Mercredi 22 mai 2013

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement - Examen du rapport

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à l'examen du rapport de Mme Anne Emery-Dumas sur la proposition de loi n° 559 (2012-2013) portant déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement.

EXAMEN DU RAPPORT

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure - Le texte que nous examinons aujourd'hui, déposé à l'Assemblée nationale le 9 avril dernier par Bruno Le Roux, Christian Eckert, Catherine Lemorton et les membres du groupe socialiste, tend à autoriser le déblocage exceptionnel de l'intéressement et de la participation.

Concrétisant l'engagement pris par le Président de la République le 28 avril dernier et complétant la stratégie de croissance du Gouvernement, il entend améliorer dans les meilleurs délais le pouvoir d'achat des français et soutenir la consommation des ménages au moment où le pays traverse l'une des plus graves crises économiques de son histoire.

Cette crise se mesure bien entendu à l'aune des statistiques économiques. Il y a quelques jours à peine, l'institut national de la statistique et des études (Insee) soulignait que les dépenses de consommation des ménages avaient diminué en 2012 pour la seconde fois depuis l'après-guerre et que le pouvoir d'achat individuel des français avait connu sa plus forte baisse depuis 1984.

Mais cette crise se mesure aussi et surtout aux difficultés financières que connaissent nos concitoyens et au désarroi que chacun d'entre nous, en tant qu'élu local, peut percevoir chez ses administrés.

A elle seule, la mesure de déblocage que je vais vous présenter ne permettra ni de faire décoller la consommation ni de rétablir la confiance. Mais elle constituera, pour ceux qui en bénéficieront, une mesure bienvenue au moment où les réformes structurelles menées par le Gouvernement au cours des douze derniers mois commencent à peine à produire leurs effets.

Le recours au déblocage anticipé de l'épargne salariale pour soutenir la consommation des ménages ne constitue pas une idée neuve : depuis 1994, pas moins de quatre déblocages exceptionnels ont été autorisés par la loi.

Le principe de ces mesures est simple : il s'agit de permettre aux salariés d'accéder à leurs primes de participation ou d'intéressement avant le terme du blocage fixé par la loi - en général cinq ans mais parfois huit ans - en bénéficiant néanmoins des exonérations d'impôt et de cotisations sociales qui leur sont associées.

Le dispositif proposé par le texte est toutefois plus ambitieux et mieux encadré que les dispositifs adoptés précédemment.

D'une part, il couvre les sommes issues de la participation et de l'intéressement quand les mesures précédentes ne concernaient que le premier régime. Seront ainsi concernées non seulement les entreprises de plus de cinquante salariés, pour lesquelles la participation constitue une obligation, mais aussi les PME et certaines TPE qui recourent plus facilement aux accords d'intéressement.

D'autre part, la mesure permet aux salariés de débloquer l'ensemble des sommes qui lui ont été attribuées au titre de la participation et de l'intéressement, quels que soient leur année de versement et l'exercice au titre duquel elles ont été attribuées. Les sommes déblocables ne sont pas limitées à celles attribuées au cours des deux années précédentes comme ce fut le cas en 1994 et 1995.

Elle autorise enfin le bénéficiaire à débloquer jusqu'à 20 000 euros, soit le double du plafond autorisé en 2004 ou en 2008 permettant ainsi de procéder à l'achat d'un véhicule ou à la réalisation de travaux conséquent dans sa résidence.

Au total et compte tenu de ses caractéristiques, le déblocage proposé concerne potentiellement plus de 4 millions de nos concitoyens et près de 90 milliards d'encours.

Si cette mesure est ambitieuse, elle reste néanmoins fermement encadrée afin de limiter les effets pervers qui pourraient lui être associés.

Afin de préserver l'épargne longue qui permet de compléter la pension de retraite de salariés souvent modestes, le dispositif exclut d'abord les sommes issues de la participation et de l'intéressement investies dans les plans d'épargne pour la retraite collectifs (Perco).

Le texte exclut ensuite du régime de déblocage les sommes placées dans des fonds solidaires. Les 2,6 milliards d'encours consacrés au financement des entreprises sociales et solidaires sont en effet indispensables à la pérennité de ces structures.

Le dernier garde-fou présent dans le texte initial concerne les conditions de déblocage des sommes affectées à l'actionnariat salarié. Si le déblocage des sommes investies sur des fonds monétaires ou diversifiés peut se faire, sans formalité préalable, sur simple demande du salarié, le déblocage des droits affectés à l'acquisition de titres de l'entreprise ou à l'acquisition de parts du fonds commun de placement d'entreprise (FCPE) d'actionnariat salarié est quant à lui conditionné à la signature d'un accord collectif afin de prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas fragiliser inutilement les fonds propres des entreprises concernées.

Ces précautions ont été considérablement renforcées par nos collègues députés à l'occasion de l'examen de la proposition de loi par l'Assemblée nationale.

A l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales, Richard Ferrand, l'Assemblée a en effet complété le dispositif initial en « fléchant » les sommes débloquées par les salariés vers l'achat de biens et de services.

Ce faisant, le texte de la proposition de loi vise à éviter que les sommes débloquées ne soient immédiatement redirigées vers des supports d'épargne alternatifs tels que les livrets défiscalisés dont les plafonds ont récemment été augmentés. Pour mémoire, l'Insee a estimé que 70 % des sommes liées à la participation ou à l'intéressement débloquées en 2004 ont été replacées sur des supports d'épargne plus liquides ou plus rémunérateurs.

Afin de limiter cet effet d'aubaine et, mécaniquement, de concentrer l'impact du dispositif sur la consommation des ménages, l'Assemblée a prévu une procédure de contrôle allégée imposant au salarié bénéficiaire de la mesure de tenir à la disposition de l'administration les pièces justificatives attestant de l'usage des sommes débloquées.

Ce mécanisme me paraît judicieux : il évite de décourager les salariés désireux de bénéficier du déblocage par un formalisme excessif tout en étant suffisamment conditionnel pour décourager les abus.

Nos collègues députés ont par ailleurs apporté d'autres modifications au texte dont la portée me semble plus limitée. Ils ont ainsi précisé les conditions de déblocage des sommes attribuées au titre de l'intéressement placées sur un plan d'épargne entreprise (PEE) mis en place à l'initiative de l'employeur, défini une période allant du 1er juillet au 31 décembre pour le déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement et prévu le dépôt, par le Gouvernement, d'un rapport réalisant le bilan de la mesure dans le délai d'un an après son adoption.

Cette dernière mesure nous permettra sans doute, et pour la première fois depuis vingt ans, de disposer dans les mois qui viennent de données fiables sur l'effet d'un tel déblocage.

En guise de conclusion, je souhaiterais indiquer que ce déblocage exceptionnel est une mesure circonstancielle qui appelle des réformes plus profondes de notre système d'épargne salariale.

A cet égard, Benoit Hamon, ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, a annoncé à l'occasion du débat sur le texte à l'Assemblée nationale l'installation prochaine du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat des salariés (Copiesas) institué par la loi du 3 décembre 2008.

Resté depuis sa création au stade de l'intention, ce conseil sera chargé de faire des propositions sur une réforme globale de l'épargne salariale. Ces réformes concerneront sans doute la simplification des dispositifs d'épargne salariale, l'élargissement du nombre de leurs bénéficiaires et la mobilisation des fonds qu'ils contiennent en faveur de l'investissement productif.

Dans l'attente de ces nouvelles échéances et compte tenu des préoccupations immédiates de nos concitoyens en matière de pouvoir d'achat, je vous propose d'approuver cette proposition de loi dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.

M. Dominique Watrin - Cette proposition de loi s'inscrit dans un contexte économique et social que personne n'ignore : la France est entrée en récession et le pouvoir d'achat de nos concitoyens accuse une baisse de 0,4 % en 2012.

Dans ce contexte, on peut s'interroger sur le choix d'une mesure de déblocage dont l'effet « à un coup » devrait rapidement se dissiper et dont l'efficacité peut être discutée. Pour mémoire, 70 % des sommes débloquées en 2004 ont été immédiatement réépargnées sans profiter à la consommation.

En inscrivant à l'ordre du jour une mesure visant à relancer la demande dans notre pays, le Gouvernement semble toutefois se rallier aux positions défendues par le groupe communiste républicain et citoyen en matière économique. Nous nous abstiendrons par conséquent sur ce texte en souhaitant que le Gouvernement oeuvre dans le sens d'une véritable relance salariale et rompe avec les politiques récessives menées jusqu'ici.

Mme Colette Giudicelli - Je me demande si le « fléchage » adopté par l'Assemblée nationale n'est pas trop restrictif. En ouvrant le dispositif aux salariés désireux de payer leurs dettes avec les sommes débloquées, peut-être permettrions nous à ceux-ci d'accéder aux logements sociaux.

Mme Catherine Procaccia - Dans la mesure où la participation et l'intéressement que j'ai pu accumuler en dix ans de carrière en entreprise se sont élevées à huit mille cinq cent euros, je trouve le plafond de 20 000 euros fixé par le texte assez élevé. Je souhaiterais donc connaître le pourcentage de salariés susceptibles d'atteindre ce seuil.

Je souhaiterais par ailleurs connaître les raisons justifiant le traitement particulier réservé aux entreprises du secteur social et solidaire par le biais de l'exclusion des fonds solidaires du champ de la mesure de déblocage.

Je suis enfin dubitative sur l'efficacité du mécanisme de contrôle introduit par l'Assemblée nationale.

Mme Chantal Jouanno - Mon groupe ne s'étant pas encore positionné sur cette proposition de loi, je m'exprime ici à titre personnel. Je voterai contre ce texte car je considère qu'une énième relance par la consommation n'aboutirait qu'à dégrader notre balance commerciale. Il me semble par ailleurs que cette mesure, en autorisant le déblocage anticipé d'une épargne de long terme souvent investie en actions, pourrait dangereusement fragiliser les fonds propres des entreprises.

Mme Isabelle Debré - Ma position constante sur le sujet me conduit à m'opposer fermement à l'adoption de cette mesure. Je crois d'ailleurs qu'une grande partie du groupe partage ma position.

Ma première remarque concerne la situation du Copiesas. Si je reconnais volontiers que la majorité précédente aurait dû se préoccuper de sa mise en place, je rappellerais cependant que le Gouvernement aura mis près d'un an avant de se saisir du dossier. Il aurait par ailleurs été préférable de mettre en place ce Conseil avant de proposer un déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement.

Ma deuxième remarque concerne la nature des sommes concernées par le déblocage. Je regrette en effet que le texte de la proposition de loi n'exclue pas du champ de la mesure les sommes affectées dans des fonds investis en actions, dont le déblocage risque de déstabiliser les fonds propres des entreprises.

Je proposerai enfin des amendements tendant à définir des modalités de contrôle bien plus réalistes et efficaces que celles introduites par nos collègues de l'Assemblée nationale. Le sort réservé à ces amendements nous conduira peut être à revoir notre vote en séance.

M. René-Paul Savary - Cette mesure s'apparente à du « détournement d'intention de fonds ». Elle va d'abord permettre aux salariés sachant gérer leur budget de profiter d'un effet d'aubaine en replaçant les sommes débloquées sur d'autres supports d'épargne. Elle va également accentuer les difficultés de nos concitoyens les plus dépensiers en leur assurant un afflux de liquidités qu'ils vont s'empresser d'utiliser pour l'acquisition de biens sans rapport avec leurs besoins. Cette mesure d'affichage n'est donc pas à la hauteur de la situation que connaît notre pays.

M. Jean-Noël Cardoux - Je dois avouer que la cohérence de l'action du Gouvernement m'échappe totalement.

D'une part, le « tripatouillage » de la participation, dont la fiscalité a été fortement augmentée à l'occasion du dernier PLFSS par le biais du relèvement du forfait social de 8 % à 20 %, dénature l'esprit d'origine de cet outil conçu par le général de Gaulle comme une voie médiane entre le capitalisme « sauvage » et l'appropriation des moyens de production par la collectivité.

D'autre part, je trouve paradoxal qu'un Gouvernement qui passe son temps à détricoter les mesures positives mises en place par le précédent Président de la République - heures supplémentaires, TVA anti délocalisation ... - soutienne l'adoption d'une mesure qui, sous la précédente législature, a fait la preuve de son inefficacité.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe -  Compte tenu des sommes en jeu et du nombre de salariés potentiellement concernés, une étude d'impact a-t-elle été réalisée sur ce texte ?

D'autre part, ne faudrait-il pas limiter l'utilisation des sommes débloquées à des dépenses d'investissement dans le bâtiment ou les travaux publics afin d'éviter l'achat des biens d'équipement importés de Chine ou ailleurs. Il y a là une réflexion à mener pour limiter les effets pervers de la mesure.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure - L'article R. 3324-22 du code du travail autorise déjà les salariés surendettés à débloquer de manière anticipée les droits constitués au titre de la participation.

Le plafond fixé par la proposition de loi vise à permettre aux salariés de réaliser des achats importants. Dans la mesure où le dispositif permet de débloquer l'ensemble des sommes attribuées au titre de la participation et de l'intéressement, quels que soient leur année de versement et l'exercice au titre duquel elles ont été attribuées, certains salariés devraient pouvoir débloquer les 20 000 euros fixés par le texte.

Les fonds solidaires ont été écartés du dispositif afin de ne pas déstabiliser les fonds propres des entreprises évoluant dans le champ social et solidaire. Le déblocage des sommes affectées à l'acquisition de titres de l'entreprise ou à l'acquisition de parts de FCPE d'actionnariat salarié est quant à lui conditionné à la signature d'un accord collectif.

Je rappelle que le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat des salariés a été créé en décembre 2008. Un certain nombre de ministres auraient donc pu le mettre en place depuis cette date.

Le ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation s'est quant à lui engagé à mettre en place ce Copiesas et à s'inspirer des conclusions de ses travaux dans le cadre d'un projet de loi sur l'épargne salariale.

L'exclusion des fonds investis en actions de la mesure de déblocage réduirait considérablement l'efficacité de la mesure. C'est pour cette raison qu'une telle exclusion n'a pas été retenue dans le texte de la proposition de loi.

Le dispositif de contrôle de l'utilisation des sommes débloquées prévu par le texte me paraît équilibré : sans être une usine à gaz, il devrait dissuader les salariés de débloquer des sommes pour les redéposer sur d'autres supports d'épargne.

S'agissant d'une proposition de loi, nous ne disposons pas d'une étude d'impact préalable. Le texte charge néanmoins le Gouvernement de réaliser un bilan de la mesure un an après son adoption.

En guise de conclusion, je m'étonne qu'un dispositif paraissant aussi mal adapté, aussi inutile, aussi dangereux pour les entreprises aux yeux de certains de nos collègues ait été utilisé si souvent par les gouvernements qu'ils soutenaient, sans les garde-fous prévus par le texte.

Mme Isabelle Debré - Je rappelle que les mesures de déblocage précédemment adoptées ne concernaient ni un plafond aussi élevé ni le dispositif d'intéressement. Par ailleurs, compte tenu des modalités de contrôle envisagées, les sommes débloquées pourront facilement se reporter vers de nouvelles formes d'épargne.

Dans la mesure où le Président de la République s'est prononcé en faveur d'une remise à plat du système participation, pourquoi prendre cette mesure de déblocage dans la précipitation sans attendre la mise en place du Copiesas ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure - La mesure concerne effectivement la participation et l'intéressement, ce qui était d'ailleurs déjà le cas en 2004. Ce choix est d'autant plus judicieux qu'il permet d'élargir le champ des salariés concernés par le dispositif.

Quant à la remise à plat du système de participation annoncé par le Président de la République, il a effectivement été confirmé par M. Benoit Hamon, ministre de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Annie David, présidente - Il n'y a pas d'amendement. Je vais donc mettre aux voix les articles 1er et 1er bis et l'ensemble de la proposition de loi.

Les articles 1er et 1er bis et la proposition de loi ne sont pas adoptés.

Mme Annie David, présidente - Compte-tenu de ce vote négatif, la discussion en séance publique portera sur le texte transmis par l'Assemblée nationale.

Accessibilité des personnes handicapées au logement, aux établissements recevant du public, aux transports, à la voirie et aux espaces publics - Présentation d'un rapport au Premier ministre

Mme Claire-Lise Campion. - Je vous remercie, madame la présidente, de me donner l'occasion de présenter devant notre commission le rapport sur l'accessibilité que j'ai remis au Premier ministre le 1er mars dernier.

Je tiens à saluer l'initiative de cette mission sur un sujet difficile, portant sur un enjeu sociétal lourd et suscitant nombre d'inquiétudes et d'attentes de la part des acteurs concernés.

L'accessibilité ne vise pas seulement les personnes handicapées ; elle bénéficie à chacun d'entre nous : personnes âgées, familles avec enfants, touristes étrangers... Elle contribue à l'amélioration de la qualité de la vie quotidienne, elle favorise un meilleur accès à la citoyenneté, elle constitue une chance pour l'ensemble de la société. Tous les types de handicaps sont concernés, pas uniquement le handicap moteur.

Comme Isabelle Debré et moi-même avons pu le constater l'année dernière à l'occasion de nos travaux pour la commission pour le contrôle de l'application des lois, le bilan de la loi « Handicap » du 11 février 2005 en matière d'accessibilité est très contrasté. Certes, les mentalités ont évolué mais la mise en oeuvre concrète des obligations posées par la loi s'avère difficile.

La date de 2015 ne sera pas respectée, ainsi que l'a publiquement reconnu la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, lors de la présentation, en septembre dernier, du rapport conjoint du Conseil général de l'environnement et du développement durable, de l'Inspection générale des affaires sociales et du Contrôle général économique et financier.

Il faut donc désormais se projeter au-delà de cette date symbolique et poursuivre la dynamique qui est en cours. L'heure n'est plus aux excuses, elle est à l'action en enjambant 2015.

La mission que j'ai conduite pendant quatre mois a procédé à 120 auditions et entendu 300 personnes, parmi lesquelles des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, des associations de personnes handicapées et des organismes professionnels des champs économiques concernés (transport, hôtellerie-restauration, commerce, tourisme, professions libérales, architectes, ingénieurs, etc.).

Le constat est celui d'une réelle inquiétude et d'une grande attente de la part des différents acteurs :

- pour les associations, la crainte est double : celle que rien ne soit entrepris par les pouvoirs publics puisqu'il est maintenant admis que l'échéance de 2015 ne sera pas respectée ; celle que des dérogations à la législation s'imposent comme seule solution au retard pris et aux difficultés rencontrées. Or telle n'est pas la volonté du Gouvernement ; le Premier ministre l'a clairement affirmé ;

- chez les collectivités territoriales, il existe une réelle volonté de mieux faire, mais les incidences budgétaires et les rigidités de la réglementation constituent des obstacles importants. Les difficultés sont particulièrement fortes en matière de transport interurbain et d'établissements scolaires ;

- pour les professionnels, il n'est pas question de remettre en cause les objectifs fixés, mais d'agir. Les secteurs du commerce et du bâtiment sont plus allants que ceux de l'hôtellerie-restauration. Dans le même temps, il est demandé des assouplissements de la réglementation.

La nécessité de rassurer s'impose non seulement face aux craintes de poursuites pénales pour non-respect des obligations légales, mais aussi face au risque de décevoir les personnes handicapées qui ont placé beaucoup d'espoir dans la loi de 2005.

Le rapport formule quarante propositions, dont la plus emblématique est la mise en place d'agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP). Il s'agit de documents de programmation et de financement qui seraient élaborés par les gestionnaires ou propriétaires des établissements recevant du public (ERP) publics ou privés en application d'un processus différencié selon la nature et la taille du maître d'ouvrage. Ils feraient l'objet d'un passage en commission départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA), puis d'une délibération. Leur durée de mise en oeuvre s'inscrirait dans une fourchette de l'ordre de trois ou quatre ans, pouvant être reconduite de deux ou trois ans.

Ce nouvel outil présente plusieurs avantages ; il constitue un acte d'engagement fort à poursuivre l'élan en cours ; il peut être élaboré rapidement, sans qu'il soit nécessaire de passer par la loi ; il est de nature à rassurer les associations puisque les objectifs fixés par la loi de 2005 restent les mêmes ; il offre une petite bouffée d'oxygène aux collectivités et aux entreprises en matière de délais et de financements. Par ailleurs, il a déjà été évoqué dans son principe par le Défenseur des droits dans son avis du 11 février dernier.

La réussite des agendas d'accessibilité programmée repose toutefois sur deux conditions : une impulsion politique forte tant sur le plan national que local, et un ajustement des règles qui, après application, se révèlent peu opérationnelles ou entraînent des coûts de mise en oeuvre excessifs.

Pour mobiliser les acteurs à tous les échelons, il importe tout d'abord de donner une dimension interministérielle au dossier de l'accessibilité. La réunion du comité interministériel du handicap (CIH) de juin prochain sera suivie d'annonces. Il convient ensuite de renforcer le rôle de « chef d'orchestre » du secrétariat du CIH, qui est placé auprès du Premier ministre et qui travaille en étroite collaboration avec le ministère. Enfin, de nouvelles missions doivent être confiées à l'observatoire interministériel de l'accessibilité et de la conception universelle (Obiaçu) : rôle de référent national et de centre ressources, évaluation des progrès accomplis et des obstacles rencontrés, soutien à la recherche et à l'innovation.

Quant à l'ajustement de la réglementation, il ne s'agit pas de procéder sous la forme de dérogations déguisées. L'objectif est de garder un socle de règles solides et d'engager, en s'appuyant sur le pragmatisme des exemples étrangers, une démarche concertée privilégiant la qualité d'usage.

Pour les professionnels, des ajustements seraient particulièrement bienvenus en matière de logement et de transport. Du côté des associations, les craintes sont bien sûr beaucoup plus fortes, mais les choses évoluent progressivement. Preuve en est la signature d'une charte entre les représentants de la profession d'architecte et quatre associations de personnes handicapées ou l'élaboration de fiches « regards croisés sur les dérogations » par la délégation ministérielle à l'accessibilité (DMA), les professionnels et les associations.

En contrepartie de ces ajustements, le rapport propose de rendre adaptables les constructions nouvelles et d'interdire à une assemblée de copropriété de revenir sur les travaux de mise en accessibilité effectués dans un logement ancien. Ces deux mesures devraient recevoir l'assentiment des associations.

Parallèlement, trois autres orientations sont préconisées pour mobiliser l'ensemble des acteurs : organiser des états régionaux afin de sensibiliser les collectivités territoriales et les professionnels sur la préparation des agendas d'accessibilité programmée ; octroyer le label grande cause nationale 2014 à l'accessibilité, soit un an avant l'échéance de 2015 ; l'adoption d'un plan d'ensemble pour assurer la formation de tous les acteurs (architectes, diagnostiqueurs, transporteurs, artisans, professionnels du bâtiment, etc.).

En conclusion, je souhaite insister sur la cohérence d'ensemble de ces propositions. La mesure-phare, les agendas d'accessibilité programmée, nécessite une réelle impulsion politique et l'ajustement de certaines règles. Celle-ci a d'ores et déjà été approuvée par l'Obiaçu, saisi pour avis sur le rapport.

La prochaine échéance sera la réunion du CIH en juin prochain et les annonces gouvernementales qui suivront.

Mme Annie David, présidente. - Je remercie Claire-Lise Campion pour la présentation de son rapport qui porte sur un sujet majeur, sur lequel notre commission s'est toujours beaucoup impliquée et qui nécessite d'être suivi régulièrement.

M. Georges Labazée. - J'approuve la proposition n° 10 du rapport consistant à prioriser les travaux de mise en accessibilité dans l'attribution des aides du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et les commerces (Fisac). Que constatons-nous en effet dans nos départements ? Des délais d'attente pour l'octroi des aides beaucoup trop longs et des modalités d'attribution guère transparentes depuis que les procédures ont été recentralisées.

La proposition n° 26 est d'inciter les petites ou moyennes communes à utiliser les ressources du fonds pour l'intégration des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) pour les travaux d'accessibilité lorsque ceux-ci concernent les bâtiments empruntés par les employés territoriaux et les visiteurs extérieurs. Afin d'éviter tout risque de complexité, pourquoi la dotation d'équipement des territoires ruraux (DTER) ne pourrait-elle pas se voir directement abondée par le FIPHFP ? Cela simplifierait les circuits de financement !

La proposition n° 31 porte sur l'accessibilité des transports dans les zones peu denses. Les transporteurs sont tenus d'appliquer la loi de 2005, donc de rendre accessibles leurs véhicules d'ici 2015. Or lorsque les collectivités territoriales lancent des appels d'offres en matière de transport interurbain ou scolaire, elles constatent que certains transporteurs ne sont pas aux normes et préfèrent ne pas soumissionner. Il faut les encourager à régulariser leur situation !

Mme Isabelle Debré. - Nous l'avons constaté l'année dernière avec Claire-Lise Campion, l'accessibilité est un sujet complexe car mêlant des aspects à la fois humains et financiers. S'agissant des logements privés, au nom de quoi un particulier ne pourrait-il pas revenir sur les travaux d'accessibilité réalisés antérieurement à l'acquisition de son logement ?

Mme Catherine Deroche. - Ce rapport va dans le bon sens. La qualité d'usage est une notion que j'ai défendue lors de la présentation par nos collègues du bilan d'application de la loi de 2005. Nous sommes assurément allés trop loin en matière de réglementation.

Au sujet de la proposition n° 13, qui porte sur la composition des sous-commissions d'accessibilité, j'ai pu constater, lorsque j'étais maire, que les représentants des communes étaient systématiquement convoqués par ces commissions même lorsque les travaux d'accessibilité entrepris dans leurs communes ne posaient aucune difficulté. Je ne sais pas si ce sujet a avancé depuis...

M. René-Paul Savary. - Je félicite Claire-Lise Campion pour ce rapport qui, enfin, propose une porte de sortie honorable à l'échéance de 2015. Les propositions qu'elle formule peuvent convenir aussi bien aux collectivités territoriales qu'aux associations.

La démarche de programmation me semble intéressante mais comment la mettre concrètement en application ?

S'agissant du transport interurbain et du ramassage scolaire, la loi de 2005 fait obligation aux transporteurs de mettre aux normes tous les véhicules. Or toutes les lignes, notamment en milieu rural, ne sont pas empruntées par des personnes handicapées. Le rapport préconise des ajustements à la réglementation ; c'est une bonne chose. Il faut en effet plus de pragmatisme dans l'application de la loi, d'autant que les charges pour les collectivités sont considérables voire insupportables.

M. Jean-François Husson. - J'ai cru comprendre que vous proposiez comme nouvelle échéance 2020 ; est-ce bien cela ?

Les objectifs fixés par la loi de 2005 ne doivent pas être abandonnés, mais réévalués au cours du temps. En outre, il me paraît nécessaire de contrôler les acteurs qui font preuve de mauvaise volonté.

Vous parlez d'accessibilité raisonnée pour les ERP, qu'entendez-vous par là ?

Pour ce qui est des territoires ruraux, la proposition n° 35 du rapport se rapporte à l'acte III de la décentralisation. Or celui-ci - et notamment son troisième volet - verra-t-il vraiment le jour ?

Enfin, se pose le problème des poursuites pénales. Une fois la date du 1er janvier 2015 passée, les juges ne se priveront pas de sanctionner ceux qui n'ont pas respecté les obligations légales.

M. Gérard Roche. - C'est un excellent rapport qui doit servir de base de travail pour faire avancer ce dossier de l'accessibilité.

Dans la conscience populaire, il est communément admis qu'il vaut mieux être handicapé à la campagne qu'en ville ; ce n'est pas vrai ! Les personnes handicapées vivant à la campagne sont confrontées à une très grande solitude car la solidarité familiale ne joue plus.

Si les communes ne procèdent pas aux aménagements nécessaires, c'est par manque de moyens financiers. Les crédits du Fisac ne leur bénéficient plus car ils ont été centralisés ; il faut redépartementaliser leur attribution.

M. Georges Labazée. - Je vous soumets une proposition concernant l'accessibilité des logements. De même qu'il est procédé à différents diagnostics techniques (risque d'exposition au plomb, à l'amiante, diagnostic énergétique...) lors de la vente d'un logement, ne pourrait-on pas, à terme, en imaginer un sur l'accessibilité ?

Mme Claire-Lise Campion. - Je partage les remarques de mes collègues sur les conditions d'attribution des aides du Fisac ; celles-ci méritent d'être clarifiées et ciblées sur l'accessibilité.

La proposition de Georges Labazée sur un possible diagnostic accessibilité des logements a le mérite d'avoir été formulée !

Sur l'accessibilité des transports, il est vrai que les difficultés sont plus grandes en milieu rural. Il faut sans doute mener un travail spécifique en partenariat avec l'assemblée des départements de France (ADF) pour mieux prendre en compte les réalités de terrain et procéder à une analyse plus fine des besoins. En revanche, il est inacceptable que des véhicules sortis d'usine soient inadaptés !

En matière de logement privé, je crois préférable de prendre les devants en rendant adaptables les logements dès le stade de leur construction, d'autant qu'il faut aussi anticiper les problèmes liés au vieillissement.

Plus globalement, la qualité d'usage me semble être une notion intéressante pour progresser. De même, je suis convaincue que les agendas d'accessibilité programmée sont un outil d'amélioration. En revanche, je n'ai en aucun cas proposé de repousser l'échéance à 2020 !

M. Gilbert Barbier. - Je ne comprends pas bien comment l'éventuelle mise en place de ces agendas permettra d'éviter les sanctions pénales pour non-respect des obligations posées par la loi de 2005 ?

Mme Claire-Lise Campion. - Bien sûr, la loi de 2005 s'applique, y compris les dispositions relatives aux sanctions pénales. Le risque existera donc à compter du 1er janvier 2015. Il faudra sans doute introduire des modifications dans la loi pour le neutraliser. Sur cette question, nous sommes en attente des conclusions de la prochaine réunion du CIH.

Mme Annie David, présidente. - Cette éventualité nécessitera peut-être que l'on aménage la loi « Handicap », mais en faisant attention à ne pas remettre en cause 2015, au risque sinon d'envoyer un très mauvais signal.

Mme Claire-Lise Campion. - La date de 2015 doit impérativement être maintenue. J'ai en revanche proposé que la mise en oeuvre des agendas d'accessibilité programmée soit étalée sur trois ou quatre ans.

Mme Annie David, présidente. - En tout état de cause, la dynamique actuelle ne doit pas être enrayée en reportant 2015. Ceux qui ont fait des efforts pour se mettre aux normes ne doivent pas être pénalisés. Ce rapport va permettre d'enclencher une nouvelle étape.

M. Georges Labazée. - Je constate que les travaux de mise en accessibilité s'accélèrent dans les collectivités depuis quelque temps.

Mme Annie David, présidente. - Il faut en effet un certain laps de temps pour que les projets décidés hier voient le jour sur le terrain. Ce qui est inadmissible, ce sont les projets présentés aujourd'hui et qui laissent de côté la question de l'accessibilité aux personnes handicapées !

Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat

La commission désigne Mme Christiane Kammermann, candidate appelée à siéger au sein de la commission permanente pour l'emploi et la formation professionnelle des Français de l'étranger.

Troisième plan autisme (2013-2017) - Audition de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, sur le troisième plan autisme (2013-2017).

Mme Annie David, présidente. - Nous accueillons Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, pour nous présenter le troisième plan autisme, qui couvrira les années 2013 à 2017 et qui a été rendu public le 2 mai dernier.

La prise en charge de l'autisme constitue une préoccupation forte de notre commission. Même si des progrès ont été accomplis en termes de diagnostic et d'accompagnement depuis la reconnaissance, en 1995, de l'autisme comme handicap, les attentes des familles demeurent immenses et l'annonce d'un troisième plan, en juillet dernier, a suscité beaucoup d'espoir.

Les cinq axes du plan - le diagnostic précoce, l'accompagnement tout au long de la vie, le soutien aux familles, l'effort de recherche et la formation des professionnels -correspondent aux priorités que nous avions identifiées à l'occasion du colloque sur l'autisme qui s'est tenu au Sénat, sous l'égide de notre commission, le 6 décembre dernier et au cours duquel, madame la ministre, vous êtes intervenue.

Certaines associations ont néanmoins fait part de leur déception ou de leur inquiétude quant aux mesures annoncées et aux moyens présentés. Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter les éclairages et les précisions de nature à répondre à ces interrogations ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. - Je suis ravie de présenter ce troisième plan devant votre commission. Je connais votre engagement sur ce sujet, j'ai pu l'apprécier lors du colloque qui s'est tenu le 6 décembre dernier au Sénat.

Ce plan est le fruit d'une large concertation. Notre pays souffre d'un retard important dans l'accompagnement des personnes autistes, notamment en matière de dépistage précoce et de prise en charge. Je n'ai pu rendre public le plan que le 2 mai et non le 2 avril, journée mondiale de l'autisme, car j'attendais les ultimes arbitrages budgétaires. Je remercie les nombreux parlementaires qui sont intervenus pour que je les obtienne.

Ce plan avait été prévu par le gouvernement précédent et je l'ai trouvé dans les tiroirs à mon arrivée. J'ai d'abord souhaité dresser un état des lieux et reprendre la réflexion car le nouveau plan avait à mon sens été annoncé un peu trop vite et risquait de trop ressembler au précédent. Comme j'ai eu l'occasion de le dire à Valérie Létard, et j'aurais pu faire de même auprès de Roselyne Bachelot, dans sa dernière version, le plan généralise des expériences qui avaient été lancées dans le 2e plan, mais il va plus loin, ce qui est normal.

J'ai pu constater le désarroi des familles et des proches, j'ai rencontré des professionnels démunis, faute de moyens, face à cette maladie déroutante qui suscite bien des passions et ne laisse personne indifférent. Le Gouvernement entend répondre à la détresse de ces personnes et à l'exigence de solidarité. Il s'agit de redonner espoir et réconfort. Ce plan mobilise 205,5 millions d'euros, soit 18 millions de plus que le précédent : c'est un effort considérable. Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) en constitueront la ligne directrice. Je souhaite mettre fin à la stigmatisation des familles, due à l'incompréhension. Je ne condamne aucune approche. La guerre entre partisans de la psychanalyse et partisans des méthodes comportementale et développementale doit cesser, même si les secondes seront privilégiées en application des recommandations de la HAS. Tous les leviers seront mis en oeuvre pour les appliquer.

Ce plan se décline en cinq axes. Le premier concerne le développement du diagnostic précoce, dès l'âge de dix-huit mois afin de donner une chance à certains enfants de mieux s'intégrer dans la société. Notre retard est considérable.

Un premier réseau d'alerte aura pour mission de détecter les premiers troubles. Il mobilisera les acteurs de la petite enfance, la médecine de ville, les services de la protection maternelle et infantile des départements. La formation initiale sera renforcée ainsi que la formation continue grâce à un module spécialisé. Tout le monde ne deviendra pas un spécialiste de l'autisme mais tout le monde saura en percevoir les signes. Le carnet de santé sera réformé : à partir du 1er janvier 2015, il comportera des cases pour le repérage de l'autisme.

Un réseau de diagnostic simple sera installé autour des centres d'action médico-sociale précoce (Camsp). Et 310 postes seront créés dans les structures qui mettront en oeuvre des diagnostics précoces conformément aux recommandations de la HAS. Le personnel sera formé et le réseau doté de 14 millions d'euros supplémentaires pour financer les créations.

Un troisième réseau, de diagnostic complexe, associera les centres ressource autisme (CRA) et au moins une équipe experte d'un CHU. Il y aura un centre par région. Une enveloppe supplémentaire de 3 millions d'euros sera affectée aux CRA. Certains fonctionnent déjà selon des méthodes ouvertes et modernes. Un comité des usagers sera créé au sein de chaque CRA, où siègeront les familles : cela ne plaira pas à tout le monde mais c'est une garantie du respect des bonnes pratiques et de la loi de 2005.

Ce dispositif sera complété par un réseau de prise en charge précoce et intensive. Des pôles régionaux d'intervention très précoces regrouperont des Camsp rénovés et renforcés et de nouveaux services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) dédiés, qui bénéficieront de l'ouverture de 300 places nouvelles soit un budget de 9 millions d'euros, tandis que 3 millions seront consacrés à la création de quarante nouveaux postes de médecins chefs en Camsp. Au sein des écoles maternelles, des unités d'enseignement associeront enseignants et unités médico-sociales : une unité par académie dès la rentrée prochaine, avec l'objectif d'en créer une par département d'ici à cinq ans. L'effort est considérable : 700 places seront créées sur la durée du plan, grâce au concours de l'Education nationale, soit un budget annuel supplémentaire de 34 millions d'euros consacré à l'accueil des enfants en maternelle, car il faut financer les interventions des équipes médico-sociales.

Le deuxième axe est le renforcement de l'accompagnement tout au long de la vie. Faute d'un tel accompagnement, les familles qui financièrement peuvent l'assumer placent leurs enfants dans des structures à l'étranger. Pour les autres, une inégalité sociale s'ajoute au handicap. Ce sont 550 nouvelles places qui seront ouvertes en Sessad pour favoriser la scolarisation en milieu ordinaire après la maternelle, pour un coût de 16,5 millions d'euros.

Pour les adultes, il s'agit d'éviter les solutions non pertinentes, maintien dans des structures pour enfants ou hôpital psychiatrique. Au total, 1 500 places seront créées : 500 dans des maisons d'accueil spécialisées (MAS) et 1 000 dans des foyers d'accueil médicalisés (FAM). Le diagnostic des adultes pris en charge en psychiatrie et dans des établissements spécialisés ainsi que celui des personnes accompagnées à domicile sera généralisé. Les collectivités territoriales participeront au dispositif.

Les structures existantes seront renforcées et transformées : 800 postes seront créés, pour un budget de 41 millions, au sein des établissements médico-sociaux, en contrepartie d'engagements contractuels précis respectant les préconisations de l'HAS.

Le troisième axe est consacré à l'aide aux familles, fortement éprouvées, souvent seules pour prendre en charge leurs enfants. Elles réclament des structures de répit, où placer leur enfant à titre temporaire, le temps de se reposer. Il en existe quarante seulement aujourd'hui, nous en créerons 300, pour une dépense supplémentaire de 14 millions. Nous renforçons également le réseau des CRA, en assurant l'harmonisation des pratiques dans le sens des préconisations de la HAS et en associant les usagers. L'Association nationale des CRA (Ancra) sera chargée d'un site internet dédié à l'autisme, qui centralisera les informations, nombre de places libres dans les diverses structures, point de la recherche, etc. Elle pilotera, en partenariat avec les associations et conformément à un cahier des charges, la formation des aidants familiaux. Un million d'euros y sera consacré. Les CRA renouvelés constitueront le pivot de l'accueil et de l'aide aux parents.

Le quatrième axe est le développement de la recherche. En partenariat avec Genevière Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, des pistes prioritaires de recherche ont été dégagées : recherches sur les origines et les mécanismes de l'autisme, renforcement des capacités de diagnostic précoce, évaluation des traitements, inclusion sociale, troubles de l'attention, de l'apprentissage, du langage.

Enfin le dernier axe concerne la formation. Tout d'abord, une attention particulière sera portée à la formation des professionnels de santé avec l'introduction de modules de formation dans les cursus de formation initiale des médecins. Ceux-ci sont en cours de finalisation par les ministères de la santé et de l'enseignement supérieur. Un plan national de formation continue des personnels en exercice à domicile ou en établissements médico-sociaux a été également élaboré, en partenariat avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et avec les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ; 5 000 professionnels seront formés pour un coût supplémentaire d'un million d'euros. Les associations souhaitent que nous avancions vite dans la formation, la réussite de l'ensemble du plan en dépend. La communauté éducative ne sera pas oubliée : la formation initiale inclura un module sur les troubles cognitifs et comportementaux, afin que les enseignants sachent comment réagir, et sur le travail en partenariat afin de renforcer l'efficacité du réseau d'alerte.

Ainsi, ce plan est ambitieux. Il ne pourra à lui seul combler un retard de quarante ans. Mais il tourne la page d'une période de mainmise éhontée de la psychanalyse sur l'autisme. Je le dis sans passion car je ne veux pas rallumer la guerre.

Nous tiendrons - et au-delà - les engagements pris dans le deuxième plan, dont l'exécution n'est pas terminée. Les appels d'offre ont été lancés et la demande est plus forte que prévue. Il restera 1 170 places à créer, soit une dépense de 26 millions supplémentaires, ce qui porte l'effort total à 231,5 millions.

Un mot sur la gouvernance. J'assurerai le pilotage du plan au niveau national. Le secrétariat général du comité interministériel pour le handicap sera chargé du suivi technique, une personne étant affectée spécifiquement au suivi du plan autisme. Les associations et les familles seront associées. Un comité de suivi, issu du groupe ad hoc de concertation créé pour l'élaboration de ce troisième plan, rassemblant des parlementaires, des techniciens, des représentants des familles, se réunira tous les trimestres. Le comité national de l'autisme se réunira régulièrement. Le conseil national consultatif des personnes handicapées dressera un bilan de l'exécution du plan chaque année.

Au niveau local, le plan sera décliné par les agences régionales de santé (ARS) : chaque agence en assurera le suivi en concertation avec les instances existantes. Un plan d'action régional pour l'autisme sera élaboré, en cohérence avec les autres schémas régionaux ; y seront associées les familles et les collectivités territoriales. Je rencontrerai demain les directeurs des ARS et leur donnerai mes consignes. A vous ensuite de voir, concrètement, si vous obtenez les informations auprès d'elles. J'attendrai vos observations pour apprécier l'efficacité du plan et évaluer le degré d'association des collectivités.

Je suis à votre disposition, si le Parlement exige tous les ans un bilan du plan, notre action sera stimulée. Ce plan me tient à coeur. Les associations veulent aller plus loin, c'est normal, mais elles apprécient que ce plan tourne enfin une page et mette en oeuvre les préconisations de la HAS.

Mme Annie David, présidente. - Ce sujet nous tient tous à coeur.

M. Georges Labazée. - Qu'attendez-vous des conseils généraux, déjà responsables des schémas départementaux d'autonomie des personnes en situation de handicap, dans la mise en oeuvre de ce plan, bien que la prise en charge de l'autisme ne relève pas strictement de leurs compétences ?

Mme Claire-Lise Campion. - Madame la ministre, je salue ce plan ambitieux qui répondra à de nombreuses attentes des familles. Ses cinq axes témoignent que vous les avez écoutées. Les familles, parfois obligées de se tourner vers l'étranger, sont, en effet, les plus compétentes sur le sujet. Nous devons rattraper un retard de quarante ans.

L'effort budgétaire est à la hauteur des objectifs, tout en permettant de financer les engagements du plan précédent : 1 170 places à créer, ce n'est pas rien.

Tout le monde est conscient de l'importance du diagnostic précoce. Je salue également le choix de tenir compte des recommandations de la HAS et de s'appuyer sur des approches diversifiées, fondées sur les méthodes comportementale et développementale, et non plus simplement l'approche psychanalytique. Pendant des années les familles, et notamment les mères, ont été stigmatisées et en ont souffert.

La formation est très attendue par les professionnels médicaux et médico-sociaux : les médecins la réclament car ils sont démunis quand ils reçoivent des parents avec leur enfant autiste.

Merci pour votre engagement et votre volonté de mettre en place des moyens adaptés aux attentes.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Je salue votre fougue, madame la ministre. L'autisme est toutefois mal connu. Il sera difficile de former les professionnels.

Un enfant sur 150 naît autiste ou avec des troubles envahissants du développement. C'est considérable, au point que l'on doute du chiffre !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. - C'est pourtant celui donné par la HAS.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Personne ne sait quels traitements mettre en place. Les enfants souffrent et les familles sont désemparées. Je soutiens votre plan, même s'il est coûteux. Les parlementaires vous aideront.

M. René-Paul Savary. - Pardonnez cette préoccupation terre à terre, mais président du conseil général de la Marne, j'ai créé un établissement par an, dans le cadre du schéma départemental pour l'autonomie des personnes handicapées. Cela représente, pour quarante places nouvelles, un budget supplémentaire de 1,2 million d'euros par an, partiellement pris en charge par la sécurité sociale au titre du forfait de soins. Mais deux ans après l'ouverture des établissements, l'ARS annonce qu'elle n'a plus les moyens de continuer à payer le même niveau de forfait.

Les départements sont en difficulté, ils ne pourront hélas pas vous accompagner au niveau que vous espérez : ils contribuent déjà à financer les Camsp, les foyers d'accueil médicalisés (FAM), les foyers de vie, les Sessad, les services d'accompagnement médico-social de personnes adultes handicapées (Samsah), etc. Vous êtes-vous battue pour que de nouveaux financements soient versés aux collectivités territoriales au titre de la lutte contre les discriminations ?

L'Inspection générale des affaires sociales (Igas), dans son rapport, préconise de simplifier les financements : les Camsp comme les FAM devraient être financés en totalité par l'Etat, afin que les départements se concentrent sur l'action médico-sociale, celle qu'ils maîtrisent le mieux. Qu'en pensez-vous ?

En outre, l'échelon régional n'est pas le plus pertinent pour mener des actions médico-sociales, même s'il l'est davantage pour mener une politique sanitaire grâce aux CHU.

Vous avez évoqué la Belgique. En Haute-Marne, nous sommes à quelques encablures de ce pays : soixante-dix personnes handicapées originaires de chez nous sont accueillies là-bas. Il m'a d'abord semblé pertinent de créer deux établissements de quarante personnes dans mon département pour les héberger tout en créant des emplois sur place. Toutefois, en Belgique, la psychiatrie est fondée sur une approche généraliste, à la différence de la France, où prévaut une approche spécialisée par handicap. C'est bien pourquoi les familles ne souhaitaient pas un retour en France : nous ne savons pas prendre en charge le polyhandicap et n'avons pas de solutions adéquates à offrir.

Enfin plaidez, lors de l'acte III de la décentralisation, pour l'intégration des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) aux services des départements : les coûts seront rationalisés et les moyens dégagés nous rendrons plus efficaces à vos côtés.

Mme Michelle Meunier. - Je salue ce plan général, ambitieux et cohérent, du diagnostic jusqu'au soutien des familles et la formation. Les personnes devront être formées au repérage des signes d'alerte. Les assistantes maternelles, les professionnels de la petite enfance sont formés à l'observation. Leurs remarques avisées pourront être intégrées aux diagnostics.

Ce plan met fin à la mainmise de la psychiatrie, mais les MDPH pourront-elles aider, grâce à l'allocation compensatrice aux personnes handicapées, les familles qui recourent à des méthodes comportementales ? Certains départements sont très réticents car ces structures ne sont pas reconnues.

Depuis l'annonce du plan, les psychiatres et les pédopsychiatres sont inquiets. Pourtant ce plan ne leur retire aucune compétence et vise simplement à encourager les méthodes comportementales.

M. Jacky Le Menn. - La gouvernance de ce plan, excellent au demeurant, est très complexe. Son aspect interministériel complique les choses.

Quelle sera l'articulation entre le plan d'action régional pour l'autisme, les projets régionaux de santé et les schémas d'organisation médico-sociaux ? Ce plan se fondra-t-il dans le plan global ? Les spécificités locales seront-elles reconnues ? Les MDPH opèrent dans le cadre du département. Quelle sera l'articulation entre les niveaux régional et départemental, national et régional ? Comment seront réalisés les arbitrages financiers ?

Mme Annie David, président. - Les places supplémentaires que vous évoquez seront-elles accompagnées de créations de postes ?

Autre question, qui touche au débat en cours sur la refondation de l'école, vous avez évoqué la création d'une unité d'enseignement en maternelle par académie puis une par département, avec la participation de l'éducation nationale. Concrètement, comment fonctionneront ces unités ? Seront-elles des lieux d'accueil des enfants ? Des équipes de professionnels se déplaceront-elles pour intervenir dans les divers établissements ? Avec Claire-Lise Campion, nous interrogerons Vincent Peillon à ce sujet en séance.

Enfin, ce troisième plan autisme, avez-vous dit, tourne une page. Nous avions senti les tensions entre différentes écoles et méthodes, lors de notre colloque. Envisagez-vous le maintien des structures expérimentales qui donnent satisfaction aux parents, voire leur transformation en structures définitives ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre. - Madame la présidente, des places seront créées dans les structures existantes afin de les renforcer. A celles-ci, s'ajouteront celles prévues dans le deuxième plan autisme ainsi que les 1 500 places pour les adultes décidées dans ce troisième plan. Qui dit création de places, dit créations de postes et celles-ci sont bien sûr prévues dans le budget global.

Les unités d'enseignement en maternelle - nous ouvrirons 700 places - correspondent à de toutes petites classes au sein de l'école, où des enfants autistes seront pris en charge par une équipe médico-sociale qui viendra en appui d'un enseignant de droit commun. Dès la rentrée 2014, une unité sera mise en place par académie, soit une trentaine au total. Cela est acté avec Vincent Peillon.

Les expérimentations, qui était au nombre de vingt-trois à vingt-cinq dans le précédent plan, seront généralisées, après expertise : voilà l'objectif.

Madame Meunier, si les pédopsychiatres et les psychanalystes sont inquiets, ils ont peut-être raison : nous ne leur retirons rien, dites-vous... Sauf le monopole qu'ils détiennent aujourd'hui, et c'est déjà beaucoup. Du reste, certains sont ouverts au travail en commun ; M. Marcel Rufo, que j'ai rencontré lors d'un colloque, est désormais partant.

Madame Bruguière, oui, un nouveau-né sur 150 est concerné par l'autisme, le chiffre est donné par la HAS. A dire vrai, nous connaissons mal la réalité du phénomène. Notre pays compterait 150 000 à 600 000 autistes, dont 75 000 diagnostiqués et seulement 13 000 pris en charge dans des structures dédiées. D'après l'Igas, 60 000 à 65 000 adultes hospitalisés dans des établissements psychiatriques pour des longs séjours seraient des autistes ; c'est exorbitant et, donc, troublant.

Madame Campion, la formation à l'autisme, effectivement, ne sera pas une mince affaire. Lors du premier comité de suivi en juin, une équipe de projet sera désignée pour revoir le cahier des charges des formations initiale et continue ainsi que celui du triptyque : repérage, dépistage et intervention. L'objet est, non de privilégier une approche, mais d'offrir un panel de méthodes, depuis Teacch, en passant par Denver, ABA jusqu'à PECS. De fait, ABA convient aux enfants de trois à quatre ans qui n'oralisent pas encore ; ensuite, il faut passer à autre chose. Les référentiels métiers pour les travailleurs sociaux seront bâtis en coopération avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les OPCA. Des modules seront mis en place dès le deuxième semestre 2014. Pas de formations complémentaires dédiées aux professionnels en exercice sans remplaçants dans les établissements. Nous y pourvoirons et quelque 800 personnes bénéficieront ainsi de ce programme qui sera organisé par la CNSA dès la fin de l'année 2013.

Concernant le repérage et le diagnostic, un sujet sur lequel nous sommes très attendus par les associations, seuls des psychanalystes intervenaient dans les Camsp, quoique celui de Gonesse, que nous avons visité, mène déjà un travail pluridisciplinaire remarquable en lien avec l'éducation nationale et les services de la PMI. Une enveloppe d'un million d'euros, par redéploiement, servira à financer le développement des outils ADI et ADOS et la formation de 1 000 praticiens de proximité. Les CRA sont embolisés : il faut attendre plus d'un an pour un diagnostic. Un rétro-planning est prévu ; il faut mettre en mouvement le ministère et les ARS afin de s'assurer d'avoir des formateurs en nombre suffisant : c'est le grand défi.

Madame Meunier, ce plan n'a pas pour but d'organiser le parcours privé de la personne dans le cadre de la prestation de compensation du handicap (PCH) ; nous avons voulu réformer les structures d'accueil collectives. C'est un autre problème.

Aux présidents de conseil général qui se sont exprimés, MM. Labazée et Savary, je veux dire qu'il n'est pas question de recentraliser les foyers d'accueil médicalisés (FAM) et les Camsp. En revanche, nous envisageons une réforme de la tarification dans les FAM, comme dans tous les établissements d'ailleurs, dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP). Je vous donnerai davantage d'informations quand nous y verrons plus clair. L'acte III de la décentralisation devait être l'occasion, à mon sens, d'aller jusqu'au bout sur les MDPH ; les associations considérant ce projet d'un très mauvais oeil, j'ai dû faire marche arrière. La réforme ayant été divisée en trois parties, cela nous laissera du temps pour les convaincre et expliquer aux départements qu'ils y gagneront en marges de manoeuvre et en économies. Il y a là des enjeux de pouvoir...

M. René-Paul Savary. - Laissez le choix aux départements et faites-en une compétence optionnelle. Quant aux grandes associations nationales, rappelez-leur qu'elles ont des déclinaisons locales qui négocieront avec les conseils généraux.

M. Georges Labazée. - C'est vrai : toutes les grandes fédérations ont des déclinaisons locales !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre. - Dans mon département des Bouches-du-Rhône, nous avons de très bonnes relations avec les associations ; nous avons créé ensemble « Parcours ». La situation est très différente au niveau national, les têtes de réseau craignant de perdre du pouvoir.

M. Georges Labazée. - Dans les Pyrénées-Atlantiques, le département rémunère deux chargés de mission pour effectuer un travail de repérage dans les PMI et les maternelles : pourtant le département n'exerce pas de compétence sur l'autisme.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre. - Ne vous inquiétez pas, je sais que la politique ne se mène pas uniquement au niveau central, que nos territoires sont riches et ont des propositions à faire, et que la proximité est toujours un plus. Mais ce n'est pas le moment d'ouvrir cette discussion.

Nous devons régler la question de la prise en charge des personnes placées dans un établissement étranger. L'assurance maladie le rembourse très bien, au point que des réseaux commerciaux sont apparus pour créer et exploiter des « boîtes à Français ». Lors du conseil des ministres de ce matin, j'ai présenté un projet de ratification d'un accord-cadre avec la Wallonie. Nous devons mieux connaître les conditions d'accueil des autistes là-bas. Et puis, sans être protectionniste, créons des emplois chez nous, pour nous occuper des autistes plutôt que de les envoyer ailleurs ! Cela dit, l'accord-cadre ne couvre pas les adultes polyhandicapés, ni les enfants scolarisés handicapés. Trois familles dans mon département des Bouches-du-Rhône, pourtant très éloigné de la Belgique, y ont envoyé leur enfant. Hélas, parents et enfants ne doivent pas se voir souvent.

Les ARS, et je ne suis pas l'auteur de cette réforme, sont régionales. Les conseils généraux doivent être présents dans la déclinaison territoriale. Il faudra veiller au rééquilibrage des places, les situations sont très différentes d'un département à l'autre.

M. René-Paul Savary. - Exact !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre. - Vous devez être partie prenante du rattrapage des 1 000 et quelque places. J'espère votre participation financière ; ne hurlez pas, elle sera question de votre volonté politique et de votre capacité financière, bien entendu. L'ADF ne s'y oppose pas. Le cadre restera inchangé : 20 % pour les Camsp et 60 % pour les FAM.

La gouvernance nationale, sous l'autorité du ministère, sera assurée par un comité de suivi qui réunira tous les trimestres associations, parlementaires et administrations pilotes des trente-sept mesures du plan. Il établira le planning du trimestre à venir et s'assurera que les actions prévues ont été engagées. Au niveau régional, l'ARS, en lien avec les associations comme le veut la loi HPST, devra établir un plan régional en septembre. Cela alimentera la réforme de l'existant organisée par la CNSA, qui s'appuiera également sur les listes d'attente dans les régions. A partir de là, nous phaserons les créations de places dans les foyers d'accueil médicalisés et les services d'accompagnement médico-social de personnes adultes handicapées.

M. Jacky Le Menn. - Les arbitrages seront-ils rendus par la CNSA ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre. - La répartition se fera de manière mécanique en fonction de critères...

M. René-Paul Savary. - C'est le Priac qu'il faut changer ! Le programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie aboutit à un nivellement par le bas ; les conseils généraux en avance, et il y en a toujours, sont pénalisés. Départementalisons la réflexion.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre. - Bonne idée !

M. René-Paul Savary. - Ce sera d'autant plus facile que ce n'est pas vous qui avez créé le Priac... La même logique vaut pour les crédits de la CNSA : revenons à l'objectif initial, c'est-à-dire à la prise en charge de la dépendance. Après un rapide calcul, les créations de place coûteront environ 180 à 200 millions chaque année, puisque le ratio entre accompagnant et accompagné est compris entre 0,8 et 1.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre. - Je me suis sans doute mal exprimée : nous prévoyons 205,5 millions de dépenses supplémentaires annuelles sur l'Ondam, dont 195 millions sur l'Ondam médico-social. Une place en foyer d'accueil médicalisé coûtera environ 80 000 euros, mais à partir de 2017, car lancer les appels d'offre, entre autres, prend du temps. Ce plan n'aurait pu être élaboré sans l'aide de la CNSA, qui s'est énormément engagée.

M. René-Paul Savary. - Espérons que la caisse ne prendra pas sur les autres enveloppes et, en particulier, celle des départements.

Mme Annie David, présidente. - Merci, madame la ministre, pour ces compléments d'information utiles.