Mardi 9 décembre 2014

- Présidence de M. Michel Magras, président -

Définition du programme de travail de la délégation

M. Michel Magras, président. - Mes chers collègues, comme convenu lors de notre réunion constitutive du 20 novembre, nous nous retrouvons aujourd'hui pour définir un premier programme de travail. Plusieurs d'entre vous ont bien voulu m'informer des sujets qui retiennent particulièrement leur attention et je les en remercie. Permettez-moi d'en dresser un rapide panorama avant de laisser la parole aux auteurs.

Notre collègue Robert Laufoaulu, qui s'est manifesté le premier, nous a signalé quatre sujets : l'impact du dérèglement climatique sur les outre-mer ; la question du foncier ; l'insertion régionale des outre-mer et l'avenir des PTOM à la suite de la nouvelle décision d'association de 2013.

Les deux premiers sujets, la question climatique et celle du foncier, ont recueilli les suffrages d'autres collègues. Jérôme Bignon, aujourd'hui en déplacement à Lima avec une délégation de la commission du développement durable, souhaite ainsi que nous effectuions un travail concernant spécifiquement les outre-mer en vue de la conférence de Paris fin 2015. Notre collègue Vivette Lopez soutient également cette position, de même que Paul Vergès. Comme il nous l'avait déjà fait savoir le 20 novembre, notre collègue Thani Mohamed Soilihi, qui n'a pu se joindre à nous aujourd'hui, a confirmé sa demande relative au foncier dans les outre-mer.

Aline Archimbaud a inventorié trois sujets de prédilection : les enjeux environnementaux, sanitaires et économiques de la pollution au chlordécone, sujet qui concerne essentiellement l'arc antillais ; le projet de grand port de Guadeloupe ; le développement des énergies propres.

Notre collègue Didier Robert souhaite refaire un état des lieux de la continuité territoriale. Charles Revet nous a confirmé tout l'intérêt qu'il portait au développement de la filière pêche. Enfin, Paul Vergès a attiré notre attention sur la question des accords de partenariat économique (APE) conclus avec les pays de l'environnement régional.

Mes chers collègues, l'intérêt de tous ces sujets - et de bien d'autres encore d'ailleurs - est manifeste. Il va cependant nous falloir établir des priorités, mais auparavant je veux céder la parole à ceux d'entre vous qui souhaitent s'exprimer.

M. Charles Revet. - Le dossier de la pêche me semble particulièrement important à traiter. La France possède, après les États-Unis, la plus grande zone économique exclusive au monde. Pourtant, nous importons 85 % de nos besoins en poissons et crustacés. Nous ne pêchons pas la totalité des droits qui nous sont alloués, par exemple sur les crevettes en Guyane, alors que les pays voisins viennent pêcher dans nos eaux et piller nos ressources. Autre exemple, les îles Kerguelen où pêchent plus de vaisseaux japonais ou chinois que de français. Notre flotte est globalement en assez mauvais état, mais plus particulièrement outre-mer et les moyens mis en oeuvre pour la restaurer ne sont pas à la hauteur. Les aides européennes pour rénover les flottilles ne tiennent pas compte des contraintes climatiques propres aux outre-mer qui appellent des renouvellements de la flotte plus rapides qu'en métropole.

M. Michel Magras, président. - C'est une belle suggestion. Néanmoins, la délégation a déjà travaillé sur cette question avec l'adoption d'une proposition de résolution européenne sur la politique commune de la pêche. Elle l'a à nouveau abordée dans son rapport d'information sur les zones économiques exclusives paru en avril 2014. Peut-être pourrions-nous intégrer une analyse de l'évolution des ressources halieutiques dans une étude plus globale sur le changement climatique.

M. Éric Doligé. - J'aimerais revenir sur l'organisation de nos travaux. Parmi les sujets proposés par nos collègues, certains ont déjà été largement analysés au cours des années passées. Je pense, par exemple, à la continuité territoriale, où nous pouvons renvoyer au rapport de la Commission nationale pour l'évaluation des politiques en outre-mer (CNEPEOM) publié en juin 2014. Nous devrions traiter en priorité les sujets nouveaux. Je trouve très intéressante la suggestion de Charles Revet. Toutefois, les problèmes des pêcheurs guyanais viennent pour beaucoup des normes sur la taille des filets qui pèsent sur eux et les désavantagent par rapport à leurs concurrents immédiats. C'est donc la question de l'adaptation de la réglementation européenne qui doit nous préoccuper.

M. Michel Magras, président. - Nous sommes en effet régulièrement confrontés à ces difficultés. Il serait plus efficace que l'Union européenne définisse un cadre global qui s'impose à tous dans la zone. Je soutiens la priorité que vous souhaitez donner aux nouveaux sujets qui n'ont pas encore été traités.

Mme Odette Herviaux. - Comme notre collègue Charles Revet, j'estime que la pêche mérite une réflexion approfondie. Des espaces sont encore interdits de pêche à cause de la pollution à la chlordécone. La « gratte » ou ciguatera est également un fléau. Nos pêcheurs sont handicapés par la sous-motorisation de leurs bateaux alors qu'ils doivent toujours plus s'éloigner des côtes pour exercer leur activité. Je vous proposerais de faire le bilan de l'application outre-mer de la loi sur les grands ports maritimes. En outre, j'ai évoqué avec notre collègue Jacques Cornano la possibilité d'un travail en commun avec la commission du développement durable sur la double insularité.

M. Jeanny Lorgeoux. - Chacun sait que des trafiquants de tous poils sillonnent les mers et viennent déstabiliser nos économies, notre jeunesse et nos sociétés. Sans doute la délégation pourrait-elle faire un état des lieux des trafics et des moyens de l'action en mer. Considérant la faiblesse déjà connue de ces moyens, nous devrons alors émettre des préconisations pour les renforcer.

M. Michel Magras, président. - Vous avez parfaitement raison de soulever cette question qui ne cesse de s'intensifier avec la mondialisation. La France doit prendre toute sa part dans la lutte contre ces trafics. Je reviens un instant sur la question des ports maritimes pour vous informer que le Conseil économique, social et environnemental s'est saisi de cette question et prépare un rapport pour les prochains mois.

M. Antoine Karam. - Coïncidence heureuse, je reviens à peine de Cayenne où j'ai pu rencontrer les représentants des pêcheurs, qui m'ont fait part de leurs inquiétudes. Le sujet me paraît donc pleinement d'actualité. Nos ressources halieutiques sont, certes, protégées par des quotas contraignants mais ceux-ci n'empêchent pas nos voisins du Brésil et du Surinam de piller nos eaux. La situation de la pêche à la crevette s'est considérablement dégradée depuis le départ des Américains parce que la France n'a pas fourni les moyens de surveillance nécessaires. Je considère pourtant qu'à côté de l'industrie spatiale, la pêche est un secteur d'avenir pour la Guyane.

M. Jacques Cornano. - Avant même d'être sénateur, je travaillais dans le cadre de la communauté de communes de Marie-Galante sur l'insularité et, plus particulièrement, sur la double insularité. Il se trouve que nous sommes jumelés avec Belle-Île-en-Mer. Quarante-cinq minutes de traversée rejoignent Belle-Île et le continent comme Marie-Galante et la Guadeloupe. Et pourtant, quelle différence dans les tarifs pour une même traversée !

Toutes les réformes institutionnelles depuis 1946 ont ignoré la réalité archipélagique. J'aimerais préciser que la continuité territoriale concerne à la fois la circulation des biens et des personnes. Comment se fait-il que, pour aller à la Dominique depuis Marie-Galante, nous devions passer obligatoirement par la Guadeloupe alors même que nous sommes immédiatement voisins de la Dominique ? Lorsque le président Hollande s'est rendu à Basse-Terre, je lui ai remis un mémorandum sur la question de la continuité territoriale qu'il s'est engagé à prendre en compte.

Je souhaite donc travailler sur la continuité territoriale, soit dans le cadre de la délégation, soit dans celui de la commission du développement durable. La question du changement climatique m'intéresse également.

M. Michel Magras, président. - Je comprends d'autant mieux vos préoccupations que Saint-Barthélemy a longtemps connu la même problématique de double insularité. Cependant, la continuité territoriale a déjà été abordée dans ses dimensions aériennes, maritimes, numériques et humaines dans le rapport très récent de la CNEPEOM.

Mme Aline Archimbaud. - Plusieurs de nos collègues ont proposé de traiter des conséquences du changement climatique. Je les soutiens mais je vous propose de ne pas nous contenter de mesurer l'impact du changement climatique dans les outre-mer et d'étudier surtout les réponses structurantes et pérennes que nous pourrions apporter à ce phénomène qui frappe particulièrement ces territoires.

Lorsque je proposais d'aborder le thème des énergies propres, c'est dans cette voie d'adaptation des politiques publiques au changement climatique que je souhaitais que nous nous engagions. Il y a là des gisements de développement économique très importants.

Permettez-moi de revenir sur la chlordécone. Certes, cette pollution ne concerne que quelques territoires mais elle demeure un enjeu sanitaire sérieux qui n'a toujours pas été réglé et, de surcroît, un enjeu économique majeur pour l'agriculture et pour la pêche. Se pose, en particulier, la question des compensations à apporter à raison des interdictions de culture et de pêche prononcées. Se pose également la question de la recherche, puisque nous ne disposons pas encore de solutions pour dépolluer les sols et les eaux.

M. Michel Magras, président. - Je suis sensible à cette problématique mais je serais favorable à ce que nous donnions priorité à des sujets plus transversaux. De ce point de vue, le changement climatique dans lequel nous pourrions intégrer l'étude de la transition énergétique, comme vous le suggérez, me paraît plus satisfaisant comme thème de travail.

M. Joël Guerriau. - Je salue votre initiative visant à dégager un consensus sur quelques priorités. Lors de la réunion constitutive, j'avais, moi aussi, évoqué la question de la pêche. Elle a, certes, été traitée en d'autres lieux mais il reste beaucoup à faire alors que l'Union européenne, voire certains départements français, mènent des actions de développement des flottes de pêche dans des pays tiers qui sont les concurrents directs de nos outre-mer.

Le sujet de la continuité territoriale me paraît intéressant mais complexe. Je vous rejoins pour considérer que le changement climatique doit être une de nos priorités pour 2015, ne serait-ce qu'en raison de la tenue, en décembre, de la COP21 à Paris. La conscience des enjeux ultramarins n'est pas encore partagée par l'ensemble de notre communauté nationale. C'est pourquoi il me semble opportun de rattacher nos travaux à une question globale pour attirer l'attention du public.

Nous pourrions également évoquer la situation du tourisme. Pour ne prendre qu'un exemple, malgré des atouts naturels considérables, comme son grand lagon, Mayotte peine à développer son secteur touristique car elle est handicapée par le prix des billets d'avion, proprement sidérant !

Pour finir, je nous invite mutuellement à assurer une veille de nos préconisations antérieures issues de travaux de grande qualité. Nous devons les faire vivre et les faire fructifier.

M. Michel Magras, président. - Je retiens, comme vous, le changement climatique comme priorité. Je partage sans réserve votre point de vue : sensibiliser la conscience nationale aux enjeux de l'outre-mer est essentiel et c'est la raison d'être de notre délégation, structurellement duale. Il est vrai que nos problématiques propres sont insuffisamment comprises et prises en compte à l'échelon national. Le recours aux ordonnances, si fréquent dans toutes les matières touchant à l'outre-mer, en est un symptôme flagrant en dépit de certains progrès récents.

Je connais bien la question du tourisme puisque j'étais moi-même l'auteur d'un rapport sur le sujet en 2011. Et j'avais émis quelques recommandations fortes. Pour faire vivre nos travaux, nous nous heurtons aux limites des pouvoirs de la délégation, qui n'est pas une commission, et qui, dès lors, n'est pas doté de pouvoirs normatifs et ne dispose pas du droit d'initiative législative.

M. Maurice Antiste. - Ce n'est pas un hasard si la mer revient dans tous nos propos car nous sommes gens de mer. Le continent prétend nous avoir découvert au XVIe siècle mais je pense profondément que nous devons engager un mouvement de rencontre mutuelle.

J'avoue ma déception, non que je regrette la qualité reconnue de nos travaux, mais parce que j'ai l'impression que nous piétinons. Je prends à témoin notre collègue Éric Doligé sur ce point. Ma proposition est donc la suivante : plutôt que d'engager de nouveaux travaux, la délégation ne pourrait-elle pas réaliser une synthèse de tous les rapports publiés sur l'outre-mer depuis vingt-cinq ans et la transmettre aux plus hautes autorités nationales et européennes ? Si nous reprenons le problème de la pêche en Guyane, il faut avouer que les mêmes questions récurrentes se posent depuis vingt-cinq ans. Nous avons enchaîné les rapports, nous avons entendu des promesses, mais la situation ne bouge pas. Cassons donc le rythme, ne travaillons plus en vain, engageons au préalable cette démarche d'inventaire que je vous propose. En d'autres termes, ne recommençons pas sans cesse les mêmes rapports avec les mêmes conclusions.

M. Michel Magras, président. - Notre collègue s'exprime toujours avec passion mais je ne partage pas totalement son propos. Je n'ai pas le sentiment que nous tournions en rond. Depuis que je suis devenu sénateur, j'ai l'impression, au contraire, d'un bond en avant dans la prise en compte des outre-mer. Je vous rappelle l'initiative du président Larcher en 2009 de constituer une mission sur la situation des départements en outre-mer. Nos collègues Éric Doligé et Serge Larcher en étaient chargés. C'est leur travail qui a conduit le président Bel à créer notre délégation en 2011. Nos rapports sont reconnus pour leur qualité, certaines de nos recommandations ont été suivies d'effets. Une synthèse globale sur tous les sujets les plus variés ne nous mènerait pas à formuler des préconisations opérationnelles.

M. Charles Revet. - Tous les gouvernements, quelle que soit la majorité politique, ont négligé les potentiels et les spécificités des outre-mer. Les services ministériels regardent tout cela de loin, de trop loin. Je pense à nouveau que nous devrions réaliser une étude spécifique sur la pêche. Nous ne sommes pas une commission mais il nous revient d'apporter aux commissions permanentes toute l'information nécessaire et toutes les analyses utiles à leurs travaux. Attachons-nous à dégager des solutions opérationnelles et nous serons entendus.

M. Michel Magras, président. - Nous avons trouvé un mode de collaboration efficace avec les commissions : la constitution de groupes de travail communs. Sur la défiscalisation comme sur la situation universitaire aux Antilles et en Guyane, notre collaboration a eu des conséquences très concrètes et très positives !

M. Éric Doligé. - Jusqu'à ce que l'on me confie un rapport sur le sujet, je ne connaissais pas les outre-mer en tant que parlementaire. Cette première expérience m'a passionné et je n'ai jamais, depuis, abandonné l'outre-mer. Depuis 2009, j'estime que nous avons beaucoup avancé en interne au Sénat et que nous avons considérablement accru notre connaissance technique des sujets. C'est l'organisation de la gouvernance dans l'appareil d'État qui pêche. Une réorganisation des ministères est nécessaire pour aller plus loin. Nous devons faire prendre conscience au niveau gouvernemental du potentiel que représentent les outre-mer. Transformer l'essai que nous avons marqué ne demande finalement que de la volonté et un peu de moyens.

Au sein du Parlement, des structures internes chargées de relayer les questions ultramarines se sont mises en place, comme notre délégation. Si celle-ci ne dispose pas en propre du pouvoir normatif, je vous rappelle que chaque parlementaire dispose, lui, du droit d'amendement et d'initiative. En nous rassemblant au-delà des clivages politiques, nous pouvons peser collectivement pour infléchir les projets de loi et les budgets dans l'intérêt des outre-mer. Il ne tient donc qu'à nous d'aller plus loin.

M. Jeanny Lorgeoux. - Cet enthousiasme nous fera surmonter la nostalgie qui nous gagnait.

M. Joël Guerriau. - Transformons la délégation en groupe politique !

M. Michel Magras, président. - J'aimerais vous faire une proposition pour tisser un lien fort entre notre délégation et les commissions. Je suis prêt à relancer l'idée initiée par Serge Larcher des référents outre-mer au sein des commissions pour servir d'interfaces. Comme il est de coutume dans notre délégation, ces référents devraient venir à la fois des outre-mer et de l'Hexagone. Ce dispositif n'a pas encore été officialisé et structuré. C'est à quoi nous devons nous atteler.

Mme Odette Herviaux. - Plus que l'outre-mer, c'est au fond tout ce qui touche à la mer qui est inconnu. La maritimisation des politiques reste dans l'angle mort. C'est pourquoi il nous faut défendre simultanément une politique maritime forte et une politique de développement des outre-mer exigeante.

M. Jeanny Lorgeoux. - J'approuve vos propos et vous renvoie aux conclusions de mon rapport sur la maritimisation au nom de la commission des affaires étrangères.

Mme Aline Archimbaud. - Le projet de loi à venir sur la biodiversité nous donnera l'occasion de défendre des positions communes au bénéfice des outre-mer.

M. Georges Patient. - Les propos d'Éric Doligé m'amènent à rappeler que je suis partisan de former un groupe de défense des intérêts des outre-mer au-delà des clivages politiques. Aujourd'hui, nous ne sommes pas audibles en séance. C'est pourquoi les parlementaires de l'outre-mer doivent monter au créneau pour créer un rapport de force politique.

M. Michel Magras, président. - J'observe que de plus en plus de collègues hexagonaux nous soutiennent lors des débats en séance publique. Nous pourrions prévoir des auditions de ministres au-delà de la seule ministre des outre-mer. Une audition du ministre chargé de la mer me paraîtrait particulièrement opportune.

M. Georges Patient. - Malheureusement, quand nous auditionnons les ministres, les réponses sont bien souvent évasives car ils ne maîtrisent pas les spécificités propres aux outre-mer.

M. Robert Laufoaulu. - J'aimerais revenir sur nos thèmes de travail. Je veux insister sur la question du foncier qui me paraît essentielle. J'appuie totalement notre collègue Thani Mohamed Soilihi de Mayotte. C'est un problème rencontré dans toutes nos collectivités ultramarines. À Wallis-et-Futuna, nous devons faire face à la superposition du droit coutumier et du droit civil, comme en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie. Nous avons besoin d'inventer des solutions nouvelles.

Un autre thème me semble important : l'avenir des PTOM. La décision de décembre 2013 n'a pas apporté les résultats attendus et la délégation pourrait, d'ici l'échéance de 2020, proposer des évolutions qui permettraient de traiter les PTOM sur un pied d'égalité avec les autres régions européennes.

M. Michel Magras, président. - La problématique foncière a été suggérée par plusieurs collègues. À titre personnel, je considère que c'est un sujet essentiel sur lequel nous ne pouvons faire l'impasse plus longtemps alors que c'est un problème qui a été très négligé jusqu'à présent.

Concernant les PTOM, et bien que Saint-Barthélemy soit également concerné, je m'interroge pour savoir, d'une part, s'il s'agit d'un sujet suffisamment transversal, d'autre part, si nous disposons d'un quelconque moyen d'agir alors que la décision en cause est déjà actée.

M. Maurice Antiste. - J'insiste encore une fois sur la nécessité de dresser un bilan.

M. Michel Magras, président. - J'entends votre préoccupation mais la tâche serait proprement titanesque.

M. Jacques Cornano. - J'adhère à l'idée d'auditionner des ministres compétents. Je me propose également pour devenir référent au sein de la commission du développement durable. Permettez-moi également de revenir sur la continuité territoriale. Comment pouvons-nous assurer un développement touristique d'îles qui ne disposent pas de liaisons de transports suffisantes ? Il faut tenir compte également de l'approvisionnement des commerçants. En l'absence d'une politique satisfaisante de continuité territoriale, les prix continueront d'augmenter, les commerces de fermer et le chômage d'empirer.

M. Michel Magras, président. - Je comprends d'autant plus l'importance de la continuité territoriale que, paradoxalement, Saint-Barthélemy n'entre pas dans son champ puisque notre île est reliée via l'aéroport international situé dans la partie néerlandaise de Saint-Martin. Il existe une notion globale de continuité territoriale. Je l'ai traitée cette année au nom de la CNEPEOM qui rassemble une majorité de parlementaires et qui agit en tant qu'organe d'évaluation pour l'exécutif.

M. Joël Guerriau. - Il est très bien de nommer des référents en commissions mais, en toute courtoisie, j'aimerais nous appeler collectivement à une certaine vigilance afin de désigner des membres assidus et actifs de la délégation.

M. Michel Magras, président. - Après cet échange particulièrement nourri dont je vous remercie, l'heure est maintenant venue du choix. Je vous propose quelques critères de sélection : privilégier les sujets transversaux ; nous insérer dans un calendrier qui donne de la visibilité ; éviter les redondances avec des travaux effectués récemment ; développer les effets de synergies avec les commissions afin de sensibiliser un plus grand nombre de nos collègues aux problématiques ultramarines.

De ce point de vue, le rendez-vous en décembre 2015 à Paris de la Conférence sur le climat apparaît comme une échéance incontournable. Le sujet du climat revêt des enjeux décisifs pour tous nos outre-mer. C'est une occasion à saisir pour améliorer la visibilité de nos outre-mer. Il paraît impossible d'être absent de cet événement d'autant qu'une journée se déroulera peut-être au Sénat. C'est aussi l'occasion d'effectuer un travail en commun avec la commission du développement durable. Ce sujet fédérateur nous permettra d'aborder différentes questions retenant l'intérêt de plusieurs collègues de la délégation.

Si vous en étiez d'accord, nous pourrions créer un groupe de travail commun avec la commission du développement durable, à l'instar de ce qui avait été fait précédemment sur l'impact des dispositifs de défiscalisation sur les économies ultramarines, puis sur la situation universitaire aux Antilles et en Guyane.

M. Jean-François Longeot. - Travailler à l'interface de la délégation et de la commission m'intéresserait.

Mme Odette Herviaux. - Pourrions-nous élargir le sujet pour travailler sur l'adaptation des politiques au changement climatique et intégrer ainsi la suggestion d'Aline Archimbaud sur les énergies propres ?

M. Michel Magras, président. - Cela me semble très pertinent. Du point de vue de l'organisation de ce groupe de travail, je vous propose de respecter le principe du binôme de rapporteurs. L'équilibre outre-mer/hexagone et majorité/opposition doit, à mon sens, continuer à être privilégié. Je rencontrerai prochainement le président de la commission, M. Hervé Maurey, pour lui présenter notre proposition. Je vous rappelle que notre collègue Jérôme Bignon s'est porté candidat : il est à la fois membre de notre délégation et de la commission, et c'est un fin connaisseur de nos outre-mer. Son expérience acquise à la tête du Conservatoire national du littoral et des rivages lacustres et de l'Agence des aires marines protégées nous sera précieuse.

M. Robert Laufoaulu. - Je me réjouis du choix de ce thème par la délégation. Nos îles sont menacées par la montée des eaux, en particulier dans le Pacifique. Le Président de la République, lors de sa tournée en Océanie, a rencontré les présidents des pays concernés. Ce fut un moment émouvant de les entendre exposer les graves difficultés qu'ils doivent combattre. Les Kiribati achètent déjà des terrains à Fidji pour pouvoir y réinstaller une partie de leur population. Les propos du Président de la République en réponse ont été bien accueillis. La France se doit d'être à la pointe du travail en 2015. Notre délégation y participera et tentera d'apporter sa contribution au sauvetage de ces petites îles au bord de la noyade. La mer qui devait les nourrir, les tue !

M. Michel Magras, président. - Plusieurs membres de la délégation ont proposé le foncier comme sujet d'étude. Selon des perspectives variées, cette question se pose dans l'ensemble des outre-mer. Le foncier est au coeur des problématiques de développement de nos outre-mer, qu'il s'agisse de l'activité économique, de la réalisation des infrastructures ou encore de la conquête d'une meilleure autonomie financière. Ce thème, crucial et d'une grande complexité, reste largement inexploré et n'a donné lieu à aucun rapport global.

L'ampleur et la complexité de la question du foncier dans les outre-mer demande de procéder par étapes et de dégager plusieurs thématiques à traiter successivement. Nous pourrions ainsi distinguer trois grands volets à étudier sur trois ans. Le premier volet concernerait la gestion du domaine de l'État, en abordant la question des transferts aux collectivités et le débat sous-jacent sur la nécessaire conciliation des impératifs de développement avec la préservation de l'environnement. Le deuxième volet traiterait la problématique des titres de propriété, rendue particulièrement épineuse par la superposition et la diversité des droits applicables. Le troisième volet aborderait la planification foncière et les conflits d'usage, en évaluant les outils fonciers disponibles et l'adaptation des procédures aux contextes ultramarins.

Ces trois volets donneraient lieu à trois rapports d'information successifs. L'étendue du sujet et sa fragmentation en trois rapports justifie de désigner, en plus des différents rapporteurs pour chacun des trois volets, un rapporteur coordonnateur pour assurer la cohérence de l'exercice.

Afin de pouvoir amorcer nos travaux dès janvier, je vous propose de procéder dès aujourd'hui à de premières désignations. Pour le rapporteur coordonnateur, il me semble que nous pourrions désigner notre collègue Thani Mohamed Soilihi. Il a proposé ce sujet dont il a une connaissance intime du fait de la grande complexité de la situation mahoraise.

M. Georges Patient. - La question du foncier prend un aspect très spécifique en Guyane, puisque 90 % du territoire appartient au domaine privé de l'État qui n'est pas fiscalisé. Cela justifierait la désignation d'un rapporteur au fait de cette problématique si particulière.

M. Antoine Karam. - Les occupations sans titre et les installations de personnes un peu partout créent des tensions qui ne pourront que s'intensifier dans un futur proche.

M. Michel Magras, président. - Concernant le volet numéro 1 relatif à la gestion du domaine de l'État, j'ai pensé, s'ils en étaient d'accord, à nos collègues : Serge Larcher, dont l'expertise sur la question des 50 pas géométriques notamment n'est plus à prouver, et Joël Guerriau, qui a toujours marqué son intérêt pour le domaine maritime et le littoral. Sans doute pourrions-nous leur associer un représentant de la Guyane.

M. Antoine Karam. - Je pense que mon collègue Georges Patient qui a déjà travaillé sur les aspects fiscaux de la question est bien placé pour devenir rapporteur.

M. Michel Magras, président. - J'en viens à la continuité territoriale. C'est un sujet qui à mon grand regret a conduit à la division des ultramarins lors de l'examen de la mission outre-mer, alors que nous avions coutume de l'adopter consensuellement. Il me semble personnellement malvenu que la délégation commence ses travaux sur des questions qui divisent.

En outre, nous l'avons déjà évoqué, un rapport récent de la CNEPEOM, où les parlementaires sont majoritaires, dresse un état des lieux complet de la situation et formule des recommandations. Cette analyse converge avec les conclusions du rapport d'information de la commission des finances du Sénat sous l'égide de nos collègues Doligé et Patient sur « le pilotage à l'aveugle » de l'aide à la continuité territoriale (ACT). Dans ces conditions je vois mal l'intérêt de produire encore un rapport, au risque inévitable de nous répéter. Les sujets prioritaires sont légion : il faut éviter de ressasser. Sur la question de l'ACT, la balle est désormais dans le camp de l'autorité décisionnaire, c'est-à-dire du gouvernement. Il a tous les éléments pour prendre les décisions qui s'imposent.

Mme Odette Herviaux. - L'aménagement du territoire relève de la compétence de la commission du développement durable. Dans la mesure où la question de la desserte des îles, soulevée par Jacques Cornano, se pose également dans les régions métropolitaines, je propose que la commission s'empare du sujet, tout en tenant informé la délégation. Nous devons aussi agir au niveau européen pour que les problèmes insulaires soient mieux pris en compte.

M. Michel Magras, président. - Votre suggestion nous permettrait de donner la priorité à la question du foncier, si vous en êtes d'accord.

Personne ne manifestant d'opposition, Thani Mohamed Soilihi est nommé rapporteur coordinateur sur l'ensemble de notre étude du foncier outre-mer. Serge Larcher, Joël Guerriau et Georges Patient sont désignés rapporteurs sur le premier volet consacré à la gestion du domaine tant public que privé de l'État.

Il nous reste à évoquer les conférences économiques de bassin. Nous avions déjà acté leur principe lors de la réunion constitutive du 20 novembre. Je vous propose pour 2015 que la première conférence mette un « coup de projecteur » sur la situation économique et le tissu entrepreneurial des collectivités du Pacifique. Cette conférence se situerait dans le prolongement de celle organisée par notre délégation en janvier 2013 sur la France dans le Pacifique au 21ème siècle, qui a connu un beau succès.

M. Jean-François Longeot. - Aucune objection !

M. Robert Laufoaulu. - Je suis heureux de ce choix.

M. Maurice Antiste. - Il me semble que nous devrons veiller à garder un fil conducteur tout au long des trois années pour faire le lien entre les trois bassins océaniques.

M. Michel Magras, président. - Le fil conducteur devrait être la levée des obstacles au développement et le soutien aux entreprises.

Mme Odette Herviaux. - À défaut d'une synthèse générale, pourrions-nous disposer de la liste des rapports sur l'outre-mer depuis cinq ans ?

M. Michel Magras, président. - Tout à fait. Notre programme de travail étant maintenant arrêté, je vous propose de fixer notre prochaine réunion à la semaine de reprise des travaux en séance publique.