Mardi 10 avril 2012

- Présidence de M. Didier Boulaud, vice-président -

Evénements au Mali - Audition de M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération

M. Didier Boulaud, président - Je vous prie de bien vouloir excuser le président Carrère qui aurait souhaité être parmi nous. Il a malheureusement eu un contretemps avec son avion en provenance de Pau. Je vous remercie de revenir pour la deuxième fois devant notre commission pour faire le point sur la situation au Nord-Mali et à Bamako. Nous vous avions demandé le 21 février dernier d'exposer la position française devant une situation qui nous paraissait particulièrement préoccupante.

A l'époque, le président Amadou Toumani Touré, dit ATT, était au pouvoir, les élections au Mali étaient prévues pour le 29 avril, la rébellion touarègue ne maîtrisait qu'un tiers du Nord-Mali. Nous étions alors préoccupés par les conséquences de la rébellion sur l'intégrité territoriale du pays et sur le respect du calendrier électoral. Dans la communication à la commission que nous avions faite avec mon collègue Gournac à la suite d'un certain nombre d'auditions dont celle d'un représentant du MNLA, nous avions même évoqué les risques de coup d'état. Malheureusement, la suite a prouvé que nos inquiétudes étaient fondées.

Aujourd'hui la rébellion touarègue menée par le MNLA, secondée par le mouvement islamiste Ansar Dine ainsi que par des forces liées à AQMI, maîtrise l'intégralité du Nord-Mali, c'est-à-dire un territoire aussi grand que la France. Le MNLA a même déclaré unilatéralement l'indépendance de l'Azawad.

Dans le même temps, comme vous le savez, une junte militaire menée par le capitaine Sagono a renversé le pouvoir le 22 mars dernier.

La situation évolue très rapidement puisque ce week-end le plan de transition proposé par la CEDEAO a été accepté par la junte. Il prévoit le rétablissement de l'ordre constitutionnel. Le Président ATT aurait officiellement démissionné dimanche, et a été remplacé par la présidence intérimaire du président de l'Assemblée nationale, M. Dioncounda Traoré. Les sanctions de la CEDEAO ont été levées. Dans le même temps la présidence du conseil de sécurité de l'ONU a souligné sa profonde inquiétude à propos de « la menace terroriste grandissante dans le nord du Mali due à la présence parmi les rebelles de membres d'Al-Qaïda », et une condamnation ferme « de toute violence et pillage, y compris contre des travailleurs humanitaires, et le rapt de diplomates algériens à Gao ».

Dans cette situation, Monsieur le Ministre, nous souhaiterions savoir quels sont, pour la France, les scénarios de sortie de crise, car le rétablissement de l'ordre constitutionnel est une première étape. Reste la question du Nord-Mali et celle de l'organisation des élections.

Nous avons évidemment beaucoup d'interrogations. Quel est le bilan du coup d'état ? Quelle est la situation au Nord-Mali ? Quel est le poids respectif des islamistes et des forces touarègues traditionnelles ? On parle de 2 000 combattants pour le MNLA, de 150 pour Ansar Eddine et de 500 pour AQMI. A-t-on des nouvelles de nos otages ? Quelle peut être la contribution d'une force militaire de la CEDEAO ? La reprise par les armes du Nord-Mali est-elle un objectif pertinent ? Quelles sont les conséquences de la situation sur la stabilité du Niger et de la Mauritanie ? Quelle est la situation sécuritaire pour nos ressortissants ? Peut-on imaginer que des forces françaises interviennent au Mali ? Voilà les premières questions auxquelles nous souhaiterions que vous apportiez une réponse.

M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération - C'est toujours un plaisir de venir devant une commission qui suit aussi attentivement ces dossiers qui sont le quotidien du ministre de la coopération. Nous avions des inquiétudes. Nous étions en contact permanent avec le président ATT. Mais tout le monde a été surpris par la transformation très rapide de cette mutinerie en coup d'Etat. La junte menée par le capitaine Sanogo n'a pas semblé elle-même savoir comment gérer une prise du pouvoir aussi rapide, qui a suscité, il est vrai, une condamnation unanime de la communauté internationale. Je dois souligner que la CEDEAO, présidée par le président Ouattara, a fait preuve d'une grande clarté, d'une grande fermeté et d'un sens des responsabilités qu'il faut saluer. Le 2 avril, en marge de l'investiture de M. Macky Sall à la présidence du Sénégal, les chefs d'Etat de la CEDEAO ont, en effet, décidé un embargo total sur le Mali ainsi que des sanctions individuelles jusqu'au retour de l'ordre constitutionnel.

Cette fermeté ainsi que la médiation du président Compaoré a favorisé la signature d'un accord cadre dans la nuit du 6 au 7 avril. Cet accord prévoit un retour immédiat à la normalité constitutionnelle, la nomination du président de l'Assemblée nationale à la présidence de la République, la nomination d'un premier ministre de consensus doté des pleins pouvoirs et la mise en place d'un gouvernement d'union nationale. Le président ATT a donné son aval à cet accord et a démissionné, officiellement le 8 avril.

Cet accord est une véritable avancée même si le calendrier précis de sa mise en oeuvre n'a pas été fixé. Cependant, la junte n'est pas désarmée et n'est pas rentrée dans les casernes. Le capitaine Sanogo compte peser sur la nomination du premier ministre ainsi que sur celle des ministres de la défense, de la sécurité intérieure et des finances. J'observe de même que pour l'instant toutes les personnalités politiques incarcérées n'ont pas été libérées (elles l'ont été depuis). Cette avancée a néanmoins permis la levée des sanctions de la CEDEAO.

Parallèlement, la situation dans le Nord Mali reste très préoccupante. Alors que la junte a motivé son coup de force par la passivité de l'armée dans le Nord, la zone est désormais contrôlée les groupes islamistes. On observe que le MNLA avec ses 2 000 hommes perd progressivement du terrain au profit des groupes islamistes qui seraient composés de 500 hommes liés à l'AQMI et de 200 hommes relevant de Ansar Dine. Le 5 avril, le MNLA a proclamé l'indépendance de l'AZAWAD. Cette indépendance est considérée comme nulle et non avenue par l'ensemble de la communauté internationale. Dans ce contexte, les contacts et les efforts pour la libération de nos otages sont rendus difficiles, mais elle reste une préoccupation de tous les instants.

Vous avez évoqué le principe d'une opération militaire, celle-ci a en effet été décidée par les chefs d'Etat lors de la réunion de la CEDEAO le 2 avril en cas d'échec des négociations, mais les contours de cette opération restent flous. S'agit-il de sécuriser le Sud ou de combattre les groupes islamistes au Nord ? Toute cela reste à préciser et ne fait pas encore l'unanimité comme le montrent les conclusions de la réunion qui s'est tenue à Nouakchott en présence de représentants de l'Algérie, de Mauritanie et du Niger.

En tout état de cause, chacun est convaincu qu'il faut aller vite et saisir « l'occasion » pour régler durablement les problèmes du Nord. Le médiateur de la CEDEAO envisagerait un déploiement rapide d'unités de police et de gendarmerie ainsi qu'un déploiement d'une force pour bloquer la descente vers le Sud des différents groupes rebelles. D'un point de vue logistique, le déploiement de tels contingents pourrait prendre plusieurs mois. Par ailleurs, le théâtre du Nord Mali demande des troupes aguerries à une intervention dans le désert par fortes températures. Je tiens à souligner que dans tous les cas de figure la France n'interviendra pas militairement, mais est prête à apporter son appui logistique.

Ce conflit a de nombreuses conséquences humanitaires et pourrait déstabiliser les pays voisins.

Après la chute de Kidal, Gao et Tombouctou, les déplacements de population s'intensifient : on recense actuellement entre 72 000 et 92 000 déplacés internes. Ces déplacés seraient concentrés dans les régions de Tombouctou (35 500), Gao (29 500), Tessalit (27 800) et Léré (500). Nombre de Maliens et de ressortissants sahéliens ont également franchi les frontières du Mali : entre 117 000 et 130 000, selon les sources : 30 000 en Algérie ; entre 40 et 48 000 en Mauritanie ; entre 27 et 32 000 au Niger; entre 20 et 23 000 au Burkina-Faso.

L'insécurité alimentaire s'est nettement aggravée. On constate des difficultés d'approvisionnement supplémentaires parce que les acteurs humanitaires ont été contraints, pour le moment, de suspendre leurs opérations dans le Nord.

Des conséquences politiques et sécuritaires ne sont pas à exclure. Il faut rappeler que Gao est à 300 km du Niger, Tombouctou est proche de la Mauritanie. Cela explique la nécessaire implication de ces deux pays mais aussi de l'Algérie dans le processus de sortie de crise.

Depuis la fin de l'intervention en Libye et le début des flux de nigériens, maliens, venant de ce pays, le Niger comme la Mauritanie ont pris les mesures nécessaires pour surveiller leur territoire et désarmer les migrants. Le Mali n'a pas pris les mêmes précautions et a laissé passer des hommes lourdement armés qui ont puisé dans le stock d'armement laissé à la chute de Kadhafi.

Dans ce contexte, quel est le rôle et la réaction de la France ? Nous avons d'abord pris des mesures pour sécuriser les ressortissants. Nous avons conseillé aux Français de quitter provisoirement la zone rouge étendue jusqu'à Mopti, et nous avons fermé provisoirement le Lycée français à Bamako. Nous avons pris des mesures pour sécuriser nos emprises avec le déploiement de personnels supplémentaires, le renforcement de la sécurité des emprises et la constitution de stocks alimentaires.

Nous avons par ailleurs entrepris un intense travail diplomatique afin de resserrer les liens avec d'une part les Algériens qui ont un rôle historique majeur dans la région et les pays africains de la CEDEAO afin d'unir nos efforts.

Nous entendons promouvoir une solution pacifique, respectueuse de l'intégrité territoriale du Mali et du processus démocratique de cette république. Nous avons longtemps souffert d'une absence de perception commune des dangers de l'implantation au Sahel de mouvements islamistes. Cette crise est malheureusement l'occasion de favoriser un consensus plus large sur la nécessité de ne pas laisser AQMI s'implanter dans cette zone.

M. Didier Boulaud, président - Je tiens à souligner que le MLNA a indiqué qu'il cessait le combat et n'entendait pas progresser vers le Sud du Mali. Dans ces conditions, il me semble que la France a tout à gagner à faciliter la médiation entre le mouvement touarègue et les autorités maliennes afin de trouver une solution institutionnelle respectueuse de l'intégrité territoriale du pays, mais aussi de la volonté d'autonomie des Touaregs. Si le MLNA a déclaré l'indépendance de l'AZAWAD, les contacts que nous avons eus nous permettent de penser que leur objectif ultime n'est pas l'indépendance, mais un statut d'autonomie proche de celui dont bénéficie la Catalogne en Espagne. Il me semble de ce point de vue que la création du Sud Soudan constitue un précédent regrettable. En remettant en cause les frontières issues de la colonisation, on a avec le Soudan Sud ouvert la boîte de Pandore.

M. Henri de Raincourt - Vous avez raison, le MLNA a annoncé la fin des combats. Le problème touareg ne date pas d'hier. Il a été ponctué de moments de crises et de moments de dialogues dont sont issus les précédents accords qui n'ont malheureusement pas reçu une pleine application. Le non respect des accords d'Alger a pu susciter chez les Touaregs une véritable frustration. J'ai espoir que lorsque les institutions maliennes recommenceront à fonctionner normalement, un dialogue politique permettra d'aboutir à un compromis. Je suis convaincu que ce mouvement touareg ne se crispera pas sur les questions de l'indépendance. Je partage par ailleurs avec vous la conviction qu'il faut préserver les frontières actuelles des pays africains et l'intégrité territoriale des pays qui ont acquis leur indépendance à l'issue de la colonisation. Remettre en cause ces frontières pour reconstituer des unités ethniques, religieuses ou claniques serait un profond facteur de déstabilisation de l'ensemble du continent.

M. Yves Pozzo di Borgo - Le groupe centriste remercie le ministre et la commission de consacrer une nouvelle fois une réunion à cette question importante. Notre collègue Joël Guerriau qui est actuellement au Mali nous a communiqué un certain nombre d'informations que je vous livre dans le désordre. Il semblerait que la junte dirigée par le capitaine Sanogo ne soit pas, contrairement aux apparences, désireuse de lâcher le pouvoir. Le coup d'Etat a néanmoins suscité un front de refus qu'il faut absolument soutenir. Certains soupçonnent la Mauritanie d'être un acteur du coup d'Etat ? Par ailleurs et cela nous a été répété à plusieurs reprises, des acteurs de ce conflit attendent beaucoup de la France. Pour ma part, je souhaiterais savoir dans quelle mesure l'ONU pourrait s'impliquer dans la résolution de ce conflit, notamment au nom de la responsabilité de protéger.

M. Henri de Raincourt - Il est vrai que les putschistes ont été surpris par la facilité avec laquelle ils ont pris le pouvoir. S'ils n'étaient pas préparés à exercer de telles responsabilités, il n'en reste pas moins qu'ils sont naturellement réticents à les quitter. Ils ne se sont rangés à la solution d'un rétablissement des institutions que sous la pression internationale. Il semblerait qu'ils ne bénéficient ni d'un soutien international, ni d'un soutien majeur au sein de la population. L'armée comme la classe politique est par ailleurs loin d'être unanime sur la conduite à mener. Dans ce contexte, la France appuie naturellement le front du refus et soutient la préservation de l'intégrité territoriale du Mali et le rétablissement du fonctionnement normal des institutions avec l'organisation prochaine d'élections démocratiques. Il est probable que compte tenu de l'insécurité au Nord et de la nécessité de mettre à jour le fichier électoral, l'organisation des élections soit repoussée de quelques mois. Je constate avec vous que l'attente de France est très forte aussi bien de la part des Maliens que des Touaregs. La France est disposée à répondre à cette attente, mais souhaite qu'une solution soit d'abord trouvée par les Maliens eux-mêmes, soutenus par les pays africains notamment dans le cadre de la CEDEAO et en concertation avec l'Algérie.

M. René Beaumont - Je souhaiterais avoir votre avis sur le rôle de l'Algérie dans ce conflit. Il me semble que cette dernière a eu un comportement flou avec les forces islamistes d'AQMI. Je me demandais par ailleurs si l'anniversaire des 50 ans d'indépendance algérienne ne pouvait pas être l'occasion d'un plus grand rapprochement entre la France et les autorités algériennes avec lesquelles nous avons tout intérêt à collaborer dans ce dossier comme dans d'autres.

M. Alain Gournac - La situation est particulièrement complexe. Nous avions avec mon collègue Didier Boulaud essayé de décrire les différentes forces en présence. Je m'étonne de voir que le MNLA proclame l'indépendance de l'AZAWAD au moment même où les islamistes semblent avoir pris le contrôle des grandes villes du Nord Mali. Je souhaiterais par ailleurs savoir où se trouve le président ATT ? Je souhaiterais enfin souligner, comme mes collègues, que dans ce conflit, de nombreux acteurs attendent de la France qu'elle favorise une solution pacifique au conflit.

M. Henri de Raincourt - Je ne crois pas que la Mauritanie ait joué un rôle dans le coup d'Etat. Je suis également en contact permanent avec mon homologue algérien, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des affaires maghrébines et africaines. La crise au Nord Mali, compte tenu de ses répercussions sur le Sud de l'Algérie, est une préoccupation majeure des autorités algériennes. C'est donc en parfaite concertation avec l'Algérie que la France essaie de promouvoir une solution négociée et pacifique. Certes, par le passé, l'Algérie a eu tendance à combattre AQMI avant tout sur son territoire. Je crois qu'aujourd'hui l'Algérie mesure encore mieux à quel point l'implantation de mouvements islamistes radicaux dans le Sahel pourrait avoir de déstabilisant. L'enlèvement de sept diplomates algériens devrait, en outre, contribuer à ce que l'Algérie renforce la coopération avec ses voisins pour lutter plus efficacement contre AQMI. Il existe un état-major commun avec la Mauritanie et le Niger ; sans doute que la situation actuelle favorisera sa redynamisation. Il ya aujourd'hui une course contre la montre dans la lutte contre le mouvement islamiste et j'ai la conviction que nous n'arriverons à vaincre la présence de mouvements islamistes terroristes dans le Sahel que si nous avons une vision collective de ce combat.

S'agissant des relations entre le MLNA et les mouvements islamistes, de Ansar Dine ou de l'AQMI, sous réserves de vérifications, et en dépit de certaines alliances tactiques lors des premiers combats, ces deux mouvements ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Le MLNA souhaite officiellement l'indépendance, tandis que les islamistes se sont prononcés pour le maintien de l'intégrité territoriale du Mali et une pleine application de la charia. Il s'agit d'une différence de taille.

Il semble que le président ATT ait perdu beaucoup de son aura et de son influence politique. Il a désormais officiellement remis sa démission. Les dernières années de sa présidence ont été marquées par une volonté du consensus qui ne lui a sans doute pas permis de mener les réformes nécessaires et l'a conduit à des alliances variables dont la cohérence n'était pas toujours manifeste.

M. Jeanny Lorgeoux - Vous évoquez une course contre la montre dans la lutte contre le mouvement islamiste. Est-ce que dans ce contexte la France ne devrait pas « enfoncer un coin » entre le MLNA et les mouvements islamistes afin de faire éclater ce front de la rébellion ?

M. Robert Hue - Je voudrais souligner que la rébellion touarègue se déroule dans un contexte marqué par le sous-développement du Mali. A l'origine de ce conflit il y a la pauvreté endémique de cette région. Plutôt que d'intervenir à posteriori pour essayer de limiter les conséquences de la crise, nous ferions mieux d'agir en prévention et d'aider plus largement ces pays à se développer. De ce point de vue, notre aide au développement n'est pas à la hauteur des enjeux. Cette rébellion est également la conséquence indirecte de notre intervention en Libye. Il me semble que nous aurions dû mieux estimer et mieux gérer les conséquences de cette intervention. J'aurais voulu savoir quelle forme pourrait prendre une intervention de l'ONU dans ce conflit ? J'aimerais également savoir quel est le degré d'implantation des islamistes au Sud du Mali ? Il me semble enfin que cette affaire aura des conséquences aussi bien en Algérie qu'en France et qu'il faut donc suivre avec attention l'évolution de la situation.

M. Henri de Raincourt - Je partage l'opinion selon laquelle il faut bien distinguer les forces du MLNA des islamistes et promouvoir le dialogue entre les autorités maliennes et le MLNA. Je crois effectivement que cette crise est tout à fait importante pour l'avenir du Sahel.

Les enjeux liés à la mise en oeuvre d'une politique globale de développement sont stratégiques pour la paix et la sécurité aussi bien au Sud qu'au Nord. Vous avez tout à fait raison d'estimer que le sous développement et la pauvreté constituent le terreau le plus favorable au terrorisme. C'est bien pourquoi la politique de coopération au développement constitue un instrument stratégique en faveur d'un monde plus sûr. Au niveau international, nous devons prendre conscience du fait que nos finances publiques ne permettront pas en l'état de répondre aux enjeux du développement de demain. L'Afrique connaîtra en particulier un doublement de sa population d'ici à 2050. Il s'agit d'un défi considérable. Aujourd'hui l'aide publique au développement représente 130 milliards de dollars. Il faudrait pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement 100 milliards supplémentaires par an auxquels il faudrait ajouter 80 milliards annuels pour lutter contre le réchauffement climatique. Nous n'arriverons pas à dégager ces financements sans mettre en place de nouveaux financements innovants. C'est pourquoi je crois que l'instauration d'une taxe sur les transactions financières au niveau mondial constitue une priorité majeure.

S'agissant du Sahel, nous avons milité pour une stratégie européenne de développement et de sécurité avec un budget de plus de 600 millions d'euros. Malheureusement, les problèmes de sécurité n'ont pas permis de mettre en oeuvre cette stratégie.

A l'ONU, la France pourrait, si la CEDEAO et le Mali le décidaient et si le processus politique échouait, saisir le Conseil de sécurité afin de donner un mandat à la CEDEAO, via une résolution, pour déployer une force localement.

Pour revenir à la question de l'aide publique au développement, les chiffres français qui sont parus dernièrement illustrent une légère diminution de notre effort en proportion du revenu national brut. Contrairement à ce qu'on peut lire ça et là, il s'agit d'une diminution optique qui correspond à la fois à la sortie de Mayotte, du champ d'application de l'APD et d'une diminution des annulations de dettes. Je ne sais pas à quelle échéance nous arriverons à l'objectif des 0,7 % mais ce qui compte, c'est la tendance qui est à l'augmentation continue de notre effort. L'effort budgétaire de la France en faveur du développement a été maintenu sous ce Gouvernement, je souhaite que cela soit encore le cas à l'avenir en dépit de détérioration de la situation des finances publiques.

M. Gilbert Roger - Est-ce que lors de la préparation de l'opération HARMATAN, la possibilité d'une exportation aussi importante des armes vers le pays du Sahel avait été anticipée ?

M. André Trillard - A-t-on l'assurance que les stocks d'armes existant en Libye sont bien sécurisés ? Est-ce que les rançons qui ont pu être payées pour la libération de certains otages n'ont pas contribué au financement des armements des rebelles, des islamistes ou touaregs ?

Mme Nathalie Goulet - Cette crise a-t-elle un impact sur la population malienne en France ?

M. Didier Boulaud, président - Avez-vous des précisions sur l'attitude des Etats-Unis dans cette crise ?

M. Henri de Raincourt - Je ne sais pas si l'OTAN avait, au moment de la planification de l'opération HARMATAN, toutes les données pour anticiper les conséquences d'une opération dont la réussite comportait nécessairement un aléa. Ce que je sais en revanche c'est que certains pays ont été vigilants pour ne pas accepter sur leur territoire des hommes armés en provenance de Libye. C'est notamment le cas de la Mauritanie qui a mis en place un désarmement des Touaregs en provenance de Libye et un suivi de ces populations. Cela n'a pas été le cas du Mali.

Il y avait environ 4 500 Français à Bamako et 300 au Nord. Beaucoup au Nord sont partis. Les Français qui restent au Nord Mali sont des personnes qui ne souhaitent à aucun prix partir.

S'agissant des otages, je rappelle la position constante de la France qui est de ne pas payer de rançon.

Il ne semble pas que la crise au Mali ait eu des conséquences sur la communauté malienne en France. En revanche celle-ci a manifesté un rejet unanime du coup d'Etat et un attachement profond à la démocratie.

En ce qui concerne les Etats-Unis, je veux souligner que nos positions dans cette crise sont très proches et nos efforts coordonnés. Des contacts au plus haut niveau ont été pris pour favoriser conjointement le retour à l'ordre constitutionnel normal.