COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mardi 15 novembre 2011

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé s'est réunie au Sénat le mardi 15 novembre 2011.

La commission mixte paritaire procède d'abord à la désignation de son bureau, qui est ainsi constitué :

- Mme Annie David, sénatrice, présidente ;

- M. Jean-Pierre Door, député, vice-président ;

- M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;

- M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Présider une commission mixte paritaire est, pour moi, une première ; pardonnez-moi si je commets des maladresses.

Nous avons à examiner un texte très attendu par nos concitoyens dont la confiance dans notre système de sécurité sanitaire a été sérieusement ébranlée par l'affaire du Mediator. A cet instant, j'ai une pensée pour nos anciens collègues, François Autain, qui a longtemps plaidé pour plus de transparence, de contrôle et de surveillance dans le secteur du médicament, et Marie-Thérèse Hermange, tous deux respectivement président et rapporteur de notre mission commune d'information sur le Mediator.

M. Jean-Pierre Door, député, vice-président. - Merci au Sénat de nous recevoir. J'ai l'honneur de remplacer notre président, Pierre Méhaignerie, retenu.

Ce texte est effectivement attendu, et en particulier depuis les affaires sanitaires récentes. L'Assemblée nationale a travaillé également sur le sujet, avec le rapport de Catherine Lemorton sur la politique du médicament et celui que Gérard Bapt et moi-même avons établi sur le Mediator. Notre système du médicament connaît des failles depuis longtemps ; il est temps d'en bâtir un plus sûr.

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Le Sénat a certes modifié le texte de l'Assemblée nationale, mais sans revenir sur l'essentiel. Nous avons notamment confirmé l'article 9 bis qui rend les essais comparatifs obligatoires au moment de la demande d'admission au remboursement. Notre volonté a été de préciser le texte, d'une part, pour limiter le recours aux décrets, d'autre part, afin de lever les incertitudes porteuses de contentieux que les entreprises ne manqueront pas de relever. Cette volonté nous réunit car rétablir la confiance dans notre système de sécurité sanitaire est une impérieuse nécessité. Après tant de travaux préparatoires et de déclarations d'intentions, ce texte ne doit pas laisser planer le doute sur la survenance potentielle d'un nouveau Mediator.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur l'ensemble des modifications apportées par le Sénat. Un certain nombre de dispositions peuvent faire consensus entre nos deux assemblées : je pense notamment à nos apports à l'article 9 bis, qui est tout à fait essentiel, à la quatrième partie relative aux dispositifs médicaux ainsi qu'aux dispositions tendant à éviter les ruptures d'approvisionnement.

D'autres modifications du Sénat, bien qu'importantes, semblent moins fondamentales et ne devraient pas s'opposer à la conclusion d'un accord. C'est le cas de celles portant sur le nom de l'actuelle Afssaps ou encore sur la suppression des autorités de déontologie au sein de chaque agence et de la charte de l'expertise sanitaire au sein de l'article 1er.

Ceci étant, j'en viens aux points sur lesquels nos positions semblent plus éloignées.

A l'article 1er, nous avons précisé la nature des déclarations publiques d'intérêts. Nous avons également proscrit, pour les dirigeants des principales agences sanitaires - Haute Autorité de santé, Afssaps, INCa, Inserm - tout lien d'intérêts direct avec l'industrie pharmaceutique dans les trois années qui précèdent leur mandat ainsi que pendant toute la durée de celui-ci. Cette disposition écarte la plupart des professeurs de médecine de la direction des agences, mais ne leur interdit pas de présider les conseils scientifiques ou de siéger en leur sein. Pour un meilleur contrôle, l'ensemble de ces déclarations seront centralisées par la commission de déontologie créée par la loi Sapin. Enfin, nous avons demandé la publicité des conclusions des groupes de travail et confié à la Cada le soin d'examiner les questions relatives aux secrets protégés par la loi afin d'éviter toute invocation abusive.

A l'article 2, le Sénat a renforcé la portée du Sunshine Act à la française en prévoyant la publicité du contenu des conventions et non de leur seule existence. Concernant les étudiants en médecine, nous avons affirmé une position de principe : oui à la conclusion de conventions tripartites avec l'organisme de formation, mais non à tout lien direct avec les entreprises pharmaceutiques. Quant au seuil de déclaration des avantages reçus, nous avons supprimé le renvoi au décret : les avantages devront ainsi être déclarés dès le premier euro, comme le veut d'ailleurs le ministre. Enfin, toutes ces informations devront être disponibles sur un site internet d'accès gratuit.

A l'article 5, le Sénat a interdit aux associations recevant des subventions ou avantages des entreprises pharmaceutiques de siéger au conseil d'administration de l'agence ; les autres le pourront. Nous avons d'ailleurs prévu la présence systématique des associations représentant exclusivement des victimes d'accidents médicamenteux. En fait, la solution résiderait dans l'octroi de subventions publiques aux associations.

A l'article 15, le Sénat a clarifié le régime des autorisations temporaires d'utilisation (ATU) : si nous avons élargi la définition de l'ATU compassionnelle qui relève d'une procédure dérogatoire, nous avons limité la durée de celles de droit commun à une année renouvelable deux fois parce qu'elles constituent une première étape vers l'autorisation de mise sur le marché.

A l'article 18, nous avons proscrit toute publicité sur les vaccins. Celle-ci ne peut être assimilée à la prévention qui, elle, relève de la puissance publique.

A l'article 19, si la disposition prévue pour la visite médicale collective n'est guère satisfaisante, jouons le jeu de l'expérimentation jusqu'au bout en supprimant toute exception.

Pour finir, nous avons adopté en séance trois articles à conserver impérativement, selon moi, parce qu'ils renforcent considérablement les droits des patients. D'abord, les articles 17 bis et 17 ter, qui reviennent sur la directive de 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux au bénéfice des victimes d'accidents médicamenteux : le premier supprime l'exonération de responsabilité sans faute pour risque de développement du produit dont bénéficient les fabricants de médicaments, ce qui revient à aligner le régime des médicaments sur celui des produits issus du corps humain ; le second assouplit la charge de la preuve qui pèse sur les patients avec la notion de faisceau d'indices. Ensuite, l'article 30 bis A, qui introduit l'action de groupe en matière de réparation pour accidents médicamenteux.

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous voici réunis pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Toutes les parties ont pu, au cours d'une discussion parlementaire d'une grande richesse, exprimer leurs opinions et formuler leurs propositions.

A l'article 1er, le Sénat a adopté un amendement du rapporteur, visant à interdire aux dirigeants de la HAS, de l'INCa, de l'Inserm et de l'Afssaps tout lien d'intérêts dans les trois ans qui précèdent la prise de fonction. Cette proposition est peut être intellectuellement satisfaisante. Elle est en fait impraticable et nous priverait des personnalités compétentes dont nous avons plus que jamais besoin. Avoir des liens d'intérêts ne signifie pas être inféodé à l'industrie et dans des secteurs qui sont très techniques, il est dangereux que celui qui prend in fine la décision n'ait pas une connaissance parfaite du fonctionnement du secteur et de ses enjeux. Le Sénat propose aussi la publication des conclusions des groupes de travail des instances sanitaires : de deux choses l'une, soit nous décidons de publier l'intégralité de leurs travaux au risque d'y développer la langue de bois, soit nous garantissons un accès ciblé à ceux qui le demandent, comme le propose le ministre. Mais la solution du Sénat n'est pas satisfaisante. Je vous proposerai donc un retour au texte de l'Assemblée nationale sur ces points.

L'article 1er bis tend à soumettre le choix, par le ministre, du président du conseil d'administration et du président du conseil scientifique de l'INCa à un appel à candidature préalable et à l'absence de tout lien d'intérêts dans les trois ans qui précèdent la prise de fonction.

Je m'interroge sur ce choix, qui s'est porté uniquement sur le président du conseil d'administration et le président du conseil scientifique de l'INCa, à l'exception des autres institutions visées à l'article 1er et vous proposerai la suppression de cet article.

A l'article 2, je vous proposerai un retour au texte de l'Assemblée nationale, plus équilibré et pragmatique. Tout d'abord, je vous propose de revenir sur la suppression du seuil en matière de publication des avantages octroyés aux professionnels par les entreprises. Même s'il est symbolique, ce seuil nous évitera d'avoir à déclarer les stylos et les cafés. Je suis par ailleurs opposé à l'interdiction pour les entreprises de passer des conventions d'hospitalité avec les étudiants ou de leur octroyer des avantages. Cela veut dire que nos étudiants ne pourront plus participer à certains colloques ou réunions scientifiques, ou que ces pratiques perdureront dans la plus grande opacité.

A l'article 4, je vous proposerai de rétablir le nom de la nouvelle agence, l'Afssaps étant malheureusement associée à l'affaire du Mediator, et de revenir au niveau des sanctions administratives fixées par l'Assemblée nationale. En revanche, j'estime utiles les ajouts du Sénat relatifs à la sanction de la publicité pour les dispositifs médicaux in vitro, et aux manquements des grossistes-répartiteurs à leurs obligations de service public.

A l'article 5, le Sénat propose de restreindre les associations de patients siégeant au conseil d'administration à celles qui ne reçoivent aucune subvention ou avantages des entreprises pharmaceutiques. L'adoption de cette mesure aboutirait à exclure la quasi-totalité des associations de patients par exemple. De plus, cette disposition crée une inégalité de traitement entre les professionnels de santé, dont on ne requiert pas l'absence de lien d'intérêts avec l'industrie, et les associations de patients.

Aux articles 6 et 7, le Sénat a prévu l'obligation pour toute entreprise pharmaceutique d'opérer un suivi spécifique du risque, de ses complications et de sa prise en charge médico-sociale, au travers d'un registre de patients atteints, lorsque le médicament, bien qu'autorisé, est susceptible de provoquer un effet indésirable grave. Cette possibilité est déjà couverte par le droit existant. Je vous proposerai donc de revenir au texte adopté par l'Assemblée.

A l'article 8, l'Assemblée nationale a adopté un amendement précisant que tout arrêt de commercialisation à l'étranger d'un médicament commercialisé en France doit être notifié à la nouvelle agence. Au Sénat, cette disposition a été supprimée, puis rétablie de manière incomplète. Je vous propose donc de rétablir l'article dans la rédaction issue de l'Assemblée.

Sur l'article 9 bis, qui prévoit que pour le remboursement, l'amélioration du service médical rendu doit être évaluée non pas en comparaison avec un placebo, mais avec les traitements existants, la rédaction issue du Sénat pourra être améliorée, pour prendre en compte les médicaments de niche et les traitements très innovants, et ne pas créer une perte de chance pour les patients.

A l'article 12, nous avions précisé que la dénomination commune internationale devait être généralisée à tous les médicaments et qu'elle pouvait s'accompagner du nom de fantaisie. Au Sénat, la possibilité pour le prescripteur d'indiquer également le nom de fantaisie du médicament a été supprimée. Je vous propose de rétablir le texte de l'Assemblée pour ne pas déstabiliser certains patients, et tenir compte des cas où la dénomination commune internationale n'existe pas, comme pour les vaccins.

A l'article 15, je vous propose de revenir au texte de l'Assemblée nationale, qui établissait un équilibre entre sécurité des patients et accès aux progrès thérapeutiques. Je crains notamment que la nécessité d'un renouvellement annuel des autorisations temporaires d'utilisation (ATU) ne soit nuisible aux patients.

L'article 17 bis, adopté au Sénat, établit le principe de responsabilité sans faute pour risque de développement des fabricants de médicaments, rompant l'équilibre que le Parlement avait trouvé en 1998 sur le sujet. Je ne vois pas comment nous pouvons adopter cet article, sur un sujet très délicat, sans aucune consultation ni étude préalable. Cela mérite un texte en soi.

L'article 17 ter vise à alléger la charge de la preuve lorsque la victime souffre d'une affection similaire à un effet indésirable connu. Sur le fond c'est intéressant, mais l'article ne fixe aucun critère précis pour juger de la présomption de causalité. En l'état nous ne pouvons l'adopter.

L'article 18 porte sur la publicité pour les vaccins réalisée par les entreprises pharmaceutiques. Plutôt que l'interdiction pure et simple souhaitée par le Sénat, je vous suggérerai de revenir au texte de l'Assemblée qui retient un régime d'autorisation encadrée, ce qui me paraît plus sage, eu égard notamment aux impératifs de prévention.

S'agissant des articles 19, 24 et 26, je suis en profond désaccord avec le choix fait par le Sénat de remplacer le dispositif initial de pénalité financière par une possibilité, pour le comité économique des produits de santé dans les deux premiers cas et pour le ministre de la santé dans le troisième cas, d'infliger des baisses de prix. Entre autres effets pervers, il apparaît que de telles baisses nuiraient à la lisibilité des prix pour les patients et les prescripteurs dans la mesure où ces prix seraient amenés à fluctuer au gré des sanctions.

L'article 19 bis voté par le Sénat prévoit la remise d'un rapport sur la formation médicale initiale et continue. La rédaction d'un nouveau rapport ne me paraît pas s'imposer, d'autant moins au regard des évolutions récentes concernant les décrets sur le développement professionnel continu des médecins. Cet article doit donc à mon sens être supprimé.

Tel est également le cas de l'article 20 bis, dont les dispositions relèvent du domaine de la loi de financement de la sécurité sociale.

Quant aux trois articles 27, 28 et 29 relatifs aux ordonnances, les habilitations qu'ils prévoient me paraissent indispensables compte tenu du caractère très technique des dispositions qui doivent être élaborées, de surcroît dans des délais assez brefs.

L'article 30 bis A crée les actions de groupe dans le domaine de la santé. Je ne suis pas opposé sur le fond, mais j'estime qu'une réforme de cette ampleur ne peut être menée au détour d'un amendement sur un texte dont ce n'est pas l'objet, sans aucune concertation avec les associations de patients, les entreprises et les ministères concernés, et aucune étude d'impact. Surtout, tel qu'il est rédigé, l'amendement limite les actions de groupe aux associations qui ne reçoivent pas de subventions, ce qui restreint considérablement son champ. De plus, l'action de groupe que vous proposez ne permettrait pas d'offrir une indemnisation personnalisée aux victimes, à la hauteur des préjudices subis. Enfin, vous ne précisez pas si vous êtes dans un système d'opt in ou opt out, qui permet en fait d'engager une action sans que les victimes soient consultées. Cette mesure ferait utilement l'objet d'un texte spécifique, mais nous ne pouvons l'adopter telle quelle.

Comme vous le voyez, les dispositions restant en discussion sont nombreuses, tout comme les points de désaccord. Certains sont pour moi non négociables, comme ils sont non négociables, et je le comprends, pour nos collègues du Sénat.

Si nous voulions que la commission mixte paritaire aboutisse, il faudrait donc soit passer des compromis boiteux et peu lisibles pour nos concitoyens, soit que l'une de nos assemblées renonce à la quasi-totalité du texte qu'elle a adopté. Vous proposez d'engager la discussion des articles. Très bien. J'estime pour ma part que le texte issu de l'Assemblée nationale est équilibré et je refuse d'adopter les positions jusqu'au-boutistes du Sénat. Je vous remercie.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Dans ces circonstances, cette commission mixte paritaire semble avoir peu d'avenir en effet.

Mme Catherine Lemorton, députée. - Il s'agit là d'un projet de loi très attendu, en effet, qui ravit le groupe SRC puisque, grâce à notre collègue Gérard Bapt, qui a aidé à révéler l'affaire du Mediator, le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale (Mecss) « Prescrire moins, consommer mieux », dont j'étais l'auteur, a été mis en lumière. Voté à l'unanimité il y a trois ans, nous n'en avions rien fait. Quel dommage d'avoir attendu un drame sanitaire pour reprendre ses conclusions !

A l'Assemblée nationale, nous avons amélioré le texte avec nos collègues de la majorité présidentielle - je pense notamment aux tests contre comparateurs. Pour autant, de manière insuffisante à notre goût. D'où notre abstention sur le vote final dans l'intention de laisser une seconde chance au texte lors de son examen par le Sénat.

La santé, je le rappelle, a été exclue du champ d'application de la directive Bolkestein ; le principe de subsidiarité s'applique. D'ailleurs, le ministre Xavier Bertrand, en acceptant les tests comparatifs, s'est engagé à en parler avec le commissaire européen John Dalli. J'y vois le signe que la France peut être précurseur, nonobstant l'autorisation de mise sur le marché européenne. En tout cas, la santé reste du domaine de compétence des Etats.

En ce sens, la version du Sénat nous convient. Seul point sur lequel nous ayons trouvé quelque chose à redire : le nom proposé pour la nouvelle agence. Pourquoi ne pas revenir finalement à l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, son nom actuel, étant entendu que les produits de santé recouvrent les médicaments ?

Merci au Sénat d'avoir durci le texte sur la formation initiale et continue des médecins. Cela était absolument nécessaire dès lors que la loi sur l'autonomie des universités a autorisé les industriels du médicament à passer des conventions avec des facultés de médecine et de pharmacie. Malgré les déclarations de M. Bertrand lors des assises du médicament, les moyens alloués aux professionnels de santé, futurs ou diplômés, manquent pour leur assurer une formation indépendante des laboratoires.

Nous nous réjouissons de l'apparition de la base informatique sur le médicament, qui ne peut se réduire à un simple portail. Cela est possible puisque les Scandinaves l'ont mise en place. S'agissant des études épidémiologiques, il faudra néanmoins apporter des précisions concernant le groupement d'intérêt public (GIP). A ce propos, le rapporteur de l'Assemblée nationale avait introduit, à minuit passé, un adverbe « notamment » que le Sénat a heureusement supprimé.

Concernant la publicité sur les vaccins, n'en déplaise à notre rapporteur, nous appuyons son interdiction. Hier, Mme Pécresse a supprimé un million d'euros de crédits à l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes)... Que l'on ne nous parle pas, ensuite, d'impératifs de prévention ! D'ailleurs, si les industriels de la santé en étaient si soucieux, ils auraient certainement mis l'accent sur la prévention de la rougeole plutôt que sur les vaccins Cervarix et Gardasil.

Pour conclure, la volonté de faire échouer cette commission mixte paritaire, que je sens chez le rapporteur de l'Assemblée, me désole car le texte issu des travaux du Sénat est bon et compréhensible par nos citoyens, notamment sur les class actions. Ne prenons pas le risque de décevoir patients et professionnels de santé !

M. Ronan Kerdraon, sénateur. - Je m'associe aux propos de Catherine Lemorton à l'intention de Gérard Bapt. Pour nous, ses qualités, qui seraient mises en doute au niveau ministériel selon la presse ce dimanche, ne font pas question.

La majorité sénatoriale, avec ce premier texte soumis à son examen, a voulu saisir la seconde chance offerte par les députés. Merci à notre rapporteur, Bernard Cazeau, d'avoir durci le texte en collaboration, dans une démarche collégiale, avec les groupes CRC et Socialiste-EELVr. Nous avons renforcé l'article 1er pour éviter toute suspicion de conflit d'intérêts, ce qui correspond à un souci réel de la population. Nous avons amélioré la transparence et l'organisation de la pharmacovigilance. Je soulignerai les apports de mon groupe sur le dossier pharmaceutique, sur l'article 15 relatif aux ATU afin de rassurer les malades du sida, sur la formation initiale et continue des médecins avec la demande d'un rapport et sur l'action de groupe en matière sanitaire.

Chronique d'une mort annoncée... de notre commission mixte paritaire, je regrette que le rapporteur de l'Assemblée ait ainsi ouvert nos travaux. Pour notre part, nous souhaitons le maintien dans la rédaction du Sénat des articles 1er, 2, 3, 15 et 30 bis A et la suppression des articles 27, 28 et 29. Je regrette que la majorité de l'Assemblée s'apprête à annoncer son désaccord.

Mme Aline Archimbaud, sénatrice. - « Plus jamais de Mediator » a déclaré Xavier Bertrand en introduction du débat au Sénat en nous invitant à dépasser les clivages partisans. C'est dans cet esprit que nous avons travaillé, sachant que nous étions très attendus par les victimes des accidents médicamenteux et l'opinion publique.

Casser cette dynamique serait grave ; pourquoi refuser ainsi le débat ? Qu'avons-nous à craindre de la transparence et d'une large publication des liens d'intérêts ? Ayons le courage, une bonne fois pour toutes, de distinguer ce qui relève de la décision publique et, donc, de l'intérêt général de ce qui relève de l'intérêt des entreprises. Reprenons le débat sur les articles 1er, 2 et 3 de même que sur le 15 qui, dans la rédaction du Sénat, répond à une demande très forte des associations de malades.

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Non !

Mme Aline Archimbaud, sénatrice. - Quant à l'article 30 bis A, de quoi avons-nous peur ? Pourquoi faudrait-il attendre une énième étude sur l'action de groupe pour la mettre en oeuvre ? Soyons responsables et cherchons à trouver à un accord.

M. Guy Lefrand, député. - Quoi qu'on en dise, le Gouvernement s'est montré très réactif après l'affaire du Mediator. Ce texte a été longuement discuté à l'Assemblée nationale et dans un esprit constructif : le ministre a accepté de nombreux amendements que nous avons votés ensemble, loin des clivages partisans. Nous avons abouti à un texte équilibré, qui a fait l'objet d'un consensus relatif, avec l'abstention signalée de l'opposition. Or le Sénat a voulu, si j'ose dire, toujours plus. Et à force, on bascule dans le trop.

Le Ciss, collectif interassociatif sur la santé, qui n'est pas particulièrement de notre côté sur l'échiquier politique, a clairement demandé un retour à notre texte sur les articles 5 et 15 dans son communiqué de presse d'hier. Contrairement à ce que vous affirmez, les associations de patients sont très réservées - c'est un euphémisme ! - sur vos propositions, de même que les médecins et les experts qui ignorent comment le système du médicament pourra bien fonctionner avec votre article 1er, sans parler des visiteurs médicaux qui craignent pour leur avenir. Surtout, votre texte contribue à stigmatiser l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament, des médecins jusqu'aux experts en passant par les industriels, ce qui n'est pas de nature à restaurer la confiance !

La dynamique de ce texte se poursuivra puisqu'il a été voulu par ce Gouvernement et cette majorité présidentielle. Je note des divergences entre vous : certains disent vouloir débattre quand d'autres affirment des points non négociables. Il est évident que nous ne parviendrons pas à un consensus sur les articles 1er et 30 bis A.

Mme Chantal Jouanno, sénatrice. - Madame Archimbaud, personne n'a peur... Notre volonté est d'aboutir à une loi qui fonctionne pour une meilleure sécurité sanitaire. Pour faire un compromis, il faut être deux et faire preuve d'ouverture. Nos positions ne sont pas si éloignées sur le principe, mais nous sommes, nous, guidés par un souci de pragmatisme. L'article 1er, réécrit par Bernard Cazeau, interdirait à M. Maraninchi, dont nous reconnaissons tous l'indépendance et l'esprit de loyauté, de présider l'INCa ou l'Afssaps parce qu'il avait un lien d'intérêts avec l'industrie pharmaceutique.

M. Bernard Cazeau, rapporteur pour le Sénat. - Même si nous connaissons ses qualités, M. Maraninchi n'est pas la seule personne capable !

Mme Chantal Jouanno, sénatrice. - Mieux vaudrait laisser aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat le soin de trancher s'il y a ou non conflit d'intérêts lors de l'audition des personnes pressenties. Au passage, j'observe que le texte est incomplet : rien sur la sortie des agences d'expertise, sur les obligations que doivent respecter leurs responsables après leur départ. Votre vision extrêmement fermée du lien d'intérêts est également très pénalisante pour les associations de patients ; les modifications à l'article 5 ont beaucoup choqué.

Concernant les class actions, auxquelles je suis très favorable, il faudrait une proposition de loi globale, qui transcende les secteurs.

Enfin, il n'y a pas, du côté gauche, les gentils et, de l'autre, les méchants qui refusent de débattre : nous avons tous la volonté d'améliorer la sécurité sanitaire. Au Sénat, nous n'avons jamais réussi à avancer avec pragmatisme sur l'article 1er...

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Avant même que ne s'ouvre le débat, vous avez annoncé la mort de la commission mixte paritaire...

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Personne ne l'a fait !

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Vous avez pourtant énuméré une série de points « non négociables ».

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Comme l'ont fait les sénateurs socialistes !

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Ce sont de mauvaises manières que d'empêcher le débat. La volonté de discuter était présente au début de cette réunion, j'espère qu'elle nous anime encore. Je propose que nous passions à l'examen de l'article 1er.

M. Jean-Louis Lorrain, sénateur. - Dépasser les clivages, l'Assemblée nationale y était parvenue. Hélas, le texte, à force de modifications et de remaniements, manque désormais ses objectifs : lien d'intérêts n'équivaut pas à conflit d'intérêts ; le doute ne bénéficie pas au patient pour les ATU ; et, enfin, la question de la visite médicale n'est pas réglée.

Nous pourrions pourtant nous retrouver les uns et les autres sur la pharmacovigilance. Lors des auditions sur le Mediator, nous avons vu comment certains se sont battus à l'intérieur du système. Le texte de l'Assemblée nationale offrait la possibilité de créer une vraie science dans notre pays qui aurait inspiré les choix européens. L'esprit de déconstruction a malheureusement frappé... Vous refusez les améliorations de ce texte sur la formation professionnelle au nom d'une solution que l'on sait utopique... Je m'interroge : pourquoi le consensus à l'Assemblée nationale s'est-il transformé en dissensus au Sénat ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur. - Nous partageons tous la même préoccupation, celle d'éviter un nouveau Mediator. Je regrette le ton péremptoire du rapporteur de l'Assemblée nationale : on ne gagne rien à caricaturer la position des autres, sauf à faire échouer une commission mixte paritaire. Cessons de jeter l'anathème et de parler de points « non négociables ».

Le texte du Sénat comporte des avancées. Il est le reflet fidèle, en ses articles 1er et 2, des conclusions de la mission sénatoriale sur le Mediator, dont nous avions adopté le rapport à l'unanimité. Nous avons voulu renforcer durablement la prévention des conflits d'intérêts. Exiger trois ans sans lien d'intérêts serait se priver de M. Maraninchi ? Certes, madame Jouanno, mais il représente un cas sur combien ? J'ai entendu le ministre recourir à cet exemple une vingtaine de fois. Je trouve cela indécent de se servir de cet homme, pour qui j'ai la plus grande admiration, comme d'un jouet ! Si nous prenions la peine de nous écouter, nous pourrions avancer.

Oui, il faudrait étendre les actions de groupe aux champs de la consommation ou encore des matériaux dangereux. D'ailleurs, pour avoir présidé la mission sur l'amiante au Sénat, je suis persuadé que si cette procédure avait existé, nous n'en serions pas à compter les milliers de morts aujourd'hui...

M. Jean Mallot, député. - C'est sûr !

M. Ronan Kerdraon, sénateur. - Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur. - Si un progrès est possible, profitons-en. Nous pourrons, ensuite, par une proposition de loi élargir la portée de ce dispositif.

Nous pouvons également trouver un compromis sur l'article 5 en demandant aux associations amenées à siéger au sein du conseil d'administration de rompre tout lien d'intérêts avec l'industrie. En contrepartie, elles, et elles seules, recevraient une subvention publique.

Nous pouvons nous retrouver sur l'article 15 relatif aux autorisations temporaires d'utilisation (ATU) et sur l'article 9 bis sur les tests comparateurs : leurs rédactions sont très proches.

Enfin, l'article 18 : si les campagnes de vaccination sont évidemment une question régalienne, la publicité ne contribue-t-elle pas à renforcer l'intérêt pour la vaccination ?

Avec un peu de bonne volonté, un accord est possible.

M. Gérard Bapt, député. - J'ai entendu la déclaration du rapporteur pour l'Assemblée nationale comme un constat d'échec. Je crois, comme M. Vanlerenberghe, qu'il y avait matière à compromis, y compris sur l'article 1er en distinguant les rémunérations personnelles des conventions de travail pour les laboratoires ou pour les doctorants ou encore sur les articles 5 et 15 en intégrant les propositions du Ciss.

En fait, le véritable point de désaccord porte sur les actions de groupe que souhaitait déjà le Président Jacques Chirac. Menées par des associations représentatives, elles seraient tout à fait différentes des class actions américaines conduites par des cabinets d'avocats, parfois à l'affût. Si elles avaient existé, Servier aurait sans doute retiré son produit en même temps qu'il l'a fait en Espagne et en Italie : c'est une épée de Damoclès, et les grandes firmes en tiendraient compte. Savez-vous la force physique et morale qu'il faut aux victimes pour s'engager aujourd'hui dans une procédure judiciaire face aux avocats de Servier ? M. Door avait d'ailleurs accepté la mise en place des actions de groupe au sein de la mission de l'Assemblée nationale sur le Mediator, raison pour laquelle j'avais voté pour les propositions qu'il présentait. Enfin, le docteur Frachon et ceux qui se sont tant battus attendent beaucoup de cette procédure, bien qu'il soit trop tard pour les victimes du Mediator.

Le long réquisitoire de M. Robinet avait, en fait, pour seul but de relayer l'oukase gouvernemental sur l'action de groupe. Rien d'étonnant quand plus de cinquante députés de la majorité à l'Assemblée nationale ont déposé une proposition de loi sur ce sujet...

M. Bruno Gilles, sénateur. - Je parlerai au nom des vingt mille visiteurs médicaux, oubliés du texte et injustes victimes du drame du Mediator. M'appuyant sur mon expérience d'ancien visiteur médical durant vingt ans et d'actuel vice-président délégué de l'assistance publique des hôpitaux de Marseille, je suis longuement intervenu à ce sujet, en commission comme en séance. Il faut rétablir des exceptions à la visite collective, notamment pour les médicaments à prescription restreinte. On ne peut pas se passer d'un tête-à-tête avec le médecin s'agissant, par exemple, des anticancéreux.

Dans un rapport de septembre 2011, la Haute Autorité de santé note que l'information délivrée par le visiteur médical est, le plus souvent, reconnue comme utile par les professionnels de santé. Comme de nombreux collègues, j'ai reçu une lettre d'un oncologue de Marseille. La suppression de la visite individuelle ? Une perte d'information, selon lui. Il poursuit : les visiteurs sont des interlocuteurs à part entière, non des colporteurs ; les oncologues ne sont pas des girouettes qui prescrivent sans évaluer le rapport bénéfice-risque. Puis de s'interroger : est-ce à l'Etat de gérer les rapports humains et de dire ceux qui sont autorisés et ne le sont pas ? Nous devons, au moins, rétablir l'amendement de M. Lefrand.

M. Jean-Pierre Door, député, vice-président. - Dépasser les clivages partisans ? Nous étions tous présents lors de la conférence de presse en janvier dernier durant laquelle le ministre a présenté l'avant-projet de loi, de même qu'aux assises du médicament. Nous avons tous la volonté de remettre de l'ordre dans notre système de sécurité sanitaire.

Lors de la mise au point du projet de loi, les consultations entre le ministère et les responsables des deux missions d'information sur le Mediator ont été régulières. A l'Assemblée nationale, nous n'avons pas fait face à une opposition dure : le groupe SRC s'est abstenu, seul le groupe GDR a voté contre.

Je soutiens notre rapporteur, Arnaud Robinet. De quel côté le clivage se situe-t-il, celui des députés ou des sénateurs ? Il faudrait garder l'essentiel du texte... Mais parle-t-on du texte de l'Assemblée ou de celui du Sénat ? Quant à nous, nous souhaitons maintenir certaines dispositions, sans en faire des points de friction. D'abord, la lutte contre les conflits d'intérêts : nous avons ciblé les liens d'intérêts en nous intéressant aux travaux de la commission Sauvé. Notre texte est totalement responsable ; pourquoi vouloir toujours plus ? Ensuite, l'expertise interne serait dangereuse ; non à un corps de fonctionnaires experts qui serait sorti des paillasses des services de recherche et des services hospitaliers. Nous, nous voulons une expertise ouverte. Enfin, l'action de groupe. J'étais favorable à une réflexion parlementaire sur ce sujet à condition qu'il s'agisse d'associations agréées. Il n'était nullement question d'envisager leur mise en place à un moment où l'on en revient aux Etats-Unis et où le Gouvernement envisage d'examiner cette question dans le cadre d'un texte ayant trait à la consommation. Je regrette que l'on en ait une vision étroite et qu'on veuille la cantonner au médicament.

Nous ne cherchons pas à faire mourir la commission mixte paritaire.

M. Jean Mallot, député. - Vous avez échoué !

Mme Catherine Lemorton, députée. - Je veux, d'une part, préciser que le texte du ministre Frédéric Lefebvre sur la consommation exclut la class action, d'autre part, rétablir la vérité sur le consensus que l'on attribue au groupe SRC de l'Assemblée nationale : nous nous sommes abstenus pour donner au texte une seconde chance ; nous aurions voté contre si la majorité du Sénat n'avait pas changé entre temps.

M. Guy Lefrand, député. - C'est très jésuitique...

La commission mixte paritaire passe ensuite à l'examen des articles restant en discussion.

EXAMEN DES ARTICLES

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Je rappelle que huit articles seulement ayant été adoptés conformes, il en reste cinquante et un à examiner.

Article 1er
Règles déontologiques et expertise sanitaire

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - M. Arnaud Robinet a présenté une proposition de nouvelle rédaction de cet article.

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - En effet, elle vise à rétablir le texte de l'Assemblée nationale tout en maintenant certaines dispositions adoptées par le Sénat. C'est le cas du paragraphe I, y compris la référence aux liens indirects des proches, ainsi que le fait que la déclaration d'intérêts doit remonter au moins cinq ans avant la prise de fonction. L'audition par le Parlement des dirigeants des instances sanitaires visées à cet article a également été conservée. En revanche, je propose de supprimer l'interdiction, peu pragmatique et excessive, de liens d'intérêts dans les trois ans qui précèdent l'entrée en fonction des dirigeants des autorités sanitaires. Seraient également supprimés la compétence de la commission de déontologie créée par la loi Sapin du 29 janvier 1993 en matière de centralisation des déclarations publiques d'intérêts et le contrôle par la Cada du respect des secrets protégés par la loi.

Enfin, nous souhaitons revenir au texte de l'Assemblée nationale sur l'enregistrement intégral et la publicité des séances des commissions, conseils et instances collégiales d'expertise, dans le respect du secret médical et industriel, ainsi que sur la mise en place d'une charte de l'expertise sanitaire, mais en conservant la référence à l'impartialité, à l'objectivité et à l'indépendance de l'expertise.

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Le plus marquant des trois points sur lesquels revient votre proposition de rédaction est le délai de trois ans sans lien d'intérêts. Oui, cela écarte la majorité des professeurs de médecine de la direction de ces agences. Point n'est besoin d'être un expert pour les diriger ! Le directeur de ces agences et instituts est d'abord un manager, les scientifiques siégeant au conseil scientifique. Nous ne pouvons accepter cette suppression.

Nous sommes, en outre, attachés à la commission de déontologie créée par la loi Sapin. Le fait qu'elle centralise les déclarations publiques d'intérêts est déjà prévu par le projet Sauvé sur la déontologie de la vie publique et elle dispose de moyens dont les agences ne disposent pas. Notre proposition de bon sens répond à un souci de pragmatisme et de simplification.

S'agissant de la publicité des débats, le contrôle par la Cada est une solution pragmatique, préférable à des affirmations imprécises et sources de contentieux. Un compte rendu écrit n'exclut pas un enregistrement ; une trace écrite est préférable, et les associations l'ont souhaitée parce que cela facilite les recherches.

Enfin, nous avons supprimé la charte de l'expertise au statut flou, parce qu'elle ne sert à rien, mais vise un effet d'affichage. Cependant, je n'en fais pas une affaire.

Avis défavorable à la proposition de l'Assemblée nationale.

M. Guy Lefrand, député. - Sur la forme, la proposition de M. Robinet tient compte de la rédaction du Sénat. Où est la discussion si vous proposez d'en rester à la vôtre ? Sur le fond, nous n'aurions pas besoin d'experts pour diriger ces agences, mais de hauts fonctionnaires polycompétents sont-ils le meilleur gage de réussite ?

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - L'agence de la biomédecine est dirigée par un haut fonctionnaire... Pour manager un conseil d'administration, nul besoin d'experts. En revanche, nous avons besoin d'eux dans les conseils scientifiques.

Ne me faites pas de procès d'intention : la rédaction du Sénat reprend celle de l'Assemblée nationale à 70 % ou 80 %.

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Si un expert peut présider le conseil scientifique tout en ayant des liens d'intérêts, il y a bien deux poids deux mesures.

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Nous ne demandons cette interdiction que pour les grandes agences.

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Mais le président du conseil scientifique pourra déclarer des liens d'intérêts. L'important est qu'il n'y ait pas conflits d'intérêts.

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Tout au long du texte, nous avons essayé d'atteindre le niveau requis pour être efficace dans la lutte contre les conflits d'intérêts. Et l'on n'y parvient pas en se contentant de fixer des exceptions. Le fait qu'elles puissent devenir des règles nous inquiète. Nous avons voulu aller jusqu'au bout de cette démarche. La situation des dirigeants est à part car leurs conflits d'intérêts ne peuvent être contrôlés qu'avant leur nomination. Il faut donc éviter qu'ils apparaissent. Trois ans sans lien d'intérêts, cela ne paraît pas une durée excessive pour des agences aussi importantes.

M. Jean-Pierre Door, député, vice-président. - Regardez l'exemple américain : malgré un cadre extrêmement sévère, le directeur du CDC (Center for Disease Control) d'Atlanta est un scientifique. Avec votre système, on nommera des préfets à la tête des agences...

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Vous avez dit que vous ne voyiez pas d'inconvénient à ce qu'un scientifique préside un établissement public, en précisant que ces personnes ne sont là que pour faire du management. Si tel est le cas, je ne vois pas l'inconvénient qui s'attache aux liens d'intérêts qu'ils auront pu avoir avec l'industrie pharmaceutique peu de temps avant de prendre leurs fonctions. Le pouvoir principal se trouve au conseil scientifique, c'est là que se prennent les décisions. Pourquoi se limiter à l'Afsapss ou à la Haute Autorité de santé ? Quid, par exemple, de l'établissement français du sang ou du comité économique des produits de santé ?

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit ! Il peut y avoir des scientifiques qui se sont démis de tout lien d'intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques depuis plus de trois ans. Le fait qu'il en aurait résulté la non-nomination de M. Maraninchi ne me paraît pas un argument probant : il n'est pas le seul à pouvoir diriger l'agence ! Il faut être ferme là-dessus. Quant aux préfets, j'ai beaucoup d'estime pour certains d'entre eux. Il y a un principe de précaution, vous le connaissez, c'est M. Chirac qui l'a lancé ! Mon texte tient de la même manière que le vôtre, c'est un parti pris sur le niveau du seuil à retenir.

M. Guy Lefrand, député. - J'ai du mal à vous suivre ! Vous dites qu'il faut surveiller et déclarer les liens d'intérêts... sauf pour le directeur. Vous créez une exception, dont vous reconnaissez qu'elle n'est pas justifiée, puisque c'est le conseil scientifique qui dirige, comme Arnaud Robinet l'a souligné. Pourquoi créer cette exception nouvelle ?

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Si ce que vous dites sur le conseil scientifique est vrai, il faut en conclure que ce n'est pas M. Maraninchi qui dirige l'Afssaps actuelle !

M. Jean Mallot, député. - Il me semble que l'on a ignoré les travaux de la commission Sauvé et ceux de la mission d'information de l'Assemblée nationale, présidée par Gérard Bapt. Il faut distinguer entre lien d'intérêts et conflit d'intérêts, mais aussi entre experts et décideurs. Un expert peut avoir un lien d'intérêts, voire un conflit d'intérêts. Il ne rend qu'un avis et personne n'est obligé d'en tenir compte. Il en va tout autrement du décideur qui maintient un lien d'intérêts depuis un certain temps avec l'industrie pharmaceutique. Il me paraît normal de le viser. Il faut faire la différence entre le directeur d'une agence et les experts qu'il consulte pour former sa décision.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Cet article reprend non seulement les travaux de l'Assemblée nationale, mais aussi ceux du Sénat sur le sujet.

M. Jean Mallot, député. - Bien sûr ! J'ai le plus grand respect pour eux, mais je connais mieux ceux de l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire rejette la proposition de rédaction du rapporteur de l'Assemblée nationale puis elle adopte l'article 1er dans la rédaction du Sénat.

Article 1er bis A
Rapport sur la création d'un corps d'experts interne à l'agence

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je suis défavorable à cet article et au suivant.

La commission mixte paritaire adopte l'article 1er bis A dans la rédaction du Sénat.

Article 1er bis
Conditions de nomination des personnels dirigeants
de l'institut national du cancer

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Dans un esprit de conciliation, je m'en remets à la sagesse de nos collègues sur cet article qui n'est pas indispensable.

La commission mixte paritaire supprime l'article 1er bis.

Article 2
Obligation de publication des avantages consentis par les entreprises au profit des acteurs du champ des produits de santé

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je propose de revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale, plus équilibré et pragmatique. Je m'oppose à l'obligation, adoptée par le Sénat, de publication des conventions, laquelle fait fi du respect du secret industriel et commercial, à l'interdiction des conventions d'hospitalité destinées aux écoles et aux étudiants, ainsi qu'à la suppression de la référence à un seuil pour la publication des conventions entre les professionnels et les entreprises.

La commission mixte paritaire rejette cette proposition et adopte l'article 2 dans la rédaction du Sénat.

Article 3
Dispositions pénales

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Tel qu'adopté par le Sénat, cet article propose des sanctions disproportionnées. Je propose le retour au texte adopté par l'Assemblée nationale.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Vous ne facilitez pas notre travail en ne formalisant pas toutes vos propositions par des amendements écrits. Il faudrait au moins signaler oralement les articles sur lesquels vous voulez revenir à votre rédaction.

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous ne proposons de texte écrit que s'il s'agit d'une rédaction nouvelle, qui n'est ni celle de l'Assemblée nationale ni celle du Sénat.

M. Jean Mallot, député. - Je comprends mal pourquoi vous vous échinez à brouiller le débat. Nous devons nous prononcer à partir du texte adopté par le Sénat, texte voté par la dernière assemblée saisie.

M. Jean-Pierre Door, député, vice-président. - Nous devons pouvoir choisir entre les deux textes restant en discussion.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Je ne dis pas le contraire mais pour pouvoir élaborer un texte, il faut bien avoir un point de départ, en l'espèce le texte issu des travaux du Sénat puisque c'est le dernier intervenu.

M. Guy Lefrand, député. - Il n'y a pas lieu de privilégier un texte plutôt qu'un autre. Les deux doivent être traités sur le même pied d'égalité.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Dans ce cas, pourquoi voulez-vous systématiquement que nous nous prononcions d'abord sur le vôtre ? Je vais donc consulter sur l'article 3, pour lequel je suis saisie d'une proposition de retour à la rédaction de l'Assemblée nationale...

M. Bernard Cazeau, rapporteur pour le Sénat. - Je ne comprends pas ces problèmes de procédure que je n'ai jamais rencontrés dans d'autres commissions mixtes paritaires. J'invite nos collègues à se reporter au site internet du Sénat, qui explicite la procédure à suivre en commission mixte paritaire et qui indique que la discussion porte sur le dernier texte voté.

Mme Chantal Jouanno, sénatrice. - On peut, sur la base du texte du Sénat, présenter une proposition de nouvelle rédaction à tout moment... Sur l'article 3, quand la pénalité peut aller jusqu'à 10 %, je m'interroge sur la proportionnalité des peines.

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Bien sûr, les sanctions indiquées dans notre texte sont des plafonds. Ce n'est pas à nous de fixer les peines, mais au juge, qui apprécie en fonction de la gravité de la faute commise.

La commission mixte paritaire adopte l'article 3 dans la rédaction du Sénat.

Article 4
Création et prérogatives de l'agence nationale de sécurité
du médicament et des produits de santé

Mme Annie David, présidente. - Je suis saisie d'une proposition de rédaction de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Cette rédaction propose de rétablir le changement de nom de la nouvelle agence tel qu'il figurait dans le projet de loi initial, celui d'Afssaps étant associé par nos concitoyens à l'affaire du Mediator. Je souhaite également revenir au niveau des sanctions administratives fixé par l'Assemblée nationale. En revanche, les ajouts du Sénat relatifs au montant de l'astreinte journalière sont maintenus.

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - La volonté du ministre est de faire ressortir le mot « médicament » dans l'intitulé de l'agence. Or, le médicament est un produit de santé. Il faut un nom qui signifie quelque chose, au niveau international : à l'étranger, une agence « nationale », cela ne veut rien dire ! Il s'agit ici d'une agence française, autant le préciser. Quant aux produits de santé, ils contiennent les médicaments et d'autres produits. Je suis prêt, pour vous faire plaisir, à accepter la formulation suivante : agence française de la sécurité du médicament et des produits de santé.

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je n'y suis pas favorable !

La commission mixte paritaire rejette la proposition de rédaction du rapporteur de l'Assemblée nationale puis adopte l'article 4 dans la rédaction du Sénat.

Article 4 bis A
Observatoire national des prescriptions
et consommations des médicaments

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je propose de supprimer cet article. La fonction de l'observatoire sera remplie par le portail du médicament en 2012.

Mme Catherine Lemorton, députée. - Je ne suis pas d'accord ! Une base informatique n'est pas un observatoire.

La commission mixte paritaire adopte l'article 4 bis A dans la rédaction du Sénat.

Article 4 bis
Coordinations

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je suis favorable à la rédaction du Sénat.

La commission mixte paritaire adopte l'article 4 bis dans la rédaction du Sénat.

Article 5
Composition du conseil d'administration et publicité des travaux
de l'agence nationale du médicament et des produits de santé

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je propose de revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale. En effet, il est inutile d'ajouter au conseil d'administration des représentants d'associations de victimes d'accidents médicamenteux et surtout de restreindre cette représentation à celles qui ne reçoivent aucune aide des entreprises, ce qui exclurait en pratique la quasi-totalité des ces associations.

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Si vous avez prévu que trois députés et trois sénateurs siègent au conseil d'administration, ce n'est pas pour n'y évoquer que des problèmes internes de gestion. Sur l'exclusion des associations qui reçoivent des aides, je suis prêt, dans un esprit de conciliation et parce que, souvent, elles n'ont pas d'autres moyens d'existence, de supprimer les mots, au 6°, « et ne recevant pas de subventions ou avantages des entreprises produisant ou commercialisant des produits mentionnés au II de l'article L.5533-1 ou assurant des prestations liées à ces produits ».

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Cela me convient.

Mme Catherine Lemorton, députée. - J'entends cet esprit consensuel, mais il faudra bien un jour poser le problème du financement des associations de patients atteints de maladies chroniques. L'industrie pharmaceutique joue sur la peur des malades. C'est un vrai problème de démocratie sanitaire. Quand l'Etat acceptera-t-il de donner des moyens à ces associations de patients ?

La commission mixte paritaire adopte l'amendement présenté par le rapporteur pour le Sénat puis l'article 5 ainsi modifié.

Article 5 bis
Base de données mise en oeuvre par la Haute Autorité de santé

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Je suis saisie de deux propositions de nouvelle rédaction, l'une du rapporteur de l'Assemblée nationale et l'autre de Catherine Lemorton.

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Tout en étant favorable aux ajouts du Sénat, je propose que la mise en oeuvre de la base de données s'effectue sous la responsabilité du ministère de la santé.

Mme Catherine Lemorton, députée. - La base de données, qui doit être gérée conjointement par l'agence, la Haute Autorité de santé et l'union nationale des caisses d'assurance maladie, n'est pas là pour s'occuper de maladies, mais pour renseigner le public et les professionnels sur les médicaments. Quand on tape un nom de médicament sur un moteur de recherches, on doit arriver sur cette base et non sur doctissimo.fr ou je ne sais quel forum, dont on ignore qui l'alimente.

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Avis favorable à la rédaction de Catherine Lemorton.

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il faudrait que la base soit placée sous l'égide du ministre de la santé.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur. - C'est logique !

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Pourquoi ?

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Le ministère est compétent en la matière.

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - L'Afssaps est un établissement public de l'Etat.

Mme Chantal Jouanno, sénatrice. - Plusieurs rapports ont conclu à la nécessité, pour le politique, d'investir ce champ. Le ministre détient une vision et une responsabilité transversales.

M. Jean-Pierre Door, député, vice-président. - Le rapport de l'Assemblée nationale que nous avons rendu avec Gérard Bapt conclut à l'absence du politique et à la nécessité de son retour dans la chaîne du médicament. Nous avons trop reproché leur absence aux dix à douze ministres qui se sont succédé durant l'affaire du Mediator, pour ne pas reconnaître ici le rôle que doit jouer le ministre de la santé.

Mme Catherine Lemorton, députée. - Pourquoi, alors, ne pas faire intervenir le ministre pour chaque autorisation de mise sur le marché ? La base de données est validée par l'agence, la Haute Autorité de santé et l'union des caisses d'assurance maladie, parce qu'elle doit être accessible aux assurés, qui supportent une charge financière toujours croissante, afin qu'ils puissent vérifier combien leur ordonnance va leur coûter, surtout s'ils n'ont pas de mutuelle. Je ne vois pas ce que vient faire ici le ministre. Je préfère qu'il prenne les décisions politiques nécessaires, par exemple pour baisser le prix des traitements anti-Alzheimer.

Mme Chantal Jouanno, sénatrice. - La base de données étant ouverte aux usagers et aux administrations compétentes, la responsabilité du ministre serait recherchée en cas d'erreur.

M. Arnaud Robinet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Cette base de données porte sur le bon usage du médicament. Ce n'est pas un sujet anodin, souvenez-vous de l'affaire du Mediator. C'est pourquoi je souhaite que le ministère soit associé.

M. Bernard Cazeau, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je ne suis pas très favorable à une rédaction qui compliquerait et retarderait les choses. L'Afssaps oui, mais pourquoi le ministre ?

M. Ronan Kerdraon, sénateur. - Nous soutiendrons la proposition de Catherine Lemorton.

A la suite d'une égalité des voix, la commission mixte paritaire n'adopte pas la proposition de rédaction du rapporteur de l'Assemblée nationale, ni celle de Catherine Lemorton.

Dans les mêmes circonstances, elle n'adopte pas l'article 5 bis.

Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Je constate que nous ne sommes pas parvenus à établir une rédaction commune de l'article 5 bis. En conséquence, je dois conclure à l'échec de notre commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

Mercredi 16 novembre 2011

- Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président -

Commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 16 novembre 2011.

La commission mixte paritaire procède d'abord à la désignation de son bureau, qui est ainsi constitué :

- M. Pierre Méhaignerie, député, président ;

- Mme Annie David, sénatrice, vice-présidente ;

- M. Yves Bur, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale ;

- M. Yves Daudigny, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

M. Pierre Méhaignerie, député, président. - Nous sommes réunis pour proposer un texte commun sur les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 restant en discussion.

Le Sénat a adopté 58 articles conformes et a confirmé la suppression d'un article. 26 articles ont été modifiés, 37 supprimés et 68 articles additionnels ont été ajoutés. Il reste 131 articles en discussion. Les divergences entre nos deux assemblées sont donc quantitativement très nombreuses et, s'agissant de leur contenu, très substantielles.

Je donne la parole à Mme Annie David et à nos deux rapporteurs afin qu'ils nous indiquent les principaux points de divergence entre les deux assemblées.

Mme Annie David, sénatrice, vice-présidente. - M. Pierre Méhaignerie a dit l'essentiel : il reste beaucoup d'articles en discussion, sur lesquels les divergences sont nombreuses. Je laisse la parole aux rapporteurs pour qu'ils nous expliquent ces différences.

M. Yves Daudigny, rapporteur pour le Sénat. - Après cinq jours de débats nourris, le Sénat a adopté, dans la nuit de lundi à mardi, un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 profondément remanié par rapport à celui du Gouvernement, ainsi que par rapport au texte que l'Assemblée nationale nous a transmis.

Nous avons à la fois voulu marquer notre opposition claire à la politique menée par le Gouvernement et montrer que des solutions alternatives sont possibles.

Plus précisément, qu'avons-nous fait ? Le Sénat s'est d'abord opposé à la première partie du projet de loi sur les comptes de l'année 2010. Nous avons en effet voulu dénoncer le déficit historique de 2010, soit 28 milliards d'euros pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse. Comme la Cour des comptes l'a dit, la crise n'explique qu'une partie de ce déficit. Plus des deux tiers ont une origine structurelle, liée aux 10 milliards d'euros de déficits annuels constatés, année après année, depuis 2004. C'est la majorité présidentielle actuelle, que vous soutenez, qui en porte l'entière responsabilité.

Notre vote ne remet nullement en cause l'excellent travail de certification des comptes réalisé par la Cour des comptes : il marque néanmoins notre opposition résolue à la politique portée par ces comptes.

Le Sénat s'est ensuite opposé à la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, celle qui concerne les comptes de l'exercice en cours. Là encore, le niveau des déficits, soit plus de 20 milliards d'euros pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse, le transfert de 65 milliards d'euros de dettes à la Cades, la caisse d'amortissement de la dette sociale, et l'absence totale de mesures de redressement des comptes à caractère structurant nous ont conduits à rejeter les comptes rectifiés proposés par le Gouvernement.

Le Sénat s'est également opposé à l'équilibre présenté pour 2012 pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce que le cadrage économique, même rectifié à la marge pour 2012, est, tous les observateurs le disent, irréaliste : une croissance du PIB de 1 % et de la masse salariale de 3 % en 2012 est, selon toutes les prévisions rendues publiques ces derniers jours, excessivement optimiste. Nos partenaires européens n'hésitent même plus à nous le reprocher.

De plus, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale maintient un niveau de déficit bien trop élevé, près de 18 milliards d'euros pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse.

Par ailleurs, il n'apporte pas une seule des solutions nécessaires à la sauvegarde de notre système de protection sociale. Il ne résout, en effet, ni la question des déficits, ni celle du manque structurel de recettes des branches maladie et famille ou du fonds de solidarité vieillesse, ni le problème, pourtant fondamental, de l'accès aux soins, ni la douloureuse question du reste à charge, ni les problèmes financiers des hôpitaux, bref aucun des sujets qui appellent des réponses urgentes !

Enfin, le Sénat s'est opposé à l'accumulation irresponsable des déficits sociaux qui ont atteint des sommets, soit plus de 70 milliards d'euros en trois ans, pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse. La dette sociale a doublé depuis 2007 et nous la transférons, sans états d'âme, à nos enfants et petits-enfants !

Le Gouvernement continue de laisser filer les déficits : d'après l'annexe B, ils s'établiront encore à plus de 10 milliards d'euros par an jusqu'en 2015.

C'est pourquoi, la majorité de gauche du Sénat a rejeté le projet du Gouvernement et tous les tableaux d'équilibre qu'il comportait. Elle a aussi voulu montrer qu'une autre politique est possible. Elle a donc décidé d'imposer sa vision d'un budget de la sécurité sociale.

Le Sénat a d'abord imposé une gestion plus responsable des comptes en réduisant d'au moins 3,5 milliards d'euros le déficit de la sécurité sociale pour 2012 et les années suivantes. Nous avons considéré nécessaire d'adopter, dès cette année, des mesures à caractère pérenne et non ponctuel, comme l'a trop souvent fait le Gouvernement, pour commencer à diminuer le déficit de façon significative.

L'abrogation des exonérations de la loi du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite « Tepa », applicables aux heures supplémentaires, qui permet d'apporter 3,5 milliards d'euros à la sécurité sociale, est la mesure phare de nos propositions. Il s'agit de supprimer un dispositif à la fois coûteux et inefficace. Il aura certes un impact sur certains de nos concitoyens mais nous assumons nos responsabilités car, pour nous, la priorité est claire, c'est le redressement des comptes sociaux et l'emploi.

Le Sénat a ensuite imposé une nouvelle politique en matière de ressources afin de combler le manque structurel de recettes de la sécurité sociale, régulièrement dénoncé par la Cour des comptes. Cette augmentation des recettes s'est faite de manière responsable. D'une part, les mesures proposées par la commission et nos collègues des groupes communiste et socialiste ont consisté à réduire des niches sociales existantes sur lesquelles des marges de progression ont été repérées depuis longtemps : le forfait social, les stock-options et les attributions gratuites d'actions, les retraites « chapeau » et les parachutes dorés. D'autre part, nous avons également cherché à rendre plus efficaces ces niches, en commençant à mieux cibler les allégements généraux de cotisations sociales, afin de limiter les effets d'aubaine.

Contrairement à ce qu'a dit la ministre du budget, qui nous a accusés d'avoir créé dix-sept nouvelles taxes, nous n'avons adopté que quatre mesures véritablement nouvelles. Toutes les autres ne sont que des réductions de niches existantes. Sur ces quatre nouvelles taxes, deux ont été adoptées au Sénat à l'unanimité : la création d'une contribution patronale additionnelle sur les bonus des traders et la création d'une taxe sur les produits cosmétiques au profit de l'agence française de sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé.

Le Sénat a par ailleurs imposé un meilleur accès aux soins. Nous avons abrogé l'augmentation de la taxe sur les assurances complémentaires votée en septembre dernier, et nous avons plus que largement gagé cette perte de 1,1 milliard d'euros pour les comptes sociaux. Nous avons exonéré de cette taxe les contrats responsables destinés aux étudiants et supprimé l'article visant à mettre en place un secteur optionnel car nous ne voulons pas légitimer des dépassements d'honoraires contre lesquels nous sommes bien décidés à lutter. Nous avons également refusé le rabotage annoncé des indemnités journalières et restreint le bénéfice des financements publics aux seules maisons de santé qui appliquent les tarifs opposables et le tiers payant. Nous souhaitions aussi supprimer la franchise sur les boîtes de médicaments et mettre un terme à la convergence tarifaire entre les secteurs hospitaliers public et privé. Malheureusement, l'article 40 de la Constitution nous a empêchés de le faire.

Enfin, le Sénat a eu le souci de placer l'humain au coeur des choix politiques en matière de sécurité sociale. C'est pourquoi nous avons refusé de retarder de trois mois la revalorisation des prestations familiales et demandé l'amélioration de la reconnaissance des maladies professionnelles. Une réflexion sur plusieurs chantiers a été ouverte, notamment sur le versement de la pension de réversion au partenaire d'un pacte civil de solidarité ou l'amélioration des droits à la retraite des apprentis.

La nouvelle majorité du Sénat est donc parvenue à imprimer sa marque sur ce projet de loi de financement. Le texte que nous avons voté ne ressemble en rien à celui du Gouvernement.

Il représente pour nous l'esquisse de ce que pourrait être un vrai projet de gauche pour la sécurité sociale, un projet fondé sur les valeurs de sécurité et de solidarité, un projet qui ne renie pas les acquis d'un système hérité du Conseil national de la Résistance et que nous avons le devoir, vis-à-vis de nos concitoyens et des générations futures, de préserver au plus haut niveau.

M. Yves Bur, rapporteur pour l'Assemblée nationale. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 comportait initialement 68 articles. Ayant adopté 54 articles additionnels et supprimé un article, l'Assemblée nationale a transmis au Sénat un texte de 121 articles. Celui-ci en a adopté 58 conformes, a maintenu une suppression conforme, a modifié 26 articles, en a supprimé 37 et en a à son tour ajouté 68. Le texte comporte donc actuellement 152 articles et il revient à notre commission mixte paritaire d'en examiner les 131 qui restent encore en discussion.

Mais nous sentons tous bien ici que ce traditionnel panorama quantitatif des apports successifs de nos deux Assemblées et des dispositions restant encore en discussion revêt cette année un caractère purement académique. Car je le dis d'emblée tout net : la perspective d'un accord sur la loi de financement pour 2012 me paraît tout à fait irréaliste.

Cela est dû à la posture totalement irresponsable adoptée par le Sénat tout au long de la discussion du texte. Je me dois en effet d'attirer votre attention sur le caractère ubuesque du projet de loi issu des travaux du Sénat, tant sur la forme que sur le fond.

La forme, d'abord, qui n'est pas chose négligeable quand il s'agit de nos lois financières, car il faut avoir à l'esprit les exigences constitutionnelles et organiques dans ce domaine. Or, comment le texte adopté par le Sénat se présente-t-il ? Comme une loi de financement privée de ses éléments essentiels tels que prévus par la loi organique : pas de première partie, qui vaut loi de règlement, pas de deuxième partie, qui vaut loi rectificative. Voilà donc la loi de financement privée de ses deux premières parties, au prétexte que le Sénat ne veut pas endosser les comptes de 2010 et de 2011.

Mais à quoi bon s'efforcer de nier la réalité ? Qu'on le veuille ou non, ces comptes sont bien là et leur sincérité ne peut être remise en cause, car ils sont retracés dans des tableaux d'équilibre validés par la Cour des comptes. Le rejet en bloc des deux premières parties est absurde et aberrant. Le Sénat avait, bien entendu, toute latitude pour marquer son désaccord avec la politique menée en 2010 et 2011 : pour ce faire, il aurait très bien pu modifier le rapport figurant en annexe A afin d'expliciter sa position sans remettre en cause les comptes.

Ensuite, je suppose qu'on ne doit l'adoption de la troisième partie, relative aux recettes et à l'équilibre général, qu'à l'obligation explicitement énoncée par la loi organique : sans adoption de la troisième partie, il est en effet impossible de passer à la discussion de la quatrième partie, relative aux recettes.

Car à quoi ressemblent les troisième et quatrième parties telles qu'adoptées par le Sénat ? Elles s'écartent des exigences posées par la loi organique, et ce sur plusieurs points capitaux. Ici aussi, libre au Sénat d'avoir son opinion sur les dispositions organiques, lesquelles ne sont au demeurant certainement pas parfaites. Mais ces dispositions s'imposent à nous tous et il était de son devoir de les respecter.

J'en viens même à me demander si le Sénat n'est pas purement et simplement hostile à l'existence même des lois de financement. Car en rejetant systématiquement les tableaux d'équilibre, les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses, les objectifs d'amortissement de la dette et les plafonds d'emprunts de trésorerie, il a dénaturé et même tourné en ridicule cette catégorie de loi. Que signifie en effet une loi financière privée de ces éléments qui en font toute la spécificité et toute la portée ? Elle n'a tout bonnement plus de sens, sans compter qu'elle ne manquerait évidemment pas d'être censurée par le Conseil constitutionnel.

Ici aussi, loin de moi l'idée de reprocher au Sénat d'avoir exprimé son opposition au projet de loi présenté par le Gouvernement et modifié par l'Assemblée nationale. Mais il le fait avec une irresponsabilité très inquiétante pour une majorité sénatoriale qui entend se poser en avant-garde d'une alternance politique. Car le Sénat avoue ainsi son impuissance et son manque de courage à mesurer les conséquences financières de ses choix : il modifie amplement les troisième et quatrième parties mais, prétextant des difficultés techniques, botte en touche dès qu'il s'agit d'en évaluer les effets, ce qui est pourtant précisément l'objet d'une loi de financement.

Ce comportement traduit bien plus de légèreté que de responsabilité. A ce simple titre, si nos collègues du Sénat persistaient dans cette voie, un accord serait tout naturellement impossible sur le texte.

Sur le fond, le texte adopté par le Sénat n'est guère plus acceptable, tant par ses modifications que par ses ajouts ou ses suppressions, et traduit des préoccupations plus idéologiques et partisanes que pragmatiques et réalistes, dont certaines illustrent les difficiles équilibres internes à la majorité sénatoriale.

Côté recettes, l'addition irréaliste des prélèvements supplémentaires se passe de commentaires : forfait social, prélèvement sur les revenus du capital, taxe sur les transactions sur devises, retraites « chapeau », stock options et attributions gratuites d'actions, part variable de rémunération des opérateurs de marchés financiers. La suppression du dispositif des heures supplémentaires, le conditionnement du bénéfice de la « réduction Fillon » à la conclusion d'un accord en matière d'égalité professionnelle et l'abattement de 20 % du montant de la « réduction Fillon » pour sanctionner le recours excessif au temps partiel sont autant de mesures aux incidences économiques néfastes. Le comble est atteint avec cette surréaliste et anachronique « contribution patronale sur les technologies se substituant aux travailleurs » : serions-nous revenus au temps où les machines étaient détruites par les ouvriers qui craignaient qu'elles ne les remplacent ?

En contrepartie, les baisses de prélèvements paraissent toutes malvenues. C'est le cas de la diminution du taux de taxation des contrats solidaires et responsables, qui ne tient pas compte de la situation véritable des organismes complémentaires d'assurance maladie dans leur totalité - je dis bien des organismes complémentaires, pas seulement des mutuelles. C'est aussi le cas de la disposition portant de deux à trois ans le délai de prescription pour le paiement des prestations de l'assurance maladie. C'est enfin le cas de l'exclusion des produits intermédiaires titrant plus de 18° de l'extension de l'assiette de la cotisation sur les alcools forts aux alcools titrant jusqu'à 25°. Je salue néanmoins la fermeté du rapporteur général du Sénat, qui s'est opposé à tous les amendements qui visaient à affaiblir la portée de l'article 16.

Côté dépenses, comment ne pas s'opposer à la suppression de l'article 35 qui tend à améliorer la performance des établissements de santé, de l'article 35 bis qui rétablit les « ristournes » des laboratoires de biologie médicale aux établissements de santé, de l'article 37 qui prévoit d'expérimenter la prise en compte de la performance des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes dans la tarification du forfait relatif aux soins et de l'article 55 qui fixe le montant de la contribution de la branche AT-MP au financement des dépenses supplémentaires liées au dispositif de retraite pour pénibilité ?

Pourquoi avoir rétabli les dotations à certains fonds que le Gouvernement entend désormais lui-même minorer ? Et que penser de la suppression de la possibilité de racheter des périodes de formation pour les personnes relevant du régime des cultes ou du refus d'allonger la durée de résidence en France requise pour l'attribution de l'allocation de solidarité aux personnes âgées aux personnes de nationalité étrangère ?

Suite aux ajouts du Sénat, le nombre de rapports demandés atteint la vingtaine : on sait qu'il s'agit parfois de contourner par ce biais les contraintes posées par l'article 40 de la Constitution, mais cette inflation de rapports devient déraisonnable.

En conclusion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 tel qu'adopté par le Sénat me paraît inadmissible et je vois donc mal comment nous pourrions aboutir à un quelconque accord sur un texte. Comme le ministre chargé de la santé l'a rappelé, la gauche propose toujours d'augmenter les dépenses et les prélèvements, comme si la crise n'était, pour elle, que virtuelle !

Nous essayons en revanche, à travers ce projet de loi de financement, de sauvegarder la croissance de l'économie, qui est à la base de tout, ainsi que la solidarité entre nos concitoyens pour qu'ils puissent faire face à la maladie, à la vieillesse et à l'accueil des enfants. Dans cette période de crise profonde, la position de la majorité est la plus raisonnable et la mieux adaptée.

M. Pierre Méhaignerie, député, président. - Je vois que nous entrons dans le vif du débat des prochains mois. Je donne la parole aux uns et aux autres, et nous conclurons probablement sur un échec de cette commission mixte paritaire.

Mme Marisol Touraine, députée. - Nous n'irons sans doute pas très loin dans cette discussion. Nous partageons en tout cas pleinement les orientations du texte adopté par le Sénat, dont les perspectives pour une politique différente en matière d'assurance maladie sont très claires.

Je l'ai déjà dit quand le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale a été engagé, il y a quelques semaines : ce projet de loi de financement n'est pas le plus spectaculaire des dernières années, mais, en tant que dernier de la législature, il présente l'intérêt de donner l'occasion d'établir un bilan de l'action du Gouvernement, qui n'a fait qu'accroître les déficits. Les déficits cumulés de la sécurité sociale s'élèvent, en effet, à 140 milliards d'euros, tandis que la dette sociale a été multipliée par deux depuis 2007. Pour un Gouvernement qui prétend faire du rétablissement des comptes sa priorité et donner des leçons de bonne gestion à ses interlocuteurs nationaux ou internationaux, c'est assez osé.

Au-delà de l'absence de rétablissement des comptes, les difficultés auxquelles nos concitoyens sont confrontés en matière d'assurance maladie et d'accès aux soins ne sont pas réduites, bien au contraire. Les inégalités sociales, territoriales et sanitaires se sont accrues dans notre pays, alors que l'égalité dans l'accès aux soins est pour nous une priorité.

Le renchérissement du coût de l'accès aux soins, à travers notamment les dépassements d'honoraires, a accru les inégalités sociales. Nous ne pouvons d'ailleurs pas souscrire au « secteur optionnel » proposé par le texte, même s'il n'est pas nommé ainsi. Il graverait en effet dans le marbre ce niveau élevé de dépassements d'honoraires, que les organismes complémentaires devraient prendre en charge.

Nous avons eu l'occasion de débattre à plusieurs reprises des difficultés territoriales d'accès aux soins, comme le creusement des déserts médicaux. Les lois de financement successives n'ont néanmoins porté aucune mesure structurelle. J'en veux pour preuve la ponction, année après année, des ressources du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (Fiqcs), qui a précisément l'objectif de favoriser des projets innovants en matière d'accès aux soins de premiers recours.

Les politiques de prévention sont les grandes perdantes des politiques suivies ces dernières années, ce qui a accentué les inégalités sanitaires. Ce projet de loi ne fait pas exception à la règle.

Nous le disons clairement : il était important de définir une autre perspective, qui s'attache à marquer le possible rétablissement de la trajectoire financière. Il va en effet de soi que la poursuite du creusement des déficits n'est pas acceptable : ce serait tirer un trait sur notre protection sociale.

Les propos tenus hier par le Président de la République sur la fraude sociale ne nous rassurent pas. Il ne s'agit à l'évidence que d'agiter des étendards purement politiques ou plutôt politiciens : le thème de la fraude n'a en effet pas d'impact financier sérieux. Une concertation est également annoncée pour envisager comment les Français pourraient supporter encore davantage le poids de la protection sociale. Cela n'est pas acceptable.

Nous devons consolider notre système de protection sociale. Le rétablissement de la trajectoire financière implique de trouver des ressources nouvelles. Il faut pour cela mettre à contribution l'ensemble les revenus, et en particulier solliciter davantage les revenus du capital, comme nous le proposons depuis 2007. En cela, nous partageons les mesures adoptées par le Sénat. Il est impératif de supprimer le paquet fiscal qui pèse très lourd sur les comptes publics et en particulier les comptes sociaux.

Deuxièmement, des réformes structurelles doivent être mises en place pour mieux maîtriser l'évolution des comptes et garantir un meilleur accès de nos concitoyens à l'assurance maladie. Sans les détailler, il s'agit de consolider l'accès aux soins de premiers recours, de garantir la qualité du travail dans les hôpitaux publics en reconnaissant leur spécificité - c'est pourquoi nous sommes opposés à toute convergence de leur tarification avec les établissements privés -, de lutter contre les dépassements d'honoraires, de mettre en place des politiques de prévention, etc. Ces réformes doivent être centrées sur la diminution des inégalités.

La réforme des retraites engagée en 2010 ne permet pas de consolider durablement  les comptes de l'assurance vieillesse. Il s'agit d'une politique à courte vue, comme l'illustre la suppression du fonds de réserve pour les retraites que nous avons contestée. Ce fonds donnait en effet à nos concitoyens des garanties sur la durée.

Pour toutes ces raisons, nous soutenons le texte du Sénat. Nous comprenons bien que, pour la majorité présidentielle, ce texte marque un décalage très fort avec le projet adopté par l'Assemblée nationale. Rapprocher des points de vue opposés est sous doute vain et même si certains articles ont été votés conformes, il n'est peut-être pas très utile d'engager la discussion des articles. Je remarque néanmoins que, pour la première fois, deux perspectives différentes sont proposées à la commission mixte paritaire réunie sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce n'est pas sans intérêt dans la période qui s'ouvre.

M. Jean-Pierre Door, député. - Le rapporteur du Sénat l'a exprimé : vous vous opposez à la certification des comptes de 2010 et même à l'ensemble du texte. Votre perspective est purement antigouvernementale et votre vision est purement idéologique. Vous êtes effectivement entrés en campagne électorale pour l'élection présidentielle.

Vous faites deux grosses erreurs : premièrement, vous supprimez l'exonération des heures supplémentaires prévues par la loi « Tepa ». Je doute que les neuf millions de salariés qui utilisent ce dispositif vous remercient.

Deuxièmement, vous dénaturez le fonds d'intervention régional. Contrairement à vous, nous voulons en faire un outil majeur dans la nouvelle organisation des soins dans les régions, dans les domaines hospitalier, ambulatoire et médico-social. Il est très attendu par les directeurs des agences régionales de santé.

L'Assemblée nationale avait fourni un travail sérieux et de qualité pour aboutir à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous avions amélioré le projet du Gouvernement, y compris en adoptant des amendements des groupes SRC et GDR. Nous avions adopté un objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) volontariste malgré la crise.

Vous êtes dans une situation de posture antigouvernementale. Le groupe UMP soutient quant à lui le projet gouvernemental tout comme Yves Bur, rapporteur pour l'Assemblée nationale : cette commission mixte paritaire ne peut donc réussir.

M. Jean-Pierre Caffet, sénateur. - Je souhaiterais rassurer d'emblée mes collègues de l'Assemblée nationale : le Sénat n'est pas devenu un soviet, c'est une assemblée républicaine qui se prononce, non en fonction d'une idéologie, mais en fonction de ce qu'elle pense être l'intérêt général et l'intérêt des Français. Contrairement à ce qui a été dit, nous ne sommes pas irresponsables, terme que je récuse. Car la première irresponsabilité est de laisser filer les déficits et s'alourdir la dette : je rappelle que l'année dernière, ce sont 130 milliards d'euros de dette supplémentaires qui ont été transférés à la Cades. Le déficit a atteint un niveau historique en 2010, les chiffres 2011 n'ont guère témoigné d'une amélioration et les prévisions pour 2012 se présentent sous un jour particulièrement défavorable. Ce ne sont pas les représentants du Sénat qui affirment que ces déficits ne sont pas uniquement dus à la crise, c'est la Cour des comptes qui estime que sur le 1,2 point de PIB de déficit du régime général, plus de la moitié est due à l'absence de mesures structurelles prises par le Gouvernement. C'est donc un mauvais procès que la majorité présidentielle fait à la majorité sénatoriale en la taxant d'irresponsabilité.

S'agissant des dépenses supplémentaires et des nouvelles recettes votées par le Sénat, je rappelle qu'elles ne correspondent qu'à quatre mesures nouvelles. Reprocher au Sénat de créer des taxations nouvelles est là encore infondé. Bien que le Gouvernement se targue de privilégier les économies plutôt que les recettes nouvelles, je constate que, tant dans le dernier collectif budgétaire que dans le projet de loi de finances ou le projet de loi de financement de la sécurité sociale, les mesures de redressement annoncées à hauteur de 8 milliards d'euros ne correspondent à des économies qu'à hauteur de 2 milliards d'euros, contre 6 milliards d'euros de recettes nouvelles. Ce qui fait donc 25 % d'économies contre 75 % de recettes nouvelles.

Par ailleurs, sur le contenu des recettes dégagées par le Sénat, il s'agit d'un simple déplacement de curseur. Nous n'avons pas créé le forfait social ou l'imposition sur les revenus du capital. Nous nous sommes contentés de gager la suppression de la taxe sur les mutuelles, dont nous sommes par ailleurs persuadés qu'elle sera répercutée dans sa quasi-totalité sur ceux qui ont souscrit des contrats, à hauteur de 0,5 milliard d'euros, par une augmentation de 8 % à 11 % du forfait social. Je rappelle que le Gouvernement avait lui-même proposé une hausse de 6 % à 8 % de ce forfait. De même, pour compenser l'autre moitié de la suppression de la taxe, nous avons procédé à une augmentation plus limitée de la taxation sur les revenus du capital, à hauteur de 0,5 point alors que le Gouvernement a proposé une augmentation de 1,2 point, passant de 12,3 à 13,5. Je considère que nous nous sommes donc montrés extrêmement mesurés sur la partie recettes du projet de loi.

S'agissant en revanche de la suppression du dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires, nous avons un désaccord de fond, radical, avec la majorité présidentielle. Or nous ne manquons pas d'argument : dans le rapport Guillaume, cette mesure a reçu la note un sur trois. C'est-à-dire qu'elle est considérée comme inefficace. Elle est en outre onéreuse puisqu'elle coûte 5 milliards d'euros par an : 1,5 milliard d'euros au titre de l'impôt sur le revenu et 3,5 milliards d'euros au titre des charges sociales. Les conclusions du rapport du comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale sur le dispositif de la loi « Tepa » sont sans équivoque, Jean Mallot, en tant que corapporteur avec Jean-Pierre Gorges, pourrait nous les détailler. Ainsi, le rapport recommandait à tout le moins la suppression immédiate des exonérations de cotisations patronales, avant la suppression totale du dispositif. Au total, nous avons procuré 5 milliards d'euros de recettes nouvelles pour la sécurité sociale et abaissé la prévision du déficit en supprimant un dispositif inefficace, ce qui me paraît faire preuve de responsabilité contrairement à ce que prétend la majorité à l'Assemblée nationale.

M. Denis Jacquat, député. - Le constat est clair, nous sommes face à deux perspectives opposées, l'une de politique politicienne et l'autre de politique sociale. Je soutiens les propos d'Yves Bur et je pense qu'il est inutile de continuer notre discussion.

M. Jean Mallot, député. - Je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit par mes collègues de gauche, mais je souhaite revenir sur la soi-disant suppression des heures supplémentaires que nous proposerions. Le texte adopté par le Sénat supprime simplement l'article 1er de la loi « Tepa », qui constitue une véritable « subvention » des heures supplémentaires. Je rappelle en effet qu'elle s'applique à des heures supplémentaires qui seraient de toute façon effectuées : cette mesure constitue donc un effet d'aubaine massif. Elle coûte 0,3 % de PIB, alors qu'elle n'en rapporte que 0,15 %, et elle est financée par la dette, puisque l'argent est emprunté sur les marchés financiers. C'est un cas d'école !

Enfin, je tiens à apporter mon soutien à Annie David, dont la présidence a été gravement mise en cause hier lors de la commission mixte paritaire convoquée au Sénat sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à renforcer la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Les débats sont aujourd'hui beaucoup plus sereins, ce dont je me félicite.

Mme Martine Pinville, députée. - Je rejoins les propos tenus par Marisol Touraine et par nos collègues de la majorité sénatoriale. Je suis surprise que la majorité à l'Assemblée nationale considère que les propositions du Sénat ne sont pas suffisamment responsables, alors même que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 qui a été présenté par le Gouvernement est loin d'être exemplaire : pour la branche famille, on constate ainsi un déficit préoccupant sans qu'un retour à l'équilibre ne soit prévu avant 2023 ! Nous n'avons donc pas de leçons à recevoir en ce domaine.

M. Alain Milon, sénateur. - Je ne voudrais pas que l'on croit que l'opposition sénatoriale est muette, et elle n'est en outre pas sourde : elle a bien entendu qu'il n'y avait aucune chance d'accord entre les deux assemblées. Elle a également constaté la suppression par la majorité sénatoriale de deux mesures très attendues en matière de santé concernant les établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad), d'une part, et le dépistage précoce des troubles de l'audition chez le nouveau-né, d'autre part.

M. Jean-Luc Préel, député. - Je souhaiterais revenir sur quelques points. S'agissant des tableaux d'équilibre 2010-2011, pourquoi la majorité sénatoriale n'a-t-elle rien fait puisqu'elle en dénonce l'absence de validité ? Par ailleurs, en tant que porte-parole du groupe Nouveau Centre, je tiens à rappeler la demande de notre groupe de voter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 en équilibre, ce que le Sénat n'a pas réussi à faire. Il reste 8,2 milliards d'euros non financés, qui auraient pu l'être par le biais d'une augmentation de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Je tiens à rappeler également que nous sommes favorables à l'institution d'enveloppes régionales et d'objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie. Enfin, je ne partage pas les remarques de notre collègue Jean-Pierre Door s'agissant des modifications apportées par le Sénat au Fir.

Mme Muguette Dini, sénatrice. - Au nom des centristes du Sénat, je tiens également à indiquer que nous ne sommes pas du tout favorables aux propositions de la majorité sénatoriale. Celles du groupe centriste auraient en revanche permis de rééquilibrer le système, via une augmentation de la CRDS et un alignement du taux de la contribution sociale généralisée des retraités redevables de l'impôt sur le revenu sur celui des actifs. Je ne peux également qu'exprimer notre désaccord avec la suppression du dépistage des troubles de l'audition et du relèvement de la taxe sur les contrats d'assurance maladie complémentaire.

M. Ronan Kerdraon, sénateur. - Un des grands sujets absent du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 est celui de la dépendance, en dépit des promesses du Président de la République. C'est une vraie déception pour les élus, les familles et les associations. Les propos péremptoires et sans nuance, les termes « irresponsable » et « ubuesque » employés par la majorité présidentielle pour qualifier l'action du Sénat me paraissent donc largement déplacés.

Mme Chantal Jouanno, sénatrice. - Ces propos ne sont qu'une réponse à un communiqué de presse peu amène, taxant lui-même la majorité d'irresponsabilité. Nous sommes confrontés à un profond constat de désaccord. Je souligne toutefois que s'il paraît aujourd'hui à la gauche inopportun d'engager une concertation sur un engagement supplémentaire des Français pour financer leur protection sociale, comme l'a proposé le Président de la République, les quelques 5 milliards d'euros de financements supplémentaires que le Sénat a dégagés dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 reposent sur l'emploi et les salaires : ce sont des prélèvements supplémentaires sur les salariés ! Parallèlement, aucune proposition de maîtrise des dépenses n'a été formulée, alors que le déficit de la sécurité sociale est structurel. Vous devriez plutôt vous féliciter que l'Ondam ait été respecté ces dernières années. Le Président de la Cour des comptes, que vous citez souvent, a, à cet égard, rappelé qu'avant toute mesure de financement supplémentaire, il convenait de maîtriser les dépenses.

M. Pierre Méhaignerie, député, président. - Merci madame Jouanno, je voudrais ajouter quelques mots, j'ai toujours pensé que la vérité était dans la nuance, donc j'aurais pu accepter quelques amendements, mais il y a trois points qui rendent impossible l'élaboration d'un compromis.

Le premier de ces désaccords porte sur votre affirmation selon laquelle le Gouvernement laisse filer les déficits. Lorsque le budget avait été élaboré en 2007, je rappelle que non seulement l'Ondam avait été respecté mais aussi que les dépenses augmentaient moins vite que la richesse nationale. Sans la crise qui nous a touchés, au même titre que les autres pays, le déficit ne se serait pas aggravé.

Si le Gouvernement n'a pas voulu supprimer complètement le déficit, c'est parce qu'il s'agissait de ne pas casser en même temps la croissance. La masse très importante d'augmentation de dépenses sociales de l'ordre de 3 % par an a été un facteur de correction des inégalités dans la société française, au point qu'aujourd'hui sur les vingt-sept pays de l'Union européenne, nous nous situons au troisième ou au quatrième rang dans la lutte contre la pauvreté, et ce du fait du poids de ces dépenses sociales qui ont augmenté fortement. Ne caricaturons donc pas les déficits, ils nous ont permis d'être le seul pays à avoir pu maintenir le pouvoir d'achat durant la crise.

Le deuxième point de désaccord porte sur les heures supplémentaires, elles ne sont que la conséquence de ce que j'appelle, comme le font nos voisins allemands, la catastrophe des trente-cinq heures. Autant j'étais favorable aux trente-cinq heures pour les métiers pénibles, autant l'extension de ce dispositif à tous les autres secteurs a été un facteur d'aggravation des inégalités. Expliquez-moi comment vous faites dans les bassins industriels ou dans la construction pour recruter si nous supprimons, comme vous le préconisez, la défiscalisation des heures supplémentaires. La défiscalisation des heures supplémentaires permet à ceux qui en ont le plus besoin de pouvoir améliorer leur pouvoir d'achat. Nous n'avons pas voulu supprimer les trente-cinq heures pour ne pas déclencher une guerre idéologique, mais il a bien fallu leur apporter des corrections par le biais de la défiscalisation des heures supplémentaires.

Le troisième et dernier point concerne la contribution des autres revenus que ceux du travail. S'il est vrai qu'on peut y trouver des marges, je voudrais vous rappeler que nous sommes dans un monde ouvert où les capitaux peuvent circuler. Je me rappelle des années 1982 et 1983, où le Gouvernement de l'époque avait mené une politique budgétaire exactement contraire à celle qui avait été annoncée en 1981, période durant laquelle la part du travail dans le partage de la valeur ajoutée a baissé de huit points et où le pouvoir d'achat s'est érodé. Aussi, mes chers collègues, je vous enjoins à vous souvenir de cela et à faire preuve d'humilité lorsque l'on établit un budget.

Mme Annie David, sénatrice, vice-présidente. - Sur ces trois points que vous soulevez, je n'ai pas la même analyse. De plus, je me souviens aussi des années 1981, 1982 et 1983, j'étais alors salariée et je me rappelle la joie des employés lors de cette grande victoire de la gauche qu'était la retraite à soixante ans. Je ne veux pas prolonger le débat, il est temps soit de commencer l'examen des articles, soit de constater l'échec de la commission mixte paritaire.

M. Pierre Méhaignerie, député, président. - Je partage cet avis.

M. Yves Daudigny, rapporteur pour le Sénat. - C'est sans surprise que l'on constate ce désaccord, encore faut-il ne pas caricaturer les différentes positions qui ont été exprimées par les uns et les autres. La majorité sénatoriale a travaillé avec sérénité, raison et responsabilité. Je voudrais réfuter l'accusation selon laquelle il y aurait des élus responsables d'un côté et des élus irresponsables de l'autre. Nous pensons que l'irresponsabilité de ces dernières années a été de laisser filer la dette sociale et de ne pas avoir pris en compte le déficit de 13 milliards d'euros, et encore prévu en 2015 à 10 milliards d'euros.

Notre responsabilité est d'assurer l'équilibre des comptes sociaux, comme dans tous les grands pays comparables à la France. Cela doit passer par des recettes nouvelles, c'est la grande différence qui existe entre vous et nous. Aussi je n'accepte pas l'accusation d'un jeu politicien qui s'opposerait au pragmatisme de la majorité gouvernementale. Le Président de la République, parlant dans son discours d'hier de « voleurs » ou de « tricheurs » pour désigner les fraudeurs, ne s'inscrit pas dans un discours responsable mais dans un discours de campagne. Face à cette crise difficile dont l'issue est incertaine, nous avons une obligation de prudence.

La commission des affaires sociales du Sénat, dans une configuration différente, avait proposé avant 2008 des mesures de résorption des déficits qui auraient considérablement amoindri les conséquences de la crise économique sur les comptes sociaux.

Je veux revenir sur la question du Fir. Nous n'avons pas exprimé d'opposition à la mise en place de ce fonds, nous avions déposé un certain nombre d'amendements et au regard des explications fournies par la ministre, nous en avons retiré certains, notamment celui qui préconisait un décalage dans la mise en application de ce fonds. Nous avons maintenu avec force un amendement prévoyant que son montant soit voté annuellement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, et ce faisant nous ne faisions que suivre la position de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Il n'y a donc pas eu d'opposition dogmatique à la mise en place de ce fonds, mais des demandes d'éclaircissements, car il faut que le Parlement puisse conserver son droit de regard sur 1,5 milliard d'euros de dépenses sociales.

Voilà, mes chers collègues, quelques points que je tenais à préciser à l'issue de cette discussion.

M. Pierre Méhaignerie, député, président. - En accord avec Annie David, je pense que nous pouvons constater l'échec de cette commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.