Mercredi 12 octobre 2016

- Présidence de M. Alain Milon, président -

PLFSS pour 2017 - Audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Daniel Lenoir, directeur général, de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)

La réunion est ouverte à 9 heures.

Au cours d'une première réunion, la commission procède à l'audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Daniel Lenoir, directeur général, de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf).

M. Alain Milon, président. - Nous accueillons ce matin M. Jean-Luc Deroussen, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), accompagné de, M. Daniel Lenoir, directeur. Cette audition s'inscrit dans le cadre de la préparation de l'examen du PLFSS pour 2017, sur lequel le conseil d'administration de la Cnaf a émis un avis favorable le 27 septembre dernier. Ce PLFSS comporte deux mesures principales concernant la branche famille, l'une sur le recouvrement des pensions alimentaires, l'autre sur les modalités de rémunération des salariés du particulier employeur. Au-delà de ces mesures, nous souhaitons faire le point sur la situation de la branche famille et sur ses évolutions, à la lumière de ce projet de loi de financement. Je vous laisse la parole, monsieur le président, pour un propos introductif, avant d'engager le débat avec les membres de notre commission.

M. Jean-Luc Deroussen, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf).- Monsieur le président, mesdames et messieurs les Sénateurs, je vous remercie de nous accueillir. Notre conseil d'administration a effectivement émis un avis favorable à ce projet de loi de financement et nous sommes la seule caisse nationale à nous être exprimé en ce sens. Dans un contexte de retour à l'équilibre de la branche famille d'ici à 2017, le projet de loi comporte deux mesures qui la concernent directement.

La première mesure porte sur la création d'une agence de recouvrement des pensions alimentaires, dans la lignée des actions déjà conduites en direction des personnes séparées, comme la revalorisation progressive de l'allocation de soutien familial et la mise en place d'une garantie contre les impayés de pensions alimentaires qui a fait l'objet d'une expérimentation dans une vingtaine de caisses d'allocations familiales avant d'être généralisée au 1er avril dernier. La caisse d'allocations familiales est ainsi devenue l'intermédiaire du recouvrement auprès du débiteur défaillant afin d'assurer un meilleur accompagnement social des séparations. La généralisation de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, dont le montant minimal a été revalorisé à plus d'une centaine d'euros par mois, va être appréciée par les femmes qui éprouvent de réelles difficultés pour recouvrer leurs pensions et pourront désormais compter sur l'intermédiation de l'agence.

Le PLFSS prévoit également une simplification des modalités d'attribution du complément de libre choix du mode de garde (CMG) au bénéfice des particuliers employeurs.

Plus globalement, le retour à l'équilibre des comptes de la branche famille ne peut que nous satisfaire, mais nous restons vigilants face aux tentations de transfert de charges nouvelles que cette situation pourrait inspirer. Je rappelle que nous avons dû reprendre, par exemple, dix milliards d'euros correspondant aux majorations de pensions vieillesse pour les pères et mères de trois enfants, en lieu et place du Fonds solidarité vieillesse (FSV).

Même si nous en assurons toujours le paiement, les prestations logement ont été intégralement reprises à sa charge par l'État et les crédits correspondants figurent désormais dans le projet de loi de finances, sur lequel l'avis de la Cnaf n'est pas requis. Nous avons examiné dans la précipitation le décret sur la dégressivité des allocations logements dont le dispositif, voté l'an passé, entrait en vigueur le 1er juillet dernier. Nous avons été saisis avec une rapidité contestable d'un texte aux conséquences réelles sur la situation de l'ensemble de nos allocataires. S'agissant d'une seconde modification des conditions d'attribution, touchant à la prise en compte du patrimoine des bénéficiaires, nous avions demandé qu'elle nous soit soumise en amont, dès lors qu'elles induisent des conséquences sur nos allocataires.

Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale d'allocations familiales. - J'ajouterai un complément juridique sur l'agence de recouvrement des impayés des pensions alimentaires. Si ses compétences sont précisées par la loi, son organisation reste du ressort de la branche famille. En d'autres termes, la création d'une nouvelle personne morale n'est pas prévue et cette nouvelle agence relèvera d'une mesure d'organisation interne à la branche. Nous allons ainsi confier à vingt-deux caisses pivots la gestion et le recouvrement de ces prestations complexes, ces caisses ayant été créées lors de l'instauration de l'allocation de soutien familial recouvrable. Ce réseau rassemble près de trois cent salariés qui ont développé des compétences en matière de recouvrement. J'insiste sur ce point pour dissiper les doutes qui peuvent être parfois exprimés quant à la capacité des caisses à assurer cette mission qui est certes difficile mais à la réussite de laquelle nous avons mobilisé tous les moyens nécessaires. Cette mission de recouvrement sera ainsi déléguée à ces vingt-deux caisses auxquelles s'ajoute une caisse de la mutualité sociale agricole (MSA). L'ensemble de ce réseau sera coiffé par une direction nationale de quelques personnes, puisque l'essentiel du travail sera réalisé par les caisses sur le terrain.

En revanche, le projet de loi de financement renforce le pouvoir des caisses en matière de recouvrement, en permettant aux créanciers de recourir aux services de l'agence pour recouvrer leurs pensions. Par ailleurs le projet de loi ouvre aux caisses la possibilité de conférer une force exécutoire aux accords amiables sur le montant de la pension alimentaire, supprimant ainsi la nécessité de recourir au juge en cas de non-paiement, ce qui constitue une mesure de simplification extrêmement importante. Le projet de loi contient également une troisième disposition qui propose que l'agence se substitue aux créanciers pour assurer le recouvrement forcé auprès des débiteurs en cas de violence. Aujourd'hui, les débiteurs violents sont souvent déclarés hors d'état de faire face à leurs obligation afin d'éviter de les mettre en contact avec les créanciers, l'intermédiation des caisses devrait permettre d'y remédier. Une quatrième disposition concerne la transmission des informations relatives à la situation socio-professionnelle du débiteur pour faciliter la fixation du montant des pensions alimentaires par le juge. Cette disposition ne figure pas dans les dispositions règlementaires qui organisent l'expérimentation de la Gipa car le Conseil d'Etat a estimé qu'elle nécessitait une base légale.

Ces dispositions consacrent le travail effectué depuis ces dernières années par le réseau des CAF pour renforcer leur capacité de recouvrer les pensions alimentaires.

Même si ce point ne figure pas dans le projet de loi, je profite de cette audition pour vous indiquer que nous avons développé des dispositifs d'accompagnement de la parentalité en cas de séparation, afin d'éviter les conflits et de privilégier la médiation pour assurer le partage des frais générés, notamment, par l'éducation des enfants. Des sessions d'aide à la coparentalité, qui préviennent également les conflits à l'issue de la séparation, ont ainsi été organisées et rencontré un réel succès.

Je sais que les parlementaires, et particulièrement les sénateurs, demeurent très vigilants sur les conditions de mise en oeuvre de la loi et j'atteste que ces dernières ont été réunies, de notre côté, pour que cette réforme soit effective.

M. Alain Milon, président. - Je vous remercie et donne la parole à notre rapporteur pour la branche famille.

Mme Caroline Cayeux, rapporteur pour la branche famille. - Tous ceux qui sont attachés à la politique familiale ne peuvent que se réjouir de la réduction du déficit de la branche. Toutefois, nous observons que le périmètre des dépenses à la charge de la Cnaf a fortement évolué au cours des dernières années. Pouvez-vous préciser ce qui, dans la trajectoire de retour à l'équilibre, résulte des mesures d'économies, ce qui résulte des évolutions de périmètre et ce qui résulte de l'amélioration de la conjoncture économique ? D'autre part, avec la modulation des allocations familiales, la concentration des prestations familiales sur les ménages modestes s'est accrue au point que la vocation de la politique familiale semble évoluer vers une politique de redistribution verticale. Quel est votre regard sur cette évolution ? Enfin, le nouveau périmètre de la branche conduit le réseau des CAF à prendre en charge un nombre plus important de missions et de prestations financées par l'Etat ou par les collectivités. Une telle situation vous paraît-elle être poser un problème pour la gestion des aides concernées ?

M. Jean-Luc Deroussen. - Les dépenses de la branche famille ont diminué de dix milliards d'euros puisque l'Etat a pris à sa charge les allocations logement afin de compenser la baisse des recettes résultant des exonérations prévues par le pacte de responsabilité. La revalorisation des prestations familiales a été quasiment nulle ces dernières années du fait de la faible inflation, et la modulation des allocations familiales fait baisser les dépenses d'environ 780 millions d'euros en année pleine. Le conseil d'administration s'était prononcé contre cette modulation, même si l'on peut considérer que l'universalité des allocations familiales subsiste. Parallèlement, des revalorisations sont intervenues en direction des familles de plus de trois enfants, par l'augmentation du complément familial, et pour l'allocation de soutien familial. Il est donc vrai que les prestations familiales sont désormais plus concentrées sur les familles modestes ou aux revenus très faibles.

Nos difficultés à verser le revenu de solidarité active proviennent des difficultés financières des départements auxquels il incombe de financer cette prestation. Au 31 juillet 2016, 166 millions d'euros avaient été avancés sur la trésorerie de la sécurité sociale et restaient en attente de remboursement par les départements. Il est nécessaire que nous assurions le versement de cette prestation, mais il est également essentiel que la sécurité sociale soit remboursée des sommes dont elle a fait l'avance. Nous espérions à cet égard qu'une solution serait trouvée dans le cadre de la négociation entre les départements et l'Etat. Quoi qu'il en soit, lorsqu'on assume une prestation pour le compte d'un tiers, il importe que celui-ci assume ses engagements !

M. Daniel Lenoir. - Sur la question des économies et de la redistribution, je souhaitais attirer l'attention de la représentation sénatoriale sur une étude sur l'évolution des effets redistributifs de la politique familiale que nous avons publiée en 2015. Dans les années 1970-1980, la mesure de ces effets donnait courbe en U, avec une forte redistribution pour les premiers et les derniers déciles de revenus. Notre étude montre que la redistribution s'est un peu accentuée dans les premiers déciles et fortement atténuée, au point d'être quasi-nulle, dans les derniers déciles. Cette note, que je tiens à votre disposition, tient compte de la modulation des allocations familiales et la revalorisation du RSA. Nous allons l'actualiser afin d'y intégrer les dernières réformes.

La branche famille verse 85 milliards d'euros, bien moins que les branches maladie et vieillesse. Les prestations financées par la branche ne représentent que 50 milliards d'euros, le reste correspondant aux versements effectués pour le compte de tiers, principalement l'Etat et les départements. Comme l'a souligné le président Deroussen, une telle démarche nous oblige à une vigilance particulière en matière de financement. Nos comptes ont été certifiés par la Cour des comptes, mais celle-ci émet des réserves portant sur notre gestion du RSA et des allocations logement que nous versons précisément pour le compte des départements et de l'Etat. Elles visent notamment les indus et les rappels ainsi que la question de la fraude qui lui est connexe. Néanmoins, j'attire votre attention sur les progrès considérables, d'ailleurs reconnus par la Cour des comptes, accomplis par la branche dans la lutte contre la fraude. L'année dernière, la fraude détectée a augmenté de 20 % alors que la fraude à proprement parler n'augmente qu'à due proportion des prestations. A cet égard, les techniques de « data mining » permettent de mieux cibler les contrôles à partir de bases de données.

Le nombre des prestations relevant de notre compétence n'a cessé d'augmenter. Il avoisine la vingtaine et représente près de dix-huit mille règles de droit, ce qui témoigne d'une très grande complexité de gestion spécifique à la branche famille. Cette complexité fait peser une forte charge de travail à la fois sur notre système d'information et sur le réseau des caisses, tandis qu'il nous faut intégrer les différentes réformes. Comment cherchons-nous à y faire face ?

Je prendrai l'exemple de la prime d'activité pour laquelle nous avons adopté une démarche « 100 % dématérialisé, 100 % personnalisé » que nous souhaiterions généraliser à l'ensemble des prestations, avec un simulateur pédagogique et une télé-procédure extrêmement conviviale. Cette démarche est intégralement numérique et permet la liquidation automatique de la prestation. Hormis les contrôles, aucune intervention du technicien n'est requise. Comme avec la carte vitale, il est possible de calculer directement les prestations sans avoir à ressaisir les données. Ce point est extrêmement important car nous nous sommes dotés de la capacité de gérer à l'avenir des prestations complexes ou personnalisées, à l'instar de la prime d'activité. Ce modèle a globalement bien fonctionné et a permis d'absorber environ 1 500 000 nouveaux allocataires en quelques mois. Le taux de recours des bénéficiaires potentiels de la prime d'activité devrait, selon la ministre, atteindre les deux-tiers, contre un tiers seulement pour le RSA activité. Avec quelque dix-huit millions de télé-simulations, la dématérialisation est un réel succès. Nous avons reçu 95 % de télé-déclarations et effectué 50 % de liquidations automatiques, ce qui laisse encore de la marge pour progresser.

L'ensemble de ces dispositifs permettra de simplifier la vie des allocataires et de sécuriser les données, lorsque la déclaration sociale nominative (DSN) sera généralisée.

La dématérialisation va de pair avec la personnalisation. Nous avons réorganisé notre dispositif d'accueil, en instaurant notamment les rendez-vous des droits. Un objectif de 100 000 rendez-vous nous avait été fixé. Nous devrions franchir le seuil des 250 000. Nous avons également installé un réseau de 2 000 points d'accueil numérique dans les CAF et auprès de nos différents partenaires. Notre objectif, d'ici à la fin 2017, est d'installer un point d'accueil numérique par bassin de vie. Un tel projet s'inscrit dans une démarche plus large d'inclusion numérique que nous poursuivons avec Emmaüs-Connect, afin de veiller à ce que cette dématérialisation ne constitue pas un frein à l'accès au droit. Source d'efficacité administrative et sociale, ce dispositif représente la seule solution pour absorber des charges supplémentaires.

Nous souhaiterions étendre cette à l'ensemble de nos prestations, à commencer les prestations logement et dans le cadre de la réforme du RSA qui doit intervenir en janvier prochain. Outre la simplification des procédures et le renforcement de l'accès au droit pour les allocataires, cette démarche est source de gains de productivité potentiels et s'inscrit dans la continuité de ce qui a été fait, pour l'assurance-maladie, avec la carte vitale. Elle garantit également la sécurisation des données et le versement des prestations au juste droit, tout en limitant considérablement l'empreinte carbone, dans le contexte de l'après COP 21, du fait de la limitation des déplacements physiques qu'elle induit. L'organisation systématique des rendez-vous permet en effet le traitement des dossiers par internet ou téléphone.

M. Olivier Cigolotti. - Monsieur le président, comme vous l'avez évoqué dans votre propos liminaire, la mise en place de l'agence de recouvrement des pensions alimentaires est l'une des mesures phares de ce PLFSS. Ma première question portera sur l'organisation proprement dite de cette agence. Sera-t-elle chargée d'assurer directement le recouvrement et l'accompagnement grâce à ses vingt-deux entités départementales, ou exercera-t-elle une fonction support en lien avec les services juridiques des CAF existants ? Ma seconde question porte sur les difficultés de certains départements à verser les prestations individualisées, notamment le RSA. Alors que l'année dernière dix départements se trouvaient en difficulté, leur nombre est aujourd'hui d'environ quarante. Avez-vous envisagé des mesures exceptionnelles pour que ces difficultés ne se répercutent pas sur les allocataires ?

M. René-Paul Savary. - Merci d'avoir abordé spontanément le problème de la fraude ! On peut en effet constater, sur le terrain, l'amélioration de la situation et il me paraît important de poursuivre les efforts en ce sens. Puisque le RSA socle est une prestation servie sur la base des déclarations des bénéficiaires, c'est au plus près des territoires qu'il faut apporter des solutions aux difficultés rencontrées. Le « data mining » est une bonne chose, mais il me paraît important que les départements soient associés aux comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf) pour garantir la juste attribution des prestations sociales. Vous avez certes augmenté votre score de fraudes détectées, mais il arrive que certains bénéficiaires ignorent leurs droits. Tout le monde ne peut être que gagnant dans la gestion rigoureuse au plus près du terrain. Ma seconde question portera sur les départements dont vous nous avez dit que leur dette s'élève à 166 millions d'euros au 31 juillet 2016, ce qui représente, je suppose, leur retard au titre de 2015. Je note que cette somme correspond à peu près au coût de la revalorisation du RSA à partir du 1er septembre. En 2016 et 2017, du fait des difficultés budgétaires qui s'annoncent pour les départements, vous allez très certainement devoir avancer le financement de certaines prestations. Comment avez-vous réfléchi à une telle situation qui s'annonce ?

M. Dominique Watrin. - Le PLFSS pour 2015 a instauré un partage du congé parental entre les mères et les pères, dans le cadre de la prestation partagée d'éducation de l'enfant (Prepare) Il semblerait que peu de pères aient sollicité ce nouveau dispositif, comme nous l'avions d'ailleurs envisagé lors des débats sur cette réforme. Quel est le pourcentage des pères éligibles ayant effectué une demande ? A combien s'élèvent les crédits inutilisés, du fait de cette moindre demande ? Comptez-vous mettre en oeuvre des actions de sensibilisation sur ce dispositif ? Ce qui paraît positif sur le papier se traduit concrètement par un affaiblissement de la politique familiale. Proposez-vous, enfin, la réorientation de ce dispositif pour qu'il soit appliqué de manière plus satisfaisante sur le terrain ?

Mme Patricia Schillinger. - Le congé parental est une forme de rupture du contrat de travail. Les bénéficiaires de ce dispositif ne bénéficient pas des prêts employeurs, du fait de la rupture contractuelle qu'il induit. Le congé parental ne concerne pas non plus les travailleurs frontaliers, ce qui fait que les familles concernées ne peuvent bénéficier que d'un congé parental réduit. Vous êtes-vous par ailleurs penchés sur le revenu minimum universel, qui fait actuellement l'objet d'une mission d'information sénatoriale et relèverait sans doute de votre domaine s'il venait à être instauré ?

Mme Hermeline Malherbe. - De nombreux départements ont mis en place un dispositif de relais avec leurs travailleurs sociaux pour pallier certaines difficultés rencontrées par les CAF dans les territoires. Le travail en commun sur le diagnostic, puis sur le schéma départemental d'accès aux services publics va faciliter la répartition des rôles de chacun. Quelles sont les perspectives à plus long terme pour assurer, de manière pérenne, une bonne articulation entre les départements et les CAF ?

Mme Catherine Génisson. - Vous avez beaucoup insisté sur la qualité des relations avec les allocataires et l'importance grandissante du numérique. Pour autant, ne constatez-vous pas des difficultés avec les publics les plus précaires, peu familiarisés avec l'informatique ou dépourvus d'accès à l'internet ? Ces personnes ne parviennent parfois pas davantage à obtenir par téléphone  les renseignements dont ils ont besoin de la part de la CAF. Les élus sont souvent sollicités pour aider ces personnes dans leurs démarches.

Mme Aline Archimbaud. - Vous nous avez indiqué avoir développé une action contre la fraude et des mesures de facilitation de l'accès au droit visant notamment à lutter contre le non-recours. Certains postes vont ainsi être transformés pour accompagner les publics en difficulté et réduire la fracture numérique. Plus généralement, sur cette question de l'accès au droit, votre rapport d'activité accorde-t-il une place à la question du non-recours dans l'accès au droit ?

Mme Annie David. - Ma question porte sur la coparentalité et la médiation que vous avez évoquées, mais qui ne relèvent pas en tant que telles du PLFSS. Autant je reconnais que la médiation peut apporter une aide dans la résolution de certains conflits, autant je constate qu'elle n'est pas nécessairement la bienvenue en cas de violences conjugales. Mettez-vous en place systématiquement cette médiation et relève-t-elle ainsi d'une obligation ? A l'inverse, si l'une des deux parties ne souhaite pas y recourir, maintenez-vous pour autant vos aides à la coparentalité ?

M. Georges Labazée. - La Cnaf a-t-elle été consultée sur le projet portant création d'un GIP commun à l'adoption et l'enfance en danger ? Cette création devait être actée suite à un amendement, mais je pense que le Gouvernement y a renoncé.

M. Philippe Mouiller. - Concernant la prime d'activité, vous avez évoqué que le taux de recours devrait être largement supérieur aux prévisions. Disposez-vous, en tant que payeur, de la traduction budgétaire de ce recours plus élevé que prévu, même si l'année n'est pas terminée ? Une telle information nous permettrait de comparer entre les prévisions 2016 et ce qui est proposé pour 2017.

M. Alain Milon, président. - J'aurai, à mon tour, trois questions à vous poser. Premièrement, vous avez évoqué les points positifs du dernier rapport de la Cour des comptes. Or, celle-ci a également souligné divers aspects négatifs concernant le fonctionnement des caisses locales, s'agissant notamment de l'absentéisme et de l'écart à la durée légale du travail. Avez-vous des remarques à faire sur ce point ? Deuxièmement, s'agissant de l'agence nationale pour le recouvrement des pensions, vous avez parlé de la création de vingt-deux caisses pivots, mais aussi de l'institution d'une telle caisse par la MSA. Pourquoi n'avoir pas confié aux CAF la totalité de cette tâche ? Enfin, lors d'une réunion de travail, la MSA nous a indiqué tenir au maintien des procédures « papier » afin de garder le contact direct avec ses allocataires. Est-ce que la CAF entend, à l'inverse, s'inscrire dans une logique de « tout numérique » ?

M. Jean-Luc Deroussen. - Sur les questions de qualité du service et de lutte contre la fraude, le conseil d'administration souhaite assurer chaque potentiel bénéficiaire d'une prestation que tout est mis en oeuvre pour que son droit soit honoré. Je veux souligner que l'approche de nos administrateurs a évoluée : lorsqu'on lutte contre la fraude, on favorise dans le même temps l'accès aux droits. La COG fixait, à cet égard, l'objectif de 100 000 rendez-vous d'accès au droit ; chiffre que nous avons dépassé avec plus de 250 000 allocataires rencontrés.

Sur le congé parental, le conseil d'administration considère qu'il s'agit là d'un choix qui appartient à la famille. On constate toutefois que, dans la mesure où le revenu de remplacement est relativement faible, c'est généralement le membre du couple dont la rémunération est la plus faible qui a recours au congé parental. La Prépare poursuit sa montée en charge. Pour le premier enfant, au titre duquel le congé était de six mois, la loi a ajouté six mois supplémentaires au bénéfice du second parent. Le nombre de pères faisant valoir leur droit a connu une augmentation considérable en volume mais reste extrêmement faible.

Pour les congés au titre des enfants suivants, qui devront être partagés, il est trop tôt pour dresser un constat mais on peut s'attendre à une baisse des dépenses, qui pourrait également être expliquée en partie par une baisse du recours au congé parental liée au niveau du chômage. Il avait été envisagé soit que le revenu de remplacement devienne proportionnel au revenu abandonné durant le congé parental, soit que le revenu de remplacement dont bénéficie l'un des membres du couple maintienne le différentiel initial de ressources au sein du couple. Ces propositions n'ont pas été retenues.

Sur les travailleurs sociaux des conseils départementaux et des CAF, l'élaboration des services aux familles a permis de mettre en évidence l'ampleur des besoins. Nous travaillons avec nos partenaires pour garantir la meilleure prise en charge possible à nos allocataires.

Enfin, sur la question du numérique, nous ne souhaitons laisser personne sur le bord du chemin. Le développement des services en ligne est une demande forte de nos allocataires qui souhaitent accéder à leur compte et connaitre leurs droit en direct et à tout moment. Nous avons en revanche bien conscience que l'accès au numérique est difficile pour certaines personnes, faute des moyens et des compétences nécessaires. Celles-ci doivent ainsi bénéficier d'un accompagnement spécifique, impliquant un rendez-vous à la CAF et des conseils personnalisés. Aider ces personnes à se familiariser progressivement avec le numérique est l'objet de notre partenariat avec Emmaüs-Connect. C'est une obligation à nos yeux que d'éviter que des personnes soient laissées pour compte, faute de pouvoir utiliser le numérique.

M. Daniel Lenoir.- L'agence de recouvrement des pensions alimentaires est gérée par la Cnaf pour l'ensemble de la branche famille, y compris pour la MSA laquelle gère les prestations familiales pour ses affiliés. L'ancien directeur de la MSA que je suis s'en souvient. D'une certaine manière, nous considérons la MSA comme une sorte de CAF qui poursuit également d'autres activités. D'ailleurs, depuis 2014, la MSA est intégrée financièrement dans les comptes de la branche famille puisque, depuis cette date, nous recevons les cotisations perçues par la MSA et payons intégralement non seulement les prestations familiales, mais aussi les frais de gestion et l'action sociale. La caisse pivot de la MSA sera compétente pour ses ressortissants et s'ajoutera aux vingt-deux caisses pivot du régime général, sous la coordination de la branche famille. J'ai eu l'occasion récemment d'évoquer le sujet avec le directeur général de la caisse centrale de la MSA et nous avons convenu qu'une convention règlerait les questions de coordination entre nos deux organismes. Les caisses pivots effectueront le travail d'expertise sur le recouvrement, mais le contact avec l'allocataire restera la CAF départementale.

Sur la question de la coparentalité et de la médiation, un rapport du Haut conseil de la famille sur les ruptures familiales propose de rendre obligatoire la médiation lors de toute rupture familiale. On peut constater que la médiation, comme il a été rappelé par certains sénateurs, permet de limiter les conflits et ainsi de réduire les recours aux tribunaux. Si cette médiation n'est pas aujourd'hui obligatoire, on pourrait conduire une expérimentation, à l'instar de ce qui a été fait pour la Gipa. Le conseil d'administration serait, de mon point de vue, assez favorable à cette démarche. En outre, les dispositifs d'appui à la coparentalité prennent la forme de sessions auxquelles nous invitons les couples, déjà séparés ou en cours de séparation, pour leur expliquer ce qu'est la médiation et régler un certain nombre de problèmes. Ces sessions fonctionnent bien.

D'autres questions portaient sur le RSA et les 166 millions d'euros dus par les départements à la sécurité sociale. Il ne m'appartient pas de me prononcer sur les relations entre l'État et les départements. En tant qu'ordonnateur des fonds de la sécurité sociale, il m'incombe en revanche de recouvrer les sommes qui nous sont dues. Ces 166 millions d'euros sont fortement concentrés, d'une part sur la collectivité de Saint-Martin, dont la dette de 35 millions d'euros relève d'autres raisons, et surtout sur le département du Nord, pour près de 100 millions d'euros. On sait cependant qu'un certain nombre de conseils départementaux n'ont pas inscrit une dépense suffisante pour en couvrir les frais mais, à ce stade, je ne suis toutefois pas en mesure de confirmer le chiffre de 40 départements qui a pu être évoqué dans la presse. Il n'y a cependant aucune raison que nous supportions les frais du RSA, quand bien même en ferions-nous l'avance. La Cour des comptes me le reprocherait ou il faudrait alors changer l'architecture financière ! Nous sommes donc en train d'étudier les différents moyens d'action pour remédier à ces difficultés.

M. René-Paul Savary. - Le département n'ont pas de raison, non plus, de supporter cette augmentation du RSA !

M. Daniel Lenoir. - Je vous le redis. Il ne m'appartient pas de régler cette question. Mais, en tant que directeur de la caisse nationale, il m'incombe de recouvrer les sommes qui sont dues par les conseils départementaux auprès des CAF. J'en ai parlé avec le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), en juillet dernier, mais je ne peux en dire plus à ce sujet. S'agissant de la lutte contre la fraude, il ne m'appartient pas non plus de décider de la participation des conseils départementaux aux Codaf. Je sais que la question se pose et que c'est le cas dans plusieurs départements. En outre, plusieurs départements nous ont demandé l'accès aux données Cafpro pour pourvoir organiser leurs propres contrôles. Je n'ai pu l'autoriser, puisque la déclaration à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) prévoit le recours à Cafpro par les travailleurs sociaux pour connaître la situation des personnes, mais ne permet pas l'utilisation de ces informations dans le cadre de contrôles. Comme j'en ai informé l'ADF et l'ensemble des conseils départementaux, nous avons mis en place en juillet dernier un portail « consultation du dossier allocataire par les partenaires » (CDAP) qui permet aux départements d'accéder à des informations analogues aux nôtres, pour qu'ils puissent conduire leurs propres contrôles notamment sur le RSA. Cette mesure répondait ainsi à des demandes très anciennes des départements.

Comme l'a souligné le président Deroussen, la lutte contre la fraude et la promotion de l'accès aux droits sont des actions conduites en miroir. Il s'agit des mêmes techniques qui permettent à la fois de payer ceux qui ont des droits et ne les font pas valoir et de repérer ceux qui abusent de droits auxquels ils ne sont pas éligibles. Nous utilisons des techniques de « data mining » qui sont très efficaces et n'obéissent à aucun présupposé en identifiant, sur la masse des informations disponibles et à partir d'un certain nombre de critères, des comportements illégaux. Il nous reste certes encore des progrès à faire, mais nous avons organisé des échanges systématiques d'informations avec les administrations, comme la direction générale des finances publiques ou Pôle Emploi, nous permettant d'organiser des contrôles sur pièces. Un allocataire sur deux a été concerné par ces contrôles. Nos contrôleurs, dont nous avons renforcé les effectifs, conduisent également des contrôles sur place. Cet effort continuera. La prévention demeure la meilleure manière de lutter contre les fraudes. Le jour où nous aurons accès à l'ensemble des revenus, via la déclaration sociale nominative (DSN) ou les échanges directs de pré-renseignements, comme le font les services fiscaux, nous disposerons alors d'un moyen de prévenir non seulement la fraude, mais aussi les indus. En effet, la majorité des indus ne sont pas frauduleux, puisque 60 % relèvent d'erreurs de déclaration. Plus nous disposerons d'un accès direct à l'information, plus nous pourrons agir de manière efficace.

Concernant le numérique, nous souhaitons maintenir le contact, plutôt que le papier ! Sous réserve d'accès au numérique, il est plus facile de remplir une déclaration sur un écran que sur un papier. Nous avons conduit un travail avec Emmaüs-Connect pour caractériser les personnes connaissant des difficultés d'accès au numérique. Nous mettons en oeuvre des dispositifs d'inclusion numérique sans pour autant supprimer les circuits papier. Cependant, sur la prime d'activité, nous avons plus de 5 % de déclarations papier, alors que nous projetions d'en recevoir la totalité sous forme numérique. C'est sans doute un point de désaccord avec la MSA comme avec le Défenseur des droits : maintenir un circuit papier est certes nécessaire, mais vouloir cantonner les personnes à de telles procédures revient à les placer durablement dans des situations d'exclusion, puisque la quasi-totalité des formalités de notre quotidien sera numérique d'ici cinq à dix ans. Notre stratégie vise au contraire à développer l'inclusion numérique en luttant contre l'isolement des personnes. Comme l'a souligné le président Deroussen, notre stratégie a été redéfinie de manière à faire bénéficier les personnes éprouvant de réelles difficultés d'un accueil personnalisé. Tel est ainsi l'objectif des rendez-vous des droits consistant, pendant une heure, à aider les allocataires en proie aux difficultés et à favoriser leur inclusion numérique. Aujourd'hui, certains centres sociaux possèdent des points d'accueil numériques, avec un volontaire du service civique qui peut aider les allocataires en difficulté à obtenir un rendez-vous des droits dans leur CAF respective qui leur prodiguera une aide personnalisée. L'engorgement de nos lignes téléphoniques est largement dû à la mise en place de la prime d'activité et au changement du sous-traitant téléphonique d'une partie des caisses, lequel n'a pas rendu la qualité de services escomptée. C'est d'ailleurs sur ce point que porte l'enquête du Défenseur des droits. En outre, à la différence de la branche maladie, il nous est impossible juridiquement de donner un grand nombre de renseignements par téléphone, en raison des informations nécessaires à la détermination des droits. Il est de ce fait normal que les téléconseillers renvoient les allocataires vers le site « caf.fr » ou leur proposent un rendez-vous.

Le taux de recours à la prime d'activité est nettement plus élevé que prévu. L'impact financier n'est pas encore connu mais sera tempéré par le fait que le montant moyen de la prime s'avère inférieur aux prévisions. Comme vous le savez, la prime d'activité est financée sur le budget de l'État.

S'agissant de la Prepare, nous ne serons en mesure d'apprécier le taux de recours des pères qu'à partir d'avril. Le nombre de pères qui bénéficient de ce dispositif a été multiplié par deux en 2015 pour atteindre désormais un petit millier. C'est probablement le début d'un mouvement, mais cela demande à être confirmé.

Mme Annie David. - Pour combien de naissances ?

M. Daniel Lenoir. - Nous n'avons été ni associés ni consultés sur le groupement d'intérêt public qui prévoit la fusion de l'Agence française de l'adoption avec l'Association enfance en danger. Je ne suis pas sûr que cette question relève de notre compétence. Nous n'avons pas non plus participé à des travaux sur le revenu minimum universel à proprement parler, même si nous avons mis notre expertise en matière de simulations au service de France Stratégie et de la Cour des comptes sur cette question. Notre expertise est bien évidemment à la disposition des organismes publics qui la sollicitent, même si les services de la Cnaf n'ont pas à prendre parti sur tel ou tel dispositif. Ma responsabilité est de vérifier si les choix effectués pourront être gérés et faire l'objet d'une évaluation

M. Alain Milon, président. - Je vous remercie, messieurs, pour vos interventions et l'ensemble de vos réponses.

PLFSS pour 2017 - Audition de MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav)

Puis la commission procède à l'audition de MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration et Renaud Villard, directeur, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav).

M. Alain Milon, président. - Je souhaite à présent la bienvenue à M. Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, et à M. Renaud Villard, directeur, qui a pris ses fonctions il y a un peu plus de six mois.

Le conseil d'administration de la Cnav a émis un avis défavorable sur le PLFSS le 28 septembre dernier. Vous nous direz les raisons sans doute diverses qui ont motivé ce vote négatif.

Au-delà des mesures relatives à la branche vieillesse figurant au PLFSS -notamment l'amorce d'une évolution du Fonds de solidarité vieillesse- je souhaite que nous puissions faire le point sur la situation de la branche et ses perspectives pour les prochaines années.

Je vous laisse la parole pour un propos introductif puis notre rapporteur, Gérard Roche, ainsi que les sénateurs qui le souhaitent, poseront ensuite leurs questions.

M. Gérard Rivière. - Merci monsieur le président. Mesdames et messieurs les sénateurs, j'évoquerai, dans mon propos introductif, le vote négatif du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) sur le PLFSS, afin qu'un maximum de temps puisse être consacré à vos questions.

Je suis un président heureux puisque, pour la première fois depuis douze ans, les comptes de la Cnav se trouvent à l'équilibre. Les tendances actuelles permettent, en outre, d'atteindre un solde excédentaire à l'horizon 2020. Ce solde excédentaire sera toutefois pondéré du fait d'un retour du financement du minimum contributif (Mico) vers les régimes de base, et donc vers la Cnav ; ce retour ayant pour conséquence de diminuer d'autant l'excédent de la branche vieillesse. Le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) demeure, quant à lui, considérable. Ce déficit de près de quatre milliards d'euros représente, en effet, un quart des engagements du FSV.

Je ne reviendrai pas sur les raisons qui ont conduit au retour à l'équilibre de la branche vieillesse. Vous en connaissez comme moi la genèse, puisque vous avez voté les différentes lois qui sont à l'origine de ce retour à l'équilibre. Je vise ici, pour la période récente, particulièrement la loi de 2010, le décret de 2012 et, enfin, la loi du 20 janvier 2014.

Concernant la position du conseil d'administration de la Cnav, la majorité des organisations, notamment celles des salariés, a émis un vote négatif, sans pour autant que l'aspect « vieillesse » ne motive nécessairement ce vote négatif. D'autres organisations, du côté employeurs notamment, considèrent qu'une réforme structurelle est toujours nécessaire. Si j'appréhende globalement ce que peut être une réforme structurelle dans le domaine de la vieillesse, en ce qui concerne l'assurance maladie, je dois vous avouer ne pas forcément bien réussir à en cerner les contours. Enfin, certaines organisations contestent également les prévisions sur les bases desquelles le solde global du régime général s'améliorerait jusqu'à frôler l'équilibre en 2017, considérant qu'elles sont assises sur des anticipations macro-économiques trop optimistes. Elles ne sont d'ailleurs pas les seules à effectuer ce constat. C'est donc l'ensemble de ces raisons qui a conduit à ce vote négatif.

M. Renaud Villard. - Je me permettrai simplement d'apporter quelques éléments en complément des propos de M. Rivière.

S'il n'y a que peu de mesures relatives à la vieillesse au sein de ce PLFSS, la question du retour du minimum contributif dans le périmètre de financement de la branche vieillesse et de la Cnav a toutefois donné lieu à des débats qui, bien que convergents, ont été particulièrement importants au sein de notre conseil d'administration. Il s'agit, en effet, d'un sujet réellement structurant. Mais il est bien complexe d'établir la frontière entre, d'une part, la pure solidarité relevant de l'impôt et d'un financement mutualisé, et d'autre part, le domaine du contributif relevant, quant à lui, des cotisations sociales des assurés.

M. Alain Milon, président, - Je donne maintenant la parole au rapporteur M. Gérard Roche.

M. Gérard Roche, rapporteur pour la branche vieillesse. -Je souhaiterais, dans un premier temps, évoquer le FSV, en soulignant que certaines propositions du rapport que nous avons présenté avec Catherine Génisson ont été reprises dans le PLFSS. Il s'agit en particulier du transfert progressif à la Cnav du minimum contributif (Mico). Le président du FSV nous a toutefois indiqué que la section 2 du Fonds, relative au Mico, enregistrait 3,5 milliards de dépenses par an pour seulement 500 millions de recettes. Du fait du caractère progressif du transfert -un milliard d'euros par an sur trois ans-, le FSV va donc perdre de l'argent pendant trois ans. Sa dette cumulée devrait ainsi atteindre onze milliards d'euros à l'horizon 2020. Comment traiter cette dette ?

La deuxième de mes interrogations concerne l'intégration administrative du FSV au sein des services de la Cnav. Où en sont les discussions sur ce point ?

Je souhaitais également vous demander si l'échéance du 1er juillet 2017 pour la liquidation unique des retraites dans les régimes alignés était toujours d'actualité.

Du fait de l'intérêt que nous portons à cette problématique, je vous prie de m'indiquer si des études existent sur le profil des bénéficiaires du dispositif « carrières longues ». Est-il possible d'établir un lien entre les bénéficiaires de ces dispositifs et ceux du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) ?

Enfin, quel pourrait être, d'après vous, l'avenir du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) qui atteint 35 milliards d'euros, dans la perspective d'un rétablissement de l'équilibre à moyen terme des régimes de retraite ?

M. Renaud Villard. - S'agissant de la section 2 du FSV, elle avait été créée à l'occasion du dernier PLFSS, afin de répondre aux nouvelles exigences de la jurisprudence dite « de Ruyter » de la Cour de justice de l'Union européenne. Le FSV avait séparé les dépenses de solidarité et leurs recettes propres, des dépenses de nature plus contributives, par l'intermédiaire d'un panier de recettes affectées. A la lecture du présent PLFSS, je comprends que la section 2 sera mise en extinction, à la fois en dépenses et en recettes, sa disparition programmée ayant pour conséquence la concentration du FSV sur sa seule mission relevant de la pure solidarité.

Le présent PLFSS transfère donc progressivement 3,5 milliards du FSV vers la Cnav et prend donc l'option inverse de celle qu'avait choisie le législateur en 2010. Ce transfert progressif semble s'accompagner d'une réduction des recettes affectées à la section 2 supérieure au transfert des dépenses. Cela explique donc que l'amélioration progressive du solde du FSV soit inférieure au milliard annuellement transféré.

Vous soulignez, à cet égard, la question de la dette cumulée du FSV puisque son déficit ne sera désormais plus repris par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) qui a atteint son plafond. La Cnav ne peut confirmer le chiffre de onze milliards d'euros que vous avancez, mais l'ordre de grandeur me paraît cohérent. Se pose donc effectivement la question de la reprise du déficit annuel qui conduira à cette dette cumulée. À l'heure actuelle, ce déficit est supporté par la trésorerie de l'Acoss. Aujourd'hui, le déficit de la trésorerie coûte peu, voire rapporte, du fait de taux d'intérêt négatifs. Mais une augmentation sensible des taux aurait des conséquences financières sérieuses. Les pistes de solution semblent ici ne de nature politique. Vous évoquiez la question du FRR mais il ne m'appartient de me prononcer sur cette option.

À propos, de l'intégration du FSV au sein de la Cnav, les conditions de cet « hébergement » relèveront d'une convention entre les deux organismes. Un projet de convention a été transmis par la Cnav au FSV, lequel y a répondu afin d'en préciser certains termes. Le projet est en phase de finalisation. Il restera néanmoins à régler certains points spécifiques comme la clôture des comptes, le transfert du FSV sous l'outil comptable de la Cnav (Synergie), ou encore le transfert des locaux. Il n'existe pas de réelles difficultés à ce niveau et l'ensemble de ces problématiques sera réglé au plus tard au cours du premier trimestre de l'année 2017.

S'agissant, maintenant, de la liquidation unique des régimes alignés, le Gouvernement a annoncé sa volonté d'en reporter la mise en oeuvre du 1er janvier 2017 au 1er juillet 2017 par l'intermédiaire, me semble-t-il, d'un amendement qu'il compte déposer lors de l'examen du PLFSS. Ce report paraît motivé par la volonté de sécuriser une réforme particulièrement structurante, un audit allant en ce sens.

S'agissant du dispositif « carrières longues », le rapprochement avec les bénéficiaires du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) parait pour l'heure difficile à réaliser. Si la Cnav a une vision relativement fine de la population bénéficiaire des dispositifs relatifs aux carrières longues, il n'en va pas encore de même pour ceux du C3P. Sur les cinq cent mille bénéficiaires d'un compte pénibilité, aucune extraction statistique n'a, pour le moment, été établie. Seules certaines données sont connues, comme leur numéro de sécurité sociale, mais aucune information n'existe quant à leurs trajectoires individuelles. Ces  cinq cent mille bénéficiaires ne sont, en outre, liés qu'aux quatre premiers facteurs d'exposition à la pénibilité, la mise en oeuvre des six autres ayant été différée compte tenu du temps d'adaptation nécessaire aux entreprises.

Si aucun recoupement objectif n'est donc exploitable, j'ai tout de même l'intuition qu'il existe sans doute des chevauchements entre ces catégories de bénéficiaires. C'est d'ailleurs pour cela que le législateur, en 2014, avait prévu une adéquation possible entre ces deux dispositifs.

M. Gérard Rivière. - Je tiens ici à rappeler que la présentation des comptes combinés de la Cnav et du FSV relève d'une décision de nature réglementaire. Il ne s'agit en rien d'une volonté de la Cnav. La création du FSV, en 1994, avait reçu un avis favorable unanime du conseil d'administration de la Cnav. Il s'agissait de faire financer par la solidarité nationale des périodes « non-contributives » pour atténuer les aléas de carrières liés essentiellement au chômage mais aussi à la maladie, l'invalidité ou la maternité.

Le chômage place de manière chronique le FSV dans une situation de déficit. Une situation où le chômage augmente ou perdure entraîne une augmentation des engagements de dépenses du FSV vers les régimes et une réduction simultanée de ses recettes. Le niveau particulièrement élevé du chômage actuel ne doit pas remettre en cause, à mes yeux, le caractère bénéfique de l'idée de départ. Le FSV ne souffre pas actuellement d'un manque de lisibilité de ses comptes, mais bien d'un manque de recettes. Même si ce manque de recettes doit être provisoire, il doit être analysé au regard des engagements nécessaires qui sont ceux du FSV.

Si l'optimisme est possible à moyen terme, il est clair que la situation de l'emploi ne va pas spontanément s'améliorer dès l'année prochaine. Le FSV ne sera donc pas revenu à l'équilibre en 2017. Il semblait donc naturel au conseil d'administration de la Cnav que des mesures soient prises en faveur du FSV au-delà du transfert du minimum contributif vers les régimes de base.

La convention liant l'État, le FSV et la Cnav est le premier pas d'une intégration administrative qui n'est pas une intégration comptable, comme avait pu le soupçonner le conseil d'administration de la Cnav. Cette étape n'est cependant pas franchie aujourd'hui. Et nous ne souhaitons pas qu'elle le soit, au nom de la clarté et de la responsabilité des uns et des autres. Il incombe aux cotisations de financer l'assurance et à l'impôt de financer la solidarité nationale. Ce principe nous parait sain ; chacun prenant ses responsabilité quant à l'équilibre.

Nous considérons, pour autant, la situation du financement de la Cnav comme particulièrement positive. 62 % du financement de la branche vieillesse du régime général est assis sur des cotisations patronales ou salariales. Ce chiffre est porté à 82 %, si l'on y intègre les revenus de la contribution sociale généralisée (CSG) eux-mêmes assis sur le travail. La branche vieillesse a donc globalement échappé à la fiscalisation de ses recettes, ce qui n'est pas le cas des autres branches de la sécurité sociale. Je m'en félicite.

À propos du financement des déficits futurs du FSV, évoqué par le rapporteur, je signale qu'il n'est pas dans la vocation de l'Acoss de porter de la dette. Cette situation n'est pas problématique pour le moment du fait de taux d'intérêt négatifs qui génèrent même des recettes. Cette situation anormale pourrait prendre fin rapidement, avec des conséquences financières lourdes.

Si le conseil d'administration de la Cades estime pouvoir emprunter à des taux relativement bas durant les huit prochaines années, son président comme moi-même soulignons le risque d'une augmentation des taux d'intérêt. Cette situation pourrait conduire à repousser la durée de vie de la Cades, ce qui porterait préjudice à l'ensemble de nos régimes et à la confiance des Français en leur sécurité sociale.

S'agissant du Fonds de réserve des retraites, notre conseil d'administration avait très négativement jugé la ponction de 2,1 milliards d'euros par an pendant dix ans qui avait décidée au profit de la Cades en 2010.

Le FRR constituait un dispositif intéressant mais il n'a pas atteint la plénitude des missions que l'on pouvait légitimement attendre de lui, faute d'alimentation suffisante. Ce Fonds dispose néanmoins de réserves qu'il est possible de solliciter à d'autres occasions. Je porterais, toutefois, un regard extrêmement négatif si une opération semblable à celle de 2010 venait à être mise en oeuvre.

M. Alain Milon, président. - Merci monsieur le président. La parole est désormais aux membres de la commission.

M. Olivier Cigolotti. - Ma question porte sur l'article 33 du PLFSS qui prévoit que les professions libérales non réglementées ne seraient plus affiliées à la caisse interprofessionnelle (Cipav) mais au régime social des indépendants (RSI). Cette proposition tend-elle à constituer une première étape vers la création d'un régime unique des travailleurs non-salariés, ce qui aurait, in fine, pour conséquence de supprimer une dizaine de caisses de retraite ? Ou cette démarche a-t-elle pour objectif d'alléger certaines charges de la Cipav, dont les dysfonctionnements ont été soulignés par la Cour des comptes ?

Mme Catherine Deroche. - Pouvez-vous nous préciser l'impact financier des lois « Fillon » et « Woerth » sur l'allongement de la durée de la cotisation ? Quelles en sont les traductions chiffrées au sein du budget 2017 ?

M. Georges Labazée. - Dans quelle mesure la Cnav tient-elle compte des projections à court et moyen termes du Conseil d'orientation des retraites (COR) pour la conduite de ses travaux ?

Par ailleurs, le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa), en principe réservé à la mise en oeuvre de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, va-t-il cette année encore, être détourné de sa finalité.

M. Yves Daudigny. - Le rapport de nos collègues Catherine Génisson et Gérard Roche a renforcé notre connaissance du FSV, dont le président Gérard Rivière a fidèlement présenté la problématique. Le FSV a pour vocation de financer des mécanismes de solidarité. La question est politique et consiste à savoir quelles recettes fiscales doivent lui être affectées afin qu'il puisse remplir cette mission. Le raisonnement est semblable pour la Cades. Augmenter ses capacités d'amortissement nécessiterait de relever le taux de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), ce qu'aucun gouvernement n'a fait depuis sa création. Tout nous porte donc à croire que le gouvernement actuel ne dérogera pas à la règle.

Ma question porte plus précisément sur l'article 30 du PLFSS. Il élargit l'accès au dispositif de retraite progressive à des salariés ayant plusieurs employeurs. Si cette modification ne semble pas majeure, pourriez-vous néanmoins nous fournir un éclairage sur ce dispositif spécifique?

M. Alain Milon, président. - Afin de compléter la question de M. Yves  Daudigny, je m'interroge également sur la raison pour laquelle le FSV financerait à hauteur de plus de 800 millions d'euros le fonds pour le financement de l'innovation pharmaceutique.

M. Jean-Noël Cardoux. - Je rejoins l'interrogation de M. Daudigny sur la possibilité de refinancer la Cades puisqu'il n'existe plus d'autorisation parlementaire pour transférer des fonds de l'Acoss à la Cades. Je pense, en revanche, nécessaire qu'un gouvernement impose un jour une augmentation de la CRDS afin que la Cades puisse faire face aux échéances qui se présentent à elle à l'horizon 2024.

Dans le fil de ses propos, je signale au président Gérard Rivière avoir découvert récemment, à la lecture d'un rapport de la Cour des comptes, que la Cades avait réalisé des emprunts à taux variables, à hauteur de 30 % de ses encours. Une remontée, même faible, des taux d'intérêt, conduirait en conséquence à l'explosion de ce système.

M. Dominique Watrin. - Un récent rapport de la Cour de comptes pouvait laisser penser l'existence d'une baisse de 50 millions d'euros des crédits du Fonds national d'action sociale de la Cnav, répartie entre les différentes caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat). Il s'agirait d'une ponction ancienne afin d'alimenter la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Comment justifier cette ponction alors que les besoins d'aide et d'accompagnement des retraités ne peuvent qu'augmenter ? Mon incompréhension est encore plus forte pour l'année 2017, puisque des fonds de la CNSA non-utilisés -230 millions d'euros- vont permettre d'afficher un objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) artificiellement élevé. Quelle est la base juridique de cette ponction ? Comment éventuellement la modifier ?

Comme l'année dernière, j'évoque aussi les inégalités territoriales inacceptables dans l'accès à l'aide-ménagère à domicile pour les retraités en groupes iso-ressource (GIR) 5 et 6 qui ont besoin d'un accompagnement. Certaines Carsat le prévoient dès 65 ans, d'autres à 75 ans. Vous indiquiez l'année dernière que cette situation était temporaire. Qu'en est-il aujourd'hui ? L'égalité des droits existe-t-elle dans une situation où le nombre de retraités augmente plus vite que les dotations du Fonds national d'action sociale de la Cnav ?

Mme Annie David. - Les travailleurs handicapés ont aujourd'hui, sous certaines conditions, la possibilité de bénéficier d'une retraite anticipée. Or, les récentes évolutions législatives semblent conduire à ce que certains travailleurs handicapés qui n'avaient pas effectué les démarches nécessaires auprès de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnelle (Cotorep) pour la reconnaissance de leur handicap ne puissent pas bénéficier pleinement de la possibilité d'un tel départ anticipé. En septembre 2015, la ministre en charge indiquait que des travaux complexes étaient en cours pour résoudre ce problème. Ceux-ci ne semblent, pour l'heure, pas avoir abouti. La Cnav reconnaît-elle une présomption de handicap pour pallier cette situation ? Disposez-vous d'informations sur la mise en oeuvre de ces travaux ?

Mme Laurence Cohen. - Le recul de l'âge légal du départ à la retraite relève davantage d'une fuite en avant que d'une réelle réponse aux difficultés de financement. Il aggrave un chômage de niveau déjà très élevé, notamment chez les jeunes. Disposez-vous d'analyses sur ce point ?

M. Renaud Villard. - Concernant l'article 33 du PLFSS, la modification des règles d'affiliation à la Cipav et du RSI concernent peu la Cnav. Les nouveaux auto-entrepreneurs devront désormais s'affilier uniquement au RSI, et non plus à la Cipav, alors que ceux relevant déjà de ce statut auront un droit d'option, notamment fonction de leur taux de cotisation. La Cipav recouvre ainsi son coeur de métier : l'affiliation des professions libérales qui ne sont pas rattachées à un ordre professionnel.

Si cette réforme semble être motivée par une meilleure gestion des flux, je ne suis pas en mesure de vous dire s'il s'agit d'un préalable à une réforme plus profonde des dix sections rattachées aux professions libérales, dont certaines sont d'ailleurs de taille très modeste. Ce mouvement peut également procéder d'une volonté de réorganiser les liens entre ces dix sections de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales.

La Cnav est concernée à la marge du fait de l'intégration réalisée avec le RSI puisqu'à partir du mois de juillet 2017, les assurés qui ont relevé des deux régimes seront pris en charge par l'un ou l'autre de ces régimes.

J'aborde maintenant les impacts des lois « Fillon » de 2003 et « Woerth » de 2010.

Je n'ai pas de chiffres précis relatifs à la loi « Fillon » qui n'a pas fini de produire l'ensemble de ses effets, car elle prévoyait une augmentation progressive de la durée d'assurance jusqu'à 41 années et demie à l'horizon 2019. Tout chiffrage est, en outre, rendu difficile par l'existence des dispositifs « carrières longues ».

La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, dite « loi Woerth », a relevé l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans d'ici 2017. L'impact de ce relèvement est estimé à six milliards d'euros en faveur de la Cnav. Des impacts inverses peuvent cependant exister pour d'autres branches.

La transition est ainsi faite avec les travaux du Conseil d'orientation des retraites (COR). La Cnav articule effectivement ses hypothèses et ses projections avec celles du COR. Le COR reprend également les projections réalisées par les régimes de sécurité sociale dont la Cnav, notamment pour la prévision des taux de chômage. De manière synthétique, la Cnav appuie ses projections macro-économiques de court terme sur celles de la commission des comptes de la sécurité sociale, et ses projections de moyen et long terme sur celles du COR.

L'article 30 du PLFSS concerne une difficulté propre au dispositif de retraite progressive qui consiste à pouvoir passer dès 60 ans à un travail à temps partiel tout en touchant une partie de sa retraite. Il n'était pas accessible aux salariés multi-employeurs. Chacun de leurs contrats ne constituant pas un contrat à temps plein, il n'était pas possible pour les salariés concernés de justifier d'un passage à temps partiel. Ils ne pouvaient donc prétendre à une retraite progressive, alors même que leurs emplois étaient le plus souvent usants et difficiles et qu'une forte demande existe donc en ce sens.

Concernant la retraite anticipée des travailleurs handicapés, je précise qu'il n'a jamais été possible de présumer un handicap antérieur pour en bénéficier. Une telle situation peut effectivement conduire à refuser parfois la reconnaissance d'une période de travail en état de handicap donnant droit à une retraite anticipée, alors même que le handicap en question est manifestement acquis dès la naissance. Du fait de l'existence de commissions de recours amiable, la Cnav fait, dans certains cas cependant, preuve de souplesse et d'équité.

Le problème politique sous-jacent réside dans le fait que la notion de présomption de handicap est contraire à la logique de la loi de 2005 qui considère le handicap comme une situation donnée et non comme un état définitif.

A ce stade, la Cnav se borne à appliquer le droit, mais ces situations sont suffisamment rares pour les présenter en commission de recours amiable et les traiter aux cas par cas.

M. Gérard Rivière. - À titre de complément, je précise que le conseil d'administration de la Cnav est particulièrement attentif au transfert de certaines affiliations de la Cipav vers le RSI. Il l'est également sur l'intégration financière des comptes du RSI dans ceux de la Cnav puisqu'il n'a en aucun cas été consulté en amont de cette décision. A l'heure actuelle, l'intégration du solde négatif du RSI est compensée par l'affectation d'une partie de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S).

Si cette part de C3S est aujourd'hui légèrement supérieure au solde négatif du RSI, cette situation a vocation à s'inverser dès 2018 et amènera la Cnav à supporter ce que je considère comme un déficit indu. Car conserver une distinction entre un régime général et le régime des travailleurs indépendants n'a de sens que si chacun de ces régimes est responsable de son équilibre, indépendamment des mécanismes de compensation démographique qui relèvent d'un autre débat. Je considère que ce rééquilibrage automatique par le régime général d'un régime de non-salariés est particulièrement problématique. Ce phénomène est amplifié par le transfert de nouvelles charges vers ce régime de non-salariés, puisque les auto-entrepreneurs ne génèrent objectivement pas un flux de cotisations suffisant pour garantir l'équilibre du RSI dans l'avenir.

En complément de ce qui vient d'être dit, je signale que le COR se penche aujourd'hui sur une problématique spécifique. Elle consiste à considérer l'avantage que procure le recul de l'âge légal de départ à la retraite pour la branche vieillesse, au regard des coûts nouveaux qui sont générés par les salariés de 60 à 62 ans dans les autres branches. Il apparait ainsi que 30 % de ces salariés sont au chômage et que 14 % d'entre eux se trouvent dans une situation d'invalidité. Ainsi, à l'inverse de la situation constatée après l'abaissement de l'âge légal de la retraite à 60 ans en 1982, l'étude soumise au COR démontre que le tiers du bénéfice de six milliards engendré par la loi « Woerth » au profit de la branche vieillesse est compensé par des dépenses supplémentaires d'assurance chômage, d'assurance maladie et d'invalidité.

Je précise à M. Labazée, qu'à ma connaissance, l'affectation intégrale de la Casa à la CNSA est désormais assurée.

Je rejoins le point de vue de M. Daudigny sur la nécessaire clarification du financement du FSV. La structure du panier de recettes affectées au FSV est particulièrement complexe et se voit modifiée tous les ans. Il serait bon de s'inspirer, pour le FSV, de la solution retenue pour la Cades dont les recettes sont issues de la CRDS et de la CSG. A l'origine, le FSV était financé par 1,3 point de CSG. Il est nécessaire de revenir vers un financement simple, quitte à ce que la solution choisie permette au FSV de constituer des réserves pour faire face aux pics de chômage.

Le conseil d'administration de la Cnav a unanimement salué l'avancée que représente l'élargissement de l'accès à la retraite progressive prévue à l'article 30 du PLFSS. Il s'agit, d'ailleurs, d'une ancienne proposition de la commission « études et prospectives » de la Cnav. Créée en 2011, cette commission a pour mission de formuler des propositions visant à améliorer le service public de la retraite. Ce dispositif visant à établir une transition progressive vers la retraite doit encore aujourd'hui évoluer, notamment pour pouvoir bénéficier aux cadres en forfait jour.

Siégeant au conseil d'administration de la Cades, je sais qu'elle a souvent des emprunts à taux variables, dans une proportion que je ne peux vous préciser. Le ministère des finances assure certainement sur ce point un contrôle vigilant.

Je précise à M. Watrin que la baisse de 50 millions d'euros des crédits du Fonds national d'action sociale de la Cnav relève d'une simple question de présentation. Jusqu'en 2014, chaque caisse de retraite dont la Cnav devait s'acquitter d'un versement auprès de la CNSA pour contribuer au financement de l'aide en faveur des personnes relevant du GIR 4, situées à la frontière entre l'autonomie et la perte d'autonomie. Cette ponction annuelle était fixée par arrêté ministériel aux alentours de quarante millions d'euros et indexée sur la variation de l'indice prévisionnel des prix. La baisse de cinquante millions d'euros des crédits du Fonds national d'action sociale vient aujourd'hui compenser la suppression de cette contribution en faveur de la CNSA.

Je rappelle, à ce titre, que l'aide à domicile dont vous souligniez l'inégal accès, constitue une prestation non obligatoire et connait en conséquence des pratiques locales parfois divergentes. Il convient néanmoins de souligner que l'ensemble des Carsat et des caisses générales de sécurité sociale (CGSS) en outre-mer tendent maintenant à suivre des critères nationaux communs approuvés tant par la tutelle que par le conseil d'administration de la Cnav. Les divergences vont donc en s'amenuisant et ne devraient a priori plus exister.

Si les moyens attribués à l'action sociale en faveur des personnes âgées sont jugés insuffisants, je signale qu'ils auront tout de même augmenté de 8,1 % entre 2014 et 2017. Ce budget sera très largement exécuté et les exigences de la Cnav pour la négociation de la prochaine convention d'objectifs et de gestion tiendront compte de cette augmentation notable.

Je souhaite également compléter le propos de M. Villard sur le rôle des commissions de recours amiable dans la détermination du droit des handicapés à bénéficier d'un départ anticipé à la retraite, puisqu'une partie de la problématique réside dans la validation des décisions de ces commissions par la mission nationale de contrôle des organismes de sécurité sociale. Il est en effet fréquent de constater que selon les ressorts territoriaux, les antennes de cette mission ne partagent pas la même interprétation des textes. La Cnav s'efforce de rendre homogène l'ensemble des décisions des commissions de recours amiable sur le territoire. Il conviendrait donc que la mission nationale de contrôle en fasse de même pour les antennes territoriales qui valident ces décisions.

M. Georges Labazée. - Le rapport récent de la commission d'enquête sénatoriale sur les chiffres du chômage identifie ce qu'il qualifie de « halo autour du chômage », comprenant 1,4 million de personnes, dont certaines ont entre 60 et 62 ans. Disposez-vous d'analyses à ce sujet ?

M. Gérard Rivière. - Je n'ai pas réellement de précision complémentaire à formuler et ne peux m'en remettre qu'aux conclusions du COR construites sur la base des données produites par les caisses. La Cnav joue d'ailleurs, avec la direction du Trésor, un rôle majeur dans la fourniture de ces données. À ce titre, le rapport précédemment évoqué sur le bénéfice de l'augmentation de l'âge légal de la retraite montre à quel point il est nécessaire d'analyser la période qui précède directement le départ à la retraite pour juger des effets d'une augmentation de l'âge légal. J'attire à cette occasion votre attention sur l'augmentation sensible des coûts relatifs à la prise en charge des périodes d'invalidité pour l'assurance maladie et sur les incidences d'une augmentation de l'âge légal sur les ratios de solvabilité que doivent respecter les institutions de prévoyance et les compagnies d'assurance.

M. Renaud Villard. - S'agissant du « halo autour du chômage », je précise que la Cnav analyse spécialement le parcours de ses assurés juste avant leur départ à la retraite. Il ressort globalement de cette analyse que près de 50 % d'entre eux ne sont déjà plus en activité à ce moment-là, pour diverses raisons. Ce retrait volontaire ou involontaire a une influence sur l'équilibre global des comptes sociaux et est retracé, chaque année, dans les programmes de qualité et d'efficience.

M. Alain Milon, président - Merci messieurs, pour vos interventions et les réponses apportées à nos questions.

La réunion est levée à 11 h 40

PLFSS pour 2017 - Audition de M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget

- Présidence de M. Alain Milon, président -

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.

La réunion est ouverte à 17 h 05.

M. Alain Milon, président. - Nous sommes heureux d'accueillir M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, pour la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017. Nous examinons plus particulièrement les recettes et les équilibres généraux et nous recevrons, la semaine prochaine, la ministre des affaires sociales, Mme Marisol Touraine, pour la partie « dépenses ».

Ce PLFSS 2017 est le dernier de la législature. Il marque la dernière étape du pacte de solidarité et de responsabilité et du plan d'économies, lancé par le Gouvernement. Le Gouvernement a annoncé, peut-être un peu vite, le retour à l'équilibre des comptes sociaux alors que le déficit de l'ensemble « régime général et Fonds de solidarité vieillesse (FSV) » s'élève à 4,2 milliards d'euros en 2017. Les déficits se concentrent sur la branche maladie à hauteur de 2,6 milliards et sur le FSV pour 3,7 milliards.

Examinant les hypothèses de construction de ce projet de loi, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a adopté, le 24 septembre dernier, un avis particulièrement sévère, soulignant les risques pesant sur les dépenses : « caractère irréaliste des économies prévues sur l'Unedic », « fortes incertitudes sur la réalisation des économies de grande ampleur prévues sur l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) » et, au total, « fragilité de la trajectoire de retour à l'équilibre » des comptes publics. Le Gouvernement a-t-il sauvé la sécurité sociale ou restera-t-il du travail sur ce sujet pour le prochain Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Ce dernier PLFSS fait mesurer à chacun l'ampleur du chemin parcouru depuis notre arrivée au Gouvernement : au départ, un déficit de 21 milliards d'euros pour le régime général, à l'arrivée un quasi équilibre, 400 millions d'euros de déficit en 2017.

Ce PLFSS comporte également des mesures fortes pour l'avenir. L'équilibre financier de la sécurité sociale doit être au service d'une politique responsable pour continuer à faire progresser les droits. Mme Touraine centrera son propos sur ces mesures, concernant tout particulièrement l'assurance maladie, j'évoquerai l'équilibre budgétaire et les recettes.

Au printemps dernier, je vous ai présenté les résultats du régime général pour 2015 d'après les chiffres des différentes caisses, bien meilleurs que prévu - certains d'entre vous s'en étonnaient - avec une amélioration de 2 milliards d'euros, comme en 2014. Et pourtant, nous avions eu les mêmes alertes de la Cour des comptes, « incertitudes », « aléas possibles », « fragilités »... En 2015, comme les deux années précédentes, la Cour a certifié le résultat financier de chaque branche du régime général, alors que chaque année jusqu'en 2012, elle refusait la certification pour au moins une des branches. Désormais, malgré certains désaccords, elle estime donc que les comptes de chaque branche donnent une image fidèle de son résultat réel. Il faut donc arrêter de crier à l'insincérité ! La Cour des comptes est un juge de paix...

Nous avions prévu un déficit de 9,8 milliards d'euros pour le régime général et le FSV en 2017 ; il a été revu récemment à 7,2 milliards d'euros, tout de même 2 milliards d'euros de moins ! Le déficit du régime général a été divisé par deux en un an, pour s'établir à 3,4 milliards d'euros en 2016. En 2017, le déficit du régime général sera réduit à 400 millions d'euros, pour 400 milliards d'euros de masse financière, soit un quasi équilibre : les dépenses sont couvertes à 99,9% par les recettes. Depuis quinze ans, aucun Gouvernement ne s'est approché de si près de l'objectif.

Certes, il faut encore assurer l'équilibre du FSV, dont le déficit est très affecté par la situation du marché de l'emploi - ce qui préoccupe à juste titre votre commission. Le déficit se réduira toutefois en 2016, pour un retour à l'excédent en 2020. En 2016, le déficit du FSV devrait s'élever à 3,6 milliards d'euros. En 2010 et 2011, il s'élevait à 4,1 milliards. Ce qui est inadmissible aujourd'hui était convenable à l'époque ?

Ayons le courage de regarder les chiffres en face. La réduction du déficit - même si elle est insuffisante, trop lente, etc. - a permis, dès 2015, de réduire l'endettement de la sécurité sociale. La Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) a remboursé plus de 13 milliards d'euros de dette en 2015. La réduction de la dette est supérieure au déficit de 10,8 milliards, conservé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

Monsieur Delattre, si vous additionnez la dette de l'Acoss et celle de la Cades, vous constatez une réduction de la dette totale. Le transfert d'une partie de la dette de l'Acoss vers la Cades n'y change rien. Ce désendettement se poursuivra à hauteur de plus de 7 milliards en 2016 et 10 en 2017. Même si l'on tient compte de la dette de l'Acoss, qui se stabilisera en 2018, le désendettement est réel. Il reste 136 milliards d'euros de dette, moins que l'an passé, et nettement moins qu'en 2010, 2011 ou 2012. La dette totale s'est réduite durant la législature. La dette de la Cades devrait être éteinte en 2024, plus tôt que prévu : c'est le fruit des actions du Gouvernement et des efforts de tous les acteurs concernés.

Quelles sont les mesures nécessaires pour atteindre l'équilibre ? Comme les années précédentes, l'amélioration des comptes ne tombe pas du ciel, elle découle de nos décisions, de vos décisions, grâce à des économies supplémentaires et au plan d'économies global, mené depuis 2014. L'Ondam a été respecté ces six dernières années et devrait l'être en 2016 malgré une cible historiquement ambitieuse, 1,8 %. Ce sont 4,1 milliards d'euros d'économies qui sont attendues par rapport à l'évolution tendancielle des dépenses de l'assurance maladie. Nous avons mené des réformes - efficience des dépenses hospitalières, virage ambulatoire, maîtrise des dépenses de produits de santé, amélioration de la pertinence des soins -qui monteront en charge en 2017. Nous ferons face aux coûts de l'innovation thérapeutique -chacun connaît le coût des nouveaux traitements contre l'hépatite C ou des médicaments anticancéreux- en lissant l'arrivée sur le marché des nouveaux traitements.

Nous avons des dépenses nouvelles, oui ; elles sont liées aux nouvelles conventions médicales, à l'augmentation de la consultation de 23 à 25 euros, sur laquelle j'aimerais connaître la position de chacun, aux mesures salariales avec l'augmentation du point d'indice des agents de la fonction publique. Les mêmes qui critiquaient un gel du point d'indice, insupportable pour les agents hospitaliers, protestent que nous laissons ainsi filer le déficit...

Le taux de progression de l'Ondam a été fixé, pour 2017, à 2,1 % -un des taux les plus bas jamais retenu. Nous devrons donc prendre des mesures complémentaires, pour 1,5 milliard d'euros comme annoncé en avril dernier dans le pacte de stabilité. Nous alignerons la fiscalité du tabac à rouler sur celle des cigarettes. Une taxe sur les distributeurs de tabac fournira 130 millions d'euros supplémentaires (les ventes des fabricants aux distributeurs des produits avant l'entrée en France constitue une optimisation à combattre). Nous réduirons les niches sociales. Nous attendons 500 millions d'euros de recettes grâce à la lutte contre la fraude sur les prestations et les cotisations sociales. Nous avons déjà beaucoup progressé en ce domaine.

De nouvelles économies de gestion seront réalisées par les organismes de sécurité sociale -déjà sollicités les années passées- pour un montant fixé à 270 millions d'euros. Certaines dépenses se réduiront à la suite de la montée en charge des réformes -comme sur le capital décès- à hauteur de 350 millions d'euros. Le retour à l'équilibre est également dû au fait que l'État compense systématiquement les allègements de cotisations, comme il s'y est engagé dans le pacte de responsabilité et de solidarité : plus de 13 milliards d'euros en trois ans. Certains regrettent que le déficit budgétaire de l'État ne se réduise pas plus vite, mais l'État reprend certaines dépenses -comme les allocations logement- ou réalloue des recettes. En 2017, l'extinction des recettes des caisses de congés payés -un fusil à un coup- sera intégrée dans la compensation. L'État compensera certaines exonérations de cotisations sociales, jusqu'à présent non compensées.

Nous engageons des mesures importantes concernant les prélèvements sociaux -qui ne sont pas augmentés-. Les prélèvements sociaux doivent être davantage adaptés, ainsi pour les travailleurs indépendants : nous prévoyons de réorganiser les relations entre les Urssaf et le Régime social des indépendants (RSI), en intégrant les propositions qui figurent dans les rapports récents des députés Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier et de vos collègues Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy. Plusieurs mesures ont été prises et doivent être poursuivies. L'interlocuteur social unique n'a pas fait ses preuves... Nous avons en revanche testé des solutions pragmatiques pour que les équipes des deux organismes travaillent ensemble sur le terrain. Cela commence à porter ses fruits. Et nous identifions plus clairement, dans la loi, la chaîne de responsabilités.

Nous prévoyons une nouvelle exonération de cotisations sociales pour les travailleurs indépendants modestes, qui pourra aller jusqu'à trois points de cotisations d'assurance maladie, soit 250 euros. Nous avons déjà supprimé la cotisation minimum d'assurance maladie. L'assurance vieillesse et les indemnités journalières sont également concernées. Le poids des prélèvements diminue donc pour les deux-tiers des travailleurs indépendants, tandis que leur protection sociale s'améliore.

L'économie se transforme. Il faut l'accompagner et adapter notre système. La clarification des règles applicables aux activités économiques accessoires a commencé en 2015, en loi de finances. Le sujet de l'économie collaborative a beaucoup intéressé les sénateurs l'année dernière. Ils avaient raison, car ces activités montent en puissance et personne n'y pourra rien. Vous aviez abouti à un consensus sur la nécessité de modifier le droit, de clarifier le partage de frais. Nous l'avons fait dans une instruction fiscale en septembre dernier. BlablaCar est un système de partage de frais, non imposable et ne donnant pas lieu à cotisations sociales. On a laissé s'installer des zones grises, voire de non-droit. Si on veut rétablir une concurrence loyale entre l'économie traditionnelle et l'économie dite virtuelle, il faut avancer. Ainsi, la situation est peu claire pour la location de biens entre particuliers. Fixons un seuil cohérent pour l'activité professionnelle réelle. La presse n'est pas très bien renseignée sur le sujet, soit dit en passant.

Mme Nicole Bricq. - Vous allez nous éclairer !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Ce seuil est prévu à 23 000 euros et non à 4 000 euros, par cohérence avec les seuils fiscaux. Le projet de loi simplifie les démarches pour ceux qui se déclarent comme auto-entrepreneurs. Vous connaissez le succès du Chèque emploi service universel (Cesu) et de Pajemploi permettant à des particuliers employeurs de bénéficier d'une réduction de cotisations sociales forfaitaire, portée à 2 euros par heure de travail en 2015. À compter de 2017, la réduction d'impôt sera transformée en crédit d'impôt, soit un gain net dans de nombreux cas. Poursuivons la simplification des démarches en facilitant l'octroi des aides en même temps que le paiement du salaire, pour réduire les besoins de trésorerie des particuliers.

À compter de 2018, les particuliers pourront confier aux centres Cesu et Pajemploi la charge de réaliser, pour leur compte, la totalité des opérations sociales, ainsi que le prélèvement à la source. La retenue à la source aboutira donc à une nouvelle simplification pour ce secteur.

Dans cette période marquée par le doute, nous devons montrer que les résultats sont atteints. Depuis 2012, nous avons tenu un langage de vérité et de responsabilité. Le déficit était alors de 21 milliards d'euros. Nous avons fait les efforts d'économie nécessaires, même s'ils ont pu être impopulaires. Entre 2010 et 2017, le déficit du régime général et du FSV aura été divisé par six. La dette sociale poursuit sa baisse en valeur, ce qui contribue à la stabilisation du ratio global de dette publique. Le retour à l'équilibre était donc possible, sans avoir à sacrifier les droits sociaux des assurés ou dé-rembourser des soins. Au contraire, le redressement financier s'est accompagné d'avancées sociales, ce qui contraste avec certaines des propositions qui sont avancées ces jours-ci. Ce Gouvernement croit à l'avenir de la protection sociale. Il s'est employé à rétablir son équilibre et à l'adapter à l'évolution des besoins. Elle est désormais plus généreuse, plus juste, plus solide et plus efficace.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Merci de ces explications complètes. L'équilibre des comptes de la sécurité sociale n'était donc pas une utopie ! Je n'ai cessé de le réclamer depuis des années, sans jamais parler de déremboursement. Je me réjouis que le Gouvernement ait repris cette exigence à son compte. Certes, le déficit est moindre que dans les années antérieures.

Mme Nicole Bricq. - C'est un fait.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Pour autant faut-il claironner, comme vous le faites ainsi que Mme Touraine, que le retour à l'équilibre est acquis ? Le FSV est toujours en déficit et il est inclus dans le périmètre du PLFSS. Avouons donc plutôt qu'il reste des efforts à accomplir. Nous souhaitons vous accompagner dans cette direction, à condition que tous les acteurs de l'équilibre soient concernés.

Avec l'article 20, vous transférez 836 millions d'euros du FSV vers la Cnam. Or le FSV est en déficit et son déficit ne sera pas transféré à la Cades. Sa dette cumulée atteindra 11 milliards d'euros en 2020, en tenant compte des mesures structurelles que vous avez déjà proposées. La dette augmente, et peu importe qu'elle soit logée à la Cades ou à l'Acoss. L'article 49 transfère 876 millions d'euros à un fonds d'innovation thérapeutique, qui place hors du périmètre de l'Ondam une partie des dépenses de médicaments. L'article 26 du projet de loi de finances, lui, compense à la sécurité sociale les exonérations de cotisations à hauteur de 719 millions d'euros, toujours avec cette même dotation en provenance du FSV. Il ne s'agit donc pas seulement d'innovation thérapeutique, mais aussi d'innovation budgétaire ! La sécurité sociale se compense à elle-même son manque à gagner. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a conduits à ce montage ?

Pouvez-vous nous détailler la tranche 2017 du plan d'économies sur le périmètre des administrations de sécurité sociale ? Quelle y sera la part de l'assurance chômage ? Les négociations sur la nouvelle convention ont du mal à redémarrer.

Dans son avis rendu aujourd'hui, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie estime que la prévision pour 2016 reste sujette à des aléas significatifs. Comme en 2015 et en 2014, l'Ondam ne serait tenu que grâce à des mesures de régulation sur les crédits hospitaliers. Le comité émet une réserve de méthode sur les éléments ayant permis l'élaboration de l'Ondam pour 2017, notamment en raison de l'exclusion des médicaments innovants. Qu'en dites-vous ?

M. Jean-Noël Cardoux, président de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss). - Sur quelle prévision de croissance avez-vous établi votre budget ? Le Gouvernement prévoit 1,5 % pour 2017, mais l'Insee et le FMI ont réduit leurs espoirs à 1,2 % ou 1,3 %. Le président de la sixième chambre de la Cour des comptes a attiré notre attention sur le fait que 700 millions d'euros de produit de la CSG ont été comptabilisés dans les résultats 2016 de la branche maladie, alors qu'ils devaient être inscrits directement au bilan. Par conséquent, il n'a pu nous dire si la Cour des comptes pourrait certifier les comptes de la sécurité sociale. Il « réfléchit ». Qu'en pensez-vous ?

Certes, qu'ils soient transmis ou non à la Cades, les déficits restent les mêmes. Mais le risque n'est pas identique. Fin 2016, la dette logée à l'Acoss atteindra plus de 15 milliards d'euros. Il faut y ajouter la dette MSA et celle du régime des mines... Pour l'heure, il n'y a plus d'autorisation de transfert de l'Acoss vers la Cades. Ces sommes sont exposées au risque de hausse des taux. M. Durrleman nous a d'ailleurs indiqué qu'environ 30 % de la dette de la Cades avait été contractée à taux variable. C'est un risque considérable ! Ne faudrait-il pas allonger la durée de vie de la Cades ou augmenter de 0,2 ou de 0,3 point la CRDS ? Puisque le budget de la Sécurité sociale est enfin à l'équilibre, c'est l'occasion ou jamais de faire table rase du passé, au prix d'une faible augmentation d'impôt.

S'agissant du RSI, le PLFSS prévoit la nomination d'un directeur unique chargé du recouvrement. J'ai participé à la structure créée par Mme Touraine et présidée par M. Verdier. Le dysfonctionnement du RSI venait d'un manque de dialogue pendant des années. À cet égard, nommer un responsable unique chargé du recouvrement est une bonne idée. Cela dit, les hommes ne peuvent pas tout faire, et le logiciel de l'Acoss pose problème. Celui dédié au RSI est obsolète. Or il semble que les moyens pour restructurer ces outils fassent défaut. La question était « à l'étude » l'an dernier. Où en sommes-nous à présent ? Il y va de l'efficacité du recouvrement.

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Merci de votre invitation. C'est toujours un plaisir d'entendre notre secrétaire d'État au budget, dont l'optimisme serait presque contagieux ! La commission des finances ne s'intéresse pas, comme la vôtre, au fond des mesures du PLFSS, mais cherche à comprendre si les dépenses prévues sont soutenables. Bien sûr, leur présentation peut varier. Et en effet, cela va mieux qu'en 2012. Mais la Cour des comptes, dont le Premier président est ancien parlementaire et ancien rapporteur général du budget, indique que la sécurité sociale n'a pas retrouvé en 2015 le niveau de déficit qui était le sien avant la crise - et qui était déjà élevé.

Nous ne nions pas que des efforts sont faits. L'Ondam est à peu près tenu, même si les mesures salariales font planer un doute. L'ensemble de la dépense sociale représente plus de 600 milliards d'euros, soit la moitié des dépenses publiques, qui atteignent 57 % du PIB. Il s'agit donc d'une affaire sérieuse. Le directeur de l'assurance maladie fait des réformes appréciables : le travail est sérieux, mais le défi aussi !

Le ministre ne signale pas que l'excédent du régime de retraite résulte de la réforme effectuée en 2010. Même si le FSV pose problème, la branche vieillesse se porte bien. Or ce dont souffre le plus le budget de la sécurité sociale, c'est du manque de réformes de structures. Lesquelles avez-vous faites ? Je l'ignore.

Mme Nicole Bricq. - Vous nous direz, vous, lesquelles vous choisissez. Ce sera intéressant.

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Vous vous êtes contentés de mesures ponctuelles, one shot, et avez déployé une grande habileté à faire communiquer les tuyaux pour obtenir un résultat présentable. Les efforts que vous annoncez ne sont pas à la hauteur de la situation, même s'ils vont dans le bon sens. Nous sommes tous attachés à la sécurité sociale. Il faut donc la réformer pour la préserver.

La Cades n'a pas été créée par une loi ordinaire. Son plafond d'emprunt annuel a été fixé à 10 milliards d'euros. L'an dernier, nous avons atteint 23 milliards d'euros. La Cour des comptes indique qu'il faudrait envisager entre 15 et 20 milliards d'euros de transferts supplémentaires de l'Acoss à la Cades. Heureusement, le talentueux gestionnaire de la Cades a renégocié une partie des emprunts, et a fait baisser leurs taux, dont certains sont négatifs.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - La Cades n'emprunte pas à court terme.

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Elle emprunte à moyen terme, 2024 au plus. Je suis membre de son conseil de surveillance... Quoi qu'il en soit, pour reprendre les 15 à 20 milliards d'euros de l'Acoss, vous seriez obligé d'augmenter la CRDS, je pense par conséquent que vous ne le proposerez pas.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Le transfert que vous avez évoqué entre le FSV et la Cnam ne change rien au solde. La section 3 du FSV est à part : elle a été créée en 2011 pour financer le maintien de l'âge de départ à la retraite à taux plein à 65 ans pour les parents de trois enfants ou les parents d'enfants handicapés. Cette mesure coûte quelques dizaines de millions d'euros cette année et n'est pas comptabilisée parmi les résultats du FSV. Seules les sections 1 et 2 le sont : ce transfert ne dégrade donc pas les comptes. La situation est baroque, puisque cette section 3 est dotée de plus de 800 millions d'euros de réserves, pour des dépenses de l'ordre de 240 millions d'euros.

L'objectif du fonds d'innovation thérapeutique, alimenté par un prélèvement sur la section 3 du FSV, est d'absorber et de lisser l'arrivée de nouveaux médicaments plus coûteux, comme par exemple celui qui traite à présent l'hépatite C. Ces dépenses sont retracées dans les dépenses de l'assurance maladie. Ce ne sont pas des dépenses qui disparaissent.

Le comité d'alerte a en effet rendu un avis aujourd'hui. Comme d'habitude, il dit que la situation est tendue : nous ne prétendons pas le contraire ! C'est qu'il n'est pas aisé de réduire les dépenses. Nous devons parfois avoir recours à des réserves constituées en début d'exercice. Ce fut le cas l'an dernier, où nous avons dû procéder au dégel de 100 à 150 millions d'euros pour couvrir les besoins du secteur hospitalier. Quant aux aléas, par définition, c'est toute la difficulté de la prévision budgétaire...

Si nous ne faisions rien, la croissance démographique, l'allongement de la durée de la vie et l'augmentation du coût des soins -qui est en elle-même une bonne nouvelle- suffiraient à faire croître les dépenses d'assurance-maladie de 3,5 % à 4 % par an. Pour limiter cette croissance à 2,1 %, nous rationalisons les dépenses, favorisons le recours au médicament générique, développons la chirurgie ambulatoire, les soins à domicile.... Si je n'avais pris que des mesures one shot, monsieur Delattre, cela se verrait ! Le déficit n'aurait pas diminué année après année.

Et lorsque des mesures ponctuelles sont prises, la disparition de la recette occasionnée est dûment intégrée et compensée le moment venu. Cela a été le cas pour la caisse des congés payés.

La dette cumulée de la Cades et de l'Acoss est passée de 148,2 milliards d'euros en 2011 à 140,4 milliards d'euros, selon les prévisions, en 2017, après un pic à 158,4 milliards en 2014. Je ne crois pas qu'il faille attribuer cette baisse à un alignement des planètes... Les besoins de financement annuels sont désormais inférieurs au capital remboursé -rappelons que, contrairement à l'État, la sécurité sociale rembourse la dette en capital : c'est la raison d'être de la Cades. Faut-il opérer des transferts de l'Acoss vers la Cades ? Monsieur Delattre, vous m'avez reproché de le faire l'an dernier...

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - De le faire en catimini !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Le transfert était inscrit en PLFSS. Ce n'est pas ce que je qualifierais de manoeuvre en catimini... Les deux organismes n'ont pas la même vocation. L'Acoss pratique une gestion à court terme ; sa dette est en voie de stabilisation et devrait bientôt reprendre sa baisse pour disparaître à terme. On emprunte actuellement à un taux négatif : l'an dernier, la gestion du produit de la dette a rapporté 80 millions d'euros. Ce n'est pas le cas pour la Cades. Certes, il y a des emprunts à taux variable ; mais personne ne se plaint de cette pratique, que je ne trouve pas scandaleuse. Une grande partie de ces emprunts sont indexés sur l'inflation, indicateur plus pertinent que les taux d'intérêt sur le marché secondaire. L'inflation modérée, davantage que les taux bas, produit des économies sur la charge de la dette. La Cades emprunte sur des durées plus longues. Les deux organismes relèvent de deux secteurs différents, et il ne me paraît pas opportun d'alourdir les charges de la Cades.

Augmenter la CRDS pour amortir la dette, comme vous le proposez, monsieur Cardoux, est plutôt un engagement de début de législature... Vous auriez tôt fait de nous reprocher cette nouvelle augmentation d'impôts !

Vous mettez aussi en doute la fiabilité des hypothèses de croissance ; mais contrairement au budget de l'État, les recettes de la sécurité sociale sont avant tout affectées par la masse salariale, et non la croissance économique. Quand, au début de l'année, nous avons annoncé une prévision de croissance de la masse salariale de 2,3 %, on a parlé de surréalisme, voire de truquage. Aujourd'hui, la croissance constatée s'élève à 2,6 %... Pour l'année prochaine, nous prévoyons 2,7 %. La croissance de la masse salariale se répartit à parts égales en deux facteurs : l'augmentation des salaires et l'augmentation du nombre de travailleurs, qui est comprise entre 120 000 et 150 000 malgré la hausse du chômage. Nous sommes loin de l'optimisme béat que vous me reprochez.

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - J'ai évoqué un optimisme contagieux !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - L'expérience des deux dernières années peut vous inciter, je le crois, à considérer sereinement nos prévisions. Autre exemple : en juin 2015, Gilles Carrez, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, annonçait qu'il manquerait 10 milliards de recettes par rapport à la prévision de la loi de finances initiale. Nous avons, en fin d'exercice, constaté un excédent de plus d'1 milliard...

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Sur les recettes fiscales ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Oui. Donc il ne faut pas voir seulement les aléas négatifs. Oui, l'Acoss, qui emprunte à court terme, est exposée à une remontée des taux, mais la politique de la BCE ne la laisse pas entrevoir. Ils étaient, ce matin, à 0,3 % sur le marché secondaire, en hausse limitée depuis deux semaines.

Que n'a-t-on pas dit sur ces 700 millions d'euros de retours de produits de la CSG ! Ils ont bien été encaissés, personne ne le conteste, mais ils n'ont jamais été affectés. Nous proposons de les imputer à l'exercice 2016 mais la Cour des comptes, considérant qu'il ne s'agit pas d'un acte de gestion de l'année, préfère une affectation au bilan. Point de cachotteries là-dedans. Que ce soit cette année ou l'année prochaine, nous retrouverons bien ces 700 millions. En matière de certification, la Cour des comptes est le juge de paix. Nous poursuivons les échanges.

Enfin, le regroupement des Urssaf et du RSI dans un groupement d'intérêt public (GIP) unique a été abandonné, au profit de la désignation d'un responsable unique du recouvrement ; reste le problème du logiciel : doit-il rester dans le périmètre du RSI ou être intégré dans le logiciel général de l'Acoss ? Les deux organismes poursuivent ce débat, parfois difficile. Ce n'est pas une question de moyens. La question devrait être réglée par la nouvelle organisation qui sera présentée dans le PLFSS.

M. Michel Amiel. - Le fonds pour l'innovation thérapeutique est un dispositif, certes ingénieux, de débudgétisation.

L'arrivée de nouvelles molécules, analogues en prix aux antirétroviraux directs utilisés dans le traitement de l'hépatite C, aura un fort impact sur le budget. Comment sont et seront financées les molécules innovantes ?

Une gestion pluriannuelle des dépenses de la sécurité sociale nous donnerait le recul nécessaire pour établir un budget plus proche des réalités.

Mme Anne Emery-Dumas. - Vous annoncez un objectif de recettes de 500 millions d'euros sur la fraude sociale. La Mecss a confié à Agnès Canayer et moi-même un rapport dont un volet concerne la fraude liée au travail dissimulé. Nous avons constaté un effort important des organismes de contrôle, grâce auquel les redressements notifiés sont passés de 260 millions d'euros en 2008 à 462 millions en 2015. Pourtant, le taux de recouvrement ne dépasse pas 10 à 15 % ; allez-vous donner à ces organismes des moyens plus proches de ceux de la DGFiP, dont l'action de recouvrement est bien plus efficace ?

M. René-Paul Savary. - Vous êtes particulièrement en forme, monsieur le ministre ! C'est le médecin qui parle. Les Français sont ingrats : avec des chiffres pareils, la cote de popularité du Président aurait dû remonter en flèche...

Le trou de la sécurité sociale, annonce-t-on dans les journaux, va être comblé : attention, car le déficit de l'assurance maladie est loin de se résorber. Or c'est cela que les Français associent au « trou de la sécu ». De plus, c'est un équilibre fragile et à crédit : on a fait de la dette sociale, en empruntant pour financer une partie de nos prestations.

Vous avez été provocateur en nous interpellant sur le passage à 25 euros du tarif de la consultation médicale. Mais ce tarif est déjà une réalité dans les zones à faible densité médicale et les zones rurales ; il faudra par conséquent proposer un nouveau bonus incitatif pour les médecins qui exercent dans les campagnes, par exemple à travers la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp). Avez-vous étudié les possibilités ?

Les départements contribuent largement au financement du secteur médico-social. Le fonds de secours proposé pour les départements en difficulté reste, à 200 millions d'euros, très inférieur au manque à gagner induit par l'article 14 du projet de loi de finances : à travers la modification du périmètre de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, les finances des départements sont grevées de 400 millions d'euros. L'Assemblée des départements de France a interpellé Jean-Michel Baylet sur ce sujet à l'occasion de son congrès, la semaine dernière. Avez-vous des informations sur ce point ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Ce sujet est en cours d'examen par la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Mme Nicole Bricq. - Au contraire du secteur hospitalier commercial, le secteur hospitalier et social non lucratif n'a pas accès au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). La transformation du CICE en baisse de charges aurait pu corriger cette différence de traitement, alors qu'en en augmentant le taux et l'assiette, on aggrave encore l'iniquité. Déplorant cette situation lors des débats sur le PLFSS en novembre 2015, vous aviez souligné que vous n'aviez pas les moyens d'y remédier. Avez-vous réfléchi à ces effets de bord ?

J'ai cru comprendre que l'instruction fiscale du 31 août sur l'économie collaborative distinguait les revenus du patrimoine des revenus d'activité. Il est normal de subvenir aux frais qu'occasionne la possession d'une voiture en la louant occasionnellement. Ainsi, en raison de la stagnation du pouvoir d'achat, de plus en plus de gens participent à l'économie collaborative, certes via des plateformes. On n'endiguera pas ce mouvement de société avec des lignes Maginot. Il n'est pas opportun de taxer à 25 % au premier euro : dans la plupart des cas, ces plateformes n'ont rien à voir avec les géants américains que nous connaissons. Pouvez-vous nous éclairer sur le projet de décret introduisant semble-t-il un seuil de 3 800 euros ?

M. Olivier Cadic. - Depuis cette année, les prélèvements sociaux payés par les non-résidents sur leurs revenus immobiliers sont fléchés vers le FSV. Ce dispositif succède au mécanisme contesté par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) puis par le Conseil d'État en 2015. Plusieurs dizaines de milliers de réclamations ont été déposées en vue d'obtenir le remboursement des prélèvements sociaux indûment versés pour la période 2012-2015. Or vous avez provisionné 291 millions d'euros, soit l'équivalent du prélèvement d'une année. Quel est le montant remboursé, et combien reste en contentieux ? Avez-vous enregistré des contestations sur les nouvelles dispositions ? Enfin, l'affectation de ces mesures au FSV n'est-il pas un contournement de l'arrêt de Ruyter de la Cour de justice de l'Union européenne ?

- Présidence de M. Gérard Dériot, vice-président -

M. Jean-Marie Morisset. - Les prévisions de recettes sont bonnes ; mais certaines économies que vous annoncez sont irréalistes, s'il faut en croire le Haut Conseil des finances publiques et la Cour des comptes. Ainsi, comment pouvez-vous afficher un montant de 1,6 milliard d'euros d'économies au titre de l'Unedic alors les négociations avec les partenaires sociaux n'ont pas commencé ?

Deuxième exemple, l'Ondam : son respect se fait au prix d'un déficit de fonctionnement des hôpitaux. Dans les départements, le budget soins repose sur l'assurance maladie. Lorsque les collectivités, qui gèrent les établissements médico-sociaux, devront supporter le point d'indice de la fonction publique hospitalière -70 % du budget- elles n'y arriveront plus.

Dans un communiqué, six associations nationales qui oeuvrent dans les établissements auprès des malades et des personnes âgées ont salué l'annonce d'un crédit d'impôt pour les associations, mais je souhaiterais des précisions sur la méthode : le Premier ministre a évoqué un amendement parlementaire au PLF.

M. Yves Daudigny. - Je désire d'abord exprimer ma satisfaction lucide sur les résultats obtenus.

La clause de sauvegarde de l'Ondam autorise pour 2016 une évolution de - 1 % pour les dépenses de médicaments ; pour 2017, ce taux se subdivise en 0 % pour la médecine de ville et 2 % pour l'hôpital. Or l'industrie pharmaceutique a le sentiment d'être le secteur qui contribue le plus à la réduction des dépenses de santé, alors même qu'elle n'y a pas la part la plus élevée. Quel message souhaitez-vous délivrer à ce secteur ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Les dépenses et les mesures envisagées dans le secteur médical sont du ressort de la ministre de la santé, qui vous répondra mieux que moi. Le fonds pour le financement de l'innovation pharmaceutique évoqué par M. Amiel est néanmoins une réponse à M. Daudigny. Je n'y vois pas, pour ma part, une débudgétisation : ces montants, qui certes sortent de l'Ondam, sont parfaitement tracés. Je relève incidemment des discours contradictoires, dans votre assemblée, sur la direction à donner à l'Ondam, à la hausse ou à la baisse...

Comme le Premier ministre l'a annoncé vendredi dernier, le Gouvernement soutiendra tout amendement parlementaire prévoyant un crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) - je crois savoir que des propositions en ce sens ont déjà été déposées. Ce sera un pendant du CICE, qui s'applique aux seules entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ; nous remédierons ainsi à l'iniquité dont a été victime le secteur de l'économie sociale et solidaire (ESS), qui est en revanche soumis à la taxe sur les salaires. En 2013, peu après la création du CICE, nous avions mise en place un tarif différencié entre les établissements médicaux non soumis à l'impôt sur les sociétés et les cliniques privées ; mais cela ne suffisait pas à compenser la différence initiale.

Le CITS représenterait une réduction de 4 % de la taxe sur les salaires sous la forme de crédit d'impôt. La dépense est estimée à 600 millions d'euros, ce qui correspond au différentiel estimé par les professionnels entre les deux secteurs. Quant aux départements, citons les 700 millions d'euros offerts pour la recentralisation du RSA, hélas refusée par leur noble association.

Avec l'émergence de l'économie collaborative, nous laissons s'installer des zones de non-droit. Le Sénat a formulé des propositions dans ce domaine. Il y a en réalité deux sujets distincts : l'assujettissement à l'impôt, et l'affiliation à un régime de sécurité sociale impliquant le versement de cotisations. Le premier est le plus simple. Vous aviez proposé un seuil de 5 000 euros de revenus au-delà duquel l'impôt devrait être versé ; je m'y suis opposé, car la différence de traitement avec, par exemple, les personnes qui louent leur appartement sur le marché et sont taxées au premier euro, pourrait entraîner une censure du Conseil constitutionnel. Cela reviendrait à une franchise.

Nous avons clarifié la distinction entre ce qui relevait de la participation aux frais et ce qui relevait des revenus, notamment dans le cas de BlaBlaCar. Nous avons aussi mis en place un droit de communication à l'administration - fisc et Urssaf - des revenus des plateformes. Nous avons exigé un relevé annuel des versements effectués par les utilisateurs, notamment auprès d'Uber. Notre connaissance du secteur progresse, avec certaines difficultés : ainsi, faut-il intégrer l'amortissement du bien dans les frais ?

Le deuxième sujet, social, est plus complexe. On complétait naguère encore ses revenus en vendant ses confitures maison sur les marchés, les brocantes, les foires de village. Aujourd'hui, on peut le faire via des plateformes en expédiant les pots dans toute la France. Où se situe le basculement vers une activité professionnelle ? Nous proposons, dans un article du PLFSS, d'introduire une obligation d'affiliation au-delà de certains seuils.

Ce n'est pas, comme on a pu le dire, un simple problème de recouvrement de sommes échappant à l'impôt. Le phénomène pourrait, à l'avenir, poser des questions épineuses relatives non seulement à la fiscalité, mais aussi aux droits à la retraite, au droit de grève, à la formation, à la dépendance à l'égard des plateformes.

Le terrain est difficile, je le sais. Allez demander à quelqu'un qui vend pour 2 000 euros de confitures par an qu'il doit s'affilier et payer des cotisations au titre de cette activité, voire payer la cotisation foncière des entreprises... Néanmoins, nous progressons. Il est indispensable d'affronter la question, sous peine de voir s'établir des états de fait. De nombreux interlocuteurs que mon administration, et parfois moi-même, avons rencontrés nous ont dit que de telles dispositions apporteraient une clarification bienvenue. Airbnb recouvre la taxe de séjour pour un nombre croissant de collectivités territoriales.

C'est une question d'équité et d'équilibre. L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, dont vous avez sans doute reçu les représentants, se plaint de la perte de clientèle que cette concurrence cause aux professionnels. Il importe que tous soient soumis aux mêmes obligations vis-à-vis de l'impôt. On va encore accuser Bercy de partir à la chasse à l'assiette imposable ; je puis vous assurer que je ne suis pas dans cet esprit. Il convient de construire et de clarifier le débat.

Le seuil de l'assujettissement à l'impôt, qui est de 23 000 euros par an pour le logement, doit être fixé par décret pour les autres activités : 3 800 euros est l'un des montants qui a été envisagé.

Il est vrai, monsieur Amiel, que nous n'avons pas de gestion pluriannuelle, pas de loi de programmation en matière de dépenses sociales comme en matière de finances publiques. Le programme de stabilité fixe néanmoins certains paramètres.

Le PLFSS contient certaines dispositions en vue de l'amélioration du recouvrement de la fraude sociale. Par définition, les mauvais déclarants sont de mauvais payeurs. Les moyens alloués à l'administration seront analogues à ceux dont bénéficie la direction des finances publiques. Les recouvrements ont connu une croissance à deux chiffres ces dernières années. Cela témoigne-t-il d'une recrudescence de la fraude ou d'une meilleure détection ? C'est toujours le même débat. Je l'ai dit, nous sommes parvenus à 460 millions d'euros en 2015. L'objectif de 500 millions est peut-être optimiste ; il est à tout le moins volontariste.

Il est bon de rappeler que le déficit a été quasiment annulé, que la dette a été largement remboursée. La dette se résorbe lentement, mais à un rythme croissant. En 2024, la dette de la Cades sera apurée.

S'agissant des zones rurales, une convention médicale a été négociée. Vous interrogerez Mme Touraine. Les Rosp constituent une part de plus en plus importante des revenus des médecins généralistes.

Monsieur Cadic, votre question sur l'arrêt de Ruyter devient presque une tradition, vous la posez régulièrement... Nous avons reçu 50 000 réclamations, en avons traité la moitié et remboursé 130 millions d'euros, tout en respectant un délai de traitement de six mois au maximum pour chaque demande. C'est un citoyen hollandais, M. de Ruyter, qui a attaqué l'État dans les années 2000 -il est décédé depuis. Cet arrêt ne concernait pas la décision du Gouvernement de 2012 étendant la contribution aux revenus fonciers des non-résidents, mais portait sur l'application d'une CSG pour ceux qui étaient affiliés à un autre régime de sécurité sociale. Oui, des recours sont possibles sur le nouveau dispositif gouvernemental. Ce n'est une surprise ni pour vous, ni pour nous. Nous poursuivons nos échanges avec la Commission européenne sur la fraction non remboursée. Nous avons obtenu une première victoire, puisque le Conseil d'État nous a donné raison sur la part que nous ne remboursons pas.

L'Unedic n'est pas concernée par le PLFSS. Si l'on incluait l'Unedic et tous les régimes complémentaires, Agirc, Arrco, le solde serait excédentaire.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Pas grâce à l'Unedic !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Les négociations ont commencé depuis six mois. Certes, elles n'ont pas abouti et sont actuellement interrompues. Selon une dépêche parue durant nos débats, Laurent Berger appelle le Premier ministre à inciter le Medef à rejoindre la table des négociations. Oui, nous avons un doute sur la possibilité d'obtenir 1,6 milliard d'euros d'économie en 2017 -sans renoncer à toute économie en 2017. Le Gouvernement a toujours affirmé qu'en cas de désaccord entre les partenaires sociaux- même si cela relève du Premier ministre plus que de moi-même -l'Etat prendra ses responsabilités, soit en prolongeant l'accord actuel, soit en reprenant la gestion de l'Unedic.

En 2015, le déficit global des hôpitaux atteint 410 millions d'euros, un peu plus que l'année précédente : 52 % d'entre eux accusent un déficit de 768 millions, 48 % dégagent un excédent de 358 millions. Les chiffres de 2016 ne sont pas encore connus, mais nous restons vigilants. Monsieur Morisset, étiez-vous contre l'augmentation du point d'indice dans la fonction publique ?

M. Jean-Marie Morisset. - Non.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Ce Gouvernement serait-il inconséquent au point d'augmenter le point d'indice sans connaître l'incidence financière sur les budgets de l'État, des hôpitaux, des collectivités territoriales ?

Mme Patricia Schillinger. - Les polypensionnés frontaliers suisses ont dû payer un rappel de CSG et de CRDS qui leur a été demandé au bout de trois ans. L'erreur provient du centre des impôts du Haut-Rhin, or il inflige à ces ménages des pénalités de retard ! Les agents auraient dû remarquer tout de suite, non après trois ans, qu'un certain nombre de contribuables n'avaient pas coché la case comme il convenait. Leur demander aujourd'hui de rembourser, peut-être, car il s'agit tout de même de 9 millions d'euros, mais les pénalités me scandalisent !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je regarderai cette affaire de plus près pour vous répondre plus précisément. Vous m'en aviez déjà parlé...

Mme Patricia Schillinger. - Dans les autres départements, les services fiscaux ont réagi plus rapidement.

M. Gérard Dériot, président. - Merci, monsieur le ministre, du temps que vous nous avez consacré.

La réunion est levée à 19 heures.