Mercredi 18 janvier 2017

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -

Questions diverses - Programme de travail de la commission

La réunion est ouverte à 9 h 35.

M. Hervé Maurey, président. - Je voudrais aborder le programme de travail de la commission jusqu'à la suspension des travaux en séance publique le 24 février. Nous en avons évoqué les grandes lignes lors du bureau de la commission de la semaine dernière.

Il nous reste cinq semaines. La semaine prochaine, nous aurons deux auditions en lien avec la question des transports : celle de Patrick Jeantet, président de SNCF Réseau et celle de Bernard Roman, président de l'ARAFER.

Je ferai également mercredi prochain une communication sur le bilan de l'application de quelques lois emblématiques du quinquennat. Pour notre commission, il s'agira de quatre lois : la réforme ferroviaire, la loi de transition énergétique, une partie de la loi Macron et la loi pour la reconquête de la biodiversité.

La semaine suivante, celle du 1er février, nous pourrions avoir l'audition, en application de l'article 13 de la Constitution, du candidat pressenti pour exercer la fonction de président du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité.

La semaine du 8 février, nous aurons une table ronde sur les infrastructures routières et autoroutières, autour du directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, des sociétés d'autoroutes, des entreprises de travaux publics routiers, d'un représentant de l'assemblée des départements de France et d'un représentant des usagers de la route.

Les semaines suivantes, nous envisageons l'audition du président de l'ARCEP, une table ronde sur les pollinisateurs et peut-être aussi une table ronde sur la sûreté nuclaire.

Par ailleurs, la conférence des présidents de ce soir devrait inscrire à l'ordre du jour de la séance du 22 février, dans l'espace réservé au groupe écologiste, une proposition de loi visant à la mise en oeuvre effective du droit à l'eau potable et à l'assainissement.

Nous désignerons la semaine prochaine un rapporteur pour cette proposition de loi. Celui-ci devra rapporter le 8 février en commission.

Enfin, je voudrais évoquer deux déplacements en cours d'organisation : le premier dans le Lot, à l'invitation de Gérard Miquel, sur le thème des déchets et des énergies renouvelables, les 1er et 2 février ; le second en Australie, à la fin du mois de mars ; nous sommes en lien avec l'ambassade de France sur place pour en définir le programme.

Enfin, je voudrais vous indiquer que la RATP est revenue vers nous pour proposer à la commission une visite, notamment de ses installations consacrées à la sécurité du réseau. Si vous en êtes d'accord, cette visite aura lieu après la suspension des travaux en séance, en mars, avril ou mai.

De même, nous organiserons une visite, pour ceux qui le souhaiteront, au Salon de l'agriculture fin février et au Salon du Bourget en juin.

Déplacement de la commission à Marrakech dans le cadre de la COP22 - Communication

M. Hervé Maurey, président. - Une délégation de la commission composée de Jérôme Bignon, Gérard Miquel et moi-même s'est rendue à Marrakech du 10 au 14 novembre dernier pour participer à la COP22. Nous y avons retrouvé Ronan Dantec, ce qui n'étonnera personne compte tenu de sa très forte implication sur les questions climatiques. Nous avons profité de ce séjour pour découvrir, sur le terrain, un certain nombre d'actions menées par le Maroc en faveur de la transition énergétique et notamment des énergies renouvelables.

Quelques mots tout d'abord sur l'organisation de la COP.

Comme au Bourget, le site de la COP22 comprenait deux zones : la zone bleue, à l'accès restreint, avec principalement les salles de négociations et les bureaux des différentes délégations ; la zone verte, ouverte à tous, avec un espace « innovation » regroupant pour l'essentiel des entreprises, et un espace « société civile » réunissant des associations, des fondations, des universités, des régions, etc.

Notre délégation a parcouru les deux zones.

Dans la zone bleue, nous avons visité les bâtiments réservés aux différents pavillons et nous nous sommes naturellement rendus sur le pavillon français, où des événements et conférences se succédaient. Nous avons été accueillis par la ministre Ségolène Royal, qui nous a conviés à la rencontre qu'elle avait organisée avec l'ensemble des acteurs non étatiques français présents à Marrakech.

Nous avons participé à ces échanges, très intéressants, avec les associations et ONG impliquées dans le changement climatique. Quelques jours après les élections américaines, leurs représentants nous ont fait part de leurs interrogations s'agissant de l'évolution de la politique américaine et des résultats de la COP22. Beaucoup ont exprimé de vraies inquiétudes malgré plusieurs éléments positifs, comme l'entrée en vigueur plus rapide que prévu de l'Accord de Paris, la mise en place d'un certain nombre d'alliances et coalitions, initiatives sur lesquelles je reviendrai, ou encore un engagement plus marqué que jamais des entreprises en faveur du climat.

Dans la zone verte, près d'une cinquantaine d'entreprises françaises étaient présentes sur différents stands. Nous avons passé un bon moment sur le stand de la Chambre française de commerce et d'industrie du Maroc où nous avons pu échanger avec des représentants d'entreprises françaises telles que Michelin, Sanofi, Quadran, Club Med, et des représentants de régions françaises, comme la région Aquitaine, la région Auvergne-Rhône-Alpes ou encore le département de l'Essonne.

D'une manière générale, tous les délégués et observateurs présents s'accordaient pour dire que la Conférence était parfaitement organisée par le Maroc. Le site retenu, relativement central dans Marrakech, était bien desservi. Nous y avons vu le premier projet de vélos en usage partagé lancé en Afrique - les Medina Bikes -, qui a été inauguré le premier jour de la COP et auquel participent des entreprises françaises.

Venons-en au fond et au bilan que l'on peut faire aujourd'hui de la 22ème Conférence des Parties à la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique.

L'Accord de Paris est, rappelons-le, l'un des résultats les plus importants de la diplomatie internationale de ces dernières années. Chacun sait le rôle que notre pays y a joué.

Il est entré en vigueur juste avant l'ouverture de la COP, le 4 novembre 2016, trente jours après que 55 États représentant 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre l'ont ratifié. À cette date, il y avait en effet 74 pays représentant 58,8 % des émissions de gaz à effet de serre qui l'avaient ratifié. Au nombre de ceux-ci, presque tous les grands pays de la planète l'avaient fait, au premier rang desquels la Chine et les États-Unis qui l'ont ratifié le même jour, le 3 septembre.

Aujourd'hui, 125 pays ont ratifié l'accord, ce qui est un nombre élevé compte tenu des délais parfois nécessaires pour procéder à la ratification dans certains Parlements, à rapprocher du nombre total de signataires de l'accord, soit 197 pays.

Cette entrée en vigueur rapide a pris un peu de court les négociateurs et modifié les perspectives de la Conférence de Marrakech qui, à l'origine, devait être principalement consacrée à la mobilisation des pays pour une ratification rapide de l'accord. C'est d'ailleurs ce que nous avait dit la ministre marocaine de l'environnement, Mme Hakima El Haite, lorsque nous l'avions entendue cet automne.

Aussi, la première réunion des parties à l'Accord de Paris, la CMA, a dû s'organiser dans l'urgence. Mais elle a pu se tenir et aboutir à une première déclaration sur « l'accélération de l'action climatique mondiale ».

La mobilisation exceptionnelle de la communauté internationale sur les questions climatiques, entretenue toute l'année dernière par la présidence française, n'est donc pas retombée. L'enjeu reste bien que l'Accord de Paris s'applique, dans le but d'atteindre son objectif principal : limiter la hausse de température nettement en-dessous de 2°C d'ici la fin du siècle.

Comme je l'indiquais tout à l'heure, l'ombre de l'élection du nouveau président américain a plané dès l'ouverture de la Conférence sur les débats et négociations. Pas vraiment anticipé par les négociateurs, y compris par les personnalités américaines présentes à Marrakech, le résultat de cette élection, connu le lendemain de l'ouverture de la Conférence a nettement refroidi l'atmosphère générale. Comme vous le savez, Donald Trump s'est affiché clairement climato-sceptique durant sa campagne, soutenant les énergies fossiles et menaçant de se retirer de l'Accord de Paris.

Depuis, il semble qu'il soit partiellement revenu sur ses positions. La semaine dernière, son futur secrétaire d'État, Rex Tillerson, a déclaré devant le Sénat américain que : « le changement climatique requiert une réponse mondiale et que les États-Unis doivent rester à la table des négociations », ce qui est heureusement plus encourageant.

Cela étant, des signaux positifs existent et nous les avons perçus dans les différentes rencontres que nous avons eues.

Le premier est que la Conférence de Marrakech a posé de bonnes bases. Elle a d'abord élargi le cercle des intervenants aux décisions climatiques : la COP des négociateurs est devenue une COP des acteurs. Elle est de moins en moins la seule affaire des diplomates. Toutes les parties prenantes, notamment les acteurs non étatiques, ont été associées aux travaux. Entreprises, collectivités locales, corps intermédiaires, associations ont eu la possibilité de s'exprimer et de mettre en avant leurs solutions et leurs engagements.

Par ailleurs, des alliances et des coalitions, thématiques et régionales, se sont mises en place. Chacun des volets de l'Accord de Paris a donné lieu à des initiatives, que ce soit sur l'eau, l'agriculture, la forêt, les océans ou les énergies renouvelables, qui permettent d'avancer, d'aider les pays à revoir leurs programmes nationaux, d'échanger les bonnes pratiques et de maintenir une dynamique de progrès.

Marrakech a aussi mis l'accent sur les priorités des prochains mois, la première étant la question du financement. C'est naturellement un aspect essentiel pour tenir la promesse des 100 milliards de dollars annuels à partir de 2020. Le compteur a augmenté, notamment sous l'impulsion française et européenne, mais il reste des sujets à régler comme la prise en compte dans cette enveloppe des politiques d'adaptation.

L'autre question sur laquelle des progrès doivent être réalisés est celle de l'harmonisation et surtout de la transparence dans la comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre, des résultats des actions mises en oeuvre, des financements reçus et donnés. Les gouvernements ont fixé l'échéance de 2018 pour achever ce règlement d'opérationnalisation de l'Accord de Paris. Il est impératif que cette date soit tenue.

Les prochaines Conférences permettront d'avancer dans cette voie. La COP23 sera organisée à Bonn, sous présidence des Iles Fidji, premier pays de la planète à avoir ratifié l'Accord de Paris. Ceci permettra de mettre l'accent sur les îles du Pacifique qui sont nombreuses à subir l'impact du réchauffement climatique avec la montée des océans. Plusieurs îles sont déjà submergées, d'autres sont menacées à court et moyen terme.

J'ai d'ailleurs pu échanger il y a quelques jours sur ces sujets avec la Présidente du Parlement des Iles Fidji, de passage à Paris.

Ce sera la dernière rencontre avant l'étape cruciale de la COP24 qui se tiendra en 2018 et qui devra avoir réglé la question de la transparence de l'action.

Dernier élément sur la COP : comme l'année dernière, nous avons participé à la journée organisée en marge de la Conférence par l'Union interparlementaire, en lien avec le Parlement marocain. Il s'agissait d'une journée de débats réunissant à la fois les principales autorités onusiennes et grands experts des questions climatiques et environ 200 parlementaires en provenance de 60 pays.

Nous y avons constaté une forte présence africaine et une volonté très affirmée de ces parlementaires de faire de la question du financement la question centrale des négociations climatiques actuelles et futures.

Le document final, adopté en fin de journée par les parlementaires présents, met l'accent cette année sur la nécessaire révision des contributions nationales pour rester en phase avec l'objectif de l'Accord de Paris d'un réchauffement en-deçà de 2°C et sur la concrétisation de ces engagements grâce à des politiques publiques adaptées.

Le deuxième volet de notre voyage a été consacré à différentes visites de terrain qui nous ont permis de mesurer l'engagement du Maroc en faveur des énergies renouvelables et de la transition énergétique.

L'objectif du royaume chérifien, qui est aujourd'hui dépendant de l'extérieur pour 94 % de ses besoins énergétiques et importe pour l'essentiel des énergies fossiles, est que 52 % de ses besoins énergétiques soient couverts par des énergies renouvelables en 2030.

Pour y parvenir, et de façon assez logique, la Maroc mise principalement sur l'énergie solaire.

Nous avons visité un site particulièrement impressionnant : la centrale solaire Noor de Ouarzazate. Elle s'étend sur un immense plateau au coeur de l'Atlas qui devrait, d'ici 2020, couvrir plus de 3 000 hectares.

Elle a été inaugurée en février dernier avec la mise en place d'un premier bloc constitué d'un champ de 480 hectares de miroirs cylindro-paraboliques qui permettent la production d'une électricité dite solaire thermique. Le procédé est assez simple : la centrale utilise les rayons du soleil pour chauffer au coeur des 500 000 miroirs un fluide, qui transmet ensuite la chaleur à de l'eau pour faire tourner des turbines à vapeur et produire de l'électricité. Ce fluide est notamment composé de sel fondu qui a la caractéristique de pouvoir conserver la chaleur plusieurs heures après le coucher du soleil, ce qui permet la production d'électricité environ encore trois heures après l'arrivée de la nuit.

Sa capacité est de 160 mégawatts. Lorsque les quatre blocs de la centrale seront en service, dont un comprendra des panneaux photovoltaïques, elle aura une capacité de 580 mégawatts et pourra assurer la consommation énergétique d'un million de foyers, ce qui correspond à la puissance d'un réacteur nucléaire moderne.

Rien qu'avec Noor 1, les émissions de CO2 évitées seront de 240 000 tonnes par an, ce qui contribuera à permettre au Maroc de respecter ses engagements de baisse de 32 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030.

Autre visite marquante : le Green Energy Park, plateforme de recherche, de test et de formation sur toute la filière des énergies solaires, situé dans la nouvelle ville verte de Benguerir, à 60 kilomètres au nord de Marrakech,

Son directeur, un jeune ingénieur marocain, formé en Allemagne, nous a montré les différentes machines de test et présenté les partenariats mis en oeuvre avec des universités et des instituts de recherche du monde entier.

Nous avons eu la chance d'y voir les derniers entraînements de voitures fonctionnant uniquement à l'énergie solaire, qui devaient participer le lendemain à une course organisée dans le cadre de la COP22.

Enfin, nous avons visité un site expérimental passionnant, celui du projet PEPS (Pour Et Par le Soleil) qui a pour vocation de permettre le traitement de déchets carbonés grâce à la technologie solaire dite micro-ondes, autrement dit par un procédé thermo-solaire au bilan carbone négatif.

Le prototype est impressionnant, il a la taille d'un grand conteneur et peut être entièrement piloté à distance, notamment l'orientation des miroirs paraboliques en fonction de l'orientation des rayons du soleil. Il permet de transformer, par pyrolyse, les déchets en charbon, un charbon de très bonne qualité directement valorisable. La machine peut traiter tout ce qui est composé carboné, c'est-à-dire la biomasse, les déchets ménagers et les plastiques, y compris les déchets les plus difficiles à traiter.

À terme, il est prévu que le système puisse traiter 54 tonnes de déchets par jour et générer 2,4 mégawatts d'électricité, soit 50 % de ce qui est nécessaire pour l'éclairage public dans une ville comme Marrakech.

Au-delà même de l'aspect technique, ce qui est particulièrement remarquable de ce projet est qu'il repose sur des brevets mis au point en Guadeloupe et qu'il bénéficie d'une subvention de la région Guadeloupe, aujourd'hui premier bailleur du projet. Nous avons été heureux d'ailleurs de constater la qualité des liens développés entre les élus de la région de Marrakech et ceux de la Guadeloupe. Une coopération « sud-sud » à la fois efficace et bénéfique pour les deux parties.

Ce déplacement nous a montré que, plus que jamais, la lutte contre le réchauffement climatique continue. L'engagement pour une action en faveur du climat reste fort à tous les échelons, qu'ils soient gouvernementaux, régionaux, locaux. Les grandes entreprises, en particulier, ont anticipé un certain nombre d'évolutions, y compris par exemple celle de la tarification du carbone dont elles intègrent le prix dans leurs décisions d'investissements. Les énergies renouvelables deviennent aussi de plus en plus compétitives par rapport au charbon et au gaz : les initiatives marocaines le montrent bien.

Aussi, nous devons faire en sorte que les incertitudes liées à l'élection américaine encouragent nos gouvernements, nos entreprises, nos collectivités et nos sociétés à être encore plus vertueux et ambitieux. Ce sera le défi des prochaines COP pour lesquelles Marrakech a donné un bon élan.

M. Jérôme Bignon. - Je souscris aux propos du président s'agissant de la qualité de l'organisation de cette conférence par les autorités marocaines. Comme certains l'ont dit, « le monde était là », notamment l'Afrique.

La centrale solaire Noor est un projet remarquable, qui démontre que l'énergie solaire constitue l'une des solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés.

J'ai également été frappé par le prototype permettant la pyrolyse des déchets, mis en oeuvre en coopération avec des chercheurs guadeloupéens. Ce qui était toutefois un peu difficile à comprendre, c'est que ce projet n'était pas intégré dans les présentations du pavillon français. Il s'agit en tout cas d'un projet intelligent et très prometteur, qui associe une expertise et des financements français.

Outre les visites de sites que nous avons effectuées, cette conférence nous a permis de faire des rencontres très intéressantes de personnes venant du monde entier.

M. Gérard Miquel. - J'ai été impressionné par la capacité de recherche et de mise en oeuvre de solutions technologiques avancées par le Maroc. La centrale solaire que nous avons visitée permet non seulement de produire de l'énergie mais également d'en stocker une partie. Ceci est particulièrement intéressant, car l'on sait que le problème principal de la production d'énergie à partir de sources renouvelables, c'est le stockage.

Un système innovant de traitement par pyrolyse des déchets nous a été présenté. L'avantage de la pyrolyse est que ce procédé ne dégrade pas la matière. En France métropolitaine, nous sommes restés sur des schémas classiques avec des grandes entreprises qui ne proposent que le traitement des déchets par incinération ou mise en décharge. Aujourd'hui, lorsque l'on veut traiter certains types de déchets, on est obligé de le faire en Allemagne car on ne dispose pas des installations adéquates en France.

M. Ronan Dantec. - J'étais présent à Marrakech en tant que porte-parole chargé du climat pour l'organisation Cités et gouvernements locaux unis (CGLU). Nous avons participé à des événements organisés en parallèle de la conférence qui portaient sur des sujets nouveaux par rapport aux années précédentes. Je pense par exemple au projet Zenta, à côté de Casablanca, qui vise à créer une éco-cité de 300 000 habitants.

Autre avancée : les responsables chinois ont présenté un projet de restructuration de leurs filières aluminium et ciment visant à économiser deux fois le niveau des émissions de CO2 du Royaume-Uni.

Cette nouvelle dimension des projets m'a semblé marquante. Elle explique le résultat le plus intéressant qui a été annoncé lors de cette conférence : les émissions mondiales de CO2 se stabilisent malgré la poursuite de la croissance économique mondiale. Ceci est notamment lié au développement des énergies renouvelables. Il y a un début de révolution technologique qui est palpable.

La conférence de Marrakech marque la première année d'application de l'Agenda de l'action décidé à Paris. Cette thématique a été au coeur d'une partie des négociations officielles. Nous avons ainsi réussi à inclure dans un des textes conclusifs la nécessité de financer la planification territoriale par le Fonds vert pour le climat.

Sur le plan politique, la COP22 a été portée par la dynamique de la ratification exceptionnellement rapide de l'Accord de Paris. Je constate toutefois qu'il n'y a pas eu de leadership politique au cours de la négociation, ce qui est lié au calendrier politique : après les élections législatives, les Marocains ont été dans l'incapacité de former un Gouvernement, ce qui a affaibli la présidence de la COP. L'élection de Donald Trump a par ailleurs contribué à cette difficulté, de même que l'entrée de la France et de l'Allemagne en période électorale.

Parmi les grandes annonces de la COP22 figure le programme allemand de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui a été présenté par la ministre de l'environnement Barbara Hendricks et qui comporte des objectifs extrêmement ambitieux, notamment la réduction des deux tiers des émissions liées au charbon d'ici 2030. Les Allemands, qui sont en train de sortir du nucléaire, s'engagent désormais dans la sortie du charbon, avec pour objectif d'avoir une économie neutre en carbone en 2050.

Au niveau de l'Union européenne, le Parlement européen doit encore se prononcer sur la répartition de l'effort entre les États membres de l'objectif européen de réduction des émissions de CO2 présenté lors de l'Accord de Paris. Nous sommes dans un moment de forte dynamique, mais il n'est pas certain que nous disposerons à la fin de l'année 2017 de cadres d'action étatiques qui soient à la hauteur.

M. Charles Revet. - L'élection du nouveau président des États-Unis pourrait-elle remettre en cause les orientations prises lors de la COP de Paris ?

Vous nous avez parlé des installations solaires mises en place au Maroc. Que se passe-t-il lorsqu'il n'y a pas de soleil : existe-t-il des capacités de stockage ou des installations de production de substitution qui permettent de couvrir les besoins en électricité ?

M. Alain Fouché. - J'ai été impressionné par la centrale solaire thermique marocaine qui permet d'alimenter un million de foyers. Nous n'avons pas le même climat en France, mais une telle technologie est-elle quand même adaptable dans notre pays ? Ce projet me parait tout à fait intéressant, même si la surface d'une telle installation, de 3 000 hectares, pourrait susciter quelques réticences...

Mme Évelyne Didier. - Je me souviens, lors de mon arrivée au Sénat, qu'il ne fallait pas parler d'environnement au sein de la commission des affaires économiques, au risque que certains sortent leurs revolvers ! Les consciences évoluent, cela montre qu'il y a de l'espoir.

Il ne faut pas confondre chaleur et rayonnement. C'est le niveau de rayonnement qui conditionne le développement de l'énergie solaire. En France, nous disposons du potentiel suffisant pour développer les énergies renouvelables. Mais nous sommes confrontés aux réticences de certaines entreprises qui occupent des positions dominantes et qui ont des difficultés à se projeter dans l'avenir. Si le développement de ces technologies est porté par d'autres pays comme l'Allemagne et la Chine et que la France n'est pas capable de se situer dans ce mouvement, nos entreprises seront en retard.

Les pays africains vont sauter une technologie, comme dans le domaine du numérique où ils sont directement passés à la 4 G ; il existera donc des besoins importants, qu'il nous faudra saisir.

Enfin, s'agissant de Donald Trump, soit il est insensé, soit il se conformera au principe de réalité. J'ai entendu dire que Barack Obama venait de décider de verser 1 milliard de dollars au Fonds vert pour le climat, c'est assez réjouissant.

Mme Annick Billon. - Je n'étais pas présente à la COP22 mais j'ai compris qu'elle avait été marquée par la montée en puissance de la société civile. N'y a-t-il pas un risque que cela conduise à un lobbying accru de la part des grands groupes ? Je pense par exemple au domaine agricole. De nouvelles formes de cultures qui préservent les sols et l'environnement ont du mal à émerger car le milieu agricole est sous un monopole d'organisation par de grandes structures qui, bien que respectables par ailleurs, n'encouragent peut être pas l'évolution des pratiques. J'ai rencontré par exemple en Vendée l'association pour la promotion de l'agriculture durable (APAD) qui utilise des semis directs sous couvert végétal, et qui a du mal à faire connaitre ses méthodes.

M. Rémy Pointereau. - J'ai récemment vu un documentaire qui montrait la volonté de Donald Trump d'étendre les champs pétrolifères et d'ouvrir des sites d'extraction de charbon à ciel ouvert. Dans ce contexte, quel sera l'avenir de l'Accord de Paris ?

Pourquoi la recherche relative au stockage de l'énergie produite à partir de sources renouvelables n'évolue-t-elle pas en France ? Le stockage de l'énergie me paraît être un élément majeur de la transition énergétique. Pourrait-on adapter les projets qui sont menés par le Maroc dans notre pays ?

M. Louis Nègre. - Nous vivons une époque formidable, qui connaît de multiples changements. Pour avoir été rapporteur du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, je sais que la transition énergétique est en cours, même si elle n'avance peut-être pas aussi vite qu'on le souhaiterait.

J'ai participé hier à un colloque sur les transports au cours duquel un représentant de l'industrie automobile a clairement indiqué qu'il était conscient de la nécessité de changer de modèle de production. Ceci m'amène au constat qu'il est nécessaire d'accentuer notre effort de recherche et développement, sans quoi nous serons dépassés. La Chine donne déjà le « la » dans certains secteurs.

S'agissant de la pyrolyse, il existait une usine dans le département des Alpes-Maritimes qui s'est révélée être une catastrophe écologique et financière et qui s'est transformée en catastrophe politique. Qu'en est-il de ce procédé aujourd'hui ?

Mme Odette Herviaux. - Je me souviens qu'il y a quelques années, une réunion des régions du monde avait eu lieu sous l'égide des Nations unies à Saint-Malo, au cours de laquelle une présentation avait mis en avant la panoplie d'initiatives que les collectivités étaient en capacité de mettre en place en faveur de l'environnement. Il me semble à cet égard que les choses n'avancent pas si vite que cela.

S'agissant du Maroc, vous avez cité plusieurs exemples qui montrent que ce pays est à la pointe de ce que l'on peut expérimenter en matière d'énergies renouvelables. Pour aller dans le même sens, j'ai participé il y a quelques années à un voyage d'étude au Maroc au cours duquel nous avions visité une cimenterie appartenant à un groupe français qui était à la pointe de la technologie, aussi bien en termes de protection de l'environnement et de limitation des émissions de polluants que d'approvisionnement énergétique plus de 50 % de la consommation électrique de cette usine provenait d'un champ éolien situé à proximité.

M. Jacques Cornano. - Marie-Galante a été lauréat d'un appel à projets de démonstrateur industriel en énergies renouvelables. Ce projet a été présenté le 14 novembre lors de la COP 22. L'ambition est de faire de Marie-Galante une île du tourisme durable, un territoire à énergie positive. Actuellement, la production d'énergie provient de la Guadeloupe continentale et est acheminée par câble. Si tout se passe bien, nous serons autonomes en énergie d'ici 2020, grâce à des installations solaires, une centrale thermique multi-biomasse ainsi que des éoliennes à stockage d'énergie. Un jeune ingénieur a présenté un projet de production d'énergie à partir de bagasse qui a intéressé de nombreuses entreprises. Nous allons également encourager le développement de la voiture électrique et de l'agriculture biologique.

M. Ronan Dantec. - Au forum économique mondial de Davos, un Conseil de l'hydrogène a été mis en place à l'initiative de treize groupes mondiaux dont Engie et Total, qui considèrent l'hydrogène comme l'un des maillons essentiels de la transition énergétique, notamment pour permettre le stockage de l'énergie. Le paradigme énergétique mondial est en train de changer et certains groupes français, comme Engie, sont présents. La question qui reste posée est celle du modèle énergétique français, qui est en dehors du paradigme mondial en train de se mettre en place et qu'il faudra adapter.

Au sein des grands enjeux de la COP se trouve la question de la restauration des sols dégradés et du mécanisme financier à trouver pour permettre cette restauration. Une des idées sur la table est d'utiliser l'argent de la compensation aérienne.

S'agissant des collectivités territoriales, le combat que nous portons aujourd'hui et qui est prioritaire, c'est l'accès aux financements pour les territoires.

M. Gérard Miquel. - Je partage la vision de Ronan Dantec s'agissant de l'hydrogène : la pile à hydrogène permettra à l'avenir le stockage d'énergie. Il faut que nos industriels automobiles s'y intéressent de près.

S'agissant de l'agriculture, nous avons rencontré lors de la COP une association qui forme des femmes marocaines à des techniques de production ancestrales et nous avons visité une petite exploitation agricole remarquable qui permet aux agriculteurs de rester sur leurs terres et d'y produire durablement.

En ce qui concerne la pyrolyse, nous avons fait une erreur en voulant traiter les déchets sans préparation préalable. Ces échecs ont été amplifiés par le fait que les grands groupes ont privilégié l'incinération et ont étouffé la recherche dans ce domaine. Or, en Allemagne, il existe des unités de pyrolyse qui fonctionnent.

M. Hervé Maurey, président. - Je vais tâcher de répondre aux différentes questions qui ont été posées.

S'agissant de la question de Charles Revet sur l'éventuelle remise en cause de la signature de l'Accord de Paris par Donald Trump, il est encore trop tôt pour le dire. Bien qu'il semble avoir modéré ses propos, il convient de rester prudent. Il peut certes choisir de retirer la signature des États-Unis mais il peut également, de façon plus simple et malheureusement plus efficace, choisir de ne pas appliquer l'accord et continuer à promouvoir le développement des énergies fossiles.

Le site de Ouarzazate a été choisi pour installer une centrale solaire thermique car il s'agit du site le plus ensoleillé du Maroc qui ne connait donc pas de problème en termes de continuité de la production électrique.

Alain Fouché souhaitait savoir si un tel projet était réalisable en France. On conçoit mal en effet que 3 000 hectares bénéficiant d'un tel ensoleillement puissent être affectés à une telle installation. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de projets innovants ; de nouvelles technologies apparaissent régulièrement. Je pense par exemple à un projet innovant qui est en train de se mettre en place au Royaume-Uni visant à produire de l'électricité à partir des marées : une digue de 8 kilomètres va être construite pour retenir les effets des marées. Un tel projet pourrait être développé en France.

Cela fait le lien avec le propos d'Evelyne Didier : les choses évoluent tous les jours, et les entreprises françaises doivent se positionner sur ces marchés. Or on voit par exemple que la situation financière d'Areva a conduit cette entreprise à céder ses activités dans l'éolien à Siemens.

S'agissant de la question d'Annick Billon sur le rôle de la société civile lors de la COP, je pense que plus on élargit ces événements à des acteurs non étatiques, plus cela permet d'ouvrir le débat et de monter des coalitions thématiques favorisant le partage d'expériences et les bonnes pratiques. L'association que vous avez mentionnée se fera d'autant plus entendre qu'un large nombre d'acteurs sera présent et mobilisé.

Rémy Pointereau a souligné l'importance de la recherche en matière de stockage d'énergie. Il s'agit d'un élément central. La centrale solaire Noor ne permet pas de stocker l'électricité pendant longtemps - trois heures après le coucher du soleil, ce qui va déjà dans le bons sens.

Cela rejoint la remarque de Louis Nègre qui a rappelé la nécessité d'accentuer nos efforts en matière de recherche et de développement. Je remercie Gérard Miquel d'avoir répondu à la question qu'il a posé sur la pyrolyse.

Par rapport à la remarque d'Odette Herviaux, je crois quand même que les choses avancent. Nous avons franchi un cap psychologique. Aujourd'hui, les énergies renouvelables n'apparaissant plus comme une lubie. Dans les territoires, la mise en place des grandes régions et de grandes intercommunalités facilitera le portage de projets innovants et ambitieux. Encore faut-il pour cela que les collectivités aient les moyens de mettre en oeuvre de telles politiques. Par ailleurs un travail de sensibilisation auprès d'un certain nombre d'élus reste à mener.

Pour terminer, je me réjouis des informations que nous a communiquées Jacques Cornano, qui montrent que Marie-Galante est un territoire ambitieux et vertueux en matière d'énergies renouvelables.

Organisme extraparlementaire - Désignation

M. Hervé Maurey, président. - J'ai été saisi d'une demande de désignation d'un sénateur de la commission pour remplacer Paul Vergès comme membre suppléant à la commission nationale d'évaluation des politiques de l'Etat outre-mer.

Afin de respecter les équilibres politiques au sein de cet organisme où sont nommés dix sénateurs titulaires et dix sénateurs suppléants par plusieurs commissions du Sénat, je vous propose de désigner notre collègue Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau est désignée pour siéger au sein de la commission nationale d'évaluation des politiques de l'Etat outre-mer.

La réunion est close à 10 h 50.