Mercredi 11 mai 2016

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 9 h 35

Communications diverses

M. Philippe Bas, président. - Grâce au travail des rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale, la commission mixte paritaire qui doit se réunir cet après-midi sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement devrait déboucher sur un accord.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a doublé le nombre d'articles du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIème siècle ; si une partie des amendements relèvent du parcours parlementaire ordinaire, d'autres introduisent des sujets qui ne figuraient pas dans le texte initial, ce qui serait acceptable si nous n'étions pas dans le cadre de la procédure accélérée. Mais tel n'est pas le cas.

Rappelons qu'en 2015, le Conseil constitutionnel a censuré douze articles d'une loi de transposition de directive européenne adoptée en dernier ressort par l'Assemblée nationale, sous le motif qu'ils n'avaient pas de rapport avec le texte initial. C'est pourquoi, avec l'accord du Président du Sénat, nous allons demander, par un courrier adressé au Premier ministre, la levée de la procédure accélérée afin de ménager la possibilité d'une nouvelle lecture du texte dans notre assemblée.

M. Alain Richard. - J'approuve votre initiative. Un nouvel examen par le Sénat ne nous prémunit pas contre une censure du Conseil constitutionnel, mais notre travail devrait modifier son appréciation. Nous sommes en présence d'une fausse navette, puisque le Gouvernement a réintroduit le report de la collégialité des juges d'instruction, repoussé par le Sénat dans le texte contre la criminalité organisée. Cette formule législative improvisée n'est pas une solution.

M. Philippe Bas, président. - Il en est sans doute de même pour la procédure de divorce sans juge.

M. Michel Mercier. - Lorsque nous examinions le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, le Garde des Sceaux avait déposé un amendement qui aurait eu pour conséquence la suppression des juges d'instruction dans 70 tribunaux de grande instance répartis dans 21 départements, or cette mesure n'avait pas été examinée par les députés. Devant leur probable opposition, nous avions proposé au ministre de la justice d'utiliser l'espace réservé au groupe centriste pour examiner un texte en ce sens. Il n'est pas concevable que des points aussi importants que le divorce ou la collégialité de l'instruction ne soient pas débattus dans les deux chambres.

Mme Jacqueline Gourault. - Tout à fait d'accord.

M. Philippe Bas, président. - C'est effectivement tout à fait inimaginable.

Nomination de rapporteur

M. François-Noël Buffet est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 461 (2015-2016), adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière pénale.

M. Jean-Pierre Sueur. - Il serait bon de diversifier quelque peu les rapporteurs !

M. Philippe Bas, président. - Je vous transmettrai la liste des rapporteurs nommés au cours des dernières années, pour que vous vous assuriez que le pluralisme est respecté.

M. Pierre-Yves Collombat. - Un pluralisme bien tempéré !

Organisme extraparlementaire - Désignation de candidat

La commission désigne Mme Lana Tetuanui pour siéger comme membre titulaire au sein du Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens.

Lutter contre les contrôles d'identité abusifs - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. Alain Marc et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 257 (2015-2016), présentée par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues, visant à lutter contre les contrôles d'identité abusifs.

M. Philippe Bas, président. - Nous allons examiner la proposition de loi, présentée par Mme Assassi et plusieurs de ses collègues, visant à lutter contre les contrôles d'identité abusifs.

M. Alain Marc, rapporteur. - Les dispositions relatives aux contrôles d'identité, complexes, résultent de la sédimentation d'une dizaine de lois adoptées entre 1981 et 2006. Toutefois, l'ensemble est aujourd'hui stabilisé.

Cette proposition de loi, qui redéfinit le critère justifiant un contrôle d'identité opéré dans un cadre de police judiciaire, applicable notamment pour rechercher les auteurs d'une infraction, supprime toutes les autres formes de contrôles d'identité, en particulier pour prévenir les atteintes à l'ordre public, et met en place une expérimentation de délivrance par les agents des forces de l'ordre d'un récépissé aux personnes contrôlés.

Ces dispositions déstabiliseraient massivement le cadre applicable aux contrôles d'identité, pourtant particulièrement nécessaire dans le contexte actuel, et créerait une forte insécurité juridique pour les agents des forces de l'ordre. Je vous proposerai par conséquent de rejeter la proposition de loi.

Le cadre juridique fait coexister plusieurs types de contrôle d'identité. Toute personne présente sur le territoire national peut en faire l'objet. Il se définit, je cite, comme « l'acte d'un agent de l'autorité publique consistant à demander à un particulier, sous les conditions posées par la loi, de justifier son identité aux fins de l'examen du document fourni, en tout lieu où cet agent se trouve légalement ».

Deux types de contrôles d'identité sont habituellement distingués : les contrôles effectués dans le cadre de la police judiciaire, notamment dans le but de rechercher les auteurs d'un délit ou d'un crime ou pour empêcher la commission imminente d'une infraction et les contrôles effectués dans le cadre de la police administrative, qui ne visent pas la répression d'un délit ou d'un crime mais ont pour objet de prévenir une atteinte à l'ordre public. Dans ces deux cas, les contrôles d'identité doivent être motivés par des éléments concrets, rattachables à la personne faisant l'objet du contrôle et non simplement par des considérations générales ou abstraites.

Deux autres procédures permettent de contrôler l'identité de manière systématique : les contrôles sur réquisition du procureur de la République, dans des lieux qu'il définit et pour une durée déterminée, pour prévenir la commission de certaines infractions et les contrôles d'identité dits « Shengen », qui visent à lutter et à prévenir les infractions relatives à la criminalité transfrontalière, dans une bande géographique de vingt kilomètres à partir de la frontière, créés en 1993 à la suite de l'adoption de la convention Schengen du 19 juin 1990.

En complément de ces contrôles, les véhicules et, depuis la loi relative à la sécurité des transports terrestres adoptée le 22 mars dernier, les bagages peuvent être contrôlés selon des procédures plus encadrées.

Dans tous les cas, les contrôles d'identité sont effectués par des agents des forces de l'ordre, policiers ou gendarmes, ayant la qualité d'officiers de police judiciaire (OPJ), d'agents de police judiciaire ou d'agents de police judiciaire adjoints.

Toutes les procédures relatives au contrôle d'identité sont placées sous le contrôle du procureur de la République et le contentieux de ces mesures, qu'elles se rattachent à la police judiciaire ou à la police administrative, relève de la compétence du juge judiciaire.

Le régime des contrôles est aujourd'hui stabilisé. La Cour de cassation a précisé les circonstances particulières pouvant motiver un contrôle d'identité, imposant depuis longtemps des motivations précises et non abstraites : ainsi le seul fait de s'éloigner d'un groupe ne permet pas de caractériser un comportement justifiant un contrôle d'identité. En revanche, une personne changeant de direction à l'arrivée des policiers peut faire l'objet d'un contrôle. Dans un cadre de police judiciaire, un renseignement anonyme ne motive pas à lui seul un contrôle d'identité. En revanche, des éléments concrets confortant ce renseignement peuvent le justifier. Enfin, une personne qui cherche à se dissimuler à la vue d'un véhicule de police peut faire l'objet d'un contrôle d'identité dans le cadre de la police judiciaire.

La proposition de loi présente de très nombreuses difficultés. D'abord, elle supprime le critère qui justifie actuellement un contrôle d'identité dans le cadre de la police judiciaire ; en effet, l'agent devrait justifier de raisons « objectives et individualisées » pour effectuer ce contrôle, ce qui lui imposerait en fait de connaître l'identité de la personne avant même le contrôle, le rendant ainsi inutile et inopérant.

Elle supprimerait surtout l'ensemble des fondements légaux de tous les contrôles d'identité, à l'exception de ceux qui relèvent de la police judiciaire : les contrôles sur réquisition, les contrôles effectués dans un cadre de police administrative et les contrôles «Schengen » disparaîtraient, privant ainsi les forces de l'ordre d'instruments tout à fait essentiels pour prévenir les atteintes à l'ordre public. Incidemment, une représentante du Syndicat de la magistrature a établi une corrélation entre la baisse, dans certains États américains, des contrôles effectués et la baisse des attaques à main armée. Devant mes objections, elle a reconnu l'absence de lien de cause à effet... À titre d'exemple, il ne serait plus possible de procéder à des contrôles d'identité préalablement à une manifestation ou à un rassemblement, alors qu'il est établi que de tels contrôles facilitent le bon déroulement des manifestations. Les conséquences en matière de lutte contre l'immigration irrégulière seraient également assez catastrophiques.

La proposition d'instaurer un récépissé aurait quant à elle des effets pratiques négatifs sur le nombre de contrôles d'identité réalisés. Bien qu'il n'existe aucun chiffre officiel, les évaluations fournies par la gendarmerie ou la police font état de plusieurs millions de contrôles effectués par an. Par conséquent, instaurer un récépissé alourdirait significativement les tâches des forces de l'ordre, pour un bénéfice nul : cela n'empêcherait pas un nouveau contrôle par les forces de l'ordre et ne constituerait pas la preuve d'un traitement discriminatoire. Lors de son audition, le Défenseur des droits a au demeurant reconnu que des moyens alternatifs de traçabilité des contrôles d'identité devaient être expérimentés. Dans les pays où le récépissé a été mis en place, comme aux États-Unis, les relations entre la population jeune et la police ne sont pas forcément meilleures, comme le Défenseur des droits l'a aussi constaté.

De plus, il existe de nombreux mécanismes de lutte contre les pratiques dénoncées par le texte, dont le numéro matricule sur les tenues instauré en 2014 et les plates-formes Internet de signalement permettant de saisir directement les inspections en cas de dysfonctionnement. Ces dernières sont sans doute sous-utilisées, avec 239 faits signalés à l'inspection de la police nationale au cours de 2014 et 2015 - sur des millions de contrôles ! Le code de déontologie et une meilleure formation des agents sont également des réponses efficaces.

Enfin, les caméras mobiles, bientôt généralisées par la loi relative à la simplification de la procédure pénale, aident beaucoup plus que les récépissés à la constitution d'éléments de preuve réels.

Je vous propose de rejeter cette proposition de loi au regard des multiples difficultés juridiques qu'elle pose, de l'ineffectivité probable des mesures proposées et d'un risque accru d'insécurité juridique au détriment des forces de l'ordre, à l'égard desquelles elle marque au demeurant une défiance injustifiée.

M. Philippe Bas, président. - Merci de ce rapport, qui révèle un cadre juridique plus complexe qu'on ne le croit.

Mme Éliane Assassi. - Je m'associe à ces remerciements, tout en regrettant que les auditions du rapporteur n'aient pas été élargies au monde associatif qui se mobilise depuis longtemps sur le sujet.

Notre proposition de loi a été déposée en décembre 2015 ; dans le même temps, nous avons déposé deux amendements reprenant ses dispositions dans la proposition de loi sur la sécurité dans les transports et, en mars dernier, dans le projet de loi relatif à la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme. Enfin, Esther Benbassa avait déposé une proposition de loi en ce sens en 2011, puis Yves Pozzo di Borgo l'année suivante et, à l'Assemblée nationale, Marie-George Buffet. Toutes ces initiatives démontrent qu'il s'agit d'une question importante transcendant les clivages partisans.

Notre texte ne tient pas tant à l'instauration d'un récépissé qu'à notre volonté de mettre fin à une dégradation des relations entre les jeunes et la police. Les forces de l'ordre souffrent de cette dégradation, alors que leurs conditions de travail empirent et qu'elles se trouvent dans des situations engendrant du stress et, parfois, des conflits. Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, on envoie les policiers les plus jeunes et les moins expérimentés dans les quartiers difficiles.

De plus, cette initiative fait partie des soixante engagements pris par le candidat Hollande - il est temps de les respecter, d'autant plus que le Président de la République a récemment annoncé sa volonté de les tenir avant la fin de son mandat. Nous espérons donc que nos collègues de gauche apporteront leur vote à cette proposition de loi. N'oublions pas le droit de vote pour les résidents étrangers, promesse qui, c'est une certitude, ne sera pas tenue...

M. Philippe Bas, président. - Si vous prenez une initiative législative en ce sens, nous sommes prêts à l'examiner...

Mme Éliane Assassi. - J'insiste pour que notre proposition de loi soit débattue. Il est urgent de rétablir la sécurité juridique et l'efficacité de ces contrôles en modifiant l'article 78-2 du code de procédure pénale. Les imperfections du dispositif actuel entraînent des dérives et réduisent l'efficacité des autres mesures relatives à l'ordre public, tout en portant atteinte à des principes fondamentaux comme la libre circulation, la protection contre l'arbitraire, la protection de la vie privée ou encore la non-discrimination.

Nous proposons ainsi de réécrire l'article 78-2 en remplaçant les mots « raisons plausibles de soupçonner » par les mots « raisons objectives et individualisées ». Cela donnerait un sens nouveau aux contrôles d'identité et changerait les mentalités. Grâce à la réduction des contrôles, les policiers pourraient être affectés à de véritables enquêtes plutôt qu'à la traque des jeunes.

Le texte introduit également un principe de non-discrimination sur la base de l'article 225-1 du code pénal.

Enfin, nous proposons une expérimentation au titre de l'article 37-1 de la Constitution, consistant à établir un document spécifiant les motifs du contrôle, ainsi que les modalités de garantie de l'anonymat des personnes contrôlées.

Dans le contexte particulier où se trouve notre pays, je vous appelle à voter cette proposition de loi.

Mme Esther Benbassa. - Merci au rapporteur, dont cependant je ne partage pas l'avis sur l'absence de lien entre le récépissé et l'amélioration des relations avec la police. Lorsque j'avais déposé ma proposition de loi en 2011, le Défenseur des droits d'alors avait organisé un colloque avec la participation de policiers venus des États-Unis, d'Espagne et du Royaume-Uni. Lors de ce colloque qui avait duré une journée, les représentants espagnols avaient dit que l'expérimentation du récépissé avait réellement amélioré les relations entre les jeunes et la police dans les quartiers autour de Madrid. Les policiers américains avaient souligné que, malgré leurs craintes initiales vis-à-vis du récépissé, ce dispositif avait fortement réduit l'agressivité lors des contrôles. Ce n'est donc pas une vue de l'esprit.

Un ouvrage publié par deux chercheurs du CNRS, Fabien Jobard et René Lévy, fondé sur une année d'observations à la gare du Nord, a montré la fréquence des contrôles que subissaient les gens de couleur et ceux qui portaient une capuche ; au-dessus de 25 à 30 ans, les femmes, elles, n'étaient plus contrôlées. De même, les hommes âgés, maghrébins ou non, ne l'étaient pas non plus. Le contrôle au faciès est une discrimination. C'est un constat, et non une preuve de défiance à l'égard de la police. Aujourd'hui, dès que l'on ose dire quelque chose à l'encontre de la police, on est accusé d'ingratitude ; or nous apprécions le travail de la police lorsqu'il est bien conduit.

Lors des auditions conduites à l'occasion de l'examen de ma proposition de loi, le ministre d'alors, Manuel Valls, avait promis la mise en place de caméras portatives fixées sur la veste des policiers. C'était un compromis viable, or nous ne voyons rien évoluer, même si la proposition a de nouveau été formulée.

L'État a perdu un procès contre un collectif de personnes qui estimaient avoir été contrôlées abusivement ; il s'est pourvu en cassation. Voilà une nouvelle preuve que le problème ne peut être nié.

Dans le rapport d'information que j'avais rédigé avec Jean-René Lecerf - que l'on ne peut qualifier de gauchiste ! - sur la lutte contre les discriminations, nous recommandions de trouver une solution au phénomène des contrôles au faciès. C'est pour moi l'occasion de rendre hommage à cet homme de droite capable d'écouter ceux qui ne sont pas de son avis.

M. Philippe Bas, président. - Je m'associe à cet hommage.

M. Jacques Bigot. - La proposition de loi d'Éliane Assassi a le mérite d'ouvrir un débat. Le rapporteur a éclairé le contexte juridique. Tout pouvoir porte en germe ses abus : la question est de parvenir à les éviter.

Voici ce que dit l'engagement numéro 30 du candidat Hollande : « Je lutterai contre le "délit de faciès" dans les contrôles d'identité par une procédure respectueuse des citoyens, et contre toute discrimination à l'embauche et au logement. Je combattrai en permanence le racisme et l'antisémitisme. »

M. Pierre-Yves Collombat. - Cela n'engage à rien !

M. Jacques Bigot. - En proposant de remplacer les « raisons plausibles de soupçonner » par les « raisons objectives et individualisées » comme motif du contrôle, vous imposez de fait à l'agent de connaître l'identité de la personne qu'il va contrôler. Vous indiquez que le récépissé n'est pas la disposition essentielle du texte ; en ce cas, autant l'abandonner !

Voici les promesses tenues par le Président : l'entrée en vigueur, au 1er janvier 2014, du code de déontologie unifié de la police et de la gendarmerie comportant notamment des dispositions contre le contrôle au faciès ; des formations théoriques et pratiques sur les contrôles et les palpations ; un numéro individuel d'immatriculation des policiers et des gendarmes ; enfin une plate-forme Internet de signalement.

Quant aux relations entre les jeunes et la police dans les quartiers difficiles, les élus locaux participent aux cellules de veille et aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : c'est là qu'ils peuvent alerter les responsables de la police sur d'éventuels abus de pouvoir.

Le projet de loi contre la criminalité organisée et le terrorisme qui sera discuté cet après-midi par la commission mixte paritaire prévoit la mise en place de caméras portatives. Nous avions proposé que l'enregistrement puisse être également déclenché à l'initiative de la personne contrôlée ; cela n'a pas été voté, mais c'est une voie à explorer.

Voilà ce qui reste de votre texte : un récépissé qui va compliquer la tâche de la police et dont vous reconnaissez qu'il n'est pas essentiel. Cette proposition de loi n'est donc pas nécessaire, à moins que vous ne vouliez avoir l'occasion de contester dans l'hémicycle l'action du Président de la République...

Mme Éliane Assassi. - Nous n'avons pas besoin de cela !

M. Jean Louis Masson. - Esther Benbassa dénonce les contrôles d'identité abusifs ; moi aussi, mais nous n'en avons certainement pas la même définition. Les contrôles d'identité sont légitimes et ne me dérangent aucunement lorsque j'en suis l'objet.

Je n'ai pas la culture de Mme Benbassa, aussi me contenterai-je de citer mon grand-père, qui disait : « Quand on va à la pêche, il faut aller là où il y a du poisson. » C'est un peu primaire, mais il est logique de contrôler des musulmans lorsque l'on cherche des terroristes musulmans ; et si l'on recherche des stupéfiants, mieux vaut aller dans les milieux où sévit le trafic de drogue. Un grabataire ne va pas vendre de la drogue dans les ZUP ! De même, lorsque l'on considère la population des prisons, il n'est pas aberrant de contrôler ceux qui portent une capuche. Mme Benbassa souhaite-t-elle que l'on contrôle les maghrébins de plus de trente ans ? Je n'y vois pas d'inconvénient. Le bon sens, c'est d'aller là où il y a du poisson. J'approuve le titre de la proposition de loi, mais je ne la voterai pas.

M. Yves Détraigne. - Intéressante dans son principe, votre proposition de loi manque de réalisme.

« Les contrôles d'identité réalisés en application du présent article donnent lieu, à peine de nullité, à l'établissement d'un document spécifiant le motif du contrôle, ainsi que les modalités de garantie de l'anonymat des personnes contrôlées », est-il écrit. Le temps que le policier établisse ce document, il pourra passer du monde ! À moins de former des files, ou de fournir un secrétaire au policier... Le texte part d'un bon sentiment, mais n'est pas réaliste.

M. Pierre-Yves Collombat. - À titre personnel, je ne me sens pas lié par les promesses du candidat Hollande.

Ma religion n'est pas faite sur cette question. Les contrôles au faciès sont un problème incontestable, mais comment définir le facies ? Pour les uns, la cagoule est un élément de contrôle. Pour moi, il faudrait contrôler tous les porteurs de valise, qui utilisent cet objet pour transporter leurs capitaux au Luxembourg... Pour autant, je ne suis pas convaincu de la pertinence de cette proposition de loi. On le voit en pédagogie : les expérimentations réussissent parce que ceux qui les conduisent sont déjà convaincus. Des policiers sensibilisés sur le sujet se comportent mieux parce qu'ils sont conscients du problème, et le récépissé n'y change rien.

À mon avis, mieux vaut miser sur le recrutement et la formation d'une part, la facilitation des recours en cas d'abus d'autre part. Une meilleure identification des policiers fautifs est aussi de nature à améliorer la situation sur le terrain. Utilisons des méthodes adéquates sans accuser l'ensemble de la police car ces pratiques ne sont pas généralisées.

M. Christian Favier. - Vous évoquez, monsieur le rapporteur, « plusieurs millions » de contrôles par an. Ne pas avoir de chiffres précis est problématique. Lors de la préparation de cette proposition de loi, nous avons discuté avec des jeunes des quartiers. Certains d'entre eux sont contrôlés plusieurs fois par jour, par des policiers qui les connaissent déjà. Le récépissé montrera l'inutilité d'un deuxième contrôle dans la journée. Il a vocation à décrisper les relations. Les contrôles s'accompagnent aussi de palpations vécues comme dégradantes. Les « raisons plausibles » mentionnées par l'article 78-2 du code de procédure pénale ouvrent la porte, par leur caractère très vague, à toutes sortes de pratiques.

Vous faites valoir le faible nombre de plaintes ; mais l'association « Stop contrôle au faciès » nous a déclaré, lors de son audition, avoir reçu plus de 2 200 sollicitations, sans compter qu'il est difficile d'aller au commissariat déposer une plainte contre la police... La récente condamnation de policiers pour des contrôles d'identité abusifs témoigne de la réalité du problème. Il est indispensable d'améliorer la formation.

L'argument de l'alourdissement des procédures administratives ne tient pas, puisque le récépissé entraînera une réduction du nombre de contrôles.

L'amendement déposé par Yves Pozzo di Borgo va dans le même sens. La question est récurrente, elle a fait l'objet de plusieurs initiatives rappelées par Esther Benbassa et ne se pose pas seulement depuis que M. Hollande est Président de la République. Ne nous interdisons pas ce débat au nom de l'état d'urgence, et améliorons les relations entre les jeunes et la police. Nombreux sont ceux, parmi les premiers, qui ont le sentiment d'être ciblés à cause de leur couleur de peau.

M. François Bonhomme. - Je me rallie aux arguments du rapporteur. Au cours des dernières années, l'action des officiers de police et de gendarmerie a été très largement encadrée par le code de déontologie, la plate-forme Internet des signalements et le numéro individuel d'identification. La caméra piéton est une initiative intéressante dont nous attendons le retour d'expérimentation. Il me semble dangereux d'aller au-delà.

On ne sait pas qui sont les « jeunes » dont vous parlez. Votre proposition de loi est de pure circonstance, liée à des problèmes internes à la gauche ; c'est de peu d'intérêt.

« Traquer les jeunes », dites-vous madame Assassi, en prétendant que la confiance est mise à mal. Or, un syndicat représentatif a récemment fait circuler deux affiches ; l'une représente une matraque dans une mare de sang avec le texte suivant : « La police doit protéger les citoyens et non les frapper ! » ; l'autre un alignement de rangers souillés de sang avec le slogan « Stop à la répression ». Toutes les forces politiques ne les ont pas condamnées... Voilà qui n'est pas de nature à améliorer les relations entre la police et les « jeunes ».

M. Jean-Pierre Sueur. - Les propos de M. Masson, qui nous a quittés, ne me font pas rire. Ils sont discriminatoires parce qu'ils justifient un ciblage religieux ès qualités ; il en va de même pour la capuche. Voilà des propos communautaristes très pernicieux sous l'habillage d'un prétendu bon sens. Pour le reste, je m'associe aux propos très clairs de Jacques Bigot. Le ministre de l'intérieur, pour qui j'ai le plus grand respect, a pris des mesures réglementaires et disciplinaires pour faire respecter la déontologie : la police fait un travail difficile et les débordements, lorsqu'ils ont eu lieu, ont été dûment signalés.

Imposer des raisons « objectives et individualisées » rend les contrôles pratiquement impossibles. De plus, l'alinéa 4 - « Aucun contrôle d'identité ne peut être réalisé au motif d'une quelconque discrimination, telle que définie par l'article 225-1 du code pénal » - est déjà satisfait par le droit existant qui interdit toute pratique discriminatoire, de la part d'un policier ou non.

M. François Grosdidier. - En matière de contrôle au faciès, il est difficile de faire la part de l'objectif et du ressenti. Maire d'une ville que mon collègue de Lorraine trouverait particulièrement « poissonneuse », avec une population d'origine étrangère à plus de 50 %, j'ai parfois reçu des dénonciations sur le comportement subjectif des policiers à l'occasion d'une verbalisation pour non-respect d'un feu rouge. Or la verbalisation est la même, quelle que soit l'origine ! Cependant, le ressenti ne peut être écarté ; ainsi le tutoiement est trop souvent pratiqué par les policiers, même s'il l'est aussi par les jeunes. C'est d'abord une question de formation des polices nationale et municipales.

La vidéo, que j'ai fait expérimenter dans ma commune, a pour effet de calmer immédiatement les esprits et d'éviter l'escalade comme les propos blessants.

Je suis opposé au développement d'une activité administrative supplémentaire qui ne traite pas le fond du problème : c'est moins la fréquence des contrôles que leur déroulement qui pose problème. Les policiers consacrent plus de la moitié de leur temps de travail aux actes de procédures et d'administration ; il convient de les en désengager.

J'ai regretté le rejet de l'amendement de l'opposition ouvrant la possibilité d'un enregistrement à la demande de la personne contrôlée ; mais avec les portables, l'activité de la police est bien plus filmée par nos concitoyens que par les policiers eux-mêmes. La transparence s'en trouve renforcée.

La formation et la sensibilisation sont, elles aussi, en progrès. Évitons la propagation au sein des forces de l'ordre d'idéologies dont l'auteur du premier amendement est un représentant... Je suivrai l'avis du rapporteur.

M. René Vandierendonck. - Ancien maire de Roubaix, je n'apprécie pas la métaphore des eaux poissonneuses. On cible des capuches ; mais pourquoi pas des bonnets rouges, des bérets basques ou des cagoules corses ? Le ressenti ne peut être nié.

Ne retombons pas dans des échanges sur telle étude du CNRS, telle expérimentation au Canada, telle prise de position pour ou contre l'état d'urgence... Il semble que l'on ne puisse plus parler de la police sans commencer par saluer son action !

Mieux vaudra aborder la question au fond, une fois l'état d'urgence levé et quand les effectifs de la police seront remis à niveau. Enfin, conduisons une recherche-action associant la police, les jeunes et les organismes de recherche pour élaborer un référentiel de formation sur le modèle canadien. J'attends sans a priori le retour sur l'expérimentation des caméras embarquées. Faute d'un travail de ce type, nous reviendrions aux postures de campagne pour lesquelles je n'ai plus de patience.

M. Christophe Béchu. - J'ai salué en son temps la mise en place du numéro individuel d'identification. Pour le reste, je me rallie à la position du rapporteur. Ayant passé une nuit à suivre la police de mon territoire, j'ai été le témoin de situations ubuesques où l'agent devait évaluer la quantité de stupéfiants saisis lors d'un flagrant délit sans avoir le droit de les peser - prérogative de la justice... Réduisons les lourdeurs et complexités administratives.

Il n'y a pas de défiance de la population vis-à-vis des forces de police ; au contraire, le taux de confiance est supérieur à 80 %.

Enfin, je suis gêné par l'utilisation du mot « jeunes » qui tend à remplacer les vocables de « voyous » ou « casseurs ».

M. René Vandierendonck. - Très bien !

M. Christophe Béchu. - Dans un pays vieillissant, ce n'est pas de nature à nous donner foi en l'avenir. Il y a d'autres jeunesses en France, n'insultons pas les « jeunes » dans leur ensemble.

Je crois à l'utilité de la vidéo. Elle a récemment permis de disculper les forces de police, accusées d'avoir maltraité une personne handicapée à la gare de Lyon mais c'est parfois aussi le contraire. Laissons le temps au numéro individuel d'identification et à la plate-forme de signalement de produire leurs effets.

Votre proposition de loi a pour seul mérite de rappeler le Président de la République à ses promesses. Elle aurait plus de poids si elle rassemblait l'ensemble des promesses non tenues ! Nous pourrions alors envisager une convergence.

M. Philippe Bas, président. - Nous serions prêts à discuter un tel texte...

M. Alain Marc, rapporteur. - Je n'ai pas reçu les associations par manque de temps, mais j'ai lu leurs contributions. Le pôle juridique de l'association « Stop contrôle au faciès » a été sollicité 2 300 fois entre avril 2011 et décembre 2015, soit 460 fois par an. La plate-forme Internet a reçu 236 signalements en deux ans. Ce n'est pas considérable.

La gendarmerie évalue le nombre de ses contrôles à au moins deux millions par an. En comptant ceux effectués par la police, on peut donc les estimer à plusieurs millions, sans crainte de se tromper.

La plupart des études menées sur le sujet se résument à une série de témoignages ; c'est une approche impressionniste. Nous avons besoin de travaux scientifiquement plus solides, pas d'un catalogue de cas montés en épingle dans les médias.

Le ministère de l'intérieur a fait un effort considérable, notamment avec la mise en place du code de déontologie et avec l'amélioration de la formation.

Comme l'avait relevé notre ancien collègue Christian Bonnet dans son rapport sur la loi du 10 août 1993 relative aux contrôles d'identité, de simples contrôles d'identité ont permis l'arrestation de Max Frérot, l'artificier d'Action Directe, et de Thierry Paulin, le « tueur de vieilles dames ». Votre proposition de loi supprime l'alinéa qui régit les contrôles d'identité relevant de la police administrative, un outil pourtant essentiel à la police et à la gendarmerie.

Les caméras portatives auront une mémoire tampon de trente secondes, avant le déclanchement de la prise de vue. Elles fourniront des moyens de preuve pour les deux parties et rasséréneront les personnes contrôlées. Les enregistrements seront conservés pendant six mois et la police n'aura pas accès aux images.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

M. Alain Marc. - Avis défavorable à l'amendement COM-1 de Jean-Louis Masson.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

M. Alain Marc, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-2 qui détaille le contenu du récépissé.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. MASSON

1

Modification du critère motivant un contrôle d'identité relevant de la police judiciaire

Rejeté

M. POZZO di BORGO

2

Définition du contenu du récépissé
du contrôle d'identité

Rejeté

Associer les parlementaires à la vie institutionnelle locale - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. Mathieu Darnaud et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 273 rectifié (2015-2016), présentée par MM. Yannick Botrel, René Vandierendonck et plusieurs de leurs collègues, visant à associer les parlementaires à la vie institutionnelle locale.

M. Philippe Bas, président. - Nous examinons à présent la proposition de loi de MM. Yannick Botrel, René Vandierendonck et plusieurs de leurs collègues, visant à associer les parlementaires à la vie institutionnelle locale.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Le fait générateur de cette proposition de loi est la loi sur le non-cumul des mandats et ses conséquences sur le risque de déconnexion des parlementaires avec leur territoire. Cette proposition de loi s'inscrit dans la droite ligne d'un texte précédent de notre ancien collègue Jean-Claude Peyronnet associant les parlementaires à la vie publique locale, qui était plus fourni, plus ambitieux, et préconisait leur participation à toutes les commissions locales dites « régaliennes ».

Cette proposition de loi a le mérite de poser le débat de l'incidence inévitable du non-cumul : la création de parlementaires « hors-sol ». Mais l'ambition affichée par son intitulé et l'exposé de ses motifs ne se retrouve pas dans ses trois articles.

Au regard de ma lecture et des auditions des associations nationales d'élus et de représentants de la direction générale des collectivités locales que j'ai pu faire, l'article 1er, qui propose d'élargir la composition des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) aux parlementaires du département, s'il est louable sur le fond - on le constate en préparant, avec MM. Vandierendonck et Collombat, les travaux sur l'application des lois de réforme territoriale -, posera des problèmes dans bon nombre de départements, notamment les plus peuplés. Par exemple, la CDCI du Nord compte aujourd'hui 62 membres, auxquels on ajouterait les 32 parlementaires, soit une hausse de 50 % de son effectif ; celle de Gironde compte 45 membres, auxquels on en ajouterait 18. Cette mesure nourrit les inquiétudes notamment de l'Association des maires de France, qui craint que les parlementaires ne confisquent le débat, au détriment des élus locaux. En outre, rien n'interdit actuellement à des parlementaires d'être auditionnés par les CDCI s'ils le souhaitent.

L'article 2 propose également d'élargir aux parlementaires les conférences territoriales de l'action publique (CTAP). Les mêmes causes produiraient les mêmes effets qu'à l'article 1er, à une échelle plus importante. Les parlementaires pourraient être associés à leurs travaux sous une autre forme.

L'article 3 est satisfait par une récente instruction conjointe des ministres de l'intérieur et de l'aménagement du territoire aux préfets, leur demandant d'informer les parlementaires, notamment en matière d'affectation des crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

M. Simon Sutour. - Ce n'est pas le cas.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Laissez le temps à cette instruction du 27 avril 2016 de produire ses effets.

Le problème étant posé, les réponses de ces trois articles semblent minimalistes. Les mesures ambitieuses de la proposition de loi Peyronnet sont réduites à leur plus simple expression, portant sur deux instances locales.

Les tenants du non-cumul auront un sentiment d'inachevé et de frustration tandis que ceux défendant la pratique du cumul verront qu'il est difficile de répondre aux problèmes générés par la loi sur le non-cumul, notamment la déconnexion des parlementaires de la vie locale.

Face aux difficultés d'application des deux premiers articles et au caractère superfétatoire du troisième, je propose le rejet de cette proposition de loi.

M. Philippe Bas, président. - Le régime des incompatibilités, dont on déplore les excès, appelle la recherche d'un meilleur équilibre. Faire des parlementaires les témoins passifs de la vie institutionnelle locale n'est pas leur donner un rôle à la mesure des responsabilités nationales qu'ils exercent. Il est curieux de vouloir exclure les parlementaires des responsabilités tout en leur permettant d'assister à des réunions sans droit de vote. Cette proposition de loi singulière ne valorise pas le Parlement. M. Vandierendonck, donnez-nous les motivations de cette proposition de loi, qui n'apparaissent pas évidentes à sa lecture.

M. René Vandierendonck. - M. Botrel, Mme Pérol-Dumont et une soixantaine de sénateurs du groupe socialiste et républicain ont entendu utiliser le temps alloué à notre groupe pour une PPL ne signifiant pas « proposition de loi », mais « proposition de parler de la loi ».

À l'heure où la commission des lois a confié à MM. Darnaud, Collombat et votre serviteur, le suivi de la mise en oeuvre des lois de réforme territoriale, le sujet mérite qu'on évoque les ajustements nécessaires.

Cette proposition de loi, produit d'un compromis - je n'ose dire d'une synthèse - entre les membres du groupe socialiste, n'est pas un chef d'oeuvre de légistique. Elle n'a pas non plus pour but d'ouvrir le débat sur le non-cumul.

M. Pierre-Yves Collombat. - C'est dommage !

M. René Vandierendonck. - Ses auteurs sont des pratiquants et pas seulement des croyants. La question est de savoir comment les parlementaires peuvent renforcer leur droit à l'information dans l'exercice de leur mandat et développer leur fonction de contrôle. Ce serait une erreur d'en faire l'apanage du Sénat : il y a belle lurette que l'Assemblée nationale y participe également.

Cette mandature a engagé une nouvelle étape de la décentralisation, par les lois de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), de redécoupage des régions, et de nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). L'organisation territoriale a été profondément et durablement modifiée.

MM. Jacques Mézard et Pierre-Yves Collombat. - Saccagée !

M. René Vandierendonck. - Le Sénat a amélioré les projets de loi du Gouvernement, et des propositions de loi de groupes d'opposition ont été adoptées car le fond l'a emporté sur les réflexes pavloviens.

Deux commissions ont été créées ou renforcées pour appliquer ces réformes : d'une part, les CTAP, dans chacune des grandes régions, afin de favoriser l'exercice concerté des compétences des collectivités territoriales et de leurs groupements et, d'autre part, les CDCI, qui préparent dans chaque département les nouvelles cartes des intercommunalités.

Ce que j'ai vu sur le terrain a conforté mon sentiment qu'il y a une différence entre la température ressentie et la température réelle. Dans certains cas, les préfets font leur travail, parfois in extremis, et tout se passe bien. Dans d'autres, ce n'est pas le cas. Sans m'immiscer dans le pouvoir réglementaire autonome, qui fait néanmoins l'objet du contrôle parlementaire, je dirai que l'information varie beaucoup d'une préfecture à l'autre.

J'étais certain que la plupart des associations nationales d'élus ne serait pas favorable à l'élargissement de la composition des CTAP aux parlementaires. Une circulaire du 10 février 2016 rappelle ce que dit la loi, à savoir que la CTAP peut associer à ses travaux tout élu ou organisme non représenté. Elle peut également solliciter l'avis de toute personne ou de tout organisme. S'agissant de la révision de la carte intercommunale, dans combien de cas les parlementaires ont-ils été préalablement informés de la manière dont la carte des intercommunalités était préparée ? Cela l'a parfois été, mais pas toujours.

Les deux premiers articles rendent les parlementaires membres de droit des CDCI et des CTAP. Le Gouvernement y est hostile, et c'est contraire aux souhaits de la plupart des associations nationales d'élus.

L'article 3 prévoit l'information a posteriori des parlementaires, par le représentant de l'État dans le département, des projets d'investissement subventionnés par l'État au titre de la DETR et de la dotation « politique de la ville ». Or cette disposition relève du contrôle du Parlement : chaque année, nous examinons en loi de finances les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT), mais il s'agit d'enveloppes nationales globales. Cet examen mériterait de tenir compte de la nouvelle géographie de la décentralisation.

Je doute que cette proposition de loi soit votée au Sénat, mais ce n'est pas son but.

M. Jacques Mézard. - Une conclusion en apothéose...

M. René Vandierendonck. - C'est l'apothéose de l'honnêteté. Ce texte est destiné à ouvrir le débat sur les ajustements qu'il convient de réaliser en matière de réforme territoriale. Enfin, il n'y avait aucune raison que les collègues qui s'interrogent ne disposent pas du relais d'un membre de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président. - Je rends hommage à votre totale honnêteté intellectuelle, M. Vandierendonck.

Vous évoquiez les croyants et les pratiquants. Il existe aussi plusieurs chapelles, dont celle des « malgré-nous » du mandat unique. Certains, dans votre groupe, détiennent un double mandat et ne sont pas signataires de cette proposition de loi car ils estiment nécessaire de concilier responsabilité nationale et exercice d'un mandat exécutif local.

M. Jacques Mézard. - Ayant longtemps plaidé devant tous les tribunaux de France et de Navarre, il est fréquent que les assassins reviennent sur les lieux de leur crime, parfois pour exprimer de la repentance. Comme j'ai infiniment de respect pour M. Vandierendonck, qui est toujours guidé par le souci du bien commun, ce n'est pas à lui que je m'adresserai, mais aux complices du forfait.

Le groupe socialiste, conscient de la stupidité de la loi sur le non-cumul des mandats et de ses conséquences catastrophiques pour la représentation parlementaire, vient nous dire qu'il faut en arrondir les angles. Ses propositions sont étonnantes : la présence des parlementaires dans les CTAP avait été adoptée par le Sénat, à l'initiative d'un amendement du groupe RDSE. Mais les socialistes à l'Assemblée nationale l'avaient supprimé. Il est original de revenir sur ce terrain, après l'avoir saccagé. Les parlementaires seraient membres des CTAP et des CDCI mais n'auraient pas le droit de vote. Voilà en quelle estime les parlementaires sont tenus : ils auraient le droit d'assister mais pas de prendre la parole ni de voter. Curieuse conception de la démocratie représentative... Du reste, je n'en suis pas étonné, c'est l'illustration de ce que nous vivons quotidiennement depuis des années. Les parlementaires qui exécutent de tels ordres ne relèvent pas l'honneur du Parlement.

Dans l'un de ses livres datant de 2009, M. Manuel Valls avait qualifié, avec raison, d'« imposture » le non-cumul des mandats. C'est un chef d'oeuvre que j'incite mes collègues socialistes à relire. Il ne faut pas s'étonner que nos concitoyens s'indignent lorsqu'on est capable de faire l'inverse de ce qu'on a proclamé quelques mois auparavant.

Nous sommes au coeur d'un débat inachevé. La loi sur le non-cumul des mandats est née de compromis internes à un parti et va générer des difficultés considérables, notamment au Sénat. Quand on a l'irresponsabilité de faire voter une loi sur les fusions de régions sans aucune concertation locale, qu'on permet aux conseillers régionaux d'être parlementaires mais qu'on l'interdit aux adjoints d'une commune de dix habitants, on démontre les incohérences d'une idéologie stupide. J'en dirai davantage en séance publique.

M. Jean-Pierre Sueur. - Beau débat en perspective !

M. Jacques Mézard. - J'ai l'habitude de maintenir mes convictions, quels que soient les gouvernements. Je ne suis pas aux ordres. Nous sommes dans l'imposture et l'hypocrisie, ce qui n'est jamais bon pour la démocratie. Pour nos collectivités territoriales, pour l'équilibre des pouvoirs, ce qui a été décidé est nocif. Nos concitoyens attendaient le non-cumul des indemnités : ce fut voté au Sénat. Ils attendaient la suppression ou la limitation des cumuls horizontaux, ce qui n'a pas été fait afin de ne pas nuire aux intérêts des apparatchiks locaux. Vous allez toucher les dividendes de vos décisions. Le temps de la sanction arrive.

M. Jacques Bigot. - M. Mézard est le procureur des opposants aux cumuls.

M. Philippe Bas, président. - Cette loi interdit au deuxième adjoint d'une commune de 150 habitants d'être parlementaire alors qu'il reste possible d'être membre du Gouvernement et président d'une grande région. La disproportion entre la rigueur dogmatique de la règle et la pratique au plus haut niveau des mandats nationaux et locaux contredit radicalement l'exigence morale de la loi de 2014 : c'est surprenant...

M. Christian Favier. - Il faut assumer les conséquences de ses actes. On ne peut accepter de faire entrer par la fenêtre ce qui a été jeté par la porte. Cette proposition de loi engendre la confusion. Le rôle des parlementaires est de faire la loi, de contrôler l'exécutif, et non de gérer les collectivités territoriales. Pourquoi faudrait-il, pour rattraper les inconvénients de la loi sur le non-cumul, élargir aux parlementaires la composition des CDCI et des CTAP ?

Je n'ai pas d'objection à l'article 3 : il est normal que les parlementaires soient régulièrement informés par les préfets, mais c'est déjà le cas aujourd'hui. Cet article n'est donc pas vraiment nécessaire.

Le groupe communiste, républicain et citoyen ne votera pas cette proposition de loi.

Mme Jacqueline Gourault. - On peut être étonné de cette proposition de loi socialiste qui relance de façon assez suicidaire le débat sur le non-cumul des mandats. A l'occasion des lois qui se sont succédé, notamment dans la loi NOTRe, des parlementaires ont déposé des amendements pour participer à des commissions, comme les CDCI, mais ils ont tous été rejetés.

On assimile toujours le non-cumul à l'impossibilité pour un parlementaire d'être élu local, ce qui est faux. Si la notion de « mandat exécutif » est assez large, il est possible d'être simple conseiller municipal ou communautaire et de siéger au sein d'une CDCI. C'est mon cas. Cette proposition de loi pourrait créer deux types de parlementaires, ceux ayant voix délibérative et ceux sans droit de vote dans une même CDCI.

Cette proposition de loi n'est pas adroite ; il serait malencontreux de l'adopter.

M. Patrick Masclet. - Dans le Nord, cité par M. Darnaud, je suis rapporteur général de la CDCI qui compte parmi ses membres huit parlementaires. Dès que l'un d'entre eux prend la parole, les sept autres la veulent. C'est automatique. Les autres membres de la CDCI, qui sont à 80 % des maires et des présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), se sentent exclus des débats et de la possibilité d'amender les documents. S'ils ont déjà ce sentiment de dépossession à huit, qu'en serait-il avec trente-deux parlementaires ? Je ne soutiens pas cette disposition sur les CDCI qui inquiète les élus locaux.

M. Yves Détraigne. - Ma réaction ressemble à celle de beaucoup d'entre nous. Cette proposition de loi est un remake de L'arroseur arrosé. Pourquoi avoir tenu une position dogmatique et irréaliste lors des débats pour y revenir ensuite par une proposition de loi ? Je sais bien qu'à tout pécheur, miséricorde, mais je trouve cela osé.

M. Alain Marc. - J'irai dans le même sens. Ce texte est l'aveu de l'irresponsabilité et de l'hypocrisie absolue de la loi sur le non-cumul des mandats. L'an prochain, je devrai cesser d'être premier vice-président du conseil départemental de l'Aveyron, mais je pourrai toujours présider la commission des routes et infrastructures, commission ô combien importante. Je devrai aussi abandonner la présidence bénévole d'une entreprise sociale pour l'habitat (ESH).

La proposition de loi essaie de revenir sur cette loi dogmatique, stupide. Est-ce une repentance, un aveu ? Osons affirmer qu'un député ou un sénateur peut être maire d'une petite commune ou président d'un office HLM. Leur remplacement va coûter plus cher. Au mieux, cette proposition de loi est un aveu, au pire, elle est ridicule.

M. Jacques Mézard. - Elle peut être les deux.

M. Philippe Bas, président. - Vous êtes beaucoup plus modéré que notre collègue Mézard qui a qualifié cette proposition de loi de stupide.

M. François Grosdidier. - Ce n'est pas une PPL mais une PRL, une « proposition de reparler de la loi ». Elle pointe l'absurdité des conséquences de ce non-cumul, à plus forte raison pour les sénateurs dont la vocation est de représenter les collectivités territoriales. J'ai été membre d'une assemblée délibérante avant d'être l'édile de ma commune. Je sais d'expérience qu'on n'appréhende pas les problèmes de la même façon selon que l'on est l'un ou l'autre. Dans dix ou quinze ans, les parlementaires n'auront plus cette expérience : ils seront « hors sol ».

Si l'on ne revient pas sur la loi sur le non-cumul des mandats - la plupart des prétendants à la magistrature suprême ne le veulent pas -, peut-on en minorer les inconvénients ? Ce n'est pas le cas de cette proposition de loi, qui impose aux parlementaires de siéger dans deux instances de codécision. Certains voudraient qu'ils participent à toutes les grands-messes où, déjà, trop de titulaires de mandats exécutifs perdent leur temps. Les parlementaires sans mandat exécutif cherchent à exister par le verbe et alourdissent encore ces réunions dont il ne ressort rien. On peut déjà être simple conseiller municipal et membre d'une CDCI. Pourquoi augmenter les effectifs de ces commissions et de ces conférences de moitié alors que ces nouveaux venus seraient frustrés de ne pouvoir voter ? Ils monopoliseront la parole... ou ils ne viendront pas. L'unique avantage du non-cumul des mandats est d'être plus présent au Parlement, mais cette proposition de loi l'empêche puisque si nous siégeons dans une CDCI, nous ne pourrons aller à Paris siéger dans notre assemblée parlementaire. Enfin, en quoi une participation sans voix délibérative à ces commissions rend-elle meilleur législateur ou contrôleur ? En rien.

Certes, nous avons besoin d'être mieux informés des actions de l'État dans nos départements, mais c'est un autre sujet. Hormis les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux, aucun sénateur n'a le pouvoir d'exiger des informations et ce ne sont pas les questions écrites au Gouvernement qui constituent un contrôle, puisque les ministres ne répondent pas. Changeons les modalités de contrôle du pouvoir exécutif ; invitons la commission des lois et la délégation aux collectivités territoriales à y travailler.

Le seul mérite de cette proposition de loi est de faire la démonstration de tous les inconvénients du non-cumul.

M. Jean-Pierre Sueur. - Je suis confus de vous infliger les propos d'un personnage stupide qui a voté des lois stupides, nageant non seulement dans la stupidité mais aussi l'hypocrisie...

M. Pierre-Yves Collombat. - Dans une vie antérieure, vous avez défendu des textes plus intéressants, Monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. - Je salue la force dialectique de M. Mézard. S'adressant à M. Vandierendonck, il m'a fait penser au personnage de Molière, Chrysale, qui prétend s'adresser à sa soeur pour en réalité parler à sa femme.

Corneille a dit : « Les exemples vivants sont d'un autre pouvoir. » Je suis convaincu de la nécessité du non-cumul en raison de mon expérience propre. Ne réussissant pas à être maire, j'ai été député, mandat que j'ai exercé à plein temps pendant dix ans, ce qui a rempli ma vie. Je rappelle par ailleurs qu'un parlementaire intervient tout de même dans la vie locale. Puis j'ai été maire et député pendant un an. J'ai ensuite été maire à temps plein et président d'agglomération. Et comme je ne voulais pas augmenter mes indemnités, j'ai aussi repris l'enseignement à l'université. Quand je n'ai plus été maire, les grands électeurs du Loiret, où ma tendance politique est très minoritaire, m'ont élu sénateur. J'ai d'ailleurs été réélu au premier tour. Je ne m'y attendais pas. Les élus locaux peuvent donc voter pour quelqu'un qui ne cumule pas de mandats. Quand on se donne vraiment à une fonction, elle suffit à vous occuper très largement.

Ceux qui ont voté la loi sur le non-cumul méritent aussi la considération. Il est significatif que peu de candidats à l'élection présidentielle, de tous bords - et Dieu sait s'ils sont nombreux - proposent de revenir sur cette loi importante pour la modernisation de notre vie politique.

J'ai cru, monsieur le président Bas, devoir tempérer l'humeur ambiante.

M. Pierre-Yves Collombat. - Élu sénateur, j'ai renoncé à mon mandat de maire d'une commune de 2 500 habitants. Moi qui me suis battu pour que cette loi stupide ne soit pas votée, je ne peux être accusé de conflit d'intérêts.

Cette proposition de loi est intéressante en ce qu'elle nous invite à élargir notre réflexion. J'ai bien aimé la définition que M. Vandierendonck a donnée de cette PPL : « proposition de parler de la loi ». C'est une définition assez générale de ce que sont les PPL. J'ai cru comprendre le sens de ses efforts : il essaie de rendre applicables des réformes qui ne le sont pas. Il est comme le président de la Banque centrale européenne, M. Draghi, qui comparait l'euro à un bourdon : ce dernier ne doit pas voler, puis il y parvient avant de tomber. À l'usage, cette loi sur le non-cumul aura des conséquences très négatives. Le président Bas a évoqué les « malgré-nous ». Si un jour, ils arrivent au pouvoir, j'espère qu'ils reviendront sur cette loi.

M. Jean-Pierre Sueur. - Ils ne le feront pas.

M. Pierre-Yves Collombat. - En effet, mais ce serait dommage. Depuis trente ans, la gauche combat ce que fait la droite, arrive au pouvoir mais ne modifie rien et la droite fait de même. On dit que l'opinion publique ne comprendrait pas ce revirement, mais on lui a tellement lavé le cerveau que nous risquons effectivement de ne pas pouvoir revenir en arrière.

M. Jean-Pierre Sueur. - On ne peut pas considérer qu'un vote démocratique au Parlement soit un lavage de cerveau.

M. Pierre-Yves Collombat. - L'idée selon laquelle le non-cumul des mandats va améliorer le fonctionnement du Parlement est fausse. Les non-cumulards ne sont pas ceux qui travaillent le plus. C'est peut-être bizarre mais c'est ainsi. On lance de fausses pistes pour éviter de régler les problèmes de fond.

M. René Vandierendonck. - Je suis de ceux qui ont pris la peine d'écouter ce débat. Cette proposition de loi n'avait pas pour but de parler de la loi sur le non-cumul des mandats mais de la loi NOTRe et de la façon dont on apportera l'information aux parlementaires en amont, sans gêner la concertation au sein des commissions locales.

Mes collègues socialistes qui ont signé cette proposition de loi avaient droit à la parole en commission des lois : j'ai été leur porte-parole.

M. Philippe Bas, président. - Monsieur Darnaud, êtes-vous conforté ou ébranlé par ce débat ?

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Lors des auditions avec M. Masclet, nous avions prédit que ce débat dévierait sur la loi sur le non-cumul des mandats. Il est difficile de dire qu'elle porte sur la loi NOTRe quand l'exposé des motifs évoque la loi sur le non-cumul...

J'ai entendu M. Grosdidier : tout le monde s'accorde à dire que la présence de parlementaires à deux vitesses au sein des CDCI n'est pas acceptable, que les débats risquent d'être confisqués, que les discussions pourraient s'éterniser. A contrario, pourquoi le groupe socialiste n'a-t-il pas déposé une proposition de loi pour que les parlementaires siègent au sein des commissions d'attribution de la DETR ?

Monsieur Sueur, j'entends vos arguments en faveur du non-cumul, mais encore faudrait-il que ce terme soit compris par nos concitoyens. Ils seraient les premiers surpris d'apprendre qu'un président de conseil régional peut continuer à être adjoint dans une grande ville, ce qui fausse l'esprit de la loi.

Je rends hommage à M. Vandierendonck, qui parle sous le sceau de l'honnêteté. Je regrette que ses collègues cosignataires de la proposition de loi n'aient pas été présents pour la défendre.

Cette proposition de loi n'est pas de nature à nous éclairer : elle donne plutôt le sentiment que nous ne sommes pas au bout de nos peines.

M. Philippe Bas, président. - Je rappelle que la loi sur le non-cumul n'a pas été votée par le Sénat mais par l'Assemblée nationale à laquelle le Gouvernement a donné le dernier mot.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - L'amendement COM-1 pourrait être intéressant, mais il ne présente aucun lien avec l'objet de la proposition de loi. Avis défavorable.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

M. René Vandierendonck. - Je ne prends pas part au vote sur la proposition de loi.

M. Jean-Pierre Sueur. - Par solidarité avec mon collègue, je fais de même.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

M. Philippe Bas, président. - Je vous rappelle qu'en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera sur les textes de ces deux propositions de loi.

Bilan annuel de l'application des lois - Communication

La commission entend une communication du président Philippe Bas sur l'application des lois.

M. Philippe Bas, président. - Entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2015, notre travail n'a pas été anodin et je salue l'implication personnelle de nos rapporteurs qui contrôlent avec rigueur la publication des textes d'application des lois promulguées. De nombreux décrets ont été publiés : le taux d'application pour les textes suivis au fond par notre commission s'élève à 76 %, ce qui traduit une réelle amélioration.

M. Jean-Pierre Sueur. - Et une chute par rapport à 2013 : le taux d'application était alors de 93 %.

M. Philippe Bas, président. - L'objectif du Gouvernement de publier 100 % des textes d'application dans un délai de six mois n'est effectivement toujours pas atteint, ce que nous regrettons, en dépit de l'amélioration par rapport aux exercices antérieurs.

En outre, notre charge de travail durant l'année écoulée a été considérable : nous avons examiné 18 lois, soit 42 % de l'ordre du jour législatif, exclusion faite des conventions internationales.

M. Pierre-Yves Collombat. - Ce fut un travail écrasant.

M. Philippe Bas, président. - Enfin, le recours à la procédure accélérée par le Gouvernement s'est malheureusement intensifié cette année : il est de bon ton de dire que tous les Gouvernements ont fait de même, mais ce n'est pas exact : l'usage de cette procédure lors des deux sessions précédentes était moins fréquent. Il est reparti à la hausse en 2014-2015, dans des conditions tout à fait inacceptables pour un travail parlementaire de qualité : 91 % des projets de loi et 57 % des propositions de loi ont fait l'objet de cette procédure.

M. Pierre-Yves Collombat. - C'est l'état d'urgence !

M. Philippe Bas, président. - Son utilisation est devenue quasiment systématique.

Je voudrais attirer plus particulièrement votre attention sur l'application de la loi relative au renseignement : alors qu'en janvier le Président de la République s'est inquiété lors de ses voeux aux bureaux des assemblées et aux corps constitués de la lenteur du travail parlementaire, nous avons observé que cette loi, pour laquelle la procédure accélérée avait été demandée, avait été adoptée par le Parlement en trois mois alors que le Gouvernement avait pris plusieurs années pour la préparer. Nonobstant cet intensif travail de préparation, le Gouvernement n'a pas sorti les décrets dans un délai aussi bref, puisqu'il a fallu attendre quatre mois. Cet exemple illustre la rapidité du travail parlementaire, même quand des questions de principe sont soulevés, et la difficulté du Gouvernement à publier des textes d'application qui avaient pourtant donné lieu à une très longue préparation.

La réunion est levée à 12 h 10