Mercredi 7 décembre 2011

- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -

Exécution du contrat d'objectifs et de moyens 2010-2014 - Audition de M. Jean-Luc Hees, président du groupe Radio France

La commission auditionne M. Jean-Luc Hees, président du groupe Radio France, sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens 2010-2014.

M. Jean-Luc Hees, président du groupe Radio France. - Je suis très honoré d'être parmi vous aujourd'hui. C'est un exercice un peu difficile d'évoquer l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens (COM) en 2010, alors que nous sommes en 2011 et plus tournés vers l'avenir que vers le passé. Je suis là pour justifier devant vous le travail effectué par la maison Radio France.

Je voudrais situer globalement l'état de la maison Radio France que j'ai l'honneur de présider. Elle est bien tenue sur le plan des finances. Je sais que c'est un sujet prégnant ces temps-ci. Un chantier important de réhabilitation et de rénovation du bâtiment est en cours.

Je voudrais vous entretenir de la vie de nos antennes. L'ensemble des antennes de Radio France se porte bien sur le plan des audiences. Nous avons réalisé notre meilleur chiffre d'audience depuis huit ans selon le dernier baromètre Médiamétrie. C'est un travail qui s'est amorcé depuis mon arrivée à Radio France avec, bien entendu, des succès divers et de temps en temps des difficultés. Globalement les audiences sont au rendez-vous.

France Inter a obtenu son meilleur résultat depuis plusieurs années. Ce n'était pas un pari gagné d'avance. France Info a constitué un chantier essentiel pour nous. Cette station était très impactée par les nouveaux modes de consommation de l'information. Il a ainsi fallu reformater les grilles de programme de l'antenne. Le pari a réussi puisque France Info a gagné un demi-million d'auditeurs sur les dernier mois. Ce travail a été effectué par les équipes de France Info. C'est une maison composée uniquement de journalistes. Ils ont su remettre en question des pratiques d'antenne et de métier. Il n'est pas toujours simple d'entraîner une collectivité sur une remise en cause profonde.

Le réseau France Bleu est primordial pour le développement de Radio France. Il a gagné plus de 7 % d'audience. C'est considérable. Ce réseau a vraiment fidélisé ses auditeurs. Ceci est une grande satisfaction pour Radio France. En deux ans, deux nouvelles stations ont été ouvertes, au Mans et à Toulouse. France Bleu souhaite s'installer à Saint-Etienne. Le réseau couvre actuellement les trois quarts du territoire. L'État nous impose d'assurer des missions de continuité de service public que les autres opérateurs n'ont pas. C'est pourquoi on demande une meilleure couverture en fréquences du réseau France Bleu. Ce réseau étant financé par les contribuables, il n'est donc pas satisfaisant qu'un Français sur quatre ne puisse pas écouter France Bleu.

FIP constitue une très belle image pour la maison Radio France. Ses audiences sont satisfaisantes, même s'il est difficile de les comparer aux autres stations. Cette station gagne encore des auditeurs.

France Culture a atteint pour la deuxième fois de son histoire 1,8 % d'audience. C'est considérable pour ce type de station. Il s'agit d'un travail au long cours de la part des équipes. Nous n'avons pas à regretter les investissements réalisés par Radio France pour la qualité de la production de France Culture.

La situation est plus difficile pour France Musique qui a du mal à se positionner. Les premiers résultats sont cependant encourageants. Je constate qu'on a modifié beaucoup de choses sans perdre l'intégrité artistique de l'antenne. Cela commence à se faire sentir dans les sondages de Médiamétrie. C'est important. Ce n'est pas une affaire mercantile. Si on utilise l'argent des contribuables, il faut qu'ils en aient un retour.

Un autre sujet difficile et problématique concerne la station Le Mouv' - cette radio à destination des jeunes qui aura bientôt quinze ans. Cette station n'a jamais trouvé son public. C'est extrêmement dommage. Je comprends que dans notre pays un jeune adulte ou un post-adolescent dispose de toute l'offre musicale qu'il veut. La prescription musicale auprès des jeunes ne fonctionne pas de mon point de vue. Le Mouv', né à Toulouse, a été transféré à Paris pour lui permettre de disposer d'un positionnement national. Ce changement a entraîné des problèmes, notamment sociaux. J'ai tenu à « recaser » tout le personnel de la station. Par ailleurs, il a fallu l'installer dans une Maison de la Radio en grand chantier. Des moyens techniques, en personnel et budgétaires lui ont été donnés pour refonder sa grille de programmes. Notre parti pris a été le suivant : il faut s'adresser aux jeunes. Il faut les aider en leur proposant une radio à fort contenu, notamment dans la tranche du matin. Maintenant le personnel politique y vient volontiers. Le Mouv' doit proposer une offre de service public pour un jeune public.

Enfin, j'évoquerai nos formations musicales. Elles participent du prestige de la maison Radio France et il faut rappeler que nous sommes aussi producteurs de musique. France Musique diffuse des centaines de concerts tous les ans. Mon objectif a été de remettre du relationnel entre les deux formations, symphonique et philarmonique, et de redéfinir les missions confiées aux deux directeurs artistiques. C'est un travail assez long. On est arrivé à « normaliser » les missions des deux orchestres. On constate en allant aux concerts que la qualité est présente. J'ai l'impression que l'accueil réservé aux formations musicales est très satisfaisant pour la maison Radio France.

Je n'oublie pas non plus nos maîtrises, notamment celle de Bondy. Des problèmes de financement vont se poser de plus en plus. Nous devons accompagner les enfants qui s'inscrivent dans cette maîtrise de Bondy et les suivre dans leur scolarité. Il faut faire en sorte que cette maîtrise fonctionne et présente un avenir pour ces enfants et leurs parents. Enfin, le choeur de Radio France remplit son office à la satisfaction de tous, notamment du public.

Le budget alloué à Radio France est bien destiné à faire fonctionner des antennes et à offrir aux Français des programmes de qualité. Cela représente 13,5 millions d'auditeurs par jour pour l'ensemble des antennes.

J'évoquerai enfin les chantiers de la Maison de la Radio et principalement celui de réhabilitation du bâtiment.

La première phase de réhabilitation - avec la tour centrale - arrive à son terme. Nous avons eu deux mois de retard de travaux liés aux intempéries. C'est un chantier compliqué. Nous veillons aux finances. La deuxième phase du chantier débute. La réhabilitation porte sur l'aspect façade de la Maison de la Radio. On a entamé aussi la destruction d'un de nos grands studios, puisque le nouvel auditorium qui accompagne la vie musicale de la maison va entrer comme une boîte dans les structures de ce studio. Ce sont des opérations très lourdes et compliquées sur le plan de la vie du corps social de Radio France. Nous poursuivons nos activités et nous faisons bouger les personnels en fonction du déroulement des travaux. Certains déménagements sont parfois provisoires. On essaye d'accompagner les migrations au mieux. Le personnel de Radio France comprend l'absolue nécessité de ce chantier. Le préfet de police nous avait en effet demandé soit de partir soit de remettre le bâtiment aux normes.

L'autre chantier qui m'attendait lors de ma prise de fonction à Radio France était la renégociation de la convention collective. Il faut préciser que notre maison regroupe de nombreux métiers différents. Nous avons beaucoup négocié. Nous avons failli aboutir à un résultat très positif avec les personnels journalistes en mars dernier. Les deux principaux syndicats de journalistes de Radio France avaient signé cet accord, mais d'autres syndicats ont fait valoir leur droit d'opposition. On vit aujourd'hui sous le régime de mesures unilatérales dont le personnel ne se plaint pas. Cela ne peut pas être une fin en soi et on doit poursuivre les négociations.

En ce qui concerne la révolution numérique et le monde du multimédia que je préfère appeler les nouveaux médias, j'ai pris le temps qui me semblait nécessaire pour réfléchir aux investissements indispensables. Nous sommes une maison d'information, de culture et de divertissement. Je voulais être sûr que les options prises soient les bonnes en fonction des budgets dont nous disposons. Nos charges sont assez spécifiques, composées à 60 % de frais de personnel ; nous avons aussi 80 millions d'euros de frais de diffusion et 40 millions d'euros de droit d'auteur à payer tous les ans. Le multimédia est consommateur d'investissement et de personnel. Il fallait trouver le bon équilibre pour développer cette activité multimédia sur nos propres moyens. Cela passe par un redéploiement d'un certain nombre de personnels et beaucoup de concertation. Il existe un formidable appétit autour des nouveaux médias dans notre maison. A périmètre constant, il s'agit de faire avancer les choses spectaculairement. Si on considère le réseau France Bleu, il est composé de 43 stations. Il s'agit de ne pas se tromper sur les investissements, notamment en personnel. Il est essentiel d'obtenir l'adhésion des personnels. C'est aussi une révolution pour les gens et les métiers.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Merci pour cet exposé. Nous entendrons tout d'abord les questions du rapporteur, puis de chaque groupe, puis, s'il nous reste du temps, des autres sénateurs.

M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Vous indiquez dans vos précédents rapports que vous avancez sur un projet d'université d'entreprise. Il serait utile de nous informer de ce projet important, qui met en place une nécessaire formation des salariés.

Vous vous félicitez ensuite de l'augmentation de l'audience de Radio France ; comment l'expliquez-vous ? Sur l'année 2010, on avait constaté une baisse de l'audience de France Musique qui passait à 1,3 %. Cette tendance a-t-elle été confirmée ou y a-t-il eu une rectification au premier semestre 2011, et si ce n'est pas le cas, qu'envisagez-vous pour inverser cette tendance ?

Nous avions, par ailleurs, déjà échangé ensemble sur l'objectif de capter plus particulièrement les publics jeunes. Au-delà du renforcement du seul Mouv' comme vecteur essentiel de cette ambition, comptez-vous développer des offres pour les attirer sur l'ensemble des stations ?

Il apparaît également dans l'indicateur 8.1 que des blocages existent encore au niveau de la parité hommes-femmes. Que faites-vous pour y remédier ?

Enfin, j'ai auditionné l'intersyndicale de Radio France, qui représente les journalistes mais aussi les autres métiers. Je ne prends pas à mon compte leurs propos, mais j'ai eu le sentiment d'un « ras-le-bol » fort concernant le dialogue social. Le problème vient sans doute d'une conjonction entre les évolutions du métier en général, et le poids de ce chantier qui n'en finit pas - les relogements, les conditions de travail détériorées... L'intersyndicale m'a parlé de la convention que vous avez citée, qui laisse planer une incertitude sur l'avenir. Les personnels sont soumis à beaucoup de stress et ont le sentiment qu'ils ne peuvent plus faire leur métier comme avant, en tout cas plus de manière aussi approfondie. Avant, il y avait une certaine fierté à ne pas être soumis à la même pression que dans le privé. On peut en sourire et penser qu'ils demandent un confort exagéré, mais il me semble que la situation est préoccupante. Des syndicats de sensibilités très différentes ont d'ailleurs un discours commun. Le problème est d'autant plus important que la force de Radio France repose justement sur ses personnels et sur la qualité de leur travail. C'est avec leur enthousiasme, leur volonté de bouger les lignes, que Radio France continuera à gagner.

M. Jean-Luc Hees, président du groupe Radio France. - Tout d'abord, l'université d'entreprise est une affaire qui fonctionne bien. C'est un intégrateur formidable pour les personnels de la maison, et ce dans tous les métiers. C'est un laboratoire de formation très intéressant, notamment pour les nouveaux médias. Si l'on veut une mobilité des personnels, il faut leur offrir cette formation qui est un passeport formidable. C'est un gros investissement, et les gens sont lucides sur son utilité. Dans notre maison, où il y a une forte culture et des différences générationnelles, cette formation est essentielle. Elle nous donne de plus une vue sociographique de l'image de notre maison, et nous constatons avec plaisir qu'elle est toujours très attirante pour les jeunes.

Ensuite, concernant les taux d'audiences, il y a différentes façons de mobiliser les gens. On peut d'abord constater que les choses vont mal : France Info est, à ce titre, un cas d'école, avec une perte de 100 000 auditeurs tous les deux mois. Sur le fond, cette évolution est peut-être logique : a-t-on toujours besoin de France Info ? La réponse n'est pas évidente, il faut donc trouver une stratégie de rechange. Il y a une concurrence folle dans le monde de l'information, à la télévision mais aussi à la radio. Sur l'année 2011, qui était particulièrement riche en termes d'actualité, tout le monde n'a pas réussi aussi bien que nous. Nous avions les moyens de travailler, nous avions la meilleure stratégie, et nous avons pris des risques. Notre stratégie a été d'apprendre de nouveaux métiers, de changer de format, et de faire en sorte que toute l'équipe suive ce changement. Par exemple, sur France Info, la grille change neuf jours sur dix : c'est un exercice complexe qui impose un rythme stressant aux journalistes, mais qui nous a permis de gagner un demi-million d'auditeurs. Quand cela devient trop lourd pour le personnel, nous convoquons une assemblée générale. A France Info, cela a duré une journée, nous nous sommes tout dit, et nous avons tous constaté qu'il fallait bouger pour faire changer les choses. Je veux rendre hommage aux personnels : ce sont eux qui ont fait tout le travail, et je suis extrêmement fier d'eux.

A France Inter, nous avions le même problème : l'audimat stagnait et il fallait redéfinir l'identité de l'antenne. Pour moi, France Inter a besoin de prestige : par exemple, Martin Scorcese était invité hier à l'antenne car nous avons cofinancé son dernier film. C'est cela qui permet à France Inter de regrimper dans les sondages.

Enfin, pour France Musique, il faut avouer que, pendant deux ans, j'ai échoué dans ma mission. Cela a été très dur de faire bouger les producteurs. France Musique ne sera jamais Radio Classique, elle a un autre cahier des charges : elle diffuse, elle commente, elle commande de la musique. Nous faisons de l'offre, pas de la demande. La maison n'est pas destinée à gagner de l'audimat à tout prix : si l'on écoute Beethoven, on écoute toute une symphonie et non pas seulement le mouvement le plus connu. Nous nous sommes, là encore, réunis pour en discuter, pendant deux ou trois jours puis une deuxième fois. Cela a été l'occasion pour moi de rappeler au personnel que, si l'on travaille à France Musique, c'est parce qu'on aime la musique, mais aussi parce qu'on aime la radio. On n'y travaille pas pour soi, mais pour les auditeurs. Les résultats commencent à être prometteurs d'après la dernière vague de sondages : la radio est perçue comme plus contemporaine. Je connais des musiciens jeunes, je sais que des jeunes écoutent de la musique. Il faut les amener sur l'antenne, gagner des auditeurs. On nous a souvent caricaturés comme une radio qui fait plus d'exégèse que de musique ; mais le verbe autour de la musique est intéressant aussi. On peut parler, on peut même rire sur la musique. Je ne peux pas imposer cet état d'esprit mais j'en parle aux producteurs. Nous avons changé de directeur en cours de route afin de garder le cap vers nos objectifs : lorsque quelqu'un me dit « on ne peut pas », j'estime qu'il ne doit pas être directeur. Ce tournant n'est pas facile, mais il me semble que l'antenne est déjà meilleure aujourd'hui. Il y avait un risque à faire tout cela. On m'a dit que j'étais en train de cannibaliser toutes les antennes, mais il s'avère que les tranches du matin de toutes les antennes ont progressé.

D'autre part, concernant la parité, la radio est le secteur où les femmes sont les plus nombreuses, y compris à l'antenne. Nous avons entamé des démarches pour obtenir le label « Diversité », nous sommes conscients du problème et les choses avancent bien.

Sur le climat du dialogue social enfin, chacun est dans son rôle. J'agis dans le cadre strict de notre budget. Je suis moi-même journaliste et je pense qu'une convention collective n'est pas seulement un confort, j'ai donc tout fait pour aboutir à un texte accepté par tous, qui a été plébiscité par référendum. Les trois syndicats qui ont fait valoir leur droit d'opposition étaient dans leur rôle également, je les écoute et j'essaie d'être neutre vis-à-vis de tout cela. Quant aux conditions de travail, permettez-moi de vous dire qu'il n'y a pas une maison à Paris où elles sont aussi bonnes, étant donné le coût de l'actualité. Nous n'avons pas lésiné sur les moyens pour couvrir le printemps arabe, c'est l'une des fiertés de la maison : nos investissements sont bien ciblés. Nous avons 730 journalistes, c'est une catégorie importante dans la maison, et nous venons de signer un accord de méthode avec leurs syndicats. Je suis ouvert à toute proposition, et nous poursuivons nos travaux deux fois par semaine afin de trouver une solution avant octobre 2012. J'aurais préféré que les choses aillent plus vite, mais elles suivent leur cours.

M. Jean-Pierre Leleux. - Merci pour votre exposé, ainsi que pour l'énergie que vous consacrez à ce merveilleux outil national français qui est très apprécié par nos compatriotes. Je pense que cela fait partie de vos missions que les auditeurs sentent que le service public qu'ils financent est un bel outil. J'écoute France Inter, France Info, France Bleu, France Musique de moins en moins, et Le Mouv' - très rarement ! Or Le Mouv' est méconnu, pour ne pas dire pas connu. Il y a de gros efforts à faire, en dehors de l'antenne, pour le faire connaître auprès du public qu'il cible. D'ailleurs, si Le Mouv' et France Musique vous posent tous deux problème, pourquoi ne pas rajeunir France Musique ?

Ensuite, on vous connaît pour vos initiatives originales, notamment la mise en place d'une antenne commune pour la commémoration de la chute du mur de Berlin. Ce type de synergie entre les antennes me semble souhaitable, de même qu'une meilleure connaissance mutuelle des antennes qui sont cloisonnées verticalement. Avez-vous d'autres projets comme celui-ci ?

M. Maurice Vincent. - J'ai une question générale concernant le contrat d'objectifs et de moyens : y a-t-il des objectifs qui vous posent question ou vous paraissent difficiles à atteindre ?

M. Jean-Pierre Plancade. - Je ferai également une remarque générale. Je voudrais souligner la qualité de France Culture, qui fait un travail remarquable depuis deux ans. Comme pour France Musique, le but n'est pas de flatter l'audimat : c'est un défi formidable, qui fait peur, mais qui est très enthousiasmant. Je suis dans la même optique que vous : il faut faire de l'offre, et non de l'audience. J'espère que vous réussirez et je souhaite vous y encourager. Quant au Mouv', je ne peux que regretter son départ de Toulouse.

M. Jean-Luc Hees, président du groupe Radio France. - Monsieur Leleux, nous avons les mêmes interrogations que vous sur Le Mouv'. Elle aura quinze ans bientôt, et c'était une bonne idée au départ, qui m'a moi-même enthousiasmé lorsque j'étais à France Inter à l'époque. Mais après onze ans, le taux de notoriété à Toulouse n'était que de 60 %, alors qu'il aurait dû être de 100 %. Ce bébé est mal né, mais on ne peut pas l'abandonner. Nous n'avons pas les moyens de faire de grandes campagnes de communication, nous faisons donc de petites campagnes futées. L'année dernière, elle était basée sur des parallèles avec des animaux et s'intitulait « l'appel du Mouv' » en référence à l'appel du 18 juin. Nous avons d'autre part un gros chantier en cours sur le site web et les réseaux sociaux : nous allons accompagner la communication sur Internet, car c'est la façon la plus économique de faire marcher Le Mouv'. D'ici 2014, l'objectif est de doubler l'audience, bien qu'en 2011 elle ait baissé de 0,2 %. Cela s'explique par la grille très chargée de la saison dernière, qui a été une sorte de test : c'était une provocation, une façon de montrer qu'il y avait du contenu culturel sur Le Mouv'. Il s'agissait de dire aux jeunes : « Nous allons vous respecter davantage et vous offrir un vrai service public ». Je suis d'ailleurs étonné de voir que les politiques ne se font pas prier pour aller sur Le Mouv', non pas pour leur propre campagne, mais pour aider le processus en cours et pour s'occuper du public jeune.

Vous me parlez d'initiatives. Pour Berlin, j'avais eu trois préavis de grève et j'avais été accusé de démanteler le service public... Mon idée était d'avoir une colonne Morris de tous nos produits. Nous avons 13 millions d'auditeurs, et tout le monde au final était satisfait ; ça a très bien marché. Nous avons fait la même chose à Londres. Nous allons bientôt couvrir les 50 ans de l'indépendance algérienne : le fera-t-on par petits bouts sur chaque antenne ? En partenariat avec la radio algérienne ? On ne le sait pas encore, mais au moins la discussion est amorcée. L'Orchestre national de France ira peut-être jouer à Alger. Si nous sortons de notre rôle, on nous le dira ; en attendant, nous pouvons toujours imaginer des projets.

Nous avons par ailleurs un comité éditorial commun depuis plus d'un an, parce que je voudrais que les gens aient le sens du groupe. Radio France n'est pas une station, ce n'est pas une marque, mais c'est une source de moyens. Tous les mercredis, nous discutons ensemble car chacun dépend de l'autre. Les producteurs ne sont pas seuls dans leur coin, à imaginer des choses que les autres ont déjà faites. Chacun a un traitement différent, ils ne se contentent pas de dupliquer les contenus. Cette concertation est rentable pour la maison et je crois que les auditeurs n'en sont pas mécontents.

Les projets inscrits dans le contrat d'objectifs et de moyens seront tous respectés. Les indicateurs sont contraignants, aussi bien pour les mesures quantitatives que qualitatives. Nous avons donc décidé d'être raisonnables, mais ambitieux. C'est la deuxième année que nous pilotons ce contrat, et pour l'instant, tous les indicateurs sont respectés. On ne modifie pas la façon de penser des gens si rapidement, mais nous sommes partis pour réussir.

M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - J'aurai simplement une remarque. Notre commission pense qu'il faut que l'État respecte ses engagements également. Or, nous avons remarqué, après avoir salué le bon traitement qui était réservé à Radio France, que deux millions d'euros vous ont été retirés lors d'une seconde délibération. Nous avons proposé un amendement pour les rétablir et le Sénat nous a suivis. Nous espérons qu'à l'Assemblée nationale ce ne sera pas défait ; d'autant plus que le chantier de rénovation demande beaucoup d'argent, et que les économies que vous avez pu réaliser par ailleurs aggravent le climat social.

M. Jean-Luc Hees, président du groupe Radio France. - J'apprécie le soutien du Sénat à Radio France. Le fait que j'aie pris acte de la disparition de ces deux millions d'euros très vite a pu vous choquer, mais j'ai agi en chef d'entreprise. Je ne peux pas me laisser surprendre. Deux millions d'euros, cela pèse très lourd car nous avons des marges très étroites. Je voulais vous remercier et vous dire que j'apprécie votre soutien, même si, lorsque je regarde dehors, je me dis que notre situation n'est pas si mauvaise.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Merci pour votre ambition et pour votre pragmatisme face aux coupes budgétaires.

Présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente -

4e loi de finances rectificative pour 2011 - Examen du rapport pour avis

La commission examine ensuite le rapport pour avis de M. Vincent Eblé sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011, adopté par l'Assemblée nationale, n° 160 (2011-2012).

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis. - Notre commission a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2011 que l'Assemblée nationale vient d'adopter. Plusieurs dispositions concernent des sujets « culture » et je propose de vous les présenter sans plus attendre.

A l'article 9, le Gouvernement propose d'ouvrir 44,9 millions d'euros en AE et CP afin de financer :

- le déménagement de Radio France Internationale (RFI) et de Monte Carlo Doualiya (MCD) dont le coût est estimé à 20,5 millions d'euros ;

- et le second plan de départs de salariés lié à la réorganisation du groupe consécutive à la fusion de RFI et de France 24. Son coût est estimé à 24,3 millions d'euros.

Je rappelle que la commission de la culture s'est opposée, lors du débat sur la mission « Médias » dans le projet de loi de finances pour 2012, à la fois au projet de déménagement, coûteux et mal organisé, de RFI et à la fusion des différentes entités de l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF) que Mme Lepage a qualifié de complexe et hasardeuse.

Je vous proposerai donc un amendement de suppression de ces crédits.

Toujours à l'article 9, l'Assemblée nationale a adopté, contre l'avis du Gouvernement, un amendement du rapporteur général qui tend à réduire de 2 500 000 à 500 000 euros les crédits prévus pour la préfiguration de l'éventuel futur Centre national de la musique.

Deux raisons à cela :

- la somme lui est apparue trop importante pour une simple préfiguration ;

- et il a exprimé des inquiétudes relatives au projet lui-même, qui devrait entraîner une augmentation du financement public de la filière musicale.

Je vous rappelle que ce projet a pour objet de rationnaliser l'organisation de la filière musicale, en fusionnant les organismes existants dans ce domaine et en complétant les aides allouées aux professionnels concernés.

Sur les 2,5 millions d'euros initialement inscrits au PLFR, 500 000 euros devaient servir à la préfiguration technique et 2 millions, à expérimenter le tuilage des subventions avec les dispositifs existants.

Il me semblerait sage d'attendre les résultats de cette mission de préfiguration avant d'engager de nouveaux financements.

L'article 11 nous préoccupe bien entendu tout particulièrement puisqu'il tend à porter le taux réduit de TVA de 5,5 % à 7 %, à l'exception de certains biens de première nécessité.

Ses conséquences sont particulièrement graves pour la culture, dont il touche tous les secteurs, déjà affectés par un contexte difficile.

Une telle mesure aurait des conséquences particulièrement néfastes pour le secteur de l'édition. Elle représenterait un surcoût estimé à 42 millions d'euros ainsi que des incertitudes et des difficultés techniques lourdes pour la filière du livre.

Les librairies seraient notamment en difficulté alors que la situation économique des librairies indépendantes est déjà très fragile.

Enfin, en cas de répercussion de la hausse de la TVA sur le prix de vente du livre, c'est l'accès à la lecture, et donc à culture, qui serait atteint.

Quant aux autres produits culturels pouvant concourir à la préservation du lien social, nous savons à quel point il faut encourager leur accès, tout particulièrement en temps de crise.

S'agissant du spectacle vivant, le relèvement du taux de TVA fragiliserait de nombreuses structures, déjà obligées de réduire leurs marges artistiques, comme l'a relevé notre collègue Maryvonne Blondin dans son rapport pour avis sur le sujet. Certes, le taux de 2,10 % restera appliqué aux 140 premières représentations, mais la hausse de la TVA aurait un impact sur les contrats de cession et de coproduction de spectacles. Les compagnies et petites structures non fiscalisées seraient les plus touchées, de même que les structures qui achètent les spectacles toutes taxes comprises.

En outre, la situation est cruciale pour le secteur des concerts où le spectateur peut consommer pendant la séance, car il ne pourra plus bénéficier du taux de 2,10 % sur les 140 premières représentations, cet avantage étant non conforme à la législation européenne. Le taux de TVA qui leur est applicable risquerait ainsi de passer brutalement de 2,10 à 7 %...

Pour le secteur du cinéma, le relèvement de la TVA sur les prix des tickets est évalué à 18,5 millions d'euros.

La commission des finances du Sénat ayant l'intention d'adopter un amendement de suppression pure et simple de l'article 11, ceci préservera les intérêts du secteur culturel et nous n'avons donc pas à adopter d'amendement spécifique.

L'Assemblée nationale a supprimé, contre l'avis du Gouvernement, le II de l'article 16, qui prévoyait d'ajuster une modalité de calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) afin de tenir compte des spécificités du secteur cinématographique.

Je vous propose d'adopter un amendement tendant à rétablir les dispositions concernées. Il s'agit de permettre aux entreprises concernées de reporter les dépenses relatives à un film dans le calcul de la CVAE de façon à ce qu'elles soient prises en compte en même temps que les recettes qui se rattachent au même film, comptabilisées lors de l'obtention du visa d'exploitation. À défaut, cela génère en quelque sorte une valeur ajoutée fictive, qui résulte de la prise en compte de recettes de financement avant que ne le soient les dépenses afférentes.

Notre commission de la culture avait d'ailleurs défendu un amendement en ce sens il y a un an, qui n'avait malheureusement pas été adopté par le Sénat.

L'article 17 relatif à la modernisation du recouvrement propose notamment une réforme de la procédure de dation en paiement, qui je vous le rappelle, permet d'acquitter des dettes fiscales (ISF, droit de mutation à titre gratuit, droit de partage) par la remise de certains biens, notamment des oeuvres d'art. Comme l'a rappelé notre collègue Jean-Pierre Plancade dans son rapport d'information sur l'art d'aujourd'hui, ce dispositif est précieux car il permet d'enrichir considérablement les collections publiques. La proposition n° 20 que nous avions adoptée le 18 octobre dernier visait à « sécuriser » davantage la procédure pour éviter un effet d'aubaine et des situations telles que celle qu'a rencontrée le Centre Pompidou en perdant la dation de Claude Berry après un accord entre les parties. C'est justement ce que propose le PLFR. Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption de ces dispositions.

L'article 22 propose la réforme de la redevance d'archéologie préventive annoncée depuis plusieurs mois par le Gouvernement. Avant de vous en présenter les éléments techniques, j'aimerais rappeler les objectifs de l'archéologie préventive, son sens, son utilité. Si, dès le milieu du XIXe siècle, l'État français met en place des structures de recherche archéologique en Italie, en Grèce, en Égypte, en Syrie et en Extrême-Orient, il faudra attendre 2001 pour qu'il se dote d'une loi qui garantisse la « sauvegarde par l'étude » du passé de son propre territoire. Nous sommes ainsi passés de l'archéologie de sauvetage à l'archéologie préventive, décrite par Pierre Bordier et Yves Dauge dans leur récent rapport d'information. L'archéologie préventive constitue ainsi le seul moyen de faire progresser la connaissance de notre passé et la recherche scientifique archéologique. Il s'agit d'assurer la sauvegarde du patrimoine archéologique menacé par des travaux d'aménagement.

De toute évidence, la mise en oeuvre technique de cette politique publique n'a pas nécessairement été à la hauteur des enjeux. Nous le voyons à chaque loi de finances, le financement de l'archéologie préventive défini par la loi du 1er août 2003 n'a pas permis de couvrir les coûts engendrés, provoquant des retards dans la mise en oeuvre des diagnostics et des chantiers de fouilles conduits par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Malgré des ajustements votés en 2004 et 2009, le rendement de la redevance d'archéologie préventive (RAP) ne parvient pas à couvrir les besoins. Il a péniblement dépassé les 70 millions d'euros tandis que l'évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances estime à 77 millions d'euros le rendement pour 2011. Or les besoins ont été estimés, par l'Inspection générale de finances, à hauteur de 125 millions pour assurer la mise en oeuvre des différentes étapes de l'archéologie préventive, y compris de la phase de recherche et de valorisation qui constitue la raison d'être de l'archéologie préventive. C'est ainsi que l'État a opéré, chaque année, des « sauvetages financiers » en accordant des crédits supplémentaires à l'INRAP, soit 154 millions d'euros depuis 2002. L'ouverture de 60 millions d'euros en autorisations d'engagement est d'ailleurs proposée par ailleurs dans le PLFR.

Deux axes doivent être envisagés pour traiter ce problème. Le premier concerne la rationalisation de la gestion de l'INRAP. C'est justement ce que vise le contrat de performance présenté par l'établissement public le 12 juillet dernier aux ministères de tutelle. Le deuxième axe est celui de la réforme de la RAP, soumis à notre examen.

Sans revenir sur le détail du dispositif actuel, rappelé dans le rapport d'information d'Yves Dauge et Pierre Bordier, je rappelle qu'il existe deux filières de liquidation, une filière « urbanisme » pour les aménagements soumis à autorisation préalable, et une filière « DRAC » ou « culture » pour les aménagements soumis à étude d'impact. La réforme présentée dans la version initiale du PLFR concerne la filière « urbanisme » et propose d'adosser la RAP à la taxe d'aménagement créée par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010. Elle permet d'élargir l'assiette, en revenant notamment sur une série d'exonérations (construction de maison individuelle par une personne physique pour elle-même, construction de logements sociaux - hormis les prêts locatifs aidés d'intégration ou PLAI -, travaux de construction créant moins de 1 000 m2 de surface de construction, etc.). J'indique toutefois que sont désormais exonérées les constructions destinées à un service public, au même titre que les constructions agricoles ou les PLAI. Avec un taux abaissé de 0,5 à 0,4 %, cet élargissement de l'assiette permet d'augmenter considérablement le rendement pour atteindre un total estimé à 123 millions d'euros. Enfin, la réforme doit être complétée, dans un deuxième temps, par la création d'un compte d'affectation spéciale qui permettra de clarifier la gouvernance et d'éviter les confusions de gestion entre l'INRAP et le fonds national pour l'archéologie préventive (FNAP). L'objectif financier semble atteint avec ce nouveau dispositif et doit permettre de ne plus revenir de façon récurrente au secours de l'INRAP.

Or ce dispositif a été modifié par l'Assemble nationale. En contrepartie d'un retrait de son amendement de suppression de l'article 22, le Gouvernement a proposé à la commission des finances un amendement tendant à exonérer les maisons individuelles, que les députés ont adopté.

La version de l'article 22 transmise au Sénat ne me paraît pas satisfaisante et c'est pourquoi je vous proposerai un amendement qui a pour objet  de supprimer l'exonération des constructions de maisons individuelles réalisées pour elles-mêmes par une personne physique, et de maintenir l'exonération actuellement en vigueur au bénéfice de l'ensemble du logement social, que le Gouvernement prévoyait de réserver au seul logement très social.

L'amendement adopté à l'Assemblée soulève une question de justice sociale. On peut s'interroger sur le choix de l'exonération de maisons individuelles par rapport aux logements sociaux. En outre, il paraît difficile de justifier que les personnes qui vont acquérir un simple appartement vont devoir payer la RAP qui sera répercutée par l'aménageur dans le prix de vente, alors que celles qui peuvent faire construire une maison individuelle n'auront pas à le faire.

Même si cela ne représente que 130 euros pour une maison représentant une surface de construction de 100 m2, ce qui peut ne pas paraître dissuasif, il convient de faire le choix d'une fiscalité cohérente avec les objectifs de développement durable au rang desquels figure la lutte contre l'étalement urbain.

Enfin et surtout, l'exonération des maisons individuelles remet en cause une fois de plus le rendement de la RAP puisqu'elle ferait chuter considérablement le montant du produit attendu. Dans la présentation de son amendement, le Gouvernement a estimé le manque à gagner à hauteur de 18 millions d'euros, soit une baisse de 20 %, ce qui, déjà, ne manquerait pas de peser sur un bon nombre de mesures d'archéologie préventive, et on peut l'imaginer facilement, en premier lieu sur la recherche et la valorisation. Mais les statistiques disponibles sur les taxes d'urbanisme permettent d'évaluer à 30 % la part des maisons individuelles dans le produit total, ce qui représenterait une baisse de 37 millions d'euros, pour arriver au rendement actuel de la RAP. Il faudrait à nouveau revenir sur le taux de la taxe dès 2012 pour assurer le financement de l'archéologie préventive, ce qui est précisément contraire à l'objectif visé.

En revanche l'exonération des logements sociaux paraît plus juste et mesurée puisque la perte serait estimée à moins de 4 millions d'euros.

L'article 30 (nouveau), issu d'un amendement gouvernemental, vise à permettre la mise en oeuvre effective du droit à la formation professionnelle continue des artistes auteurs (plasticiens, compositeurs, écrivains, scénaristes, etc.). En effet, ceux-ci ne bénéficient pas aujourd'hui de ce droit reconnu à tout travailleur, faute d'un dispositif de financement mutualisé et adapté.

Le dispositif reposera sur une contribution des artistes auteurs et de leurs diffuseurs, à hauteur de respectivement 0,35 % et 0,1 % de leur chiffre d'affaires. Cette contribution sera recouvrée par les organismes agréés pour le recouvrement des contributions au régime de protection sociale des artistes auteurs. Une section particulière sera créée au sein du Fonds d'assurance formation des secteurs de la culture, de la communication et des loisirs (AFDAS).

Cet article est le fruit d'une concertation approfondie entre les professionnels et les pouvoirs publics qui a duré plus de 10 ans et a permis d'aboutir à un accord global.

Je vous propose de soutenir l'adoption de cet article.

Enfin, l'article 47 quater (nouveau) tend à corriger certains effets négatifs de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et à rétablir l'égalité fiscale entre les acteurs du spectacle vivant. Il s'agit d'intégrer les spectacles musicaux et de variété à la liste des activités culturelles que les collectivités territoriales peuvent faire bénéficier d'exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE).

Il s'agissait d'une forte demande des producteurs de spectacles, qui semblent avoir été oubliés lors de l'établissement de cette liste.

Je vous propose donc de soutenir l'adoption de cet article.

Mme Dominique Gillot. - Je souhaiterais avoir quelques précisions sur les ressources affectées à l'archéologie préventive. Le sujet est complexe et je me pose la question de la conformité de la substitution de la taxe d'aménagement à la taxe locale d'équipement. En voyant comment cela se passe sur le terrain, je ne pense pas que l'État soit en mesure d'imposer les exonérations.

Par ailleurs, je regrette que les capacités d'intervention de l'INRAP soient insuffisantes pour répondre aux besoins des aménageurs et aux exigences de la loi. Cela risque de créer des décalages graves sources de fraudes et de dissimulation de la part des entreprises de travaux publics.

Il me semble nécessaire de faire une distinction entre les moyens conférés à l'INRAP pour effectuer les fouilles et les moyens d'exploitation des connaissances qui ressortent de ces fouilles. Cette dernière compétence doit rester à l'État.

Je note enfin que la CVAE a été repoussée par la commission des finances au motif que l'exonération n'était pas compensable par le budget de l'État car il s'agit d'une décision relevant des collectivités locales.

M. Jacques Legendre. - Concernant la RAP, je partage le souci de dégager un financement suffisant et d'éviter les compensations en catastrophe pour faire fonctionner cette politique d'archéologie préventive. Si l'estimation des besoins est à 123 millions d'euros, il faudrait trouver un dispositif permettant de récupérer 125 millions d'euros. Je suis d'accord avec le rapporteur pour ne pas pénaliser les logements sociaux mais la question de l'exonération des maisons individuelles est un vieux débat. Je comprends aussi votre volonté de supprimer cette exonération et je considère qu'il n'est pas possible d'acter un déficit de l'ordre de 22 millions d'euros dès le départ.

Concernant l'INRAP, celle-ci avait le monopole en 2001, ce à quoi j'étais d'ailleurs personnellement opposé. Au fil des réformes, les collectivités territoriales ont pu créer une compétence archéologique. La création de services archéologiques territoriaux est un succès reconnu. Et en ce qui concerne les sociétés privées d'archéologie, la loi a prévu des garde-fous, l'homologation par le ministère de la culture retenant des critères très exigeants.

En fait nous avons à faire face à deux difficultés : les délais et les financements. Il faut avoir les moyens de notre politique.

Mme Sylvie Goy-Chavent. - La RAP est une taxe que l'on perçoit au moment de la construction. Je voudrais que l'on prenne conscience qu'elle va s'ajouter aux taxes que paie déjà la classe moyenne qui accède à la propriété dans des conditions difficiles. Je me soucie également de la disparité de traitement des recherches archéologiques entre les territoires ruraux et les autres. Certains projets locaux à caractère économique peuvent être freinés, voire bloqués par la découverte de vestiges. J'aimerais un peu plus de souplesse dans le dispositif.

M. Louis Duvernois. - Je souhaite revenir sur la fusion et le déménagement de France 24 et de RFI sur lesquels j'aimerais vous apporter un éclairage nouveau et technique. Le conseil d'administration extraordinaire qui s'est tenu vendredi dernier, a entériné la fusion de France 24 et RFI. Je vous précise que le départ d'un certain nombre de personnel de RFI s'est fait sur la base du volontariat, sans aucun licenciement sec. En tant que membre de ce conseil d'administration et solidaire des décisions prises, je ne m'associerai pas à la suppression de ces crédits.

Mme Cécile Cukierman. - Je partage la position du rapporteur que le groupe CRC soutiendra. Nous sommes très attentifs au contenu de cette loi de finances rectificative. La rigueur est toujours à destination des mêmes et la justice sociale est une valeur à défendre.

M. Daniel Percheron. - Concernant la fusion de RFI et France 24, il s'agit bien de quelque 200 départs sur la base de 100 000 euros par personne ? Donc, c'est un plan social librement négocié ?

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis. - Tout à fait.

Concernant l'archéologie préventive qui a suscité beaucoup de réactions, il s'agit d'une réforme de la RAP mais pas de l'ensemble du dispositif. Il s'agit de faciliter le processus en créant un compte d'affectation spéciale. Le ministère de la culture se chargera de cette répartition entre l'INRAP, le FNAP et les services territoriaux. S'il y a eu blocage, c'est parce que l'INRAP n'a pas eu de financements suffisants. Des chantiers ont été repoussés voire bloqués par le système. L'objectif est donc d'amener plus de financement, de fluidité et d'éviter le recours ponctuel au budget de l'État. La précision d'un rendement à hauteur de 123 millions d'euros me paraît satisfaisante, surtout dans cette période de restriction budgétaire. En outre, la RAP ne disparaît pas, elle est simplement adossée à la taxe d'aménagement dans un objectif de rationalisation. C'est toujours le code du patrimoine qui fixe le taux de la RAP. Le taux de la taxe d'aménagement continuera bien d'être délibéré dans les assemblées locales. L'objectif de la réforme est d'élargir la base et de réduire le taux, il ne faut donc pas accorder trop d'exonérations. Je propose une seule exonération supplémentaire, qui existait au départ, sur le logement locatif social, estimée à trois ou quatre millions d'euros. Ma proposition de supprimer l'exonération des maisons individuelles est à relativiser ; elle représente 130 euros pour 100 m2 de construction et c'est une taxe unique dans le temps qui se paie au moment de la construction. Les conséquences sont donc très peu pénalisantes pour les individus concernés et plus justes à l'égard des autres.

Concernant l'amendement sur la fusion de RFI et France 24, nous essayons de faire des économies sur la fusion et le déménagement. Cela représente tout de même 44,8 millions d'euros d'économie.

Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je mets aux voix les trois amendements du rapporteur.

M. Jacques Legendre. - Le groupe UMP ne prendra pas part au vote.

Les amendements sont adoptés.

Sous réserve des amendements qu'elle propose, la commission donne un avis favorable aux articles 9, 11, 16, 17, 22, 30 (nouveau) et 47 quater (nouveau) du projet de loi de finances rectificative.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je vous informe qu'une réunion du Bureau de la commission a procédé à la nomination de sénateurs à des organismes extra-parlementaires. Quarante postes sont à pourvoir par la commission de la culture. Vingt-deux ont été attribués par la majorité précédente et il reste donc dix-huit sénateurs à nommer, selon les règles de la proportionnelle établie, à la demande du Bureau du Sénat.

Ainsi, trois postes à pourvoir reviennent au groupe UMP, aucun au groupe UC, qui est déjà bien pourvu, deux au groupe CRC, un au groupe RDSE et douze au groupe Soc-EELV.

Nous ne sommes pas parvenus à un accord. De plus, nous ne maîtrisons pas toutes les variables et des ajustements doivent être faits parfois entre plusieurs commissions.

Aussi, je vous propose de nous réunir pour procéder à ces désignations mardi 13 décembre à 15 heures.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Au mois de janvier, le Sénat sera saisi d'un projet de loi sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique. Ce texte implique largement le personnel de l'éducation nationale. Pourrions-nous nous saisir pour avis de ce texte ?

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - C'est tout à fait possible. Je vous précise que ce texte sera examiné au fond par la commission des lois.

Vendredi 9 décembre 2011

- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -

Exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle - Examen des amendements

La commission examine les amendements sur la proposition de loi n° 54 rect. (2011-2012) relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle dont la rapporteure est Mme Bariza Khiari.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je me félicite que nous puissions examiner cette proposition de loi animée d'intentions que nous partageons et bénéficiant d'auspices favorables, le rapport de Mme Bariza Khiari ayant donné lieu à un dialogue particulièrement utile avec M. Jacques Legendre, auteur de la proposition, et le ministère de la culture.

Je regrette en revanche l'obligation qui nous est faite de travailler dans la précipitation en siégeant un vendredi, de surcroît en l'absence du ministre. Je regrette aussi d'avoir appris seulement hier soir à 22 heures que le Gouvernement avait décidé d'engager sur ce texte à la procédure accélérée, afin de permettre son adoption par les deux assemblées avant la suspension des travaux parlementaires prévue pour la fin du mois de février.

M. Jacques Legendre, auteur de la proposition. - Je regrette moi aussi que nous devions travailler dans la précipitation, mais j'estime en revanche que, compte tenu du calendrier politique très particulier de l'année 2012, cette urgence est justifiée si nous souhaitons que ce texte soit effectivement adopté avant la fin de la session et bénéficier ainsi d'un financement par le grand emprunt.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Je ne puis que m'associer aux regrets exprimés tout en me félicitant du fait que ce texte donne l'occasion à la France d'être pionnière en matière de numérisation des livres.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° CULT.1 propose d'une part, de préciser que la proposition de loi concerne bien les seuls livres indisponibles, et non pas l'ensemble des oeuvres et, d'autre part, de retenir une nouvelle définition des livres indisponibles, intégrant notamment ceux que l'on trouve encore sur le marché de l'occasion, mais qui ne font pas l'objet d'une diffusion commerciale, à l'exclusion de ceux qui n'ont jamais fait l'objet d'une diffusion commerciale.

M. Jacques Legendre. - Je suis favorable à cet amendement tout en notant qu'il ne fait plus référence aux bases de données mentionnées à l'article L. 134-2 du code de la propriété intellectuelle.

L'amendement n° CULT.1 est adopté.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° CULT.2 vise à assurer une publicité réelle à la liste des oeuvres indisponibles, en imposant sa mise à disposition du public sur internet.

L'amendement n° CULT.2 est adopté.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° CULT.3 vise à spécifier que la Bibliothèque nationale de France est responsable de la gestion de la liste des livres indisponibles.

M. Jacques Legendre. - La proposition évoquait la base de données publique sans pour autant prévoir, comme vous le proposez, que seule la Bibliothèque nationale de France en aurait la charge. Nous pourrions peut-être recueillir l'avis du Gouvernement sur ce point.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Il y est favorable.

L'amendement n° CULT.3 est adopté.

L'amendement de coordination n° CULT.4 est adopté.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° CULT.5 propose d'améliorer la rédaction du sixième alinéa de l'article et de fixer le principe selon lequel les autorisations d'exploitation des livres indisponibles sont données à titre non exclusif et pour une durée de cinq ans.

M. Jacques Legendre. - Est-ce cet amendement qui introduit la durée de cinq ans ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Non, elle était déjà prévue.

L'amendement n° CULT.5 est adopté.

L'amendement rédactionnel n° CULT.6 est adopté.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° CULT.7 traite du cas spécifique des sociétés de gestion représentant les droits des auteurs des oeuvres visuelles présentes dans les livres non assujetties à l'obligation de représentation paritaire dont il en permettra l'agrément.

L'amendement n° CULT.7 est adopté.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° CULT.8 vise à renforcer les obligations des sociétés de gestion agréées en prévoyant qu'elles devront se donner les moyens de recherches avérées et sérieuses afin d'identifier et de retrouver les ayants droit des livres indisponibles.

M. Jacques Legendre. - Cet amendement est tout à fait conforme à l'esprit du texte.

L'amendement n° CULT.8 est adopté.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° CULT.9 propose de renforcer le contrôle des sociétés de gestion agréées en prévoyant la présence d'un commissaire du Gouvernement au sein de leur conseil d'administration, de leur directoire ou de leur assemblée générale. Il aura notamment pour rôle de s'assurer que les recherches des ayants droit sont effectivement menées à bien.

M. Jacques Legendre. - Ne serait-il pas utile d'indiquer dans le corps même que la mission de ces commissaires du Gouvernement sera effectivement de s'assurer que les recherches des ayants droit sont effectivement menées à bien ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Tout à fait. Nous allons rectifier l'amendement n° CULT.9 en ce sens.

L'amendement n° CULT.9 est adopté sous réserve de rectification.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'objet principal de cet amendement est de renforcer la possibilité pour les auteurs de ne pas être intégrés dans le système de gestion collective en indiquant par avance, avant même l'inscription de l'un de leurs livres dans la base de données des livres indisponibles, qu'ils s'opposent à l'exercice du droit d'autorisation d'exploitation par les sociétés de gestion.

L'amendement n° CULT.10 est adopté.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Afin de protéger les auteurs faisant, du fait de la loi, l'objet une situation de présomption d'accord pour l'intégration de leurs livres dans un système de gestion collective, l'amendement n° CULT.11 prévoit qu'ils puissent exercer à tout moment leur droit d'empêcher l'exploitation d'un de leurs ouvrages qui pourrait nuire à leur honneur ou à leur réputation, et ce sans verser de contrepartie financière à l'éditeur.

M. Jacques Legendre. - Autant je suis favorable à ce droit proposé par l'amendement pour les auteurs eux-mêmes, autant je m'y oppose s'agissant de leurs ayants droit abusifs. Quelle absurdité si les réserves émises par Paterne Berrichon nous avaient privés de quelques-unes des plus belles pages de la littérature française laissées par Arthur Rimbaud !

L'amendement n° CULT.11 est adopté.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° CULT.12 vise à protéger les héritiers de l'auteur qui pourraient être victimes de la seconde vie des livres indisponibles du fait de leur possible impact sur leur réputation ou leur honneur. Leur serait ainsi donnée la possibilité de faire accompagner la publication du livre d'un message, sous la forme d'un avertissement ou d'une postface, leur permettant ainsi d'exprimer leur désaccord avec le contenu de l'ouvrage.

Je précise qu'il s'agit d'un amendement de compromis, mon intention initiale ayant été de prévoir, pour les héritiers, un droit de retrait semblable à celui des auteurs.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Pour ma part, j'étais défavorable à la reconnaissance d'un tel droit de retrait, car les héritiers ne sont pas les auteurs. Ils pourraient de surcroît être d'autant plus tentés de retirer des oeuvres qui, du fait du contexte politique ou social du moment, feraient naître des risques. Il ne faudrait pas par exemple que les ayants droit de Giono ou de Jules Milhau puissent être un jour tentés de retirer des écrits pacifistes dans la mesure où ceux-ci contrediraient une évolution politique générale marquée renforcement des nationalismes.

Toutefois, afin que les ayants droit puissent faire valoir leur opinion, j'avais songé à leur permettre de l'indiquer dans un texte placé en préambule à l'ouvrage concerné. Mais dans le souci de mieux distinguer ce texte de l'oeuvre elle-même, il m'a semblé préférable que l'opinion des ayants droit puisse, le cas échéant, n'être indiquée qu'à la fin de l'ouvrage.

M. Jacques Legendre. - Je suis embarrassé par cette proposition car, contrairement à ce qui prévaut pour les auteurs, je m'interroge sur la légitimité des ayants droit à s'exprimer de la sorte. Je me demande en quoi leur honneur ou leur réputation peut être atteinte par les écrits de leur grand-père ou de leur arrière grand-père. Les descendants d'Aragon, d'Eluard ou Céline peuvent être en opposition avec certains de leurs écrits, mais ils ont toujours la possibilité d'exprimer celle-ci en dehors de l'ouvrage.

Mme Cécile Cukierman. - Je suis moi aussi réservée sur la possibilité des ayants droit à faire valoir leur point de vue comme cela nous est proposé. Chacun est responsable de ses faits et gestes, et le fait d'avoir des ascendants ayant produit des écrits qui peuvent paraitre choquant fait partie de la vie, tout comme le fait, que j'ai vécu personnellement, d'avoir un homonyme tenant des propos publics que l'on ne partage pas.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Je vous rappelle qu'il s'agit d'ouvrages indisponibles et que l'on peut estimer que l'atteinte à l'honneur et à la réputation est un ressenti personnel qui regarde l'héritier lui-même.

M. Jacques Legendre. - Dans la mesure où il s'agit précisément d'ouvrages indisponibles, la situation ne serait-elle pas absurde de les avoir affecté de la postface que vous proposez, puis de les voir quelques années après, soit à la fin de la période de 70 ans et plus couverte par le droit d'auteur, entrer dans la domaine public et pouvoir être de nouveau publiés librement ?

Cela dit, ce débat mérite d'être porté en séance publique au Sénat.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Mais ceci suppose que cet amendement soit adopté par la commission, quitte à ce qu'il soit retiré au cours de la discussion en séance.

L'amendement n° CULT.12 est adopté.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° CULT.13 tend à faire de la société de gestion l'interlocuteur unique des éditeurs pour l'établissement des preuves que ceux-ci doivent apporter de l'exploitation effective des livres indisponibles. Il vise ainsi à soulager la Bibliothèque nationale de France d'une mission qui n'est pas la sienne.

L'amendement n° CULT.13 est adopté.

L'amendement de coordination n° CULT.14 est adopté.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° CULT. 15 vise à permettre aux auteurs de sortir à tout moment un livre indisponible du système dit du droit de préférence des éditeurs s'ils démontrent qu'ils détiennent l'intégralité des droits d'exploitation du livre en question.

M. Jacques Legendre. - Ceci ne s'applique qu'à condition que ces écrits soient publics.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Cet amendement n° COM.15 est très important, en particulier pour ceux qui diffusent leurs ouvrages sur Internet sans être par ailleurs passés par un éditeur. Il s'agit d'un espace de vie à préserver.

M. Jacques Legendre. - Leurs ayants droit bénéficient-ils de la même faculté ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Oui implicitement, puisque dans le cadre de la propriété intellectuelle, le terme auteur recouvre aussi les ayants droit.

M. Jacques Legendre. - Certes, mais qu'en est-il lorsqu'ils sont plusieurs à pouvoir exercer le droit prévu par l'amendement ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Ils doivent trouver un accord.

M. Jacques Legendre. - Je ne suis pas contre ce principe préférant un accord de l'ensemble des ayants droit à la faculté donnée à chacun d'entre eux d'exercer ce droit, mais j'estime qu'il serait préférable que le texte le prévoit explicitement.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Cela sera effectivement précisé à l'occasion du débat en séance.

L'amendement n° CULT.15 est adopté.

L'amendement de coordination n° CULT.16 ainsi que l'amendement n° CULT.17 de coordination et rédactionnel sont adoptés.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement CULT. 18 se propose de clarifier les différentes procédures de sortie du système de gestion collective par les auteurs seuls d'une part, ou conjointement par les auditeurs et les éditeurs d'autre part.

L'amendement n° CULT.18 est adopté.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° COM 19 traite le cas des livres indisponibles pour lesquels aucun ayant droit n'a été trouvé après des recherches avérées et sérieuses menées par la société de gestion pendant dix ans. Il prévoit que l'exploitation de ces ouvrages devra être autorisée par ces sociétés à titre gratuit et non exclusif, ce qui signifie notamment que tout utilisateur pourra, à titre gratuit, numériser les livres indisponibles concernés et les exploiter.

Cet amendement ouvre ce faisant la possibilité, notamment aux bibliothèques, de mettre à la disposition du public de nombreuses oeuvres indisponibles qu'elles auraient numérisées.

Quant aux ayants droit qui se feraient connaître auprès de la société de perception et de répartition des droits après ces dix ans, ils pourraient récupérer l'intégralité de ces droits.

L'objectif poursuivi est d'inciter les sociétés de gestion à procéder effectivement aux recherches qui leurs incombent.

M. Jacques Legendre. - Je trouve que les ayants droit ont bien de la chance que l'on incite d'autres qu'eux à ce travail de recherche. Je serai intéressé d'entendre l'avis du Gouvernement sur ce point.

Mme Cécile Cukierman. - Vous êtes bien sévère avec les ayants droit en semblant considérer que la plupart d'entre eux n'y voient qu'un intérêt financier.

L'amendement n° CULT.19 est adopté.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° CULT. 20 indique que le délai de mise en application de cette loi ne peut excéder six mois, ce qui va dans le sens de l'urgence souhaitée par le Gouvernement.

L'amendement n° CULT.20 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS EXTÉRIEURS

Mme Marie-Christine Blandin , présidente. - S'agissant de l'amendement n° 1 de Mme Gillot, je voudrais rappeler à M. Humbert qu'il retrouvera dans ce texte l'article premier de la proposition de loi sur les oeuvres audiovisuelles orphelines, adopté à l'unanimité par la commission. Les articles 2 et 3 sont tombés, et la navette a interrompu le processus, mais au bout du compte il s'agit bien de faire revivre des oeuvres sans auteur assignable ni ayant droit. Depuis quatre ans, on nous annonce un texte européen, une directive que la France devrait transposer. Je crois utile l'initiative de Mme Gillot et de ses collègues.

L'amendement n° 8 de Mme Cukierman a le même objet.

Mme Cécile Cukierman. - Il s'agit d'anticiper et de préciser la définition d'une oeuvre orpheline.

M. Jacques Legendre. - Je n'ai pas de réserve quant à une définition des oeuvres orphelines qui peut être utile, mais je considère qu'elle n'a pas sa place avant l'article premier, qui doit préciser l'objet de la proposition de loi.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Mme Cukierman peut-elle rectifier son amendement pour le rendre identique à l'amendement n° 1, rectifié également, de façon qu'il s'insère après l'article premier ?

Mme Cécile Cukierman. - Soit.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1 rectifié, identique à l'amendement n° 8 rectifié.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° 2 tend à élargir l'exception au droit d'auteur prévu à l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle. Il supprime la condition de handicap, pour la première exception, et autoriserait la numérisation de tous les livres publiés aujourd'hui, et pas seulement les livres indisponibles, sans accord préalable de l'auteur et sans rémunération. Cette exception très large est contraire au respect du droit d'auteur défendu par la commission.

M. Jacques Legendre. - La commission a toujours été attentive à la défense du droit d'auteur.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Il est dans la mission des bibliothèques de mettre les oeuvres à disposition. Mais je me range à l'avis de Mme la rapporteure. La commission a adopté un amendement n° 19 qui autorise déjà une numérisation à titre gratuit pendant dix ans.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Le délai proposé de six mois est assez court, mais les auteurs peuvent retirer leur oeuvre à tout moment, si leur honneur ou leur réputation est susceptible d'être mis en cause. En outre, le droit moral est complètement préservé. Enfin la publicité de la liste des oeuvres est assurée. Je ne crois pas utile de prolonger le délai de six mois. Il faut que le système se mette rapidement en place.

Mme Cécile Cukierman. - Je comprends.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Rappelons qu'un amendement extérieur qui a reçu un avis défavorable de la commission peut toujours être défendu en séance.

M. André Gattolin. - Il est important de garantir un droit de retrait, notamment sur Internet, où il est très difficile d'effacer les traces d'une contribution. J'en ai fait l'expérience.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - C'est exact, mais c'est un autre problème.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur (SPRD) devront effectuer des recherches avérées et sérieuses, et la règle des dix ans s'applique.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - La gestion des droits des auteurs des oeuvres de l'esprit n'associe pas les utilisateurs : l'amendement n° 3, déposé par Mme Gillot, est contraire au principe même de la gestion collective ! Le commissaire du Gouvernement s'assurera d'une recherche sérieuse et avérée. Il faudrait débattre de la nature et de la qualité des utilisateurs dont l'amendement propose la représentation. Défavorable.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - La perplexité nous conduit à l'abstention...

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° 4 de Mme Gillot, en revanche, est protecteur des droits des auteurs. Favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°4.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Même avis défavorable sur l'amendement n° 11 de Mme Cukierman que sur son précédent amendement.

Mme Cécile Cukierman. - Même position !

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Notre objectif est d'éviter la guerre sur les titulaires réels des droits numériques, que l'amendement n° 12 risque d'ouvrir...

M. Jacques Legendre. - C'est le principe du droit d'auteur qui est en cause...

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - J'en demanderai le retrait en séance.

Mme Cécile Cukierman. - D'accord !

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° 5 de Mme Gillot clarifie le texte. Favorable.

M. Jacques Legendre. - Je lui fais confiance. Même avis.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 5.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Sur l'amendement n° 13 de Mme Cukierman, même avis que sur son précédent amendement. Le droit de retrait des auteurs peut toujours s'exercer. Le droit à l'oubli est toujours possible.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Je serai favorable à l'amendement n° 14 de Mme Cukierman si elle le rectifie en précisant que le droit de retrait de l'auteur « s'applique sans préjudice des dispositions de l'article L. 121-4 ». Cela permet de lever toute ambigüité sur l'application du droit de retrait.

Mme Cécile Cukierman. - D'accord !

M. Jacques Legendre. - D'accord.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 14 rectifié.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Défavorable à l'amendement n° 15, par cohérence.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement de coordination n° 15.

Article additionnel après l'article 1er

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Par l'amendement n° 6, Mme Gillot propose de créer un comité de suivi, constitué de deux sénateurs et de deux députés...

M. Jean-François Humbert. - ...qui ne se réunira jamais !

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - Il s'inspire de nombreux textes adoptés par le Sénat. J'en demanderai le retrait en séance, car l'application des lois relève de la nouvelle commission présidée par David Assouline...

M. Jean-François Humbert. - Je voterai contre !

M. Jacques Legendre. - Evitons de multiplier les comités...

M. Jean-François Humbert. - Théodule !

M. André Gattolin. - Le suivi de la loi est quand même important ! Les moyens et les modes de fonctionnement des sociétés d'auteurs ne sont pas assez contrôlés, le travail parlementaire ferait bien de s'y intéresser davantage...

Mme Marie-Christine Blandin , présidente. - Un rapport peut avoir des suites, un comité de suivi, ce n'est pas très efficace. La Cour des comptes vérifie les comptes des sociétés d'auteurs, c'est le Parlement qui ne s'en empare pas suffisamment...

M. Jacques Legendre. - L'amendement ne porte pas sur le contrôle des sociétés d'auteurs, dont j'estime, moi aussi, que la surveillance pourrait être un peu plus effective, mais sur l'application de la loi, qui concerne au premier chef la commission que nous venons de mettre en place à cet effet.

M. André Gattolin. - Tout à fait !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Quand nos travaux nous le permettront, nous entendrons la Cour des comptes sur son rapport sur les sociétés d'auteurs.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.

Article 2

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement n° 7 de Mme Gillot propose d'affecter les « irrépartissables » au financement d'actions de promotion de la lecture publique.

M. Jacques Legendre. - J'en ai parlé avec Mme Gillot. Je pense comme elle qu'il faut mobiliser les moyens qui pourront être dégagés au service de la lecture publique. Mais la formulation de cet amendement ne restreint-elle pas excessivement leur emploi, au détriment d'actions qui concourraient au même but, mais n'entreraient pas dans l'objet, très précis et contingenté, de « lecture publique » stricto sensu ? Favorable sur le fond, je me préoccupe de la définition un peu étroite du champ de l'amendement.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - A l'inverse, il me semble que l'on peut faire entrer dans « la promotion de la lecture publique » de grandes actions publicitaires, sans lien direct avec leur objet proclamé. Les publicitaires sont très forts pour cela !

Mme Bariza Khiari, rapporteure. - L'amendement ne remplace pas le texte existant de l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, il le complète...

M. Jacques Legendre. - Il faudra le préciser dans le débat, afin qu'il soit clair qu'on ne peut arguer de cette nouvelle formulation pour cesser de soutenir tel festival ou telle action...

M. André Gattolin. - ...concrète !

M. Jacques Legendre. -...en faveur de la lecture publique.

M. Jean-François Humbert. - Je vote contre l'amendement !

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 7.