Mercredi 17 décembre 2014

- Présidence de Mme Élisabeth Lamure, présidente -

Échange de vues sur le programme de travail pour l'année 2015

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Mes chers collègues, lors de la réunion d'installation nous avions défini les orientations de la délégation. Permettez-moi de les rappeler.

Notre priorité est de visiter des entreprises, et plus particulièrement les petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) en région, au cours du premier trimestre 2015. Nous ciblerons les entreprises qui offrent de belles perspectives de développement, sans écarter les autres.

Nous réaliserons un sondage auprès des entrepreneurs, potentiellement autour de deux axes. Le premier concernerait les bonnes pratiques locales d'accueil et de soutien aux entreprises, en ciblant les PME, et sans oublier les sous-traitants. Le second axe serait relatif aux normes applicables aux entreprises en ciblant les ETI. Nous pourrions envisager de lancer le marché sur le premier sondage dès le mois de janvier, avec la délégation aux collectivités territoriales. Le second marché relatif au sondage sur les normes interviendrait alors après les premiers déplacements de notre délégation.

Nous avions envisagé de confier à un cabinet l'étude de l'impact sur le projet de loi pour l'activité, défendu par M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Cependant les contraintes de calendrier sont telles que nous devons y renoncer.

Nous souhaitons mettre en place un partenariat structurel avec un partenaire institutionnel. Trois pistes sont envisagées à ce stade :

o Un organisme de recherche du type : École d'économie de Toulouse ou du laboratoire CEROS (Université Paris Ouest Nanterre-La Défense) pour apporter des notes sectorielles ou réaliser les études d'impact complémentaires ;

o Une institution étrangère comme une fondation allemande ou un institut tel que l'InGFa (chargé de l'évaluation des lois auprès du land de Rhénanie-Palatinat) pour bénéficier d'un éclairage international comparé. Éventuellement, un partenariat avec une organisation internationale comme l'OCDE pourrait être envisagé ;

o Un journal économique, tel que Les Échos, qui bénéficierait d'une exclusivité sur les résultats des sondages.

Mme Nicole Bricq. - J'insiste sur la nécessité que nous nous intéressions en particulier aux ETI qui sont productives et créent de l'emploi.

Le sondage sur les bonnes pratiques me paraît une excellente idée. Mon expérience a achevé de m'en convaincre : nous devons encourager la démarche bottom-up. L'idée de partenariat avec Les Echos est également très bonne car le journal comporte déjà une rubrique territoriale et le cahier spécifique aux entreprises tient compte des expériences réalisées sur le terrain. Par ailleurs, l'école d'économie de Toulouse est un excellent établissement qui peut nous aider à faire enfin le lien entre politiques macroéconomiques et politiques microéconomiques, ce que nous ne savons pas faire en France aujourd'hui. J'adhère également à la proposition de rapprochement avec une fondation européenne. Je crois que nous devons davantage nous concentrer sur la dimension européenne, même si l'OCDE mène de nombreux et intéressants travaux. Je m'interroge enfin sur les moyens dont nous disposons pour réaliser tous ces travaux.

Mme Élisabeth Lamure, présidente.- Nous aurons les moyens de réaliser les sondages et les déplacements en France, pour lesquels nous avons reçu plusieurs propositions. Annick Billon a suggéré un déplacement en Vendée où le tissu de PME est assez dense.

Mme Annick Billon. - À travers les visites, nous devons identifier les freins au développement économique et à la création d'emplois. Je propose le département de la Vendée comme champ d'exploration. Les statistiques montrent que nous comptons le plus grand nombre de PME et le plus fort taux d'entreprises par habitant. Nous sommes fiers de quelques succès comme Fleury Michon ou Sodebo.

On y observe la présence d'entreprises performantes, certaines à caractère familial, qui ont une culture industrielle forte dans l'agro-alimentaire, la mécanique, la construction navale, la plaisance et le bâtiment. La qualité de la main d'oeuvre, qui développe des savoir-faire, y est une réalité ; l'organisation de la cérémonie de remise des diplômes aux meilleurs apprentis de France est l'occasion, pour le Sénat, de le vérifier chaque année. En outre, le taux de chômage reste toujours en dessous de la moyenne française.

Le territoire vendéen cultive sa spécificité d'usine à la campagne, qui maintient le réseau de sous-traitants à proximité. L'attractivité du département se confirme chaque année comme le démontre le palmarès des territoires en matière de qualité de vie.

Élue depuis 2001, j'entretiens des relations avec différents réseaux comme APM ou Réseau Entreprendre, ce qui m'a d'ores et déjà permis d'obtenir l'accord de plusieurs entrepreneurs prêts à participer à notre réflexion et à accueillir notre délégation. Ils ont donné leur accord pour diffuser rapidement un questionnaire sur l'ensemble du département de la Vendée.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Cette proposition est très intéressante. Je rappelle que nous envisageons des déplacements le plus souvent sur une journée, ce qui nécessitera de faire une sélection des entreprises à rencontrer. Nous avons également reçu une proposition de notre collègue Gilbert Bouchet.

M. Gilbert Bouchet. - J'ai proposé la visite de Valrhona dans la Drôme, entreprise particulièrement dynamique qui a doublé son chiffre d'affaires et ses emplois. Elle a ouvert des centres à Tokyo et à New York pour enseigner l'art du chocolat. Je peux également cibler d'autres entreprises qui sont à quelques kilomètres de Tain-L'Hermitage. Je serais très heureux de pouvoir vous y accueillir.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous pourrions peut-être étendre le voyage dans la vallée du Rhône, si besoin sur deux jours. En outre, je rappelle que nous avons reçu une proposition d'André Reichardt pour visiter en Alsace une entreprise au nom emblématique Triple A ou Agence Attractivité Alsace, qui accompagne les entreprises à l'export, et s'occupe du développement touristique. Nous pourrions alors traverser la frontière pour voir une PME familiale allemande de 800 personnes dans le domaine industriel. Nous avons également une proposition de Valérie Létard pour le Nord-Pas-de-Calais et plus particulièrement la région de Valenciennes.

Mme Valérie Létard. - On constate qu'il y a des filières d'avenir dans lesquelles des expériences positives sont vécues, mais il y a également des filières un peu plus difficiles dans des secteurs tels que le transport, automobile ou ferroviaire. Nous pourrions réfléchir à la façon d'améliorer la situation entre donneurs d'ordres et sous-traitants. Dans le cas de la filière ferroviaire, la mutualisation pourrait constituer une aide importante pour le développement international. Il serait intéressant de voir comment cela se met en oeuvre.

Par ailleurs, collectivités, universités et groupes industriels ont travaillé sur un cluster ou grappe industrielle, le technopôle Transalley. Nous pourrions voir comment ce travail collectif en matière de recherche et développement est mené pour imaginer les transports de demain.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - C'est un déplacement assez complet que vous nous proposez et assez proche de Paris ce qui en facilitera l'organisation. Je pense que nous pourrons y répondre.

Mme Nicole Bricq. - Permettez-moi une remarque générale sur la notion d'entreprise familiale. Nous devons distinguer attentivement entre les entreprises qui ont gardé un caractère familial et celles qui ont ouvert leur capital. Ces dernières sont plus performantes en termes d'innovation et d'export, précisément les dimensions où nos entreprises en général présentent des faiblesses. C'est la conséquence de problèmes bien connus que connaissent souvent les entreprises familiales : celui de la transmission de l'entreprise et celui du financement. Pour innover et pour conquérir des marchés à l'export, les entreprises doivent disposer de fonds propres solides et ont besoin de capitaux. Nos déplacements sur le terrain doivent nous permettre de panacher les entreprises proprement familiales - certaines sont excellentes - et les entreprises qui ont été reprises par un ingénieur ou par leurs salariés.

Je pense que le premier sujet proposé par Valérie Létard est intéressant : il serait utile d'étudier le fonctionnement de ces comités de filières pour vérifier qu'ils tiennent leurs promesses. Mais j'aimerais insister sur un second point, à savoir la dimension territoriale et plus particulièrement les grappes d'entreprises. J'ai pu observer, par exemple dans le domaine de l'eau en Saône-et-Loire, des territoires où interviennent dans un même champ d'activités sur un même territoire à la fois des filiales de grands groupes et des PME innovantes. Ce type d'organisation de la production me paraît très prometteur et nous devrions lui accorder toute notre attention. Cela nous permettrait de dépasser les relations entre sous-traitants et donneurs d'ordre. À titre d'anecdote, mais c'est significatif, le terme de « sous-traitance » n'existe pas en allemand.

Mme Valérie Létard. - Précisément, la logique des grappes ou des clusters demande une coopération entre les acteurs économiques, ce qui rejoint ma proposition.

Mme Nicole Bricq. - Le Nord-Pas-de-Calais nous offre en effet un bon exemple, avec des universités et des centres de recherche à proximité. Cela n'est pas, cependant, forcément lié à un pôle de compétitivité.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Les clusters peuvent en effet exister indépendamment des pôles de compétitivité. Autre proposition qui m'est parvenue : Olivier Cadic nous a proposé de rencontrer des entreprises françaises installées au Royaume-Uni.

M. Olivier Cadic. - C'est un autre monde. Notre voisin britannique adopte une vision très différente de l'entreprise. J'aimerais surtout insister sur la nécessité pour nous collectivement lorsque nous parlons des entreprises, de ne pas oublier les entrepreneurs. Ce sont eux qui fondent l'entreprise, ils prennent des risques et leur engagement comporte une part de rêve. C'est leur force et leur dynamisme qui permettent de développer les entreprises. Le modèle juridique français offre un cadre lourd pour les entrepreneurs tandis que le Royaume-Uni est considéré comme un paradis pour les entrepreneurs parce que la réglementation britannique leur permet de prendre des risques et de se tromper. Les entrepreneurs du Royaume-Uni ne craignent pas l'échec, qui n'est pas synonyme de point final et qui n'empêche pas de rebondir en tirant profit des erreurs passées. C'est cette philosophie dont nous devrions nous imprégner en France. L'entrepreneur doit avoir le droit d'échouer, sans être marqué d'un sceau indélébile qui obère tous ses projets futurs.

Je propose à la délégation de rencontrer Arnaud Vayssié, président de la chambre de commerce internationale. Il a connu comme entrepreneur une réussite exceptionnelle à l'international. Revenu en France, il partage son expérience. C'est un personnage peu connu du grand public mais qui devrait être un modèle et que nous gagnerions beaucoup à entendre.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Au vu de ces propositions, je crois que vous serez, mes chers collègues, d'accord pour cibler les PME innovantes ou les entreprises de croissance, qui peinent encore à devenir des ETI, notamment parce qu'elles connaissent des difficultés pour financer leur croissance. Nous ciblerons également les ETI, parce qu'elles alimentent le tissu industriel, ainsi que les clusters et les réseaux d'entreprise. Nous nous intéresserons également à des secteurs d'avenir comme le numérique.

Nous rencontrerons les chefs d'entreprise. Nous pourrons tester auprès des ETI les propositions de l'excellent rapport que notre collègue Bruno Retailleau leur a consacré en 2010. Nous publierons des comptes rendus de nos visites qui pourront être synthétisés par la suite dans un rapport. Éventuellement nous pourrions envisager des échanges d'informations avec les groupes d'amitié, qui ont souvent l'occasion de rencontrer les entreprises françaises à l'étranger.

M. Henri Cabanel. - La délégation ne pourrait-elle pas se pencher sur les entreprises coopératives ? Le département de l'Hérault où je suis élu a connu les premières coopératives viticoles. Certaines coopératives très récentes se sont adaptées pour affronter la concurrence internationale.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Volontiers. Notre délégation a vocation à se mettre à l'écoute de toutes les entreprises et de tous les secteurs d'activité. Nous pourrons également rencontrer les créateurs d'entreprises. À Paris même, nous pourrions visiter la fondation Entreprendre.

Mme Jacky Deromedi. - J'attire l'attention de la délégation sur la coopération entre les conseillers du commerce extérieur, dont je fais partie, les chambres de commerce et Ubifrance pour offrir un accompagnement aux entreprises françaises à l'export. Un membre d'une chambre de commerce ou un conseiller du commerce extérieur leur sert de mentor pendant une durée allant jusqu'à un an. Cette démarche novatrice a été initiée à Singapour mais nous avons l'intention de la généraliser.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Si vous en étiez d'accord, il pourrait être également judicieux de relancer les stages des sénateurs en entreprises. Grâce à ce dispositif, certains d'entre vous ont bénéficié il y a quelques années d'une immersion complète dans une entreprise pendant quelques jours. Les retours avaient été très positifs. Dans le même ordre d'idées, vous avez pu entendre parler de l'opération menée à l'Assemblée nationale « Moi parlementaire, une semaine sur les pas d'un PDG ». Je remercie ceux d'entre vous qui seraient intéressés par une entreprise particulière, en privilégiant plutôt les PME et les ETI que les grands groupes conformément à nos orientations, de nous en faire part. Avez-vous des observations sur ce programme de travail ?

M. Alain Joyandet. - J'aimerais connaître plus précisément le cadre de travail et les objectifs de notre délégation. Certes nous ferons des visites d'entreprises, certains effectueront des stages, mais avons-nous identifié des axes prioritaires de travail, comme l'emploi des jeunes ou les seuils sociaux dans les entreprises par exemple ? Nous saisirons-nous des sujets d'actualité qui concernent les entreprises ? Quelle sera l'articulation de nos travaux avec ceux de la commission des affaires économiques ?

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Je vous rappelle que nous ne sommes pas une commission ; dès lors, nous n'avons pas vocation à produire des rapports législatifs sur des projets ou des propositions de loi. Nous disposons des mêmes pouvoirs que les autres délégations du Sénat. Nous sommes compétents pour informer le Sénat sur tous les aspects de la vie des entreprises. C'est pourquoi nous irons à la rencontre des entreprises pour entendre les entrepreneurs. Nos sondages qualitatifs sur les pratiques locales et sur les normes s'adresseront aussi directement aux entreprises pour comprendre les facteurs de succès et les freins au développement des entreprises. Les partenariats possibles avec des organismes de recherche et une fondation allemande alimenteront nos travaux pour nous donner la meilleure connaissance possible de la situation des entreprises.

Un mot encore sur notre stratégie de communication. Nous pourrions ouvrir un blog sur le site du Sénat pour recueillir les opinions et les avis des entreprises. Je l'ai évoqué : un partenariat avec la presse économique, Les échos par exemple, formerait un levier intéressant. Il pourrait être lancé en publiant dans le journal partenaire une première étude qui répertorierait les liens entre les sénateurs et l'entreprise, puisque bon nombre d'entre nous connaissent l'entreprise de première main grâce à leur vie professionnelle. L'objectif est de valoriser cette expérience pour montrer que, contrairement à ce que nous pouvons entendre ici ou là, les sénateurs ne sont pas déconnectés de l'entreprise.

Pour le calendrier de nos travaux, nos réunions à partir du mois de janvier pourraient se tenir le jeudi, en se calant sur le rythme des questions d'actualité au Gouvernement. Le premier déplacement pourrait se dérouler en Vendée le 19 janvier, puisque le 12 janvier se tiendra un « Sénat hors-les-murs » à Bordeaux.

M. Dominique Watrin. - J'ai bien noté que nos travaux seront prioritairement orientés vers l'innovation et la création d'entreprises. Pourrions-nous également retenir comme axe l'évaluation du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) ? Le dispositif est mis en place depuis 2013, ce qui nous donne déjà un certain recul. Le CICE prend de l'ampleur et nous devrions commencer à dresser un premier bilan de son utilisation par type d'entreprises et par secteur d'activités. Ce sujet ne peut être écarté d'emblée, sauf si d'autres s'en sont déjà saisis.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. -Cela relève davantage de la compétence d'une commission, voire d'une mission d'information. Nous devons être attentifs à ne pas empiéter sur le domaine des commissions.

Mme Nicole Bricq. - Des sommes très importantes sont en jeu et le sujet ne peut être ignoré. Cependant, la loi qui a créé le CICE a prévu la constitution d'un observatoire où siègent des parlementaires. Un amendement sur le projet de loi de finances a précisément prévu que deux sénateurs issus de la commission des finances y siègent. En outre, un travail sur l'ensemble des baisses de charges des entreprises est mené par le comité de suivi des aides publiques aux entreprises et des engagements (Cosapee) mis en place par le Premier ministre en octobre et rassemblant les organisations patronales et syndicales, ainsi que des experts. Le bras armé de cette évaluation est France Stratégie, le commissariat général à la stratégie et à la prospective. Deux sénatrices y participent : Chantal Jouanno et moi-même, de même que deux députés. Un rapport sur le CICE a déjà été rendu en juillet 2014 mais le prochain rapport de ce comité aura une portée globale en couvrant l'ensemble des baisses de charges. Lors des visites d'entreprises, nous serons amenés à poser des questions concrètes aux entreprises sur le recours au CICE et son utilisation.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Tout à fait et d'ailleurs dans les visites que nous ferons dans les entreprises, il n'y aura pas de sujets tabous. S'agissant de la question que vous soulevez, elle concerne effectivement la Commission des finances qui pourrait aussi s'en saisir.

M. Jérôme Durain. - Pour revenir sur des aspects ayant trait à la communication, vous indiquiez que beaucoup de sénateurs de notre délégation étaient issus du monde de l'entreprise. Je voudrais souligner que ce n'est pas parce que nous ne sommes pas issus du monde de l'entreprise que nous ne nous y intéressons pas, ce qui est mon cas. Par ailleurs il ne faudrait pas que notre délégation soit réduite à un simple rôle de gadget. Je pense à cet égard aux stages des sénateurs en entreprise, qui font écho à des initiatives malheureuses d'immersion de parlementaires dans des entreprises dans le cadre de la télé réalité. Nous devons être prudents car notre mission est suffisamment sérieuse pour que nos initiatives n'apparaissent pas réductrices ou anecdotiques.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Évidemment, le sujet des entreprises n'est pas exclusif et intéresse l'ensemble des sénateurs qu'ils aient été ou soient entrepreneurs ou non. Je souhaite juste m'inscrire en faux contre l'idée reçue selon laquelle les sénateurs ne seraient pas attentifs aux problématiques des entreprises, en soulignant que nombre d'entre eux sont issus de leurs rangs. Quant à la question des stages en entreprise, il s'agit d'une initiative peu visible à l'extérieur, que de nombreux collègues découvrent seulement en arrivant et qui est sans rapport avec la télé réalité.

M. Jean-Marc Gabouty. - Dans notre approche du monde des entreprises, il me paraît important de ne pas segmenter notre analyse, mais au contraire de déployer une vision globale. Nous ne pouvons pas découper en tranches la vie des entreprises et raisonner de façon isolée sur l'investissement, l'accès au crédit ou encore la baisse des charges, qui sont des sujets intrinsèquement liés. Un bénéficiaire du CICE par exemple, peut améliorer son compte de résultat et peut donc accéder plus facilement au crédit, et donc investir.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - L'avantage de notre délégation, c'est précisément de raisonner de façon globale et d'envisager toutes les questions dans le cadre de nos déplacements. Nous préparerons d'ailleurs un questionnaire global à l'attention des entreprises que nous rencontrerons et qui couvrira tous les aspects intéressant leur développement.

M. Dominique Watrin. - Je voudrais simplement préciser que les chiffres dont je dispose ne corrèlent pas vos affirmations selon lesquelles plus les charges sociales pesant sur les entreprises sont basses et plus il y a de l'investissement. L'idée selon laquelle les charges sont responsables de tous les maux des entreprises est une mauvaise piste et les données chiffrées démontrent le contraire.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Votre observation pourra nourrir nos échanges.

M. François Aubey. - Ma question est d'ordre logistique et concerne le déplacement en Vendée que vous avez annoncé. Tous les membres de notre délégation sont-ils invités à y participer ?

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Je vous propose que nous fixions une date et nous déciderons de la composition de la délégation en fonction du nombre de candidatures, étant entendu que nous ne pourrons pas tous y participer.

M. Michel Vaspart. - Il ne faudrait pas que ce soient seulement les membres du bureau qui puissent y participer.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Je comprends et nous nous efforcerons d'organiser un roulement sur les différents déplacements qui seront envisagés au cours de l'année, en Rhône-Alpes, dans le Pas-de-Calais, en Alsace, ou encore en Vendée.

Mme Nicole Bricq. - Je vous signale qu'il y a quand même beaucoup d'entreprises en Île-de-France aussi.

M. Alain Joyandet. - La France ne se résume pas à l'Île-de-France.

Mme Nicole Bricq. - Certes, mais l'Île-de-France représente 30 % du PIB.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - L'idée est effectivement de se déplacer dans les territoires.

Mme Nicole Bricq. - Laissez-moi vous emmener dans mon département, en Seine-et-Marne, et vous verrez bien que nous sommes dans un territoire hors de Paris. Nous avons une chambre de commerce, avec de très nombreuses PME innovantes.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous avons effectivement tous dans nos territoires des entreprises qui méritent d'être visitées. Nous pourrions nous rendre en Seine-et-Marne.

M. Alain Joyandet. - Pour éviter de se déplacer, nous pourrions également faire venir des chefs d'entreprise pour les auditionner.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - L'idée est davantage d'aller sur le terrain à la rencontre des entrepreneurs et des entreprises en sortant du cadre classique de nos auditions que nous réalisons déjà dans les commissions permanentes. Évidemment cela ne nous interdira pas de réaliser des auditions très ciblées et je ne manquerai pas de recueillir vos propositions.

M. Martial Bourquin. - L'accès au crédit est une question vitale pour les entreprises. Est-ce que nous prévoyons de faire une étude sur le secteur bancaire ? Et plus largement, est-ce que nous nous intéresserons à la question du financement de l'investissement et à celle des rapports entre les universités et les entreprises ?

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous pourrons, et nous serons dans notre rôle, envisager effectivement des courts rapports thématiques sur des sujets précis, et je vous invite à faire des propositions en ce sens.

Mme Valérie Létard. - Je propose que nous établissions un questionnaire à l'attention des entreprises afin qu'elles puissent renseigner un certain nombre d'éléments précis sur lesquels elles ont des attentes. Et nous pourrions systématiquement proposer ce questionnaire aux entreprises que nous aurons l'occasion de rencontrer dans les territoires. J'avais par exemple identifié les thèmes suivants : le passage de PME à ETI ; les questions de fiscalité, de patrimoine, de transmission ; les questions de simplification des procédures ; les questions de l'accès au crédit bancaire et la place de la banque publique d'investissement (BPI) ; les visions prospectives sur les secteurs d'avenir ; les stratégies de développement à l'international ; l'organisation des futures grappes d'entreprises et leurs relations avec les donneurs d'ordre. Cela nous permettra d'avoir un regard croisé sur l'ensemble des régions où nous serons allés et d'identifier des constantes que nous pourrons synthétiser.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous sommes tout à fait d'accord, cela nous permettra de disposer d'un questionnaire de base qui pourra d'ailleurs être étoffé au fur et à mesure de nos déplacements.

M. Philippe Dominati. - Je n'ai à vrai dire toujours pas très bien compris la répartition des compétences entre notre délégation et la commission des affaires économiques et les pouvoirs dont nous sommes investis. J'ai le sentiment que, sous prétexte que nous sommes une délégation, nous nous interdisons d'explorer un certain nombre de sujets pourtant au coeur des préoccupations des chefs d'entreprise. Je ne voudrais pas que nous ne soyons qu'un simple observatoire. Quels sont nos priorités pour le premier semestre ? S'agissant du sondage, je ne crois pas que les normes soient le sujet prioritaire. Il faudrait plutôt essayer d'identifier rapidement quels sont les obstacles qui freinent le développement des entreprises.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous n'avons effectivement pas de compétence législative, mais notre délégation a été constituée pour réaliser un travail concret et pas pour être un simple instrument d'observation. Bien évidemment, dans le sondage qui vous est proposé, nous nous interrogerons sur les freins que rencontrent aujourd'hui les entreprises.

M. Michel Forissier. - L'utilité essentielle de notre délégation est de faire la preuve que le politique peut avoir un regard partenarial sur les entreprises. Longtemps, en tant que chef d'entreprise, j'ai eu le sentiment que les hommes politiques ne s'intéressaient pas au monde des entreprises, sinon pour en tirer des recettes fiscales ou pour lui imposer des normes. Les entreprises ont besoin de liberté : nous devons être attentifs aux contraintes qui pèsent sur elles, notamment s'agissant du droit du travail qui mérite d'être rénové. Le Sénat a entamé un travail sur les normes par exemple qui me paraît être pertinent et qui doit être poursuivi. Nous devons renouer des liens privilégiés avec les entreprises : ce serait déjà en soi une réussite ! Il y a parmi nous de nombreuses personnes issues du monde de l'entreprise et cela facilitera notre tâche. C'est un message fort, et notre délégation est loin de représenter un doublon des commissions permanentes existantes. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai souhaité en être membre.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - En effet, cette délégation montre que le Sénat s'intéresse aux entreprises de manière concrète.

M. Claude Nougein. - Il serait sans doute pertinent d'avoir des analyses comparatives avec d'autres pays, car il y a des recettes étrangères qui fonctionnent, des pays où les entreprises sont mieux considérées, qui peuvent constituer des exemples. Je pense notamment à la Grande-Bretagne ou aux États-Unis, en matière de fiscalité ou de droit du travail par exemple. Plutôt que d'inventer, il est parfois plus efficace de s'inspirer de ce qui fonctionne. En ce sens, notre délégation pourra apporter sa contribution aux autres commissions dans leur domaine de compétence.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Tout à fait et nous pourrons envisager de déposer des propositions de loi ou des propositions de résolution.

Mme Annick Billon. - S'agissant de la méthodologie, nous ne pourrons pas tous nous déplacer dans les différents départements. Pouvons-nous rapidement nous décider sur les prochains déplacements qui vont arriver ?

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Le secrétariat va faire le nécessaire pour organiser au plus vite ces déplacements.

M. Gilbert Bouchet. - Nous ne devons pas oublier le cas des entreprises qui quittent la France : il faudrait comprendre les raisons de leur départ. J'ajoute que, si les délais étaient trop courts pour organiser le déplacement du 19 janvier 2015 en Vendée, nous pourrions tout à fait nous rendre à Tain-L'Hermitage.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous ferons les deux déplacements.

M. Gilbert Gabouty. - L'approche de la délégation doit être équilibrée et ne pas exclure les activités traditionnelles qui représentent l'essentiel de l'investissement et de l'emploi. Elles sont elles-mêmes dans des secteurs qui évoluent technologiquement.

Nous ne devons pas répéter les erreurs du passé, lorsque, dans les années 1990, nous avons parlé de la société post-industrielle. Il ne faut pas décourager les chefs d'entreprises, les salariés ni les jeunes dont a vu le niveau de recrutement dans les filières techniques chuter de manière dramatique. En imaginant que la France pouvait vivre avec le tourisme, les transactions financières et quelques services de haut niveau, on a trop négligé l'appareil de production.

Enfin, pour compléter les propos de Valérie Létard, j'estime nécessaire de se pencher également sur le fonctionnement des filières. Si nous prenons le cas de la filière automobile, on constate aujourd'hui qu'il existe des trous dans la chaîne de la sous-traitance. Il y a des savoir-faire que nous n'avons plus en France.

M. Olivier Cadic. - Je souhaiterais que nous réfléchissions également à la question du financement des entreprises et à l'impact de BPIFrance, dont les effets négatifs commencent à apparaître. J'aimerais vraiment que l'on traite ce sujet qui est essentiel.

M. Alain Joyandet. - Je souhaiterais que nous nous mettions d'accord sur la méthodologie, les questions auxquelles il faudrait répondre et les objectifs que nous nous fixons pour les deux prochaines années.

Nous pourrions définir un corpus avec une dizaine de questions, afin que notre travail débouche sur des propositions concrètes -ce pourrait être la publication d'un livre blanc sur les entreprises- et un calendrier de travaux. Nous avons besoin d'un cadre pour travailler.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - C'est exactement de cette façon que nous envisageons de travailler, à partir de tous les sujets que vous avez identifiés. Je vous invite à nous transmettre vos suggestions.

M. Martial Bourquin. - La question essentielle qui se pose au sein de notre délégation concerne notre capacité à dégager un consensus. Il s'agit d'essayer de comprendre les problèmes et d'apporter une réponse. Nous aurons toujours des débats de fonds entre nous, c'est inhérent au pluralisme politique. Mais nous devons réussir à faire des propositions qui dépassent les clivages politiques, par exemple sur l'innovation ou la politique d'investissement.

M. Michel Vaspart. - J'ai une observation à formuler sur les stages de sénateurs en entreprise : je ne suis pas convaincu que nous soyons réellement la cible prioritaire et je pense que d'autres sénateurs - voire collaborateurs, en dehors de cette délégation, bénéficieraient davantage d'une telle expérience.

Je partage totalement les remarques qui ont été faites sur la méthode.

La situation est tendue aujourd'hui pour les entreprises, nous devons contribuer à alléger un certain nombre de contraintes. C'est une urgence pour limiter les pertes d'emplois.

Enfin, j'aimerais suggérer une thématique que nous connaissons bien en Bretagne : les relations entre les PME et PMI de l'agro-alimentaire et la grande distribution.

M. Jérôme Durain. - J'aimerais simplement faire une remarque sur les enjeux du financement. La question du capital investissement est essentielle ; je signale que l'association française des investisseurs pour la croissance -AFIC- a reçu quelques-uns d'entre nous hier et est tout à fait disponible pour accueillir d'autres sénateurs.

M. Jean-Pierre Vial. - Dans le cadre d'une réflexion sur la dimension internationale, nous devons absolument traiter la question de l'agence française de développement (AFD). Je suis assez déçu de voir à quel point cette structure, qui bénéficie de financements conséquents, ne parvient pas à accompagner de façon satisfaisante les entreprises françaises.

En outre, pour ce qui concerne le rapport entre recherche et développement et entreprises, je note que beaucoup d'institutions travaillent actuellement sur le lien entre les laboratoires d'universités et le tissu local des PME et PMI. La délégation pourrait s'appuyer sur ces travaux.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Sur l'AFD, nous pourrions envisager un rapport commun avec la commission des affaires étrangères afin que la situation soit connue.

Mme Nicole Bricq. - Je rappelle que des parlementaires siègent au conseil d'administration de l'AFD, c'est à eux d'intervenir. En outre, le ministère des affaires étrangères tient au principe des aides déliées, donc la nationalité des entreprises ne peut être un critère dans les appels d'offres lancés au niveau mondial avec l'aide de la banque mondiale. Ce problème est connu, ne nous perdons pas.

M. Dominique Watrin. - Les groupes interparlementaires d'amitié ont souvent un lien fort avec les entrepreneurs français à l'étranger et peuvent être utiles pour nos travaux. Le groupe France-Vietnam par exemple a réalisé un travail considérable en faveur des entreprises françaises. Il serait intéressant d'évaluer ce que nous avons pu obtenir par ailleurs.

M. Alain Joyandet. - Il ne faut pas mélanger les sujets. Il y a d'une part les appels d'offres privés sur le marché international pour lesquels les entreprises peuvent ne pas être retenues si elles ne sont pas assez bonnes. Il y a, d'autre part, la politique de coopération qui s'appuie sur le principe des aides déliées. Cela signifie que la France abonde en financements, mais que nos contraintes et engagements européens nous obligent à organiser des appels d'offres de dimension européenne, parfois mondiale. Dans ce cas, c'est le moins disant qui remporte le marché. Ce sont les règles européennes de l'aide au développement et nous n'allons pas les changer ici. Nous pouvons en revanche informer les entreprises françaises afin qu'elles aient, à tout le moins, connaissance des appels d'offres.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Nous n'allons peut-être pas changer les règles, mais nous pouvons tout de même évoquer le sujet car nous ne devons pas contourner les tabous.

M. Jean-Pierre Vial. - Si nous ne sommes pas capables de traiter ce sujet, vous pouvez déjà considérer que vous avez une place disponible au sein de la délégation aux entreprises.

Je suis très impliqué, pour des raisons extra-parlementaires, dans le domaine des énergies. Dans ce cadre, nous avons contracté avec la fondation allemande GIZ -Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit- qui nous fait participer à des programmes en partie financés par l'AFD. Or, j'ai une équipe de quatre personnes actuellement au Maroc, reçue par la GIZ pour travailler sur un projet qui sera opérationnel au mois de septembre, sur un appel d'offres de l'AFD qui aura lieu en janvier ! La GIZ a approché mon équipe qui était sur le terrain pour un tout autre projet, en expliquant que le bâtiment était déjà presque entièrement construit et qu'elle était certaine d'être retenue dans le cadre du futur appel d'offres. C'est totalement anormal, nous devons nous poser ces questions !

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - Ce que vous décrivez est édifiant et scandaleux ; il n'est pas possible de laisser perdurer un tel fonctionnement.

Mes chers collègues, vous recevrez la semaine prochaine le compte rendu de cette réunion et je reste ouverte à vos suggestions. Je vous encourage par ailleurs à nous donner vos disponibilités pour le mois de janvier et pour la prochaine réunion qui aura sans doute lieu un jeudi matin lorsque seront inscrites à l'ordre du jour les questions au Gouvernement.

Je vous remercie de votre participation.