Mercredi 15 février 2017

- Présidence de M. Yves Daudigny, vice-président -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Audition conjointe de M. Daniel Marcelli, professeur émérite de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, et de Mme Viviane Kovess-Masféty, présidente de la commission spécialisée Évaluation, stratégie et prospective du Haut Conseil de la santé publique

M. Yves Daudigny, président. - Mes chers collègues, notre première audition de l'après-midi portera plus particulièrement sur le suicide des jeunes, une question que nous avons relativement peu abordée jusqu'ici.

Nous recevons le professeur Daniel Marcelli, pédopsychiatre, professeur émérite de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et ancien chef du service de psychiatrie infanto-juvénile du centre hospitalier universitaire de Poitiers, ainsi que le professeur Viviane Kovess-Masféty, présidente de la commission spécialisée Évaluation, stratégie et prospective du Haut Conseil de la santé publique, que nous avons déjà eu le plaisir d'accueillir lors d'une précédente audition.

Le suicide est aujourd'hui la deuxième cause de mortalité chez les jeunes, après les accidents de la route, et il semble que les adolescents soient plus nombreux ces dernières années à exprimer des idées suicidaires. Si ce phénomène est avéré, comment l'expliquer ? Comment améliorer la prévention ?

Madame Kovess-Masféty, monsieur Marcelli, je vous cède la parole pour un propos introductif. Vous serez ensuite interrogés par notre rapporteur, Michel Amiel, et par les autres membres de la mission d'information.

Je rappelle que cette audition est ouverte au public et à la presse.

Mme Viviane Kovess-Masféty, présidente de la commission spécialisée Évaluation, stratégie et prospective du Haut Conseil de la santé publique. - Je commencerai par traiter du suicide, après quoi, si nous en avons le temps, je compléterai mon intervention de la dernière fois par quelques développements sur l'organisation des soins et la territorialisation.

Mon exposé sur le suicide vous étonnera probablement. Il découle directement de l'évaluation réalisée par le Haut Conseil de la santé publique du Programme national d'actions contre le suicide, un travail auquel j'ai participé comme psychiatre et épidémiologiste, spécialiste de l'épidémiologie du suicide.

Le suicide est une situation dont l'impact social est très important mais qui est très rare. Les 10 000 suicides enregistrés en France chaque année représentent 2 % des décès. Par comparaison, les tumeurs entraînent 29 % des décès et les maladies de l'appareil cardio-vasculaire, 28 %. Le suicide est, dit-on, la deuxième cause de mortalité des jeunes. Cette présentation est un peu artificielle car les jeunes ne meurent pas - je veux dire que leur mortalité est très faible. À la vérité, le suicide est extraordinairement rare, fort heureusement.

Par ailleurs, il convient de bien distinguer les idées suicidaires, les tentatives de suicide et ce qu'on appelle le suicide complété. Les fréquences de ces phénomènes sont très différentes, comme les populations concernées ; partant, les actions à mener le sont également. Il faut cesser de penser qu'une personne ayant une idée suicidaire est un suicidant potentiel ! En une année, sur 100 000 personnes, 4 000 auront une idée suicidaire mais 180 feront une tentative, parmi lesquelles 16 compléteront leur suicide.

De nombreux programmes de prévention du suicide ont en réalité pour objectif de réduire les idées suicidaires ou les tentatives de suicide. Or il s'agit de phénomènes assez différents sur le plan épidémiologique, même s'ils sont évidemment liés, puisqu'avoir fait une tentative de suicide entraîne toujours un risque suicidaire.

La France se trouve dans une situation moyenne parmi les pays industrialisés pour les idées suicidaires, les tentatives de suicide et les décès par suicide. Au sein de notre pays, on constate d'importantes disparités géographiques, notamment entre le sud-ouest et l'ouest. La carte est ainsi très contrastée, étant entendu que les taux de suicide sont standardisés, c'est-à-dire que les données, qui dépendent beaucoup de l'âge et du sexe, sont redressées pour que l'on puisse les comparer entre elles.

Les disparités sont fortes également selon les classes d'âge. Il faut garder à l'esprit que le suicide des jeunes est extraordinairement rare car la littérature internationale fait apparaître que de nombreux programmes de prévention du suicide ont eu des effets inverses à ceux recherchés, en particulier chez les jeunes, une population très fragile pour laquelle les interventions sont loin d'être évidentes. Souvenons-nous donc bien que 57 % des suicides ont lieu après 35 ans et 28 % après 65 ans.

La courbe des tentatives de suicide est très différente de celle des suicides. En d'autres termes, la prévalence du suicide est d'autant plus élevée, en proportion, que les personnes sont âgées ; en volume, comme il y a moins de personnes âgées, elles ne représentent que 28 % du total mais cela fait tout de même beaucoup.

En ce qui concerne les tentatives de suicide, les seules données disponibles, non exhaustives et anciennes, proviennent de la Drees et des hospitalisations. Environ 200 000 personnes passent chaque année par le système de soins à la suite d'une tentative de suicide. Ces tentatives sont plutôt le fait de femmes, contrairement aux suicides complétés, avec un pic entre 10 et 20 ans. Le problème des tentatives de suicide et celui du suicide complété sont donc différents. Il faut en tenir compte dans la gestion du phénomène et dans les politiques de prévention.

Le suicide est un phénomène complexe, et il est important de continuer à le considérer comme tel. On sait qu'il y a des facteurs prédisposant, comme l'histoire familiale et, surtout, la présence d'une maladie mentale. La méthode de l'autopsie psychologique permet de reconstituer a posteriori les symptômes que présentait la personne suicidée, pour établir l'éventuelle présence d'une maladie mentale.

Un article célèbre, publié dans la revue The Lancet, a passé en revue les autopsies psychologiques menées dans le monde et démontré que 90 % des suicides sont en rapport avec une maladie mentale, les autres étant le fait de personnes qui présentaient des symptômes très proches de ces maladies. La maladie mentale est donc un facteur très important. Ainsi, souffrir d'un trouble bipolaire accroît considérablement le risque. Néanmoins, tous les déprimés n'ont pas de risque suicidaire : la génétique entre probablement en jeu.

Parmi les causes figurent aussi l'adversité précoce, en particulier les carences affectives et la maltraitance, des déficits, des traits de personnalité et des problèmes d'anxiété ou d'agressivité. L'abus de substances joue un rôle très important. De fait, les autopsies psychologiques montrent que l'alcool est impliqué dans un très grand nombre de suicides complétés. Interviennent aussi des événements de vie, qui peuvent faire passer de la dépression à l'idéation, puis au comportement suicidaire.

Il faut distinguer les facteurs distaux - une histoire familiale, la présence de maladies mentales -, les facteurs médiateurs - traits de personnalité, agressivité, impulsivité - et ce qu'on appelle le facteur précipitant - un événement de vie. De nombreuses études ont été menées sur le type d'événements de vie pouvant précipiter le suicide : ce sont souvent des blessures narcissiques, des humiliations, ou des événements devant lesquels la personne se sent piégée. À cela s'ajoutent les facteurs environnementaux, par exemple l'accès aux moyens létaux. De nombreuses politiques de prévention du suicide visent à diminuer l'accès aux moyens létaux : c'est dans cet esprit que l'on couvre des ponts ou que l'on équipe des lignes de métro de dispositifs anti-suicide.

En matière de prévention, l'essentiel est de bien cibler les interventions, notamment en fonction des groupes d'âge et, éventuellement, des groupes professionnels. Le suicide touche essentiellement les hommes d'âge moyen ou âgés présentant des antécédents de tentative et souffrant de troubles mentaux suicidogènes. Le temps me manque pour parler des groupes professionnels mais je vous signale que le taux de suicide des médecins est très élevé. Dans l'opinion publique, la prévalence du suicide est importante surtout chez les agriculteurs ; en réalité, elle est beaucoup plus élevée chez les médecins, notamment les anesthésistes et les psychiatres mais aussi chez les infirmières. Être constamment confronté à la mort et à la douleur peut aggraver les risques. A contrario, le taux de suicide des enseignants est inférieur de moitié à la moyenne.

Le professeur Jean-Louis Terra, qui a beaucoup travaillé sur la prévention du suicide, a montré qu'avoir fait une tentative de suicide multiplie par 30 le risque suicidaire. Un trouble bipolaire le multiplie par 28, la dépendance à l'alcool par 22, la dépression par 20, la schizophrénie par 8 et un trouble de la personnalité par 3. Bien entendu, ces facteurs s'additionnent. Comprenons-nous bien : il s'agit de statistiques, et des personnes souffrant d'un trouble bipolaire peuvent très bien ne jamais tenter de se suicider ; reste que le trouble bipolaire est un facteur de risque important.

Le suicide est un phénomène complexe et multifactoriel, dans lequel les troubles psychiatriques sont impliqués dans 90 % des cas. Dans l'opinion et dans la presse, on insiste beaucoup sur les événements extérieurs déclencheurs mais le poids des fragilités personnels est prépondérant.

Les modes d'action jugés les plus efficaces dans la littérature sont la restriction de l'accès aux moyens létaux, le maintien d'un contact avec les personnes à risque, l'organisation des soins autour d'interventions efficaces, la continuité effective des soins après une tentative de suicide et la formation des professionnels, parmi lesquels les médecins généralistes.

La rareté du suicide complété complique l'identification des moyens d'action les plus efficaces. Les protocoles à mettre en place sont très complexes. Les Suédois, par exemple, sont parvenus par la formation de leurs généralistes à faire diminuer le taux de suicide sur une île suffisamment grande pour qu'on puisse y mener une étude épidémiologique. D'ailleurs, quand les médecins formés ont quitté l'île, le taux de suicide est remonté...

La formation des médecins généralistes à la détection de la dépression, à la détection de la suicidalité et à la gestion des problèmes d'alcool, en liaison étroite avec le système psychiatrique, est probablement l'un des moyens les plus efficaces pour lutter contre le suicide. En somme, un système de santé mentale qui fonctionne est la meilleure prévention du suicide.

Je vous livre, pour terminer, nos recommandations générales : intégrer le suicide dans les politiques de santé mentale et de psychiatrie ; ne surtout pas faire du suicide une grande cause nationale mais développer une politique pérenne et pilotée à long terme, plutôt que des plans ou des programmes ; cibler les moyens sur les personnes à risque élevé plutôt que de les disperser sur des actions mal ciblées ; privilégier l'action au niveau des bassins de vie et de soins, les problématiques n'étant pas les mêmes selon les régions.

M. Daniel Marcelli, professeur émérite de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. - Mme Kovess-Masféty a traité du suicide d'une manière générale. Je m'attacherai pour ma part au suicide des adolescents et des mineurs.

Celui-ci se caractérise par un faible taux de mortalité et un très fort taux de morbidité. En d'autres termes, l'écart entre le nombre de tentatives de suicide et le nombre de suicides complétés est plus important à cet âge qu'à tous les autres âges de la vie : on enregistre beaucoup plus de tentatives de suicide que de suicides.

Depuis un certain nombre d'années, la mortalité par suicide des adolescents a sensiblement diminué, du fait notamment d'une action sur l'accès aux armes à feu et aux médicaments. Depuis que le Dafalgan est vendu par boîtes de 8 comprimés au lieu de 36, on n'enregistre quasiment plus de décès par insuffisance hépatique aiguë ! Mon confrère Michel Amiel ne dira pas le contraire. J'invite la mission d'information à être très attentive sur ce point, la plupart des tentatives de suicide des mineurs étant médicamenteuses. Il faut se pencher en particulier sur le problème de la pharmacie familiale.

En revanche, on assiste à une augmentation des tentatives de suicide à l'adolescence. En outre, plus on en parle, plus il y en a : la tentative de suicide à l'adolescence est devenue un moyen de communication pour exprimer sa souffrance. Ces tentatives, heureusement non mortelles, sont un moyen d'appel et de communication.

Du coup, la fréquence des maladies mentales est moins importante à l'adolescence qu'aux autres âges de la vie. Un jeune qui essaie de se suicider ne veut pas mourir ; il veut vivre mais vivre autrement. Il est impératif que sa situation fasse l'objet d'une évaluation par des professionnels de santé et qu'un changement se produise dans sa vie. S'il est replacé dans les mêmes conditions de vie, il fera une nouvelle tentative et finira par avoir des séquelles graves, voire par se tuer. Un changement après la tentative de suicide est l'un des éléments les plus importants de la prise en charge des suicidants de moins de 18 ans.

M. Michel Amiel, rapporteur. - Pourriez-vous être plus précis sur le repérage, en particulier chez les jeunes ? Comment repérer les jeunes qui présentent un risque pour prévenir le passage à l'acte ?

M. Daniel Marcelli. - Plus on est en amont, moins les signes sont spécifiques : ce sont des indicateurs de santé globale, comme un retrait, des marques de dépressivité, un repli scolaire, un isolement ou un début de rupture scolaire. Plus un adolescent présente de tels signes de difficulté, plus il est important de lui faire rencontrer un professionnel capable de procéder à une évaluation générale.

Le signe le plus spécifique d'un risque suicidaire, c'est d'avoir déjà fait une tentative. En d'autres termes, à chaque tentative de suicide, il est impératif de réaliser une évaluation et d'assurer un suivi. Une consultation ne suffit pas ; il en faut six ou huit pendant trois à six mois.

Mme Viviane Kovess-Masféty. - Le repérage est compliqué par le fait que l'adolescence est une période difficile. Les adolescents sont rarement joyeux 24 heures sur 24... On ne va pas évaluer tous les adolescents un peu tristes et qui se replient sur eux-mêmes ! Une évaluation psychiatrique sophistiquée peut même être contre-productive.

En tant qu'épidémiologiste, je pense qu'il faut toujours avoir une idée des ordres de grandeur. Les adolescents qui se replient sur mêmes et sont tristes sont probablement un bon cinquième du total, voire plus. Je parle, moi, de 1 % des adolescents, et probablement moins.

Un travail scientifique important est actuellement mené pour dépister la schizophrénie débutante ou les signes prépsychotiques, afin d'éviter le passage psychotique délirant ou de prendre en charge le jeune dès qu'il se produit, presque comme dans une urgence cardiologique. L'objectif est que l'épisode dure le moins longtemps possible et que le jeune ait le plus de chances possibles de ne pas récidiver.

M. Daniel Marcelli. - Des études ont été menées en Nouvelle-Zélande sur la prévention de la décompensation psychotique de jeunes fragiles, avec des jeunes à haut risque et à très haut risque de vulnérabilité psychotique. Elles ont montré que s'occuper des jeunes, de quelque manière que ce soit, réduit en général le risque de décompensation.

Par ailleurs, sur le plan médicamenteux, pour réduire le risque d'apparition d'une décompensation psychotique, il faut accepter de traiter 9 patients qui n'auraient probablement pas de décompensation pour 1 patient risquant d'en avoir une. Cela soulève un problème majeur sur le plan épidémiologique et sur le plan des traitements : faut-il soigner par voie médicamenteuse 9 personnes qui n'auront jamais rien pour prévenir la survenance d'un risque chez la dixième ? Les approches relationnelles, en revanche, sont bénéfiques à tous. En matière de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, ces approches ont des impacts relativement plus forts et plus durables que les médicaments. J'invite la mission d'information à y réfléchir.

M. Michel Amiel, rapporteur. - En tant que psychiatres, quel regard portez-vous sur la dimension sociale du suicide ? Pensez-vous que notre société moderne augmente le risque suicidaire ?

Mme Viviane Kovess-Masféty. - Le taux de suicide est mesuré : il n'a pas varié et a même tendance à diminuer. Pourtant, tout le monde est toujours persuadé qu'il augmente ! Les tentatives, elles, sont beaucoup plus difficiles à recenser. La Drees comptabilise les hospitalisations à la suite d'une tentative de suicide mais toutes les tentatives ne sont pas dénombrées.

Les relations entre le taux de suicide et les facteurs sociaux ont été très discutées, en particulier s'agissant du chômage et des difficultés économiques ; elles sont loin d'être évidentes. Ce qui m'étonne, c'est la croyance très répandue en France en une origine sociale du suicide, alors que les données scientifiques montrent que 90 % des suicidés souffraient d'une maladie mentale.

Je ne prétends pas qu'il n'y ait aucune relation entre les maladies mentales et les facteurs sociaux. Lors de ma précédente intervention devant la mission d'information, j'ai longuement expliqué que des liens existent mais que l'inférence causale est loin d'être évidente.

Le discours tenu est un problème pour la psychiatrie, parce qu'il équivaut à une forme de déni de la maladie mentale. Si les gens se suicident parce qu'ils vivent des difficultés, cela occulte le fait qu'ils souffrent, par exemple, d'un trouble bipolaire ou d'une schizophrénie, et que notre système de soins n'est peut-être pas aussi efficace qu'on le pense pour les suivre sur le long terme. On insiste trop, en France, sur les causes sociales du suicide, au risque de nier la présence de maladies mentales sévères.

M. Michel Amiel, rapporteur. - Le professeur Marcelli a l'air plus nuancé...

M. Daniel Marcelli. - Il me semble en effet que les affirmations de Mme Kovess-Masféty doivent être nuancées. Les désorganisations et désorientations sociales sont conçues comme des causes du suicide depuis les travaux de Durkheim, qui parlait d'anomie.

Mme Viviane Kovess-Masféty. - Travaux aujourd'hui dépassés !

M. Daniel Marcelli. - Toute la difficulté est d'apprécier le poids pondéré des différents facteurs, étant entendu que le suicide résulte toujours d'une multiplicité de causes. Prétendre le réduire à une cause unique, c'est toujours s'égarer. Tous les schizophrènes ne se suicident pas, ni tous les malades déprimés... Or parmi les événements de vie qui peuvent jouer le rôle déclencheur figurent des facteurs d'anomie.

En ce qui concerne l'augmentation des tentatives de suicide à l'adolescence, je tiens à souligner le paradoxe devant lequel nos adolescents sont constamment placés : élevés dans la croyance religieuse que nous avons tous en partage, celle que leur corps leur appartient et que nul autre qu'eux n'a de droit sur lui, non plus que sur leur pensée, ils voient dans leur corps, quand ils ne vont pas bien, leur premier ennemi, parce que c'est par lui qu'ils souffrent. Frappant est ce paradoxe entre un discours social insistant sur l'autonomie et la tentation qu'a l'adolescent en souffrance de s'attaquer à son corps. Il y a donc bien un facteur social qui s'ajoute aux facteurs individuels. Opposer les deux dimensions serait réducteur et ne permettrait pas de tenir un raisonnement suffisamment souple pour saisir le problème.

Mme Maryvonne Blondin. - Monsieur Marcelli, en matière de détection et de prévention, comment concevez-vous l'articulation des psychiatres avec l'éducation nationale ? Comment parvenir à un repérage précoce ?

Mme Brigitte Micouleau. - Les tentatives de suicide chez les adolescents, dont le nombre augmente, sont-elles le plus souvent pour eux un moyen de se faire remarquer ? Les adolescents ont-ils un rapport à la mort différent de celui des adultes ?

M. René-Paul Savary. - Monsieur Marcelli, madame Kovess-Masféty, comment analysez-vous le suicide kamikaze auquel peut conduire la radicalisation ?

Mme Viviane Kovess-Masféty. - En tant qu'épidémiologiste, je ne suis pas sûre que le nombre des tentatives de suicide chez les adolescents augmente, vu qu'elles ne sont pas dénombrées de façon fiable. On peut avoir l'impression d'une augmentation mais il n'y a là rien d'évident. Les données de la Drees, en tout cas, ne font apparaître aucune augmentation.

M. Daniel Marcelli. - Je me réjouis d'être interrogé sur l'Éducation nationale. Dans mon ancien service, nous avions mis en place des actions en direction des collèges et des lycées, dans le cadre desquelles des infirmiers recevaient les adolescents pour les écouter, puis, sur la base de ces entretiens, dressaient un bilan et, en cas de besoin, adressaient les jeunes à un service de suite. Ces interventions, qui couvraient 80 % des lycées, avaient lieu en accord avec le rectorat comme les associations de parents d'élèves et, bien sûr, en liaison avec les médecins scolaires et le service de santé scolaire.

Ce système de repérage, qui permet une prévention en amont tout à fait remarquable, est toujours en fonction dans la Vienne - mon confrère Ludovic Gicquel pourrait vous en parler - et devrait être étendu. Seulement, ces initiatives reposent toujours sur l'énergie et la passion d'une personne, et je ne suis pas sûr qu'une généralisation soit possible en l'absence de tels investissements personnels.

Mme Viviane Kovess-Masféty. - Par quelle méthode avez-vous évalué l'efficacité de ces actions ?

M. Daniel Marcelli. - Donnez-moi entre 500 000 et 1 million d'euros et je ferai une étude au long cours... Je souhaiterais que des études soient menées mais, clinicien, je n'ai pas les moyens d'en faire. Mettre en cause un système sous prétexte qu'il n'y pas d'études, c'est un peu mettre la charrue avant les boeufs !

Mme Viviane Kovess-Masféty. - Je ne remets absolument pas en cause le bien-fondé de ce système mais, sur un sujet aussi sensible que le suicide des jeunes, il est important de distinguer ce que l'on croit de bonne foi et ce qui est vraiment prouvé. Les chercheurs français s'honoreraient en menant des évaluations sérieuses, comme il s'en fait partout en Europe. Nous pourrions ainsi identifier beaucoup plus facilement ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

M. Michel Amiel, rapporteur. - Notre attention a déjà été attirée sur ce point lors d'une précédente audition.

M. Daniel Marcelli. - Je suis si peu en désaccord avec Mme Kovess-Masféty que j'ai moi-même demandé, comme universitaire, qu'une autopsie psychologique soit réalisée à chaque suicide d'adolescent. Simplement, en tant que clinicien, j'ai pour devoir d'aider les gens qui souffrent et je dois tenir compte que, plus on intervient en amont, moins les symptômes sont spécifiques et plus il est difficile de cibler les actions.

Je suis gêné par l'idée que les adolescents chercheraient à se faire remarquer. Cette vision correspond à une stigmatisation et à une dénonciation. Toute tentative de suicide d'un adolescent est un appel à l'aide et une demande de changement. Un médecin doit lutter contre la stigmatisation dans le grand public, parmi les professionnels de santé et entre les adolescents eux-mêmes.

Pour ce qui est du rapport des adolescents à la mort, il est vrai que les idées de mort sont assez fréquentes à cette période de la vie mais on apprend aux jeunes médecins à les différencier des idées suicidaires, nettement moins fréquentes, des intentions suicidaires, encore moins fréquentes, et des projets suicidaires. Dans le cas d'un projet suicidaire, on a six jours pour réagir ; on a six semaines pour les intentions suicidaires, six mois pour les idées suicidaires. L'interrogation sur la mort fait partie de l'adolescence et de l'appropriation par le jeune de sa propre vie mais le clinicien doit être capable de différencier les phénomènes dont j'ai parlé.

S'agissant du suicide kamikaze, je vous indique que, comme président de la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs, j'ai mis l'accent sur la prévention de la radicalité à l'adolescence. J'ai écrit sur ce thème un ouvrage, Avoir la rage ; du besoin de créer à l'envie de détruire, dans lequel j'analyse le processus de haine destructrice dans lequel s'engagent certains adolescents quand ils ne sont pas en mesure d'exprimer une capacité créatrice et qu'ils sont touchés par des vulnérabilités individuelles, familiales ou sociales. Un adolescent qui ne peut pas se sentir reconnu peut avoir la rage : or cette rage peut être source de création mais aussi, à défaut, de destruction.

Cette dimension psychologique se superpose à une dimension sociologique, qui met en jeu internet et des facteurs religieux, politiques et économiques. Je ne réduis donc pas ces phénomènes aux aspects individuels mais je pense que les jeunes touchés ont de vrais problèmes. Je pense à la jeune fille de seize ans récemment arrêtée : elle présente probablement des traits hystériques, même s'il n'est pas politiquement correct d'employer ce mot ; ce n'est pas une maladie en soi mais, dans une période de vulnérabilité, de telles personnes, sensibles à la sujétion, peuvent être récupérées par un séducteur radical et devenir capables de se suicider.

M. Yves Daudigny, président. - Je suggère que Mme Kovess-Masféty termine son exposé sur les inégalités territoriales, après quoi M. Marcelli nous présentera le sien, sur la pédopsychiatrie.

Mme Viviane Kovess-Masféty. - Lors de ma première audition, j'ai insisté sur l'importance de l'organisation d'une pédopsychiatrie de liaison avec les services de protection de l'enfance et sur celle des actions de formation des professionnels de ces services, notamment en matière de reconnaissance précoce des signes de souffrance chez l'enfant.

La mission d'information m'a demandé de préciser le constat des fortes inégalités territoriales d'accès aux soins en pédopsychiatrie. Elle m'a également interrogée sur les effets de la réforme de l'organisation des soins dans les territoires et sur la coordination entre les différents facteurs de l'enfance.

En ce qui concerne les inégalités territoriales, le rapport du Haut Conseil de la santé publique montre que les écarts entre les taux d'équipement en lits d'hospitalisation à plein temps par département en psychiatrie infanto-juvénile ont plutôt tendance à augmenter sur la période étudiée. Si certaines ARS mettent en place des mécanismes de péréquation, de nombreuses zones sous-denses demeurent en psychiatrie et, de manière encore plus accentuée, en pédopsychiatrie. Il faut se représenter qu'il y a sept facultés de médecine sans professeur de pédopsychiatrie. Des problèmes se posent pour le recrutement de rééducateurs et d'orthophonistes, et la pédopsychiatrie libérale est assez rare.

L'agence de presse médicale a diffusé le chiffre de 2 500 pédopsychiatres. Je m'en suis étonnée car l'atlas de démographie médicale de 2016 n'en recense que 680.

J'en viens à la mise en place des groupements hospitaliers de territoire. La psychiatrie infanto-juvénile a une longue expérience de l'organisation par territoire. Il existe environ 320 secteurs infanto-juvéniles, dont 41 % dépendent d'hôpitaux non spécialisés en psychiatrie. Ils couvrent en moyenne 49 000 habitants de moins de vingt ans mais les variations sont considérables.

À l'analyse, on s'aperçoit que les moyens et les besoins sont très divers. En particulier, les secteurs dépendant d'hôpitaux généraux ont beaucoup de mal à obtenir des moyens. La psychiatrie ne connaît pas d'actes techniques et ne nécessite pas de machines importantes ; elle est fondée essentiellement sur des ressources humaines, donc du personnel. Elle est peu valorisée du fait que la plus grande part de son activité a lieu en dehors de l'hôpital. Par ailleurs, les institutions psychiatriques, qui ne sont pas intégrées dans le système de la tarification à l'activité, servent beaucoup de variable d'ajustement, ce qui explique certaines difficultés survenues à la création des groupements hospitaliers de territoire.

L'article 69 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé donne une reconnaissance législative à la mission de psychiatrie de secteur. Une distinction claire est opérée entre la politique de santé mentale et l'organisation de la psychiatrie : la santé mentale n'est pas de la responsabilité exclusive de la psychiatrie, laquelle doit s'intégrer dans la politique de santé mentale.

Un tiers environ de la psychiatrie a intégré les groupements hospitaliers de territoire sans difficulté. Quelques dérogations ont été accordées. Les groupements qui seront exclusivement psychiatriques sont marginaux.

Le projet territorial de santé mentale est une innovation très intéressante. Destiné à faciliter le parcours de l'usager, il inclut, bien au-delà de l'hôpital, les médecins généralistes, les familles et les proches, la psychiatrie de secteur et privée, les associations d'usagers et les élus locaux. Dans ces espaces de démocratie, un diagnostic territorial de santé mentale doit être établi, débouchant éventuellement sur des communautés psychiatriques de territoire permettant aux acteurs de se regrouper. La pédopsychiatrie doit faire partie des priorités des plans régionaux de santé et, surtout, être présente dans ces communautés psychiatriques de territoire, afin que la prise en charge des enfants et des adolescents soit considérée comme prioritaire.

Il importe aussi de rétablir l'accès aux soins en aménageant les modalités de gestion de la file active, parce que la psychiatrie est un peu asphyxiée, et de remédier aux carences constatées en matière de soins à temps complet. À cet égard, l'absence de lits n'est pas forcément un critère de modernité.

M. Daniel Marcelli. - Mon exposé est celui d'un professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, désormais émérite, ancien responsable d'un service puis d'un pôle de pédopsychiatrie et ancien directeur d'école d'orthophonie. Je préside actuellement la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs et je succéderai bientôt à Michel Wawrzyniak, que vous avez auditionné, à la présidence de la Société française de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Mes confrères m'ont exhorté à vous remettre deux ouvrages auxquels j'ai contribué : Enfance et psychopathologie, qui résume l'évolution de la pédopsychiatrie ces trente-cinq dernières années, et Adolescence et psychopathologie, dont un chapitre est consacré au suicide de l'adolescent.

Sans doute vous a-t-on abondamment parlé, et avec force chiffres, de la grande pauvreté de la pédopsychiatrie ; je suis tout à fait d'accord avec ce que Mme Kovess-Masféty vient de dire à ce propos. Que la pédopsychiatrie soit une spécialité en crise, tout le monde en convient.

Il faut dire que, dès le départ, elle s'est construite sur un territoire qui n'était pas le sien : la question des enfants qui n'arrivaient pas à suivre la scolarité, celle des jeunes délinquants et celle des enfants abandonnés. En d'autres termes, elle s'est trouvée dès sa naissance en position d'extra-territorialité. Là réside la difficulté de notre discipline qui, transversale, n'est jamais totalement sur son terrain. Le seul domaine qui lui appartient en propre est l'autisme infantile, une pathologie qui fait aujourd'hui l'objet de conflits car certains voudraient en faire un handicap, ce que je considère comme une maltraitance à enfant : plus l'autisme est diagnostiqué précocement, plus fortes sont les chances que l'enfant, puis l'adulte, puisse vivre au milieu des autres d'une manière satisfaisante.

La crise de la pédopsychiatrie a trois causes majeures, dont la première tient aux usagers, à commencer par les parents.

La demande des parents connaît une croissance considérable, parce que ceux-ci sont de plus en plus sensibles aux questions touchant au développement de leur enfant. Ils s'inquiètent très vite d'une possible déviance développementale, et leur niveau de connaissance a beaucoup augmenté : tous les parents d'aujourd'hui savent que les bébés ont des compétences qu'il faut stimuler. Dans le même temps, l'incertitude est de plus en plus forte sur la conduite à tenir dans l'éducation car il n'y a plus de norme éducative. Nous serons donc de plus en plus confrontés à des déviances plus ou moins importantes.

Du côté des usagers enfants, la sémiologie a profondément évolué : les enfants d'aujourd'hui ne sont pas les mêmes que ceux d'il y a cinquante ou soixante ans. Autrefois, on voyait beaucoup plus de pathologies du repli et de l'inhibition, comme le bégaiement, qui a aujourd'hui presque disparu. Désormais, on voit des enfants instables, agités, hyperactifs, qui présentent des troubles comportementaux, par exemple oppositionnels. En somme, les pathologies ont changé complètement. Or les équipes de pédopsychiatrie n'ont peut-être pas été formées pour s'adapter à ce changement.

Par ailleurs, les jeunes d'aujourd'hui, surtout les adolescents, quand ils souffrent, n'ont pas honte de parler, comme il y a cinquante ans : ils crient, protestent, réclament d'aller mieux. Ils ont d'ailleurs raison et il faut y voir un progrès.

Les troubles qui se développent aujourd'hui connaissent des variations relativement importantes d'un pays à l'autre, ce qui soulève deux questions : quels sont les critères de diagnostic utilisés et quelle est l'influence des différentes conditions éducatives ? Pour comprendre les enjeux de la pédopsychiatrie, il faut mettre en rapport les critères de diagnostic et les conditions éducatives.

La deuxième cause de crise se situe du côté de la théorie : la pédopsychiatrie n'a plus de référence théorique unifiée sur le développement de l'enfant, à l'instar des modèles de compréhension qui ont longtemps existé autour d'Henri Wallon, Jean Piaget ou Sigmund Freud. Il existe une myriade d'études mais plus personne n'est capable d'élaborer une conception générale de l'enfant. Résultat : il y a une confusion constante entre les différents niveaux, en particulier entre le mind et le brain, certains tentant de réduire le premier au second. Notre discipline est vulnérable, parce qu'elle repose beaucoup sur des récits, des histoires de vie, un matériau moins objectivable que les mécanismes à l'oeuvre dans le brain.

Une autre confusion, très grave, sévit dans notre discipline : celle qui consiste à croire que les conditions d'émergence d'une conduite sont inverses des conditions entraînant la désorganisation de celle-ci. Par exemple, les nécessités pour qu'émerge le langage sont beaucoup plus variées que les phénomènes provoquant sa détérioration : l'acquisition du langage met en jeu, outre certaines aires du cerveau, l'environnement, la langue parlée autour de soi et la qualité relationnelle, entre autres facteurs. Or cette confusion entraîne une perversion permanente du raisonnement. La pédopsychiatrie est, de ce point de vue, assez différente de la pathologie somatique traditionnelle et même de la psychiatrie de l'adulte. Elle se rapproche, dans sa dimension développementale, de la problématique pédiatrique : le pédiatre ne considère pas seulement la santé présente de l'enfant mais son devenir - par exemple son potentiel de croissance, au-delà de sa courbe passée.

Au moment où la psychopathologie a perdu l'unité théorique, les parents ont perdu la clé de l'éducation, parce que les enjeux éducatifs ont changé. Jusqu'aux années soixante-dix, l'enjeu principal était d'avoir un enfant bien élevé, en fonction d'un code éducatif. Depuis que le bébé est une personne, et une personne compétente, le souci principal des parents est de développer le potentiel de leur enfant. Or on savait comment faire pour qu'un enfant soit bien élevé mais, après cinquante ans de pédopsychiatrie, je ne sais pas ce qu'il faut faire pour qu'un enfant réalise le maximum de son potentiel. Je sais très bien ce qu'il faut faire pour léser ce potentiel mais, comme je l'ai expliqué il y a quelques instants, ce qui développe n'est pas forcément l'inverse de ce qui altère. Bref, ce n'est pas l'inverse de ce qui crée la pathologie qui crée la santé.

Sur le plan de la théorie, j'ajoute que c'est la dépendance qui nous a rendus humains. Fondamentalement, le bébé est dépendant mais aussi l'enfant et l'adolescent. Or notre société a institué l'autonomie comme valeur sociale et transformé la dépendance en pathologie. Nous travaillons donc sur une problématique disqualifiée par la société. Pour moi, être dépendant est un facteur positif, un facteur d'épanouissement de l'être humain. On parle partout d'autonomie : mais que veut-dire l'autonomie d'un enfant de trois ans ? Notre société fait entièrement fausse route ! Elle envoie des messages totalement contradictoires, qui égarent les parents.

La troisième raison des problèmes tient à la pratique. La psychopathologie a un champ d'exercice très vaste et aux contours flous avec la psychologie du développement, la pédiatrie, la neurologie et la neuro-cognition mais aussi l'éducation nationale, les services sociaux, la prise en charge du handicap, la justice et la protection judiciaire de la jeunesse, le transculturel et le transgénérationnel. Toutes ces dimensions doivent être prises en compte car les pathologies pédopsychiatriques sont toujours multifactorielles et multimodales, comme l'est aussi, éminemment, le suicide de l'enfant ou de l'adolescent.

En outre, le pédopsychiatre travaille avec des partenaires variés : psychologues, psychothérapeutes, orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes, assistantes sociales, infirmiers, psychorééducateurs. Il doit être un chef d'orchestre, en gardant à l'esprit que le cumul d'actions thérapeutiques n'est pas une garantie d'efficacité. De fait, le pédopsychiatre a vocation à sélectionner et hiérarchiser les actions de soin. Le ferait-on disparaître, les actions de soin se multiplieraient sans que les enfants aillent mieux ni que leurs parents y voient plus clair, au contraire.

C'est pourquoi il est essentiel de bien former les pédopsychiatres. Capitale, la question est aussi conflictuelle, dans la mesure où elle touche au troisième cycle universitaire, dont une réforme est rendue nécessaire par l'alignement sur les autres pays européens.

La pédopsychiatrie, spécialité de plein exercice et discipline à part entière, puisqu'elle dispose d'une reconnaissance spécifique au sein du Conseil national des universités, a été inventée dans notre pays. Jusqu'à présent, devenir pédopsychiatre supposait de suivre, après son DES de psychiatrie ou de pédiatrie, deux années complémentaires comportant trois stages de pédopsychiatrie et, selon la filière d'origine, un stage de pédiatrie ou un stage de psychiatrie adulte. En pratique, quasiment aucun pédopsychiatre n'était issu de la pédiatrie, ce qui était regrettable. Or il est aujourd'hui question de réduire cette période complémentaire : une telle réduction serait extrêmement dangereuse car elle reviendrait à tirer un trait sur la richesse et la transversalité de la pédopsychiatrie. J'ai pour ma part une triple formation de psychiatre, neurologue et pédiatre : un tel parcours, devenu aujourd'hui impossible, était certes un peu long mais il donnait une vision élargie.

Les étudiants psychiatres qui ne veulent pas faire de pédopsychiatrie considèrent comme une entrave l'obligation d'accomplir un semestre de pédopsychiatrie dans le cadre de leur DES. Ils veulent la suppression de ce semestre pour pouvoir se consacrer à l'une des nombreuses sous-spécialités que comprend le DES de psychiatrie, comme l'addictologie psychiatrique ou la géronto-psychiatrie. Or nous voulons, nous, garder nos compétences en pédopsychiatrie. Pour ma part, je plaide pour un tronc commun de deux ans en psychiatrie, suivi de trois à quatre années de spécialité en pédopsychiatrie.

En ce qui concerne le nombre de pédopsychiatres, sur lequel Mme Kovess-Masféty s'est interrogée, il est plus élevé si l'on considère les praticiens reconnus par le Conseil de l'Ordre des médecins que si l'on recense seulement ceux validés par les facultés de médecine. Le problème d'effectif est lié au caractère déficitaire de la pédopsychiatrie exercée en ville. De fait, la discipline est moins rémunératrice que toutes les autres - psychiatrie, médecine générale et pédiatrie -, parce qu'un premier entretien avec un enfant et ses parents dure en moyenne plus d'une heure. Tant que cette spécificité ne sera pas reconnue par un tarif CNPSY particulier, il n'y aura aucun pédopsychiatre en ville. S'il y en avait, l'accès à la pédopsychiatrie serait plus large, ce qui serait préférable du point de vue du service rendu à la population.

Du côté du secteur public, il faut que les centres médico-psychologiques soient au centre du soin, les centres spécialisés n'étant accessibles que par l'intermédiaire d'un médecin ou d'un centre médico-psychologique. Faute de cette hiérarchisation, les structures spécialisées sont saturées et les délais d'attente explosent.

Enfin, il est souhaitable de conserver une douzaine de lits d'hospitalisation pour 150 000 à 200 000 habitants. Il faut regrouper les trop nombreuses petites unités qui ne sont pas viables, parce qu'elles oscillent entre le vide et le trop-plein. Ces unités d'hospitalisation doivent être articulées avec les autres structures, en amont comme en aval.

Au-delà des chiffres, que vous connaissez déjà, j'ai tâché de vous faire comprendre les raisons de la situation difficile dans laquelle se trouve la pédopsychiatrie.

M. Yves Daudigny, président. - Madame Kovess-Masféty, monsieur Marcelli, nous vous remercions pour vos explications. Vous avez su nous communiquer votre passion !

Audition de Mme Isabelle Coutant, sociologue, chargée de recherche au CNRS et membre de l'Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux

- Présidence de M. Alain Milon, président -

M. Alain Milon, président. - Nous recevons à présent Mme Isabelle Coutant, sociologue, chargée de recherche au CNRS et membre de l'Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux.

Vous êtes, madame Coutant, la deuxième sociologue que nous recevons. L'apport des sciences sociales aux débats sur la psychiatrie nous paraît particulièrement intéressant. Vos travaux sur le sujet portant notamment sur la prise en charge des adolescents, nous souhaitons donc connaître votre point de vue sur la manière d'appréhender cette prise en charge et, plus largement, la psychiatrie des mineurs.

À la suite de votre propos introductif, des questions vous seront posées par notre rapporteur, Michel Amiel, et les autres membres de la mission d'information.

Je rappelle que cette audition est ouverte au public et à la presse.

Mme Isabelle Coutant, sociologue, chargée de recherche au CNRS et membre de l'Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux. - Je me félicite de la place que vous accordez aux sciences sociales dans votre réflexion.

J'ai en effet travaillé sur la psychiatrie mais je m'intéresse, plus largement, aux transformations des milieux populaires, en particulier de la jeunesse populaire. C'est par l'étude de la délinquance des mineurs que j'en suis venue à m'intéresser aux troubles du comportement et à la pédopsychiatrie.

Pour définir les troubles psychiatriques, nous, sociologues, parlons de troubles repérés et labellisés comme tels par l'institution mais cette réponse est un peu une pirouette. Plus fondamentalement, nous voyons dans ces troubles un ingérable social. Ce point de vue est relatif, dans la mesure où la tolérance aux troubles et la capacité à les prendre en charge varient socialement, culturellement et selon les familles. On peut aussi définir les troubles psychiatriques plus simplement, comme des troubles invalidant les relations sociales ordinaires.

Sociologues et anthropologues s'intéressent à ces troubles de plusieurs manières. Héritée de Durkheim, une approche fondamentale consiste à étudier la dimension sociale et culturelle des troubles, c'est-à-dire ce qui ne ressortit pas à la biologie. De ce point de vue, les recherches montrent que la pondération entre le biologique et le socio-culturel varie selon les troubles. Dans le cas de la schizophrénie, par exemple, la part du biologique semble prépondérante, même s'il y a encore débat. D'autres troubles sont répartis d'une manière moins égale entre les cultures et les classes sociales.

Les sociologues étudient aussi la manière dont la société produit non seulement de la souffrance psychique mais aussi des modèles d'expression de celle-ci : en somme, la société elle-même prescrit des modèles d'inconduite, des façons de dévier.

S'agissant en particulier de l'adolescence, les sociologues la conçoivent comme une catégorie relative. Période qui pose problème à la société, elle est pensée comme une crise. Cette conception est apparue au XIXe siècle, en même temps que disparaissaient les groupes auto-organisés de jeunesse et les rites de passage. De fait, de nombreuses cultures et sociétés prévoient la prise en charge de ce moment, que nous percevons, nous, comme une crise, par le groupe adolescent lui-même, à travers des rites de passage marquant la fin de l'enfance.

Le XXe siècle a vu l'allongement de la jeunesse et la déconnection des seuils d'entrée dans l'âge adulte. Cet étirement rend le passage de l'enfance à la vie adulte particulièrement problématique, notamment, du point de vue des psychiatres et des psychologues, sur le plan psychique.

Pour définir l'adolescence, les sciences sociales elles-mêmes s'appuient sur des critères psychiques, à commencer par les remaniements psychiques liés à la puberté et la séparation d'avec les parents.

La souffrance adolescente, pensée dans le champ psychologique depuis les années 1950, n'est devenue un enjeu dans le champ politique qu'à partir des années 1990. Des circulaires ont été publiées préconisant de développer des lieux d'accueil, d'écoute et d'information spécifiques. Dans les années 2000, les maisons des adolescents ont été créées.

Cette prise en compte dans le champ politique est au confluent de plusieurs évolutions, parmi lesquelles la diffusion de la réflexion menée dans le champ de la santé mentale mais aussi l'inquiétude suscitée par l'évolution du taux de suicide : alors que, en 1950, les 65-74 ans se suicidaient près de cinq fois plus souvent que les 25-34 ans dans notre pays, le rapport n'était plus que de 1,5 en 1995. Le suicide n'est certes pas le seul indicateur mais cette évolution est révélatrice du statut social des âges et du « mal-être » de la jeunesse dans notre société. Un autre enjeu a contribué à l'émergence de la question dans le champ politique : l'essor des violences urbaines, sujet d'actualité.

On peut observer aussi qu'il existe une demande sociale, puisque la file active en psychiatrie infanto-juvénile a doublé entre 1986 et 2000, l'augmentation concernant tous les secteurs : le secteur médico-éducatif, l'aide à l'enfance, le secteur socio-éducatif. Aujourd'hui, les multi-suivis en milieu ouvert se développent, tandis que déclinent les suivis en institution, qui étaient le modèle dominant dans les années 1970.

En ce qui concerne les troubles du comportement, j'ai mené deux enquêtes de plusieurs mois : la première dans un service psychiatrique fermé pour adolescents, un service d'hospitalisation dit de crise, la seconde, à l'autre pôle du champ de la santé mentale, dans une maison des adolescents, donc à la lisière du travail social.

La prise en charge de ces troubles peut être envisagée de deux manières.

D'abord, on peut considérer qu'il s'agit d'une médicalisation excessive de questions sociales. De fait, la figure de l'enfant caractériel, instable, est apparue à la fin du XIXe siècle avec la massification scolaire, certains comportements liés à un milieu social étant considérés comme pathologiques alors qu'ils n'étaient simplement pas ceux attendus par l'école.

Des travaux critiques, en sociologie, considèrent qu'on médicalise excessivement ce qui ne relève pas de la pathologie. Après le repérage des déviances comportementales par l'institution scolaire, les professionnels de la psychiatrie sont souvent gênés ; ils s'interrogent sur la légitimité de l'intervention médicale. Un enfant qui n'est pas contenu par l'école doit-il toujours être médicalisé ?

Les enfants relèvent parfois de plusieurs institutions qui se renvoient la balle. Lors de mes travaux, j'ai relevé que 22 % des enfants étaient suivis par la justice des mineurs. En hospitalisation fermée à temps plein, ils étaient 50 %.

Les psychiatres que j'ai rencontrés avaient voulu créer un service d'hospitalisation car le service de pédiatrie, qui prenait en charge ces enfants à leur arrivée à l'hôpital, n'était pas adapté. Eux qui avaient le sentiment de soigner le mal-être des cités pensaient que si les foyers éducatifs étaient mieux outillés, les cas pourraient être gérés sans eux. On est toujours sur une crête, d'autant que les psychiatres ont conscience du risque de stigmatisation postérieure à la prise en charge psychiatrique, qu'il ne faut pas négliger.

Le cursus classique commence par le signalement de troubles du comportement à l'école, avant l'entrée dans le circuit sanitaire. En tant que sociologue, il est frappant de noter qu'à ce moment-là, ce qui s'exprime en premier, c'est le désarroi de l'éducateur, avant même la souffrance de l'adolescent. Le psychiatre demande à l'éducateur : « Pourquoi pensez-vous que nous traiterons ce cas mieux que vous ? » Il est intéressant d'observer à quel point la psychiatrie s'est diffusée dans la société. Chacun, éducateur ou juge, diagnostique lui-même des troubles du comportement, avec l'idée que la psychiatrie constitue le recours.

La différence entre la pédopsychiatrie et la psychiatrie adulte me semble être le travail avec les familles. L'influence de la psychanalyse pousse chacun à lier le trouble de l'enfant à un dysfonctionnement familial. En psychiatrie de l'adolescent comme dans d'autres institutions encadrant la jeunesse, il s'agit de « travailler les relations familiales », selon la formule utilisée. Le « travail de l'alliance » est considéré comme la base de l'approche.

Si cette vision est commune aux différentes institutions, la catégorisation des psychiatres entre bons et mauvais parents est différente de celle des travailleurs sociaux et des magistrats. Pour un pédopsychiatre, un bon parent est celui avec lequel il va pouvoir travailler. Ainsi, un père qui avait amené aux urgences son fils menotté et qui exprimait un réel désarroi, avait été jugé aimant, capable d'une grande écoute et d'une grande attention par les psychiatres qui estimaient qu'ils allaient pouvoir travailler avec lui. Les institutions sociales et judiciaires l'auraient qualifié de père maltraitant. Les soignants, en revanche, étaient horripilés par la suffisance des parents des classes supérieures, moins dociles vis-à-vis de l'institution.

Actuellement, travailler l'alliance avec les familles est primordial, sauf dans un cas où la rupture est nécessaire, celui des parents pervers. Ce sont les parents qui ne sont pas intéressés au premier chef par l'intérêt de l'enfant, comme par exemple ceux qui ne se manifestent qu'en cas de nouveau placement de leur enfant. Le travail qui doit être mené avec l'adolescent est alors le deuil de ses parents.

En tant que sociologue, je vois la pédopsychiatrie comme un lieu de contrainte, de contention mais aussi comme un lieu de socialisation. J'y ai noté une pédagogie de la réflexivité : les enfants apprennent à verbaliser leurs émotions. On repère d'ailleurs ceux qui sont passés par ces institutions à l'usage d'un certain type de paroles, telles que : « J'ai appris à m'écarter pour me calmer » ou : « J'ai appris à gérer mon stress ». Les soignants sont contents quand le patient a pu verbaliser. Cet apprentissage s'effectue aussi dans d'autres institutions.

En pratique, les soignants sont dans le bricolage, le tâtonnement - ce qui n'est pas péjoratif. Ils mobilisent différents référentiels théoriques, selon ce qui fonctionne ou non.

Le rôle des équipes, et notamment des aides-soignants et des agents hospitaliers, est essentiel pour transmettre les savoirs. Le temps d'échange est un garde-fou contre les excès de pouvoirs, de même que le tiers, c'est-à-dire les institutions socio-éducatives. Les soignants - j'ai plutôt côtoyé des psychiatres âgés - ont conscience de l'aspect totalitaire de la psychiatrie, contre lequel ils veulent se prémunir.

L'un des dysfonctionnements que j'ai observés porte sur le temps d'hospitalisation des mineurs relevant de l'aide sociale à l'enfance, parfois hospitalisés depuis un an alors qu'ils n'auraient dû l'être que pour un à trois mois. Ils étaient scolarisés, se déplaçaient en bus et revenaient le soir à l'hôpital parce qu'ils n'avaient pas de placement - le foyer n'était pas jugé adapté et leur cas faisait peur aux familles d'accueil. Pourtant, ils avaient moins de troubles qu'avant et les familles d'accueil auraient été accompagnées.

M. Alain Milon, président. - Merci. Pour ma part, je n'ai jamais apprécié l'emploi du terme de « classe » par les personnalités politiques. Le plafond des classes populaires sert-il de plancher aux classes moyennes ?

Mme Isabelle Coutant. - Le terme de « classe populaire » constitue une représentation relativement conflictuelle de la société puisqu'il sous-entend qu'il existe des groupes dont les intérêts divergent. J'utilise ce terme car il signifie que ses membres subissent une domination économique et sociale. Il signifie aussi qu'ils présentent des caractéristiques culturelles spécifiques, ce qui est moins le cas depuis la massification de la scolarisation.

Ce terme s'entend au sens wébérien : les chances de vie ne sont pas les mêmes dans toutes les classes. Les risques de santé, par exemple, diffèrent selon la place dans la division du travail.

M. Michel Amiel, rapporteur. - Il est intéressant pour nous d'entendre une vision issue des sciences sociales. Quel est le regard de la sociologie sur le fait psychique, l'institution, la société de contrôle et la prise en charge de la souffrance psychique et du suicide ?

Vos propos contredisent l'audition précédente : les chiffres des cas d'idées suicidaires et de suicides complétés n'ont pas augmenté ; quant aux tentatives de suicide, il est difficile d'en connaître le nombre car elles ne font pas toutes l'objet d'une hospitalisation.

Vous avez parlé des progrès du médicament, or aucun progrès n'a été réalisé dans les neuroleptiques depuis Delay et Deniker. En revanche, l'évolution de la relation à l'enfermement a profondément changé.

Mme Isabelle Coutant. - Dans l'ensemble des sociétés occidentales, hormis le Japon et l'Allemagne, on constate que le taux de suicide augmente avec l'âge ; en effet, le suicide est lié au sentiment d'être entouré, à l'intégration : les femmes se suicident moins que les hommes, les personnes mariées moins que les célibataires. Toutefois, depuis les chocs pétroliers, cette tendance s'est modifiée. Cela ne signifie pas que le taux de suicide des jeunes a explosé mais qu'il est significatif quant au statut de la jeunesse dans les sociétés occidentales depuis les années 1970.

L'institution psychiatrique a pris en compte les critiques sur la société de contrôle. Les soignants ont intégré l'analyse de Foucault, comme les pouvoirs publics. Mais il faut aussi souligner que les formes de gouvernement des sociétés contemporaines demandent un certain type de ressources aux individus. Les institutions normalisent les comportements. De ce point de vue, il s'agit bien de contrôle. Or j'analyse les institutions comme des lieux d'acculturation, d'apprentissage de normes, de valeurs sans lesquelles il n'y a pas de vie commune possible.

M. René-Paul Savary. - Comment définissez-vous les soignants ? Vous avez parlé de l'équipe comme garde-fou. S'agit-il de l'équipe de soignants, ou de l'équipe pluridisciplinaire incluant les travailleurs sociaux et les juges des enfants ?

Mme Isabelle Coutant. - Le terme de soignant utilisé à l'hôpital s'oppose à celui de soigné. Il s'agit de tous les adultes en charge de l'enfant, c'est-à-dire parfois aussi les éducateurs qui travaillent dans l'hôpital.

La fonction de garde-fou est remplie par les temps collectifs de parole. Ce peut être une réunion de transmission infirmière ou la synthèse autour d'un cas, parfois avec l'Éducation nationale.

M. René-Paul Savary. - Quid de l'ouverture sur la pratique en ville ?

Mme Isabelle Coutant. - Les professionnels de l'hôpital ou de la maison des adolescents se déplacent, travaillent avec l'Éducation nationale.

M. René-Paul Savary. - Y a-t-il des protocoles établis ?

Mme Isabelle Coutant. - Ces protocoles sont locaux, par exemple entre l'équipe soignante et le proviseur pour tenter une scolarisation en section d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa). Dans ce cas, l'échelon est le département.

Mme Maryvonne Blondin. - Je voudrais évoquer le cas des adolescents à cheval entre plusieurs institutions, qualifiés de « patates chaudes » - pardonnez cette expression. Placés en foyer après avoir été retirés de familles d'accueil dépassées par leur violence, ils y agressent les éducateurs ou les autres jeunes. Après le recours à la police, ils sont placés en hôpital psychiatrique dont ils sortent dès le lendemain pour rentrer au foyer car ils ne relèvent pas de l'hospitalisation en psychiatrie. À leur retour, ils sont considérés comme des héros par les autres, avec un risque de contamination.

Par leurs actes, ces adolescents manifestent leur souffrance. En face, on constate le désarroi de toutes les parties prenantes. Localement, on trouve des solutions mais ce n'est qu'un bricolage qui demande une grande implication. Pouvez-vous nous apporter un remède, une solution ?

Mme Isabelle Coutant. - Cette catégorie de jeunes fait travailler les professionnels. Le service que j'ai étudié a été créé pour eux. L'hospitalisation y est courte car elle est conçue comme un temps d'évaluation. Les soignants se plaignent de l'absence de solutions d'aval, qu'ils appellent des « lits de suite ».

M. René-Paul Savary. - Ce pourrait être de petites unités.

Mme Maryvonne Blondin. - Chacun crée son modèle.

Mme Isabelle Coutant. - Le service que j'ai étudié était piégé puisque les autres institutions ne voulaient plus des jeunes ensuite, en aval.

Rappelons que le regard de la société sur ces troubles pose problème. Je connais une jeune femme hospitalisée à 16 ans pour une bouffée délirante qui n'a plus jamais eu affaire à la psychiatrie ensuite. L'adolescence est une période où rien n'est joué. Le travail préventif peut y être particulièrement efficace.

M. Alain Milon, président. - Merci.

La réunion est close à 16 h 05.