dépense publique.

M. Francis Delattre. - L'assurance maladie n'est pas mal gérée. Il est illusoire d'en espérer des milliards d'euros d'économies quand la population française vieillit et que se développent des maladies telles que le cancer et le diabète. Moins payer les vacations des médecins participe à l'extension du désert médical : dix ans d'études pour un salaire aussi modeste, cela n'attire pas grand monde. L'objectif national des dépenses d'assurance maladie, il faut le souligner, a joué son rôle pour contenir les dépenses. Surtout, pourquoi se polariser sur les 190 milliards d'euros de l'assurance maladie ? L'assurance chômage, gérée par un patronat qui aime tant nous faire la leçon et des syndicats qui le suivent la plupart du temps, est-elle bien gérée ? La gestion ne paraît pas fantastique... Bref, ne nous racontons pas d'histoires sur les économies à réaliser sur l'assurance maladie. Il serait beaucoup plus logique de mettre fin aux régimes spéciaux de certaines sociétés de transport qui coûtent 8 milliards d'euros par an ! La retraite à 52 ans, c'est déraisonnable par rapport aux autres Français.

La Cades, dont les ressources sont insuffisantes pour couvrir les besoins, était une petite structure légère et magnifiquement gérée. Et on va la supprimer...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Il y a fusion des équipes de gestion mais la gestion de la dette de la Cades demeurera indépendante !

M. Francis Delattre. - Quelle énorme erreur ! Cette petite structure qui enregistrait des résultats extraordinaires devait faire trop d'envieux au Trésor, il fallait visiblement à tout prix la faire revenir dans le giron de l'administration centrale. Mais puisqu'il semble y avoir consensus, je m'en tiens là. La période est au consensus...

M. Maurice Vincent. - À mon sens, la dette publique ne représente pas forcément un poids pour l'économie, elle le devient seulement quand elle est excessive et incontrôlée. Pourquoi les ménages consommeraient-ils moins quand elle atteint un niveau élevé ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - À cause de la hausse des prélèvements obligatoires !

M. Maurice Vincent. - On constate une reprise de la consommation depuis quelques semaines sans que la dette ait diminué. Quant au risque d'éviction de l'investissement privé, il se discute sérieusement : l'investissement public est parfois plus efficace.

Oui à des réformes de structure et à la sélectivité des dépenses plutôt qu'aux coups de rabot. Une dette représentant 90 % du PIB appelle à la plus grande vigilance en particulier compte tenu du risque budgétaire que représente une hausse des taux d'intérêt. Pour autant, les solutions pour y parvenir ne peuvent qu'être progressives. On peut, plutôt qu'augmenter le temps de travail des agents publics sans modifier leur rémunération, améliorer leur efficacité en recourant davantage au numérique. Quant à la réforme du système des retraites, ses effets se feront sentir à moyen terme seulement. En clair, les réformes doivent être progressives et s'accompagner de nouveaux investissements qui permettront de faire des économies plus tard.

M. Yvon Collin. - Quels sont les écarts de taux entre les émetteurs publics et les différentes catégories d'émetteurs privés ? Comment évaluez-vous les effets redistributifs de la dette publique par comparaison avec le financement fiscal des interventions publiques ?

M. Philippe Dominati. - À l'aube d'un nouveau quinquennat, je m'interroge sur la fameuse « règle d'or » budgétaire : nous voulions la graver dans la Constitution il y a cinq ans... Qu'est-elle devenue ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je serai synthétique car le Premier président de la Cour des comptes nous attend. L'endettement en soi n'est pas malsain, nous le savons dans les collectivités territoriales dont le budget, contrairement à celui des ménages, peut être comparé à celui de l'État. Ce qui en revanche pose problème, c'est de régler des dépenses courantes, de fonctionnement, par l'emprunt. Nous pouvons inscrire la règle d'or partout, que ce soit dans la Constitution ou dans une loi organique, lui donner tous les noms possibles, l'essentiel est de l'appliquer.

La dette publique suscite l'intérêt des marchés pour des raisons techniques, d'abord : les règles prudentielles fixées par « Bâle III » ou « Solvabilité II » imposent d'en détenir des volumes importants car les titres souverains sont considérés de bonne qualité. Ensuite, les banques centrales tirent la demande vers le haut en menant des politiques de rachats d'actifs. La dette est liquide, le marché secondaire fonctionne bien avec des titres diversifiés. Enfin la France dispose encore d'actifs et d'une épargne privée qui rassurent les investisseurs.

Faute de temps, je vous renvoie au rapport concernant la dette ferroviaire : 18 milliards d'euros ont déjà été requalifiés en dette publique.

Le crédit d'impôt recherche ne compense pas la baisse des dépenses publiques de recherche. Les dépenses d'investissement incluent bien les programmes d'investissements d'avenir.

Historiquement, la dette souveraine était détenue pour un tiers par des résidents, un tiers par des résidents de l'Union européenne et un tiers par des personnes du reste du monde. Aujourd'hui, la part des résidents français atteint 41,5 %, contre 32 % en 2009. L'épargne privée est en partie captée par l'endettement public, ce n'est un mystère pour personne.

Quand bien même la dette publique française est bien gérée, une hausse des taux d'intérêt pèsera sur notre économie.

La commission donne acte à M. Albéric de Montgolfier de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Résultats de l'exécution de l'exercice 2016 et certification des comptes de l'État pour l'exercice 2016 - Audition de M. Didier Migaud

Mme Michèle André, présidente. - Le Sénat étant une assemblée permanente, l'interruption de nos travaux en séance publique pendant la période électorale ne doit pas nous faire renoncer à notre rendez-vous annuel, fin mai, consacré à la présentation du rapport de la Cour des comptes sur l'exécution budgétaire et à la certification des comptes de l'année précédente. Nous sommes d'ailleurs nombreux ce matin pour vous entendre, monsieur le Premier président de la Cour des comptes. La particularité des années électorales est que la présentation des deux documents, qui sont théoriquement annexés au projet de loi de règlement, intervient alors que celui-ci n'est pas encore déposé. On peut imaginer qu'il sera, comme en 2012, délibéré en Conseil des ministres après les élections législatives. Le report du dépôt du projet de loi de règlement nous prive cependant d'un troisième document que vous nous présentez chaque année à cette date : l'avis du Haut Conseil des finances publiques sur le respect de la trajectoire de solde structurel. J'imagine que cet avis nous parviendra en même temps que le projet de loi de règlement.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Comme chaque année, je suis très heureux d'être auditionné par votre commission, au moment de la publication des travaux que la LOLF demande à la Cour de produire pour le Parlement, en amont de la discussion du projet de loi de règlement. Ces travaux portent respectivement sur les comptes et le budget de l'État en 2016. Ils ont vocation à vous servir d'appui dans vos analyses, et je souhaite que les rapports que nous présentons aujourd'hui et les analyses qui les sous-tendent vous soient les plus utiles possibles.

Le rapport annuel de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui sera publié tout début juillet, vous apportera des informations complémentaires et actualisées sur le champ constitué par l'ensemble des administrations publiques : État, sécurité sociale mais aussi collectivités territoriales. Il inclura un exercice d'audit donnant une vue complète sur la situation actuelle et prochaine des comptes publics, en réponse à la demande formulée par le Premier ministre dans une lettre datée du 22 mai dernier.

Pour vous présenter ces rapports, je suis accompagné de Raoul Briet, président de chambre, qui préside la formation inter-chambres chargée de leur préparation, d'Henri Paul, président de chambre et rapporteur général du comité du rapport public et des programmes, ainsi que de plusieurs autres magistrats qui y ont contribué.

L'acte de certification des comptes de l'État de 2016 est le onzième exercice de ce type conduit par la Cour des comptes en application des dispositions de la LOLF. Les comptes de 2016 ont été arrêtés par le ministre de l'économie et des finances avant qu'il ne quitte ses fonctions. Ils seront intégrés dans le projet de loi de règlement qui vous sera soumis par le nouveau Gouvernement. Dans l'acte qui est porté à votre connaissance aujourd'hui, la Cour vous donne son opinion motivée sur la régularité, la sincérité et la fidélité de l'image que procurent les documents produits par l'État sur sa situation comptable et financière, au regard de sa comptabilité générale - et non de sa comptabilité budgétaire.

Dans le bilan de l'État au 31 décembre 2016, le passif total s'élève à environ 2 200 milliards d'euros, en hausse de près de 100 milliards d'euros par rapport à fin 2015. Le total des actifs atteint presque 1 000 milliards d'euros, soit un niveau stable par rapport à fin 2015. Ainsi, la situation nette de l'État est négative, d'environ 1 200 milliards d'euros. Les engagements hors bilan de l'État atteignent, pour la première fois, 4 000 milliards d'euros, soit une progression de 700 milliards d'euros par rapport à fin 2015, due à la réévaluation des engagements de retraite.

Le résultat de 2016 est déficitaire et s'établit à 76 milliards d'euros, contre 83 milliards d'euros pour l'exercice précédent - au cours duquel la participation de l'État dans la SNCF avait été lourdement dépréciée. La perte constatée représente désormais l'équivalent de 25 % des produits fiscaux de l'exercice, contre à peine 10 % il y a dix ans.

Au titre de l'exercice 2016, la Cour certifie que les comptes de l'État donnent une image fidèle de son patrimoine et de sa situation comptable et financière. Elle assortit cependant cette certification de quatre réserves substantielles. L'amélioration de la fiabilité des comptes de l'État permet ainsi, pour la première fois depuis quatre ans, de diminuer le nombre de réserves en le ramenant de cinq à quatre. Toutefois, cette diminution, qui tire les conséquences logiques de plusieurs années d'amélioration, ne se traduit pas par la disparition pure et simple de l'une des cinq réserves formulées sur les comptes du précédent exercice. Nous avons en effet retenu une nouvelle présentation de nos constats d'audit qui permet aux lecteurs de l'Acte - au premier rang desquels votre commission - de mieux distinguer les questions d'« auditabilité » des états financiers, c'est-à-dire essentiellement la performance du système d'information financière et l'efficacité du contrôle interne, qui font l'objet de la réserve n° 1, des anomalies proprement dites relevées dans les comptes, qui sont décrites dans les réserves n° 2, 3 et 4.

Nous constatons d'abord que les fonctionnalités offertes par l'application Chorus, grâce à laquelle les comptes de l'État sont établis et suivis, ne sont pas assez utilisées pour fiabiliser les enregistrements. Des pratiques inappropriées, antérieures à sa mise en place, sont encore trop souvent possibles, et font obstacle à l'audit des comptes. Les modalités de son raccordement avec les applications qui lui transmettent des écritures comptables, qui sont toujours au format de l'ancien plan de comptes, obligent à des traitements intermédiaires nombreux et complexes qui sont source d'un risque significatif d'erreurs.

En outre, la capacité des ministères à organiser leur contrôle interne et à le piloter est encore insuffisante : le recensement des risques s'appuie rarement sur une carte des processus de gestion formalisée et, lorsque c'est le cas, celle-ci est en général circonscrite aux seules opérations des comptables ; les outils de compte-rendu sont trop limités pour mesurer l'efficacité des contrôles. Par ailleurs, l'audit interne est inégalement structuré et mis en oeuvre.

Notre deuxième réserve concerne les stocks militaires et les immobilisations corporelles. Nous soulignons le caractère incomplet ou la mauvaise retranscription dans les comptes de l'État des inventaires physiques de stocks ; le mode d'évaluation de ces mêmes actifs n'est pas toujours justifié. Puis, nous relevons le défaut de comptabilisation de certaines infrastructures civiles : barrages d'irrigation, digues, canaux, travaux sur les autoroutes concédées... Le mode d'évaluation du parc pénitentiaire de l'État se fonde sur des informations insuffisamment pertinentes et fiables, et de nombreuses difficultés pratiques entravent la détermination de la valeur vénale de son parc immobilier. Enfin, nous dénonçons la sous-évaluation notable des obligations de dépollution de l'État à la clôture de l'exercice.

La troisième réserve porte sur les immobilisations financières de l'État, car la Cour ne peut toujours pas se prononcer sur la fiabilité de l'évaluation d'un grand nombre de participations financières.

Enfin, des insuffisances significatives continuent d'affecter le contrôle et l'enregistrement en comptabilité des données relatives aux charges de personnel, aux charges d'intervention et aux produits régaliens. En particulier, l'évaluation des créances fiscales et le traitement comptable de certaines opérations et de certains risques à caractère fiscal ne donnent pas, en l'état actuel des choses, une image fidèle des droits et obligations de l'État. C'est notre quatrième réserve.

Un schéma retraçant l'évolution des réserves dans le temps vous a été communiqué. Il montre que depuis 2006, premier exercice soumis à la certification, l'administration a consenti des efforts qui ont permis la levée progressive de réserves substantielles. L'exercice 2016 en donne une illustration claire, puisque 33 parties de réserve font l'objet d'une levée dans l'acte et que toutes les réserves de 2015 sont concernées par ces levées, y compris les réserves dites systémiques, qui concernaient le système d'information et le contrôle interne. La situation s'améliore donc, c'est incontestable. L'administration continue de consentir des efforts importants en matière comptable. Ces efforts sont utiles, parce qu'ils accroissent la fiabilité des comptes, sous le regard attentif du certificateur, et parce qu'ils agissent comme un levier décisif de modernisation. Néanmoins, les sujets de vigilance restent nombreux et significatifs, et certains sont structurants, comme ceux qui concernent le système d'information financière et le contrôle interne.

Les conclusions du rapport publié en février 2016, dans lequel la Cour a dressé le bilan de la tenue par l'État d'une comptabilité générale, dix ans après son entrée en vigueur, sont éclairantes à cette égard - elles avaient d'ailleurs été présentées dans le cadre d'un colloque organisé conjointement par le Sénat et la Cour des comptes le 15 juin 2016. Par ces travaux, notre institution a pu mesurer les apports de la comptabilité générale, notamment dans la connaissance de sa situation financière et la modernisation de ses services. Elle a mis en évidence les progrès importants réalisés grâce au dialogue soutenu entre certificateur et certifié. Mais elle a aussi relevé une utilisation trop limitée de la comptabilité générale par l'administration, en particulier par les gestionnaires, et par les parlementaires eux-mêmes, qui avaient pourtant souhaité la réforme.

La Cour regrette d'autant plus cet état de fait qu'une plus large utilisation de la comptabilité générale permettrait d'identifier des leviers d'amélioration de la gestion publique - les familiers de ces sujets parlent de chaînage vertueux. Un chaînage vertueux, c'est par exemple quand l'administration utilise les données issues de la comptabilité patrimoniale jointe à la loi de règlement pour éclairer le processus de fixation des dotations inscrites dans le budget des années suivantes. Ainsi, pour les administrations, faire en sorte d'assurer un inventaire précis de leurs implantations immobilières et faire figurer chaque année leur valeur dans les comptes est un moyen très sûr pour suivre l'état réel du parc immobilier, estimer les moyens nécessaires à son entretien et, ce faisant, conduire une politique immobilière performante.

Dans son rapport, la Cour appelait à ce que l'effort soit aussi davantage porté sur l'amélioration des conditions d'établissement des comptes, avec le souci constant de proportionner les travaux à l'objectif de fournir une information comptable fiable et répondant aux besoins de ses destinataires.

Il importe que l'administration concentre désormais ses efforts sur trois priorités parmi celles que la Cour avait identifiées dans son bilan. Poursuivre la simplification de la tenue des comptes de l'État, d'abord, notamment en tirant davantage parti des possibilités d'automatisation et de dématérialisation qu'offre le progiciel Chorus ; ensuite, identifier les évolutions propres à remédier aux principales insuffisances relevées par la Cour, afin d'améliorer la fiabilité des comptes de l'État ; enfin, réduire les difficultés que la Cour rencontre encore pour les auditer.

Le rapport sur le budget de l'État en 2016 apporte un éclairage sur les finances de l'État en analysant l'exécution budgétaire de l'année passée. Ses quelques 2 000 pages comportent 57 analyses de la gestion des missions budgétaires, deux analyses de l'exécution des recettes, fiscales et non fiscales, une analyse des dépenses fiscales, et deux analyses des prélèvements sur recettes, au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne. Ces nombreux exercices illustrent les analyses globales sur l'exécution budgétaire 2016. Le rapport lui-même comprend une analyse de l'exécution 2016 et un chapitre thématique, consacré cette année aux relations budgétaires entre l'État et ses opérateurs.

La Cour y dresse six constats sur l'exécution budgétaire en 2016. Premièrement, la réduction du déficit du budget de l'État, observée en 2016, est peu significative. Deuxièmement, des facteurs exceptionnels ont permis aux recettes de rester proches des prévisions malgré un rendement décevant de l'impôt sur les sociétés. Troisièmement, les dépenses de l'État ont été contenues grâce à une économie sur la charge de la dette et à des accommodements critiquables. Quatrièmement, la gestion 2016 s'éloigne toujours plus des objectifs et des principes de la LOLF. Cinquièmement, au terme de l'exercice, les incertitudes sur la trajectoire budgétaire pluriannuelle sont renforcées. Enfin, la situation financière de l'État s'est encore détériorée.

La Cour constate en premier lieu que la réduction du déficit du budget de l'État, observée en 2016, est peu significative. Le déficit budgétaire représente 69,1 milliards d'euros. Il est inférieur de 3,2 milliards d'euros aux prévisions de déficit de la loi de finances initiale. Cette différence résulte, pour l'essentiel, de la situation plus favorable que prévue des comptes spéciaux, dont l'excédent est supérieur de 3 milliards d'euros à ce qui avait été anticipé. Or, cette situation s'explique par l'annulation, à hauteur de 2 milliards d'euros, de la contribution au désendettement du compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État ». Cette annulation permet d'afficher un déficit budgétaire inférieur aux prévisions initiales, mais elle est sans effet sur la dette de l'État.

Par rapport à 2015, le déficit enregistre une légère réduction, à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Néanmoins, lorsque l'on compare les agrégats en neutralisant les effets de périmètre, qui portent sur les dépenses exceptionnelles des années 2013 et 2014 et sur les programmes d'investissement d'avenir, il apparaît que le déficit de 2016 reste supérieur à celui de 2013.

Sur la même période, le déficit de l'État en comptabilité nationale augmente également, alors même que celui de l'ensemble des administrations publiques se réduit. Il est vrai que le budget de l'État a supporté le financement du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité et de solidarité, pour un montant significatif, qui atteint 24,5 milliards d'euros en 2016.

Enfin, le solde primaire de l'État, c'est-à-dire hors charge de la dette, ne permet pas de stabiliser sa dette en part du PIB. Ce déficit primaire représente 1,2 % du PIB alors qu'un excédent primaire de 0,7 % du PIB aurait été nécessaire. L'écart atteint donc presque 2 % du PIB, ce qui est considérable.

En deuxième lieu, la Cour observe que des facteurs exceptionnels ont permis aux recettes d'être proches des prévisions malgré un rendement de l'impôt sur les sociétés décevant. Les recettes fiscales nettes s'élèvent à 284,1 milliards d'euros et sont ainsi inférieures de 3,8 milliards d'euros au montant prévu en loi de finances initiale. Les moins-values fiscales sont concentrées sur l'impôt sur les sociétés, en baisse de 2,9 milliards d'euros par rapport aux prévisions, en raison d'une croissance du bénéfice fiscal moins forte qu'attendu et d'un moindre rendement du contrôle fiscal.

Néanmoins, l'agrégat des recettes nettes après prélèvements ne présente pas, lui, un écart aussi important avec les prévisions de la loi de finances initiale. Il ne s'élève qu'à 1,1 milliard d'euros. Cela est d'abord lié à l'encaissement de recettes exceptionnelles non reconductibles - notamment deux années de redevances d'usage des fréquences hertziennes, pour 1,3 milliard d'euros, et un prélèvement particulièrement élevé de 2,4 milliards d'euros sur la Coface. C'est aussi dû à une réduction des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne. Cette réduction s'explique par le retard pris par l'Union européenne dans la mise en oeuvre du cadre financier pluriannuel 2014-2020 et par de moindres dépenses au titre du fonds de compensation de la TVA pour les collectivités territoriales.

En l'état, rien ne permet d'anticiper la reconduction d'éléments aussi favorables en 2017.

Troisième constat de la Cour : en 2016, les dépenses de l'État ont été contenues grâce à une économie sur la charge de la dette et au prix d'accommodements critiquables. Hors recapitalisation de l'Agence française de développement, les dépenses nettes du budget général atteignent 308,3 milliards d'euros en 2016. Elles sont inférieures de 1,4 milliard d'euros aux évaluations initiales, grâce à une économie de 3 milliards d'euros sur la charge de la dette. Hors charge de la dette, pensions et mission « Relations avec les collectivités territoriales », c'est-à-dire sur le périmètre du budget triennal, les dépenses nettes du budget général en 2016 s'établissent à 223,5 milliards d'euros. Ceci représente une augmentation de 1 % à périmètre constant par rapport à 2015.

Si cette progression peut paraître relativement modérée, elle porte pourtant les dépenses à un niveau supérieur de 5,2 milliards d'euros à la cible de la programmation pluriannuelle. L'objectif de 5 milliards d'euros d'économies prévu par le Gouvernement pour l'État en 2016 n'a pas non plus été atteint. En outre, cette augmentation de 1 % des dépenses telle qu'elle est mesurée par la comptabilité budgétaire sous-estime leur évolution réelle. Elle ne tient pas compte de l'augmentation des reports de charges, qui progressent de 900 millions d'euros sur le budget général, à périmètre constant.

Par ailleurs, des contournements de la charte de budgétisation sont intervenus, par exemple sous la forme d'une substitution de taxes affectées à des dépenses budgétaires ou d'une surévaluation des mesures de périmètre. Ces accommodements conduisent également à minorer l'évolution des dépenses à périmètre constant de 1,9 milliard d'euros sur le budget général.

Si l'on prend en compte à la fois l'augmentation des reports de charges et les contournements de la charte de budgétisation, la progression des dépenses sur le périmètre du budget triennal s'établit à environ 1,8 %, soit près de deux fois plus que ce que fait apparaître la comptabilité budgétaire de l'État en 2016.

Quatrième constat de la Cour : la gestion 2016 s'éloigne toujours plus des objectifs et des principes de la LOLF. La loi organique relative aux lois de finances de 2001 poursuivait trois objectifs principaux : mieux définir les politiques publiques, responsabiliser les décideurs et améliorer la mesure des résultats de la gestion publique. L'exercice 2016 continue à creuser l'écart entre les pratiques et ces objectifs.

Tout d'abord, la lisibilité des politiques publiques a été brouillée par le développement des financements extrabudgétaires, notamment dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir. Les modifications introduites dans la gestion du troisième volet inscrit en loi de finances initiale 2017 sont positives mais restent incomplètes : la Cour recommande d'achever sa mise en conformité avec le droit commun budgétaire.

Ensuite, des sous-budgétisations importantes - représentant 3 milliards d'euros en 2016 - et des décisions de dépenses nouvelles intervenues dès le début de la gestion ont conduit à une exécution particulièrement heurtée.

Plusieurs mécanismes ont en effet été mobilisés de façon importante : mises en réserve de crédits élevées, renforcées en cours d'année par des sur-gels, y compris des reports, utilisation très étendue de la procédure des décrets d'avance, définition de cibles de fin de gestion distinctes des crédits ouverts. La note d'exécution budgétaire de la mission « Défense » analyse ces pratiques dans le détail sur l'un des plus gros budgets de l'État.

Ces mécanismes privent en partie l'autorisation parlementaire de sa signification et déresponsabilisent les gestionnaires en induisant un pilotage infra-annuel très rapproché de la dépense par la direction du budget et la mise en oeuvre en cours de gestion de mesures non différenciées de réduction des autres crédits. C'est ainsi l'ensemble du cadre de gestion de la LOLF, fondé sur le principe d'auto-assurance des gestionnaires, qui se trouve remis en cause.

Enfin, les indicateurs de performance présentent une information riche mais sous-utilisée, à la fois par les ministres et par le Parlement, dans le contrôle de l'action des responsables de programmes.

J'en viens à ma cinquième observation. Il s'agit aussi d'une transition vers les constats que je serai amené à partager avec vous le mois prochain dans l'audit des finances publiques : à l'issue de l'exercice 2016, les incertitudes sur la trajectoire budgétaire pluriannuelle sont renforcées.

À court terme, tout d'abord, l'accélération de la croissance des dépenses fiscales et les reports de charges créent un risque sur l'exécution 2017. En effet, le coût du CICE, qui s'est quasiment stabilisé en 2016, reprendra sa progression en 2017. S'agissant des dépenses, les reports de charges sont en augmentation fin 2016, comme l'illustrent notamment les analyses portant spécifiquement sur les missions « Agriculture, alimentation et affaires rurales » et « Travail et emploi. »

À moyen terme, les effets différés des décisions prises fin 2015 et en 2016 dans différents domaines accélèrent fortement l'évolution tendancielle de certaines dépenses. Ainsi, la croissance des dépenses de personnel a atteint 1,6 % hors pensions en 2016. Supérieure à l'augmentation cumulée des cinq années précédentes, elle a notamment rendu nécessaires des ouvertures de crédits importantes sur la mission « Enseignement scolaire », qui sont détaillées dans la note d'exécution qui vous est transmise. Cette hausse sera difficile à ralentir, compte tenu de la montée en charge de l'accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations signé fin 2015.

Par ailleurs, l'augmentation des dépenses des missions « Travail et emploi », « Défense » et « Sécurités » constatée en 2016 s'inscrit dans le cadre d'engagements pluriannuels et se poursuivra en 2017 et au cours des années suivantes.

Enfin, l'ensemble des analyses précédentes obligent à constater que la situation financière de l'État s'est encore détériorée en 2016. La dette financière négociable de l'État s'établit à 1 621 milliards d'euros fin 2016, en hausse de 45 milliards d'euros. Comme en 2015, c'est le niveau élevé de l'utilisation des primes à l'émission qui permet à l'augmentation de la dette financière d'être inférieure au déficit. Cette pratique est utilisée par d'autres pays, mais il s'agit d'un répit strictement temporaire puisque l'encaissement immédiat de primes à l'émission a comme contrepartie le paiement de coupons plus élevés dans les années à venir.

Par ailleurs, la baisse de 700 millions d'euros de la charge de la dette, que l'on constate malgré l'augmentation de cette dernière en 2016, s'explique par la faiblesse des taux et de l'inflation. Force est de constater que, depuis 2011, la charge de la dette de l'État a diminué de 10 % alors que son encours a augmenté de 23 %. Cela a facilité l'exécution budgétaire au cours des dernières années mais devient un risque dès lors que l'on considère l'avenir. En effet, si la remontée des taux amorcée fin 2016 se poursuivait et ne s'accompagnait pas d'une accélération de la croissance, c'est dans un environnement beaucoup moins favorable que l'État devrait poursuivre l'effort indispensable de redressement de ses comptes au cours des prochaines années.

Pour conclure sur l'exécution budgétaire, l'exercice 2016 apparaît comme une occasion manquée. Le contexte propice que constituaient la baisse de la charge de la dette et la forte réduction des prélèvements sur recettes n'a guère été mis à profit pour progresser dans le rétablissement des finances de l'État. À l'inverse, l'année 2016 se caractérise par l'émergence de facteurs d'accélération durable de la dépense, qui sont susceptibles de compromettre à court et moyen terme le retour à l'équilibre des comptes.

Enfin, nous avons voulu mettre un coup de projecteur sur l'encadrement budgétaire et financier pluriannuel des opérateurs de l'État. Les constats de la Cour dans ce domaine sont d'une nature un peu différente car ils ne portent pas seulement sur l'exécution 2016 mais résultent d'un travail rétrospectif plus large.

Les concours de l'État aux opérateurs ont représenté 50,7 milliards d'euros en 2016. Entre 2012 et la loi de finances initiale de 2017, ils ont augmenté de 9,9 % à périmètre constant, alors que les dépenses de l'État hors charge de la dette n'ont progressé que de 1,7 %.

Compte tenu de l'importance des dépenses de l'État consacrées aux opérateurs et de leur dynamisme, les lois de programmation des finances publiques successives ont mis en place depuis 2011 des dispositifs d'encadrement budgétaire et financier des opérateurs. Nos analyses révèlent que l'endettement a été maîtrisé, mais que l'encadrement des effectifs par les plafonds d'emploi s'est révélé peu opérant et que de nombreuses taxes affectées restent à rebudgétiser. La définition d'un objectif global d'évolution des concours de l'État aux opérateurs inclus dans la norme de dépenses pourrait redonner une cohérence aux dispositifs actuels d'encadrement des opérateurs dans la prochaine programmation des finances publiques. Cet objectif global pourrait être décliné au niveau des principaux opérateurs par un contrat d'objectifs et de moyens coordonné avec le budget triennal de l'État. Par ailleurs, la masse salariale des opérateurs nécessite un pilotage spécifique qui pourrait s'appuyer sur une extension du nombre d'opérateurs suivis par la commission interministérielle d'audit des salaires du secteur public.

Ces recommandations, si elles sont suivies, permettront aux opérateurs de prendre toute leur place dans l'effort de redressement des comptes publics dans le cadre de la prochaine loi de programmation pluriannuelle.

Mme Michèle André, présidente. - Après les attentats de 2015, nous avions inscrit des crédits en loi de finances pour 2016 afin de financer les deux plans de lutte contre le terrorisme. Avez-vous dressé un bilan de l'emploi de ces crédits ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Merci pour ce rapport, dont plusieurs analyses convergent avec les miennes : en 2016, les économies ont été des économies de constatation, et vous parlez également d'accommodements critiquables. Concernant la certification des comptes de l'État, pourquoi la Cour des comptes n'est-elle pas en mesure de se prononcer sur la fiabilité de l'évaluation d'un grand nombre de participations financières ? Comment remédier à cette situation inquiétante, à l'heure où l'État redéfinit son rôle d'actionnaire, dans un contexte d'incertitudes dans le secteur de l'énergie ? Faut-il renforcer les capacités de l'Agence des participations de l'État ?

Vous qualifiez l'exercice 2016 d'occasion manquée, et soulignez « l'émergence de facteurs d'accélération durable de la dépense, qui sont susceptibles de compromettre à court et moyen terme le retour à l'équilibre des comptes. » Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ? Par ailleurs, les restes à payer atteignent le niveau inédit de 100 milliards d'euros en 2016. Quelle en est la raison et quelles en sont les conséquences pour les prochains exercices budgétaires ?

Enfin, les décrets d'avance ont fait l'objet d'un avis défavorable de notre commission des finances, qui a considéré qu'ils n'étaient que la conséquence d'une sous-budgétisation initiale et non la réponse à un imprévu. La Cour des comptes confirme une sous-budgétisation de 3 milliards d'euros. Dans ces conditions, les décrets d'avance privent l'autorisation parlementaire d'une partie de sa signification et déresponsabilisent les gestionnaires. Faut-il changer les règles pour revenir à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, et limiter les mises en réserve et les surgels ?

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Les notes d'exécution budgétaire sur les missions « Sécurité », « Justice » et « Défense » répondent à votre question, madame la Présidente. Dans la police, en particulier, les emplois prévus ont bien été créés. 

Les participations financières font l'objet de notre troisième réserve dans l'acte de certification des comptes de l'État. En effet, les informations comptables sont très incomplètes. En conséquence, nous ne pouvons pas nous prononcer sur l'évaluation d'une part significative du patrimoine financier de l'État. D'abord, les données sont hétérogènes et ne relèvent pas toutes du même référentiel comptable. Puis, nous n'avons pas d'assurance sur la fiabilité des comptes de 433 entités, soit parce que les rapports de leurs commissaires aux comptes ne nous ont pas été communiqués, soit parce qu'elles ne sont pas soumises à l'obligation de faire certifier leurs comptes. Enfin, nous avons constaté des anomalies dans les comptes de certaines de ces entités. Une solution serait d'étendre le périmètre des entités devant faire certifier leurs comptes. Des marges de progrès existent indiscutablement.

Sur les leçons de l'exécution 2016, je vous renvoie à l'audit que nous réalisons actuellement. Les dépenses de personnel ont crû autant qu'au cours des cinq années précédentes. Leur augmentation devrait continuer en 2017.

Il n'est pas normal de présenter une loi de finances initiale avec un tel montant de sous-budgétisation de dépenses chroniques - et dont le montant est parfaitement connu à l'avance. Cela conduit ensuite à des gels, sur-gels et autres reports, et cela contrevient à la sincérité et à la transparence voulues par la loi organique relative aux lois de finances. Celle-ci encadre les virements de crédits et les reports, mais reste silencieuse sur le niveau maximal de la réserve - dont le montant est toutefois voté par le Parlement. Cela dit, la réserve est là pour faire face à des aléas, pas à des sous-budgétisations. Et rien ne s'opposerait à ce que le Parlement l'encadre.

M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes. -Les lois de programmation prévoient un montant minimal de réserve, afin de s'assurer que nous puissions faire face aux aléas. Rien n'empêche de fixer un montant maximal. Les charges à payer, qui mesurent les reports de charge d'un exercice à l'autre, ont progressé d'un milliard d'euros dans le budget général - essentiellement dans les missions « Agriculture » et « Recherche et enseignement supérieur ». Cette progression réduit les marges de manoeuvres du budget à venir. Les restes à payer mesurent les autorisations d'engagements qui n'ont pas encore donné lieu à l'ouverture de crédits de paiement. Ces montants rigidifient l'équation budgétaire à moyen terme : ils atteignent 100 milliards d'euros fin 2016, et concernent principalement le ministère de la Défense et la mission « Travail et Emploi ».

M. Marc Laménie. - Merci pour cet état des lieux et ces recommandations. Qu'est-ce qui distingue les réserves substantielles des autres ? Les anomalies qui vous relevez entraînent-elles un manque à gagner pour le budget de l'État ? Si oui, de quel montant ?

M. Maurice Vincent. - Ce rapport est très intéressant et rigoureux. J'y apporterai quelques nuances. Certes, les reports et l'accord pluriannuel sur la fonction publique compliqueront incontestablement l'élaboration des budgets à venir. Mais vos six constats, rigoureux, manquent de perspective : sur les dernières années, la réduction du déficit budgétaire s'est bien confirmée, et nous approchons des 3 % du PIB. Vous critiquez l'usage des décrets d'avance ; qu'aurait-on dit si le Gouvernement n'avait pas procédé aux dépenses indispensables dans le domaine agricole ou militaire ? Il est normal que, même dans un cadre pluriannuel, le politique tienne compte du contexte. Par ailleurs, alors que la Banque centrale européenne (BCE) déverse des liquidités pour relancer la croissance, une politique de réduction plus rapide du déficit budgétaire aurait été contre-productive.

Sur les comptes, vous énumérez des facteurs exceptionnels, parmi lesquels les 2 milliards d'euros du compte « Participations financières de l'État » qui n'ont pas été affectés au désendettement. C'était une mesure de bonne gestion : le coût de la dette est minimal, et nos participations procurent des dividendes de 3 % !

Mme Fabienne Keller. - Merci pour ce rapport précis et documenté. Avec Yvon Collin, nous nous réjouissons de la recapitalisation de l'Agence française de développement (AFD). Ainsi, nous pourrons continuer à financer des projets Nord-Sud. Cher Maurice Vincent, il me semble tout de même que le rapport de la Cour des comptes met en évidence un doublement de la dynamique des dépenses !

M. Francis Delattre. - C'est un keynésien...

Mme Fabienne Keller. - Je note une baisse significative - 3,8 milliards d'euros -du produit de l'impôt sur les sociétés. Est-ce dû à une baisse de l'activité économique, à l'optimisation fiscale européenne, ou à une amplification du suramortissement des investissements productifs avant l'extinction du dispositif ? La baisse des dépenses du fonds de compensation de la TVA est une bonne nouvelle pour l'équilibre budgétaire, mais une très mauvaise nouvelle pour l'économie. Quelle est la tendance ? Enfin, de quel montant l'utilisation des primes d'émission a-t-il permis de faire baisser la dette ?

M. Michel Bouvard. - Depuis le vote de la loi organique relative aux lois de finances, les opérateurs sont devenus un moyen de contourner la norme de dépenses et brouillent la lisibilité de l'encadrement budgétaire par le Parlement. Entre dépenses de personnel et taxes affectées, la croissance des dotations de l'État est considérable. Une loi ordinaire suffit-elle, ou faut-il une loi organique ? Nous découvrons sans arrêt de nouvelles aberrations : l'an dernier, nous avons appris que la Masse des douanes n'était pas recensée dans la liste des opérateurs ! Où s'arrête cette zone grise ?

Vous donnez une valeur nette du parc immobilier. Comment y arrivez-vous ? La pratique des primes d'émissions est générale en Europe. À l'heure où une partie importante de notre dette doit être renouvelée, constate-t-on un accroissement de leur encaissement ? Si oui, cela n'appelle-t-il pas à la prudence ?

M. Alain Houpert. - La note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Agriculture » relève « une programmation des crédits avec des économies en trompe-l'oeil », « des hypothèses de budgétisation contestables », « un schéma de fin de gestion chaotique », « une diminution artificielle de la dépense ». Certes, je constate ici-même que la programmation des crédits de l'agriculture est insincère et peu soutenable, mais le Conseil constitutionnel ne s'en émeut pas. Peut-on parler d'un conflit de jurisprudence entre la Cour des comptes et le Conseil ? Au moins, celui-ci pourrait décider de l'insincérité partielle d'une loi de finances : la mission « Agriculture » serait un excellent candidat ! Il est urgent que le budget agricole soit mis à la hauteur des enjeux. Nous comptons beaucoup sur l'enquête que nous vous avons demandée sur la chaîne de paiement des subventions agricoles.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - La Cour des comptes ne peut qu'observer des éléments d'insincérité, mais c'est le Conseil constitutionnel qui est le juge de la sincérité. Sa jurisprudence est de ne prendre en compte l'insincérité que lorsque les grandes lignes de la loi de finances initiales sont faussées. En l'espèce, les éléments d'insincérité se multiplient, et portent sur plusieurs milliards d'euros... Cela pose un problème !

Je ne saurais trahir le secret des délibérés, mais la distinction entre réserves substantielles et autres réserves a été faite par la Cour dès le début de la certification des comptes. Nous n'avons plus que des réserves substantielles, grâce à la levée de certaines réserves partielles. Oui, nous constatons des anomalies. Cela ne signifie pas que la direction du budget ou que la direction générale des finances publiques en soient responsables : en démocratie, les arbitrages sont rendus par les responsables politiques. D'où l'importance d'une juridiction indépendante à même de signaler ces anomalies au législateur, qui vote les lois de finances. Mais, pour répondre à Maurice Vincent, nous n'allons pas sur le terrain politique : nous formulons des constats objectifs et la mise en perspective est du ressort des parlementaires. D'ailleurs, nous ne vous avons présenté que les résultats de l'État, dont le solde est plutôt stable, en effet. L'amélioration globale du solde de toutes les administrations publiques est faible, comparée à nos voisins. C'est un choix politique, que la Cour n'a pas à apprécier, si ce n'est que cette lenteur du redressement des finances publiques doit être compatible avec les engagements pris par la France vis-à-vis de ses partenaires européens. Nous reconnaissons d'ailleurs que l'État a supporté le coût du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité et compense les allègements de charges à la Sécurité sociale.

Nous ne contestons pas le principe des décrets d'avance, pourvu qu'ils soient utilisés pour faire face à des aléas. Nous nous étonnons, en revanche, lorsqu'un collectif rouvre des crédits qui viennent d'être annulés - parfois pour les geler dans la foulée ! Cela ne contribue pas à la lisibilité des politiques publiques...

De même, nous ne commentons pas la décision politique de ne pas affecter 2 milliards d'euros au désendettement. Nous signalons simplement qu'elle permet une amélioration du solde budgétaire en trompe-l'oeil.

Il est très difficile d'anticiper le produit de l'impôt sur les sociétés, car les acomptes peuvent être déterminés en fonction de la politique de l'entreprise. L'audit révèlera peut-être de bonnes nouvelles pour le début de l'année 2017... Et il est exact que les chiffres du fonds de compensation de la TVA traduisent une baisse de l'investissement.

La loi ordinaire suffit à encadrer les opérateurs. La difficulté réside dans leur nombre, et dans leur variété.

Nous ne portons pas de jugement sur l'usage des primes d'émission, même si celui-ci s'est récemment accru. Certains pays ne le pratiquent pas. C'est le cas de l'Allemagne, dont la situation financière est certes différente de la nôtre... Et le Royaume Uni et l'Espagne, qui le pratiquent aussi, ne sont pas dans une situation très enviable. De fait, cette pratique ne fait que reporter l'endettement dans le temps, et ne le maîtrise nullement.

M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes. -À l'origine, nous avons signalé les réserves les plus importantes au ministère des finances en les qualifiant de substantielles. Les autres réserves se rapportant à des processus plus faciles à améliorer, seules des réserves substantielles subsistent. Le recours aux primes à l'émission a été inférieur en 2016 à ce que nous avons connu en 2015, et son motif a changé : en 2016, les taux d'intérêts négatifs ont contraint l'Agence France Trésor à encaisser immédiatement la totalité des primes d'émission. L'impôt sur les sociétés étant très imprévisible, gardons-nous de tirer des conclusions prématurées du résultat de 2016. Quant au fonds de compensation de la TVA, les chiffres de 2016 reflètent l'investissement réalisé en 2015 : ils n'ont donc aucune valeur prédictive. La valorisation du patrimoine immobilier peut être réalisée d'après la valeur de marché, ou la valeur historique. Il nous semble que nous avons utilisé trop systématiquement la valeur vénale pour des biens immobiliers spécifiques, auxquels ce type d'évaluation est mal adapté. Nous recommandons enfin de fixer un objectif d'évolution des concours aux opérateurs au sein de la norme de dépenses et d'essayer, au moins pour les plus importants, de retrouver la voie d'une démarche pluriannuelle. Mais les opérateurs sont très divers : quoi de commun entre Pôle Emploi et le parc du Mercantour ?

M. Claude Raynal. - Vos six constats sont assez raides ! Vous parlez de 2016 comme d'une occasion perdue. J'y vois plutôt des marges de manoeuvre bien utilisées. Certes, nous aurions pu diminuer la dette de quelques milliards d'euros. Mais les 24 milliards d'euros du CICE n'ont-ils pas été utiles à notre économie ? Il faudra en juger avec le recul. Le léger redressement de notre croissance au premier trimestre - 0,4 % - semble indiquer que le CICE a porté ses fruits en stimulant l'investissement des entreprises. En qualifiant de peu significative la réduction du déficit, vous portez un jugement politique qui passe sous silence l'utilité des politiques menées. Les précautions oratoires que vous avez utilisées avec nous auraient dû figurer dans votre rapport. J'ajoute que le terrorisme a contraint le Gouvernement à changer de pied et à relancer les dépenses militaires et de sécurité. En somme, les marges de manoeuvres ont été utilisées pour des politiques, me semble-t-il, peu discutées. Vous auriez pu le signaler en introduction. Je me rappelle de l'année où Jacques Chirac avait lancé au Gouvernement de Lionel Jospin qu'il disposait d'une cagnotte : ce fut une véritable injonction à dépenser !

M. Philippe Dallier. - Ce rapport tombe à pic pour mettre un terme à la petite musique de fond qu'on entend depuis fin 2016, et qui consistait pour le Gouvernement à dire que tout va mieux et qu'il a atteint ses objectifs. La réduction de 50 milliards d'euros des dépenses n'a jamais été faite, la courbe de la dette n'a nullement été inversée... Certains vous reprochent de ternir la situation, de ne pas insister sur les actifs. Justement, les chiffres de l'actif et du passif figurent clairement dans le rapport ! Voilà des années que la France certifie ses comptes - elle a été l'une des premières à le faire en Europe. Du coup, à quoi va bien pouvoir servir l'audit qui vous a été commandé ? J'ose espérer que nous n'y découvrirons rien !

M. Yvon Collin. - Je me réjouis également de la recapitalisation de l'Agence française pour le développement. Pourriez-vous préciser votre réserve sur les créances fiscales de l'État ? Vous parlez d'un écart de presque 2 % de PIB : à quel niveau notre déficit primaire aurait-il dû s'établir pour que 2016 n'ait pas été une occasion manquée ?

M. François Marc. - Sur la méthode, vous nous indiquez que la gestion s'éloigne toujours plus des objectifs. Lors de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, sous la présidence de Jean Arthuis, nous avions veillé à ce que les indicateurs de performance soient précis. Vous nous dites que leur appropriation reste faible. Quelles sont vos préconisations ? Faut-il une nouvelle loi ?

M. Éric Doligé. - Les taux bas sont comme une drogue. Ne pourrait-on pas préciser clairement le risque que ferait courir une hausse des taux ?

M. Francis Delattre. - L'absence de loi de finances rectificative signifie-t-il que le présent Gouvernement s'inscrit dans la continuité du précédent ?

Mme Michèle André, présidente. - Nous avons économisé un milliard d'euros en 2015 et un autre en 2016 sur le prélèvement sur recettes au profit de l'union européenne, en raison d'un retard dans la mise en oeuvre de la politique de cohésion. Quelles sont vos prévisions pour 2017 ? Avez-vous estimé l'incidence du Brexit sur la contribution française aux finances de l'Union européenne ? Depuis 2013, la France emprunte à un taux inférieur à celui qu'obtient le Royaume-Uni. L'écart avec l'Allemagne ne change pas. Comment expliquer cette confiance faite à notre signature ?

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - La France inspire confiance, raison pour laquelle elle peut emprunter à taux bas. Nous devons cependant rester vigilants : les taux d'intérêt pourraient remonter en raison de la politique monétaire des États-Unis et de celle de la BCE qui a indiqué que sa politique accommodante avait un terme. Cette hausse pourrait ne pas être proportionnée à la croissance ; dans ce cas, l'écart serait plus difficile à supporter. Cela dit, les prévisions de Bercy sont très raisonnables. Généralement, l'exécution est toujours meilleure que la prévision, ce qui permet de réaliser des économies par rapport à la loi de finances initiale tout en conservant à l'esprit que la charge de la dette s'étale au-delà de l'année budgétaire.

La dette sociale pose problème surtout si elle finance le fonctionnement, un problème d'équité entre les générations. Elle ne bénéficiera pas aux générations futures, à la différence des investissements. Quand bien même elle va diminuant, il y a là un vrai sujet.

Il n'est pas exclu que l'Union européenne demeure confrontée en 2017 aux effets des décisions qu'elle a prises, ce qui aura des effets sur la contribution de la France. En tous les cas, le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne augmentera, Brexit ou non.

Il ne revient pas à la Cour des comptes de décider si une loi de finances rectificative est nécessaire...

Le rapport de la Cour des comptes n'est ni raide ni mou. Notre travail consiste à évaluer la réalisation des objectifs qui ont été fixés en loi de finances initiale et dans les lois de programmation. Des écarts peuvent se justifier pourvu que les objectifs soient revus. Par exemple, le déficit, fixé à 2,7 % dans le budget, a été révisé à 2,8 % dans le programme de stabilité ; cela appelle naturellement quelques remarques. Du reste, ce constat a déclenché des propos très politiques de la part d'un ministre et de quelques parlementaires. Les rebondissements de cette affaire sont à suivre cet été...

M. Michel Bouvard. - Vous faites du teasing ?

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Les 24 milliards d'euros du CICE et du pacte de stabilité figurent dans notre rapport et la synthèse. La lecture que l'on en fait dépend de la sensibilité politique de chacun.

La Cour des comptes se méfie de l'expression « cagnotte ». Comment utiliser ce mot quand notre pays accuse un tel déficit ?

L'efficacité de la dépense publique et la performance de l'action publique, voilà de vrais sujets. En France, on s'intéresse trop souvent davantage aux annonces qu'aux résultats. Il faudrait développer une culture de l'évaluation, déjà présente au Sénat, en enrichissant nos indicateurs qualitatifs. La Cour des comptes formulera des préconisations : gels et reports déresponsabilisent les acteurs publics, à l'opposé de ce que nous recherchions dans la loi organique relative aux lois de finances. La France progresse dans ce travail d'évaluation, bien engagé en Australie et dans les pays nordiques, mais cela reste insuffisant. Il faut y associer le public : consommateurs, contribuables et assurés sociaux. Il faut responsabiliser l'ensemble des acteurs, par exemple en matière de transport sanitaire ou de médicaments. La Cour, mais vous le savez au Sénat, met à disposition ses deux mille pages de notes d'exécution budgétaire où l'on trouve de nombreux éléments pour avancer dans cette direction.

Mme Michèle André, présidente. - J'ai tracé des pistes pour améliorer le caractère opérationnel du dispositif de performance lors du colloque organisé par la Cour des comptes et l'Assemblée nationale, le 22 septembre 2016. François Marc avait lui-même engagé des travaux sur ce sujet lorsqu'il était rapporteur général.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - On met souvent en avant l'équilibre du solde primaire, nous en sommes encore loin. La Cour constate deux points de PIB d'écart avec le solde effectif.

M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes. -La réserve de la Cour sur les dépenses fiscales de l'État porte, en raison de la grande faiblesse du système d'information de la direction générale des finances publiques, sur le trop faible provisionnement affecté aux contentieux fiscaux et l'insuffisante estimation du risque de non recouvrement de créances fiscales à la suite d'un redressement fiscal.

Les rendements tirés des contrôles fiscaux ont diminué en 2016 pour revenir à leur niveau de 2014.

Mme Michèle André, présidente. - Michel Bouvard, malgré nos pressions amicales, nous quitte pour se consacrer à sa Savoie bien-aimée...

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - ... et à la Cour des comptes où nous sommes très sourcilleux sur le plein temps... La présidente qui l'accueillera lui a déjà concocté un programme de travail !

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12h50.

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

La réunion est ouverte à 15 h 00.

Contrôle budgétaire - Avenir du compte d'affection spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » - Communication

M. Thierry Carcenac, rapporteur- Michel Bouvard et moi-même sommes les rapporteurs spéciaux de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et du compte d'affectation spéciale. Nous nous sommes particulièrement intéressés à la politique immobilière de l'État, nous inscrivant dans les pas de nos prédécesseurs Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier.

La politique immobilière de l'État est particulièrement récente : ce n'est qu'en 2005 qu'elle a été définie de façon autonome dans le sillage de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Un immense travail de recensement du parc et de fiabilisation comptable s'est engagé, tandis que l'État propriétaire s'est incarné budgétairement par la création du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et, administrativement, par le service France Domaine. La logique de financement fait reposer les dépenses d'entretien et de restructuration sur les produits tirés des cessions.

Autonome, la politique immobilière de l'État ne l'a guère été longtemps. Politique support, elle a rapidement été convertie en support de politiques. Que ce soit la réforme de l'État, son moindre endettement ou la création de logements, ces objectifs ont concurrencé les ressources disponibles en réduisant le montant des produits de cession finalement affectés au compte d'affectation spéciale.

Après onze années d'exercice du compte d'affectation spéciale, trois rapports budgétaires dans lesquels Michel Bouvard et moi-même déplorions les lacunes de la politique immobilière de l'État, après des espoirs déçus en 2016 par une réforme timide, nous avons souhaité réfléchir à la nouvelle étape de la politique immobilière de l'État. Nous renouvelons en cela le rôle moteur du Parlement sur ces questions.

Certes, nous déplorons les lacunes et les inachèvements du tableau général, mais la toile n'est qu'en partie peinte aujourd'hui. D'importants progrès ont été enregistrés en une décennie : la connaissance du parc s'est améliorée, des restructurations d'ampleur ont eu lieu, notamment pour les administrations centrales en région parisienne. Toutefois, des pans entiers de la toile restent à peindre : le recensement du parc des opérateurs n'est toujours pas complet, ces derniers ne sont pas suffisamment agrégés à la démarche de rationalisation, l'état technique du parc et la dépense immobilière totale ne sont pas connus, les ministères occupants demeurent maîtres de leurs décisions immobilières.

Surtout, la soutenabilité financière de la politique n'est pas assurée. La logique de financement a vécu, dès lors que les produits de cession sont appelés à décroître et dépendent de plus en plus de quelques ventes. En 2016, quatre ventes ont ainsi rapporté autant que neuf cent neuf autres !

M. Michel Bouvard, rapporteur- Avant tout, mes chers collègues, je souhaite exprimer ma gratitude à Thierry Carcenac que j'ai retrouvé avec grand plaisir et tiens à remercier la présidente d'avoir reconstitué le duo ! Ce rapport d'information met l'accent sur les enjeux que nous avons identifiés dès les débuts de la loi organique relative aux lois de finances.

Nous proposons une feuille de route en douze points pour permettre à la politique immobilière de l'État de franchir l'étape de la maturité. Il y va de notre capacité à relever les défis d'entretien des bâtiments publics, dont nous connaissons les limites actuelles, et de proposer des bâtiments aux normes d'accessibilité et respectueux des engagements de transition énergétique. L'État ne peut pas imposer ces exigences aux collectivités locales et s'en affranchir quand il s'agit de ses propres bâtiments. Il y va surtout de notre capacité à mettre en oeuvre l'ensemble des politiques publiques.

Pour ce faire, nous avons étudié comment nos voisins européens procédaient. Nous nous sommes rendus à Londres, où nous avons été stupéfaits de la rapidité des avancées accomplies : les implantations auront été réduites de 80 % entre 2010 et 2020. Nous avons vu des open spaces partagés entre ministères, des salles de réunions partagées, par exemple au National Audit Office, la Cour des comptes britannique. Si ces rationalisations traduisent des choix d'organisation du service public propres aux Britanniques, elles reflètent surtout la capacité à enregistrer des progrès rapides. Nous avons été impressionnés par leur avance dans la connaissance des données techniques de chaque bâtiment, une fiche récapitulative des performances énergétiques et des surfaces étant affichée à l'entrée de tout bâtiment public.

Dans ce cadre, notre feuille de route part d'un préalable nécessaire : conforter notre connaissance de l'état technique des bâtiments et des composantes de la dépense immobilière, éclatée parmi les missions. Elle se concentre sur l'immobilier de bureaux et de logements, qui offrent le plus de possibilités de mutualisations.

Elle repose surtout sur deux axes.

Le premier axe vise à renforcer l'État propriétaire dans sa relation avec les ministères occupants et avec les collectivités territoriales. Comment expliquer, malgré l'affirmation de la distinction entre État propriétaire et ministères occupants, que 94 % de la dépense immobilière demeure assurée par ces derniers et que seuls 6 % figurent dans le compte d'affectation spéciale ? Conjuguée aux tensions budgétaires, cette situation favorise le recours à des solutions de tiers-financement, pesant durablement sur nos finances publiques : dix partenariats public-privé accaparent ainsi le quart du budget immobilier annuel de l'administration pénitentiaire ! Cette situation sous-optimale traduit la volonté des ministères de conserver le contrôle de leur immobilier, face à la crainte que leurs besoins, dans une période de restriction budgétaire, ne soient pas suffisamment pris en compte par la direction de l'immobilier de l'État.

En réponse, nous proposons que l'État devienne le responsable unique de la décision de céder un bien et l'unique affectataire du produit de la vente. Cette centralisation doit néanmoins s'accompagner d'un renforcement de la capacité de la direction de l'immobilier de l'État à offrir, par un dialogue avec les occupants, un service immobilier aux administrations. Il s'ensuivra un gain d'efficacité : centralisée, la fonction immobilière permettra aux ministères de disposer de bâtiments mieux entretenus et, ainsi, de s'affranchir des contraintes de cette fonction support en se concentrant sur leur coeur de métier.

Par ailleurs, les règles d'urbanisme prévues à la date de décision de cession d'un bien par l'État ou par un démantèlement de l'État doivent s'appliquer jusqu'à son issue. Il s'agit ainsi de prévenir tout blocage de cessions par l'utilisation du pouvoir d'urbanisme des communes, qui conduit par exemple, à l'heure où les pouvoirs publics réunissent leurs efforts pour renforcer la place financière de Paris, à avoir plus de 10 000 mètres carrés de bureaux abandonnés à proximité immédiate de la Défense, pour un coût annuel de 50 000 euros en gardiennage. Cette opération est bloquée depuis maintenant plus d'une décennie. D'autres cas de ce type existent : lors de la dernière réunion du Conseil immobilier de l'État, les responsables de l'Urssaf reconnaissaient être dans la même situation de blocage, faute d'accord avec les communes qui modifiaient les règles d'urbanisme pour empêcher les cessions.

Il s'agit surtout de privilégier une démarche partenariale, sur le modèle de l'accord conclu entre l'État et la Ville de Paris l'an dernier - certes, cela est dû à la personnalité singulière du préfet de Paris, qui rompt avec les pratiques de l'administration préfectorale. Soulignons que, en Italie, l'ensemble des acteurs publics procèdent à la rationalisation du parc, collectivités locales et organismes sociaux compris. Tel n'est pas le cas en France : les données sur les réalisations immobilières des autres administrations publiques ne sont pas mêmes connues ! On sait ce que fait l'État, mais il n'y a aucune consolidation ni aucune vision d'ensemble avec les administrations de sécurité sociale et les collectivités territoriales.

Le second axe vise à renforcer les capacités financières de l'État, en assurant la soutenabilité de la politique immobilière de l'État. En cédant pour 7 milliards d'euros, l'État a vendu 11 % de la valeur comptable des constructions dont il était propriétaire fin 2015 pour restructurer et mal entretenir les 89 % restants. Nous estimons qu'il faut désormais mieux valoriser notre patrimoine, en amont des ventes, et privilégier la location à la cession chaque fois que cela sera possible. Ainsi, nous dégagerons des revenus récurrents permettant davantage de prévisibilité et un pilotage amélioré de la dépense immobilière. Au Royaume-Uni, où le libéralisme est une tradition, les emphytéoses sont privilégiées pour permettre le retour des biens à l'État et l'encaissement de loyers afin d'injecter ces sommes dans l'entretien du patrimoine restant.

L'immobilier doit être géré comme un actif. Pour renforcer cette conception, nous proposons de transformer le compte d'affectation spéciale en budget annexe, reflétant la logique commerciale et patrimoniale qui doit guider la politique immobilière de l'État. Y seraient retracées l'ensemble des dépenses d'entretien du propriétaire en regard de l'ensemble des produits tirés de la gestion du parc - cessions et loyers, budgétaires et réels. Cette création préfigurerait la création, à terme, d'une véritable foncière publique regroupant l'immobilier de bureaux de l'État. Telle est l'organisation en vigueur pour l'État fédéral allemand, telle est également l'évolution en cours au Royaume-Uni.

Voilà les propositions que nous formulons sur ce sujet, qui prennent la forme de douze recommandations.

Première recommandation : afin de renforcer la vision globale du parc, il faut permettre à la direction de l'immobilier de l'État d'opérer l'arbitrage entre conservation et cession de ses biens immobiliers en la rendant unique responsable des décisions de cessions, dont elle assumerait en contrepartie les coûts associés.

Deuxième recommandation : pour augmenter la part des crédits immobiliers interministériels, il faut unifier l'affectation des produits de cession en supprimant le « droit au retour » des ministères civils. Conformément à leur statut d'occupants, leur incitation à la rationalisation immobilière serait alors assurée par l'utilisation des loyers budgétaires ou par le recours à la réputation.

Troisième recommandation : afin d'assurer une gestion efficiente des parcs de logements publics non mis à disposition par nécessité de service, il importe de déléguer leur gestion à des organismes tiers. Le parc de logements est parfois très mal géré.

Quatrième recommandation : il convient de favoriser le recentrage vers le pilotage et la gestion immobilière des moyens humains de l'État propriétaire en confiant à des professionnels privés de l'immobilier agréés les fonctions d'évaluation des biens immobiliers pour le compte des personnes publiques. Il s'agit de supprimer l'avis des domaines pour les collectivités locales, en se contentant d'une évaluation réalisée par des agents immobiliers dans le cadre d'une liste agréée par les préfectures, ce qui permettrait de gagner du temps et d'alléger la charge de la direction de l'immobilier de l'État.

Cinquième recommandation : afin de prendre en compte leurs conséquences à long terme pour les finances publiques, il faut renforcer les compétences de la direction de l'immobilier de l'État en centralisant le recours et le montage des contrats complexes de tiers-financement, comme les partenariats public-privé, auxquels ont recours les ministères.

Sixième recommandation : il s'agit d'approfondir les démarches de formation engagée en interne par la direction de l'immobilier de l'État pour répondre aux lacunes techniques de l'État, afin de lui permettre d'assurer ou d'encadrer la maîtrise d'ouvrage des travaux immobiliers mis en oeuvre. Cette compétence existait voilà dix ou quinze ans, mais s'est complètement perdue au fil des années.

Septième recommandation : il convient de prévenir tout blocage de cession par l'utilisation des règles d'urbanisme en stabilisant dans le temps les pouvoirs d'urbanisme des communes.

Huitième recommandation : pour optimiser les cessions des biens mis en vente, il est nécessaire de doter l'État propriétaire d'une structure d'appui à compétence interministérielle consacrée à la valorisation des biens, sur le modèle de la mission de réalisation des actifs immobiliers du ministère de la défense.

Neuvième recommandation : afin d'éviter la constitution d'un stock de biens cédés, in fine coûteuse pour les finances publiques, nous proposons de sécuriser par la loi la possibilité de céder avec décote par rapport à l'évaluation domaniale certains biens complexes.

Dixième recommandation : il convient de valoriser les biens immobiliers de l'État déclarés inutiles tout en en conservant la propriété, en recourant à des baux emphytéotiques et à des locations à des tiers.

Onzième recommandation : afin de constituer le nouvel outil d'incitation des ministères à la rationalisation de la fonction immobilière et d'accompagner la transition du modèle de financement de la politique immobilière de l'État des produits de cession aux produits de gestion récurrents, il importe de conforter les loyers budgétaires et de les étendre aux opérateurs de l'État.

Douzième recommandation : afin d'assurer la vision globale des traductions budgétaires de la politique immobilière de l'État et d'initier une approche commerciale et patrimoniale du parc, il s'agit de créer un budget annexe dédié à la politique immobilière de l'État pour doter le propriétaire d'un bras armé financier retraçant l'intégralité des produits, y compris les loyers budgétaires rénovés, et des charges résultant de son patrimoine immobilier, l'étape suivante pouvant être la création d'une foncière publique.

Dans ce dossier, l'enjeu budgétaire est important. De gros progrès ont été réalisés, il ne faut pas le nier, mais beaucoup reste à accomplir.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je remercie les deux rapporteurs, en particulier Michel Bouvard dont c'est le dernier travail en tant que parlementaire. Je ne doute pas que, dans ses nouvelles fonctions, il entendra toujours parler de l'immobilier de l'État.

Je me suis intéressé à ce sujet avec Philippe Dallier et ai été membre du conseil de l'immobilier de l'État. Certes, on peut saluer les progrès accomplis, mais la réalité reste effrayante : on s'aperçoit que certaines administrations ne connaissent pas leur patrimoine ou que des biens ont été oubliés ! De ce point de vue, aucun ministère n'est exemplaire.

Des propositions formulées, je retiens surtout l'objectif d'entretien des bâtiments publics afin de sauvegarder le patrimoine. Il s'agit d'un véritable enjeu. L'entretien courant n'est pas assuré, ce qui conduit à réaliser de gros travaux, pour des sommes considérables, parce que les réparations mineures n'ont pas été réalisées à temps. C'est particulièrement vrai pour ce qui concerne le patrimoine historique de l'État. Auparavant, il existait des architectes des bâtiments de France, dépendant du ministère de la culture. Comment s'assurer qu'une part de crédit soit affectée à l'entretien réel et au suivi des travaux ?

Ces préconisations visent, à terme, la création d'une foncière publique. Si j'ai bien compris, c'est le modèle allemand qui est retenu.

M. Michel Bouvard, rapporteur. - En matière d'entretien, nous sommes constamment en décalage : nous courons toujours après des besoins d'entretien que nous n'arrivons pas à satisfaire. Certes, il a été prévu un transfert du produit de certaines redevances domaniales du budget général vers le compte affectation spéciale mais, dans le cadre du projet de finances pour 2017, on s'est aperçu que, malgré cette recette supplémentaire, on dépensait 7 % de moins pour l'entretien de l'ensemble du parc.

C'est pourquoi nous proposons la constitution d'une recette récurrente : plutôt que de céder un bien avec un éclatement de la recette dans les conditions que l'on connaît aujourd'hui - une partie était affectée au désendettement, une autre sert à amortir une décote Duflot... -, on valorise le bien au travers d'une recette qui viendra alimenter l'entretien du patrimoine. On regroupe également l'ensemble des crédits, ce qui permet d'établir des priorités et d'y répondre. En effet, l'urgence des travaux n'est pas forcément la même d'un ministère à l'autre. Il s'agit de hiérarchiser les priorités sur l'ensemble du parc.

La création de la foncière publique permet bien, avec les loyers budgétaires, d'inciter l'ensemble des acteurs à rationaliser leur parc, pour réaliser des économies de gestion à terme et dégager du patrimoine pour financer l'entretien et la mise à niveau du parc en termes d'accessibilité notamment.

M. Thierry Carcenac, rapporteur- Il existe différentes natures de biens. Certains biens, au lieu d'être loués, peuvent être cédés sous forme de baux emphytéotiques, comme cela se passe au Royaume-Uni.

Il faut renforcer le rôle des secrétaires généraux des ministères. Nous savons que les fonctionnaires doivent disposer d'un certain nombre de mètres carrés. Pour notre part, nous souhaitons des rationalisations ; c'est pourquoi nous confortons les loyers budgétaires.

M. Dominique de Legge. - Je m'intéresse à l'immobilier de la défense. À cette occasion, j'ai fait quelques découvertes étonnantes ! Ainsi, certains biens avaient vocation à être vendus mais n'ont jamais trouvé preneur, ou bien des travaux en urgence étaient réalisés dans des biens qui avaient vocation à être vendus.

Quel est le coût de la décote Duflot ? Dès lors que l'État décide de vendre un bien, mais qu'une collectivité territoriale le préempte avec le projet d'y réaliser des logements sociaux, la décote peut aller jusqu'à 100 %.

En interrogeant la direction de l'immobilier de l'État et le ministère de la défense, j'ai constaté une divergence d'appréciation de leur rôle respectif. Considérant que la gestion de son patrimoine est un élément d'équilibre de son budget, le ministère de la défense estime qu'il doit en faire son affaire, tandis que la direction de l'immobilier de l'État déplore que ce ministère se comporte en « frondeur ». Pouvez-vous nous en dire davantage sur la qualité des relations entre cette direction et le ministère de la défense ?

M. Philippe Dominati. - Le dimensionnement est évalué à 75 millions de mètres carrés. Il est question d'une cession de 11 % sur la dernière décennie : parle-t-on de surface ou de valeur ?

Dans ce domaine, les comparaisons internationales sont intéressantes. Le périmètre semble avoir baissé de 11 % en surface, mais le nombre d'agents de l'État a augmenté durant la même période. Les normes sont-elles comparables par rapport à nos voisins britanniques, allemands ou italiens ? Le dimensionnement est-il équivalent ? En d'autres termes, notre parc est-il surdimensionné ou sous-dimensionné ?

Enfin, vous avez parlé d'un droit au retour pour les ministères civils, semblant faire une exception pour le ministère de la défense. Je m'interroge sur cette exception ; certaines installations sont liées à l'histoire, mais n'ont plus d'utilité militaire et sont situées en plein centre-ville. Dans ces conditions, pourquoi le droit au retour serait-il maintenu ?

M. Jacques Chiron. - Je souhaite revenir sur l'entretien des bâtiments publics. Nous avons voté il y a trois ans un texte obligeant les immeubles privés à prévoir des provisions pour grosses réparations. Il faudrait en faire de même pour les bâtiments publics, charge ensuite à la foncière d'affecter ces sommes en fonction des besoins. Nous serions ainsi certains qu'une recette serait constituée chaque année pour entretenir les bâtiments publics et cela permettrait de faire face aux dépenses lorsqu'elles se présenteraient.

M. Philippe Dallier. - Pour l'évaluation des biens des collectivités locales, il est recommandé de recourir non plus aux services locaux du domaine, mais à des agences immobilières agréées. En tant que maire, je suis sceptique. Certes, ces services mettent du temps à venir pour réaliser une évaluation, mais cette procédure présente l'avantage de protéger les élus locaux. En outre, il s'agit d'une structure de l'État, ce qui est une sécurité. S'en remettre à des agences immobilières, fussent-elles agréées, me met mal à l'aise : n'y a-t-il pas plus de risques que de bénéfices à mettre en place une telle proposition ?

M. Marc Laménie. - Je souhaite revenir sur la répartition géographique de tous ces bâtiments. Certains ministères sont plus concernés que d'autres ; je pense notamment au ministère de la défense. Qui sont les acquéreurs ? Sont-ce les communes ou intercommunalités ou davantage des personnes privées ?

M. Michel Canevet. - L'éclairage sur les pratiques en vigueur dans d'autres pays est intéressant. Ce qui a été fait au Royaume-Uni n'est pas si ancien et nous voyons bien que nous pouvons rattraper notre retard assez rapidement.

Aujourd'hui, la règle est à peu près de dix mètres carrés par bureau. Est-elle respectée dans la plupart des programmes immobiliers ? Je pense en particulier au programme Ségur-Fontenoy. S'agit-il d'une bonne opération ? Une opération similaire peut-elle être envisagée sur la propriété du ministère de la défense libérée dans le quartier de l'Assemblée nationale ?

Je souhaite également interroger les rapporteurs sur les propriétés des collectivités territoriales mises à disposition de l'État. Cette pratique continue-t-elle ? N'y aurait-il pas lieu de procéder à des rationalisations en la matière pour que l'on ait une meilleure connaissance du patrimoine et, surtout, que les choses soient claires entre les différents propriétaires de parcs immobiliers ?

M. Éric Doligé. - Je suis surpris de constater que les avis intéressants du conseil de l'immobilier de l'État, où je siège avec Michel Bouvard, ne sont pas suivis de beaucoup d'effets.

De multiples organismes gérant leurs propres structures, qu'il s'agisse des universités, de l'Urssaf ou des hôpitaux, viennent nous présenter leur dossier. À titre d'exemple, permettez-moi d'évoquer le cas de l'un d'entre eux, dont je ne citerai pas le nom. Cet organisme ne s'intéresse pas de près à la gestion de son patrimoine immobilier. Une vision globale est donc nécessaire.

Ce même organisme argue également qu'il pourrait certes regrouper son parc immobilier, mais que c'est très difficile en raison de l'attachement du personnel aux bâtiments ! Pour que la situation évolue, il faut qu'une autorité supérieure prenne les décisions.

Enfin, certains ministères, comme celui des affaires étrangères, ont du mal à évaluer l'ensemble de leurs biens, les valeurs des biens étant différentes dans tous les pays.

M. Bernard Lalande. - Existe-t-il des copropriétés entre l'État et les collectivités territoriales ? Si oui, sont-elles comptabilisées dans les 66 milliards d'euros, soit la valeur totale des biens immobiliers de l'État ? A-t-on évalué de manière générale l'ensemble du patrimoine public français, y compris celui des collectivités locales et des hôpitaux ?

Dans ces 66 milliards d'euros, quelle est la part du foncier bâti et celle du foncier non bâti, sachant que la valeur du foncier non bâti en zone urbaine est bien supérieure à celle du foncier bâti ? Cette question fait l'objet de discussions entre collectivités territoriales et la direction de l'immobilier de l'État lorsqu'il s'agit en particulier de réaliser des logements sociaux.

En tant qu'élu local, je me suis toujours demandé pourquoi on sollicitait les collectivités locales pour construire des gendarmeries, lesquelles paient ensuite des loyers, alors qu'il s'agit de loger des fonctionnaires destinés à rester sur le territoire.

Mme Michèle André, présidente. - Avant de laisser la parole à Jean-Claude Requier, je tiens à saluer la mémoire de notre regretté collègue François Fortassin, décédé voilà quelques jours, qui a longtemps siégé au sein de notre commission et que nous appréciions tous. J'ai une pensée amicale pour lui.

M. Jean-Claude Requier. - Comment se fait-il que l'Italie encaisse deux fois plus d'argent que la France chaque année ?

Ensuite, que pensez-vous des rabais consentis aux collectivités ? Dans de nombreux cas, on vend à pertes. Quelle est la ligne à ne pas franchir dans ce domaine ?

M. Michel Bouvard, rapporteur. - Pour répondre à Dominique de Legge, le coût global des décotes Duflot est évalué à 90 millions d'euros fin 2016.

Je ne sais pas exactement où l'on en est concernant l'îlot Saint-Germain, c'est-à-dire les anciens locaux du ministère de la défense. J'ai suivi ce dossier à ses débuts, il y a neuf ans, lorsque la Caisse des dépôts et consignations avait été sollicitée pour en traiter une partie, la plus compliquée, ce qu'elle avait refusé de faire compte tenu des risques qu'elle aurait été amenée à prendre, l'autre, la plus simple, étant confiée à la Société de valorisation foncière et immobilière (Sovafim).

À cet égard, nous proposons que la Sovafim ne siège plus au sein de l'organisme européen qui représente les propriétaires immobiliers de l'État. Assez curieusement, c'est non pas la direction immobilière de l'État qui représente la France, mais la Sovafim, alors que cette dernière ne gère qu'une activité marginale.

La décote Duflot pose des problèmes à Paris pour les biens de l'État. Chacun connaît les tensions en matière de production de logement locatif social dans la capitale. En tant que préfet, Jean-François Carenco a effectué un important travail de mise à jour et est parvenu à un accord entre la Ville de Paris et la direction immobilière de l'État sur les bâtiments qu'il convenait de « pastiller », c'est-à-dire ceux qui sont susceptibles de bénéficier d'une décote en vue de la construction de logements sociaux, et les autres. Le problème est que, dans le même temps, la Ville de Paris vend à prix fort un certain nombre de biens immobiliers pour des opérations de promotion privée. Il y a un problème de transfert de recettes.

On peut considérer qu'il n'est pas totalement normal qu'une collectivité bénéficie d'un rabais afin de pouvoir construire des logements sociaux et que, dans le même temps, elle vende des terrains à plein tarif. Le rabais est plus justifié s'il vise à permettre la reconversion d'une ancienne friche militaire dans un endroit en déprise démographique.

Philippe Dominati, ce sont 11 % de la valeur des actifs immobiliers de l'État qui ont été cédés, sachant que, paradoxalement, la valeur du parc existant a augmenté en raison de l'évolution globale des prix de l'immobilier, mais aussi d'un meilleur recensement des biens.

J'en viens aux mètres carrés par agent. Aujourd'hui, en France, nous sommes rendus à quatorze mètres carrés par agent, l'objectif étant d'atteindre douze mètres carrés. Les Britanniques en sont à huit mètres carrés par agent, leur objectif étant de parvenir à six mètres carrés. Ils ont atteint leur objectif en l'espace de cinq ans.

Outre la question du nombre de mètres carrés par agent se pose celle du nombre d'implantations et de leur rationalisation, la multiplication des implantations augmentant bien évidemment les frais. Notre rapport contient une carte des implantations à Londres particulièrement parlante. On y voit que le nombre d'implantations en 2010 était considérable, mais qu'il sera considérablement diminué d'ici 2020.

Jacques Chiron s'est interrogé sur les grosses réparations. Inutile de dire que, actuellement, rien n'est provisionné, y compris d'ailleurs pour des bâtiments ayant été réhabilités. Les grosses réparations ne sont prévues que dans le cadre de partenariats public-privé. Les loyers budgétaires devront prévoir ces travaux. Si on veut connaître le coût d'une politique, conformément à la loi organique relative aux lois de finances, il faut évidemment que le loyer intègre la problématique des grosses réparations. Encore faut-il connaître auparavant l'état du bâtiment. Il faut donc procéder par étapes et achever l'étude technique qui est en cours pour tous les bâtiments avant de provisionner les grosses réparations.

Philippe Dallier, je comprends que vous puissiez vous interroger sur l'évaluation des biens dès lors qu'elle n'est pas réalisée par un agent de l'État. Il faut savoir que, aujourd'hui, le nombre d'agents des services de la direction de l'immobilier de l'État mobilisés pour effectuer les estimations est relativement important, que ces évaluations sont dans de très nombreux cas déconnectées de la réalité, à la baisse ou à la hausse, en particulier en province. C'est moins le cas en Île-de-France, où les transactions sont plus nombreuses et où la connaissance du marché est peut-être plus fine. En outre, les délais pour obtenir une évaluation sont assez longs.

Une liste d'agences immobilières sera agréée par la préfecture, deux évaluations seront demandées pour chaque bien. Pour l'élu local, le risque sera le même que lorsqu'une maison ou un terrain est évalué dans le cadre d'une succession : l'administration fiscale pourra contester l'évaluation. Si l'on veut récupérer des postes pour des fonctions centrales et raccourcir les délais pour les collectivités locales, il faut sortir de ce système.

Marc Laménie, la répartition géographique du parc immobilier figure dans le document de politique transversale. Aujourd'hui, l'État est propriétaire de 86 % du parc immobilier et locataire de 14 % de ce parc. Un travail considérable a été fait en matière de renégociation des baux. Il faut saluer cette très grande réussite.

Je n'ai pas de statistiques sur les copropriétés entre l'État et les collectivités locales. Il existe des cités administratives mixtes, à Lyon par exemple, mais elles sont peu nombreuses. La copropriété État-département est rare. En revanche, il est assez fréquent que des biens appartenant à des collectivités soient mis à disposition de l'État - je pense aux préfectures, aux sous-préfectures et aux tribunaux.

Il faut savoir que, en cas d'occupation mixte, personne ne veut quitter les lieux, surtout s'ils sont emblématiques du pouvoir et gratuits !

Éric Doligé a évoqué les séances mémorables du conseil de l'immobilier de l'État. L'organisme qu'il a évoqué détenait 144 implantations il y a trois ans ; il était censé réduire leur nombre. Or il en a toujours 144 aujourd'hui. Cet organisme nous explique que, d'une part, les agents sont attachés aux lieux, qu'ils ne peuvent pas se déplacer, qu'on ne peut pas allonger leur temps de trajet et que, d'autre part, il n'a pas été possible de parvenir à un accord avec les collectivités concernant la cession ou la reconversion du bâtiment. C'est très symptomatique.

Nos propositions concernent l'État et ses opérateurs. Dans le domaine social, le parc n'est pas bien connu. Ainsi, je ne suis pas sûr que quelqu'un au niveau de l'État ait aujourd'hui une vision exacte du périmètre de la propriété hospitalière. Ce patrimoine résulte d'héritages datant des périodes révolutionnaires, de la mise en oeuvre de loi de 1905 et de legs intervenus depuis. Aucun recensement n'a été fait. La Cour des comptes a fait un bilan patrimonial de l'État. Dans le secteur hospitalier, elle s'intéresse aux comptes de résultat, mais l'inventaire patrimonial du parc hospitalier n'est pas consolidé aujourd'hui. Ceux qui ont siégé dans les conseils d'administration d'hôpitaux le savent, la gestion des actifs fonciers, qui sont très importants, n'est pas toujours guidée par la recherche de la performance.

Jean-Claude Requier, si l'Italie est aussi performante, c'est parce qu'elle a nanti l'ensemble de son parc immobilier il y a quelques années, ce qui l'a incité à mener une politique dynamique à la fois dans la sphère de l'État, dans celle des collectivités territoriales et dans la sphère sociale. Je pense que cela a été le facteur déclenchant. Ce pays était auparavant dans la même situation que nous.

Une question a été posée sur la part du foncier bâti et celle du foncier non bâti dans la valeur des biens immobiliers de l'État. Le non bâti représente plus de deux milliards d'euros. Cela étant dit, je ne suis pas sûr de la qualité de l'évaluation. Les chiffres sont dans le rapport de certification de la Cour des comptes pour 2016. Il faut savoir par exemple, s'agissant de Voies navigables de France (VNF), que le foncier appartient à l'État et qu'il est mis à disposition de VNF. Dans la pratique, on s'est aperçu que des biens de VNF faiblement valorisés en tant que foncier non bâti pouvaient prendre de la valeur dès lors que les terrains devenaient constructibles dans le cadre d'un projet d'urbanisme. C'est un peu la même chose s'agissant du patrimoine ferroviaire.

M. Thierry Carcenac, rapporteur. - Permettez-moi de revenir sur la gestion des mètres carrés. En Grande-Bretagne, les salles de réunion sont mutualisées et gérées de façon drastique. En outre, certains fonctionnaires sont incités à travailler chez eux, ce qui donne des marges et de la souplesse.

M. Michel Bouvard, rapporteur. - En ce qui concerne l'immobilier des opérateurs, un point important est à souligner. Près des deux tiers de l'immobilier des opérateurs sont détenus par la communauté universitaire. La situation a été figée entre 2012 et 2016 du fait de la dévolution du patrimoine immobilier aux universités. Depuis, le moratoire a pris fin et le ministère de l'enseignement supérieur a fait des propositions à la communauté universitaire, lesquelles n'ont convenu à personne. Ce statu quo est nuisible. Le parc n'est pas rationalisé, certains biens sont vides. Ainsi, à Strasbourg, une tour amiantée n'est pas utilisée. S'agissant du secteur des opérateurs, le principal enjeu est donc celui des bâtiments universitaires.

Enfin, certains ministères se sont dotés d'outils particuliers pour gérer leur propre immobilier. Par exemple, le ministère de la culture a sa propre agence en interne, tout comme le ministère de la justice. Ce patchwork mérite d'être rationalisé.

Mme Michèle André, présidente. - Je remercie particulièrement Michel Bouvard, qui a apporté beaucoup à cette commission par sa rigueur et sa capacité de travail, et qui va se consacrer à d'autres occupations. Thierry Carcenac doit être un peu triste aujourd'hui de perdre son équipier !

La commission donne acte de leur communication à MM. Thierry Carcenac et Michel Bouvard et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information. 

La réunion est close à 16 heures.