Mercredi 20 novembre 2013

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Loi de finances pour 2014 - Mission « Santé » - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Dominique Watrin sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Santé »).

M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis. - Le budget de la mission Santé s'élève à 1,3 milliard d'euros pour 2014. Ses crédits sont en légère hausse (0,8 %) par rapport à 2013. Cette évolution recouvre une progression de 2,9 % des moyens du programme 183 « Protection maladie », et une baisse de 1 % de ceux du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».

L'augmentation modeste dans le cadre général d'austérité financière cache plusieurs évolutions contrastées. L'augmentation du programme « Protection maladie » est imputable en totalité à l'aide médicale d'Etat (605 millions d'euros budgétés contre 588 en 2013) car la dotation de l'Etat au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), qui était de 50 millions d'euros en 2012, est nulle pour la deuxième année consécutive. Les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » supportent, à eux seuls, les mesures présentées comme nécessaires par le Gouvernement pour le redressement des comptes publics. Ils baissent globalement de 1 % (693,4 millions d'euros contre 700,2 millions d'euros autorisés cette année).

Les « actions » les plus affectées par cette baisse de crédits sont : les « projets régionaux de santé » (dont le budget baisse de 12,2 % pour s'établir à 130,9 millions d'euros), la « réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires » (- 10,4 % à 18,2 millions d'euros), la « prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins » (- 4,2 % à 9,5 millions d'euros), la « qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain » (3,7 % à 145 millions d'euros) et enfin « l'accès à la santé et l'éducation à la santé » (2,4 % à 9,5 millions d'euros). S'agissant des projets régionaux de santé, ils se verront contraints d'utiliser pour des actions de soins curatifs les dotations pourtant allouées pour le financement de la prévention par l'assurance maladie.

La baisse des crédits de réponse aux urgences et aux alertes (- 10 %) repose sur une diminution de la subvention à l'Etablissement public de réponse aux urgences sanitaires (Eprus). La subvention est fixée pour 2014 à un niveau tenant compte de son fonds de roulement prévisionnel, ainsi que de la mise en oeuvre de son programme d'achats pluriannuel de stocks stratégiques. L'Eprus sert en pratique de variable d'ajustement.

Pour la prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins (9,5 millions d'euros), ce sont 6,1 millions d'euros qui vont être dédiés au plan national de lutte contre le VIH/Sida et les IST (infections sexuellement transmissibles) et 1 million d'euros qui financeront des actions de lutte contre les hépatites B et C. Si l'on prend en compte, comme le fait le Gouvernement, les 0,34 million d'euros destinés à des dépenses de fonctionnement, on aboutit à un montant total de 7,44 millions d'euros consacrés à la lutte contre ces pathologies. La lutte anti-vectorielle sera dotée de 1 million d'euros. La subvention de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) diminue (144,9 millions d'euros contre 150,4 millions) mais le plafond d'emplois est en apparence maintenu au même niveau que celui de 2013 (1 009 ETP). Quant à l'action n° 12, pour « l'accès à la santé et éducation à la santé », elle voit ses crédits diminuer par rapport à 2013 de - 1,7 % en autorisations d'engagement et de - 2,4 % en crédits de paiement, pour s'élever à 25,7 millions d'euros. Cette baisse touche essentiellement la subvention à l'Inpes (24,1 millions) qui diminue de 0,1 million d'euros.

Ces baisses servent à financer l'augmentation des crédits de l'action « modernisation de l'offre de soins », de 11,6 % par rapport à 2013 pour s'établir à 190,3 millions d'euros. Cette augmentation correspond pour une part à celle du financement des stages des internes en médecine ambulatoire, mais aussi à un élargissement du périmètre lié à la réforme du financement de la Haute Autorité de santé, en cours de discussion dans le cadre du PLFSS. Sur ce point, l'augmentation des dépenses correspond à de nouvelles recettes et non à un effort financier supplémentaire.

L'augmentation des crédits de formation découle de la réforme de la formation des internes annoncée par la ministre de la santé en 2012. Actuellement, la formation dispensée en deuxième puis en troisième cycle s'effectue essentiellement à l'hôpital. Lors du troisième cycle, l'interne doit effectuer six stages d'environ un semestre, dont la répartition varie selon les maquettes de chaque diplôme d'études spécialisées (DES). Celui de la médecine générale prévoit pour la dernière année d'internat un semestre sous la forme d'un stage autonome en soins primaires ambulatoires supervisé (Saspas) ou d'un stage dans une autre structure médicale agréée.

La ministre a exprimé la volonté d'augmenter la part accordée à l'ambulatoire, avec l'objectif qu'en cinq ans - soit d'ici la rentrée 2018 -, la durée des stages pratiques en médecine ambulatoire représente « 30 % de la formation des futurs médecins ».

La montée en charge rapide de cette réforme nécessite l'augmentation importante du budget de cette action afin de couvrir les indemnités de stage, notamment des 3 511 internes stagiaires de médecine générale, et les indemnités des maîtres de stage.

J'ai pu, lors de mes auditions avec les acteurs de terrain, mesurer l'importance de ces stages pour l'installation des jeunes médecins, spécialement dans les structures d'exercice collectif. Cette augmentation de crédits est donc bienvenue, mais je regrette qu'elle entraîne la baisse importante des crédits alloués à d'autres actions, particulièrement aux programmes régionaux de santé dont l'importance pour l'accès aux soins est pourtant réelle.

Je ne vous surprendrai pas en vous indiquant que je ne peux me satisfaire du budget de la mission « Santé » tel qu'il est présenté par le Gouvernement. En effet, depuis plusieurs années maintenant, la pression financière augmente sur les opérateurs de la mission, les agences sanitaires en charge de la surveillance, de l'expertise voire de la régulation de notre système de soins. Au point aujourd'hui d'atteindre, quoi qu'on en dise, le coeur même des missions qui leur sont assignées.

Le projet de financement présenté par le Gouvernement pour le programme 204 s'inscrit en effet dans le cadre de la réduction des emplois budgétaires définie par la lettre de cadrage adressée aux ministres par le Premier ministre le 28 juin 2012. Cette lettre de cadrage précise que, sur la période 2012-2015, « les effectifs de l'Etat connaîtront une stabilité globale. Les créations d'emplois seront réservées à l'enseignement, la police, la gendarmerie et la justice. Des efforts de - 2,5 % par an sur les autres secteurs seront donc nécessaires afin de respecter cet objectif de stabilité. » Ceci se traduit par une obligation de réduction des emplois de 7,5 % sur trois ans pour les autres opérateurs de l'Etat, y compris les agences sanitaires.

Le ministère de la santé a décidé de ne pas imposer aux opérateurs le respect strict de cette obligation. A l'issue de la période 2012-2015, la réduction du nombre d'emploi des agences financées par le programme 204 devrait atteindre 156 ETP sur 2651 ETP en 2012 soit - 5,9 %. Pour 2014, il a choisi de préserver les emplois de l'agence de sécurité du médicament et des produits de santé. Ceci implique un effort supplémentaire demandé aux autres opérateurs sur lesquels se répartit la suppression de 52 ETP.

Le maintien du nombre de postes de l'ANSM est largement formel. En effet, suite à l'adoption de la loi sur la sécurité du médicament, 80 nouveaux emplois devaient être affectés à l'agence pour faire face à ses nouvelles missions. Seuls 15 l'ont finalement été. Dans un contexte de réorganisation lourde du fonctionnement de l'agence, facteur d'un climat social tendu, pareille limitation des moyens humains est de nature à mettre en péril la capacité de l'agence non seulement à faire face aux urgences sanitaires récurrentes liées aux produits de santé mais surtout à les anticiper et à les prévenir.

L'effort demandé aux opérateurs de la mission est nécessairement de plus en plus difficile à supporter et met en péril l'exercice des missions. En effet, la possibilité de réduire les effectifs par simple non-remplacement des départs en retraite ou non-renouvellement des contrats à durée déterminée s'épuise rapidement, spécialement si les structures sont de taille réduite et de création récente, ce qui implique généralement une pyramide des âges relativement plate. Une fois les départs en retraite et non renouvellement volontaires effectués, la seule possibilité de réduction des emplois est la rupture conventionnelle avec les personnels contractuels.

Or, l'effort demandé aux opérateurs est croissant sur la période triennale. 20 ETP ont été supprimés en 2013, 52 le seront en 2014 et 84 en 2015.

La direction générale de la santé espère parvenir à remplir l'objectif de diminution des emplois par la mutualisation des fonctions support. Sont définies comme fonctions support toutes les fonctions qui permettent aux opérateurs d'accomplir leurs missions mais qui ne sont pas l'exercice direct de ces missions, ainsi la mise en place d'un réseau informatique ou la passation de marchés publics. Cette distinction bien qu'intellectuellement séduisante me paraît atteindre rapidement ses limites sur le terrain. Elle permet surtout de minimiser les conséquences des réductions d'effectifs sur le fonctionnement des agences.

En effet, la distinction entre fonctions support et fonctions métier est très variable selon les agences. L'idée que la réduction des effectifs pourrait porter sur des postes non essentiels est donc illusoire. L'ampleur des coupes demandées implique nécessairement la réduction du nombre de personnes chargées de mener à bien les missions confiées aux opérateurs. Or, à effectifs constants ou décroissants pour exercer leurs missions, les agences perdent la capacité de suivre de manière approfondie tous les domaines de leur champ de compétences. Surtout, l'activité de veille et de prospective et même la capacité de traiter les thématiques émergentes se trouvent considérablement réduites. Que ce soit pour l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut du cancer (INCa) ou l'Agence de la biomédecine (ABM), la perte de moyens s'effectue au détriment de notre capacité à faire face aux nouveaux enjeux sanitaires et à l'évolution des connaissances et des pratiques médicales.

La situation des agences sanitaires et des autres opérateurs de la mission « Santé » impose une vision d'ensemble plus large que la stricte application de règles d'économie. En l'absence de vision claire des intentions du Gouvernement concernant les agences avec une loi de santé publique sans cesse repoussée, ce budget contribue à leur fragilisation.

Parallèlement, l'Etat se désengage en fait du financement du Fiva. Nous en avons largement débattu à l'occasion du PLFSS, le contexte budgétaire fragile du Fiva et la double responsabilité de l'Etat dans l'affaire de l'amiante impose que l'Etat assume ses responsabilités. La réponse donnée par le ministère du budget selon laquelle l'absence de dotation est inscrite dans le budget pluri-annuel 2013-2015 est purement formelle et ne tient pas compte de l'évolution de la situation. Je vous proposerai donc que notre commission adopte un amendement rétablissant à hauteur de 50 millions d'euros ou au moins de 30 millions d'euros la dotation de l'Etat. Afin que ce rétablissement de la dotation préjudicie le moins possible aux crédits de la mission 204, je vous proposerai également un amendement tendant à augmenter les recettes en rétablissant une contribution sur les entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante.

J'ai souhaité cette année aborder les solutions possibles aux inégalités territoriales et sociales de santé. De ce point de vue, un large consensus se dégage aujourd'hui pour considérer que l'avenir des soins de ville passe par l'exercice collectif dans des conditions d'accessibilité financière. La stratégie nationale de santé reprend partiellement cette analyse en affirmant la nécessité d'un véritable service public territorial de santé dont le périmètre et les modalités restent toutefois encore imprécis.

Je note la priorité qui semble être accordée dans le texte de présentation de la stratégie nationale de santé aux pôles et aux maisons de santé, ce qui est cohérent avec la volonté affichée de « développer un nouveau mode d'exercice de la médecine libérale ».

En pratique, selon l'analyse de plusieurs professionnels impliqués tant dans les centres de santé que dans les maisons de santé, la question du statut libéral ou salarié, longtemps marquée par des a priori idéologiques, est aujourd'hui devenue secondaire pour les jeunes professionnels de santé. En effet, c'est le caractère collectif de l'exercice au sein des centres ou des maisons de santé qui motive l'installation des jeunes dans ces structures. Cette forme d'exercice permet la mise en place d'un projet médical commun, souvent porteur d'une prise en charge des patients plus globale que celle possible pour la clientèle d'un médecin exerçant seul. De plus, l'exercice collectif garantit, quel que soit le statut du professionnel, un niveau de rémunération compatible avec la qualité de vie que recherchent légitimement les jeunes professionnels. Une véritable dynamique est en place. Sur l'ensemble du territoire, 70 centres de santé sont en voie de création et 300 nouvelles maisons de santé.

Le président de la Fédération des maisons de santé envisage même la possibilité de rapprocher les maisons et centres de santé au sein d'une fédération des soins de santé primaires. J'estime cette perspective intéressante à condition que les professionnels libéraux participent pleinement à un service public qui accueille l'ensemble de la population d'un territoire sans discrimination financière. En effet, à l'heure actuelle, ce sont les centres de santé qui prennent en charge en soins de ville les populations les plus fragiles.

De plus, ce sont historiquement les centres de santé réunissant des professionnels de santé salariés exerçant au tarif de responsabilité qui sont les pionniers de cet exercice collectif. Il existe aujourd'hui 1 700 centres de santé répartis sur l'ensemble du territoire national contre près de 300 maisons de santé. Si j'admets volontiers la nécessité de développer les maisons de santé, il me paraît essentiel de soutenir l'action de centres de santé et surtout de les aider à faire face aux difficultés financières qu'ils rencontrent. Les centres partagent l'essentiel des préconisations du rapport de l'inspection générale des affaires sociales publiée en juillet dernier. Ils s'inquiètent cependant des difficultés qu'un transfert d'une partie de leur financement aux Départements, tel qu'il est envisagé par l'Igas, pourrait entrainer et souhaitent que soit rendue possible le financement des centres de santé par les intercommunalités. La fédération des centres de santé serait prête pour sa part à accepter une évolution du modèle économique dans le cadre d'un contrat d'Objectifs réellement négocié.

A la fin de ce panorama, je ne peux donc que constater avec regret que le budget de la mission « Santé » s'inscrit globalement dans le cadre des mesures d'austérité budgétaire avec lesquelles je suis en profond désaccord. Je vous propose donc de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits prévus pour la mission « Santé».

Mme Catherine Génisson. - Je souhaite revenir principalement sur deux points. Le premier est celui de l'enseignement de la médecine générale. Celui-ci doit nécessairement être développé mais je pense qu'il faut également veiller à ce que l'essentiel de la formation des internes reste dans les lieux où s'élabore la médecine de pointe.

Le deuxième point concerne les agences sanitaires. Je crains pour ma part que leur multiplicité les amène à se superposer parfois sans pour autant couvrir l'ensemble des sujets. Je suis convaincue qu'en veillant à la qualité du travail des agences l'on peut parvenir à remplir les missions à moindre coût.

Enfin je pense que le sujet que vous abordez sur l'exercice collectif est très important et qu'il faut que le débat entre centre de santé et maisons de santé se prolonge.

M. Jean-Noël Cardoux. - Mes remarques porteront d'abord sur la formation des internes. Je suis attaché à la préconisation figurant dans le rapport sénatorial sur la désertification en milieu rural qui visait à développer les stages dans les hôpitaux ruraux. Ceci est un facteur important pour l'installation des jeunes professionnels dans ces zones.

Sur un tout autre sujet je suis choqué par le nombre et le coût des agences intervenant dans le domaine de la santé. D'après mes calculs, il y en a 21 pour un budget de 3,4 milliards d'euros et 25 200 emplois. Il me paraît évident qu'il faut éviter les doublons et mutualiser les moyens, spécialement parce que l'action de ces agences limitent le pouvoir de décision du législateur.

M. Gilbert Barbier. - Je remercie le rapporteur d'avoir souligné un point très important qui est le fonctionnement des agences sanitaires. Il faut approfondir cette question mais je suis convaincu qu'elles ont les moyens de fonctionner avec les crédits prévus par ce budget. Si l'on prend par exemple la multiplicité des acteurs intervenant dans le domaine du médicament on voit bien que l'examen technique pourrait aussi bien être fait par un seul organisme.

M. Marc Laménie. - On voit clairement à l'issue de ce rapport la complexité que crée la multiplicité des agences. J'ai pour ma part des interrogations sur l'évaluation des actions de l'Inpes. Plusieurs de nos communes, spécialement les plus petites, se trouvent parfois destinataires de matériels de campagnes organisées par l'Inpes mais difficiles à utiliser localement ou arrivant à contretemps. Une plus grande efficacité serait certainement source d'économies.

M. René-Paul Savary. - Je partage avec le rapporteur le constat que la médecine générale est en cours de transition dans notre pays.

Par contre je suis très réticent à l'idée que les départements soient appelés à financer une activité sanitaire. Il y aurait de plus un problème d'équité à faire bénéficier les professionnels de santé d'avantages disproportionnés en matière d'installation. Si la zone est sous-dotée, l'exercice y est nécessairement rentable sans intervention d'une collectivité locale. Défions nous de créer un contexte trop administratif et pas assez fonctionnel.

Mme Isabelle Pasquet. - Nous constatons que la rigueur portée par ce projet de budget s'applique même au domaine de la santé et je vois là un décalage avec les ambitions affirmées par la ministre des affaires sociales et de la santé. On ne se donne pas les moyens de les mettre en oeuvre. Le groupe CRC s'inquiète particulièrement de la baisse des moyens alloués à la prévention et du désengagement de l'Etat s'agissant du Fiva.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - La présentation faite par le rapporteur est précise mais nous ne pouvons pas partager ses conclusions. Je note tout d'abord qu'avec 1,3 milliard d'euros de dotation, la mission santé a un périmètre très réduit par rapport au budget de la sécurité sociale qui représente l'essentiel de l'effort de la nation en termes de santé. Face à notre situation économique, un effort est demandé à l'ensemble des budgets même si celui de la santé est non seulement maintenu mais en légère augmentation.

Nous pouvons tous être d'accord sur la priorité à accorder à la prévention. Je crains cependant qu'elle ne doive se mettre en place progressivement étant donné la place prédominante de l'approche curative.

S'agissant des agences de santé, la ministre a clairement indiqué à l'Assemblée nationale les axes de la politique qu'elle entend mettre en oeuvre. La réforme du pilotage des agences et la réorganisation de la veille sanitaire seront mises en oeuvre au travers de la loi de santé publique.

Je me félicite que nous abordions la question de l'aide médicale d'Etat de manière objective et apaisée. Je rappelle que ce dispositif a une vocation humanitaire certes, mais répond d'abord à un besoin sanitaire.

M. Jacky Le Menn. - Le budget de la mission santé correspond aux besoins des opérateurs et je ne peux laisser dire qu'il les met en péril. Je pense qu'une réflexion doit être menée sur les moyens des agences et je partage l'idée selon laquelle il n'appartient pas aux départements d'intervenir dans le domaine sanitaire qui est une compétence de l'Etat.

Mme Isabelle Debré. - Je souhaite connaître les raisons de l'augmentation de l'aide médicale d'Etat et savoir si la suppression du droit de timbre mis en place par la précédente majorité a entrainé une augmentation du nombre de titulaires. Par ailleurs, bien entendu, je ne voterai pas en faveur du budget de cette mission.

M. Gérard Roche. - Dans la situation actuelle, il faut nécessairement faire des économies. Je regrette qu'elles se portent sur la prévention car cela est une vision à court terme mais on ne peut trancher dans l'urgence dans les crédits des soins curatifs.

J'estime que l'effort fait sur la formation des internes est positif et j'ajoute qu'il est nécessaire de supprimer le numerus clausus.

Je regrette l'absence d'approche en termes de parcours de soins. Il est indispensable d'augmenter le nombre de lits en soins de suite et de réadaptation et en moyens séjours. Il faut également prendre les mesures nécessaires pour réduire le reste à charge.

Sur la conclusion du rapporteur, il s'agit d'un désaveu de la part d'un des groupes politiques de la majorité sur lequel nous n'avons pas à nous prononcer.

M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis. - Je souhaite indiquer à Catherine Génisson que les agences sanitaires se concertent régulièrement entre elles et sous l'égide de la direction générale de la santé pour éviter de négliger des sujets et limiter le risque de superpositions. Je ne pense donc pas qu'il y ait encore véritablement de questions de périmètre.

Nous partageons, monsieur Cardoux, le même objectif s'agissant des stages dans les hôpitaux ruraux. S'agissant des moyens des agences, je ne peux que vous faire part de la différence entre les auditions que j'ai pu mener ces dernières années. Là où jusqu'en 2012 les agences affirmaient pouvoir faire sans difficulté des économies, elles sont aujourd'hui très inquiètes sur les réductions d'effectifs qui touchent leur coeur de métier. La priorisation des actions qui leur est demandée les amène à consacrer moins voire pas de moyens à d'autres actions.

Monsieur Barbier il me semble que sur le circuit du médicament, de nombreuses questions se posent et le débat est ouvert.

Monsieur Laménie, le budget de l'Inpes sera de 24,1 millions d'euros en 2014, ce sont principalement des moyens d'intervention dont les opérateurs sont des acteurs de terrain.

Je dois préciser pour MM. Savary et Le Menn que l'Igas ne préconise pas que les centres de santé soient financés par les départements pour leur activité sanitaire mais pour leur activité médico-sociale. Cependant, les centres sont réticents à l'égard d'un tel financement quel qu'en soit le périmètre étant données les difficultés financières des départements.

Je partage avec Isabelle Pasquet l'analyse selon laquelle il faut établir une priorité pour la prévention et que celle-ci ne se trouve pas dans le budget de la mission Santé présenté par la Gouvernement.

Monsieur Daudigny, effectivement des réflexions sont en cours sur l'avenir des agences sanitaires et il nous faudra attendre la loi de santé publique pour savoir ce qu'elles deviendront.

Madame Debré, l'aide médicale d'Etat augmente effectivement en raison de l'augmentation plus forte que prévue des bénéficiaires en 2013, ce qui est en lien avec la suppression du droit de timbre de 30 euros. Le coût des dépenses de santé couvertes par l'AME a augmenté de 2,5 %. Ces deux évolutions ne me choquent pas et je suis convaincu de la nécessité qu'il y avait à supprimer le droit de timbre qui limitait l'accès aux soins. Or plus l'accès est précoce, moins les soins sont coûteux.

Madame Roche, nous partageons le souhait de lutter contre la désertification médicale. S'agissant des SSR, ils relèvent du budget de la sécurité sociale.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

La commission examine les trois amendements soumis par le rapporteur.

M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 1 rétablit pour 2014 une dotation de 50 millions d'euros au Fiva, montant de la subvention en 2012. L'amendement n° 2 est un amendement de repli qui fixe cette dotation à 30 millions d'euros. Ainsi que je vous l'ai annoncé, l'amendement n° 3 vise les recettes et entend rétablir au profit de l'Etat la contribution qui existait de 2004 à 2009 au profit du Fcaata sur les entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous avons discuté au moment de l'examen du PLFSS de la nécessité pour l'Etat de financer le Fiva, d'une part en raison de sa double responsabilité dans l'affaire de l'amiante mais surtout parce qu'il a un besoin important de financement. Le règlement des dossiers d'indemnisation s'est accéléré, ce qui est une bonne nouvelle, mais le Fiva a été obligé de puiser dans ses fonds propres en octobre pour finir l'année 2013. La dotation de la branche AT-MP au Fiva est multipliée par trois en 2014 et nous sommes d'accord qu'il n'est pas possible que la dotation de l'Etat soit nulle.

Les crédits que nous affectons au Fiva sont néanmoins déduits du programme 204 et pour cette raison nous ne sommes pas favorables à l'amendement qui propose de rétablir la dotation à hauteur de 50 millions d'euros. Nous voterons pour notre part l'amendement n° 2 qui rétablit une dotation à hauteur de 30 millions d'euros.

Mme Catherine Deroche. - Il était effectivement impossible de présenter un amendement de réduction de la dotation de la branche AT-MP au Fiva lors de l'examen du PLFSS en raison des besoins important du fonds. Sur la nécessité de rétablir une dotation de l'Etat au Fiva et sur le choix d'un montant de 30 millions d'euros, je rejoins l'analyse de Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. - S'agissant de l'amendement n° 3, destiné à créer une nouvelle recette, nous n'y sommes pas favorables. En effet, le système mis en place de 2004 à 2009 était particulièrement complexe au point qu'en 2009, les rendements étaient devenus faibles et le coût de recouvrement très important. Je ne pense pas que ce dispositif puisse apporter des ressources à la hauteur de ce qui est espéré. Par ailleurs, il crée un problème pour la reprise des entreprises alors que les repreneurs ou nouveaux actionnaires ne sont pas responsables de l'exposition à l'amiante.

Mme Catherine Deroche. - Je pense que l'amendement de recette brouille le message que nous souhaitons adresser au Gouvernement. Il faut que l'Etat assume ses responsabilités et vous nous proposez de faire payer les entreprises. Nous voterons contre ce troisième amendement.

Mme Aline Archimbaud. - Notre groupe votera l'amendement n° 2 qui fixe la dotation de l'Etat au Fiva à 30 millions d'euros afin de marquer qu'il doit assumer sa responsabilité de manière continue.

Mme Isabelle Pasquet. - Il ne paraît pas anormal au groupe CRC de rétablir la dotation de l'Etat au Fiva à son niveau de 2012, soit 50 millions d'euros. Par ailleurs, nous estimons que tout financement supplémentaire est intéressant et marque vis-à-vis du Gouvernement notre volonté de prendre en compte la situation économique actuelle.

M. Gérard Roche. - Le groupe UDI-UC est défavorable à l'amendement n° 3 et favorable à l'amendement n° 2 fixant la dotation au Fiva à 30 millions d'euros.

Mme Annie David, présidente. - J'ai une mémoire précise de la suppression en 2009 de la contribution des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante. Certes, le dispositif était complexe mais l'opposition de l'époque avait contesté la suppression. Les rendements étaient modestes mais la volonté politique de recouvrer les sommes dues manquait peut-être. Par ailleurs, s'agissant de la reprise des entreprises, il ne faut pas qu'elle serve de prétexte pour contourner les obligations légales. Une solution possible est de déduire les montants dus au titre de l'exposition à l'amiante du prix de la vente. Cela ne pénalisera pas les repreneurs.

La commission adopte l'amendement n° 2.

M. Alain Milon. - S'agissant de l'avis de la commission sur les crédits de la mission, nous suivrons l'avis de rejet du rapporteur mais nous ne partageons pas ses orientations qui tendent vers une socialisation de la médecine qui nous paraît inadaptée aux réalités de terrain.

M. Gérard Roche. - Incontestablement, des économies sont nécessaires et il y a des points positifs dans ce budget mais il n'aborde pas des questions qui sont pour nous essentielles comme le parcours de soins. Nous voterons donc contre les crédits sans toutefois partager l'analyse du rapporteur.

M. Jacky Le Menn. - Pour notre part, nous voterons contre l'avis du rapporteur car nous sommes favorables à l'adoption des crédits de cette mission.

M. Gilbert Barbier. - Je ne prendrai pas part au vote.

Mme Aline Archimbaud. - Nous voterons contre l'avis du rapporteur car nous estimons qu'un débat démocratique est nécessaire sur ces questions importantes et je regrette qu'à nouveau il semble ne pas pouvoir avoir lieu.

Mme Annie David, présidente. - Je vous rappelle, mes chers collègues, que le vote que nous émettons ici n'empêche aucunement d'avoir le débat en séance publique.

La commission adopte un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ».

Loi de finances pour 2014 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Examen du rapport pour avis

Mme Annie David, présidente. - La commission procède à l'examen du rapport pour avis d'Aline Archimbaud sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances (PLF) pour 2014.

Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis. - La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » constitue l'un des principaux piliers budgétaires de la politique sociale mise en oeuvre par l'Etat. Composée de cinq programmes au poids budgétaire très inégal, elle traite aussi bien de la politique du handicap, de la lutte contre la pauvreté que de l'égalité entre les femmes et les hommes ou du fonctionnement des administrations sociales. Elle ne couvre cependant pas l'ensemble de l'action de l'Etat dans le champ social puisque d'autres missions - je pense en particulier à la mission « Travail et emploi » et à la mission « Egalité des territoires, logement et ville » - concourent également à la politique nationale en faveur de l'inclusion sociale.

Cette mission occupe la septième place des missions les mieux dotées du projet de loi de finances pour 2014 ; ses crédits s'élèvent à 13,8 milliards d'euros, soit une hausse de 3,2 % par rapport à 2013. Presque tous les programmes bénéficient d'une augmentation sensible, voire très importante, des moyens alloués. Le programme de lutte contre la pauvreté est celui qui connaît la progression de crédits la plus forte en raison d'une participation accrue de l'Etat au financement du revenu de solidarité active (RSA). Le programme consacré au handicap enregistre également une hausse de sa dotation, de même que celui relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes. Seul le programme dédié au financement des administrations sociales voit ses crédits diminuer.

Compte tenu du contexte économique et budgétaire très contraint, cet effort confirme la volonté du Gouvernement de préserver le financement des politiques de solidarité au profit de nos concitoyennes et concitoyens les plus vulnérables.

J'ai souhaité, cette année, m'intéresser plus particulièrement à la politique du handicap, dont une partie des crédits est retracée dans le programme « Handicap et dépendance », qui concentre à lui seul plus de 80 % du budget de la mission. Dès le début du quinquennat, le Gouvernement s'est résolument engagé pour une politique du handicap volontariste comme en témoigne la décision d'inclure dans tous les projets de loi un volet handicap. Cette impulsion politique forte s'est manifestée plus récemment à l'occasion du Comité interministériel du handicap (CIH) du 25 septembre dernier, qui a donné lieu à un relevé de décisions particulièrement riche, dont la ministre chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, Marie-Arlette Carlotti, est venue nous présenter les grandes lignes.

Je me limiterai simplement à les énumérer : la jeunesse avec la CD-isation des auxiliaires de vie scolaire (AVS) et la création d'un diplôme d'Etat d'accompagnant ; l'emploi avec l'accent porté sur la formation professionnelle et la qualification des personnes handicapées ; l'accessibilité avec la concertation en cours sous l'égide de notre collègue Claire-Lise Campion pour préparer l'après-2015 ; l'accompagnement médico-social avec la prise en charge intégrale des frais de transport vers les centres d'action médico-sociale précoce (CAMPS) et les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ; enfin, la gouvernance avec la mise en place d'un réseau de référents handicap dans les administrations et la mobilisation des agences régionales de santé (ARS).

Un premier bilan de cette feuille de route sera présenté à l'occasion de la Conférence nationale du handicap qui se tiendra l'année prochaine. Pour des raisons évidentes de calendrier, les décisions prises lors du CIH n'ont pu trouver leur traduction budgétaire dans le présent projet de loi de finances. Il nous faudra donc être attentifs à ce qu'elles le soient l'année prochaine. Les associations représentant les personnes handicapées et leurs familles que j'ai auditionnées ont unanimement salué la tenue de ce comité - qui ne s'était jamais réuni depuis sa création en 2009 ! - et la volonté du Gouvernement de faire avancer l'inclusion des personnes handicapées. Toutes attendent désormais la réalisation concrète des engagements pris.

J'en viens à présent au programme « Handicap et dépendance » à proprement parler. Celui-ci est doté de 11,4 milliards d'euros pour 2014, soit une augmentation de 2,4 % par rapport à cette année. Ces moyens significatifs sont majoritairement destinés à financer l'allocation aux adultes handicapés (AAH), qui a pour objet de garantir aux personnes handicapées un minimum de ressources d'existence. Pour l'exercice 2014, les crédits demandés à ce titre s'élèvent à 8,4 milliards d'euros, soit une hausse de 3 % par rapport aux crédits ouverts en 2013, sous le double effet de l'accroissement du nombre de bénéficiaires, qui a désormais passé le million, et de la revalorisation annuelle de l'AAH au 1er septembre.

Malgré cet effort financier, je regrette que, cette année encore, le Gouvernement n'ait pas réexaminé le contenu de la réforme de l'AAH mise en oeuvre par la précédente majorité au cours de l'année 2011, qui a eu pour conséquence d'exclure du bénéfice de cette prestation d'anciens titulaires et de complexifier un peu plus le travail des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). La question des conditions d'attribution de l'AAH soulève celle, plus large, du niveau de ressources des personnes handicapées, que j'ai d'ailleurs évoquée dans le rapport que j'ai remis au Premier ministre sur l'accès aux soins. Les personnes handicapées font en effet partie des publics les plus exposés au risque de pauvreté : 2 millions des plus démunies d'entre elles vivraient aujourd'hui dans la précarité. Cette situation est liée aux difficultés d'accès à l'emploi, aux dépenses incompressibles résultant du handicap, à la compensation partielle de ces dépenses par les dispositifs publics.

Or ce sujet n'a pas été directement abordé lors de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale de l'année dernière, ni inscrit au programme du CIH. A l'issue de ce comité, le Premier ministre a toutefois chargé François Chérèque d'animer, dans le cadre de sa mission de suivi du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale - sur lequel je reviendrai -, un groupe de travail visant à « évaluer les difficultés financières des personnes handicapées en situation de précarité et d'identifier les freins spécifiques dans l'accès aux droits sociaux ». Il me semble indispensable que des propositions concrètes soient formulées à l'occasion de la prochaine Conférence nationale du handicap afin que nous avancions enfin sur ce dossier.

Le programme comporte également une dotation de 1,4 milliard d'euros pour le fonctionnement des 119 211 places autorisées en établissements et services d'aide par le travail (Esat), montant stable par rapport à celui prévu pour 2013. Compte tenu des contraintes budgétaires actuelles, le Gouvernement a décidé de prolonger, en 2014, le moratoire sur la création de places en Esat, commencé l'année dernière afin de porter dorénavant l'effort financier sur la modernisation du secteur. Les Esat figurent en effet parmi les structures les plus anciennes du secteur médico-social et connaissent des besoins importants en termes de mise aux normes. Le programme prévoit d'ailleurs une enveloppe de 3,5 millions d'euros destinée aux opérations d'investissement des Esat, soit un million de plus qu'en 2013. Il s'agit, certes, d'une avancée, mais lorsqu'on sait que le pays compte 1 400 Esat et que le coût d'une mise aux normes avoisine les 30 000 euros par place, ce montant s'apparente malheureusement à une goutte d'eau.

Au-delà de l'insuffisance manifeste de ce plan d'investissement, j'estime que le moratoire sur la création de places ne saurait se prolonger trop longtemps sous peine d'une part, de placer certaines associations gestionnaires d'Esat devant de sérieuses difficultés d'organisation et de développement, d'autre part, d'accroître fortement le nombre de demandes de places non satisfaites.

Enfin, le programme retrace la contribution de l'Etat au financement des MDPH, laquelle s'élève à 64,4 millions d'euros pour 2014, soit une augmentation de 2,5 % par rapport à 2013. Après le débat que je qualifierais de mort-né sur le changement de statut de ces maisons, il est temps de s'attaquer aux vraies priorités que sont la réduction des disparités territoriales, l'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers, le financement des fonds départementaux de compensation du handicap.

Deuxième programme en termes budgétaires, celui relatif à la lutte contre la pauvreté regroupe les crédits destinés au financement de la partie « activité » du RSA et de divers dispositifs concourant à cet objectif. Sa dotation pour 2014 s'élève à 575 millions d'euros contre 404 millions l'année dernière, soit une hausse de 42 %. Avant d'en expliquer les causes, je souhaiterais rappeler qu'un constat sévère sur la pauvreté en France a été dressé à l'occasion du Comité interministériel de lutte contre les exclusions de janvier dernier. La part des personnes en situation de pauvreté a en effet progressé de 1,2 point entre 2002 et 2010, pour s'établir à 14,1 %. Face à ce triste record, le Gouvernement a décidé de structurer son action sous la forme d'un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, issu d'une concertation approfondie avec l'ensemble des acteurs des politiques de solidarité et reposant sur une approche transversale. Parmi ses mesures phares figurent l'instauration d'une « garantie » jeunes pour les 18-25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en formation, et en situation de grande précarité, ainsi que la revalorisation pluriannuelle du RSA socle en sus de l'inflation sur une période de dix ans.

Pour ce qui est du RSA activité, qui concentre plus de 90 % des crédits du programme, la subvention d'équilibre de l'Etat au fonds national des solidarités actives (FNSA) s'établit à 544 millions d'euros pour 2014, en augmentation de 46 % par rapport à 2013. Cette forte augmentation de la subvention de l'Etat n'est toutefois que « mécanique » puisqu'elle résulte d'une part, de la baisse attendue des recettes fiscales du FNSA (passage de 1,45 % à 1,37 % du taux de la contribution sociale sur les revenus de placement et de patrimoine), d'autre part, de l'effet de la revalorisation du RSA socle sur le coût du RSA activité. Cet effort financier ne doit pas non plus nous faire oublier qu'une refonte du dispositif du RSA activité est indispensable compte tenu du taux de non-recours très important à cette prestation (près de 70 %), sujet sur lequel j'avais beaucoup insisté l'année dernière. Chargé par le Premier ministre d'une mission sur ce sujet, notre collègue député Christophe Sirugue, dont le rapport a été rendu public en juillet dernier, recommande de remplacer le RSA activité et la prime pour l'emploi par une nouvelle prestation : la prime d'activité. Le Gouvernement n'a, pour le moment, pas indiqué les suites qu'il souhaitait donner à cette proposition. J'estime, pour ma part, qu'il est temps d'ouvrir ce chantier, de même que celui du RSA jeunes qui, on le sait, est un échec.

Le programme « Lutte contre la pauvreté » comprend également les crédits concourant au développement et à la promotion de l'économie sociale et solidaire, dont nous avons récemment débattu. Les crédits alloués pour 2014, d'un montant de 5 millions d'euros, sont destinés à soutenir les acteurs de terrain (coopératives, régies de quartiers, associations intermédiaires, etc.) qui, je le constate dans mon département, font un travail remarquable d'initiative économique et d'insertion sociale et professionnelle.

Enfin, le programme accueille, depuis l'année dernière, les crédits dédiés à la politique de soutien à l'aide alimentaire. La dotation pour l'année prochaine, qui s'élève à un peu plus de 23 millions d'euros, doit permettre l'achat de denrées alimentaires et participer au financement des associations intervenant dans ce domaine. A cet égard, je rappelle que l'aide alimentaire, en France, permet chaque année la fourniture de 800 millions de repas à environ 3 millions de personnes. Dans le contexte d'augmentation de la pauvreté, la précarité alimentaire constitue un enjeu de plus en plus prégnant au même titre que l'accès au logement et à l'emploi.

Je ne peux terminer cette présentation sans évoquer trois autres programmes qui, en 2014, verront leurs crédits augmenter. Le programme « Actions en faveur des familles vulnérables » poursuit simultanément trois objectifs : la protection juridique des majeurs, le soutien à l'exercice des fonctions familiales et parentales, le financement de groupements d'intérêt public dans les domaines de l'adoption internationale et de la protection de l'enfance. Doté pour 2014 de 248 millions d'euros, ce programme bénéficie d'une augmentation de crédits de 1,2 % par rapport à 2013, preuve de l'attention portée par le Gouvernement à la politique de soutien envers les familles les plus en difficulté.

Je constate cependant que, cette année encore, aucune subvention de l'Etat au fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNPE) n'est budgétée au sein de ce programme, alors que l'aide sociale à l'enfance représente une charge croissante pour les départements. Nos collègues Muguette Dini et Michelle Meunier auront sans doute l'occasion de se pencher davantage sur cette question dans le cadre de la mission qui va leur être confiée sur la protection de l'enfance.

Plus petit programme de la mission, celui consacré à l'« Egalité entre les femmes et les hommes » enregistre, pour la deuxième année consécutive, une hausse de ses crédits, ceux-ci passant de 23,5 millions en 2013 à 24,3 millions en 2014 (+ 3,4 %). Cet effort financier s'inscrit dans la continuité de la dynamique engagée par la ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, et dont le projet de loi-cadre pour l'égalité entre les femmes et les hommes, actuellement en cours de navette parlementaire, est la traduction. Cette année, le programme contient une nouvelle action intitulée « Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains », l'objectif étant d'améliorer la lisibilité de cette politique et de mieux répondre aux besoins spécifiques des personnes prostituées. Lors de la présentation de leur rapport sur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées, nos collègues Jean-Pierre Godefroy et Chantal Jouanno avaient insisté sur la nécessité d'améliorer le pilotage des moyens dédiés à l'accompagnement sanitaire et social de ce public ; la création de cette action devrait répondre à leurs attentes. Les crédits qui lui sont alloués, d'un montant de 2,4 millions d'euros, permettront de financer les associations têtes de réseau et des actions de prévention sur le terrain.

Enfin, le programme « Conduite et soutien », qui porte l'ensemble des moyens de fonctionnement des administrations sociales, voit ses crédits diminuer de 1,6 % conformément à l'objectif général de baisse des dépenses de fonctionnement courant.

Au final, les crédits 2014 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » traduisent la volonté du Gouvernement de conduire une politique de solidarité et de justice sociale, tout en poursuivant l'objectif de redressement des comptes publics. Je vous propose donc, madame la Présidente, mes chers collègues, de donner un avis favorable à leur adoption, de même qu'aux deux articles rattachés : l'article 75, qui aurait dû relever de la mission « Egalité des territoires, logement et ville » et qui réforme l'aide versée par l'Etat aux gestionnaires d'aires d'accueil des gens du voyage ; l'article 76 qui reconduit, pour l'année 2014, le financement du RSA jeunes dans toutes ses composantes (socle et activité) par le FNSA.

M. Georges Labazée. - Je souhaite qu'en séance publique, nous puissions débattre du RSA, plus spécifiquement de la répartition de son financement entre l'Etat et les départements. La revalorisation du RSA socle sur dix ans, décidée par le Gouvernement, concerne directement les conseils généraux.

Mme Catherine Génisson. - Je remercie la rapporteure pour la grande qualité de son rapport, reflet de la profonde humanité qui l'anime.

S'agissant des Esat, je comprends la contrainte budgétaire actuelle et la priorité accordée à la modernisation de ces structures. Cependant, il faut garder à l'esprit qu'il existe de grandes inégalités territoriales dans la répartition des places en Esat. Ainsi, dans la région Nord-Pas-de-Calais, le délai moyen d'attente pour obtenir une place est de six voire sept ans !

Sur le RSA activité, je partage les remarques de la rapporteure. Une réforme est indispensable, de même que pour le RSA jeunes. Les recommandations formulées par notre collègue député Christophe Sirugue sont une base de travail intéressante.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Je partage le constat dressé par la rapporteure et ses conclusions. La progression de la pauvreté en France est très inquiétante car elle porte atteinte à l'équilibre de notre société. Certaines familles vivent dans une situation de précarité extrême.

Je remarque que certaines personnes associent RSA et assistanat. Au regard du taux de pauvreté, cette idée est à relativiser. Je rappellerai, en outre, que la création du RSA activité répondait à deux objectifs qu'il ne faut pas oublier : permettre aux personnes qui retrouvent un emploi de bénéficier d'un complément de revenu et lutter contre le phénomène dit des « travailleurs pauvres ».

La proposition de Christophe Sirugue consiste à créer une prime d'activité individualisée, issue de la fusion du RSA activité et de la PPE et ouverte à tous les travailleurs à partir de l'âge de 18 ans - ce qui solutionnerait le problème du RSA jeunes - dont les revenus sont compris entre 0 et 1,2 Smic. Son montant serait maximal pour une personne gagnant 0,7 Smic. Le Gouvernement a fait valoir que le RSA activité et la PPE - qui, je le rappelle, coûtent chaque année 4 milliards d'euros à l'Etat - sont des prestations présentant toutes deux à la fois des avantages et des inconvénients. Il n'a, pour le moment, pas indiqué les suites qu'il comptait donner à cette recommandation. En tout état de cause, le sujet de la réforme du RSA activité demeure d'actualité.

M. René-Paul Savary. - La pauvreté s'accentue en France, alors que depuis deux ans maintenant, le Gouvernement ne cesse de prendre des mesures dites de justice sociale. Ce constat interpelle ! Il faut en tirer les conclusions qui s'imposent...

Dans mon département, la Marne, le nombre de bénéficiaires du RSA socle augmente de 15 % d'année en année. L'installation d'une partie de nos concitoyens dans la précarité est réelle. Les mesures qui sont prises par l'exécutif ne sont pas suffisamment incitatives. Une remise à plat du dispositif du RSA activité est indispensable ; il faudra prendre en compte non seulement la PPE, mais aussi l'AAH.

Concernant le handicap, j'insisterai sur le fait que le troisième volet du projet de loi décentralisation prévoit le transfert des Esat aux départements, qui vont dès lors devoir financer les nouvelles places que l'Etat n'aura pas créées en son temps ! S'agissant des MDPH, l'hypothèse de leur intégration dans de futures maisons de l'autonomie est parfois avancée, les associations commencent d'ailleurs à accepter cette idée. C'est une piste sur laquelle il faut travailler car elle permettrait de rationaliser les coûts de fonctionnement.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Je me félicite de la création d'une nouvelle action sur la prévention et la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains. Dans notre rapport d'information sur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées, Chantal Jouanno et moi-même avions demandé une meilleure lisibilité des moyens consacrés à cette politique. En outre, les crédits qui y sont dédiés sont en augmentation, c'est une bonne chose. Je regrette toutefois que dans le bleu budgétaire, le Gouvernement semble cibler l'attribution de cette dotation sur certaines associations d'ampleur nationale comme le Mouvement du nid ou l'Amicale du nid. J'estime que toutes les associations, qui agissent sur le terrain auprès des personnes prostituées, doivent pouvoir bénéficier de ces crédits.

M. Jean-Claude Leroy. - Je souhaiterais évoquer une initiative qui me paraît intéressante concernant le fonctionnement des MDPH. Dans mon département, le Pas-de-Calais, la MDPH a mis en place une procédure de conciliation afin de limiter les procédures contentieuses. Les résultats sont là comme le prouve la diminution de 23 % du taux des recours contentieux, ces derniers ne représentant plus que 0,6 % des décisions prises par la MDPH.

Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis. - Qui sont les conciliateurs ?

M. Jean-Claude Leroy. - Ce sont des personnalités extérieures, des médecins par exemple. La conciliation s'avère bien plus efficace que le recours contentieux ; c'est une piste qui mérite d'être d'exploitée.

Mme Isabelle Pasquet. - Je crois que l'on peut être satisfait de la politique menée actuellement en matière de handicap. Il y a un réel changement de logique par rapport à celle mise en oeuvre par la précédente majorité, qui reposait uniquement sur des mesures d'affichage sans réels moyens financiers. Les perspectives tracées par le CIH sont intéressantes. Toutefois, la question des ressources des personnes handicapées est toujours en suspens ; nous sommes encore loin du niveau de compensation demandé par les associations.

S'agissant du fonctionnement des MDPH, des changements ont lieu avec la loi dite « Paul Blanc ». Faut-il aller plus loin ? Pour ma part, je crains qu'une éventuelle intégration des MDPH aux départements, qui seraient dès lors décideurs et payeurs, ne se traduise par de nouvelles inégalités de traitement selon les territoires. Je partage également la crainte de René-Paul Savary au sujet du transfert des Esat aux départements, lesquels vont devoir financer la création de places.

Je suis d'accord avec la nécessité de revoir le dispositif du RSA activité. Le Comité interministériel de lutte contre les exclusions de janvier dernier a eu le mérite d'insister sur l'inquiétante progression de la pauvreté dans notre pays et de mettre ce sujet sur la table. Il faut à présent passer aux actes.

Par ailleurs, je regrette qu'une nouvelle fois, le FNPE ne soit pas abondé. La mission de Muguette Dini et de Michelle Meunier sur la protection de l'enfance devrait permettre d'apporter des solutions.

Enfin, l'augmentation des crédits du programme consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes va dans le bon sens car l'on ne peut se satisfaire de la situation actuelle.

M. René-Paul Savary. - Je précise que le traitement des recours contentieux fait partie des missions des MDPH. Le véritable problème réside dans le manque de moyens de fonctionnement auquel sont confrontées ces structures. Il est complètement illogique de vouloir que leur principal financeur soit le département ! Il faut travailler sur une rationalisation des coûts.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Je rappellerai à mon collègue que la dotation de l'Etat au fonctionnement des MDPH augmente l'année prochaine de 2,5 % pour atteindre un peu plus de 64 millions d'euros, arbitrage financier auquel je ne suis pas étranger.

Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis. - Je remercie mes collègues pour leur contribution au débat. Cela fait plusieurs années que l'on parle d'une réforme du RSA activité et que l'on sait que le RSA jeunes est un échec. J'ai rencontré Christophe Sirugue ; sa proposition est intéressante car elle concernerait les jeunes et serait individualisée.

Comme l'a dit Catherine Génisson, de grandes inégalités territoriales existent s'agissant des places en Esat. Les associations gestionnaires que j'ai auditionnées ont insisté sur ce point. Je rappelle que lors de la Conférence nationale du handicap de 2008, il avait été annoncé par le précédent Gouvernement un plan de création de 10 000 places en cinq ans ; à ce jour, 6 400 ont vu le jour. Le moratoire porte donc sur les 3 600 places restantes.

Dans ma présentation, je n'ai pas abordé la question de l'aide aux postes dans les entreprises adaptées car cette question relève de la mission « Travail et emploi ». Vous trouverez cependant un développement sur ce sujet dans mon rapport écrit car l'accès à l'emploi des personnes handicapées est fondamental.

Je partage pleinement les propos d'Yves Daudigny sur l'inquiétante progression de la pauvreté en France. Je rappellerai que 2 millions de personnes vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté, étant considéré que ce dernier équivaut à 40 % du niveau de vie médian.

En revanche, je conteste l'analyse, développée par René-Paul Savary, selon laquelle plus on prend de mesures sociales, plus la précarité augmente. La véritable explication à l'augmentation de la pauvreté est à trouver dans la crise que traverse notre pays. Je considère que les mesures de solidarité ne sont pas des dépenses, mais des investissements. Par exemple, dans le champ sanitaire, les dépenses de couverture maladie universelle (CMU) ou d'aide médicale de l'Etat (AME) sont des investissements car, in fine, mieux les personnes sont prises en charge médicalement, moins le système de santé aura à débourser pour les soigner.

Parmi les bénéficiaires de l'AAH, certains vivent dans une grande précarité. Dans le rapport que j'ai remis au Premier ministre sur l'accès aux soins des plus démunis, je relève d'ailleurs le paradoxe selon lequel les personnes basculant dans le dispositif de l'AAH - dont l'état de santé s'est donc dégradé - perdent tous les avantages associés à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c).

Je suis d'accord avec Jean-Pierre Godefroy pour dire que les crédits de l'action 15 ne doivent pas seulement abonder les associations nationales têtes de réseau. Il faut aussi soutenir les associations locales, qui font souvent un travail remarquable.

Je trouve l'initiative prise par la MDPH du Pas-de-Calais en matière de conciliation particulièrement intéressante. Lorsqu'on connaît le taux d'engorgement des MDPH, on ne peut que souhaiter le développement d'une telle pratique.

Enfin, je regrette comme Isabelle Pasquet l'absence d'abondement du FNPE ; il s'agit d'un problème récurrent auquel aucune solution n'est apportée pour le moment.

Suivant la proposition de la rapporteure, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ainsi qu'aux articles 75 et 76 rattachés.

Loi de finances pour 2014 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une deuxième réunion tenue dans l'après-midi, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de Mme Karine Claireaux sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission « Outre-mer »).

Mme Karine Claireaux, rapporteure pour avis. - Je voudrais débuter mon propos par une courte présentation de mon archipel, directement concerné par la mission. L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon est, comme vous le savez, pour le moins atypique en outre-mer en raison à la fois de sa petitesse (242 km2) et de sa faible population (6 500 habitants). Isolée dans son contexte géographique, c'est la seule collectivité ultramarine d'Amérique du Nord. Elle a le statut de pays et territoire d'outre-mer (PTOM) et bénéficie à ce titre des dotations du Fonds européen de développement (FED).

Sa situation économique est structurellement fragile. Depuis la crise de la pêche en 1992, aucune autre activité marchande n'a véritablement émergé et le secteur tertiaire, notamment la fonction publique, représente aujourd'hui plus de 80 % des emplois.

Alors que l'économie de l'archipel est exsangue, la collectivité territoriale n'exploite pas les opportunités que lui donne pourtant son statut afin d'offrir aux entreprises locales ou étrangères les meilleures conditions pour entreprendre et investir. Elle détient pourtant les clés du développement économique grâce à la maîtrise de sa fiscalité et aux nombreuses prérogatives dont elle dispose. Elle s'est dotée en 2011 d'un schéma de développement stratégique qu'elle peine à mettre en oeuvre.

Dans ce contexte, et dans l'attente des résultats des négociations sur l'extension du plateau continental ou encore sur les autorisations de forage dans la zone économique exclusive, potentiellement créatrices d'emploi, l'archipel est fortement dépendant de la commande publique et des politiques mises en oeuvre par l'Etat.

J'en viens maintenant au sujet qui nous intéresse aujourd'hui. Il me faut malheureusement commencer par rappeler le contexte difficile à la lumière duquel il est, hélas, devenu une habitude d'examiner chaque année les crédits de la mission « Outre-mer ». Si les mouvements sociaux qui ont agité les territoires ultramarins depuis 2009 se sont quelque peu apaisés, force est de constater que les outre-mer sont toujours confrontés à des difficultés économiques et sociales importantes et que la question de la « vie chère » demeure prégnante. Plus largement, et dans tous les domaines, la question de l'égalité entre les territoires ultramarins et l'hexagone reste centrale.

Bien que les exemples soient malheureusement nombreux, je ne rappellerai que quelques chiffres éclairants à cet égard : l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a établi en 2010 que le revenu médian des ménages dans les départements d'outre-mer était inférieur de 38 % à celui des ménages de l'hexagone ; les outre-mer sont frappés par un chômage massif, qui représente plus du double du taux constaté dans l'hexagone.

L'effort financier de l'Etat en direction des territoires ultramarins pour 2014 me semble prendre en compte cette situation. Dans le contexte contraint des finances publiques, les outre-mer bénéficient en effet d'une préservation des crédits qui leur sont consacrés. Cette orientation s'inscrit dans la continuité du mouvement engagé l'année dernière, qui avait vu un renforcement sensible des crédits inscrits en loi de finances.

Le budget de la mission « Outre-mer » s'élèvera ainsi l'année prochaine à 2,06 milliards d'euros, soit une progression de 1,1 % par rapport aux montants inscrits dans la loi de finances initiale pour 2013. Compte tenu de l'inflation, il s'agit là d'une stabilisation des crédits de la mission.

Je constate également avec satisfaction la stabilisation de l'effort budgétaire global de l'Etat en direction des territoires ultramarins. Les crédits retracés dans la mission « Outre-mer » ne représentent en effet qu'une partie des politiques publiques conduites par l'Etat dans les outre-mer, qui bénéficient par ailleurs de crédits transversaux portés par 89 programmes relevant de 27 missions. Selon le document de politique transversale, l'effort budgétaire global de l'Etat est fixé pour 2014 à 14,2 milliards d'euros.

Je regrette cependant que règne une certaine confusion autour des dispositifs budgétaires dont bénéficie l'outre-mer, qui me paraît rendre leur évaluation malaisée. Ce même document indique en effet que, si l'on prend en compte à la fois les crédits retracés par la mission, les crédits transversaux et les dépenses fiscales spécifiques aux territoires ultramarins, l'effort total de l'Etat en outre-mer atteindra 18,2 milliards d'euros en 2014 : c'est près de neuf fois les montants sur lesquels nous nous prononçons aujourd'hui !

La mission « Outre-mer » n'échappe pas pour autant à l'effort national de redressement des finances publiques. Le budget qui nous est proposé pour 2014 constitue à plusieurs titres un budget exigeant. Un effort de maîtrise des dépenses courantes sera entrepris : il portera notamment sur les dépenses de fonctionnement du service militaire adapté et la subvention pour charges de service public versée à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom). Certains dispositifs d'intervention feront l'objet de mesures d'efficience. Je relève par ailleurs que la programmation triennale pour la période 2013-2015 est respectée et je m'en félicite.

Cette présentation des crédits dévolus à l'outre-mer pour 2014 ne serait pas complète sans quelques précisions sur les dispositifs de défiscalisation spécifiques aux outre-mer, sujet sensible s'il en est. La dépense fiscale constitue en effet, par son montant, le premier outil de la politique menée par l'Etat en faveur des territoires ultramarins : pour 2014, elle s'élèvera à près de 4 milliards d'euros, soit le double des crédits de la mission « Outre-mer ». Ces dispositifs font l'objet d'une réforme dans le cadre de l'article 13 du projet de loi de finances. Celui-ci institue deux crédits d'impôts respectivement destinés aux investissements productifs et au logement social et visant à améliorer les mécanismes actuels, auxquels ils se substituent en partie.

Si l'importance de la dépense fiscale en outre-mer est souvent décriée, il faut garder en tête que le développement de ces territoires en est aujourd'hui très dépendant. C'est là l'héritage de nombreuses années au cours desquelles elle a été préférée à la dépense budgétaire. Il s'agit en outre d'un outil particulièrement efficace, ainsi que l'ont constaté nos collègues Eric Doligé et Serge Larcher dans leur rapport d'information consacré à l'impact économique des dispositifs de défiscalisation spécifiques aux outre-mer. Pour ces raisons, il me semble indispensable de maintenir ces dispositifs de défiscalisation. Ce constat n'interdit pas, bien sûr, que soit engagée une réflexion sur la manière de parvenir à une meilleure efficacité de ces dépenses. A ce titre, plusieurs travaux récents, dont le rapport du groupe de travail sénatorial sur la défiscalisation que je viens de citer, ont proposé des pistes intéressantes.

Permettez-moi à présent de vous présenter quelques observations plus précises sur les principales actions portées par la mission.

Le dispositif d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dont bénéficient les entreprises de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion ainsi que de Saint-Martin et Saint-Barthelémy représente plus de la moitié des crédits ouverts au titre de la mission. L'article 70 du projet de loi de finances rattaché à la présente mission prévoit que ces exonérations seront recentrées sur les bas salaires, pour lesquels une évaluation préalable a montré qu'elles étaient les plus efficaces. Elles seront ainsi diminuées pour les salaires supérieurs à 1,4 fois le Smic. Selon l'étude d'impact, cette mesure devrait générer une économie de 90 millions d'euros en 2014 et de 108 millions chaque année à compter de 2015. Elle permettra de mettre en place des aides plus directes et plus ciblées en faveur des entreprises. Cette mesure sera compensée, pour les salaires n'excédant pas 2,5 fois le Smic, par la montée en charge du crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice), qui bénéficiera à l'outre-mer à hauteur de 320 millions d'euros. La combinaison de ces deux mesures permettra au total une diminution du coût du travail pour 80 % des salariés concernés par ce dispositif, tout en augmentant l'efficience du dispositif d'exonération de cotisations patronales.

L'action retraçant les dépenses en matière d'aide à l'insertion et à la qualification professionnelle voit ses crédits de paiement augmentés de près de 5 %. Cette progression s'explique notamment par la montée en puissance du service militaire adapté (SMA). Le SMA est un organisme de formation offrant à une partie des jeunes ultramarins âgés de 18 ans à 26 ans, le plus souvent en situation d'échec scolaire ou en grande difficulté, la possibilité de bénéficier d'une formation citoyenne et comportementale et de renforcer leur employabilité dans le cadre d'un programme effectué sous le statut de volontaire dans les armées. Il constitue un important vecteur de réinsertion pour des jeunes particulièrement éloignés du marché du travail.

Le programme « SMA 6000 » vise à porter à 6 000 le nombre de jeunes accueillis chaque année à l'horizon 2016. Il était initialement prévu que cette augmentation des effectifs du SMA soit atteinte en 2013, ce qui n'a pas été possible pour diverses raisons liées notamment aux questions d'infrastructures. Avec 5 300 jeunes pris en charge en 2013, le mouvement est cependant aujourd'hui largement engagé. En 2014, 5 500 places seront ainsi offertes et un effort d'investissement immobilier sera réalisé.

Avec 245 millions d'euros en crédits de paiement prévus pour 2014, les crédits dédiés au logement connaissent une importante augmentation atteignant presque 8 % par rapport à 2013. Le logement constitue ainsi une des priorités de la mission « Outre-mer » pour 2014. Cette évolution s'inscrit dans la continuité d'un mouvement entamé l'année passée, qui avait replacé la ligne budgétaire unique (LBU) au centre de la politique du logement dans les outre-mer avec une remise à niveau significative de l'ordre de 6 %.

Si je salue la progression sensible de ces crédits, force est cependant de constater qu'ils ne suffiront pas à l'évidence à couvrir les besoins, tant ceux-ci apparaissent immenses. Bien que le nombre de logements sociaux neufs financés dans les cinq départements d'outre-mer ait connu une augmentation sensible (8 196 en 2012 contre 5 930 en 2006), l'écart entre le nombre de logements existants et la demande demeure extrêmement important. En Guyane, où 80 % de la population répond aux conditions de ressources exigées, on dénombrait ainsi près de 9 000 demandes pour un parc locatif social de 12 600 logements en 2012. Selon le ministère des outre-mer, il faudrait construire plus de 20 000 logements chaque année pour répondre aux besoins de la population ! Un effort supplémentaire devra donc être engagé au cours des prochaines années ; à cet égard, je serai particulièrement attentive au suivi du plan pluriannuel pour le logement social outre-mer annoncé en septembre dernier par Victorin Lurel.

Les crédits relatifs à l'aide à la continuité territoriale sont reconduits pour l'année 2014 à hauteur de 51 millions d'euros. Cette action - qui finance notamment la desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon - retrace principalement les crédits du fonds de continuité territoriale. Celui-ci recouvre plusieurs dispositifs : l'aide à la continuité territoriale, qui permet de financer une partie des titres de transports des résidents d'outre-mer entre leur territoire d'origine et l'hexagone ; le passeport mobilité études, qui permet aux étudiants du secondaire et de l'enseignement supérieur de suivre une formation dans l'hexagone ; enfin, le passeport mobilité formation professionnelle. Ces aides sont gérées par Ladom pour les DOM, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Ces dispositifs sont tout à fait importants : ils constituent la traduction des principes d'égalité des droits, de solidarité nationale et d'unité de la République entre l'hexagone et des outre-mer caractérisés, par définition, par leur éloignement.

Au regard de ces principes, je m'interroge sur la pertinence des modalités actuelles de l'aide à la continuité territoriale. Le recours à ce dispositif a fortement augmenté depuis le début de sa mise en oeuvre : plus de 85 000 bons de continuité territoriale ont été utilisés au cours de l'année 2012, contre 61 600 environ en 2010. Le rythme de cette progression pose la question de la soutenabilité, à budget constant, d'un dispositif dont les barèmes d'accès sont fixés à un niveau très bas et qui fonctionne de fait dans les conditions d'un guichet ouvert. Je m'inquiète notamment de ce qu'une part importante de ces aides est prise en charge par certaines collectivités ultramarines : la collectivité de La Réunion participe ainsi à la prise en charge des trois aides du fonds de continuité territoriale à hauteur de 15,7 millions d'euros, soit une part légèrement supérieure à celle couverte par l'Etat.

Par ailleurs, les conditions de ressources définies pour le bénéfice de l'aide à la continuité territoriale me semblent porteuses de contradictions. Notre collègue Michel Vergoz l'avait déjà souligné, il y a deux ans : définies à un niveau très bas, ces conditions permettent l'accès de la majeure partie de la population des outre-mer aux bons de continuité territoriale ; cependant, le montant de l'aide accordée étant très loin de couvrir le prix des billets d'avion, le reste à charge important qui en résulte interdit en pratique l'accès des plus modestes à ce dispositif. Ce reste à charge est en outre plus élevé pour les résidents des territoires les plus éloignés compte tenu du prix des billets d'avion. Certaines collectivités ultramarines ont pris l'initiative d'instaurer une majoration des aides en fonction des ressources. Il me semble cependant indispensable d'aller plus loin et d'engager une réflexion sur la possibilité d'une modulation plus forte du montant des aides accordées afin de permettre un accès plus équitable à ce dispositif.

J'aimerais enfin souligner que Ladom, dont la gestion avait été mise en cause par un rapport de la Cour des comptes de 2010, a engagé d'importantes réformes de son fonctionnement interne. Elle a ainsi mis en place des procédures de commande publique et signé un contrat de performance avec l'Etat pour la période 2013-2015. Ces évolutions ne pourront que bénéficier à l'efficacité d'une politique de continuité territoriale que j'espère plus ambitieuse à l'avenir.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits, ainsi qu'à l'article 70 rattaché.

M. Michel Vergoz. - Je suis frappé par le décalage inouï que je perçois entre les discours tenus localement, dans nos outre-mer, et les positions prises à Paris. Les crédits de la mission « Outre-mer » ont été votés hier à l'unanimité en commission des finances, sans qu'aucune opposition n'ait été manifestée. Voilà qui tranche avec la virulence de propos tenus par les responsables du Medef à l'occasion d'une rencontre qui portait notamment sur la question des exonérations de charges, lors de la visite de Victorin Lurel à La Réunion en octobre dernier ! Et lorsque je regarde la Une des journaux locaux, qui évoquent par exemple le « feu qui couve » dans nos outre-mer, j'ai le sentiment d'une situation prérévolutionnaire dont je ne retrouve pas ici l'écho.

Je me félicite de l'augmentation du budget de la mission « Outre-mer », qui, après une progression de 5 % l'année dernière, connaît une nouvelle évolution de 1 % pour 2014. Alors que les deux années précédentes avaient vu une forte baisse de ce budget, je suis heureux que l'on cherche aujourd'hui à préserver les intérêts supérieurs des territoires ultramarins.

Des interrogations légitimes se sont fait jour sur la défiscalisation, dont nous avons heureusement pu sortir par le haut. Financer le logement social par la défiscalisation plutôt que par les crédits budgétaires était une tendance suicidaire, intenable sur le long terme. Fort heureusement, la ligne budgétaire unique (LBU) a été replacée au fondement de la politique du logement social : c'est un changement fondamental qu'il faut prendre le temps d'expliciter.

J'aimerais par ailleurs saluer l'action du SMA. Cette institution, dont je conçois qu'elle puisse surprendre les hexagonaux, constitue un extraordinaire outil de formation qui bénéficie à des publics en très grande difficulté.

Vous avez rappelé que le Cice bénéficiera à l'outre-mer à hauteur de 320 millions d'euros. C'est une véritable bouffée d'oxygène et une opportunité certaine pour les territoires ultramarins. On ne pourra décidément pas dire que ce gouvernement ne fait rien pour les outre-mer ! Je vous félicite donc pour votre excellent rapport, qui met bien en lumière cette inflexion.

M. Jacky Le Menn. - La question du logement est centrale et revient chaque année dans nos discussions sur l'outre-mer. Il existe une situation de pénurie particulièrement importante en Guyane. Je pense que les mesures prises cette année vont dans le bon sens.

Je salue également les mesures prises pour diminuer le coût du travail dans les outre-mer. Les taux de chômage des territoires ultramarins feraient sans aucun doute hurler s'ils étaient constatés dans l'hexagone. D'une manière générale, je pense qu'il faut avoir conscience que les règles appliquées dans l'hexagone ne sont pas toujours adaptées aux territoires ultramarins.

J'ai eu l'occasion de visiter un centre du SMA lors d'un déplacement effectué en 2011 en Martinique et en Guyane avec d'autres sénateurs de la commission. Cette visite, qui constituait une découverte pour beaucoup d'entre nous, m'a favorablement impressionné : l'encadrement n'est pas strictement militaire mais est animé par une volonté d'adaptation, et les solidarités de terrain m'ont paru très fortes.

Pour toutes ces raisons, je partage l'avis favorable de notre rapporteure sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

Mme Annie David, présidente. - J'ai moi aussi pu découvrir le SMA lors du déplacement de la commission de 2011. Celui-ci m'est apparu comme un dispositif très intéressant, bien qu'il ne soit sans doute pas envisageable de le transposer dans l'hexagone. Il s'adresse à des publics en grande difficulté, sur le fil du rasoir, que tout peut faire basculer. Je suis satisfaite de voir que cette institution doit être renforcée au cours des prochaines années.

Vous connaissez ma position sur les exonérations de charges et la diminution du coût du travail : je considère cette dernière expression comme impropre car, pour moi, le travail n'est pas un coût. Je comprends cependant que certaines cotisations sociales puissent peser plus ou moins lourdement selon les difficultés économiques rencontrées par certains territoires. La modulation des exonérations prévues selon le niveau de salaire et leur préservation pour les bas salaires me semblent aller dans le bon sens.

S'agissant de la défiscalisation, il est en effet très important de mener une réflexion sur la manière d'adapter au mieux ces mécanismes, que l'on connaît peu, à l'amélioration des conditions de vie et des conditions économiques dans l'ensemble des territoires d'outre-mer.

Je soutiens également l'avis favorable de la rapporteure.

M. René-Paul Savary. - L'éternel problème des exonérations de cotisations sociales pour les bas salaires est que cela revient à tirer les salaires vers le bas : les salaires sont maintenus en dessous du Smic afin qu'ils puissent bénéficier des exonérations prévues. C'est la raison pour laquelle nous nous étions prononcés pour une exonération plus large en contrepartie d'une augmentation de la TVA. Par ailleurs, le Cice n'est pas vraiment comparable à des exonérations de charge dont les entreprises bénéficient tout au long de l'année auprès des Urssaf.

Le SMA me semble se rapprocher des établissements publics d'insertion de la défense (EPIDe), qui offrent des formations à destination des jeunes en difficulté avec un encadrement de militaires en retraite ou réservistes. Ces formations visent à redonner en quelques mois l'habitude de choses quotidiennes aussi simples que se lever, s'habiller ou se raser.

Je me demande si l'application outre-mer du revenu de solidarité active (RSA), qui vient d'être étendu à Mayotte, a vraiment permis de lutter contre la précarité. Nous avons eu ce matin une discussion sur ce dispositif et tout le monde semble convenir que des corrections doivent lui être apportées. Pouvez-vous nous indiquer quel est le nombre de ses bénéficiaires en outre-mer ?

Mme Annie David, présidente. - S'agissant des EPIDe, c'est pour une fois l'hexagone qui s'est inspiré de l'outre-mer !

Le RSA est bien sûr applicable en outre-mer, mais il ne dépend pas de la mission « Outre-mer » sur laquelle nous nous prononçons aujourd'hui.

Mme Karine Claireaux, rapporteure pour avis. - Le dispositif proposé par l'article 70 du projet de loi de finances permet d'éviter les effets de seuil, dans la mesure où il effectue un lissage des exonérations en fonction des revenus. L'exonération est totale en-deçà de 1,4 Smic et dégressive au-delà, dans la limite de 3,8 Smic. Ces exonérations toucheront au total 93 % des salariés.

On compte environ 211 000 bénéficiaires du RSA dans les DOM.

M. Michel Vergoz. - Il n'est pas question de maintenir les salaires en dessous du Smic, puisque le dispositif d'exonération est recentré sur les salaires inférieurs à 1,4 Smic. Ce seuil est même plus élevé dans le secteur renforcé. Dans leur grande majorité, les salariés ultramarins bénéficieront de ces exonérations.

En 2013, à La Réunion, on a refusé l'inscription de jeunes au SMA en raison de leur niveau qui est apparu comme plus bas que bas. Il a été nécessaire de passer par une étape probatoire de remise à niveau pour qu'il puisse accéder à leur rêve d'intégrer le SMA. Vous imaginez donc à quel point on en est arrivé, et cela montre bien qu'il est nécessaire de faire quelque chose pour notre jeunesse exclue.

Le RSA constitue un échec patent dans l'hexagone, sans même parler des DOM. Je n'ai jamais cru à ce dispositif. La présidente du conseil général de La Réunion nous avertit depuis 2006 du risque de faillite de la collectivité en raison notamment de la charge que représente le RSA pour les finances départementales. Notre collectivité compte plus de 100 000 bénéficiaires du RSA, contre 1 million dans l'hexagone : rapporté à la taille de notre territoire, ce chiffre représente une charge très importante. Une réflexion sur ce point est donc urgente, au moins pour l'outre-mer.

Mme Annie David, présidente. - Nos débats ne font que confirmer qu'une réflexion sur le RSA est nécessaire, comme nous l'avons évoqué ce matin lors de l'examen pour avis des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Mme Karine Claireaux, rapporteure pour avis. - En conclusion, j'aimerais souligner la qualité des auditions que j'ai pu mener et saluer les précisions enrichissantes qui m'ont été apportées à la fois par la Fédération des entreprises d'outre-mer (Fedom), par la direction générale des outre-mer (Dégéom) et par Ladom.

Suivant la proposition de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » ainsi qu'à l'article 70 rattaché.

Conseil d'administration de l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) - Audition de M. Didier Houssin, candidat pressenti à la présidence

Au cours d'une troisième réunion tenue dans l'après-midi, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l'audition de M. Didier Houssin, candidat pressenti à la présidence du conseil d'administration de l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique.

Mme Annie David, présidente. - L'article L. 1451-1 du code de la santé publique prévoit l'audition préalable par les commissions concernées, avant leur nomination ou leur reconduction, des présidents ou directeurs d'une dizaine d'agence sanitaires. C'est pourquoi nous recevons ce soir M. Didier Houssin, auquel le Gouvernement souhaite confier la présidence du conseil d'administration de l'Anses.

Cette procédure, je le rappelle, est bien distincte de celle prévue par l'article 13 de la Constitution qui prévoit, pour certaines fonctions, un vote de la commission.

Au mois de juin dernier, nous avions auditionné M. Marc Mortureux, directeur général de l'Anses, préalablement au renouvellement de son mandat.

Nous avions alors pu effectuer avec lui un bilan de la mise en place de l'Anses, créée en 2010 par fusion de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset).

Nous avions évoqué les priorités de l'Agence, mais aussi plusieurs questions spécifiques telles que l'organisation de sa tutelle ou les dispositifs mis en place pour garantir l'indépendance de l'expertise et la prévention des conflits d'intérêts.

A la différence du directeur général, le président du conseil d'administration n'est pas investi de fonctions exécutives. Il supervise néanmoins le fonctionnement d'une instance de gouvernance composée de cinq collèges, qui statue sur l'organisation de l'Agence et sur ses orientations générales, notamment ses axes de travail et son contrat avec l'État.

Le premier président du conseil d'administration, notre collègue Philippe Bas, n'avait été nommé qu'au début de l'année 2011, six mois après la création officielle de l'Anses. Depuis son élection au Sénat, en octobre 2011, le poste est vacant, situation dont la Cour des comptes a relevé le caractère anormal dans un récent référé, même si en pratique un vice-président assure l'intérim depuis maintenant plus de deux ans.

Il est donc heureux qu'avec la nomination prochaine envisagée par le Gouvernement, le conseil d'administration de l'Anses puisse retrouver un fonctionnement conforme aux textes.

M. Didier Houssin est actuellement président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Aeres). Notre commission avait eu plusieurs occasions de le rencontrer en tant que directeur général de la santé, fonction qu'il a exercée durant six ans, de 2005 à 2011.

Je le remercie de m'avoir fait parvenir sa biographie, qui vous a été distribuée, ainsi que sa déclaration publique d'intérêts que je tiens à votre disposition.

Je lui propose d'évoquer dans un premier temps son parcours professionnel et la façon dont il aborde la fonction que le Gouvernement souhaite lui confier.

Il répondra ensuite à nos questions éventuelles.

M. Didier Houssin, candidat pressenti à la présidence du Conseil d'administration de l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). - Mesdames les sénatrices et Messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de vous remercier d'avoir accepté de m'auditionner en aménageant un agenda que je sais fort chargé.

Dans ce bref exposé introductif, avant de répondre à vos questions, j'évoquerai deux points : tout d'abord, des éléments vous permettant de juger de mon aptitude à devenir président du conseil d'administration de l'Anses et ce, autour de trois aspects - les métiers de l'Anses, la sécurité sanitaire et l'impartialité - et de deux principaux critères que sont la recherche et l'évaluation.

J'ai fait de la recherche, en tant que chargé de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) durant six ans, puis comme professeur d'université en chirurgie spécialisé dans le domaine de la greffe du foie, en particulier chez l'enfant. Par goût pour les sciences humaines et sociales, j'ai accepté d'en coordonner l'enseignement durant plusieurs années pour les étudiants de première année en médecine.

Ma production scientifique se compose, à ce jour, de plus de trois cents articles originaux dans des revues scientifiques entre 1974 et 1997 et de deux ouvrages : « l'aventure de la greffe », en 2001, « Maintenant ou trop tard. Essai sur le phénomène des urgences », en 2003, les deux aux éditions Denoël.

J'ai eu aussi une expérience en termes de politique de recherche : en tant que directeur de la politique médicale pilotant la délégation à la recherche clinique de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, puis comme directeur général de la santé, par la création puis l'animation du comité d'orientation de la recherche du ministère chargé de la santé.

Mon expérience dans le domaine de l'évaluation est diversifiée et concerne, d'une part, les personnels chercheurs et enseignants-chercheurs, dans le cadre d'une commission spécialisée de l'Inserm, puis du Conseil national des universités et les politiques publiques. Comme directeur général de la santé, délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire et coordonnateur interministériel du plan chlordécone, j'ai ainsi préparé de nombreuses évaluations de politiques publiques dans le champ de la santé (ex ante, formative ou ex post). Mon expérience d'évaluateur concerne enfin et surtout les programmes de formation de l'enseignement supérieur, des unités de recherche, des organismes de recherche et des établissements d'enseignement supérieur et de recherche en France dans le cadre de mes fonctions de président de l'Aeres depuis deux ans et demi.

Je veux souligner qu'en tant que directeur général de la santé, j'ai organisé des travaux en vue de valoriser l'expertise en santé publique, travaux auxquels j'ai pu donner une orientation concrète dans le cadre de l'Aeres.

J'en viens à présent à mon expérience de terrain et de pilotage interministériel dans le champ de la sécurité sanitaire

J'ai eu en effet un rôle d'acteur direct de la sécurité sanitaire en tant que chirurgien, puis chef de service en chirurgie, dans le domaine de la sécurité des patients, ensuite à un échelon de pilotage national comme directeur général de la santé. J'ai alors exercé une tutelle sur l'ensemble des agences nationales de sécurité sanitaire, dont l'Anses, et appris aussi à partager cette tutelle avec d'autres ministères, notamment concernant l'Anses ou l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (Irsn), qui ont chacun cinq tutelles.

En tant que délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire et que coordonnateur du plan chlordécone aux Antilles, j'ai pu me familiariser avec la coordination interministérielle, notamment entre les ministères chargés de l'agriculture, du travail, de l'environnement et de la consommation et de la santé qui ont la tutelle sur l'Anses.

Permettez-moi un petit mot sur l'impartialité.

La tutelle que j'ai exercée sur l'Anses en tant que directeur général de la santé est déjà ancienne : j'avais déjà quitté la direction générale de la santé lorsque le contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et l'Anses a été signé.

Je n'ai pas de lien d'intérêt avec les acteurs économiques, ni avec les parties prenantes du secteur associatif, dans les domaines de l'Anses. Je tiens à signaler toutefois qu'une de mes enfants est employée par un Think Tank, l'Institut Veolia, où elle organise des conférences internationales sur des thèmes scientifiques relevant de ce secteur et qui associent cet institut et des partenaires académiques étrangers.

J'en viens à présent à l'Anses et à son conseil d'administration.

L'Agence a su, au cours des trois dernières années, se positionner en tant qu'instance de référence tant au plan national qu'international par la qualité de son expertise mais aussi par sa capacité à intégrer les questionnements, qu'ils proviennent de la sphère scientifique ou de la société.

Cette capacité résulte des conditions mêmes de sa naissance. Avec l'Anses, le vote du Parlement a fait naître un nouveau modèle d'agence sanitaire permettant une évaluation transversale des risques.

L'Agence a engagé depuis plusieurs années déjà des efforts en matière d'organisation et d'optimisation des ressources. Néanmoins, pour préserver ses capacités à anticiper les risques émergents et à faire face à une crise sanitaire, elle doit maintenir ses capacités de surveillance et de vigilance. Elle doit également poursuivre ses efforts de recherche. Tout comme elle doit sans cesse, évaluer ou réévaluer les risques et rester active sur la scène scientifique internationale.

Le conseil d'administration de l'Agence est le premier des éléments fondant le socle de l'ouverture à la société. Il se compose des cinq collèges du Grenelle de l'environnement : représentants de l'Etat et du personnel de l'Agence, représentants d'associations agréées de protection de l'environnement, ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades, de défense des consommateurs, représentants d'associations nationales de victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, représentants d'organisations et de fédérations professionnelles, des organisations syndicales représentatives et enfin d'élus représentés par l'Autorité des marchés français (AMF) et l'Assemblée des départements de France (ADF).

Le mandat de président est un poste non exécutif, au sens que l'Agence est dirigée par son directeur général. L'activité du président n'est pas rémunérée. Il a toutefois la charge importante de coordonner et d'animer le conseil d'administration de l'Agence. J'ai pu constater que le mode de gouvernance de l'Agence est très ouvert. Le conseil d'administration est une instance vivante dont les membres sont très impliqués et attachés à garantir le maintien de standards élevés en termes d'excellence scientifique et d'indépendance. Je tiens d'ailleurs à saluer le travail des précédents présidents et en particulier de celui qui a bien voulu jouer le rôle d'intérim.

Le conseil d'administration discute et vote les orientations générales de l'Agence, et notamment sa stratégie pluriannuelle, son programme de travail annuel et son contrat de performance conclu avec l'Etat. Il délibère sur l'organisation générale de l'Agence, notamment la création de comités d'experts spécialisés, l'établissement de conventions avec des organismes extérieurs et intervient dans la fixation des règles de déontologie.

Dans un contexte de contraintes budgétaires pesant sur l'ensemble des opérateurs, le conseil d'administration sera d'autant plus vigilant que les attentes vis-à-vis de l'Anses sont de plus en plus fortes, qu'il s'agisse de celles des ministères de tutelles ou des acteurs de la société.

Pour conclure, je tiens à vous évoquer les défis auxquels sont confrontés l'Anses et son conseil d'administration.

En effet, l'Anses est confrontée à des défis importants, tant d'un point de vue scientifique que sociétal : par la diversité et la complexité des sujets dont elle a la charge, et par les attentes grandissantes de la société en termes de transparence et d'indépendance de l'expertise.

Je n'aurai pas la prétention de vous livrer une vision toute faite sur l'avenir de l'Anses, mais je voudrais, alors que ma candidature au poste de Président du conseil d'administration de l'Anses est agréée par ses cinq ministères de tutelle - santé, agriculture, environnement, travail et consommation -, évoquer les quatre défis majeurs qui m'apparaissent pour le conseil d'administration :

Le premier, assurer l'indépendance et la crédibilité des travaux de l'Agence. Si l'Anses a su devenir, en trois ans, une voix respectée et écoutée, en particulier grâce à la mise en oeuvre d'un cadre de déontologie et d'expertise particulièrement rigoureux, rien n'est jamais acquis. Les standards doivent pouvoir être questionnés et évalués, de même qu'ils doivent pouvoirs être confrontés aux meilleurs standards y compris internationaux. Le comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts qui a été mis en place dès 2010 est une instance dont les travaux, indépendants, sont, et resteront particulièrement précieux pour le conseil d'administration.

Maintenir un haut niveau d'exigence scientifique passe également par la capacité de l'Agence à mobiliser les meilleurs experts scientifiques, qu'ils soient français ou étrangers, ainsi qu'à assurer les conditions d'une expertise collective et contradictoire. Le conseil scientifique de l'Agence, récemment renouvelé, sera un partenaire essentiel du conseil d'administration.

Second défi : favoriser une coordination fructueuse avec les ministères de tutelles. En raison de son large champ de compétences, l'Agence est placée sous la tutelle de cinq ministères : l'agriculture, l'écologie, la santé, le travail et la consommation. Lors de la création de l'Anses, certaines voix s'en étaient inquiétées, craignant des difficultés d'arbitrages et de décisions. Force est de constater que le choix d'instituer un système tournant de chef de file tous les six mois a jusqu'ici plutôt bien fonctionné. Néanmoins, la vitalité des relations concernant l'Agence à un niveau interministériel pourrait sans doute être renforcée et le conseil d'administration y contribuera autant que possible.

Troisième défi : la communication et l'ouverture à la société. Les attentes de la population en termes de maîtrise et d'anticipation des risques sont aujourd'hui accompagnées d'une exigence croissante de transparence et de participation à l'élaboration des processus de décision. En ce sens, le conseil d'administration de l'Anses, par sa forme originale est le garant de son ouverture à la société. Bien entendu, cette garantie n'est pas la seule. L'Anses a développé une approche globale alliant ouverture, dialogue, transparence et communication proactive dans le respect du rôle des différents acteurs, et dans le cadre d'une grande rigueur dans la mise en oeuvre de l'expertise qui doit rester protégée de toute influence.

Grâce à une fonction de « veille sociétale », à l'entretien de contacts permanents avec ces parties prenantes, et à l'apport des sciences humaines et sociales dans le cadre de l'évaluation des risques, l'agence dispose des capacités de mieux contextualiser les travaux d'expertise et d'en cerner les enjeux et les attentes le plus en amont possible.

Il n'en reste pas moins que l'Anses est particulièrement attendue sur le terrain de la communication et se doit de délivrer une information scientifique de référence y compris en s'appuyant sur les données récentes des sciences de la communication en termes de communication sur les risques. Elle se doit également de la mettre en perspective pour assurer la meilleure compréhension de ses messages de santé publique. Le conseil d'administration délibère sur la stratégie d'ouverture et de communication de l'Agence, et je serai particulièrement vigilant.

Quatrième défi enfin: le positionnement européen et international de l'Agence. La dimension européenne et internationale des activités de l'agence a été placée au rang de priorité dès la création de l'Anses, qui est désormais la plus grande agence de sécurité sanitaire en Europe par la largeur de son champ de compétences. Cette forte présence doit être encore développée. A l'échelle européenne, c'est d'abord un impératif pour peser sur les décisions communautaires, sachant qu'une part importante de l'action de l'Agence s'inscrit dans le cadre de réglementations européennes, au sein du marché unique européen. Mais la collaboration de l'Anses avec ses principaux homologues dans le monde et son ouverture à la communauté scientifique internationale contribuent également à promouvoir les standards d'excellence français et donc à améliorer la prévention et la maîtrise des risques sanitaires en France. Autre objectif important : elle permet enfin d'éviter des duplications inutiles de travaux que ce soit avec l'échelon européen ou les agences homologues.

Madame la présidente, Mesdames les sénatrices et Messieurs les sénateurs, vous l'avez compris, je serai plein d'ardeur, heureux et fier de présider le conseil d'administration de l'Anses.

Merci de votre attention.

Mme Annie David, présidente.- Je vous remercie de votre présentation qui revient sur votre parcours et présente, de manière exhaustive, vos projets pour l'Anses confrontée à d'importants défis. Je passe maintenant la parole à mes collègues.

Mme Catherine Deroche. - J'aurai deux questions. La première sera d'ordre pratique : pourrez-vous concilier les fonctions auxquelles vous aspirez avec celle que vous assumez à présent à la tête de l'Aeres ? Par ailleurs, à l'occasion de l'examen de la mission santé du projet de loi de finances, nous avons eu l'impression d'un nombre conséquent d'agences aux compétences qui semblent, parfois, se chevaucher. Quels sont donc les liens entre elles et comment se répartissent leurs différents rôles ?

M. Jacky Le Menn. - Votre expérience, que nous connaissons, est le gage de votre compétence. Maintenir l'indépendance de l'expertise de l'agence, qui est notamment appelée à se prononcer dans diverses instances internationales, est certainement un défi car les experts sont souvent accusés d'entretenir des relations privilégiées avec les industriels au point de susciter la controverse quant à l'objectivité de leur appréciation du bénéfice-risque des produits qui leur sont soumis. Mais comment est-il possible de devenir expert sans avoir acquis, au préalable, une capacité d'expertise au sein de l'industrie ?

M. Dominique Watrin. - Pour compléter l'interrogation de notre collègue Catherine Deroche sur l'ampleur des domaines de compétence de l'Anses, serait-il envisageable, sur des sujets transversaux comme l'évaluation du médicament pour l'homme et l'animal, qui incombe pour le moment à l'ANSM et à l'Anses respectivement, d'aller au-delà du croisement de leurs compétences ?

M. Georges Labazée. - Le Parlement se saisit de nombreux sujets relevant de la compétence des agences comme la vôtre et produit des rapports thématiques destinés à être pris en compte notamment par le Gouvernement. Comment l'Anses peut-elle exploiter nos travaux dans ses activités ?

M. Michel Vergoz. - Je me souviens que vous avez été référent national lors de l'épidémie de chikungunya survenue à la Réunion en 2005 et que vous avez eu l'expérience de la gestion de catastrophes sanitaires qui ont frappé la France. J'ai encore en mémoire la canicule estivale de 2003 et la désorganisation des services, notamment ceux de l'Institut nationale de veille sanitaire (INVS), qui n'ont pas su y faire face. Comment un grand pays comme la France a-t-il pu être démuni face à un tel phénomène? Malgré l'existence d'agences spécialisées qui se sont avérées incapables de les juguler, de tels fléaux ont pu survenir et occasionner un grand nombre de victimes. Pensez-vous que nous sommes prémunis contre la probable résurgence de telles catastrophes?

Mme Gisèle Printz. - Je trouve votre curriculum vitae intéressant pour quelqu'un qui doit assumer d'importantes responsabilités à la tête d'une agence d'expertise. En effet vous savez également faire preuve d'éclectisme, dans le domaine musical notamment ! Je pense que c'est un facteur d'équilibre que d'avoir d'autres intérêts.

Mme Annie David, présidente. - Une audition comme la vôtre ne relève pas d'un exercice obligé prescrit par le code de la santé publique, mais permet à notre commission d'aborder des problèmes de fond, comme le nombre et le périmètre de compétences des agences. Une telle question ne peut que resurgir lorsque nous sommes confrontés à des pandémies ou des catastrophes sanitaires, comme l'a rappelé notre collègue Michel Vergoz. L'Anses couvre notamment les domaines de l'alimentation et de la sécurité sanitaire et, ayant siégé à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact), je me demande si nous ne sommes pas exposés à des risques de doublons susceptibles de générer des contradictions et de restreindre votre influence. À titre d'exemples, les polémiques suscitées par la dangerosité potentielle des radiofréquences et l'exposition aux nanoparticules dans certaines entreprises suscitent le doute parmi nos concitoyens quant à l'intérêt des travaux conduits par les agences. C'est pourquoi je trouve essentiel que vous releviez votre troisième défi en matière de communication. Néanmoins, la réussite de cet objectif implique que vous parveniez, à titre liminaire, à consolider l'indépendance et la crédibilité des travaux de votre agence.

M. Didier Houssin. - Tout d'abord, le Gouvernement a estimé que mon mandat en cours de président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur était compatible avec les fonctions de président d'un conseil d'administration que je brigue. D'un point de vue institutionnel, l'Aeres n'évalue pas l'Anses et le fonctionnement des laboratoires propres de l'Anses n'est pas évalué par l'Aeres ; seuls trois laboratoires de l'Anses ont des liens avec des organismes extérieurs, comme l'École nationale vétérinaire, qui sont eux-mêmes évalués par l'Aeres. Comme président de l'Aeres, je ne pratique pas directement l'évaluation qui ressort du conseil scientifique de l'agence.

Le système national d'agences, dont j'ai étudié la configuration alors que j'assumais les fonctions de directeur général de la santé pendant sept ans, résulte d'une construction empirique opérée sur le long terme, parfois à la suite de crises. Un tel système, pour ses observateurs extérieurs, semble présenter un déficit de lisibilité qu'entretiennent une certaine proximité des acronymes et l'apparente confusion des métiers qui y sont représentés. En revanche, pour le praticien, une telle structure manifeste une réelle logique et au-delà, une forme de coordination avérée. Pour preuve, la réunion hebdomadaire de sécurité sanitaire qui rassemble, autour du directeur général de la santé, l'ensemble des directeurs d'agence et des administrations centrales ainsi que le comité d'animation du système d'agences, dont j'ai proposé la création comme directeur général de la santé à la ministre d'alors et qui permet aux différents responsables de débattre de questions stratégiques et de coordonner les travaux conduits par les différentes entités qui composent ce système. Certes, ces dispositifs, qui sont avant tout opérationnels, ne sont peut-être pas assez mis en lumière et le Parlement pourrait sans doute s'en saisir. À titre d'information, je peux vous adresser un article, que j'ai commis pour l'Académie de médecine et qui concerne l'avenir du système d'agences.

Les réflexions abondent quant à la réorganisation du dispositif actuel à des fins notamment budgétaires, à l'instar de la mission de révision générale des finances publiques qui s'est notamment interrogée sur d'éventuelles fusions. D'ailleurs, l'Anses elle-même résulte d'une fusion réussie entre l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset). En revanche, même s'il y a une logique incontestable à rapprocher l'étude du médicament humain et du médicament vétérinaire sur certains points comme l'antibioresistance je pense qu'une fusion de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé avec l'Anses risquerait de se heurter aux différences de culture et d'objectifs de ces deux entités. Fort de l'exemple des États-Unis où la Federal Drug Administration s'occupe autant de l'alimentation que du médicament, un tel rapprochement mériterait cependant d'être étudié.

Autre exemple : le rapprochement de l'Anses avec l'Institut national de veille sanitaire (InVS) dont le rapprochement a parfois été évoqué. Ces deux agences exercent, à mon sens, deux métiers radicalement différents et ont chacune leur culture spécifique : l'InVS s'occupe d'épidémiologie et concerne avant tout les populations, tandis que l'Anses travaille sur des produits, même si certaines problématiques, comme la pharmacovigilance, peuvent contribuer à leur rapprochement. Certaines logiques en vertu desquelles des rapprochements sont évoqués peuvent certes s'avérer partielles, mais il faut demeurer ouvert à toute opportunité dans ce domaine. D'ailleurs, le système actuel est appelé à évoluer et le Parlement a toute latitude pour jeter les bases de sa prochaine évolution !

Nous avons érigé l'indépendance et la crédibilité des travaux de l'agence au premier rang de nos préoccupations. Les liens d'intérêt, qui ne sont pas seulement économiques, ont également une incidence sur les travaux d'évaluation. Mais l'expert est confronté à un dilemme : il doit acquérir une compétence actualisée en participant aux activités de recherche conduites par le secteur privé et est encouragé, dans cette démarche, par les pouvoirs publics, tandis que sa stricte neutralité et son indépendance, lorsqu'il s'agit d'intervenir en soutien à la définition de politiques publiques, sont exigées. Même si la compétence scientifique ne peut que bénéficier de l'interaction avec le secteur privé, il faut ainsi faire oeuvre d'imagination pour concilier compétence et indépendance en allant au-delà des procédures actuelles, qui accordent déjà une place importante à la transparence, en imaginant, sur le long terme, de nouveaux moyens pour concilier ces objectifs et instaurer durablement la confiance.

L'objectif d'une seule santé (« One health ») commune à l'homme et à l'animal peut d'ailleurs nous conduire à rapprocher certaines structures.

Les rapports parlementaires, dont je connais la richesse et qui contribue à la diffusion de la connaissance scientifique dont ils évaluent, de manière large et rigoureuse, les retombées sociétales, fournissent une source précieuse d'information pour une agence comme l'Anses qui doit s'ouvrir à la société. Ces rapports débouchent souvent sur une modification de la norme et anticipent ainsi l'évolution du contexte dans lequel les agences sont appelées à intervenir.

Mon expérience sur l'Ile de la Réunion, où des arboviroses de grande ampleur avaient déjà sévi dans un passé proche et parmi lesquelles la crise du Chikungunya s'inscrivait, m'a conduit à m'interroger sur les raisons de l'ampleur de cette épidémie. L'oubli des catastrophes naturelles contribue à leur résurgence et leur souvenir doit être maintenu, notamment à la Réunion où les moustiques présentent de réelles capacités d'adaptation et où de prochaines arboviroses sont par conséquent prévisibles. Il faut donc demeurer vigilant.

S'agissant de la canicule de l'été 2003, l'InVS a manifestement été pris de cours et ne disposait pas de la latitude d'actions nécessaire à l'adaptation à une situation qui n'était pourtant pas inédite, puisque d'autres vagues de chaleur analogues venaient de survenir à Chicago et à Athènes. Avec le plan canicule depuis lors élaboré, une telle désorganisation me paraît peu probable. Il faut cependant demeurer conscient que se produiront, à l'avenir, des catastrophes sanitaires qu'elles soient récurrentes, comme les épidémies ou les aléas climatiques de grande ampleur ou inédites, du fait des activités humaines et des risques technologiques qu'elles induisent.

En réponse à l'interrogation de Mme la présidente David, qui relaie d'ailleurs un article paru dans le quotidien Le Monde sur l'objectivité de l'expertise, l'Anses veille tout particulièrement à définir les modalités nécessaires à l'instauration de la confiance qui peut conduire à alourdir les procédures d'expertise en vigueur.

Mme Annie David, présidente. - Je vous remercie pour la franchise dont vous avez preuve dans vos réponses à nos questions.

Jeudi 21 novembre 2013

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Loi de finances pour 2014 - Audition de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

La commission procède à l'audition de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur le projet de loi de finances pour 2014.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. - Avec des crédits en hausse de 7 % par rapport à la loi de finances initiale de 2013, la mission travail et emploi bénéficie vraisemblablement de l'augmentation la plus importante du budget 2014. A périmètre constant, l'augmentation serait de 17 %. Cet effort manifeste l'engagement et la mobilisation du Gouvernement en faveur de l'emploi. Les crédits destinés aux contrats aidés et aux emplois d'avenir augmentent de 50 % pour atteindre 3 milliards d'euros. Plus de 80 000 emplois d'avenir ont été créés, nous atteindrons les 100 000 en 2013, auxquels s'ajouteront 50 000 nouveaux contrats en 2014. En la matière, nous avons atteint nos objectifs, quantitatifs et qualitatifs, même si la montée en charge du dispositif reste délicate sur certains territoires urbains ou d'outre-mer.

Nous avons travaillé à allonger la durée moyenne des contrats aidés, passée de six mois sur le premier trimestre 2012 à plus de onze mois actuellement - nous tendons à douze mois. Nous cherchons à moduler la durée des contrats en fonction des publics concernés.

Certains jeunes marginalisés ne peuvent accéder aux emplois d'avenir. Nous avons créé en leur faveur la garantie jeunes. Celle-ci suppose un engagement du jeune concerné, il ne s'agit pas d'une nouvelle modalité d'assistanat. Le dispositif que nous expérimentons sera porté par les missions locales et par Pôle emploi.

Après abondement à l'Assemblée nationale, l'Etat augmente de 5 % sa contribution au fonctionnement des missions locales qui bénéficieront en outre de 45 millions d'euros par le biais d'une contribution spéciale au titre de l'accompagnement au déploiement des contrats d'avenir. Pôle emploi voit ses effectifs renforcés : en 2013, l'Etat a financé la création de 2 000 CDI supplémentaires, qui s'ajoutent aux 2 000 CDI signés en 2012. Les nouveaux effectifs seront exclusivement affectés dans les agences au contact avec le public et prioritairement dans les territoires sous dotés, comme la Picardie, le Nord ou les outre-mer : la carte du portefeuille par agent est déjà largement rééquilibrée.

Mme Demontès a défendu avec brio la réforme de l'insertion par l'activité économique (IAE). Nous avons décidé d'accroître les crédits accordés aux structures de l'IAE de 25 millions d'euros, pour les porter à 222 millions d'euros.

Nous accentuons nos efforts en faveur du développement durable et de la formation professionnelle, avec une croissance des crédits de 2,7 % à périmètre constant, pour atteindre 2,9 milliards d'euros.

Les contrats de génération constituent un outil de formation important. A la différence des contrats d'avenir, gérés par la puissance publique dans ses diverses composantes, il s'agit d'un outil à la disposition des entreprises. Ils encouragent l'embauche d'un jeune en CDI sans rejeter les plus âgés.

Le déploiement de ces contrats est bien avancé dans les entreprises de plus de 300 salariés et dans les entreprises de moins de 50 salariés. Les premières avaient l'obligation d'ouvrir des négociations sur le sujet, et, à défaut d'accord, de soumettre pour homologation un plan d'action à la Direccte avant le 30 septembre 2013. Nous n'avons pas sanctionné jusqu'à présent le non-respect de ce calendrier en cas de négociation, mais il faut que les entreprises qui n'en ont pas ouvert sachent le poids de la sanction possible. Certains accords sont exceptionnels, avec une programmation précise de l'embauche des jeunes sur plusieurs années ou l'objectif d'augmenter la part des jeunes dans les embauches.

Dans les petites entreprises, où le dispositif est mis en oeuvre simplement au travers de la signature de contrats individuels d'embauche dans le cadre de binôme jeune-senior, le rythme de développement est conforme à nos prévisions.

La situation est plus problématique dans les entreprises de 50 à 300 salariés. Le législateur et les partenaires sociaux y ont soumis la mise en oeuvre des contrats de génération à la négociation préalable d'un accord d'entreprise. A défaut d'accord d'entreprise, un plan d'action peut être mis en place par l'employeur, qui peut également se fonder sur un accord de branche intergénérationnel. Certaines entreprises ont rapidement conclu des accords d'entreprise, mais beaucoup ont compté sur un accord de branche. Or les partenaires sociaux des branches ne se sont pas mobilisés assez vite ! Heureusement, la négociation est désormais lancée à ce niveau. Les accords de branche se succèdent. Au total, la montée en puissance globale du dispositif sera réelle en 2014 ce qui justifie l'inscription des crédits dans le budget.

Le budget traduit également l'amorce de la réforme de l'apprentissage, réforme compliquée par les dissensions existant au sein du patronat sur ce sujet dans le cadre des négociations en cours.

En ce qui concerne la formation professionnelle, nous avons transformé la dotation générale de décentralisation (DGD) de 900 millions d'euros, inscrits à mon budget, en une recette propre et dynamique des régions. Cette ressource est prise, pour deux tiers de son montant, sur les frais de gestion de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) , de la taxe d'habitation (TH) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE), et, pour un tiers, sur les recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont l'évolution est un peu moins dynamique. Les régions exerceront ainsi pleinement leurs compétences. En conséquence, mon budget baisse de 900 millions. Loin de moi l'idée de m'en plaindre ! J'espère même que la diminution des crédits de mon ministère matérialisera le succès de notre lutte contre le chômage - j'espère vous annoncer sa baisse dès l'an prochain.

De même, pour l'apprentissage, nous souhaitons modifier l'intervention financière de l'Etat. Plusieurs rapports administratifs et parlementaires ont examiné l'efficacité des outils financiers de l'Etat. L'exonération des charges sociales pour les entreprises qui emploient des apprentis est certes coûteuse mais efficace. Mais il n'en va pas de même pour deux autres dispositifs. Tous les rapports convergent pour souligner l'efficacité limitée de l'indemnité compensatrice de formation (ICF), versée à l'employeur par les régions en cas d'accueil d'un apprenti. L'indemnité, qui n'a aucun effet incitatif dans les grandes entreprises, est décisive pour les petites entreprises. Le versement de l'indemnité demeurera obligatoire pour les régions au bénéfice des entreprises de moins de dix salariés. En revanche, il ne le sera plus dans les entreprises dont les effectifs dépassent dix salariés, ce qui n'empêchera pas les régions d'aider ces entreprises si elles le désirent en fonction des spécificités locales. Par exemple, une région peut très bien verser une prime d'apprentissage aux entreprises de moins de 50 salariés du BTP qui emploie des apprentis. Le conseil régional que j'ai présidé doublait l'ICF pour les jeunes femmes apprenties dans des métiers considérés comme masculins.

Les entreprises qui embauchent un apprenti bénéficient actuellement d'un crédit d'impôt. A l'avenir, le crédit concernera uniquement l'embauche de jeunes disposant d'une formation courte, bac +2 au maximum, afin de limiter l'effet d'aubaine.

Nous avons à chaque fois prévu des règles de financement et de compensation transitoires. Au bout du bout, grâce à ces deux réformes, l'Etat réalisera une économie de 500 millions d'euros à horizon 2016, sans priver pour autant les maîtres d'apprentissage de l'intégralité de ces ressources.

Pour préparer l'avenir, l'Etat se mobilise sur les engagements de développement de l'emploi et des compétences et sur les aides au conseil et à l'appui à la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC). Les autorisations d'engagement, initialement fixées à 50 millions d'euros, et les crédits de paiement, à 100 millions d'euros, ont été revus par les députés respectivement à 40 millions et 90 millions d'euros, ces derniers souhaitant affecter la différence aux maisons de l'emploi pour soutenir les démarches de GPEC territoriales.

L'Etat a entrepris de rationaliser ses interventions au titre des maisons de l'emploi. A leur création, celles-ci avaient pour objectif principal de réunir les réseaux de l'ANPE et des associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Assedic). Compte tenu de la création de Pôle emploi, une de leurs raisons d'être a disparu. Tous les gouvernements successifs se sont alors posé la question d'une baisse du financement de l'Etat à leur intention. Pour ma part, je partage les conclusions du rapport Iborra et du rapport de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) sur la territorialisation des politiques de l'emploi : les maisons de l'emploi ont une utilité. Toutefois leur situation est très hétérogène sur le territoire, ce qui doit nous conduire à revoir l'affectation des crédits. Il convient d'analyser la situation de chaque maison de l'emploi, de pousser à des regroupements et d'appuyer celles qui offrent une véritable plus-value parce qu'elles réalisent une véritable GPEC territoriale.

Nous avons examiné les effets des exonérations de charge dans les entreprises situées dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). Nous avons constaté l'existence de certains effets d'aubaine au profit des organismes d'intérêt général et supprimé les crédits n'ayant pas d'utilité, ce qui ne manquera pas de susciter quelques interrogations.

Le Gouvernement mobilise des crédits considérables pour la mise en oeuvre des politiques de l'emploi. La lutte contre le chômage ne se résume pas à ces politiques, elle passe d'abord par le soutien à la croissance. Mais dans la période actuelle, les politiques de l'emploi sont indispensables, elles doivent être pertinentes et préparer l'avenir en accompagnant les personnes les plus éloignées du marché du travail.

Mme Annie David, présidente. - Je donne maintenant la parole au rapporteur pour avis sur la mission « travail et emploi ».

M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. - Vous avez répondu par anticipation, monsieur le ministre, à certaines de nos questions. Le nombre de contrats de génération conclus en 2013 ne correspond pas pleinement aux attentes initiales. Pouvez-vous nous donner des prévisions et des objectifs chiffrés pour l'exercice 2014 ?

A titre personnel, j'estime qu'il serait sage de diminuer les moyens alloués aux maisons de l'emploi dans les territoires où elles font doublon avec Pôle emploi. Pouvez-vous clarifier vos intentions sur l'avenir de ces maisons et leur rôle dans la mise en oeuvre de la GPEC territoriale ?

L'Afpa n'est pas sortie d'affaire malgré l'intervention volontariste du Gouvernement. Nous savons que les banques vont suivre, ce qui est déjà rassurant. Mais la réponse au problème de l'Afpa est d'augmenter son chiffre d'affaires et de présenter une offre de formation claire et lisible. Elle peine à mobiliser pour le plan de 30 000 formations prioritaires pour l'emploi. Le nécessaire renforcement des compétences régionales en matière de formation ne doit pas porter préjudice aux formations d'intérêt national délivrées par l'Afpa.

Quoique j'aie scrupule à intervenir sur l'IAE devant Christiane Demontès, je souhaiterais savoir où en sont les décrets annoncés. Nous les attendons pour mettre en oeuvre les préconisations du rapport présenté le 17 juillet dernier par la présidente du Conseil national de l'insertion par l'activité économique. Les décrets comporteront des informations importantes pour les départements notamment : le montant socle de l'aide au poste, le montant modulé, les exonérations de cotisations sociales.

La commission souhaiterait disposer du rapport d'évaluation des aides à l'apprentissage réalisé dans le cadre de modernisation de l'action publique.

Nous avons auditionné hier le directeur de l'Unedic. Les taux de sortie des contrats aidés est honorable pour les chômeurs de longue durée ; il l'est beaucoup moins pour ceux de très longue durée, c'est-à-dire les chômeurs privés d'emplois depuis plus de deux ans, qui n'ont pas tous plus de 58 ans. Comment remédier à cette situation préoccupante ?

M. Michel Sapin, ministre. - Nous avons pris l'engagement de signer 500 000 contrats de génération sur cinq ans, soit 100 000 contrats par an. Trois catégories d'entreprises sont concernées selon que leurs effectifs sont inférieurs à 50 salariés, compris entre 50 et 300 salariés, ou supérieurs à 300 salariés. Chaque catégorie représente schématiquement un tiers des contrats potentiels. Les contrats signés dans les grandes entreprises ne sont pas comptabilisés car ils ne coûtent rien à l'Etat. Notre cible s'établit ainsi à plus ou moins 60 000 contrats en année pleine. Les crédits inscrits correspondent à 20 000 contrats signés avant la fin de l'année 2013. Nous ajoutons 50 000 contrats environ, échelonnés tout au long de l'année prochaine. Cette cible correspond donc à nos objectifs initiaux.

Votre question sur le sort de l'Afpa (Association nationale pour la formation professionnelle), dont vous êtes l'un des meilleurs connaisseurs, est légitime. L'association, dont la disparition était programmée, était au bord du dépôt de bilan en juin 2012. Le Gouvernement est mobilisé et a décidé non de la mettre sous perfusion mais de sauver cet outil : 110 millions d'euros de crédits ont été inscrits en juin 2013, de manière à passer des échéances délicates. Nous réfléchissons à des solutions juridiques afin de donner à l'Afpa la possibilité de gérer de manière dynamique le parc immobilier important qu'elle utilise, qui est l'un des atouts, mais dont elle n'est pas propriétaire. La question décisive est celle de la commande. Il convient d'encourager les régions à recourir davantage à l'Afpa pour des prestations de formation classiques, dans le respect des conditions de marché concurrentielles ; il nous faut aussi adapter les règles de marché pour les prestations que seule l'Afpa peut réaliser. Cela interviendra à l'occasion de la future loi sur la formation professionnelle. Enfin, l'Afpa a consenti des efforts pour diminuer ses charges et ses coûts et relancer son activité. Elle réussit, quoique plus lentement que nous l'espérions, à sortir de sa situation difficile. Nous restons vigilants.

L'insertion par l'activité avait souffert de la non-indexation de l'aide pendant des années. Le nombre de postes a augmenté. L'aide au poste comprendra une part socle et une part variable. Le décret sur la généralisation de l'aide au poste sera soumis pour consultation le 27 novembre 2011 au Conseil national de l'IAE puis transmis au Conseil d'Etat. Certaines des nouvelles dispositions s'appliqueront dès le 1er janvier prochain, les autres en juillet.

Vous aurez les éléments d'information demandés sur l'apprentissage.

Le nombre de jeunes de moins de 25 ans au chômage diminue ; la décrue s'amorce enfin et devrait continuer. À l'inverse, il est vrai que la situation des chômeurs de très longue durée, notamment les chômeurs âgés de plus de 56 ans, qu'on ose appeler seniors, est délicate. L'allongement de la durée moyenne des contrats aidés constitue une première réponse, même si elle est insuffisante. Certains contrats peuvent aller jusqu'à deux ans. Un contrat plus long favorise une véritable professionnalisation et inscrit la réinsertion dans l'emploi dans la durée. Il y aura peut-être besoin de réponses complémentaires pour traiter ce douloureux enkystement qui aboutit à des cassures sociales quasi irrémédiables.

M. Yves Daudigny. - Nous mesurons, monsieur le ministre, le caractère volontariste de votre action et nous la soutenons. Nous assumons le recours aux contrats aidés dans le contexte actuel. Mon département présente le triste record du chômage en région Picardie. J'ai pu constater que les chômeurs ne considéraient pas Pôle emploi comme un interlocuteur privilégié. Le renforcement de cette institution est un enjeu d'importance. Je salue votre action en la matière.

Les établissements publics d'insertion de la défense (EPIDe), créés par ordonnance en août 2005, accueillent des jeunes dépourvus de diplômes, et parfois en voie de marginalisation, dans le cadre de contrats de volontariat. Leurs coûts de fonctionnement sont élevés. Leur budget est maintenu pour 2014. Quel peut être leur avenir ? Enfin quel regard portez-vous sur l'inspection du travail, institution ancienne et essentielle dans les relations de travail ?

Mme Christiane Demontès. - Si tout budget constitue un acte politique, le vôtre traduit un choix en faveur de l'emploi dont nous nous félicitons. Nous aurons d'autres rendez-vous législatifs sur la formation professionnelle et la décentralisation. Il reste encore beaucoup à accomplir en matière de simplification des dispositifs, et c'est un euphémisme ! Cela pourrait faciliter le retour à l'emploi des chômeurs.

Depuis dix-huit mois, de nombreux dispositifs ont été mis en place en faveur de l'emploi, notamment dans le cadre de la loi sur la sécurisation de l'emploi, mais les entreprises les connaissent mal. Les Direccte (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) disposent-elles de moyens spécifiques pour informer et accompagner les entreprises, en particulier les PME ?

Un travail important a été réalisé en matière d'IAE. L'aide au poste généralisée décidée par le Gouvernement sur la recommandation du CNIAE (Conseil national de l'insertion par l'activité économique) rendra, je l'espère, les dispositifs plus lisibles pour les salariés en insertion comme pour les acteurs du territoire.

Chaque dispositif doit être utilisé conformément à ses objectifs tout en évitant les effets d'aubaine. Il y a là une réflexion à conduire et une information à donner. Il est inacceptable que des personnes au chômage depuis plus de dix-huit mois ou deux ans n'aient d'autre perspective que le passage au RSA. L'un des enjeux de la lutte contre le chômage de très longue durée est que l'IAE serve vraiment aux publics éloignés de l'emploi. Ce n'est pas par hasard qu'il y a plus de moyens pour les chantiers d'insertion et un peu moins pour les entreprises d'insertion, qui accueillent des publics moins éloignés de l'emploi.

Mme Aline Archimbaud. - Quelle suite donnerez-vous au rapport de Christophe Sirugue sur l'avenir du RSA ? Depuis plusieurs années, nous constatons l'échec du RSA-activité, du RSA-jeunes. Comment en sortir ? Ce rapport trace des pistes. C'est une priorité, puisque cela concerne un noyau dur de chômeurs de longue durée.

Le Sénat a voté le projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire (ESS) présenté par M. Hamon. Quand l'Assemblée nationale débattra-t-elle de ce texte qui reconnaît, enfin, un secteur longtemps considéré comme marginal alors qu'il est susceptible de créer de l'activité et de développer l'insertion ? Dans le programme de lutte contre la pauvreté, 5 millions d'euros sont affectés à l'ESS : peut-on imaginer une montée en puissance de l'effort public ? Il y a des exemples d'entreprises que des salariés auraient pu reprendre en Scop (sociétés coopératives et participatives) s'ils n'avaient pas appris leur fermeture au dernier moment. Les pouvoirs publics doivent porter à ce secteur une attention accrue. Certaines Dirrecte n'ont pas vraiment compris les spécificités de l'ESS : les dossiers administratifs sont trop complexes pour les structures concernées. Vous avez d'ailleurs dû être saisi de la situation de chantiers d'insertion de Seine-Saint-Denis.

A Aulnay, face à la situation complexe du site de PSA, les acteurs locaux s'étaient mobilisés car l'enjeu était énorme pour le département. Une impulsion nationale a manqué, qui aurait pu être relayée localement. Une mobilisation conjuguée de la région et de l'Etat aurait aidé à trouver des solutions industrielles pour quelques salariés. Nous avons raté quelque chose.

Mme Michelle Meunier. - Merci pour la clarté de vos propos. Le report d'un an de l'obligation de gratifier les stagiaires dans le secteur social et médico-social est préoccupant. La suspension de cette disposition issue de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet dernier permettent de se donner le temps de la réflexion mais inquiète les régions et surtout les départements. C'est pourquoi je souhaite vous interroger sur ce sujet.

Mme Annie David, présidente. - J'allais poser la question !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Les emplois de service ont fait l'objet de deux décisions successives : la suppression des 15 points d'abattement et celle de la déclaration au forfait, avec un allègement fiscal de 0,75 centime par heure. Un rapport devait être rendu après un an sur ces dispositions. D'après l'Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale), les emplois de service ont considérablement diminué : 38 millions d'heures perdues, soit 23 000 équivalents temps plein. Bien sûr, le climat économique joue aussi. Reste que la sous-déclaration semble repartir à la hausse, alors que le Cesu (chèque emploi service universel) l'avait fait régresser. Ces emplois non délocalisables sont difficilement remplaçables sur nos territoires. Cette situation est inquiétante et concerne également le ministre du budget et celui des affaires sociales : les personnes qui perdent leur emploi ne cotisent plus. Renouveler les erreurs passées serait catastrophique.

M. René-Paul Savary. - Quand aurons-nous le bilan de l'expérimentation de la garantie-jeunes ? Souhaitez-vous la généraliser ? L'aide au poste dans l'IAE est bienvenue, mais il aurait fallu associer les collectivités en amont pour qu'elles s'inscrivent bien dans le dispositif. Quelle sera la place des départements, exactement ? Il ne faut pas qu'ils se désengagent. Mon objectif est d'infléchir la courbe des bénéficiaires du RSA (revenu de solidarité active). Pour atteindre l'objectif qui nous est commun, chacun doit jouer son rôle et exercer ses compétences. Le RSA doit évoluer, certes, mais nous ne pouvons pas parler d'échec.

Mme Aline Archimbaud. - Même pour le RSA-activité ?

M. René-Paul Savary. - Oui ! Mais il faut réaliser un rapprochement avec la prime pour l'emploi (PPE) et l'allocation adulte handicapée (AAH) et revoir la pertinence de la répartition de ces allocations : le RSA-socle est la seule allocation de revenu qui soit payée par une collectivité, les autres étant réglées par l'Etat.

M. Michel Vergoz. - C'est un plaisir de vous écouter tant vos propos sont clairs et convaincants.

M. Michel Sapin, ministre. - A La Réunion, ils ont même été ensoleillés.

M. Michel Vergoz. - Cela n'a pas été facile de les faire entendre mais vous y êtes magnifiquement parvenu. Je me prends parfois à imaginer que votre voix porte l'ESS.

M. Michel Sapin, ministre. - Il y a déjà un ministre pour cela !

M. Michel Vergoz. - J'insiste. Lorsque vous évoquez les opportunités que nous devons chercher pour lutter contre le fléau du chômage, je me dis que vous pourriez expliquer que notre économie doit marcher sur ses deux jambes : économie marchande et ESS. Cet appui à M. Hamon serait déterminant. Ne nous voilons pas la face : avec une autre majorité, nul ne parlerait de l'ESS. Le secrétariat d'Etat à l'ESS, qui avait été confié en 2000 à M. Guy Hascoët, a été ensuite rayé d'un trait de plume, et cette démarche a été mise entre parenthèses pendant treize ans. L'ESS peut pourtant être performante chez nous et la demande est réelle. Elle est toutefois insuffisamment soutenue par les pouvoirs publics, ce qui peut culpabiliser ses promoteurs, comme si c'était une économie de réparation. Je rêve que vous mettiez votre belle voix au service de l'ESS !

Mme Annie David, présidente. - Vous avez évoqué une différenciation de la politique d'exonération dans les ZRR (zones de revitalisation rurale). Pourriez-vous apporter des précisions sur ce point à l'élue montagnarde que je suis ?

M. Michel Sapin, ministre. - Nous avons maintenu les crédits des EPIDe à 45 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 21 millions d'euros du ministère de la Ville, plus des crédits de la Défense. Nous devons toutefois réfléchir au dispositif global de lutte contre la marginalisation. Vos propositions sur ce point seront les bienvenues.

La garantie-jeunes est expérimentée dans dix sites, ce qui concerne 10 000 jeunes. Une deuxième vague de même ampleur sera lancée l'an prochain. La lutte contre le chômage des moins de 25 ans mobilise désormais tous les chefs d'Etat et de gouvernements européens : c'est une bonne nouvelle ! La situation est inacceptable : en moyenne, un jeune européen sur quatre est au chômage. Dans chaque pays, le taux de chômage des jeunes est deux fois plus élevé que le taux global : 50 % contre 25 % en Espagne, 8 % contre 4 % en Allemagne. C'est insupportable. Sur nos territoires, nous atteignons des taux de chômage de 56 %, à La Réunion...

M. Michel Vergoz. - 60 % !

M. Michel Sapin, ministre. - ... ou à Amiens-Nord. La garantie jeunesse européenne a été instaurée pour que tous les pays d'Europe mettent en place des dispositifs de lutte contre le chômage des jeunes. Les crédits de six milliards d'euros programmés ne concernent que 2014 et 2015. Il faut agir vite. Chez nous, l'aide européenne bénéficiera aux régions où le taux de chômage est supérieur à 25 %, comme je l'ai annoncé à La Réunion. Il faut lutter contre la rhétorique de dénonciation de l'assistanat, qui est dangereuse, en précisant les devoirs qui doivent être remplis. Nous expérimentons des outils, et dans un an nous y verrons plus clair et pourrons monter en puissance. La moitié des sites d'expérimentation ont un taux de chômage inférieur à 25 %.

Une proposition de loi complètera bientôt les dispositions déjà adoptées sur la gratification des stages. Un stage doit rester une modalité d'appropriation d'une compétence inscrite dans un cursus universitaire. Ce n'est pas le premier emploi.

Cent onze millions d'euros sont consacrés aux ZRR en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. La réforme du dispositif de l'exonération de cotisations employeurs pour les organismes de ZRR prévue dans le projet de loi de finances est critiquée. Elle recentre sur les bas salaires l'exonération pour les contrats conclus avant le 1er novembre 2007. Nous souhaitons introduire de la dégressivité entre 1,5 et 2,4 Smic pour éviter les effets de seuil et aligner le barème sur l'exonération de droit commun dont bénéficient les employeurs en ZRR. Seront concernés surtout les très gros établissements, ou ceux qui paient largement au-dessus du smic pour lesquels l'effet d'aubaine était maximal.

L'inspection du travail constitue un élément fondamental du dispositif de protection des salariés en France, qui a été souvent prise comme modèle à l'étranger. Tout salarié doit avoir un interlocuteur qui l'aide à faire respecter ses droits et tout employeur doit trouver un interlocuteur pour l'aider à comprendre ses obligations. L'inspecteur du travail agit en toute indépendance sur son territoire, nul ne peut l'empêcher de contrôler une entreprise en particulier et il est libre de la suite à donner à ses constats. La convention de l'OIT (Organisation internationale du travail) protège ces principes dont le Conseil d'Etat comme le Conseil constitutionnel considèrent qu'ils font partie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Il n'est absolument pas question de les remettre en cause.

Toutefois, la lutte contre les abus au détachement de travailleurs nécessite la collaboration de plusieurs inspecteurs, afin qu'ils travaillent en réseaux. Certains doivent aussi se spécialiser, comme les juges l'ont fait lorsqu'il a fallu lutter contre les réseaux mafieux ou le trafic de drogue. Cela n'enlève rien à l'indépendance mais celle-ci n'est pas l'autonomie. Il faudra parfois conduire de véritables politiques nationales, par exemple sur l'égalité salariale entre hommes et femmes. J'ai mené depuis un an un dialogue social approfondi sur ces questions et constaté des décalages entre les revendications nationales des syndicats et ce qu'ils soutiennent dans mon ministère. Si nous ne développons pas ainsi la capacité d'action de l'Inspection du travail, les grands délits resteront impunis.

L'ESS est en effet un secteur qui crée des emplois ou en sauve, notamment par l'IAE. Je suis favorable à son développement. Le texte sera présenté avant l'été à l'Assemblée nationale.

Jusqu'en 2010, le nombre des emplois de service s'était accru chaque année. La rupture est intervenue en 2011, lorsque les 15 points d'abattement ont été supprimés. En 2012 et 2013, leur diminution s'est accentuée. La suppression des 15 points d'abattement a incité de nombreux employeurs à passer au forfait, ce qui a des conséquences très graves pour les salariés, dont les droits à la retraite se trouvent minorés. Maintenir le dispositif au réel préserve les droits des salariés. Il y a aussi un aspect conjoncturel : les ménages commencent par faire des économies sur ce poste lorsque leur pouvoir d'achat diminue. Le travail au noir semble s'être développé. Nous allons faire des assises des emplois de service, avec Mmes Pinel et Vallaud-Belkacem car ce secteur concerne beaucoup d'emplois féminins.

A Aulnay, les engagements pris par PSA ont été étoffés au cours des négociations. La loi sur la sécurisation de l'emploi a pour objectif fondamental qu'en cas de plan de sauvegarde de l'emploi, la contrepartie individuelle et collective soit meilleure.

L'information, sur laquelle insistait Mme Demontès, est plus délicate en période économiquement difficile, parce que les chefs d'entreprise se préoccupent d'abord de passer le mois et de trouver des marchés. Le contrat de génération ne créera pas de postes là où il n'y en a pas besoin, car les deux tiers du coût doivent être assumés par l'employeur. Comme le Cice (crédit d'impôt compétitivité emploi), c'est un outil d'anticipation : en cas d'hésitation, il est décisif et accélère la décision.

Le rapport de Christophe Sirugue sur le RSA est très utile. Nous demanderons des expertises supplémentaires. Je souhaite que soit analysée la chaîne toute entière, de la PPE (prime pour l'emploi) au RSA (revenu de solidarité active) en passant par les allocations de chômage, de solidarité... Il y a des seuils, des contradictions, des trappes : il faut tout revoir. Ces mesures doivent avoir une meilleure efficacité sociale et budgétaire car elles coûtent très cher !

Nous préparons un projet de loi sur la formation professionnelle, l'apprentissage et la démocratie sociale. Il est nécessaire de réformer la formation professionnelle. En application des dispositions L1 du code du travail, nous avons confié un ensemble de sujets aux partenaires sociaux, qui souhaitaient s'en emparer. La négociation, qu'ils conduiront librement, sera difficile. Il faut toutefois qu'elle débouche avant la troisième semaine de décembre, sinon, le Gouvernement prendra ses responsabilités. Les systèmes d'urgence ont bien fonctionné, puisque nous avons déjà largement dépassé nos objectifs du plan de 30 000 formations prioritaires pour l'emploi. Mais l'urgence doit pour ainsi dire devenir une politique inscrite dans la durée. Une partie des crédits de la formation professionnelle relève des pouvoirs publics, de l'Etat, de Pôle emploi et des régions. Il faut simplifier et préciser le rôle de chaque acteur. Nous retrouverons dans le projet de loi un volet décentralisation qui intéresse particulièrement les élus locaux... Le texte comprendra également un volet réformant l'apprentissage.

Le volet démocratie sociale comprendra deux sujets. La représentativité des partenaires sociaux, d'abord, qui a déjà été réglée pour les organisations syndicales de salariés, mais pas pour les organisations patronales, qui souhaitent que l'on avance sur ce sujet. Le rapport public de M. Denis Combrexelle sur le sujet est très intéressant. Il convient ensuite de clarifier les circuits de financement des organisations patronales et syndicales. Les difficultés observées dans les négociations en cours sur la réforme de la formation professionnelle ne sont peut-être pas étrangères aux prochaines modifications du financement des organisations patronales. La légitimité du dialogue social se fonde aussi sur la transparence du financement et de sa représentativité : il y a eu trop de soupçons.

Le texte sera adopté en conseil des ministres en janvier. Il fera l'objet d'une première lecture, en procédure accélérée, dans la foulée, afin d'être applicable dès juin ou juillet 2014.

Mme Annie David, présidente. - Vous nous annoncez un texte effectivement très important. Merci, monsieur le ministre, d'avoir répondu à toutes nos questions.