Mercredi 2 novembre 2016

- Présidence de Mme Michèle André, présidente

Loi de finances pour 2017 - Mission « Écologie, développement et mobilité durables », budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (et article 64), comptes d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres », « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et « Transition énergétique » - Examen des rapports spéciaux

La réunion est ouverte à 9 h 35.

La commission procède à l'examen du rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur spécial, sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et les comptes d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres » et « Transition énergétique », du rapport de Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteur spécial, sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et le compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », et du rapport de M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial, sur le programme « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (et article 64).

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - Au regard des mesures prévues par le projet de loi de finances pour 2017, je constate que la politique budgétaire et fiscale du Gouvernement en matière environnementale est à la fois insuffisante et incohérente.

S'agissant des moyens budgétaires, il est regrettable que le Gouvernement se contente trop souvent de faire de la communication autour de l'écologie, à travers des annonces qui ne connaissent aucune traduction budgétaire.

Ainsi, l'annonce du doublement du fonds « chaleur » géré l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) n'est pas effective. La ministre de l'environnement avait en effet indiqué que ce fonds serait doté de 420 millions d'euros en 2017 afin de soutenir les investissements en matière de production et de distribution de chaleur renouvelable ; or l'enveloppe prévue n'est que de 221 millions d'euros.

Autre exemple, le fonds de financement de la transition énergétique, créé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, devait être doté de 1,5 milliard d'euros sur trois ans afin de financer des projets relatifs à la transition énergétique dans les territoires. Or il n'a été pourvu que de 250 millions d'euros en 2015 et aucun crédit supplémentaire n'est prévu en 2016 et 2017.

S'agissant de la fiscalité énergétique, la politique du Gouvernement traduit un manque de vision stratégique. Ainsi, le rapprochement de la fiscalité entre le diesel et l'essence a été annoncé précipitamment à la suite du scandale du « dieselgate », sans qu'un calendrier de rapprochement n'ait été indiqué pour que les constructeurs et les consommateurs s'adaptent.

De même, après avoir refusé l'ouverture de la déductibilité de la TVA aux véhicules essence lors du débat budgétaire de 2015, le Gouvernement a annoncé cette année souhaiter opérer l'alignement sur le régime fiscal applicable au diesel en deux ans, soit un rythme très rapide qui risquerait de déstabiliser la filière diesel. Les députés ont pour leur part proposé un alignement en cinq ans, ce qui correspond au rythme que j'avais proposé par amendement l'année dernière.

Que dire également du rétropédalage du Gouvernement s'agissant du prix plancher du carbone ! Après avoir annoncé, sans aucune concertation avec les acteurs économiques concernés, que la France s'engagerait unilatéralement à donner un « prix plancher » au carbone, le Gouvernement a finalement renoncé à cette mesure qui aurait eu des conséquences sociales très importantes. L'objectif de sortie de la production d'électricité à partir du charbon ne peut être poursuivi que de manière progressive et raisonnée, avec un accompagnement des industriels concernés.

Enfin, s'agissant des outils de programmation, je déplore le retard pris dans l'adoption du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) prévu par la loi relative à la transition énergétique, dont le rôle est notamment de fixer des objectifs chiffrés de réduction des émissions de polluants atmosphériques, et qui devait être adopté au plus tard le 30 juin 2016.

De même, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), publiée après plusieurs mois de retard la semaine dernière, est insatisfaisante. Si elle contient des objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables, par filière, elle ne comporte aucune indication relative à l'évolution du parc nucléaire français nécessaire pour atteindre l'objectif fixé par la loi d'une part de nucléaire de 50 % dans la production d'électricité à l'horizon 2025.

Venons-en à l'examen plus détaillé de certaines politiques financées par la mission « Écologie ». La politique de lutte contre la pollution de l'air est marquée par la fragilité de la situation financière des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) : compte tenu du désengagement financier de certaines collectivités, il est impératif que l'État consolide sa participation financière auprès de ces associations.

S'agissant de la politique de prévention des risques, quinze ans après la catastrophe de l'usine « AZF », la quasi-totalité des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) a été adoptée. Les prochaines années seront dédiées à la mise en oeuvre opérationnelle de ces plans. Par ailleurs, le projet de loi de finances prévoit de prélever 70 millions d'euros sur le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), qui connaît un solde positif de plus de 300 millions d'euros en 2016.

La politique de l'eau et de la biodiversité est marquée par la création de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) au 1er janvier 2017. Elle bénéficiera de 45 postes supplémentaires par rapport aux structures qu'elle remplace afin de tenir compte de l'élargissement de ses missions, notamment à la gestion des parcs naturels marins. La mise en place de l'AFB pose la question de l'articulation de ses missions avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Les services départementaux de ces deux structures pourraient à terme être mutualisés.

Certains opérateurs de la mission sont trop fortement mis à contribution. C'est notamment le cas du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) qui est confronté à une équation impossible : sa subvention baisse plus vite que l'augmentation de sa masse salariale, ce qui réduit les moyens dont il dispose pour développer ses activités, notamment en direction des collectivités territoriales, comme le prévoit pourtant son plan stratégique 2015-2020.

D'autre opérateurs pourraient être sous dimensionnés à terme pour faire face à l'accroissement de leurs missions. C'est le cas de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui bénéficie d'une augmentation de ses moyens humains, mais qui voit par ailleurs ses missions fortement augmenter en raison notamment du vieillissement des centrales nucléaires et de l'instruction des demandes de prolongation de leur fonctionnement.

Enfin, je tiens à vous présenter brièvement les crédits des deux comptes d'affectation spéciale (CAS) qui participent à la mise en oeuvre de la politique de transition énergétique.

Le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », d'une part, a été créé à l'occasion de la réforme de la fiscalité énergétique opérée en 2015. Cette réforme permet désormais au Parlement, et il faut s'en féliciter car il s'agissait d'une demande répétée de la commission des finances du Sénat, de pouvoir suivre les dépenses de soutien aux énergies renouvelables et fixer le taux de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Toutefois, le Parlement ne peut toujours pas encadrer le montant des charges de service public à compenser, puisque les niveaux des tarifs d'achat et des compléments de rémunération sont fixés par voie réglementaire.

Or, les dépenses de soutien aux énergies renouvelables sont très dynamiques : en 2017, le CAS doit être abondé de 1,7 milliard d'euros de recettes supplémentaires afin de compenser la hausse des dépenses. Ce financement est assuré grâce à la montée en puissance de la contribution climat énergie (ou « taxe carbone ») pesant sur les énergies fossiles, dont 85 % du produit supplémentaire en 2017 est affecté au CAS.

Le compte d'affectation spéciale « Aide à l'acquisition des véhicules propres », d'autre part, est marqué par une hausse prévisionnelle de la dépense en 2017 en raison de l'augmentation anticipée du nombre de véhicules électriques qui bénéficieront du « bonus » l'année prochaine. Par ailleurs, le Gouvernement envisage d'élargir l'année prochaine le « bonus » aux deux et trois roues et aux quadricycles électriques. Afin de compenser cette augmentation des dépenses, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une révision du barème du « malus » appliqué aux véhicules les plus polluants avec un seuil d'application abaissé à 127 grammes de CO2 par kilomètre (contre 130 grammes actuellement). Le surcoût pourrait atteindre 4 000 et 6 000 euros pour les véhicules émettant respectivement 180 et 190 grammes de CO2 par kilomètre. Cette révision du barème induirait un produit supplémentaire de 124 millions d'euros.

Au regard de l'ensemble de ces éléments et en particulier des insuffisances de la politique relative à la transition énergétique, je propose de rejeter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et des comptes d'affectation spéciale « Transition énergétique » et « Aides à l'acquisition de véhicules propres ».

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Je vais vous présenter les programmes 203 « Infrastructures et services de transports » et 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ». Je vous présenterai également les crédits du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

Comme les années précédentes, je regrette que le budget des infrastructures et services de transports ne bénéficie pas d'une mission à part entière, alors qu'il s'agit d'un enjeu financier et socio-économique considérable pour notre pays. J'ajoute que tant d'un point de vue administratif que parlementaire, la politique publique des transports est bien distincte de la politique publique en faveur de l'écologie.

Plus profondément, je crains que cette faible visibilité budgétaire de la politique des transports et le rang de secrétaire d'État attribué au membre du Gouvernement qui en a la charge, ne traduise l'affaiblissement d'une politique dont notre pays s'est pourtant longtemps enorgueilli et qui reste stratégique pour notre avenir.

Le programme 203 ne présente qu'une partie des dépenses consacrées aux transports en raison du rôle majeur joué par l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) dans le financement des grandes infrastructures.

Établissement public administratif de l'État créé en 2004 et placé sous la tutelle de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), l'AFITF est financée par des taxes qui lui sont affectées par l'État (redevance domaniale des sociétés d'autoroutes, taxe d'aménagement du territoire, une partie des amendes des radars automatiques et une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques - TICPE).

L'AFITF reverse ensuite une partie de son budget sous forme de fonds de concours, en ayant préalablement fléché les sommes ainsi reversées vers des projets précis (routes, ferroviaires, fluvial, etc.). Ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, l'AFITF est un opérateur transparent, dont les décisions engagent l'État.

Or, contrairement aux crédits budgétaires, les fonds de concours ne sont qu'évaluatifs et le Parlement ne dispose pas du budget initial de l'AFITF au moment où il examine le projet de loi de finances.

Si je ne plaide pas pour une suppression de l'Agence de financement des infrastructures de France (AFITF), qui est un lieu utile de débats et de sanctuarisation des crédits, je réclame donc une nouvelle fois que le budget prévisionnel de l'AFITF soit systématiquement transmis au Parlement avant l'examen de la loi de finances, voeu qui est aussi celui des autres membres du groupe de travail sur le financement des infrastructures de transport, selon le rapport d'information que nous vous avons présenté au mois de septembre.

C'est là la condition sine qua non pour que le Parlement puisse se prononcer de façon éclairée sur le montant effectivement consacré par l'État au financement des infrastructures de transport.

J'en viens à présent à l'analyse de la situation financière de l'AFITF.

Depuis sa création, l'AFITF a engagé 33 milliards d'euros. Fin 2015, il lui restait à mandater une somme d'environ 11,3 milliards d'euros, soit un montant correspondant à un peu moins de six exercices au regard de son budget actuel. Son équilibre financier apparaît pour le moins instable.

Selon les premiers éléments fournis par le Gouvernement, l'AFITF pourrait disposer, en crédits de paiement, de 2,2 milliards d'euros en 2017, contre 1,9 milliard d'euros en 2016, soit une augmentation de 16 % de ses moyens.

Une telle hausse demeure en réalité très insuffisante pour couvrir l'ensemble des besoins en crédits de paiement de l'AFITF en 2017, qui sont évalués par l'agence elle-même à 2,8 milliards d'euros, soit 600 millions d'euros supplémentaires. D'autant que la hausse des besoins se poursuivra dans les années à venir pour atteindre 3,2 milliards d'euros en 2018 et 3,1 milliards d'euros en 2019.

Plus problématique encore, l'évaluation faite par le Gouvernement pour les ressources de l'AFITF en 2017 serait, selon l'agence, pour le moins optimiste et, plus probablement, surévaluée d'environ 100 millions d'euros.

S'il « suffit » d'affecter 20 millions d'euros supplémentaires pour atteindre un volume de 735 millions d'euros de TICPE attribués à l'AFITF, comme le Gouvernement s'y engage dans le projet de performances pour 2017, et si l'augmentation de 0,9 % des recettes de taxe d'aménagement du territoire paraît envisageable, les prévisions de recette pour la taxe domaniale et sur les amendes radars, en forte hausse par rapport aux exercices précédents, paraissent manquer de sincérité.

C'est pourquoi j'estime qu'il sera nécessaire d'affecter à l'AFITF en 2017 une part plus importante du rehaussement de la TICPE qui avait été décidé en 2015 pour compenser l'abandon de l'écotaxe poids lourds.

S'agissant du programme 203 proprement dit, les crédits sont en légère diminution de 1,3 %.

Sur les 3,2 milliards d'euros du programme, l'essentiel de la dépense est constitué par la subvention versée à SNCF Réseau (ex-Réseau ferré de France), d'un montant de 2,5 milliards d'euros. L'entretien routier et la subvention à l'établissement public Voies navigables de France (VNF) resteront stables par rapport à 2016.

Pour les différentes raisons que j'ai mentionnées précédemment - absence de mission propre aux transports, illisibilité du budget qui leur est consacré, insuffisante couverture des besoins en crédits de paiement de l'AFITF et insincérité de ses prévisions de taxes affectées pour 2017 - je vous proposerai de ne pas adopter les crédits de la mission « Écologie ».

Quant au programme 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture », sa dotation en 2017 s'établit à 203,4 millions d'euros en autorisations d'engagements (AE) et 200 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse significative de 9,4 %.

Cette augmentation des crédits du programme s'explique uniquement par l'extension des allègements de charges patronales du transport maritime commercial relatifs aux cotisations famille et chômage décidée dans le cadre de la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l'économie bleue. L'action 03 « Flotte de commerce » porte ainsi désormais 83,5 millions d'euros de crédits, en hausse de 19 millions d'euros par rapport à 2016.

En revanche, les crédits consacrés aux missions régaliennes de sécurité et de sûreté en mer et à la formation des marins resteront stables.

Enfin, le compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » porte les crédits destinés à financer les trains d'équilibre du territoire (TET), c'est-à-dire une trentaine de lignes structurellement déficitaires dont l'exploitation est assurée par SNCF Mobilités sous l'autorité de l'État.

Historiquement, la SNCF assurait une péréquation interne entre ses TGV, excédentaires, et les TET, déficitaires.

Depuis 2010, l'État affecte des taxes au présent compte d'affectation spéciale afin de compenser le déficit d'exploitation de SNCF Mobilités dû aux TET ainsi que la régénération du matériel roulant.

Le déficit d'exploitation de ces lignes s'est aggravé ces dernières années, la fréquentation des TET ayant diminué de 20 % depuis 2011, notamment en raison de l'essor du covoiturage puis du transport par autocar. Pour tenir compte de cette réalité, les crédits du CAS atteindront 358 millions d'euros en 2016, soit une hausse significative de 6,9 % par rapport à 2016.

À la suite des travaux de la commission « TET d'avenir », le Gouvernement a décidé de cesser progressivement de financer six lignes de nuit entre le 1er octobre 2016 et le 1er octobre 2017, seules les lignes Paris-Briançon et Paris-Rodez-Latour de Carol restant en activité en tant que lignes d'aménagement du territoire.

D'autre part, il a signé un accord avec la région Normandie le 25 avril 2016 aux termes duquel la région a accepté de devenir autorité organisatrice des cinq lignes TET qui la desservent et d'en supporter les déficits, à compter du 1er janvier 2020 au plus tard, en contrepartie d'un financement de l'État de 720 millions d'euros pour renouveler le matériel roulant, largement vétuste, des lignes Paris-Caen-Cherbourg et Paris-Rouen-Le Havre.

Des discussions se poursuivent avec les autres régions pour mettre au point des accords analogues à celui conclu entre l'État et la Normandie concernant des lignes d'intérêt local pour lesquelles des synergies avec les lignes TER sont pertinentes.

Enfin, le Gouvernement s'est également engagé à acquérir d'ici 2025 des rames neuves adaptées aux besoins des voyageurs sur les lignes structurantes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, Paris-Clermont-Ferrand et Bordeaux-Toulouse-Marseille, pour un montant d'environ un milliard d'euros.

S'agissant de ce compte d'affectation spéciale en pleine évolution, je vous propose que nous adoptions les crédits.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - Je vais vous présenter le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » ainsi que le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Le programme 159 regroupe à compter du présent projet de loi de finances les subventions pour charges de service public du Cérema, de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France. Je ne reviendrai pas sur les crédits du Cérema, dont Jean-François Husson a fait une analyse que je partage.

Concernant l'IGN, sa subvention pour charges de service public, qui assure 57 % de ses ressources, diminuera de 1 % en 2017 à 94,2 millions d'euros. Parallèlement, son plafond d'emploi diminuera de 33 équivalents temps plein travaillés (ETPT), mais sa masse salariale augmentera en raison de l'augmentation du point d'indice et des mesures individuelles.

En 2017, l'IGN restera dans une situation financière délicate, comme en témoigne le recul de son chiffre d'affaires. Mais il a un savoir-faire reconnu et a su fidéliser des clients majeurs. Le management est parfaitement conscient des enjeux et me paraît crédible pour réussir le nouveau contrat d'objectifs et de performance. Il parvient pour le moment à s'adapter à la contrainte budgétaire. L'IGN est un établissement public qui doit se réinventer à l'heure du numérique pour proposer de nouveaux services attractifs aux entreprises, à des tarifs compétitifs.

Concernant Météo-France, que je suis depuis quelques années en tant que rapporteur spécial de l'ancien programme 170 « Météorologie », la subvention pour charges de service public portée par le programme 159 connaîtra, pour la cinquième année de suite, une diminution en 2017 à 195,2 millions d'euros. Sachant que l'an dernier cette subvention a fait l'objet d'une sévère réduction de 8 millions d'euros en gestion, force est de constater que l'établissement est soumis à un régime sévère.

Alors que l'opérateur avait subi la suppression de 85 ETPT en 2015, puis de 78 ETPT en 2016, les dirigeants de Météo-France ont obtenu de leur tutelle que cette baisse soit limitée à 60 ETPT en 2017. Mais ils prévoient que les baisses d'ETPT se poursuivront à un rythme accru à l'avenir.

Dans un secteur concurrentiel, Météo France joue sur deux facteurs : la puissance des calculateurs et le savoir-faire des hommes. Cet équilibre est difficile à maintenir.

Si les suppressions de postes obéissent à une véritable logique - tirer parti des multiples applications du numérique dans le domaine de la météorologie et de la réorganisation du réseau territorial de Météo-France qui s'achèvera à la fin de l'année 2016 - il convient toutefois de rester très vigilant pour ne pas affaiblir un opérateur qui joue un rôle essentiel pour la sécurité des personnes et des biens face à la multiplication des évènements climatiques extrêmes.

Le niveau des investissements de Météo-France, enjeu décisif pour l'avenir, devrait s'élever à 25 millions d'euros en 2017. L'activité de prévision devient en effet de plus en plus intensive en capital et repose sur des technologies de calcul de plus en plus puissantes. Météo France doit obtenir l'inscription du nouveau calculateur dans le PIA. C'est un constat fort et paradoxal : Météo France doit s'en remettre au PIA pour financer ses investissements !

Autre enjeu de poids, la capacité de Météo-France à lutter contre l'érosion de ses recettes commerciales sera renforcée, tant auprès du grand public que des professionnels, puisque 40 % des entreprises seraient « météo-sensibles », que ce soit dans l'agriculture, le BTP, l'énergie, les transports ou bien encore le sport. Pour Météo France le risque est de se retrouver « hors marché » face à des compétiteurs qui utilisent ses données à moindre coût.

Le nouveau contrat d'objectifs et de performance de Météo-France, dont la négociation est en train de s'achever avec sa tutelle devra, selon moi, mettre l'accent sur ces deux points. Il serait utile, comme pour l'IGN, que la commission des finances en soit saisie avant sa conclusion.

On peut toutefois déplorer cette formule des contrats d'objectifs et de performance qui ne donne aucune information sur les moyens financiers des établissements, qu'ils ont besoin de visibilité sur cinq ans pour atteindre les objectifs qui leur sont fixés.

J'en viens à présent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », dit « Bacea », qui retrace les activités de production de biens et de prestation de services de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), soit l'ensemble des missions de l'État dans le domaine de l'aviation civile (circulation aérienne, sécurité et sûreté du transport aérien, régulation économique et sociale du secteur, développement durable).

Comme pour tous les budgets annexes, le Bacea est présenté à l'équilibre ; ses dépenses sont financées principalement par les recettes tirées de l'activité des services et, le cas échéant, par le recours à l'emprunt. Le Bacea est donc financièrement autonome et ne perçoit aucune subvention du budget général.

Hors emprunt, les recettes du budget annexe devraient s'élever en 2017 à un peu plus de 2 milliards d'euros.

Il s'agit pour l'essentiel de redevances telles que les redevances de navigation aérienne et les redevances de surveillance et de certification, acquittées par les acteurs du transport aérien en rémunération des services rendus par la DGAC.

En outre, le budget annexe perçoit la taxe de l'aviation civile (TAC), due par les entreprises de transport aérien public en fonction du nombre de passagers et du fret embarqués en France, pour un montant de 410,4 millions d'euros en 2017.

Autrement dit, le budget annexe est exclusivement financé par le secteur du transport aérien. Dès lors, l'évolution du trafic et la bonne santé des compagnies françaises ont une influence décisive sur son équilibre financier.

Si le trafic aérien touchant la France a connu une forte croissance de 45 % entre 2003 et 2015, celle-ci a peu profité aux transporteurs français qui ont perdu d'importantes parts de marché tout au long de cette période en raison de la concurrence des compagnies à bas coût et des compagnies du Golfe persique. La part du pavillon français est ainsi passée de 54,3 % en 2003 à 43,1 % en 2015.

Face à ces acteurs très agressifs d'un point de vue commercial, les compagnies françaises, en particulier Air France, souffrent d'un grave déficit de compétitivité, en raison d'une structure de coûts très défavorable.

Nous avons eu récemment, autour du rapport que la Cour des comptes nous a remis, un long échange en commission. Je déplore la lenteur du Gouvernement à se saisir de ce sujet malgré les alertes de l'Assemblée nationale avec le rapport de Bruno Le Roux et le travail du Sénat qui a saisi la Cour. Les signaux d'alarme de l'Assemblée nationale et du Sénat sont malheureusement étayés par les chiffres du trafic 2016 fortement, qui sont fortement affectés par les attentats. Le contexte terroriste s'ajoute à la compétitivité dégradée du pavillon français.

Certes, Air France est parvenue à réduire progressivement ses pertes d'exploitation et à réaliser un résultat positif en 2015, grâce aux efforts de productivité réalisés dans le cadre du plan « Transform 2015 » et à la baisse du prix du pétrole.

Mais ses coûts unitaires restent supérieurs, selon les activités, de 15 % à 30 % à ceux des compagnies équivalentes telles que British Airways ou Lufthansa.

Afin d'y remédier, le nouveau plan « Trust together », annoncé aujourd'hui-même par la direction d'Air France-KLM, devra impérativement prévoir de nouvelles mesures fortes destinées à renforcer la compétitivité de l'entreprise phare du pavillon français.

Je considère que les pouvoirs publics français doivent impérativement accompagner le redressement de nos compagnies en allégeant, dans la mesure du possible, le poids des taxes et redevances qui pèsent sur elles. Il a déjà en partie allégé la taxe sur les passagers en correspondance. Le Gouvernement et les syndicats d'Air France doivent néanmoins arrêter de jouer au chat et à la souris pour savoir qui fera le premier pas.

L'an passé, à l'initiative du Sénat, la quotité de taxe de l'aviation civile qui revenait encore au budget général de l'État (soit 6,63 %) a été affectée au Bacea, ce qui représente une enveloppe de 26 millions d'euros supplémentaires.

Cette mesure, à l'adoption de laquelle j'avais contribué, avait un objectif très clair : augmenter les recettes du Bacea via la taxe de l'aviation civile en échange d'une baisse à due concurrence des redevances de navigation aérienne. Le Gouvernement a multiplié les initiatives contradictoires, de sorte qu'un certain désarroi et une absence de cap sur le sujet ont fini par prévaloir.

Or, le présent projet de loi de finances prévoit que les 26 millions d'euros en jeu seront affectés au désendettement du budget annexe, mesure de saine gestion mais qui n'aura aucun effet sur la compétitivité des compagnies. C'est une victoire de Bercy sur le secrétariat d'État au transport.

D'autres hypothèses, plus conformes à la volonté du législateur, sont possibles, notamment la diminution de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA) à Roissy-Charles-de-Gaulle et à Orly. Cette mesure permettrait de baisser la tarification pour les aéroports parisiens de près de 20 % et, dans le même temps, de maintenir le tarif actuel pour les autres aéroports. Le bénéfice annuel pour les compagnies aériennes françaises serait de 14 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable dans le contexte actuel.

Contrairement aux années précédentes, et en raison de l'attentisme du Gouvernement, je souhaiterais que la commission propose au Sénat de ne pas adopter les crédits du budget annexe.

J'en reviens à la présentation du Bacea stricto sensu.

Les dépenses relatives à la masse salariale augmenteront de 3,7 % en 2017, soit une hausse très significative de 32,2 millions d'euros, principalement en raison de mesures catégorielles prévues dans le cadre du nouveau protocole social 2016-2019, qui, pour mémoire, a été négocié au printemps dernier dans un climat social pour le moins délicat. Toujours dans le cadre de ce protocole très favorable, le schéma d'emploi 2017 ne prévoit aucune suppression de poste.

Pour l'année 2017, la DGAC devra consentir une légère réduction de 1 % de son effort d'investissement, puisque celui-ci passera à 250 millions d'euros. En dépit de ce recul, la hausse très forte des investissements consentis ces dernières années devrait permettre à la DGAC de combler son retard et d'assurer le respect des engagements européens de la France dans le cadre du volet technologique du Ciel unique européen. Rappelons cependant que la Cour des comptes fustigeait encore dans son dernier rapport le retard pris par la France dans ce projet.

C'est d'autant plus regrettable que nous n'assurons plus le niveau de recherche suffisant pour figurer parmi les nations les plus innovantes en matière de développement aéronautique. Les deux derniers programmes d'investissements d'avenir (PIA) ont servi à financer la recherche aéronautique tout en préservant le budget de la DGAC. Dans la mesure où le troisième programme d'investissements d'avenir n'aborde pas du tout cette problématique, on peut craindre une absence de crédit substantiel pour financer la recherche aéronautique dans les années à venir, ce qui nous fait courir un risque de déclassement.

Alors que la dette du Bacea avait continuellement augmenté entre 2007 et 2014, l'assainissement financier en cours permettra, pour la troisième année consécutive, de réduire le niveau d'endettement du Bacea. Après avoir été diminué de 107 millions d'euros en 2016, celui-ci connaîtra une nouvelle baisse de 114,5 millions d'euros en 2017 pour s'établir à 993,7 millions d'euros à la fin de l'année. Le Bacea aura ainsi réduit l'encours de sa dette de près de 18,8 % en trois ans.

Je souhaiterais terminer mon intervention par deux points d'alerte, qui concernent la compétitivité d'Aéroports de Paris (ADP) et le CDG Express.

Sur la compétitivité d'ADP, je veux simplement indiquer que les baisses des redevances à Schipol se traduisent par une forte augmentation du trafic. Ce point mérite réflexion et analyse. Les dirigeants d'ADP l'ont compris.

Sur le CDG Express, l'absence de financement clair à ce stade me laisse perplexe. Mais il en est de même du passage au standard 3 des appareils de détection d'explosifs des bagages de soute, problème que j'ai évoqué dans mon récent rapport d'information sur la sûreté du transport aérien.

En conclusion, je souhaite que la commission propose au Sénat de ne pas adopter les crédits du budget annexe. Je rejoins également Jean-François Husson et Marie-Hélène Des Esgaulx sur la non-adoption des crédits de la mission « Écologie ». Mais plus encore je suis cohérent avec les conclusions de la Cour qui estime que l'Etat n'a pas de stratégie dans le secteur aérien.

De même, je vous propose, par cohérence, de ne pas adopter l'article 64 rattaché qui prévoit une revalorisation de l'allocation temporaire complémentaire versée les deux premières années aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne radiés des cadres pour tenir compte de l'allongement progressif de deux années, de 57 ans à 59 ans, de l'âge limite de leur départ à la retraite.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je m'étonne de constater des augmentations parfois importantes d'effectifs et de masse salariale, dans un contexte de maîtrise des dépenses de l'État.

La redevance due à l'abandon de l'écotaxe est d'un montant faramineux, de 969 millions d'euros. C'est un gâchis à tout point de vue. Doit-on considérer ce montant comme définitif ou y aura-t-il des indemnisations supplémentaires, comme le laisse entendre la presse ?

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit de diminuer de moitié les crédits alloués au titre des primes à la conversion des véhicules polluants. Comment expliquer l'échec de ce dispositif dont les effets auraient pourtant été positifs, dans une ville aussi polluée que Paris, par exemple ?

M. Marc Laménie. - Je remercie les rapporteurs spéciaux. À la page 11 de la note de présentation est mentionnée la hausse de 24 % des crédits du programme 345 « Service public de l'énergie », afin notamment de financer les mesures de solidarité à l'égard des zones non interconnectées au réseau métropolitain. À quoi cela correspond-il exactement ?

L'Autorité de sécurité nucléaire (ASN) joue un rôle important en matière de sécurité des sites nucléaires et du personnel. Quel avenir envisager pour cette entité ?

Les 2,457 milliards d'euros consacrés à SNCF Réseau sont largement insuffisants pour garantir l'entretien et le renouvellement des infrastructures ferroviaires, tant pour le transport de voyageurs que pour le fret capillaire. C'est regrettable.

M. Roger Karoutchi. - Le récent rapport de la délégation à la prospective sur l'eau rappelle que l'extension du rôle des agences de l'eau, qui est nécessaire, ne se fait pas sans inquiétude. En effet, on a acté l'an dernier un prélèvement de 175 millions d'euros sur le fonds de roulement de ces agences, et on nous annonce un prélèvement identique dans le budget 2017. Comment défendre ces agences de l'eau ? Sans elles nous devrons faire face à un problème d'alimentation en eau et de répartition sur le territoire national.

Le rapport du groupe de travail sur les infrastructures de transport que nous avons produit avec Marie-Hélène Des Esgaulx est clair : si l'AFITF ne dispose pas d'une capacité financière suffisante, il faudra geler un certain nombre de projets de lignes ferroviaires. Les élus locaux s'exaspèrent. On ne peut pas continuer à raser gratis. Il faut trouver une voie entre l'affirmation politique et la réalité concrète de nos capacités d'investissement.

Nous aurons un débat en séance, lundi prochain, sur le CDG Express. Voilà vingt ans que l'on n'avance pas d'un iota sur ce dossier. On hésite sur la possibilité de lui faire prendre en charge des tronçons de la ligne du RER B. Je ne suis pas hostile à la création d'une ligne directe et rapide entre la capitale et son aéroport, à l'image de ce qui existe déjà dans le reste du monde. Mais avons-nous les moyens de financer un tel projet ?

Mme Marie-France Beaufils. - Les pages 26 et 27 du rapport indiquent un solde positif pour le fonds de prévention des risques naturels majeurs. Rappelons cependant que la mise en oeuvre des programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI) est complexe et ralentit l'acceptation des dossiers déposés par les collectivités, ce qui a un effet sur la consommation des crédits. Cela me choque que l'intervention de l'État pour améliorer les digues soit entièrement financée par le fonds Barnier, qu'alimentent les taxes que les habitants paient sur leurs assurances. Bien sûr, il reste 300 millions d'euros. Comme membre de la commission mixte inondation, je sais combien les dossiers sont lents à avancer.

Les collectivités territoriales ont besoin de l'accompagnement du Cérema qui regroupe d'anciens services de l'État. Elles multiplient leurs dépenses en faisant appel à des spécialistes extérieurs.

Les PPRT arrivent à leur terme. Il faudra encore cinq à six ans pour qu'ils se concrétisent, et les collectivités territoriales devront y consacrer des moyens importants. Les riverains devront également participer pour garantir le niveau de sécurité de leurs biens situés dans le périmètre, ce qui n'ira pas sans poser problème.

Météo France doit conserver suffisamment de moyens pour assurer la prévision et l'information des populations et des entreprises. Il suffit de rappeler les événements climatiques de mai et juin derniers pour mesurer l'importance de cet outil dans nos capacités d'intervention et de prévention sur le terrain.

Pour toutes ces raisons, les crédits de cette mission tels qu'ils sont envisagés ne nous permettent pas de les adopter ; les prélèvements sur les agences de l'eau et sur le Fonds Barnier ne sont pas justifiées au regard de l'ampleur des travaux qu'il reste à mener.

M. Richard Yung. - Je me réjouis de vos références nombreuses à la Cour des comptes. Nous serons attentifs à poursuivre sur cette ligne dans les prochains mois et les prochaines années. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de regretter qu'un secrétaire d'État soit en charge de la politique des transports.

Je suis frappé par le nombre d'organismes et d'agences qui interviennent dans cette mission. Le bon sens laisse à penser qu'il y a certainement des gisements de frais généraux qui pourraient être mutualisés.

À la page 12 du rapport, on indique que la mission « Écologie » hors transports croît de 5 %, et qu'elle croît de 5,5 % avec les transports. Dans une période de réduction du déficit public, cette augmentation est toujours bonne à prendre. Par conséquent, nous voterons en faveur de l'adoption de ces crédits.

Quant à la météo, tout se passe comme si les nuages s'arrêtaient à nos frontières. Pourquoi ne pas créer une agence communautaire ou européenne ? Il faut des calculateurs énormes pour réaliser des simulations de météo. On pourrait les mutualiser entre les 27 pays. Idem pour le contrôle aérien. Les États-Unis fonctionnent avec quatre centres de contrôle aérien, alors que nous en avons une trentaine. Des économies sont possibles.

M. Philippe Dallier. - Jean-François Husson a mis en évidence un paradoxe : 500 ETPT en moins dans la mission « Écologie » et des frais de personnel qui augmentent du double de l'économie obtenue. On peut bien sûr justifier ces frais par la mise en place du fameux plan « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR). La Cour des comptes en avait évalué le coût à 4,8 milliards d'euros jusqu'en 2020. Ce plan aura des effets sur le budget de tous les ministères, sur la fonction publique hospitalière, sur les collectivités territoriales... Peut-être faudrait-il faire un point d'étape ? Même en diminuant le nombre d'ETPT, on n'échappe pas à une augmentation significative des frais de personnel.

M. Michel Bouvard. - Les rapporteurs ont d'autant plus de mérite que le budget est de plus en plus difficile à lire. Les programmes que nous examinons se caractérisent par un gros décalage entre le budget voté en début d'année et son exécution. La multitude d'agences et de dépenses fiscales rend difficile la reconstitution des dépenses réellement engagées.

Si le fonds de transition énergétique n'atteint pas le niveau annoncé, c'est en grande partie grâce à la vigilance du Sénat qui a refusé qu'on y affecte une partie des dividendes payés par la Caisse des dépôts au budget de l'État. Mieux vaut nous féliciter d'avoir refusé ce montage absurde et anormal.

En ce qui concerne les plans de prévention des risques technologiques, il serait utile de disposer d'une vision d'ensemble de ce qu'il reste à dépenser et de ce que représente la contribution des collectivités locales aux mesures foncières. Au collège de Frontenex, à côté d'Albertville, les travaux ont coûté un million d'euros à la collectivité, avec pour résultat qu'on ne peut pas y accueillir un élève de plus !

Le projet de loi de finances prévoit de consacrer 3,6 millions d'euros en AE et en CP à la lutte contre les prédateurs, notamment à la politique du loup. Or, il y a certainement des coûts cachés : crédits mobilisés par l'Union européenne, frais de garderie, contributions des collectivités locales... L'inscription budgétaire tend à nous faire croire que la politique du loup coûte 3,6 millions d'euros, alors que la dépense est en réalité cinq à six fois plus élevée.

L'Acte II de la loi Montagne devrait bientôt s'ouvrir. La contribution du ministère de l'environnement au fonctionnement de la restauration des terrains en montagne, avec notamment la prise en charge des risques naturels, stagne et reste notoirement insuffisante par rapport à celle du ministère de l'agriculture.

Quant aux 969 millions d'euros sur l'écotaxe, doit-on considérer qu'ils incluent le contentieux entre les sociétés de télépéage et l'État ? Je rappelle que l'État a perdu en première instance devant le tribunal administratif et que les sociétés de télépéage lui réclament 300 millions d'euros d'indemnités.

L'Inspection générale des finances doit rendre un rapport sur ce que prévoit la directive Eurovignette pour le financement du tunnel Lyon-Turin. En sait-on davantage ?

Il est évident que l'on ne pourra pas financer tout à la fois les lignes ferroviaires du XIXsiècle et celles du XXIsiècle. Cependant, l'appréciation du trafic annuel est-elle pertinente ? On n'hésite pas à fermer certaines lignes de nuit, en période hivernale, alors qu'elles sont saturées le jour et que les routes sont bloquées.

M. Éric Bocquet. - A-t-on envisagé de renégocier le taux des emprunts contractés antérieurement, pour désendetter le Bacea ?

M. Claude Raynal. - Les conclusions de ce rapport sont plus polémiques que celles des rapports des deux années précédentes. Je n'y trouve pourtant aucun élément qui justifie l'appréciation selon laquelle la politique du Gouvernement en matière environnementale serait insuffisante et incohérente. Le jugement est inutilement sévère.

Vous faites référence à une augmentation de 5 % du budget ramenée à 1 % à périmètre constant, tout en mentionnant l'existence de dispositifs financiers et fiscaux très importants en matière environnementale. Pourriez-vous préciser ce point ? Dans quelle mesure le budget prend-il en compte l'augmentation significative de la dépense fiscale ? Une vision d'ensemble laisse envisager que le budget est plutôt bon.

Si le fonds « chaleur » n'est pas doublé, le budget en prend quand même en charge la moitié, soit 210 millions d'euros, ce qui n'est pas rien. La question fondamentale est de savoir quel est le montant de crédits dont on a besoin pour faire face à la demande en matière de chaleur renouvelable. Il faudrait apporter la démonstration qu'il existe des besoins supplémentaires qui ne seront pas satisfaits par le montant de crédits prévu.

M. Jean-Claude Requier. - L'Ademe qui prend en charge les bornes de recharge pour véhicules électriques favorise celles qui ont une capacité de deux heures et demie, ce qui est un peu long à l'usage. Mieux vaudrait privilégier une recharge plus rapide en une demi-heure.

Le médiateur de l'énergie a baissé son budget de plus de 6 %, ce qui est une bonne chose.

On opérera pour la deuxième année consécutive un prélèvement sur le budget des agences de l'eau ; on peut le regretter mais cela a été voté.

Enfin, quels sont les concurrents de Météo France ?

M. Jacques Genest. - Je m'interroge sur l'augmentation du prélèvement sur les agences de bassin. Quel est le rôle de ces agences ? Bien souvent, elles ne répondent pas aux besoins du monde rural et elles privilégient une politique régionale là où il faudrait mettre en oeuvre une politique nationale.

Je suis d'accord avec Jean-Claude Requier sur les bornes de recharge des véhicules électriques. On est en train d'en poser 115 en Ardèche. Attendre deux heures et demie, c'est trop long. On l'a bien vue lors du dernier rallye automobile...

Je suis bien sûr d'accord avec Michel Bouvard sur la politique du loup.

M. Yannick Botrel. - Le prélèvement sur les fonds de fonctionnement de trésorerie ou de roulement des agences de l'eau a été fixé à 175 millions d'euros sur trois ans. Nous arrivons en 2017, c'est-à-dire la dernière de ces trois années. Que représente ce prélèvement dans le fonds de roulement des agences de l'eau ? Ces agences se sont adaptées, puisqu'elles ont mis en place des prêts sans intérêt à destination des collectivités locales. C'est une mesure très appréciée.

On constate une prolifération importante du gibier, largement due à la déprise agricole. Certaines mairies sont assaillies de réclamations, car les dégâts se multiplient sur les cultures tout comme les accidents de circulation. Le ministère a-t-il ouvert une réflexion sur la croissance du gibier qui risque d'être exponentielle dans les années à venir ?

M. François Marc. - Je remercie les rapporteurs pour la richesse des informations qu'ils nous ont communiquées. Je tiens le même discours sur l'écotaxe depuis 2008 : c'est un dispositif inapproprié qu'il est logique et légitime d'avoir supprimé.

Quant au vote du budget, la semaine dernière François Baroin nous a proposé de rejeter les crédits de la mission dont il était rapporteur, au motif que les économies étaient insuffisantes. Est-ce pour la même raison que nos trois collègues nous recommandent de ne pas adopter les crédits de cette mission ou est-ce pour la raison inverse ?

Le rapporteur spécial nous a dit à plusieurs reprises que l'État devait consolider sa participation en matière de la transition énergétique, ou s'agissant du Cérema, ou de l'ADEME. Cela signifie qu'il faudrait dépenser davantage d'argent. Est-ce pour cela que vous souhaitez que nous n'adoptions pas les crédits de la mission « Écologie » ?

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - Les crédits relatifs au bonus automobile augmenteront en 2017 mais en revanche ceux dédiés au financement des primes à la conversion baisseront de moitié. En effet, peu de véhicules diesel de plus de dix ans ont bénéficié de ce soutien à la conversion en 2016.

Marc Laménie, l'augmentation de 24 % des crédits du programme 345 que vous mentionnez s'explique notamment par la budgétisation en année pleine des dépenses portées par le programme, lorsque seules 80 % des dépenses avaient été budgétées en 2016.

Les difficultés de l'ASN procèdent des travaux à conduire pour prolonger la durée de vie des centrales dans des conditions de sécurité optimales.

Roger Karoutchi, l'article 40 de la Constitution ne nous permet pas de proposer la réduction du prélèvement sur le budget des agences de l'eau.

Marie-France Beaufils, vous avez raison : la première phase d'adoption des PPRT est en train de s'achever. Leur mise en oeuvre ne sera pas aisée. Nous pourrions en effet, comme le suggère Michel Bouvard, regarder les choses plus en détail, et réfléchir à modifier la répartition des crédits ou les contraintes pesant sur les uns ou les autres.

La situation du Cérema est un sérieux motif d'inquiétude. L'État a décidé d'y regrouper onze services à fortes compétences techniques pour délivrer un service de meilleure qualité sur tout le territoire, mais les effectifs fondent comme neige au soleil. Nous devons pousser un cri d'alerte, car ce sont les territoires les plus fragiles ou les moins denses qui risquent d'en pâtir les premiers.

Michel Bouvard, je souscris à votre proposition d'expertiser les coûts cachés relatifs à la politique du loup. Mon département, la Meurthe-et-Moselle, quoique peu montagneux, est aussi concerné.

Claude Raynal, regardons l'écart entre les paroles et les actes. L'essentiel est de bien flécher les crédits et de les dépenser correctement. En matière de qualité de l'air par exemple, on ne peut pas simultanément annoncer des plans nationaux et réduire les moyens accordés aux associations agréées pour les mettre en oeuvre, car cela reviendrait en définitive à accroître la charge des contribuables... De même en matière de transition énergétique : monter en puissance sur les réseaux de chaleur impose de doter l'Ademe des moyens adéquats. Faute d'en disposer, celle-ci retarde l'octroi de ses avances et réduit son soutien financier.

La situation des agences de l'eau devrait transcender les clivages partisans. Voilà cinq ou six ans que les élus décident de diminuer leurs ressources, alors que nous les dotons de missions supplémentaires, en particulier par la création de l'Agence française pour la biodiversité.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Les 969 millions d'euros que coûte l'échec de l'écotaxe poids lourds se décomposent ainsi : 395,1 millions d'euros d'indemnités versés définitivement à la société Ecomouv, 11 millions d'euros de frais de rupture estimés des SWAP, 142 millions d'euros, estimés également, de rachat aux sociétés habilitées de télépéage des équipements embarqués, 46,8 millions d'euros de créances Dailly au titre de 2015, et 439,8 millions d'euros au titre des années 2016 à 2024. À cela il faut ajouter une estimation de 10 millions d'euros correspondant au coût des mesures de sauvegarde et d'urgence sur les portiques et les serveurs. Le coût du contentieux n'est donc pas compris dans cette addition.

M. Michel Bouvard. - Il s'élève à environ 200 millions d'euros.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Marc Laménie, notre rapport d'information a eu le courage de préconiser en matière ferroviaire le financement prioritaire de l'entretien et de la maintenance des réseaux existants, et l'arrêt du financement d'opérations nouvelles.

Je rejoins Roger Karoutchi sur la transparence qui doit caractériser le budget de l'AFITF. Le seul moyen de la garantir serait de transmettre ce budget au Parlement en même temps que le projet de loi de finances. En attendant, l'État joue bien sûr avec les décalages d'information dans le temps, et les reports s'accumulent.

Nous débattrons du financement du CDG Express lors de l'examen de la loi de finances rectificative.

Richard Yung, le volume total de crédits de cette mission ne veut rien dire. Je ne peux que redire qu'en matière de transport, le compte n'y est pas : il manque 600 millions d'euros pour financer l'AFITF, les recettes générées par les radars automatiques sont surévaluées et l'augmentation des crédits du programme 205 ne repose que sur l'allègement des charges patronales.

Monsieur Bouvard, je n'ai pas d'information sur le rapport de l'inspection générale des finances relatif à l'Eurovignette. S'agissant de la fermeture des lignes de train de nuit, je vous renvoie au rapport du député Philippe Duron. Un appel à manifestations d'intérêt a été lancé. Le Gouvernement cherche des solutions. Les lignes de TET faisant parfois doublon avec celles de TER, les régions s'impliquent également.

Je ne peux pas laisser dire que la suppression de l'écotaxe est légitime. Jeter un milliard d'euros à la poubelle, et se priver d'un milliard d'euros de recettes par an, cela ne peut laisser insensible...

M. François Marc. - Vous ne pouvez pas dire cela !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Si, appelons un chat un chat : c'est une gabegie comme on n'en a jamais vu ! D'ailleurs, au-delà de la Cour des comptes, des gens commencent à s'intéresser à la question... Nous avons déjà alerté sur le pic de dépenses auquel nous devrons faire face en 2018 et 2019 en matière d'infrastructures de transport, et l'État n'a pas les moyens de respecter ses engagements. Je ne peux donc que renvoyer François Marc à notre rapport d'information : ne plus engager de dépenses nouvelles, c'est ce que nous préconisons pour les quinze ans à venir.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - Je rejoins Roger Karoutchi sur le besoin d'une ligne directe reliant la capitale à son premier aéroport : c'est un enjeu de compétitivité majeur pour Paris et l'Île-de-France. Je déplore également l'absence de visibilité sur le financement ; le saucissonnage du dossier n'est pas opportun, et les arbitrages de dernière minute au plus haut niveau de l'État se font attendre. Nous y reviendrons dans le cadre de la discussion de la loi de finances rectificative.

Marie-France Beaufils a raison : la baisse des moyens et des effectifs de Météo-France devient préoccupante. Son président nous a récemment expliqué que sans la présence d'agents qualifiés pour interpréter les modèles météorologiques en temps réel, le nombre de victimes de la tornade qui s'est abattue sur Ajaccio il y a quelques semaines aurait été beaucoup plus important.

Les propositions de rapprochement des services météorologiques et de contrôle aérien faites par Richard Yung ont quelque chose de révolutionnaire... D'abord je doute que le personnel y consente ; ensuite, ce sont des éléments de souveraineté ! Cela étant, nous pouvons développer les missions de coopération - il en existe déjà un certain nombre.

Éric Bocquet, la dette du Bacea est gérée au mieux par l'Agence France Trésor, qui tire parti de la baisse des taux d'intérêt.

Jean-Claude Requier, les concurrents de Météo-France travaillent à partir des données qu'elle est tenue de mettre à la disposition du grand public... L'établissement est appelé à exercer des missions à l'étranger, lors de l'US Open de tennis ou du tournoi de Wimbledon, par exemple. Mais il est là aussi en concurrence avec des opérateurs étrangers. Si les moyens et effectifs de l'IGN ou de Météo-France demeurent aussi faibles, et si nous n'arrivons pas à leur donner une visibilité à cinq ans, ces établissements courent à la catastrophe, et leurs concurrents prendront le dessus.

J'ai déjà souligné l'inertie du Gouvernement sur le Bacea. La Cour des comptes a dénoncé son absence de stratégie en matière de compétitivité du transport aérien et ses arbitrages au fil de l'eau. Le Gouvernement n'a pas pris la mesure des difficultés du secteur : voilà ce que Bruno Le Roux à l'Assemblée nationale et moi-même ici essayons de mettre en lumière. C'est un problème de souveraineté autant que de compétitivité, car si le pavillon français périclite, le rayonnement de la France à l'étranger et la capacité de mobilité de nos compatriotes en seront durement affectés.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », non plus que ceux du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Elle décide de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 64 rattaché, non plus que les crédits du compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres ».

Elle décide de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

Elle décide, enfin, de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique ».

Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - Examen des amendements de séance sur les articles délégués au fond sur le texte de la commission des lois

Puis la commission procède à l'examen des amendements de séance sur les articles délégués au fond sur le texte de la commission des lois relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (n° 866, 2015-2016).

Article 17

La commission émet un avis favorable à l'amendement rédactionnel n° 92.

Article additionnel après l'article 17

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Les amendements nos 130 et 129 sont dépourvus de lien avec le texte : défavorable.

La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 130 et 129.

Article 20

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Avis défavorable aux amendements nos 48, 46 et 49, qui reprennent telles quelles les dispositions de la directive que nous habilitons le Gouvernement à transposer.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 48, ainsi qu'aux amendements nos 46 et 49.

Article 21

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 7 exclurait les sociétés de réassurance alors qu'elles représentent des risques pour la stabilité du système financier : retrait.

M. Jean-François Husson. - Je vais le retirer.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 7.

Article 21 bis A

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n° 104, compte tenu de la restriction du champ de l'habilitation que je propose, et des échanges que j'ai eus avec la Mutualité française.

La commission demande le retrait et à défaut émet un avis défavorable à l'amendement n° 104.

Article 21 bis

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 16 supprime les mesures conservatoires que le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) pourrait prendre, alors qu'il apparaît nécessaire de mieux les encadrer - ce que nous avons fait en disposant qu'il « veille à la protection de la stabilité financière et des intérêts des assurés, adhérents et bénéficiaires » : retrait.

La commission demande le retrait et à défaut émet un avis défavorable à l'amendement n° 16.

La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 6.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 93 précise que les mesures exceptionnelles de limitation temporaire par le HCSF ne pourront être maintenues que pour une durée maximale de six mois.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 93.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Je partage les craintes exprimées par l'amendement n° 17, mais le dispositif proposé est trop complexe : avis défavorable.

La commission demande le retrait et à défaut émet un avis défavorable à l'amendement n° 17.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 146.

Article 25 (supprimé)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 63 est contraire à la position prise par le Sénat en première lecture. Un virement bancaire n'est effectif que dans un certain délai - j'en ai moi-même fait l'expérience la semaine dernière. Tant que rien ne sera aussi rapide que le chèque, nous ne pouvons pas dire que les moyens de paiement rendent des services équivalents : avis défavorable.

M. Richard Yung. - Il faut aussi plusieurs jours pour encaisser un chèque !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Certes, mais son bénéficiaire l'a immédiatement en main.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 63, ainsi qu'à l'amendement n° 45.

Article 28

La commission émet un avis favorable à l'amendement de clarification n° 95.

Article 28 bis

La commission émet un avis favorable à l'amendement de coordination n° 96.

Article 28 ter

La commission émet un avis favorable à l'amendement de coordination n° 97.

Article 29

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 50.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 47 est contraire à la position prise par le Sénat en première lecture : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 47.

Article 33

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Avis défavorable à la suppression de l'article, à laquelle procèdent les amendements identiques nos 98 et 144.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 98 et 144.

Article additionnel après l'article 33

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 29.

Article 45 bis

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques nos 65 et 126 sont contraires à la position prise par le Sénat en première lecture : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 65 et 126.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Avis défavorable à l'amendement n° 99 : restons-en au seuil établi par l'OCDE. De même pour les amendements nos 105 et 106.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 99, ainsi qu'aux amendements nos 105 et 106.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Avis défavorable à l'amendement n° 100, qui revient sur les modalités de présentation du reporting pays par pays établies par la Commission européenne le 12 avril 2016. De même pour les amendements nos 57 et 101.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 100, ainsi qu'aux amendements nos 57, 101 et 58.

Article 52 bis

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 55 et 54.

Article 54 bis B

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Avis défavorable à l'amendement n° 62, compte tenu de l'amendement que nous avons adopté en commission la semaine dernière.

M. Maurice Vincent. - Nous restons favorables au rétablissement de la représentation des salariés au sein de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 62.

La réunion est levée à 11 h 20.

Loi de finances pour 2017 - Projet d'instauration du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu - Communication

La réunion est ouverte à 16 heures.

La commission entend une communication de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet d'instauration du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

Mme Michèle André, présidente. - Poursuivons nos travaux préparatoires à l'examen de l'article 38 du projet de loi de finances pour 2017, qui figure au sein des articles non rattachés de deuxième partie et qui prévoit l'instauration d'un prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

Nous avons procédé à trois séries d'auditions ; le rapporteur général a souhaité nous présenter l'état de ses analyses et de sa réflexion sur ce projet de réforme du mode de collecte de l'impôt sur le revenu.

M. Philippe Dominati. - Un débat intéressant sur les taxis et les VTC débute dans dix minutes dans l'hémicycle. Les réunions de commission organisées en même temps nous contraignent à nous partager.

Mme Michèle André, présidente. - Si nous ne devions pas nous réunir pendant les séances publiques, nous ne pourrions pas examiner toutes les missions en commission qu'en travaillant tôt le matin avant la séance publique, et aux interruptions du déjeuner et du dîner.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Les auditions en commission ont été extrêmement intéressantes. Nous avons également recueilli de nombreuses contributions écrites ; l'espace participatif que nous avons ouvert a reçu près de 4 000 contributions. Après la présentation du projet par le directeur général des finances publiques, il est temps de vous faire part de mes premières conclusions.

Si le Gouvernement le présente comme un enjeu de modernisation, le prélèvement à la source est une idée ancienne qui remonte aux années 1930, très peu de temps après l'instauration de l'impôt général sur le revenu en 1914. Un décret-loi de 1939, supprimé en 1948, l'avait créé. Une nouvelle proposition fut faite en 1953, avec un système de versement d'acomptes, mais la réforme fut emportée par la chute du gouvernement. Quinze ans plus tard, Michel Debré initia une réflexion sur l'imposition des revenus, comportant le prélèvement à la source, qui échoua en mai 1968. Les syndicats nous l'ont rappelé : les accords de Grenelle indiquaient explicitement qu'il ne serait jamais proposé d'assujettir les salariés au régime de la retenue à la source.

M. Philippe Dallier. - Encore une promesse non tenue !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La question fut de nouveau débattue au début des années 1970 lors de l'examen du budget pour 1974, par voie d'amendement instaurant un dispositif de retenue à la source. Ce projet fut supprimé par le Sénat, qui avait mis en évidence les faiblesses du dispositif, notamment les problèmes de confidentialité inhérents à la transmission de données fiscales, les lourdeurs pour les contribuables devant régulariser ex post, ou encore l'effet anesthésiant du prélèvement à la source, qui rend les augmentations d'impôts moins visibles.

Qu'en est-il de la réforme qui nous est proposée aujourd'hui ? Les obstacles qui avaient expliqué son rejet lors des tentatives précédentes peuvent-ils être levés ? S'agit-il vraiment, comme le Gouvernement le clame, d'une réforme de modernisation et de simplification, attendue par les Français et qui rapprocherait le mode de recouvrement de l'impôt sur le revenu de la France de celui de la quasi-totalité des pays de l'OCDE ?

Le dispositif proposé comprend vingt pages de modifications du code général des impôts, du livre des procédures fiscales et d'autres codes ; il est accompagné d'une évaluation préalable, très complète, de 413 pages, enrichie à la demande du Parlement. Il s'agit, à compter du 1er janvier 2018, de mettre en place une contribution aux charges publiques contemporaine de la perception des revenus. Ce prélèvement ne concernerait qu'une partie des revenus, en l'espèce les traitements, salaires et pensions, le collecteur étant le payeur, c'est-à-dire l'employeur privé, l'administration publique ou la caisse de retraite ; le reversement aurait lieu le mois ou le trimestre suivant en fonction de la taille du collecteur ; les revenus des travailleurs indépendants, revenus fonciers, pensions alimentaires, rentes viagères, certains revenus de source étrangère, ne seront pas prélevés à la source, mais payés sous forme d'acomptes directement versés à l'administration fiscale.

Le taux de la retenue à la source et le montant de l'acompte seraient calculés selon une formule complexe fondée sur les revenus de l'année n-2 et n-1 - ce n'est pas si contemporain. Concrètement, en janvier 2018 s'appliquera le taux calculé à partir des revenus de 2016 déclarés au printemps 2017, le taux étant rafraîchi, pour reprendre les termes du Gouvernement, en septembre, sur la base des déclarations de revenus au titre de l'année 2017.

Le taux du prélèvement sera transmis par l'administration fiscale à l'employeur en utilisant autant que possible - la formule mérite d'être précisée - les outils existant déjà pour la déclaration sociale nominative (DSN). Ces mêmes outils serviront pour le reversement au Trésor public.

Il y aura toujours une déclaration d'impôt par foyer afin de régulariser le solde de l'impôt sur le revenu. Ainsi, pour les revenus de 2018, la régularisation interviendra à l'été 2019, pour la restitution de l'administration fiscale en cas de trop perçu, ou entre septembre et décembre 2019, pour le versement du solde restant dû. Le prélèvement à la source entraînera bien plus de régularisations qu'actuellement.

Ce projet pose un grand nombre de difficultés, qui ne sont pas seulement des imperfections techniques mais aussi des difficultés de fond qui ne concernent pas, comme on tente de nous le faire croire, une minorité de contribuables.

En premier lieu, le projet place l'employeur au centre de la relation entre le contribuable et l'administration fiscale, ce qui crée un grand nombre d'effets indésirables.

Tout d'abord, il crée de nouvelles charges, non compensées, pour les entreprises, adaptation de leur système de paie, gestion quotidienne du prélèvement, temps passé à répondre aux questions de leurs salariés, nouvelles responsabilités juridiques. On pourrait me rétorquer que les entreprises prélèvent déjà la CSG, mais celle-ci n'a pas un taux individualisé !

Toutes les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, ne seront pas prêtes à passer à la DSN qui doit être généralisée au 1er juillet 2017. Le Gouvernement, par la voix du directeur général des finances publiques, reconnaît travailler sur des versions allégées pour pallier ces difficultés. Enfin, les administrations publiques ne sont pas concernées par le passage à la DSN. Personne n'est capable de nous dire par quel moyen s'effectueront les prélèvements et les reversements pour les agents publics. Les armées, déjà confrontées au logiciel Louvois, pourraient être dans l'incapacité d'effectuer le prélèvement à la source, et cela est vraisemblablement le cas pour d'autres administrations publiques.

Ensuite, l'introduction d'un tiers, l'employeur, pose la question du respect de la confidentialité des données fiscales. L'employeur aura accès au taux de prélèvement, qui donne des indications sur la situation fiscale du salarié. Un couple pourra certes opter pour un taux individualisé, s'il ne veut pas révéler sa situation, mais celui-ci sera calculé et proposé par l'administration. Le contribuable pourra également demander que son taux ne soit pas transmis à son employeur, mais dans ce cas, le collecteur devra appliquer un taux proportionnel sur la base d'une grille de taux par défaut, bien sûr dissuasive : celle d'un célibataire sans enfant. Tout est fait pour éviter le recours à ce taux. En outre, il incombera à celui qui demande à bénéficier du taux neutre d'acquitter au fur et à mesure de la perception de ses salaires, le montant de retenue à la source dont ces derniers auraient fait l'objet, s'il existe un différentiel. Le recours à un taux neutre fera forcément naître la présomption que le salarié concerné dispose d'autres revenus qu'il cherche à occulter.

Enfin, la retenue à la source aura des incidences sur la relation entre l'employeur et le salarié, voire entre les salariés eux-mêmes. L'une des personnes auditionnées a cité l'exemple d'une personne qui gagnerait davantage qu'une autre, pour un salaire net inférieur. De nouvelles revendications pourraient naître. La connaissance du taux de prélèvement de chaque salarié pourra avoir des effets sur les négociations salariales individuelles. De plus, toute évolution de l'impôt se traduisant immédiatement sur la feuille de paye, les salariés seront conduits à négocier plus directement des augmentations de salaires.

Il faut souligner le caractère imparfait de la contemporanéité du prélèvement. Le paiement à n+1 constitue en effet une bizarrerie. Si le principal objectif de la réforme est de rapprocher le prélèvement de la perception des revenus, l'adaptation de l'impôt sera très imparfaite. Le nouveau système sera moins souple que l'actuel et le décalage d'un an ne sera pas résorbé : le taux de prélèvement sera historique, puisqu'établi sur le fondement des revenus de l'année n-2 puis, à compter de septembre, rafraîchi des revenus de l'année n-1. La contemporanéité portera exclusivement sur l'assiette.

Pour le calcul du taux, les réductions et crédits d'impôt ne seront pas pris en compte - une véritable atteinte au pouvoir d'achat. Leur bénéfice sera conservé mais la restitution n'aura lieu qu'en août de l'année n+1. Prenons l'exemple d'un couple faisant appel à une garde d'enfants, qui déduit à ce titre 7 500 euros sur 8 500 euros d'impôt : il ne paie que 1 000 euros. Dans le nouveau système, ce couple se verra chaque mois prélevé selon un taux qui ne tient pas compte de la réduction ; ce n'est qu'en août de l'année n+1 que la restitution aura lieu.

Pour certains contribuables, qui ont un emploi une partie de l'année ou qui débutent une activité en cours d'année après avoir été rattachés au foyer fiscal de leurs parents, le prélèvement à la source s'appliquera d'emblée, alors même que leurs revenus sur l'année pourraient ne pas être imposables. Ce n'est également qu'en août de l'année suivante qu'ils seront remboursés.

Quant aux évènements de la vie, ils ne sont pas tous pris en compte. En cas de mariage, Pacs, décès, divorce, l'administration calculera un nouveau taux de prélèvement ou d'acompte. Cependant, pour une naissance, le taux du prélèvement ne sera pas automatiquement ajusté. Il devra l'être sous la seule responsabilité du contribuable et selon un mécanisme particulièrement complexe à mettre en oeuvre. Or, l'application du quotient familial doit permettre de tenir compte des naissances en cours d'année.

Le système proposé est également particulièrement rigide pour moduler les versements en cours d'année. La modulation à la hausse sera encouragée, mais à la baisse, elle sera strictement encadrée et exposera les contribuables concernés à des sanctions significatives en cas d'erreur. De même, dans le cadre du prélèvement à la source, les recours gracieux, pour obtenir un délai de paiement, ne seraient plus possibles, puisque, comme dirait La Palice, les contribuables auront déjà payé. Concrètement, les difficultés de trésorerie ne seront pas prises en compte, qu'il s'agisse d'une maladie ou de l'accueil d'un proche dépendant.

Enfin, l'année de transition n'est pas traitée de manière satisfaisante. Les revenus non exceptionnels doivent être annulés par un crédit d'impôt ad hoc. Si le projet est voté, les impôts de 2017 auront pour base les revenus de 2016, tandis que les impôts de 2018 auront pour base les revenus de 2018. Afin d'éviter les optimisations, le projet recense les revenus exceptionnels de 2017 dont il est justifié qu'ils restent imposés, tels que les prestations de retraite servies sous forme de capital, les aides pour la reprise d'une activité professionnelle, les sommes perçues au titre de la participation ou de l'intéressement. Cependant sont exclus « les gratifications surérogatoires, quelle que soit la dénomination retenue par l'employeur » et « tout autre revenu qui, par sa nature, n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement ». Ces formulations, très floues, pourront laisser place à des interprétations. Imaginez des salariés recevant des primes : est-ce de l'exceptionnel ou du récurrent ? L'administration fiscale devra étudier chaque contrat de travail... Imaginez les difficultés ! La tâche est tellement complexe que le projet porte le droit de reprise de l'administration fiscale de trois à quatre ans. On aurait pu, plus simplement, calculer une moyenne.

La liste de ces difficultés n'est pas exhaustive. Je vous renvoie à mon rapport écrit et aux contributions que j'ai reçues. Le Gouvernement a fait le choix d'un système inutilement complexe pour répondre à un objectif qui aurait pu être atteint par d'autres moyens. Nous avions demandé une étude des réformes alternatives dans le rapport. Aucune argumentation convaincante n'a été fournie contre elles.

Tout d'abord, la mise en place d'une retenue à la source collectée par les employeurs par la plupart des pays de l'OCDE ne signifie pas qu'il s'agisse de la seule solution pour rendre l'impôt contemporain. C'est l'argument principal qui nous est opposé. Mais aucun pays ne cumule un impôt familialisé avec de nombreuses dépenses fiscales et des systèmes d'imposition très divers selon les catégories. Un impôt familialisé est très difficilement compatible avec un système de prélèvement à la source, par définition individualisé. L'administration a répondu à l'absence de prélèvement à la source par des outils extrêmement performants tels que la télédéclaration, la mensualisation et les modes de paiement modernes.

Dans nombre de pays ayant déjà institué un mécanisme de prélèvement à la source, comme les États-Unis, l'Australie et le Canada, celui-ci ne concerne que les salaires. À l'étranger, l'instauration d'un prélèvement à la source n'a en rien constitué une simplification. Cela n'a jamais été l'objectif du prélèvement à la source. Instauré dans les années vingt en Allemagne et trente en Italie, il avait pour but d'améliorer le recouvrement. Le Conseil des prélèvements obligatoires, en 2012, mettait en évidence que le système de gestion de la retenue à la source en Allemagne présentait une simplicité de gestion « très limitée ».

Si la France compte parmi les seuls pays de l'OCDE - avec la Suisse - à ne pas avoir établi un prélèvement à la source, c'est parce qu'elle a développé des outils très perfectionnés pour la collecte de l'impôt. L'administration fiscale a très largement fiabilisé son taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu, qui atteint en 2015 plus de 98 %. C'est l'un des plus élevés au monde. Il n'y a donc rien à attendre, de ce point de vue, du prélèvement à la source.

Le Conseil des prélèvements obligatoires a logiquement conclu que plusieurs arguments forts autrefois ont aujourd'hui perdu de leur poids, et que la retenue à la source n'entraînerait ni une simplification des tâches des contribuables, ni une amélioration du recouvrement, ni des économies de gestion significatives dans l'administration. Le directeur général des finances publiques a même reconnu que la mesure provoquerait un pic d'activité, et qu'elle ferait économiser au maximum 1 200 postes, à terme.

Il existe divers outils à la disposition des contribuables facilitant la gestion de leur trésorerie, qu'il s'agisse de délais de paiement ou de la modulation des acomptes ou des prélèvements.

Pourquoi changer un système qui fonctionne ? Cela ne signifie pas qu'il ne faut rien faire, notamment pour supprimer le défaut majeur de notre système : le décalage d'une année entre la perception et l'imposition du revenu. Nous avons des réponses. Je préconise un prélèvement mensualisé et contemporain sous forme d'acomptes sur douze mois, supprimant le décalage d'un an pour mieux coller à la réalité des revenus. Le lien direct et exclusif avec l'administration fiscale, qui fonctionne aujourd'hui, serait conservé, sans l'introduction de tiers.

Pour les contribuables dont le revenu demeure stable d'une année sur l'autre, la réforme améliorerait le lissage du paiement de l'impôt au cours de l'année. Elle procurerait un gain de trésorerie estimé à près de 17 % de la mensualité, équivalent à celui prévu dans le projet gouvernemental. De plus, elle prendrait en compte les réductions et crédits d'impôt historiques dans le calcul des acomptes. Dans mon exemple précédent, celui d'une famille qui jouit de réductions d'impôts pour garde d'enfant, l'acompte mensuel en tiendrait compte. Le prélèvement à la source sera bien moins populaire quand les contribuables auront compris qu'il leur reviendra de débourser l'avance de trésorerie.

Dans l'hypothèse où un contribuable serait confronté à une baisse importante de ses revenus en cours d'année - ce qui concerne une infime minorité de contribuables, puisque sur les 17 millions de foyers titulaires de traitements, salaires et pensions effectivement imposés, seuls 2,4 % ont vu leurs revenus diminuer de plus de 30 % entre 2014 et 2015 - la mensualisation contemporaine donnerait la possibilité de demander la baisse du montant des mensualités dès le mois suivant, puisque l'impôt serait dû au titre des revenus courants et non des revenus de l'année précédente. Le système de modulation serait ainsi infiniment plus souple.

L'instauration du prélèvement mensualisé et contemporain pourrait s'accompagner d'un ensemble de mesures complémentaires pour faciliter le paiement de l'impôt, en particulier en cas de baisse soudaine et prononcée des revenus, pour les travailleurs indépendants ou ceux qui arrêtent une activité professionnelle. La réforme ne créerait pas d'inégalités entre contribuables puisque tous seraient soumis à un seul système, celui des acomptes.

Enfin, et c'est une difficulté commune aux deux régimes, il conviendrait de traiter l'année de transition. Je propose plutôt qu'une définition floue des revenus non exceptionnels, un dispositif fondé sur la moyenne des revenus sur plusieurs années.

Le système que je propose est plus simple, moins coûteux pour les entreprises, beaucoup moins fécond en régularisations, et plus respectueux de la confidentialité du fait de la relation directe entre le contribuable et l'administration fiscale.

En conclusion, la réforme telle qu'elle est présentée par le Gouvernement crée beaucoup plus de difficultés qu'elle n'en résout. Engagement du candidat François Hollande en 2012, l'instauration du prélèvement à la source est présentée en toute fin de mandat, alors même qu'elle ne sera manifestement pas prête au 1er janvier 2018 - les administrations ne le peuvent pas. Il s'agit seulement de tenir une promesse, sauf à considérer que le prélèvement à la source dissimule un autre agenda fiscal - réduction de certaines niches fiscales et surtout fusion entre la CSG et l'impôt sur le revenu. Je ne veux pas y croire. Ne changeons pas ce qui fonctionne et gardons-nous des usines à gaz.

M. Didier Guillaume. - Le prélèvement à la source représente une belle avancée. Il ne s'agit pas de « faire comme tous les autres pays » mais d'instaurer une mesure de simplification et de supprimer le décalage d'un an entre la perception du revenu et son imposition, qui crée une vraie injustice car l'imposition ne correspond plus à ce que l'on perçoit. Le rapporteur général évoque les 2,4 % de foyers subissant une baisse de 30 % de leurs revenus, mais beaucoup peuvent en perdre 10 % à 20 %. Nous voulons nous préoccuper de ceux qui subissent des accidents de la vie, perdent leur emploi ou déménagent et n'ont pas les moyens de payer leurs impôts.

La confidentialité de l'impôt n'est absolument pas mise en cause. L'entreprise ne dispose que du taux d'imposition de ses salariés. J'étais initialement de ceux qui auraient préféré que les banques, seules à connaître tous les revenus de leurs clients, soient chargées de la collecte. Le choix s'est porté sur les entreprises, dont acte. Je ne crois pas que celles-ci en subiront les conséquences, puisque l'administration fiscale sera chargée de régler les problèmes.

Le prélèvement par un tiers ne présente aucune difficulté. La familialisation, elle, est source de complexité.

M. Philippe Dallier. - Elle change tout.

M. Didier Guillaume. - Mais le Gouvernement n'a pas voulu la remettre en cause. La complexité engendrée ne pèse que sur l'administration fiscale, étant entendu qu'un foyer sur deux ne paie pas l'impôt sur le revenu.

M. Michel Bouvard. - Cela dépend des départements.

M. Didier Guillaume. - Environ 90 % des foyers fiscaux qui paient l'impôt sur le revenu sont des salariés sans situation particulière.

L'instauration du prélèvement à la source n'est pas uniquement la traduction d'une promesse électorale, quoiqu'il soit bon de tenir ses promesses. En outre, il n'est pas possible de tout mettre en place dès la première année d'un quinquennat qui, par définition, en compte cinq.

Les difficultés pour les niches fiscales sont réelles, je le reconnais. Quant à la familialisation, nous sommes tous d'accord pour ne pas y toucher.

M. Francis Delattre. - Vous l'avez pourtant beaucoup fait, au début.

M. Didier Guillaume. - Nous assumons l'évolution du quotient familial, mesure de justice. En revanche, nous ne sommes plus favorables aujourd'hui à la fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG - il est donc inutile d'exciter les peurs à ce sujet. Les Français pensent que le niveau d'imposition est élevé, à tort ou à raison, car les mêmes qui ne veulent pas payer souhaitent des services publics améliorés. Quoi qu'il en soit, reconnaissons, à droite comme à gauche, que nous avons perdu la bataille explicative de ce qu'est l'impôt. La fiscalité locale pèse davantage pour les Français que l'impôt sur le revenu, malgré les 19 milliards d'euros d'augmentation décidés au cours du quinquennat précédent, et les 19,5 milliards d'euros au cours de ce quinquennat, soit 38 milliards d'euros en deux quinquennats. La fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG serait une erreur sociale et fiscale.

Nous pensons que le prélèvement à la source offre plus de justice sociale et fiscale, un paiement contemporain sans problème de confidentialité. Le choix de préférer un prélèvement sur dix mois, et non douze, a été fait pour ne pas perturber le compte en banque de nos concitoyens. Cette belle avancée doit être mise en place le plus vite possible, car elle est souhaitée par nos concitoyens et va vers plus d'équité.

M. Francis Delattre. - Ils ne savent pas tout. Attendez qu'ils en fassent l'expérience.

M. Philippe Dallier. - Je salue le travail du rapporteur général et la qualité des auditions, éclairantes. Que diable le Gouvernement est-il allé faire dans cette galère ? Il aurait mieux valu y réfléchir en 2012. Le coût n'a pas été mesuré. Didier Guillaume évoque une mesure de justice, mais les gens paieront la même somme.

Tous les interlocuteurs ont démontré la difficulté de l'exercice. Le système ne sera jamais prêt pour le 1er janvier 2018 et crée des difficultés pour les entreprises et les collectivités territoriales, alors qu'une autre solution, bien plus simple, existe. Pourquoi ne pas proposer de s'engager dans cette direction-là ? Peut-être le prélèvement à la source cachait-il la fusion de la CSG avec l'impôt sur le revenu. Nous n'aurons jamais le fin mot de l'affaire. Mais puisque les socialistes y renoncent, pourquoi ne pas renoncer également au prélèvement à la source ? Didier Guillaume dit que les Français y sont favorables. Oui, car ils pensent que ce sera une mesure d'une extrême simplicité. Quand ils découvriront la réalité, ils déchanteront.

Les avancées proposées par le rapporteur général sont suffisantes.

M. Thierry Carcenac. - Nous sommes bien cartésiens : nous souhaitons toujours présenter un dispositif d'emblée parfait. Le rapport d'évaluation compte 413 pages parce que notre fiscalité est complexe et qu'il faut l'expliciter pour chacune des situations.

Les organisations syndicales sont toujours contre les nouvelles mesures. Elles étaient déjà contre la télédéclaration. Mais, en conclusion de leur audition, elles ont bien indiqué vouloir réussir la réforme.

Pour les personnes recevant des salaires, des pensions ou des retraites, qui représentent la très grande majorité des contribuables, tout est simple. Elles n'auront, grâce à la déclaration préremplie, rien d'autre à faire qu'une télédéclaration.

Les collectivités territoriales transmettent déjà les éléments concernant les fonctionnaires, sans DSN, les éléments permettant d'élaborer la déclaration préremplie. On évoque le coût pour les entreprises ou les collectivités territoriales, mais dans le Tarn, 800 fonctionnaires sur 2 000 demandent à bénéficier une aide, sans coût excessif.

J'en viens aux taux rafraîchis. Les personnes dont les revenus baissent ont la possibilité de modifier leurs paiements, mais elles sont très peu nombreuses à le faire. Dans le nouveau système, dès lors que le salaire diminuera, la baisse sera immédiate, même si le taux n'est pas celui de l'année n.

La mensualisation à douze mois et non dix conduit à un prélèvement identique, même en cas de baisse, sauf à signaler une modification : c'est aussi complexe que le prélèvement à la source.

Pour certains contribuables, le nouveau système sera plus compliqué. Mais pour la très grande majorité des contribuables, ce sera une amélioration.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Plus on avance dans ce dossier, plus on cherche la belle avancée. L'extension du droit de reprise de l'administration fiscale, de trois à quatre ans, est extrêmement grave. C'est le recul d'un droit fondamental des contribuables. La possibilité de recours gracieux plaide également pour un lien exclusif entre contribuable et administration fiscale. En effet, elle ne peut concerner que ce qui n'est pas payé. C'est un véritable problème. La solution du rapporteur général est la bonne. Simple, elle résout les difficultés qu'il a soulevées.

Pourquoi le Gouvernement s'entête-t-il ? Il remet l'entrée en vigueur du dispositif à plus tard, en sachant très bien qu'il n'aura pas à s'en charger. Si l'administration fiscale a besoin de quatre ans et non de trois pour traiter les dossiers, c'est bien que le prélèvement à la source n'est pas simple.

M. François Marc. - J'ai suivi les auditions avec un grand intérêt. Le rapporteur général présente une variante intéressante. Est-elle pour autant à retenir ? Didier Guillaume et Thierry Carcenac ont développé les arguments démontrant que la réforme est réalisable. Le directeur général des finances publiques a répondu aux questions.

Je suis en revanche préoccupé par l'état d'esprit dans lequel cette réforme est abordée. Le représentant du Medef l'a jugée inutile, selon une position de principe. Celle de Force ouvrière a déclaré que ce n'était pas ce que son syndicat voulait. On a entendu dire, ces dernières semaines, que l'État serait gagnant et les contribuables perdants, le quotient familial menacé, la hausse des impôts inévitable, le risque de cavalerie budgétaire accru, le consentement à l'impôt nié... Ce contexte politisé, insatisfaisant, empêche d'étudier objectivement la réforme à engager. Le paiement mensualisé contemporain est intéressant, mais pourquoi s'arrêter à mi-chemin quand on peut instaurer le prélèvement à la source ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Une mesure de simplification ? Avec recul et objectivité, je réponds non. Le nombre de cas de régularisation sera accru. La contemporanéité ? Mon système l'offre aussi. L'année de transition est complexe dans les deux cas. Quant à la familialisation, la jurisprudence stricte du Conseil constitutionnel laisse peu de marge de manoeuvre.

Didier Guillaume souligne que l'entreprise connaîtra le taux d'imposition de ses salariés. Si l'un d'entre eux se voit appliquer un taux trois fois plus élevé que les autres, à salaire égal, c'est bien qu'il perçoit d'autres revenus. Pourquoi l'administration a-t-elle dû créer un « taux neutre » ? C'est qu'il y a un problème !

Certains disent que le prélèvement à la source ne changera pas grand-chose pour la plupart des contribuables. Tout de même : 9,6 millions de foyers fiscaux - ce n'est pas négligeable - ont bénéficié de réductions ou de crédits d'impôts. Ils assureront tous la trésorerie de l'administration fiscale.

Dans leur rapport sur la fiscalité des ménages d'avril 2014, Dominique Lefebvre et François Auvigne estimaient à deux à trois ans le délai incompressible de mise en place de la retenue à la source.

Thierry Carcenac, le système fiscal est si complexe qu'il en est incompatible avec le prélèvement à la source. Une personne divorcée pourra être concernée à la fois par le prélèvement à la source, sur son salaire, et par l'acompte sur la pension alimentaire. C'est particulièrement compliqué.

Dans mon système, le contribuable aura la possibilité de moduler son revenu à la baisse. Il lui suffira de se rendre sur le portail de la DGFiP.

L'extension du délai du droit de reprise de l'administration fiscale ne concerne que l'année de transition. Par définition, les recours gracieux sur l'impôt sur le revenu disparaîtront. Ils se feront vraisemblablement davantage sur les impôts locaux.

François Marc, je n'ai pas repris certaines formulations que vous avez citées mais pourquoi introduire un tiers payeur, ce qui crée des problèmes de confidentialité ? Pourquoi avoir créé une réforme aussi complexe à mettre en oeuvre ?

La commission donne acte à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Loi de finances pour 2017 - Mission « Économie » et compte de concours financier (CCF) « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » - Examen du rapport spécial

La commission procède à l'examen du rapport de MM. Jacques Chiron et Bernard Lalande, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Économie » et sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

M. Jacques Chiron, rapporteur spécial. - La mission « Économie » est un ensemble hétéroclite de dispositifs en faveur des entreprises, et notamment des PME dans les secteurs de l'artisanat, du commerce et de l'industrie. Ils prennent la forme de subventions, de prêts, de garanties ou encore d'exonérations fiscales. Cette mission comprend aussi les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de la mise en oeuvre de ces politiques.

Sans tenir compte des importants changements de périmètre qui interviennent cette année, les crédits de la mission « Économie » demeurent stables en 2017, s'élevant à 1,9 milliard d'euros - soit une hausse de 0,4 %.

Le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme », qui comprend la moitié de ces crédits, affiche une baisse de 1,1 % inégalement répartie. Les dépenses de personnel augmentent de 1,8 %, ce qui, compte tenu de leur rigidité, représente un effort réel : 22 équivalents temps plein (ETP) sont supprimés en 2017, pour un plafond d'emplois de 5 079 équivalents temps plein travaillé (ETPT). La stabilité des dépenses de fonctionnement, au contraire, est plutôt le signe d'un effort insuffisant, alors qu'il existe encore des marges de manoeuvre, en particulier en matière d'immobilier ou de fournitures. Les subventions aux opérateurs diminuent de 2,9 %, une baisse essentiellement supportée par Business France - j'y reviendrai. Mais l'essentiel de l'effort budgétaire de ce programme réside dans la réduction continue des crédits d'intervention en faveur des entreprises, qui affichent une baisse de 6,4 % (16,2 millions d'euros). Cette réduction est en elle-même nécessaire, tant les dispositifs concernés sont multiples, peu lisibles et gérés en silo par des intermédiaires peu évalués. Reste que la logique du rabot finira par trouver ses limites, et qu'il faudra bien mener un jour remettre les choses à plat - cet effort de rationalisation est au demeurant déjà engagé.

Ainsi du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) dont la dotation baisse encore de 9 % en 2017 pour s'établir à 16,5 millions d'euros, en cohérence avec la réforme de 2014 organisant le passage d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets. Mais cette réforme n'a pas rendu la programmation budgétaire plus fiable pour autant. Voici deux exemples. L'année dernière, nous avions demandé, avec la présidente Michèle André, le déblocage de 12,5 millions en faveur des stations-service de proximité, pour traiter le stock de dossiers en attente : le Gouvernement avait refusé... pour finalement débloquer cette somme en mai 2016. Deuxième exemple : la mobilisation d'un million d'euros du Fisac pour la revitalisation des centres-villes, annoncée il y a dix jours par la secrétaire d'État chargée du commerce et de l'artisanat, Martine Pinville.

Le programme 220, qui porte les crédits de l'Insee, s'élève à 454 millions d'euros en 2017. La hausse de 3,8 % tient surtout à la rallonge de 11 millions d'euros compensant la baisse de recettes liée à la prochaine entrée en vigueur de la gratuité des données publiques. Pour le reste, l'Insee mène un effort notable de maîtrise de ses dépenses, soumis cependant aux incertitudes qui entourent le déménagement au Centre statistique de Metz. Seuls 315 agents étaient présents à la mi-2016, sur les 400 attendus pour 2017 - objectif déjà revu à la baisse. Un certain nombre de ces agents ont été recrutés pour l'occasion en externe, ou sont issus d'autres administrations...

Les crédits du programme 305 sont stables, à 427 millions d'euros. Après une forte baisse ces dernières années, la subvention à la Banque de France (250 millions d'euros) ne varie plus : visiblement, les économies liées à l'allègement des procédures de surendettement ont atteint leurs limites, du moins à court terme. Il convient désormais de dégager des économies structurelles dans les coûts fixes.

On note aussi une hausse des dépenses de personnel des services économiques de la direction générale du Trésor, en dépit de la rationalisation de son réseau international. Réaliser des économies en regroupant certains postes à l'étranger sans compromettre les capacités de la France est un exercice difficile. Nous avons néanmoins pu constater, lors de notre visite au consulat français de San Francisco en avril 2015, l'efficacité du travail et la bonne coopération entre les agents de la direction générale du Trésor, de Business France et de Bpifrance.

Ces deux dernières entités sont, dans le domaine de l'action internationale, les deux grands succès de ces dernières années, qui posent les bases d'un véritable État stratège à l'exportation.

La création de Business France en 2015 a rassemblé en un seul opérateur l'action de l'État en matière de soutien à l'exportation et d'attraction des investissements étrangers. Sur le fond, c'est une nette réussite : l'objectif de 10 000 PME et ETI accompagnées à l'exportation devrait être tenu dès cette année, avec près de quatorze mois d'avance. Nous avons régulièrement entendu saluer l'action de l'organisme au cours de notre déplacement aux États-Unis : si quelque chose a changé, c'est qu'aujourd'hui nous vendons nos produits plutôt que nos entreprises...

Sur le plan budgétaire, la fusion d'Ubifrance et de l'Agence française des investissements internationaux (Afii) a également permis des gains de productivité, même si des économies sont encore possibles. Surtout, Business France a développé une véritable offre commerciale avec l'objectif d'en tirer plus de la moitié de ses ressources. Les premiers stades de l'accompagnement des PME sont gratuits - avec un ticket modérateur - car ils relèvent d'une mission de service public. En revanche, les prestations récurrentes et personnalisées sont facturées à hauteur de 50 % des coûts pour les phases de personnalisation et d'amorçage, et jusqu'à 100 % avec marge pour les grands groupes. Dès 2015, ces recettes commerciales ont atteint 90,7 millions d'euros, au lieu des 80 millions prévus, soit 46 % des ressources de l'opérateur. Cette politique d'autonomie financière explique la baisse de 3,2 % de la dotation budgétaire de l'agence, fixée à 98,1 millions d'euros pour 2017.

La faible présence de Business France dans les territoires - une présence pourtant indispensable pour identifier les entreprises ayant un potentiel de développement international - est néanmoins problématique. Bernard Lalande et moi-même proposons, sur le modèle britannique, le rattachement à Business France d'une partie des 400 conseillers en développement international des chambres de commerce et d'industrie (CCI). Ces derniers, formés, complèteraient leur expertise locale par une expertise sectorielle, par exemple dans les domaines du luxe, de l'agro-alimentaire, de la high tech, etc. Sur le plan budgétaire, cela se traduirait par une affectation d'une fraction de la taxe pour frais de chambre à CCI France, qui reverserait ensuite cette somme à Business France - soit environ 30 millions d'euros sur les 865 millions que rapportera cette taxe affectée en 2017. Aujourd'hui, les 400 collaborateurs des CCI représentent un coût de quelque 60 millions d'euros, pour un résultat qui ne donne pas beaucoup de satisfaction. La solution que nous préconisons ne plaira pas à tout le monde, mais elle aurait le mérite de l'efficacité.

Second problème, l'État stratège à l'exportation a besoin d'une identité forte et claire, notamment vis-à-vis de nos partenaires étrangers ; or les logos French Tech se multiplient à raison d'un par métropole... N'aurait-il pas été plus simple de faire cause commune, et de conserver un seul label French Tech national ?

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. - Pour soutenir l'économie de notre pays, mieux vaut s'appuyer sur quelques instruments forts que sur une multitude de petites aides attribuées sans vision d'ensemble. Ces instruments, il en existe déjà plusieurs.

Parmi les 77 dépenses fiscales rattachées à la mission, les plus récentes forment un ensemble cohérent et complémentaire ; elles forment un cercle vertueux qui laisse aux gouvernants la maîtrise des choix politiques et stratégiques, et des instruments fiscaux pour les mettre en oeuvre. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui représente 15,8 milliards d'euros, a permis aux entreprises de rétablir leurs marges, de s'adapter à la concurrence, de renforcer leurs fonds propres ou tout simplement de se maintenir. Il ne faut pas se tromper sur le sens du rapport de France Stratégie présenté en septembre 2016 : il est logique que les entreprises cherchent d'abord à stabiliser leur situation financière, puis qu'elles établissent un plan stratégique de développement, avant de procéder à des recrutements. Les marges rétablies ont maintenu l'emploi et même contribué à la création nette d'emplois dès 2013-2014. Nous sommes convaincus de la nécessité de renforcer ce dispositif en direction des PME et ETI.

Deuxième instrument, le suramortissement exceptionnel de 40 % a relancé l'investissement productif. Son coût budgétaire a doublé par rapport aux prévisions initiales pour atteindre un milliard d'euros, et toutes les études récentes sur l'investissement des entreprises confirment la reprise, avec un effet positif sur l'emploi.

Plusieurs dispositifs sectoriels en faveur de filières d'avenir complètent l'ensemble, dont l'amortissement accéléré des imprimantes 3D, mesure qui n'est pas aussi anecdotique qu'elle en a l'air : Jacques Chiron et moi-même l'avions proposée lors de la dernière du projet de loi de finances pour 2016, et le Gouvernement l'a reprise dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année.

Le plan « France Très haut débit » est une autre preuve que l'État, lorsqu'il s'en donne les moyens, est capable de conduire une politique ambitieuse. Portée par le programme 343, la participation de l'État au déploiement de la fibre optique se monte à 3 milliards d'euros, sur les 20 milliards prévus à horizon 2022. Le fait remarquable est que pour 2017, les autorisations d'engagement s'élèvent à 409 millions d'euros, au lieu des 150 millions d'euros initialement prévus, ce qui reflète l'accélération du déploiement qui est en cours. Les conventions signées avec les opérateurs pour la couverture des zones les moins denses ont dépassé les attentes, et l'objectif intermédiaire de 50 % de la population couverte fin 2017 pourrait être tenu avec un an d'avance. Une autre partie de la hausse s'explique par le financement d'un programme de couverture des « zones blanches » en matière de téléphonie mobile.

Autre outil à disposition de l'État stratège, le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » porte les crédits du Fonds pour le développement économique et social (FDES). Réactivé en 2014 et doté de 100 millions d'euros cette année, ce fonds accorde des prêts à des entreprises en difficulté. Toutefois, au vu du faible taux d'utilisation de ses capacités - 56 % en 2015, et toujours 0 % depuis le début de l'année - la question de sa pérennité se pose : soit le FDES finance des industries et des emplois viables à long terme mais fragilisés à court terme, et alors un acteur comme Bpifrance semble plus indiqué pour prendre le relais ; soit il finance des projets non viables, et il pourrait être supprimé.

Créée en 2013, Bpifrance est, avec Business France, l'une des pièces maîtresses du nouvel État stratège que nous appelons de nos voeux. La banque publique, qui peut soit accorder des crédits, soit contribuer aux fonds propres des entreprises, reprendra également la gestion des garanties publiques à l'exportation, auparavant assurées par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface), et qui font maintenant l'objet d'une dotation de 72,6 millions d'euros inscrite au programme 134.

Lors de nos travaux précédents, et notamment lors de notre déplacement à San Francisco en avril 2016, nous nous sommes particulièrement intéressés au financement des jeunes start-up innovantes. Grâce à ses interventions - toujours minoritaires - Bpifrance a contribué à « débloquer » le marché français du capital-risque. Sur ce marché, longtemps plafonnés à 800 millions d'euros par an, les financements de Bpifrance ont exercé un effet de levier qui a permis aux investissements en capital-risque en France de dépasser le milliard d'euros au premier semestre 2016. Paris est ainsi devenue la deuxième place européenne, talonnant Londres et devançant Berlin.

Quelques réserves cependant. D'abord, et nous insistons sur ce point, l'effet de levier menace toujours de se transformer en effet d'éviction. L'initié connaît par nature mieux le marché que celui qui a besoin de financements ; de là une certaine aversion au risque chez Bpifrance. Or les fonds privés pourraient refuser de s'engager si Bpifrance n'est pas autour de la table... Le capital-risque n'est pas un simple accompagnement, il exige une ouverture d'esprit, une réelle acceptation du risque. Il conviendrait, dans ce domaine, de disposer d'indicateurs pour mesurer non pas le « taux de survie » des entreprises, c'est-à-dire les risques, mais plutôt les perspectives dans cette économie naissante.

À cet égard, pourquoi l'Agence des participations de l'État (APE) ne disposerait-elle pas d'un portefeuille en capital-risque ? Alimenté par une fraction des autres dividendes de l'État actionnaire, ce fonds donnerait à l'APE la latitude nécessaire pour s'ouvrir davantage aux PME et ETI - alors qu'elle les considère aujourd'hui comme accessoires par rapport aux grands groupes. La croissance du capital-risque en France est réelle, mais encore très insuffisante lorsque les montants à lever dépassent 100 millions d'euros. Est-il normal que Blablacar ait dû s'adresser à des fonds américains pour lever 200 millions d'euros l'année dernière ?

Plus fondamentalement, Bpifrance est bien une institution publique, et non une banque ou un fonds d'investissement comme les autres. Son rôle est de mettre en oeuvre les orientations fixées par le Gouvernement et le Parlement.

Voilà ce que nous entendons par « État stratège ». Non pas un retour à une administration centrale rigide, aux plans quinquennaux et aux monopoles - il est facile d'ironiser sur cela -, mais un instrument rendant à l'État les moyens concrets de jouer son rôle, y compris de façon discrétionnaire, dans les situations où le secteur privé est défaillant ou soumis à un horizon de court terme. En fait, il s'agit tout simplement de permettre à l'État de prendre des décisions vraiment politiques : est-ce aux grands groupes internationaux, et notamment aux grandes entreprises du secteur du numérique, de faire la fiscalité des États ? Pourquoi l'État ne favoriserait-il pas l'acquisition ou l'émergence d'un géant du numérique ?

Voici, en attendant un travail plus approfondi, les quelques principes qui ont guidé notre réflexion et pourraient guider l'État stratège du XXIe siècle. Tout d'abord, l'agilité : l'État doit être réactif dans la fixation des priorités, et faire confiance aux acteurs comme Bpifrance, Business France ou encore l'APE. Ces acteurs doivent être organisés en réseau, le Gouvernement et le Parlement conservant la maîtrise du destin économique du pays.

Ensuite, la vision : de toute évidence, les priorités de demain seront la transition écologique et la révolution numérique, et il convient de ne négliger aucune source d'innovation.

Enfin, l'ouverture : l'État stratège n'a pas vocation à protéger les intérêts acquis à l'intérieur des frontières, mais à soutenir avec zèle l'internationalisation des entreprises françaises, de la TPE au grand groupe.

Naturellement, de telles perspectives ne se traduisent pas immédiatement en amendements de crédits. Le contrôle n'excluant pas la confiance, nous vous proposons d'adopter sans modification les crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

M. Vincent Delahaye. - Je remercie les rapporteurs pour leur travail. Toutefois, le budget de l'Insee fournit, à mes yeux, trois exemples de ce qu'il ne faut pas faire. D'abord, la gratuité des données publiques : on dit qu'elle coûterait 11 millions d'euros. Qui payait jusqu'à présent, à qui a-t-on fait ce cadeau ? Ensuite, le déménagement à Metz de certains services de l'Insee, décidé en 2008 : à ce jour, seuls 315 agents ont été transférés sur les 625 attendus, et près de 200 recrutements extérieurs ont dû être effectués à Metz... En attendant, on continue de payer les locaux des deux sites. Tout cela coûte plusieurs millions d'euros ! Pourquoi ne pas imposer le déménagement à ces agents - agents publics et à ce titre soumis à certaines obligations - comme cela se fait dans le privé ? Enfin, pour le recensement, les communes fixaient auparavant elles-mêmes le niveau de rémunération des agents recenseurs, que l'Insee leur remboursait. C'était un système souple, remis en cause par la fixation de critères nationaux dans un décret de décembre 2015... qui a entraîné une augmentation annuelle de la dotation de trois millions d'euros. Je ne peux donc pas approuver la hausse du budget de l'Insee.

M. Michel Bouvard. - Merci aux rapporteurs qui ont mis en évidence l'apport positif de Bpifrance, assemblage de structures préexistantes, certes, mais qui renforce la cohérence des politiques menées. Je partage leur souhait d'une vision stratégique, avec néanmoins de fortes réserves quant à l'idée de confier la gestion du capital-risque à l'APE : l'audace n'est pas dans sa culture.

Le programme 134 s'intitule « Développement des entreprises et du tourisme », mais les crédits alloués au tourisme sont si réduits que les rapporteurs ne les ont pas même évoqués... L'action 21, « Développement du tourisme », représente 2,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 4,2 millions d'euros en crédits de paiement ; l'action 22, « Économie sociale et solidaire », respectivement 4,5 millions et 4,3 millions d'euros. Ce sont des montants anecdotiques. Surtout, les crédits du tourisme sont éclatés entre la mission « Économie », le budget du ministère chargé de l'égalité des territoires et celui du ministère des affaires étrangères et du développement international. Chacun reconnaît le travail accompli dans ce domaine par le précédent ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, mais la vision d'ensemble fait défaut sur un secteur qui représente tout de même 7 % de notre PIB.

Les dépenses fiscales sont elles aussi atomisées : on trouve pêle-mêle les chèques vacances, la fourniture de logements dans les hôtels ou sur les terrains de camping classés. Alors que l'on évoque un redéploiement du dispositif « Censi-Bouvard » sur les locations de meublés non professionnelles, je mets au défi quiconque de me dire le montant total des dépenses fiscales consacrées aux résidences de tourisme pour 2014 ou 2015.

En conclusion, je plaide pour un regroupement des crédits du tourisme dans un programme unique, conformément d'ailleurs aux principes de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).

M. André Gattolin. - Je félicite moi aussi nos rapporteurs. Les louanges adressées à Bpifrance en matière d'aide à l'investissement ne sont cependant pas partagées par les chefs d'entreprise du numérique : certains d'entre eux se voient refuser des prêts par leur banquier habituel par manque de garanties, en dépit de l'aide apportée par l'organisme censé provoquer un effet de levier. Un hebdomadaire satirique a récemment révélé l'explosion des salaires de ses cadres - entre 20 et 40 %. Attendons le rapport de la Cour des Comptes, prévu pour la mi-novembre. Le tableau est moins rose qu'il n'y paraît.

J'ai toujours été favorable aux dispositifs de suramortissement, mais il était stupide d'en créer un en 2015 pour un an seulement. À ce compte, on n'avantage que ceux qui ont déjà investi ! Alors, on prolonge la mesure d'année en année... Mais les chefs d'entreprise ont besoin de visibilité sur plusieurs années. Visiblement, il n'y en a pas beaucoup à Bercy... Nos rapporteurs estiment que l'impact du dispositif est déjà visible : je demande à voir combien d'emplois ont été créés... Pourquoi ne pas abaisser le suramortissement à 20 % tout en l'allongeant sur trois ou quatre ans ?

L'augmentation de la dotation de l'Arcep est liée à la présidence par l'Agence de l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece). On parle aujourd'hui de transformer l'Orece en service de la Commission européenne : ce serait une pure folie ! Ses avis pondèrent souvent ceux de la Commission, et sont complémentaires - en témoigne son récent avis sur l'application du principe de neutralité d'Internet. En absorbant l'Orece, en en faisant une nouvelle agence, la Commission européenne risque de mettre à mal la coopération entre régulateurs nationaux, comme lorsqu'Europol est devenue une agence communautaire. Il faudra être vigilant.

M. Francis Delattre. - Ce rapport est intéressant mais contestable. Tout d'abord, mobiliser un million d'euros pour la revitalisation des centres-villes, comme l'a annoncé la secrétaire d'État chargée du commerce et de l'artisanat, est ridicule. Imaginez l'effet que cela produit... Il conviendrait d'abord de supprimer les réglementations contraignantes. Je cite souvent l'exemple des trois écrans de cinéma en centre-ville, qui réclament deux à trois ans de démarches ; les moyennes surfaces sont elles aussi soumises à un parcours d'obstacles pour obtenir différentes autorisations. Commençons par créer un environnement favorable aux implantations. Quant au Fisac, j'ai connu l'époque où son budget se chiffrait en centaines de millions, au lieu d'une quinzaine aujourd'hui... Aider les petites stations-service de proximité, c'est très bien, mais cela ne correspond pas à la vocation d'origine du fonds.

Bpifrance est une initiative intéressante, mais les « canards boiteux » qu'elle est obligée de soutenir entravent son action. Elle a sans doute un rôle d'impulsion, mais les banques privées, elles, prêtent mille milliards d'euros par an aux entreprises ! C'est sur cela qu'il faudrait agir. Il y a notamment un problème avec le financement de l'innovation : lorsqu'un dirigeant de start-up va voir son banquier, celui-ci lui demande de fournir ses trois derniers bilans... qui généralement n'existent pas ! Il y a là des règles, internes aux banques et législatives, qui doivent évoluer.

Je suis tout à fait favorable au développement du capital-risque. Pourquoi ne pas orienter la réduction d'impôt sur la fortune (ISF) pour l'investissement dans les PME vers le capital-risque, et vers les entreprises exportatrices ? Le problème est connu : l'Allemagne compte 5 000 PME et PMI tournées vers l'exportation, la France 900.

Je serai plus critique quant à la notion d'État stratège. Voyez Areva, et les dix milliards d'euros que tout cela a coûté au contribuable. Voyez ces entreprises du CAC 40 qui aujourd'hui battent pavillon étranger. Et que n'a-t-on pas entendu sur General Electric ! Pourquoi un tel acharnement du leader mondial à racheter Alstom ? Parce que l'entreprise américaine - cela n'a pas été dit à l'époque - visait en réalité notre savoir-faire en matière de turbines. Avec quatre d'entre elles, on peut produire autant d'électricité que le réacteur EPR de Flamanville. Dans le deal négocié par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, l'État devait apporter deux milliards d'euros. On n'en a plus jamais entendu parler... Voilà le problème avec l'État stratège : je suis favorable à la régulation, mais cela ne signifie pas qu'il faille intervenir en dépit du bon sens. Tout est à revoir.

Au risque de me répéter, le CICE n'entre que pour un quart dans l'amélioration de 2 % des marges des entreprises ; le reste est attribuable à la baisse du coût de l'énergie, aux fluctuations de la parité entre le dollar et l'euro, et au quantitative easing par lequel la Banque centrale européenne (BCE) donne aux banques 60 à 80 milliards d'euros par an de liquidités pour investir dans l'économie. La crise serait bien plus grave si nous n'avions pas le quantitative easing.

Bref, le concept d'État stratège me laisse dubitatif, et il faut regarder tout cela de près. On peut concevoir que l'État mène une politique économique, par la régulation, mais je ne suis pas favorable à l'intervention directe. On peut ajouter que les dirigeants d'une partie de nos grandes entreprises continuent à être nommés en conseil des ministres : ce n'est pas un très bon signe.

M. Yannick Botrel. - Je félicite les rapporteurs pour la qualité et la tonalité positive de leur travail. Business France a commencé ses activités le 1er janvier 2015 ; les exportations sont un sujet dont l'Allemagne s'est emparée bien avant nous. Les PME faisaient parfois des coups, mais sans aller au-delà ; c'est pourquoi je me félicite que 10 000 PME et ETI aient d'ores et déjà été accompagnées. Joël Bourdin et moi-même avions, dans un rapport d'information sur les exportations agroalimentaires, mis en évidence la dispersion des énergies et des organismes chargés du soutien à l'exportation dans ce secteur.

Le rattachement des conseillers des chambres de commerce et d'industrie à Business France que vous préconisez a été amorcé dans certaines régions, en particulier en Bretagne, à la plus grande satisfaction des entreprises agroalimentaires. Celles-ci, trouvant une aide à l'échelon régional, pouvaient se passer des services d'Ubifrance. Y a-t-il une complémentarité entre l'action de Business France et ces initiatives régionales ?

M. Richard Yung. - Je félicite les rapporteurs, dont le travail nous ouvre des perspectives. Quelques remarques cependant. Je ne suis pas sûr d'être favorable au développement du réseau international de la direction générale du Trésor : la rationalisation en cours découle précisément de la séparation entre les missions économiques régaliennes, relevant du Trésor, et l'aide aux entreprises, confiée à Business France.

Il est difficile d'apprécier le travail de Business France, qui coûte quelque 100 millions d'euros par an à l'État. Vous affirmez que la moitié de ses dépenses sont couvertes par des recettes propres, mais ce n'est pas ce que j'ai entendu dans les différents postes de Business France, où par ailleurs l'opérateur et les chambres de commerces à l'étranger se livrent une véritable guerre. En théorie, Business France amène les PME de France vers l'étranger, où les CCI locales les aident à prospérer. La réalité est plus diverse, et le ministère a du mal à régulariser ce paysage. En Allemagne, tout le dispositif repose sur les chambres de commerce à l'étranger ; chez nous, il repose sur une trentaine d'organismes différents... Cela tient en partie à la structure très différente du tissu des PME en Allemagne et en France.

Business France demande environ un millier d'euros aux entreprises pour une participation à un salon, et prend en charge le reste. Mais cela ne suffit pas : tout l'enjeu est créer une relation suivie. Enfin, quels sont les indicateurs de succès ? Il convient d'y regarder de plus près.

Quant à l'opérateur Atout France - 36 millions d'euros par an, rattachés au budget du ministère des affaires étrangères et du développement international -, on ne sait pas où tout cela va, ni à quoi cela sert. Or, comme Michel Bouvard l'a rappelé, nous avons besoin de soutenir le tourisme.

M. Daniel Raoul. - Je félicite les rapporteurs dont la mission aux États-Unis a manifestement été fructueuse. Les propos de Michel Bouvard sur le budget du tourisme, auxquels je m'associe entièrement, pourraient tout aussi bien s'appliquer au logement : ces politiques sont éclatées entre différentes missions, et il est impossible de s'y retrouver. En revanche, je ne partage pas le point de vue d'André Gattolin sur le suramortissement : j'ai pu constater la réussite dans mon département.

Par ailleurs, il me semble abusif d'associer le déploiement du réseau de téléphonie mobile au label du « très haut débit », quand les opérateurs installent encore de la 3G, voire de la 2G obsolète. Mieux vaudrait installer directement la 4G ou la 5G dans les zones les plus reculées, où la fibre optique n'arrivera jamais. C'est ce que préconise le plan Juncker II.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Vous le savez, j'ai un intérêt tout particulier pour les autorités administratives indépendantes (AAI). Vous jugez modeste l'augmentation du budget de l'Autorité de la concurrence ; or 4,2 %, ce sont tout de même 914 000 euros, après une augmentation de 2 millions d'euros l'an dernier, alors même que son périmètre d'intervention a été réduit, par exemple avec la création de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer). Je suis par ailleurs choquée de constater que l'Arcep n'a pas régularisé ses dépenses immobilières et persiste à louer des locaux à des montants très exagérés, au-delà des seuils fixés par France Domaine. Il convient de suivre attentivement le dossier de l'immobilier des AAI, pour lequel vous rappelez qu'il existe des marges de manoeuvre.

S'agissant du déploiement du très haut débit sur le territoire, il s'agit évidemment, comme vous l'écrivez, d'une nécessité - mais est-ce pour autant une réalité ? La communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon-Sud, que je préside, s'est engagée avec dans un plan « Gironde numérique 2017-2022 » de résorption des zones blanches. Je sais ce que cela nous coûte - il a fallu s'engager sur trente ans - et je ne vois venir aucun résultat avant 2022. Comment peut-on écrire que l'objectif de 50 % de la population couverte en 2017 sera tenu avec une année d'avance ? Peut-être est-ce le cas en Île-de-France...

M. Philippe Dallier. - Pas en Seine-Saint-Denis !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Les promesses non tenues sur la téléphonie mobile, on les renouvelle sur le très haut débit... Prenons garde, la crédibilité de la politique commence sur des dossiers comme celui-ci, auxquels les Français sont particulièrement attentifs.

M. Thierry Carcenac. - Votre éclairage est très intéressant, tout particulièrement sur le plan « France Très haut débit ». Les opérateurs, qui doivent réaliser 6  à 7 milliards d'euros d'investissement dans les zones d'initiative privée, ne couvrent que les secteurs les plus rentables, et délaissent le reste. Dans mon département, le Tarn, ce que l'on appelle le « haut débit » n'est que de l'ADSL légèrement amélioré, pas de la fibre optique. Comment distinguer, dans les 50 % de la population considérés comme couverts, la part du véritable très haut débit et celle du débit légèrement amélioré ? Lorsque vous écrivez que 47,4 % des locaux sont couverts, s'agit-il des locaux professionnels ou seulement des logements ?

Vous soulignez la montée en charge du plan « France Très haut débit ». Mais parmi les 83 départements qui doivent présenter un schéma départemental d'aménagement numérique, seuls 50 ont obtenu un accord préalable et 20 une décision de financement. Il conviendrait d'accélérer l'instruction des dossiers.

Enfin, je rappelle couverture des zones blanches de téléphonie mobile avait été engagée par le plan Jospin... en 1999. Vingt ans après, les attentes sont toujours aussi fortes et les collectivités territoriales sont parfois amenées à financer elles-mêmes un pylône. Cela mériterait une approche différente.

D'une manière générale, les délégations de service public peuvent être utiles, mais encore faut-il trouver des opérateurs candidats... Le très haut débit est un enjeu essentiel, qui mériterait d'aller encore un peu plus loin.

M. Jacques Chiron, rapporteur spécial. - En réponse à Vincent Delahaye, la gratuité des données publiques coûte à l'Insee 11 millions d'euros, que lui payaient les collectivités territoriales et les acteurs privés. Quant aux nouveaux agents de l'Institut à Metz, ce sont pour une part des fonctionnaires d'autres administrations qui ont demandé à y être transférés. On ne peut en revanche obliger un fonctionnaire à déménager : c'est le statut de la fonction publique.

Contrairement à André Gattolin, nous avons le sentiment que Business France a établi une véritable proximité avec les entreprises. En réponse à Yannick Botrel, le problème de l'éclatement des acteurs dans le secteur agroalimentaire a été résolu en 2016, avec le transfert à Business France des missions de la Sopexa (Société de promotion des produits agricoles) en la matière, pour davantage de cohérence.

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. - Nous sommes en plein accord avec Michel Bouvard sur la nécessité de regrouper les crédits relatifs au tourisme, afin d'en avoir une vision d'ensemble.

M. Michel Bouvard. - Changeons le nom du programme 134, c'est une imposture !

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. - Si l'expression d' « État stratège » vous choque, nous pouvons envisager d'en changer. Reste que l'État doit avoir une influence sur l'économie de son pays, dans le contexte de la mondialisation, et utiliser des outils comme Bpifrance, Business France, ou des dispositifs fiscaux comme le CICE ou le suramortissement de 40 %. Sinon, c'est ouvrir la voie à une libéralisation débridée, à la domination de grands groupes internationaux. Voyez les géants du numérique : ils ne paient pas d'impôts en France, et certains d'entre eux sont déjà en train d'imposer la manière dont on distribue des colis ou le courrier dans le monde entier... Va-t-on ensuite nous demander de renationaliser ? Il vaut mieux se poser les bonnes questions en amont : ayons une politique stratégique agile, par exemple avec des outils fiscaux qui ont une influence immédiate sur l'investissement.

Nous plaidons, je l'ai dit, pour que le FDES soit intégré à Bpifrance. Un canard boiteux, ce sont tout de même des emplois et une activité économique. Sans compter qu'une entreprise qui ne vaut pas un euro peut valoir des fortunes quelques années plus tard...

M. Daniel Raoul. - Nous avons des exemples !

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. - On peut critiquer le saupoudrage des dispositifs portés par la mission « Économie », mais à nous de balayer devant notre porte : après tout, c'est nous qui faisons la loi, et qui les laissons s'accumuler après année, parce que chacun demande le sien.

Bpifrance a été créée en 2013, Business France en 2015. Malgré leur jeune âge, ces organismes ont déjà des résultats. Bpifrance, qui doit récupérer certaines missions de la Coface, est un outil qui s'adresse véritablement aux PME et aux ETI : nous en avions grand besoin. Notre politique a trop longtemps été centrée sur les grands groupes, alors que la richesse d'un pays, ce sont aussi ses PME et ETI.

D'après les chiffres fournis par la mission « France très haut débit », le taux de couverture est aujourd'hui de 63 % de la population dans les zones d'initiative privée, contre 28 % dans les zones d'initiative publique. Certes, des zones blanches perdurent, comme en Saintonge, mais à l'échelle nationale nous sommes en avance sur la planification, et l'on peut espérer que les objectifs seront atteints avant 2022. Il est vrai que les crédits et priorités se sont parfois superposés, entre téléphonie mobile et très haut débit fixe...

Si nous voulons réduire notre déficit commercial, nous devons avoir une stratégie à l'exportation. Notre proposition au sujet de Business France et de CCI vise à mobiliser les correspondants sur tout le territoire. Encore faut-il que les collectivités jouent le jeu, et ne multiplient pas les logos pour se concurrencer entre elles...

Mme Michèle André, présidente. - L'illustration à la dernière page de votre rapport est éloquente !

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. - Nous tiendrons compte des remarques entendues, notamment de la part de Michel Bouvard et Marie-Hélène Des Esgaulx, dans la rédaction définitive de notre rapport.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'une des raisons de notre abstention est que, malgré la progression de certains indicateurs, les choses évoluent très lentement en matière de couverture du territoire par le très haut débit. Les chiffres fournis par la mission « France très haut débit » ne doivent pas être pris pour argent comptant.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Loi de finances pour 2017 - Compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé) - Examen du rapport spécial

La commission examine le rapport de M. Jacques Genest, rapporteur spécial, sur le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé).

M. Jacques Genest, rapporteur spécial. - Président du syndicat des énergies de l'Ardèche, je pourrais vous parler très longuement du Facé, l'ancien Fonds d'amortissement des charges d'électrification devenu le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » ; je m'en tiendrai à quelques observations sur le budget 2017.

Les recettes du Facé sont assises sur une contribution des gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité, Enedis principalement. Le taux de cette contribution, dont le produit attendu est de 377 millions d'euros en 2017, soit un montant stable depuis 2012, est recalculé régulièrement, afin de couvrir exactement les crédits prévus sur l'exercice. Ainsi, les taux en vigueur ont été fixés par un arrêté du ministre chargé de l'énergie le 6 septembre dernier. Il reste cinq fois plus élevé en zone urbaine qu'en zone rurale, faisant du Facé un dispositif remarquable de péréquation, qui doit demeurer. 

En revanche, la répartition de ces aides entre les différentes enveloppes est modifiée pour renforcer les moyens alloués à la sécurisation des réseaux. Le projet de loi de finances pour 2017 augmente les moyens dévolus aux travaux de sécurisation des fils nus, qui excèdent désormais ceux consacrés aux extensions et aux enfouissements, ainsi que les crédits dédiés aux travaux réalisés après des intempéries. Cette augmentation s'opérant à enveloppe constante, ce sont les enveloppes dédiées aux travaux d'extension et de renforcement des réseaux qui diminuent. Je déplore la baisse importante, de 20 %, des crédits dédiés à l'enfouissement. Ces travaux n'ont pas pour seule finalité d'améliorer l'esthétique des paysages mais participent au renforcement et à la sécurisation des réseaux, notamment à la montagne, et à la résorption des coupures d'alimentation liées aux intempéries et aux départs mal alimentés. De même, la baisse des crédits dédiés à l'extension des réseaux, qui accompagne le développement démographique et économique des territoires ruraux, est regrettable.

Il est dommage que les crédits des sous-programmes du Facé ne soient pas fongibles en cours d'année, quitte à plafonner les transferts à 20 % du montant disponible afin d'éviter tout déséquilibre. C'est l'une des propositions que je ferai au terme de ma mission de contrôle en cours.

Les destinataires des aides du Facé sont des autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité (Aodé) : des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale, en particulier des syndicats d'électrification ou d'énergie, dans la mesure où ces collectivités sont les maîtres d'ouvrage de travaux d'électrification rurale. Je me félicite que le regroupement départemental des syndicats soit quasiment achevé.

Les crédits du programme 794 font l'objet d'une sous-consommation chronique en raison du faible nombre de projets présentés par les Aodé. Pourtant, les moyens alloués pour 2017 sont reconduits à l'identique alors qu'ils auraient pu être utilement alloués au financement des travaux d'électrification retracés dans le programme 793. Je vous propose donc un amendement n° 1 qui transfère 4 millions d'euros du programme 794 au programme 793, soit le montant des crédits non consommés au titre du programme 794 en 2015.

Après les dysfonctionnements importants rencontrés en 2014 dans la gestion des aides du Facé, liés au départ des agents d'EDF mis à disposition, les années 2015 et 2016 ont vu une normalisation du rythme d'instruction et de mise en paiement des dossiers présentés par les Aodé. La question du maintien des agents mis à disposition et de l'exécution en régie du Facé se pose ; le ministère souhaite lancer en 2017 une réflexion sur l'optimisation des moyens de fonctionnement accordés à la mission.

Le suivi de la performance des dépenses du CAS est amélioré en 2017, à la suite des critiques émises par la Cour des comptes. Dorénavant, les indicateurs relatifs aux coûts des travaux de renforcement et de sécurisation des réseaux prendront en compte les coûts effectivement constatés, à partir des données issues des états d'achèvement des travaux renseignés par les Aodé. Nous disposerons ainsi d'une vision plus fidèle de l'évolution du coût des travaux et donc de leur efficience.

Sous réserve de l'adoption de mon amendement, je vous propose d'adopter les crédits du CAS « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé), bel instrument de solidarité entre les territoires.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Une question me vient à l'esprit : à quand un Facé pour le très haut débit ?

M. Philippe Dallier. - Quelle provocation !

M. Jacques Genest, rapporteur spécial. - Le problème a été résolu en 1936 pour l'électricité, ils étaient plus intelligents que nous ! On aurait pu faire la même chose pour le très haut débit. En commission des finances, j'ai été le seul à voter un amendement sur ce sujet !

M. Jean-Claude Requier. - Le principe du Facé, c'est que l'argent de l'électricité va à l'électricité. Aujourd'hui, au contraire, on prend aux opérateurs de télécommunications pour donner à la télévision... Je le regrette, mieux vaudrait que cet argent aille à la résorption de la fracture numérique.

M. Philippe Dallier. - Il y a donc des péréquations intelligentes ! À 15 kilomètres de Paris, seules 10 % des communes de première couronne, censées être couvertes par SFR fin 2017, le sont à ce jour... Tout est à l'arrêt depuis le rachat de SFR par Numericable, et je ne sais que répondre à mes administrés...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - C'est un vrai problème.

M. Maurice Vincent. - Le département de la Loire est relativement avancé dans sa couverture en très haut débit, avec de nombreuses infrastructures. Le rapport spécial de nos rapporteurs sur la mission « Économie » souligne les progrès réalisés dans toute la France depuis deux ans, grâce à l'investissement de l'État. Mais le manque d'appétence des fournisseurs d'accès constitue un goulet d'étranglement. Certains territoires sont fibrés sans fournisseurs d'accès !

Mme Michèle André, présidente. - Nous ne sommes pas seuls à nous occuper de cette question, d'autres commissions sont aussi très investies sur ce sujet.

M. Jacques Genest, rapporteur spécial. - Pour le très haut débit, il n'y a pas d'autre solution qu'une péréquation entre les territoires.

L'amendement n° 1 est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé), ainsi modifiés.

Loi de finances pour 2017 - Mission « Pouvoirs publics » - Examen du rapport spécial

La commission examine le rapport de Mme Michèle André, rapporteure spéciale, sur la mission « Pouvoirs publics ».

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Conformément au principe d'autonomie financière des pouvoirs publics, qui découle de la séparation des pouvoirs, la mission « Pouvoirs publics » regroupe les crédits alloués aux différents pouvoirs publics constitutionnels, c'est-à-dire à la Présidence de la République, à l'Assemblée nationale et au Sénat - ainsi qu'aux chaînes parlementaires -, au Conseil constitutionnel et à la Cour de justice de la République.

L'année électorale 2017 sera très riche. Pourtant, en dépit des coûts inhérents à l'élection présidentielle et au renouvellement général de l'Assemblée nationale et d'une moitié du Sénat, les institutions relevant de la mission « Pouvoirs publics » continuent à participer pleinement à l'effort de redressement des comptes publics. Pour l'exercice 2017, les crédits inscrits au sein de la mission « Pouvoirs publics » s'élèvent à près de 991 millions d'euros, en augmentation de 0,3 %, après plusieurs années de baisse significative. Cette évolution recouvre une stabilisation des dotations de l'État à la Présidence de la République, aux assemblées parlementaires et à la Cour de justice de la République, ainsi qu'une diminution des crédits accordés aux chaînes parlementaires ; seul le Conseil constitutionnel voit sa dotation augmenter de 4 millions d'euros, en raison notamment de l'organisation de l'élection présidentielle.

La dotation demandée par la Présidence de la République est maintenue à 100 millions d'euros, niveau atteint dès 2015 conformément aux engagements du chef de l'État. Elle demeure à un niveau inférieur à celui prévu par la loi de finances pour 2008, alors même que, depuis lors, de nombreuses dépenses auparavant supportées par le ministère de la défense, comme les pensions des gendarmes affectés au palais de l'Élysée, ont été transférées à la Présidence de la République. En 2017, les crédits de la Présidence auront reculé de plus de 12 millions d'euros par rapport à 2011.

Cette baisse de la dotation est le fruit des efforts réalisés sur les dépenses de la Présidence de la République, qui permettent d'éviter une augmentation des crédits demandés en 2017, alors qu'une année électorale a généralement de fortes implications sur l'agenda présidentiel comme sur l'organisation des services.

Les dotations versées à l'Assemblée nationale et au Sénat sont de nouveau gelées pour l'an prochain. Elles s'élèveront au total à environ 841,5 millions d'euros. La stabilisation en euros courants des dotations des deux Chambres est due à des efforts en dépenses, afin notamment d'absorber la hausse tendancielle de leurs charges.

La dotation de l'État à l'Assemblée nationale demeure à son niveau de 2016, soit 517,9 millions d'euros, en dépit d'une hausse de près de 9 % des charges assumées par la première chambre. En effet, le surcoût total du renouvellement général de l'Assemblée est estimé à 37,8 millions d'euros - somme intégrant les indemnités versées aux collaborateurs de députés en fin de mandat. À cela s'ajoute un programme important de travaux durant la suspension des travaux parlementaires : 12,8 millions d'euros pour la réfection de l'étanchéité de la cour d'honneur, le confortement de l'emmarchement situé sous la colonnade du Palais-Bourbon et la rénovation des locaux de la vice-présidence. L'équilibre du budget de l'Assemblée nationale en 2017 serait assuré grâce à un prélèvement sur ses disponibilités financières de près de 63 millions d'euros, contre 15 millions d'euros en 2016.

La dotation de l'État au Sénat demeure également à son niveau de 2016, à 323,6 millions d'euros. Le Sénat poursuit donc les efforts engagés depuis 2008. Comme l'Assemblée nationale, le Sénat connaîtra une hausse substantielle de ses charges en dépit de la stabilité de la dotation de l'État : les dépenses de notre assemblée augmenteront de 30,7 millions d'euros par rapport à 2016. Cette évolution est due au renouvellement partiel du Sénat - dont le coût est estimé à 5,3 millions d'euros - et à d'importants travaux au cours de l'année à venir, qui expliquent la hausse de 25,4 millions d'euros du budget d'investissement. Débuterait en particulier la réhabilitation des bureaux des 26 et 36, rue de Vaugirard. Toutefois, les indemnités des sénateurs ne croîtront que de 1,5 % en 2017, « du fait de l'augmentation du point d'indice et de la hausse prévue des allocations de retour à l'emploi au profit de sénateurs non reconduits en 2017 ». Les dépenses de rémunération des personnels reculeront de 0,51 %, en raison notamment de la suppression de sept postes.

Les dépenses liées au Jardin du Luxembourg baisseront de près de 590 000 euros, du fait de l'achèvement, en 2016, de la rénovation du chauffage des serres. Les charges prévisionnelles du Musée du Luxembourg s'élèveront quant à elles à 89 000 euros environ - mais ce poste demeure profitable au Sénat, dès lors qu'il est associé à des produits évalués à 250 000 euros.

Pour participer pleinement au redressement des comptes publics, le Sénat devrait vendre, en 2017, plus de cinq millions d'euros de biens immobiliers, ce qui financera en partie les travaux engagés. À l'instar de l'Assemblée nationale, il équilibrerait son budget de 2017 par un prélèvement de 29,3 millions d'euros sur ses disponibilités financières.

La dotation de la chaîne LCP-Assemblée nationale, d'environ 16,6 millions d'euros, est identique à celle de 2015. Quant à la dotation demandée par Public-Sénat, en baisse pour la première fois de 3,2 %, elle s'établit à 18,25 millions d'euros. En vertu du contrat d'objectifs et de moyens signé le 10 décembre 2016, une nouvelle baisse des crédits accordés à Public-Sénat devrait avoir lieu en 2018.

Après sept années consécutives de baisse, la dotation demandée par le Conseil constitutionnel augmente de 4 millions d'euros en 2017, essentiellement en raison des dépenses prévues au titre de l'élection présidentielle, d'un montant de près de deux millions d'euros, soit à peu près autant qu'en 2012. En effet, selon l'article 58 de la Constitution, le Conseil constitutionnel « veille à la régularité de l'élection du Président de la République ».

À cela s'ajouterait une augmentation des dépenses de personnel d'environ 1,5 million d'euros, due aux recrutements effectués par le Conseil. Ont ainsi été recrutés un chargé de mission numérique et un spécialiste de droit comparé ; les effectifs des services juridique et de documentation ont aussi été étoffés, le premier comptant désormais dans ses rangs un administrateur du Sénat en plus d'un administrateur de l'Assemblée nationale et de deux magistrats.

Enfin, les dépenses d'investissement affichent une progression de près de 252 000 euros, correspondant « en particulier à des investissements informatiques et à des travaux inéluctables de remise aux normes de l'entresol du Conseil constitutionnel ». L'enveloppe consacrée aux membres du Conseil constitutionnel reste, quant à elle, presque inchangée.

J'en viens enfin à la Cour de justice de la République qui, conformément à l'article 68-1 de la Constitution, est compétente pour juger les membres du Gouvernement pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions. Le budget prévisionnel de la Cour s'élève à 861 500 euros, comme en 2016.

Je vous propose l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

M. Jean-Claude Requier. - Le Sénat fait des efforts pour augmenter ses recettes, comme j'ai pu le constater au sein de la commission de contrôle des comptes. Des espaces du jardin sont loués à des entreprises ou pour des tournages. La recherche de recettes complémentaires me semble être de bonne politique. Le jardin du Luxembourg, mis à la disposition des Parisiens et des touristes, coûte 12 millions d'euros : c'est une contribution du Sénat.

M. André Gattolin. - Comment comprendre qu'une assemblée souveraine élue au suffrage universel, direct ou indirect, ne débatte pas de son budget en séance plénière ? C'est ce que je réclame au Sénat depuis des années, et c'est ce qui se pratique dans de nombreux pays. Cette absence de transparence est incompréhensible dans une assemblée démocratique.

Mme Michèle André, présidente. - La dotation du Sénat fait partie de la mission « Pouvoirs publics » qui est examinée en séance publique. Quant au budget des assemblées, il est approuvé par leur Bureau, sur proposition des questeurs.

M. Michel Bouvard. - Nous disposons du « bleu » budgétaire, et pouvons déposer des amendements !

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

La réunion est levée à 18 h 40.

Jeudi 3 novembre 2016

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Loi de finances pour 2017 - Mission « Aide publique au développement » et compte de concours financiers (CCF) « Prêts à des États étrangers » - Examen du rapport spécial

La réunion est ouverte à 10 h 35.

La commission examine tout d'abord le rapport de Mme Fabienne Keller et M. Yvon Collin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement » et sur le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Avant de vous présenter les moyens consacrés à la politique d'aide publique au développement en 2017, je souhaitais rappeler succinctement les évolutions de l'aide internationale, marquées par la crise migratoire, et dresser un premier bilan du quinquennat qui s'achève.

Tout d'abord, l'aide publique au développement (APD) connaît une hausse importante au niveau international, notamment du fait des dépenses en faveur des réfugiés.

L'APD de 2015 - dernière année pour laquelle nous disposons de chiffres - est marquée par le poids des dépenses en faveur des réfugiés, qui, sous certaines conditions, peuvent être comptabilisées comme de l'aide. En une seule année, ces dépenses ont plus que doublé. En Allemagne, la hausse est de 2,8 milliards de dollars, soit une multiplication par dix-sept ! En Italie, l'aide en faveur des réfugiés représente désormais plus du quart des dépenses totales.

La progression importante de l'aide de l'ensemble des pays donateurs, qui atteint un niveau record de 132 milliards de dollars, soit une hausse de 7 % en un an, tient pour une bonne part à ces évolutions.

Dans ce contexte, la France se démarque par une baisse de ses dépenses en faveur des réfugiés et par une hausse modérée de son aide, de 2,8 %. Dans le même temps, l'APD allemande augmente de 26 % et celle de la Grèce de 39 %.

Ainsi, notre pays occupe la cinquième place parmi les pays donateurs en volume, mais la onzième place en pourcentage du revenu national brut (RNB), avec une aide de 0,37 %. Elle se fait distancer par l'Allemagne - à 0,52 % -, qui était encore classée derrière la France en 2013.

À cet égard, il ne vous aura pas échappé qu'Angela Merkel a récemment effectué une tournée diplomatique au Mali, au Niger et en Éthiopie et reçu les présidents tchadien et nigérian. L'Allemagne croit au développement et y voit sans doute une part de la réponse à la crise migratoire, de même qu'un outil pouvant bénéficier à son industrie. La France devrait sans doute s'inspirer de cet exemple. Mais tel n'a pas été le cas durant le quinquennat qui s'achève, dont je voudrais maintenant dresser le bilan.

En effet, l'aide française est en baisse : un milliard d'euros en moins pour le développement sur le quinquennat.

Loin de la tendance allemande, l'aide française a fortement décru au cours des dernières années. Ce constat se vérifie que l'on prenne en compte l'agrégat de l'OCDE
- passé de 0,45 % en 2012 à 0,37 % aujourd'hui - ou les ressources financières consacrées à cette politique, dont vous trouverez l'évolution depuis 2007 dans la note de présentation qui vous a été distribuée.

La tendance est simple : une baisse continue par rapport au niveau de 2012, encore aggravée en exécution. Le budget 2016 a permis d'inverser cette courbe - passez-moi l'expression -, à l'initiative du Parlement, puisque le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement prévoyait d'accentuer encore la baisse. Le budget 2017 devrait confirmer cette tendance à la hausse, même s'il existe un risque élevé de voir le montant qui vous est présenté « raboté », lorsque l'Assemblée nationale examinera la mission en séance.

Quoi qu'il en soit, cette inversion est tardive et ne suffit pas à occulter les années de baisse. Quand on compare les dépenses réalisées chaque année entre 2013 et 2016 à la moyenne des dépenses exécutées entre 2007 et 2012, on constate que le bilan du quinquennat de l'actuel Président de la République se résume à une perte d'un milliard d'euros pour le développement.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Je partage les regrets de Fabienne Keller quant au sort qui a pu être réservé aux crédits de cette politique, mais je voudrais souligner que la tendance s'est véritablement inversée.

En loi de finances pour 2016, les crédits étaient en hausse de 100 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Cette année, le projet de loi de finances nous propose une nouvelle augmentation de 133 millions d'euros.

Le budget pour 2017 prévoit notamment une augmentation des moyens de l'Agence française de développement (AFD), qu'il s'agisse des prêts ou des dons. Les crédits destinés à bonifier les prêts sont en hausse de 80 millions d'euros, en ligne avec l'objectif assigné à l'Agence d'accorder 12,5 milliards d'euros de prêts chaque année à compter de 2020, contre 9 milliards d'euros aujourd'hui. S'agissant des dons, l'enveloppe progresse de 30 millions d'euros.

On peut également souligner qu'en 2017, les subventions aux organisations non gouvernementales (ONG) atteindront 90 millions d'euros, soit le double du montant qui leur était consacré 2012. Ainsi, l'engagement du Président de la République de multiplier par deux ce canal de financement sur l'ensemble du quinquennat a bien été respecté.

Par ailleurs, la contribution de la France au Haut-commissariat pour les réfugiés avait exceptionnellement augmenté de 50 millions d'euros l'an dernier. Cette augmentation est maintenue.

Enfin, le montant des crédits demandés au titre du Fonds européen de développement (FED) progresse de 42 millions d'euros, du fait d'appels à contribution de la Commission européenne supérieurs à ceux des années précédentes.

En outre, nos collègues députés ont choisi d'aller au-delà de cette progression de 133 millions d'euros, en affectant 270 millions d'euros à l'AFD, à partir du produit de la taxe sur les transactions financières. La hausse serait alors de 400 millions d'euros par rapport à l'an dernier et le budget 2017 serait supérieur de 100 millions d'euros à celui de 2012.

Cependant, cette affectation est doublement menacée.

D'une part, le Gouvernement pourrait être tenté - comme il l'a fait l'an dernier - de revenir, au moins partiellement, sur le montant affecté. À ce stade, seule la première partie du projet de loi de finances a été examinée à l'Assemblée nationale et la position du Gouvernement sur les crédits de la mission n'est pas encore connue.

D'autre part, le Gouvernement souhaiterait affecter ce montant au Fonds de solidarité pour le développement (FSD), qui finance essentiellement de l'aide multilatérale, plutôt qu'à l'AFD, qui offre pourtant une visibilité bien plus grande à notre aide. Vous l'aurez compris, notre préférence va à une affectation directe à l'AFD, qui permettrait par exemple de mettre en place la facilité consacrée aux pays en crise proposée par nos collègues Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Je souligne, à ce propos, que le Gouvernement est en train de contourner la décision prise par le Parlement, l'an dernier, d'affecter 270 millions d'euros à l'AFD, en transférant ce montant au FSD. Qui plus est, cette enveloppe s'est essentiellement substituée à des crédits budgétaires. En définitive, la décision du Parlement n'aura eu pour conséquence que d'augmenter de 20 millions d'euros les aides budgétaires globales, qui ne sont pas gérées par l'AFD.

Je souhaitais, enfin, faire un point sur les annulations de dette. En 2017, la France annulera 330 millions d'euros de dettes multilatérales auprès de diverses institutions internationales, auxquels s'ajoutent 50 millions d'euros de contrats de développement et de désendettement.

Ces chiffres sont modestes par rapport aux années précédentes et correspondent à une tendance internationale : les annulations de dette ne représentent plus que 0,2 % de l'APD totale, après en avoir représenté jusqu'à 20 % en 2005. Nous assistons à la fin du grand mouvement de désendettement lancé au milieu des années 1990. Ces initiatives semblent avoir permis de desserrer la contrainte budgétaire qui pesait sur les pays concernés pour leur permettre de se concentrer sur leur développement. Mais l'objectif d'une dette soutenable dans la durée n'est que partiellement satisfait et la perspective que certains pays replongent dans le surendettement n'est pas écartée.

Dernier sujet que je souhaitais aborder : le renforcement des fonds propres de l'AFD. Comme nous vous l'avons exposé à plusieurs reprises, les fonds propres de l'Agence doivent être renforcés pour lui permettre de poursuivre son activité à son niveau actuel et, a fortiori, pour respecter l'objectif de hausse qui lui a été assigné. Le présent projet de loi de finances prévoit, comme en 2015 et 2016, de convertir une créance de l'État vis-à-vis de l'AFD en obligations perpétuelles, ce qui améliorera ses ratios financiers. Mais l'essentiel de cette opération devrait se faire dans le projet de loi de finances rectificative, que nous examinerons bientôt. En tout état de cause, le renforcement des fonds propres de l'Agence suit son cours, ce dont nous nous félicitons.

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Avant de conclure, quelques mots sur le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), sur lequel nous vous avons présenté un rapport détaillé en avril dernier, comprenant notamment des comparaisons avec l'Italie et l'Allemagne.

À notre initiative, le rapprochement a été introduit dans le projet de loi « Sapin 2 » et suit son cours, même si sa forme en est très atténuée par rapport au projet initial, qui prévoyait une intégration de l'AFD dans la grande maison qu'est la CDC. Les derniers mois ont été mis à profit pour renforcer les liens entre ces deux institutions financières, tant au niveau des directions générales que des équipes.

Une convention devrait être signée début décembre et permettra notamment d'aligner les stratégies, de prévoir des échanges de personnels, voire de mutualiser les réseaux. Enfin, le fonds de 500 millions d'euros évoqué l'an dernier, qui est destiné à financer des projets d'infrastructures en Afrique et sera copiloté par la CDC et l'AFD, devrait se concrétiser.

En conclusion, c'est pour l'ensemble de ces raisons que nous vous invitons à proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.

M. Michel Bouvard. - Je souhaite intervenir sur les deux derniers points qui viennent d'être évoqués par nos rapporteurs spéciaux.

Le Président de la République avait annoncé, à l'occasion du bicentenaire de la Caisse des dépôts et consignations, un projet d'intégration entre l'AFD et la CDC. Faute d'adhésion au modèle qui aurait consisté à créer, au sein de la Caisse, un troisième pilier, à côté de la section générale et de la section du fonds d'épargne, le projet se révèle finalement plus modeste et je dois d'ailleurs dire qu'il n'aurait même pas pu voir le jour sans la détermination de nos rapporteurs spéciaux.

À ce stade, j'ai trois interrogations.

Les rapporteurs spéciaux nous indiquent que la convention entre l'AFD et la CDC devrait être signée en décembre, mais sera-t-elle soumise à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts ?

Le besoin en fonds propres de l'AFD est estimé à 2,5 milliards d'euros d'ici à 2020. Quel est l'échéancier de mise en place de ces fonds ? Surtout, cette enveloppe est-elle basée sur le périmètre actuel des engagements de l'Agence ou sur une projection incluant ses interventions futures et les ambitions qu'elle est censée porter ?

Enfin, le projet d'intégration de l'AFD ne correspondait pas seulement à un besoin de recapitalisation, il visait aussi à éviter que cet outil, qui relève de la souveraineté nationale, se retrouve sous le contrôle de l'autorité européenne de régulation basée à Francfort. Où en est-on de ce point de vue ?

M. Marc Laménie. - Les rapporteurs spéciaux peuvent-ils nous donner des précisions sur le statut juridique, la gouvernance et le nombre d'employés de l'AFD ? De la même manière, quel est le rôle d'Expertise France dans ce schéma ?

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Comme le relève Michel Bouvard, nous sommes en effet très loin du projet initial de rapprochement, avec une AFD complètement intégrée à la CDC, dont elle constituerait le troisième pilier. Cette solution demandait d'importantes modifications législatives et il aurait fallu définir la responsabilité de chaque entité par rapport aux créances de l'autre. C'est pourquoi une version allégée a été retenue, qui met en oeuvre une convention entre les deux institutions. L'augmentation des fonds propres vise à résoudre le problème de la limite d'intervention de l'AFD dans certains pays, où elle a atteint le plafond d'encours possibles, mais le volume prévu devrait aussi lui permettre de faire face à l'augmentation de ses engagements. Nous devrons vérifier cela lors des débats sur le projet de loi de finances rectificative.

Plus généralement, l'AFD est un établissement public industriel et commercial, dont Yvon Collin et moi-même sommes d'ailleurs membres du conseil d'administration. Elle a par ailleurs le statut d'établissement de crédit mais devrait prochainement se transformer en une société de financement, qui relèvera par conséquent du contrôle prudentiel de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et non plus de l'autorité européenne. L'objectif est que ce changement de statut soit opérationnel au premier semestre 2017.

M. Michel Bouvard. - Nous échappons donc au contrôle européen ?

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Oui. Cela dit, les règles prudentielles sont les mêmes, que l'organisme financier soit contrôlé au niveau national ou européen. Mais il est vrai que l'AFD est un établissement particulier du fait de son champ d'intervention et des objectifs qu'elle poursuit, et qu'il est juste qu'elle soit placée sous contrôle national.

Marc Laménie m'interroge sur la gouvernance de l'AFD : l'État y joue un rôle très important. Nous avons rencontré le nouveau directeur général et avons passé en revue les questions qui se posent, notamment en termes de pilotage des objectifs, l'augmentation souhaitée des encours devant aller de pair avec la mise en oeuvre des projets concernés. L'Agence devra en particulier être attentive au suivi des pays les plus fragiles : il est plus facile d'augmenter massivement les encours dans les pays émergents, et répondre ainsi aux objectifs affichés, que de s'engager fortement dans ceux qui ont peut-être des besoins plus importants.

M. Maurice Vincent. - Je souhaite également remercier les rapporteurs pour leur travail, notamment en ce qui concerne le projet de rapprochement entre l'AFD et la CDC. L'examen de la convention mentionnée n'est pas encore prévu à l'ordre du jour de la commission de surveillance, mais je pense que cet examen est nécessaire, et je ne doute pas qu'il sera conduit.

Même si le processus se révèle plus complexe que prévu, le rapprochement entre les deux organismes me semble très positif. Nous avançons dans la bonne direction mais devrons rester attentifs au bon déroulement des étapes à venir, tant dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative que pour celles qui interviendront après les élections de 2017...

En tout cas, l'orientation choisie doit permettre à la France de mettre en place une meilleure capacité d'intervention à l'international, ce que j'appelle de mes voeux.

M. Daniel Raoul. - À la lecture de la note de présentation qui nous a été distribuée, il me semble que les rapporteurs spéciaux pourraient indiquer, comme le montrent les différents graphiques, que les dépenses d'APD n'ont pas seulement diminué durant le quinquennat, mais bien depuis 2011.

Vous proposez d'adopter les crédits de la mission et du compte spécial. Cela concerne-t-il la version qui devrait être adoptée par l'Assemblée nationale ou celle du projet de loi initial ?

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Nous votons ici sur les crédits de la mission, qui n'ont pas encore été examinés en séance par l'Assemblée nationale. S'ils devaient être modifiés, nous modifierons éventuellement notre position. Nous pourrons faire le point le 24 novembre, lors de l'examen définitif de l'équilibre des missions. Par ailleurs, nous sommes favorables à la proposition de l'Assemblée nationale d'affecter 270 millions d'euros à l'AFD. Je vous rappelle cependant qu'en 2016, le Parlement avait voté une augmentation de même montant, qui se soldera finalement, en exécution, par un montant de 20 millions d'euros seulement...

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Il est vrai qu'il est encore un peu tôt pour savoir ce que décidera finalement l'Assemblée nationale, mais nous ne voulons pas que ce qu'il s'est passé en 2016 se reproduise en 2017 !

Je précise, pour compléter la réponse de Fabienne Keller, que l'AFD emploie environ 1 800 personnes, dont 1 200 recrutées par contrat en France métropolitaine et 600 environ en contrat local. Plus de 700 personnes sont en poste en agence à l'étranger ou en outre-mer.

Le rapprochement entre les deux structures vise aussi à créer des synergies entre les réseaux de la CDC et ceux de l'AFD. Ainsi, l'Agence pourra bénéficier du réseau de la Caisse des dépôts en France, ce qui doit permettre de mieux travailler avec les collectivités territoriales qui mettent en oeuvre des actions de développement via la coopération décentralisée. Et à l'étranger, nous pourrons nous appuyer sur un « pavillon France » pour être collectivement plus efficaces.

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Pour répondre à la remarque de Daniel Raoul, nous pourrions tout à fait modifier la formulation du rapport, mais il y a une logique à faire le bilan du quinquennat.

De ce point de vue, je rappelle que l'aide publique au développement française atteint 0,36 % du RNB, soit la moitié du taux des Britanniques... Nous sommes loin du compte ! Je signale d'ailleurs qu'au Royaume-Uni, il existe un consensus politique très large sur la nécessité d'obtenir ce niveau d'APD. Nous pourrions nous en inspirer !

Alors que nous sommes confrontés à la question des migrations, si nous n'accompagnons pas les pays du sud, dont la démographie va doubler en trente ans, nous ne pourrons pas limiter la pression à long terme. Car même si le revenu global de ces pays augmente, le revenu par personne est appelé à diminuer, ce qui aggravera le phénomène. Nous devons donc nous engager pour demain ! C'est en favorisant le développement endogène que l'on contiendra la pression migratoire.

M. Claude Raynal. - Vous nous dites que l'Allemagne fait plus que la France, mais la France est un pays qui cherche à rééquilibrer ses comptes, pas l'Allemagne. On ne peut donc pas les comparer aussi facilement. Pour redresser les comptes, il faut trouver des économies. Si ce n'est sur telle politique publique, ce sera sur telle autre. Laquelle ?

J'ajoute que la France fournit un effort de défense considérable, qui profite à l'Europe, ce qui n'est pas le cas de l'Allemagne, dont il n'est pas illogique que l'effort en matière d'aide au développement soit plus important. Les choses doivent être considérées dans leur ensemble. Dans la période compliquée que nous traversons, chacun doit prendre sa part !

Mme Michèle André, présidente. - Le rapport qui vient de nous être présenté fait apparaître combien il est important de mettre en lumière les évolutions démographiques dans le monde. Il me semble que notre commission pourrait tenter, peut-être au début de 2017, après cette période chargée, de porter un regard prospectif sur ces évolutions, afin d'éclairer les grands enjeux d'avenir.

Dans le cadre de mes travaux à l'Assemblée parlementaire de la francophonie, j'ai été frappée du nombre important d'enfants qui, en Afrique, ne sont pas déclarés à l'état civil dans leur propre pays et se trouvent de ce fait, au sens strict, sans papiers. C'est un phénomène inquiétant.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Cette proposition est tout à fait pertinente et des auditions pourraient nous apporter des éclairages fort utiles. Je rappelle que, dans le cadre de la délégation à la prospective du Sénat, j'ai publié, en 2012, un rapport sur le défi alimentaire à l'horizon 2050, qui abordait déjà un certain nombre de ces questions.

Je reviens à une question qui nous a été posée tout à l'heure, relative à la saisine de la commission de surveillance sur la convention entre l'AFD et la CDC. À notre initiative, la rédaction de l'article 52 bis de la loi « Sapin 2 » précise explicitement que la commission de surveillance doit rendre un avis à ce sujet. Vous voyez que nous n'avons rien oublié !

Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Certes, comme le rappelle Claude Raynal, l'heure est aux économies budgétaires, mais je signale tout de même que, parmi les missions de l'État, c'est l'aide publique au développement qui a le plus diminué en 2015. Or, je ne suis pas certaine que cela constitue réellement une économie, car l'aide au développement est bien plutôt un investissement. L'argument du redressement budgétaire n'est pas recevable ; soyons-y attentifs : les budgets qui concernent le long terme sont toujours les plus pénalisés dans ces périodes...

Dans notre rapport de l'an passé, nous avons mis en avant le fait que l'Allemagne déploie une aide technique très importante, considérablement supérieure à la nôtre, et est attentive aux synergies qui peuvent exister avec l'industrie. Le modèle de l'Agence allemande de coopération technique, la GiZ, est, de ce point de vue, très bien pensé. Les études n'y sont pas sous-traitées ; elles sont produites en interne, et fort bien adaptées, ce faisant, aux capacités de réponse industrielle allemandes. Ainsi, l'aide au développement peut aussi se concevoir comme un outil d'accompagnement pour d'autres politiques.

Comme la présidente de la commission, je crois que nous devons nous placer dans la perspective démographique et je signale, à mon tour, un intéressant rapport de la délégation à la prospective, celui de Jean-Pierre Sueur relatif aux villes du futur, qui apporte de précieux enseignements sur les phénomènes de concentration urbaine.

Enfin, je rejoins également Michèle André sur le problème des enfants sans identité. Alors qu'on a l'image d'une société africaine inclusive, dans laquelle les solidarités familiales jouent à plein, nous avons été frappés, lors d'un déplacement à Dakar, par le nombre des enfants dans cette situation. Croiser les différents regards et les grandes tendances, y compris dans les pays émergents, doit aussi nous aider à rester pleinement présents dans le jeu économique. La force inertielle de la démographie est telle qu'elle permet de prévoir ce qu'il en sera en 2050. Voyez le problème que cela pose à l'Allemagne...

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - La remarque de Fabienne Keller sur l'importance de l'aide technique en Allemagne rejoint une question - qui ne nous a pas été posée cette année... -, celle de l'aide liée. L'idée étant que les entreprises françaises puissent bénéficier de l'aide au développement consentie par la France. Or, le principe veut que l'aide ne soit pas liée, à l'exception de certains dispositifs très concessionnels et limités. Pour autant, cela ne nous interdit pas de réfléchir aux moyens de mieux flécher notre aide, comme le font nos voisins d'outre-Rhin...

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Loi de finances pour 2017 - Mission « Immigration, asile et intégration » - Examen du rapport spécial - Communication sur le plan de création de places en centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA)

Puis, la commission examine le rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, sur la mission « Immigration, asile et intégration » et entend sa communication sur le plan de création de places en centres d'accueil de demandeurs d'asile.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. - Je le dis d'emblée, comme l'année précédente, je ne proposerai pas d'adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Il ne s'agit pas d'ouvrir un débat, qui n'a pas lieu d'être en commission des finances, sur la politique migratoire du Gouvernement, que je désapprouve. Mon désaccord tient plutôt au fait que le Gouvernement ne met pas en place les moyens de sa propre politique ! Comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, je ne comprends pas qu'un gouvernement ne traduise pas sa politique dans son budget.

Or, le nombre de demandeurs d'asile s'accroît considérablement - d'environ 50 000 demandeurs par an en 2010, nous sommes passés à 60 000 en 2014 et leur nombre devrait atteindre 100 000 en 2016 -, mais les moyens de leur accueil ne sont pas assurés. Il eût fallu un programme d'urgence, que je réclame depuis plusieurs années, car ces personnes sont, de fait, présentes sur le territoire. Certes, des efforts sont faits, mais ils ne sont pas à la hauteur de la situation. Au final, on ne peut que constater que le fossé s'élargit encore entre les demandes et les capacités.

Les deux programmes de la mission, 303 et 104, affichent des augmentations de crédits importantes, mais la réalité est plus contrastée. Par exemple, les moyens de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui était financé par des taxes affectées, sont rebudgétisés. Ainsi, à périmètre constant, les crédits de la mission ne progressent pas de 30 %, comme affiché, mais de 14,8 %. Cela reste certes un bel effort, mais qui demeure insuffisant.

Il en va de même avec les centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) : un important programme de construction a bien été lancé depuis 2013, qui devrait aboutir à un total de 40 000 places en 2017, mais il se fait pour partie au détriment des places en hébergement d'urgence. Or, ce système de vases communicants ne peut perdurer alors que le nombre de demandeurs d'asile augmente dans de telles proportions. En outre, étant très loin de disposer du nombre de places d'hébergement nécessaires, l'on est contraint de compenser en puisant dans l'hébergement d'urgence de droit commun, qui relève du programme 177, extérieur à cette mission.

Une politique dite de mise à l'abri a été lancée pour l'évacuation de l'ensemble des campements de France, à Calais et à Paris. Un schéma national de répartition a été adopté ; le raisonnement qui le sous-tend est positif, mais il n'est pas viable.

J'en veux pour preuve la situation de l'Île-de-France. À Stalingrad, le campement, qui a été déjà évacué plusieurs fois cette année, compte aujourd'hui environ 3 000 personnes - qui seront sans doute proches de 4 000 après l'annonce de l'évacuation... On peut donc dire qu'il y aura eu sur place plus de 10 000 personnes en 2016, alors que le nombre de places en CADA est très faible dans la région - et le nombre de places supplémentaires prévues pour l'Île-de-France dans le budget 2017 ne dépasse pas 169 ! Comment prétendre organiser des mises à l'abri à ce compte ? Le Gouvernement envoie les migrants en province, mais on estime qu'une grande partie d'entre eux reviennent très vite en région parisienne. Ils ont en effet noué des liens avec des membres de leur communauté, veulent rester près des organismes qui gèrent leur dossier et des opportunités de travail.

Cela s'apparente à une véritable course poursuite ! On le voit bien, puisque le préfet de région demande à réquisitionner des gymnases ou des bases de loisirs dans telle commune pour quelques mois et le fera dans telle autre pour la période suivante... On comprend que les collectivités soient réticentes... On décale le problème, sans trouver de solution pérenne !

Parallèlement à l'accroissement du nombre de demandeurs d'asile, on observe, comme cela est logique, une forte hausse dans l'attribution du statut de réfugié. Ils devraient être 35 000 en 2016, mais cela laisse entière la question de ceux à qui le statut n'est pas accordé.

Ajoutons à cela que dans le cadre du plan de relocalisation de l'Union européenne, la France n'a accueilli que 2 000 personnes environ, quand 31 000 étaient prévus... qui peuvent à tout moment s'ajouter aux arrivées, pour peu que l'Union européenne, ou l'Allemagne, nous rappelle à nos engagements. Or, nous savons qu'en 2017, on peut s'attendre à l'arrivée de 100 000 à 110 000 demandeurs d'asile, indépendamment des relocalisés.

Au total, je ne conteste pas les efforts qui ont été fournis, mais les moyens ne suivent pas. L'augmentation des crédits reste insuffisante au regard des besoins. Pour la seule région Île-de-France, on consomme 80 millions d'euros du programme 177, qui devraient normalement aller à l'hébergement d'urgence de droit commun.

Le Gouvernement a fait un effort en confiant la gestion de l'allocation pour les demandeurs d'asile (ADA), auparavant gérée par Pôle emploi, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Les dépenses au titre de l'ADA, en 2016, avoisineront 315 millions d'euros. Pour 2017, le budget prévoit 100 millions d'euros de moins, alors que le versement de l'allocation dure au moins le temps d'examen du dossier et que rien ne laisse penser que le nombre de demandeurs baissera... Ce ne sont pas 220 millions d'euros, ni même 315 millions d'euros qu'il aurait fallu prévoir, mais 380 millions d'euros ! Bref, l'insincérité de ce budget est manifeste, et je la dénonce tous les ans. Sans compter que certains crédits sont systématiquement gelés en cours d'année, ce qui est absurde, car les gens sont bel et bien présents sur le territoire.

On pourrait imaginer une diminution des crédits de l'ADA si les procédures étaient raccourcies. Des efforts sont faits : en 2017, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) comptera ainsi 140 équivalents temps plein supplémentaires. La formation de ces agents dure toutefois six mois, et le nombre de demandeurs augmente incomparablement plus vite. En sorte qu'en 2015, le délai moyen d'examen des dossiers était de 215 jours, loin de l'objectif de 90 jours... Le stock de dossiers en instance au 1er juillet 2016 est supérieur à celui constaté en 2015.

Le système du schéma national procède d'un bon principe, mais il ne fonctionne pas. Parce qu'on ne crée pas suffisamment de places en CADA, on siphonne, en recourant à l'hébergement d'urgence de droit commun, les crédits du programme 177.

Quant aux crédits de la lutte contre l'immigration irrégulière, ils ne croissent qu'en apparence, car cette hausse est liée à une enveloppe dédiée à la situation de Calais. Les reconduites à la frontière, ainsi que le Gouvernement le reconnaît lui-même, ont été moins nombreuses en 2015, parce que les forces de police sont massivement mobilisées sur les plans Vigipirate et Sentinelle : elles n'étaient que de 19 000 en 2015, contre 27 000 en 2013.

S'agissant du programme 104 qui, dédié à l'intégration, me tient particulièrement à coeur, les crédits destinés à la formation linguistique et les crédits de l'OFII augmentent faiblement. Le budget total de l'Office atteint 181 millions d'euros, c'est-à-dire moins que ce qui devrait être consommé en 2016, alors que l'on ne cesse de lui demander d'en faire plus. On ne peut simultanément demander à l'OFII d'aider davantage de personnes à s'intégrer et diminuer ses moyens ! L'intégration des migrants demande un personnel dévoué et une vraie vision de la politique migratoire. C'est le cas au ministère de l'intérieur, à l'Ofpra et à l'OFII, mais tous sont soumis à ces contraintes budgétaires. Les créations de postes sont très insuffisantes, de même que celles de places en CADA ou d'hébergement d'urgence. La situation, surtout en Île-de-France, ne peut pas continuer ainsi.

Il y a deux ans, j'avais préconisé d'adopter ces crédits ; l'an dernier, de les rejeter. Je ne peux cette année proposer d'adopter un budget à ce point insincère : prévoir des crédits inférieurs à ce qui a été consommé l'an dernier alors que l'on sait que les besoins vont croissant, ce n'est pas conforme à la politique affichée, et ce n'est pas raisonnable.

Mme Michèle André, présidente. - Les reconduites à la frontière requièrent l'accord des pays concernés. Or, le rapport le précise bien, la question est plus large que celle de la guerre en Syrie. De nombreux migrants viennent par exemple du Soudan, un pays où sévit une effroyable guerre civile, et dont les autorités ne sont pas disposées à conclure de tels accords.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. - En effet, les réfugiés syriens ou irakiens veulent majoritairement se rendre en Allemagne ou dans les pays du Nord. Ceux qui demeurent sur notre territoire proviennent majoritairement des pays africains, comme l'Érythrée, l'Éthiopie, le Soudan ou le Mali, où la situation politique et militaire est pour le moins compliquée.

M. François Patriat. - Je remercie le rapporteur pour son analyse lucide, mais je ne partage pas sa conclusion : rejeter des crédits insuffisants n'est pas une solution !

Je voudrais apporter un témoignage. J'habite en Bourgogne dans un village de 1 600 habitants auquel le Gouvernement a demandé, il y a vingt mois, d'accueillir 80 réfugiés. Les médias se sont empressés de monter le sujet en épingle, attisant les inquiétudes. Mais la municipalité, les associations, les enseignants et les bénévoles ont finalement pris les choses en main et, vingt mois plus tard, l'opération se révèle une réussite. En réalité, le sentiment des populations peut changer très rapidement. La commune accueille toujours une vingtaine de réfugiés, plus jeunes, majoritairement originaires de Syrie et de pays arabes. Nous devrions, avec l'aide des médias, faire connaître de tels exemples d'intégration réussie, et encourager le dialogue pour faciliter les relocalisations.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. - J'ai examiné plusieurs exemples d'installations de réfugiés sur le territoire, il me semble que l'acceptation des populations fait défaut lorsque l'État se contente de réquisitionner un bâtiment public ; lorsqu'en revanche il relocalise les gens dans des communes pourvues de logements vacants ou de centres dédiés, où sont implantées des associations et des réseaux d'accompagnement, les choses sont beaucoup plus simples.

Mme Michèle André, présidente. - En examinant tous les exemples d'accueil sur nos territoires, nous pourrions, sans chercher à mettre de l'huile sur le feu, rassembler une utile documentation des projets d'intégration réussis.

M. Philippe Dallier. - Le rapporteur a eu le courage de s'essayer à chiffrer ce qui relève du programme 177 mais devrait en réalité peser sur les programmes dont il a la charge. Comment ces 80 millions d'euros ont-ils été calculés ?

Entre les demandeurs d'asile, les déboutés et personnes « à droits incomplets » - doux euphémisme -, les places en CADA et d'hébergement d'urgence sont très insuffisantes. Il n'y a pas de chiffre officiel, mais ceux que l'on obtient en parcourant le terrain indiquent que la moitié des bénéficiaires d'un hébergement d'urgence en Île-de-France sont en situation irrégulière. Ils ne peuvent donc pas en sortir, et c'est ainsi que le système arrive à l'embolie.

M. Claude Raynal. - Je remercie à mon tour le rapporteur pour la cohérence de ses rapports, année après année, et l'équilibre de sa présentation, même si je n'en partage pas toutes les conclusions. Il conviendrait même de la diffuser sur les chaînes d'information en continu, où les candidats à la prochaine échéance électorale n'auront que quelques secondes pour exposer leur vision du sujet...

Il faut souligner les progrès réalisés depuis quelques années. Construire de nouvelles places en CADA n'est pas simple : il faut trouver un terrain, obtenir l'accord de la collectivité concernée, la construction elle-même prend du temps... Le Gouvernement fait face à l'urgence, même si beaucoup reste à faire. La question du juste niveau de crédits à budgéter en loi de finances est plus complexe qu'il n'y paraît : il faut répondre aux nécessités, sans créer d'appel d'air.

Nous ne suivrons pas le rapporteur dans sa conclusion. Nous ne pouvons qu'encourager les améliorations, année après année, en constatant les progrès accomplis.

M. Antoine Lefèvre. - Je partage pour ma part l'inquiétude du rapporteur. Ma commune, qui a reçu des réfugiés évacués de la jungle de Calais, ne recevra plus de crédits dans six mois, m'a dit le préfet. Je crains que nous ne puissions faire face.

M. Yannick Botrel. - Je salue à mon tour le travail du rapporteur, même si nous ne saurions partager ses conclusions. Après le démantèlement de la jungle de Calais, chacun a dû prendre sa part. Dans les Côtes-d'Armor, une trentaine de migrants ont été accueillis dans un centre des oeuvres sociales de EDF à Trébeurden, et autant à Trégastel. La population locale s'est inquiétée. Le responsable du Front national au conseil régional a aussitôt entrepris d'échauffer les esprits, en débarquant à la tête d'une cinquantaine de manifestants, mais les soutiens au maire se sont révélés dix fois plus nombreux. De fait, qu'est-ce qu'accueillir quelques dizaines de migrants pour quelques mois dans une station balnéaire qui accueille sans difficulté des milliers de touristes chaque été ? Au demeurant, l'État a pris ses responsabilités en prévoyant, pour répondre aux inquiétudes de l'opinion publique, une surveillance plus appuyée de la gendarmerie.

Dispose-t-on d'éléments, pour alimenter notre réflexion, sur l'intégration des réfugiés au terme de quelques années ?

Mme Marie-France Beaufils. - Ce rapport est très riche. Je partage l'inquiétude qu'il exprime, car chaque année, ces crédits sont insuffisants, alors que la paix dans les pays de provenance des réfugiés est rien moins qu'assurée.

Il y a trois ans, nous avons accueilli dans un foyer de la SNCF 75 migrants dont 35 enfants, et ils y sont toujours ! Je regrette cependant le manque de moyens en faveur de l'apprentissage du français ; lorsque j'en sollicite, on me suggère de prendre sur les crédits de la politique de la ville... On ne pourra pas indéfiniment faire face avec des bouts de ficelle.

Nous avons, nous aussi, reçu des réfugiés évacués de Calais - Soudanais pour la plupart, hormis deux Erythréens. J'espère que les moyens seront au rendez-vous. Sans la participation d'Adoma, ainsi que de bénévoles, nous n'y arriverions pas. Mais le bénévolat, le monde associatif, ne sauraient apporter une solution pérenne, et la fragilité des populations augmente avec le temps. Il n'y a pas d'autre solution que de doter les organismes officiels de moyens à la mesure des enjeux. Ceux prévus pour 2017 sont très insuffisants.

M. Francis Delattre. - Les crédits dédiés à l'aide médicale d'État (AME) devraient être inclus dans cette mission. Leur volume est analogue, environ 800 millions d'euros. L'AME, réservée aux étrangers en situation irrégulière depuis plus de trois mois, bénéficie en réalité à 300 000 personnes, essentiellement des déboutés du droit d'asile, qui obtiennent un droit de tirage en frais médicaux dont l'utilisation n'est pas contrôlée. Les urgences des hôpitaux, prises en otage, font payer la facture à l'assurance maladie. Rattacher ces crédits à la présente mission permettrait à l'appareil d'État qui supervise l'immigration d'identifier précisément la population qui a vraiment besoin de l'AME. Sur les 800 millions d'euros que constitue cette dépense de guichet devenue incontrôlable, seuls 40 millions sont justifiés par la nécessité d'une prise en charge d'urgence.

M. Marc Laménie. - Je salue à mon tour le travail pédagogique du rapporteur sur ce sujet extrêmement sensible. L'Ofpra a bien sûr besoin de moyens humains, tout comme l'OFII. Comment leurs effectifs sont-ils répartis sur le territoire ?

Le rapport indique que les communes ne sollicitent pas suffisamment l'aide qui leur est proposée, sans doute par méconnaissance. Comment améliorer l'utilisation du dispositif ?

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. - Pour répondre à Philippe Dallier, ce chiffre de 80 millions d'euros provient de la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement d'Île-de-France, sur la base des crédits utilisés pour les mises à l'abri : selon elle, 80 % des personnes mises à l'abri relèvent in fine de la demande d'asile. C'est une estimation, mais elle est fiable.

La construction de places en CADA ne prend pas tant de temps : de douze et dix-huit mois entre la décision et leur livraison. Il est en définitive plus facile de créer des places en CADA que de relocaliser des familles dans des communes dépourvues de structures d'accueil et d'accompagnement.

Monsieur Lefèvre, les préfets sont tous dans la même situation : il n'y a plus de crédits et il faut trouver des solutions transitoires, de trois à six mois...

Monsieur Botrel, malgré mon souhait exprimé depuis 2014, on ne sait rien de la qualité de l'intégration des réfugiés. Nous avons même eu beaucoup de mal à obtenir une légère augmentation du niveau de français requis. En tout état de cause, si les cours sont obligatoires, la réussite à l'examen final ne l'est pas...

Madame Beaufils, il faut en effet investir dans l'intégration ; à défaut, le risque est grand de provoquer des réactions de rejet. C'est pourquoi je plaide pour l'augmentation des crédits du programme 104. Je reconnais toutefois que, d'une manière générale, l'arrivée massive de réfugiés fait exploser le système. Les associations elles-mêmes reçoivent moins de crédits, et les reçoivent tardivement - ceux de l'Union européenne, au bout de trois ou quatre ans. Si la commune que vous citez reçoit une population familiale, les réfugiés sont désormais majoritairement des hommes isolés. Or beaucoup de places en CADA ont été conçues pour des familles ou des couples...

Mme Marie-France Beaufils. - Je parlais de la première vague, arrivée il y a trois ans. Les nouveaux arrivants, en provenance de Calais, sont en effet des hommes seuls.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. - Monsieur Delattre, la Cour des comptes analyse les crédits de l'AME conjointement avec ceux des programmes 303, 104 et une partie du programme 177. Je partage votre logique, et je suis sûr que le rapporteur spécial de la mission « Santé » sera un jour écouté ...

Monsieur Laménie, le personnel de l'Ofpra et de l'OFII se trouve là où il existe des CADA, il est nombreux dans les grandes préfectures, où les demandes sont nombreuses. Il est également présent dans les hot spots, en Italie, en Allemagne.

Mme Michèle André, présidente. - Merci à tous pour la qualité de ce débat. Puisse le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes en avoir écho.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Loi de finances pour 2017 - Participation de la France au budget de l'Union européenne (article 27) - Examen du rapport spécial

La commission examine enfin le rapport de M. François Marc, rapporteur spécial, sur la participation de la France au budget de l'Union européenne (article 27).

M. François Marc, rapporteur spécial. - L'examen du prélèvement sur recettes reversé au budget européen répond à un impératif de contrôle démocratique. Il offre également l'occasion d'évoquer l'actualité des sujets budgétaires européens.

L'article 27 du projet de loi de finances pour 2017 évalue le montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne à 19,1 milliards d'euros. Ce montant intègre, à titre exceptionnel, la participation de la France au financement, à hauteur de 136 millions d'euros, de la « facilité en faveur des réfugiés en Turquie ». En vertu de la déclaration des chefs d'État et de gouvernement du 29 novembre 2015, l'Union européenne s'est en effet engagée à verser 3 milliards d'euros pour apporter une aide humanitaire et un soutien matériel aux réfugiés présents sur le sol turc, dont 1 milliard d'euros financé par le budget européen et 2 milliards d'euros par des contributions des États membres. La participation de la France, calculée en fonction de son poids dans le revenu national brut, s'élève à 309 millions d'euros sur la période 2016-2018.

Au total, si l'on ajoute les ressources propres traditionnelles que sont les droits de douane et les cotisations sur le sucre, versées directement au budget européen, la contribution de la France devrait donc s'élever à 20,9 milliards d'euros en 2017. Notre pays demeurerait ainsi le deuxième contributeur net, derrière l'Allemagne, et le premier contributeur, à hauteur de 26 %, soit 1,38 milliard d'euros, au mécanisme de correction britannique. La France est également le premier État membre, devant l'Espagne, à bénéficier de « retours » du budget européen puisque 14,5 milliards d'euros ont été dépensés en France en 2015, soit 11,1 % du budget total de l'Union européenne. 

Cela étant, le niveau du prélèvement sur recettes prévu en 2017, inférieur de 5,4 % à la prévision pour 2016 et de 3,0 % à l'exécution 2015, est anormalement bas. Par rapport au montant inscrit dans la loi de programmation des finances publiques 2014-2019, l'écart est de 1,4 milliard d'euros. Cette situation s'explique par le faible montant de crédits de paiement retenu par la Commission européenne dans le cadre du projet de budget pour 2017, en baisse de 6,2 % par rapport à 2016. En effet, le démarrage des programmes de la politique de cohésion de la période 2014-2020 se révèle plus lent que prévu, ce qui a conduit la Commission européenne à proposer, pour ces fonds, un montant de crédits de paiement inférieur de 23 % au montant inscrit en 2016.

Après avoir rencontré une pénurie de crédits de paiement en 2013 et en 2014, l'Union européenne est donc aujourd'hui confrontée à une sous-exécution des fonds européens structurels et d'investissement (FESI). L'explication principale réside dans la complexité et la rigidité des procédures de gestion de ces fonds. En premier lieu, le rythme d'adoption des programmes opérationnels, auxquels sont adossés les crédits des fonds structurels, est lent. Or la validation de ces programmes par la Commission européenne est nécessaire pour que l'autorité de gestion puisse engager des dépenses. Je relève que la complexité des procédures a été accrue par la régionalisation de la gestion de certains fonds : nous avions 36 programmes opérationnels durant la précédente programmation, nous en avons à présent 53. En second lieu, le remboursement par la Commission européenne des dépenses engagées n'est possible qu'après la désignation officielle de l'autorité de gestion. Or le processus d'audit de désignation est relativement long. En France, le taux de désignation des autorités de gestion des fonds structurels atteignait près de 60 % fin août 2016, soit un résultat supérieur à la moyenne européenne. En revanche, il n'était que de 39 % en Allemagne et de 36 % en Italie à la même date.

De toute évidence, les règles de mise en oeuvre des fonds de la politique de cohésion gagneraient à être simplifiées. La Commission européenne a d'ailleurs proposé récemment une révision du règlement financier.

Enfin, compte tenu de cette situation, le « reste à liquider » devrait continuer de croître en 2017 pour atteindre 251,6 milliards d'euros en fin d'année, soit une hausse de 16 % par rapport à la fin 2015. En guise de comparaison, le budget annuel de l'Union européenne s'élève à 140 milliards d'euros en crédits de paiement...

Un mot sur deux sujets d'actualité que sont la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2014-2020 et les conséquences du « Brexit » sur le budget européen.

Le 14 septembre 2016, la Commission européenne a présenté une communication et un ensemble de propositions législatives en vue de réviser le cadre financier pour la période 2014-2020, conformément à une demande constante du Parlement européen. Trois points positifs sont à retenir de cet ensemble de propositions. D'abord, des priorités politiques claires sont définies : en faveur de la croissance et de l'emploi d'une part, de la gestion de la crise migratoire d'autre part. Ces priorités bénéficieraient de 3,8 milliards d'euros de crédits d'engagement supplémentaires entre 2017 et 2020.

Ensuite, la décision d'accorder davantage de moyens financiers aux programmes et aux instruments qui ont déjà fait leurs preuves pour soutenir l'investissement est une bonne approche - je pense en particulier au programme européen pour la compétitivité des petites et moyennes entreprises, COSME, dont j'ai pu constater les résultats positifs en juillet dernier dans le cadre d'un contrôle budgétaire.

Enfin, la proposition de révision du cadre financier pluriannuel répond au besoin d'adapter le budget européen aux nouveaux défis auxquels l'Union européenne est confrontée, en renforçant sa flexibilité et en améliorant sa réactivité. Pour ce faire, il est proposé de doubler la capacité de certains instruments spéciaux et de créer une nouvelle réserve de crise de l'Union européenne, qui serait financée par les crédits dégagés d'office, c'est-à-dire les crédits non consommés deux ans après leur engagement.

Un bémol toutefois : selon les estimations de la direction du budget, cet ensemble de propositions, et plus particulièrement la comptabilisation des instruments spéciaux au-delà des plafonds du cadre financier, pourrait entraîner une hausse de 10,5 milliards d'euros, au maximum, du montant des contributions nationales d'ici 2020.

Enfin, les conséquences budgétaires de la sortie officielle - dont nous attendons notification - du Royaume-Uni, sont entourées de nombreuses incertitudes, le Royaume-Uni étant l'un des principaux contributeurs nets au budget européen. La dépréciation de la livre sterling d'environ 15 % a déjà entraîné, en 2016, un manque à gagner estimé à 1,8 milliard d'euros pour le budget européen. La Commission européenne a, en conséquence, provisionné 1,1 milliard d'euros d'amendes mais il existe toujours un risque de report négatif sur le budget 2017. Bien que les effets de change puissent parfois jouer en faveur du budget européen, il est très surprenant qu'aucun mécanisme spécifique n'ait été prévu pour se prémunir contre les risques de change entre l'euro et la livre sterling. Un tel mécanisme devra être mis en place à l'avenir.

Sous réserve de ces différentes observations, je recommande à la commission l'adoption, sans modification, de l'article 27 du projet de loi de finances pour 2017.

Mme Michèle André, présidente. - Nous aurions en effet intérêt à étudier les conséquences du Brexit sous l'angle monétaire. Par ailleurs, je suis informée à l'instant que la Haute Cour de justice de Londres a rendu un arrêt dans lequel elle estime que l'accord du Parlement sera nécessaire pour notifier le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

M. André Gattolin. - La commission des affaires européennes, dont je suis membre, gagnerait à prendre connaissance de ce rapport. La décision de la Haute Cour de justice britannique n'est pas encore définitive, puisque c'est à la Cour suprême qu'il reviendra de trancher, mais il reste qu'elle engage à prendre au sérieux le bruit qui court à Londres, y compris au plus haut niveau ministériel, d'une possible remise en cause du Brexit.

Le cadre pluriannuel sur lequel se fonde le budget européen est établi sur sept ans. C'est aberrant, et profondément antidémocratique, dès lors que le mandat du Parlement européen, de même que celui de la Commission européenne, est de cinq ans. Par chance, le Parlement européen qui sera élu en 2019 pourra donner son avis sur le prochain cadre pluriannuel, qui débutera en 2021, mais tel n'a pas été le cas du Parlement élu en 2014, qui n'a pas eu son mot à dire.

La procédure d'attribution des fonds de cohésion et des fonds structurels demande, il est vrai, plusieurs années. Pourtant, on constate, avec le plan européen pour l'investissement, dit « plan Juncker », que les choses peuvent aller plus vite. On peut certes attribuer les retards constatés au transfert de l'autorité de gestion aux régions, en France, de certains programmes, mais au-delà, je me demande si la Commission ne joue pas des retards de mise en oeuvre pour procéder à des réattributions de crédits, comme le permettent les règles de fongibilité dans le cadre de la programmation financière 2014-2020. Les responsables de la présidence luxembourgeoise s'inquiètent d'ailleurs beaucoup de sa révision à mi-parcours, dans la mesure où ce qui a été décidé en faveur des migrants et dans le cadre des accords avec la Turquie intervient à budget constant. Si bien que les réorganisations structurelles qui avaient été prévues dans ce cadre pluriannuel pourraient bien rester lettre morte.

Plusieurs pays, comme l'Italie, l'Autriche, la Belgique, la Slovénie, la Finlande, ont argué des dépenses supplémentaires liées à la lutte contre le terrorisme et au renforcement des frontières européennes pour faire jouer la clause de flexibilité du volet correctif du pacte de stabilité et de croissance, qui permet d'exclure les dépenses inhabituelles et indépendantes de la volonté des États, et ayant des effets sensibles sur leur situation financière, du déficit au sens de Maastricht. La France n'a pas, pour l'heure, fait de même. Ne pourrait-on pourtant considérer que 100 millions à 150 millions d'euros de nos dépenses supplémentaires mériteraient d'être exclues du calcul de notre déficit ?

M. Claude Raynal. - Le reste à liquider atteint, ainsi que l'a souligné notre rapporteur spécial, plus d'une année d'exercice. Ce n'est pas rien. Faut-il voir dans ce retard le simple effet de faiblesses administratives ou une volonté de freiner les dépenses pour faire face à d'éventuelles dépenses d'urgence ?

Le contrecoup sur le budget européen de la dépréciation de la livre sterling a de quoi étonner. Comme bien d'autres, je croyais, naïvement, que le budget européen étant libellé en euros, il revenait aux monnaies nationales de s'y ajuster. Je découvre que tel n'est pas le cas. Peut-on en savoir un peu plus sur le mécanisme de conversion ? J'avoue que je le comprends d'autant plus mal qu'il me semblerait logique que le Royaume-Uni, étant à l'origine de la dépréciation de sa monnaie, en paye le prix.

Vous nous rappelez, enfin, que la France reste le premier financeur du « chèque britannique ». Dans l'attente d'un accord sur les modalités du Brexit, ne serait-il pas bon que ces sommes restent en réserve, sans être distribuées ?

M. Michel Bouvard. - La dépréciation de la livre coûtera 1,8 milliard d'euros au budget européen, avez-vous rappelé. Mais le même effet joue-t-il, à l'inverse, sur le remboursement du chèque britannique, auquel la France contribue, ainsi que vous l'avez rappelé, pour 26 %, soit 1,38 milliard d'euros ?

S'agissant des retards de consommation des fonds structurels et d'investissement, ceux qui concernent le Fond européen agricole pour le développement rural (FEADER) ne tiennent pas tant aux régions, devenues autorités de gestion, qu'aux défaillances du logiciel Osiris, qui bloquent les capacités de paiement. Où en est-on ? Ne serait-il pas utile que notre commission se manifeste sur le sujet ?

Toujours sur les autorités de gestion régionales, a-t-on tiré les enseignements de l'expérimentation de la gestion décentralisée des fonds menée en Alsace ?

Une question, enfin, sur la facilité en faveur des réfugiés en Turquie : s'est-on donné les moyens de s'assurer que tous les réfugiés en provenance de Syrie en bénéficient, y compris les réfugiés kurdes ?

M. Éric Doligé. - Pour remédier au problème de conversion entre la livre sterling et l'euro, il serait judicieux, avez-vous indiqué, de prévoir un mécanisme de prévention des risques de change. Mais on ne peut se couvrir que pour l'avenir. Or, y a-t-il un avenir en la matière, puisque le Royaume-Uni va sortir de l'Union ?

M. Claude Raynal. - En théorie...

Mme Michèle André, présidente. - Une remarque sur la question des autorités de gestion régionales des fonds structurels : l'Auvergne avait également fait partie de l'expérimentation, et l'évaluation avait montré des résultats intéressants.

M. Michel Bouvard. - N'oublions pas qu'avec la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale (NOTRe), les régions sont responsables en cas de mauvaise affectation de ces crédits, ce qui porte à la prudence.

Mme Michèle André, présidente. - Il reste que quelle que soit l'administration gestionnaire, nous avons, en France, des marges de progression pour être pleinement opérationnels.

M. François Marc, rapporteur spécial. - À Éric Doligé, je précise qu'il ne s'agit pas seulement de se prémunir contre les risques de change sur la livre sterling, mais aussi contre d'autres risques, dans une Europe à vingt-sept. D'où l'utilité d'un mécanisme d'anticipation.

Pour répondre à Claude Raynal, j'indique que dans le processus de conversion, le taux retenu est celui du 31 décembre de l'année précédente. Si bien que toutes les opérations de l'année se fondent sur cette valeur historique et non pas sur une valeur à l'instant t. C'est ainsi que la dépréciation de 15 % de la livre sterling produit un manque à gagner considérable.

André Gattolin souligne toutes les incertitudes qui pèsent sur le Brexit. De multiples questions se posent en effet, ainsi que je le rappelle dans mon rapport. À quoi s'ajoutent, il est vrai, les interrogations que suscite la décision du tribunal londonien, en cours d'appel.

Les difficultés que soulève une programmation financière pluriannuelle sur sept ans sont réelles, et le Parlement européen n'a pas manqué d'ouvrir le débat. Une programmation sur cinq ans serait, de fait, plus en phase avec le mandat des élus, mais on entend aussi dire qu'une modification serait fort complexe...

Je n'ai pas le sentiment que les réaffectations de crédits au sein du budget européen soient massives. Je rappelle que la Commission européenne préconise de dégager 3,8 milliards d'euros supplémentaires pour les actions en faveur des réfugiés et la croissance.

M. André Gattolin. - Mais parle-t-on de 3,8 milliards d'euros supplémentaires par rapport au budget initial, ou s'agit-il de transferts ?

M. François Marc, rapporteur spécial. - Ces 3,8 milliards d'euros seraient dégagés sous les plafonds définis dans le cadre financier.

M. André Gattolin. - On reste donc toujours dans le même cadre financier.

M. François Marc, rapporteur spécial. - La clause de flexibilité du pacte de stabilité et de croissance ? Il est vrai que la France pourrait solliciter cette possibilité - même si sa situation reste très en deçà de celle que connaissent des pays comme l'Italie. En tout état de cause, il est clair que la philosophie européenne évolue vers plus de souplesse dans l'appréciation des déficits structurels.

Claude Raynal se demande si l'ampleur du reste à liquider ne procède pas d'une volonté plutôt que de faiblesses administratives. Je ne le pense pas. Les autorités souhaitent voir les crédits consommés, et c'est bien plutôt la lourdeur des procédures administratives qu'il faut incriminer.

La dépréciation de la livre n'a, a priori, pas d'effets sur le chèque britannique : si les contributions des États se fondent, ainsi que je l'ai indiqué, sur une valeur de conversion, les opérations internes au budget européen se font en euros.

M. Michel Bouvard. - Ce qui confirme que les Britanniques avaient admirablement négocié...

M. François Marc, rapporteur spécial. - Le logiciel Osiris, sur lequel s'interroge Michel Bouvard, est selon les informations transmises « en cours de renforcement, pour le doter des outils nécessaires à la mise en oeuvre rapide des programmes ». Je vous livre tel quel ce qui nous a été indiqué...

Tirer les enseignements de l'expérimentation alsacienne ? Certes, mais la fusion des régions, qui modifie un peu la donne, rend les responsables circonspects.

S'agissant de la facilité pour les réfugiés en Turquie, ce sont principalement des associations, et non l'État turc, qui gèrent la mise en oeuvre de l'accueil et de l'accompagnement. Cela laisse penser que les choses se mettent en place dans des conditions acceptables.

Mme Marie-France Beaufils. - Il existe tout de même des interrogations, on l'a vu dans la presse.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 27 du projet de loi de finances pour 2017.

La réunion est levée à 12 h 50.