Mardi 18 octobre 2011

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Loi de finances pour 2012 - Mission Défense - Programme Equipement des forces - Audition de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement

La commission auditionne M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « équipement des forces » de la mission Défense).

M. Jean-Louis Carrère, président - Au nom de tous mes collègues, je vous souhaite la bienvenue dans cette nouvelle commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Pour les anciens dont je fais partie, c'est toujours un plaisir de vous recevoir.

Je ne pense pas que les sujets aient sensiblement varié depuis notre dernière rencontre : retour d'expérience sur la Libye, du point de vue des équipements, défense anti-missile balistique et drones figureront certainement parmi les questions que mes collègues, en particulier les rapporteurs du programme 146, vous poseront.

Je rappelle pour mes nouveaux collègues que M. le délégué partage la coresponsabilité avec le Chef d'état-major des armées du programme 146 « équipement des forces » et c'est du reste le seul exemple de partage de responsabilité d'un programme qui a été créé par la LOLF. Je précise également que ce programme regroupe à lui seul les deux tiers des investissements de l'Etat pour 2011-2012. Au total, les crédits d'investissement d'équipements militaires représentent 73 % des crédits d'investissement de l'Etat.

Avant que mes collègues ne vous passent donc sur le grill, si vous me permettez cette expression familière, je souhaiterais que vous nous précisiez, comme vous le faites chaque année, les principaux éléments de cadrage budgétaire pour le projet de loi de finances pour 2012 et que vous donniez votre sentiment sur l'évolution de la situation, budgétairement parlant s'entend.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à intervenir, dans le cadre de l'examen par votre commission du projet de budget de la Défense pour 2012.

Je vous présenterai succinctement un point de situation de l'exécution de l'année 2011, puis le projet de budget 2012. Enfin, j'évoquerai, en conclusion, quelques perspectives pour la préparation de l'après-2012.

Notre action en 2011 s'est attachée à livrer les matériels demandés, pour la modernisation de nos armées.

Les mesures décidées l'an dernier en programmation budgétaire triennale, pour la réduction des déficits publics, ont été mises en oeuvre. Elles portent sur le décalage du lancement de programmes futurs, sur des réductions de cibles et sur des étalements de production.

L'équipement des Forces se déroule, je crois, conformément à ce qui a été décidé dans cette programmation.

On notera cette année des livraisons importantes :

- pour la dissuasion : la poursuite des livraisons de missiles M51 pour la FOST et la livraison des derniers missiles ASMPA pour la composante nucléaire aéroportée ;

- dans le domaine conventionnel : les livraisons prévues d'ici la fin d'année : de 4 hélicoptères NH 90, dont le premier dans sa version Terrestre ; de 5 hélicoptères de combat Tigre ; de plus de 4 000 équipements de fantassin Félin ; de 100 véhicules blindés de combat VBCI ; de 11 avions Rafale ; ainsi que des missiles Aster, Exocet MM40 et Mica Rénovés ;

- enfin, la capacité de renseignement est renforcée par la rénovation d'un Transall Gabriel et de 4 nouvelles nacelles de reconnaissance RECO-NG ;

- on peut aussi citer les 1000 premiers téléphones sécurisés TEOREM.

Pour nos matériels, l'emploi en OPEX reste l'épreuve de vérité. On a pu mesurer l'efficacité des armements. Les opérations en Afghanistan nous ont amenés à engager, en urgence opération, quelques améliorations pour la protection des combattants et l'interopérabilité avec nos alliés.

Les opérations en Libye, ont quant à elles montré plus largement l'efficacité de notre dispositif militaire. La capacité à entrer en premier sur un théâtre présentant des menaces sérieuses, puis la capacité à fournir un effort d'intervention soutenu, ont permis de révéler la performance, la cohésion et la disponibilité de nos matériels. On retiendra les premiers tirs opérationnels, avec succès, des missiles de croisière SCALP-EG et des AASM-IR ; mais aussi la reconnaissance internationale de la polyvalence du Rafale et de l'efficacité du Tigre. Globalement, les matériels présentent des performances conformes à ce qu'on en attend.

Cette opération extérieure (OPEX) montre aussi quelques lacunes. Il s'agit de lacunes connues : en premier lieu en matière de drones de surveillance et de capacité de ravitaillement en vol.

Globalement, le peu d'acquisitions selon la procédure dite d'Urgences Opérations générées par ces OPEX - elles représentent 1 à 2 % de nos acquisitions d'équipements - montre la pertinence des choix effectués lors de la conception et de la réalisation de nos systèmes d'armes actuels.

Pour ce qui est des commandes, l'année aura aussi été riche avec l'aboutissement d'affaires complexes, telles que l'avenant pour le rétablissement du programme A400M ; le marché RDIP, en partenariat public privé, pour la desserte IP des bases aériennes de l'Armée de l'Air ; ou la commande du troisième Sous-marin Nucléaire d'Attaque Barracuda.

On peut aussi souligner l'orientation décidée par le Ministre cet été, pour la solution intérimaire des drones MALE.

Concernant l'exécution budgétaire, les engagements sur le programme 146 devraient s'établir à un peu plus de 8 milliards d'euros en fin d'année, si j'exclus NECTAR qui sera décalé sur début 2012. Le besoin de paiements à environ 10,4 milliards d'euros.

Le report de charges est estimé à 1,7 milliard d'euros à fin 2011 pour le programme 146, soit environ deux mois de paiement. Cela constitue une dégradation par rapport à fin 2010. Ce report de charges pourrait être réduit à un milliard d'euros si l'on dispose des ressources extra budgétaires attendues sur le Compte d'Allocation Spécial Fréquences dont 750 millions sont destinés au P146 en 2011.

Pour ce qui concerne la part DGA du programme 144, pour les études amont commandées à l'industrie, le niveau d'engagement à fin d'année est estimé à 700 millions d'euros dont 53 millions pour le dispositif RAPID et les Pôles de Compétitivité et les besoins de paiements à 770 millions d'euros. Le solde de gestion à fin 2011 est estimé à 80 millions d'euros dans l'hypothèse de la disponibilité des 50 millions de ressources du compte d'affectation spéciale (CAS) « Fréquences ».

Les difficultés liées au basculement vers le progiciel Chorus, dont j'avais fait état l'an dernier et qui ont entraîné un niveau d'intérêts moratoires notable en 2010, n'ont été que partiellement corrigées à l'issue du passage en gestion 2011. L'héritage de cette situation pèse sur les intérêts moratoires 2011, qui atteignent déjà 11 millions d'euros. La situation en fin d'année ne devrait toutefois pas être aussi mauvaise que l'an passé.

Concernant la maîtrise des coûts et des délais dans la conduite des opérations d'armement, la tendance est aussi à l'amélioration. Les objectifs doivent être tenus : 1,5% sur les devis et 2,25 mois sur les délais de réalisation.

Ces efforts se conjuguent avec la poursuite de la modernisation de la DGA et de la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Le calendrier de redéploiement des activités et de rationalisation des soutiens est parfaitement tenu. A fin août 2011, l'effectif était de 10 950 ETPE (Equivalents Temps Plein Employés), en ligne avec la trajectoire prévue.

Les redéploiements, dont certains sont achevés, sont menés sans rupture notable d'activité et en préservant notre capital de compétences techniques. C'est un point auquel nous apportons une attention particulière. Il s'inscrit dans une politique plus générale de croissance de l'expertise technique, par un renfort des effectifs dans cette fonction.

L'autre point d'attention porte sur le reclassement des personnels qui ne souhaitent ou ne peuvent pas suivre ces redéploiements. Les cas d'Angers et de Vernon sont les plus délicats, tout étant mis en oeuvre pour trouver des solutions.

Le format de 2014 visé par la RGPP sera obtenu, mais nous aurons alors atteint la limite d'optimisation du fonctionnement de la DGA et nous n'aurons plus aucune marge de manoeuvre disponible.

Pour ce qui concerne l'industrie, nous sommes enfin parvenus à concrétiser la rationalisation de la filière de la propulsion solide avec le projet Herakles. Ce rapprochement entre SNPE Matériaux Energétiques et la filiale Snecma Propulsion Solide de Safran devrait donner naissance au numéro deux mondial de la propulsion à poudre. En revanche, les rationalisations nécessaires dans les secteurs électronique et optronique entre THALES et SAFRAN, restent à faire. De même que dans les secteurs naval et terrestre. D'une façon coopérative ou pas, ces rationalisations devront se faire. C'est une question de survie pour leurs compétences et en partie pour notre souveraineté. Nous n'avons plus les moyens d'entretenir plusieurs filières sur les mêmes secteurs, comme celui de l'optronique par exemple.

Sur le plan européen, le traité de Lancaster House fin 2010 a défini une ambition très forte pour l'axe franco-britannique. Nous avons ainsi consacré nos efforts en 2011 à la mise en oeuvre des différents projets de coopération qui le sous-tendent.

J'ai évoqué les rationalisations industrielles et la coopération, un autre axe essentiel de notre stratégie est l'exportation.

En 2011, malgré un ralentissement mondial, des négociations sur des contrats majeurs ont abouti : BPC russes, rénovation Mirage 2000 pour l'Inde. Ce qui devrait nous amener à une prise de commande de l'ordre de 7,5 milliards d'euros en fin d'année.

Bien sûr les contrats Rafale ne sont toujours pas acquis, mais les discussions sont en cours et je ne ferai pas plus de commentaire.

Venons-en au projet de loi de finances (PLF) pour 2012. Ce PLF s'inscrit dans la ligne définie par la loi de programmation financière. Tout en réalisant les mesures d'économie définies en 2010 par la Programmation Budgétaire Triennale (PBT) 2011 -2013, le PLF 2012 est marqué par la volonté de maintenir l'action de renouvellement de l'équipement des forces. Ainsi la prévision d'engagement pour le P 146 est de l'ordre de 11,3 milliards d'euros.

Les ressources budgétaires pour les paiements du P146 s'élèveront à 9,2 milliards en hausse de 3,6 % par rapport à 2011, complétées dans le cas favorable, de 800 millions de recettes extrabudgétaires sur le CAS Fréquences. Dans cette hypothèse, on prévoit en 2012 une aggravation de l'ordre de 900 millions du report de charges du programme 146, et de 1,7 milliard en l'absence de ces ressources exceptionnelles. Cette éventualité nous conduirait alors à une situation budgétaire très difficile.

Concernant les études amont, sur le programme 144, l'objectif d'engagement est de 730 millions d'euros et les ressources de paiement seront de 680 millions d'euros en comptant sur les ressources extrabudgétaires du CAS « fréquences » à hauteur de 50 millions d'euros. Cette ressource est stable, voire en légère diminution.

Concernant les commandes, elles porteront très majoritairement sur la poursuite des programmes en cours. Quelques unes concerneront de nouvelles opérations d'armement telles que : les drones MALE intérimaires ; les Bâtiments de Soutien et d'Assistance Hauturier (BSAH) ; les missiles Moyenne Portée anti-char devant remplacer les Milan ; etc...

Les livraisons quant à elles, se poursuivront. Pour l'essentiel :

- elles continueront la modernisation des capacités d'intervention : 11 RAFALE, 6 Tigre, 1 FREMM, 100 VBCI, 3 Caracal, et des missiles pour les équiper ;

- elles poursuivront la montée en puissance de la défense anti-aérienne : livraison de 2 systèmes SAMP/T et 61 missiles ASTER ;

- elles enrichiront la maîtrise de l'information avec un nouveau Transall Gabriel rénové et 7 pods RECO-NG supplémentaires ainsi que divers systèmes d'information et de communication ;

- elles renforceront les capacités de projection avec un nouveau Bâtiment de Projection et de Commandement, 8 hélicoptères NH90, 5 avions CASA 235...

Pour l'après 2012, un nouveau chantier nous attend dès maintenant avec la préparation de la révision du Livre Blanc et la préparation de la prochaine loi de programmation militaire.

Il y a peu de marges de manoeuvre sur le programme 146. Les contrats passés, souvent renégociés après les mesures budgétaires, prescrivent l'essentiel des dépenses à venir. Pour autant, nous avons besoin de visibilité sur les années à venir pour lancer les nouveaux programmes.

Il faudra donc faire des choix. Ils seront à faire en tenant compte de l'ensemble des facettes du problème. Je veux parler de l'équilibre qu'il doit y avoir entre :

- notre ambition de défense et de souveraineté ;

- l'accessibilité aux technologies ;

- la capacité industrielle à les réaliser dans un contexte européen ;

- et notre volonté de les financer.

Les options restent ouvertes, les mesures prises en PBT n'ont pas préempté les orientations. Mais on ne pourra pas jouer sur les marges, on ne peut plus optimiser le modèle actuel.

La DGA est un outil de préparation de l'avenir. Nous sommes en ordre de bataille pour contribuer aux réflexions et alimenter les choix politiques de l'après 2012.

M. Daniel Reiner - Monsieur le Délégué général, merci pour ce tableau toujours très fourni. Vous savez l'intérêt que nous portons à votre institution qui est un outil essentiel d'aide à la décision du Gouvernement. Le budget 2012 s'inscrit dans l'épure de la LPM, à la révision triennale près, sous réserve de quelques décalages temporels et sous condition que les ressources exceptionnelles soient bien au rendez-vous.

Ma première question concerne les études et les recherches technologiques. Dans le document ministériel qui nous est fourni on constate une progression régulière de la coopération européenne. Les études coordonnées auraient représenté 15 % du total en 2005 et 17 % en 2010. Est-ce que vous confirmez cette progression et sur quels sujets porte-t-elle ?

S'agissant des drones. Il y a eu une décision du comité ministériel d'investissement (CMI) le 20 juillet dernier pour l'acquisition d'un drone MALE intérimaire -le Héron TP - fabriqué par la société israélienne IAI et importé par Dassault. C'est un sujet qui nous tient à coeur et sur lequel nous travaillons depuis longtemps. Il y a un an, il y avait trois solutions en course : la modernisation du drone Harfang par EADS, l'achat sur étagères du drone Reaper de General Atomics et la solution de francisation du drone Heron TP par Dassault. Cette dernière solution avait été totalement exclue, en raison notamment de son coût, de l'ordre de 700 millions d'euros. Vous imaginez notre surprise quand le ministre de la défense a sorti à nouveau cette offre de Dassault et l'a retenue pour une négociation exclusive. Nous, nous n'avons pas changé d'avis. C'est une offre qui, d'après les renseignements qui nous avaient été communiqués, est financièrement trois fois plus chère, militairement inutile puisqu'elle ne permettra pas de disposer d'un drone à court terme et industriellement inopérante, puisqu'elle ne se traduira pas par des transferts technologiques au profit de Dassault. Tout cela ne prépare pas le drone franco-britannique dans des conditions optimales. Or le ministre a dit qu'il avait pris sa décision à partir d'une « étude minutieuse » de la DGA. Je lui ai donc écrit pour lui demander cette étude et vous ai adressé copie de cette lettre. Pouvez-vous nous dire de quelle étude il s'agit ?

Concernant la défense anti-missile (DAMB), c'est une question importante qui est à l'ordre du jour. Sauf à laisser les Etats-Unis seuls en lice c'est un sujet essentiel dont nous ne pouvons être absents. Il faut donner des signes au plan des études amont sur des sujets où nous avons des compétences reconnues. Or je ne vois rien venir en loi de finances initiale. Rien sur l'alerte avancée, quelques millions sur le radar à très longue portée. Pouvez-vous nous le confirmer ? Par ailleurs, vous aviez fait état de discussions avec d'autres pays sur ce sujet en particulier sur le radar. Où en sommes-nous ? Enfin, nous recommandions dans notre rapport sur ce sujet en juillet dernier la création d'un centre d'expertise français sur la DAMB, une sorte d'équipe de France. Or je ne vois rien d'écrit sur ce point. Est-ce que vous pouvez nous dire si c'est une question qui est à l'étude ou pas.

M. Xavier Pintat - Sur la question de la DAMB, et plus particulièrement du satellite d'alerte avancée, la dernière fois que nous nous sommes vus, vous aviez fait état de discussions avec d'autres pays européens, afin de coopérer sur ce programme, discussions qui n'auraient pas débouché. Depuis avez-vous réessayé d'intéresser d'éventuels partenaires européens ? J'ai du mal à croire que nous serions les seuls à être intéressés à préserver notre autonomie stratégique en Europe. S'agissant des drones stratégiques, les drones haute altitude longue endurance (HALE), il y a un programme de l'OTAN, en cours de discussion, le programme AGS (Allied Ground Surveillance) qui pourrait déboucher sur l'achat ou le partage de drones américains du type Global Hawk. Pourriez-vous nous en dire plus ? Sur les drones MALE, Jacques Gautier et moi-même partageons entièrement ce que vient de dire Daniel Reiner. Êtes vous sûrs dans ces conditions que nous prenons la bonne voie pour aller jusqu'au bout du programme de drone franco-britannique ? Enfin, sur les satellites, pourriez nous faire un point de situation sur les programmes CERES, MUSIS et SYRACUSE ?

M. Jacques Gautier - Je ne reviens pas sur ce qui a été dit sur les drones, puisque nous avons travaillé ensemble avec mes collègues Xavier Pintat et Daniel Reiner. Je voudrais vous interroger sur la rénovation lourde des avions de patrouille maritime, les ATL 2. C'est une rénovation qui va coûter très cher, puisqu'on parle d'une somme de l'ordre du milliard d'euros. Ne pensez-vous pas que d'autres solutions moins onéreuses, telles que les drones navals - ou les CASA 235 de patrouille maritime - pourraient être envisagées ? S'agissant des avions ravitailleurs KC 135 - qui ne sont rien d'autres que la version militaire des antiques Boeing 707 - là encore ne serait-il pas possible d'économiser des deniers publics en anticipant sur la commande des Airbus MRTT (Multi Role Transport Tanker) ? Enfin, nous savons que la DGA est un outil précieux et efficace au service de l'Etat lorsqu'il s'agit de conduire des grands programmes d'armement ; en revanche, nous avons le sentiment que parfois un surcroît de spécifications et d'exigences peut s'avérer inutile voire contre-productif, lorsqu'il s'agit de petits programmes, tels que le drone DRAC. Comment améliorer cette situation et alléger les spécifications lorsqu'il s'agit de biens consommables ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Effectivement, il y a une augmentation, très faible, des programmes d'étude amont menés en coopération. Cela est imputable essentiellement à la coopération avec le Royaume-Uni. Avec ces derniers notre objectif est de dépasser les 50 millions d'euros par an pour chaque pays. Nous sommes à peu près à cinquante millions d'euros de programmes cofinancés de part et d'autre. En revanche, il y a une baisse des programmes en coopération avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. C'est préoccupant, parce que préparer le futur à plusieurs c'est nécessaire dans bien des domaines.

S'agissant du drone Héron TP notre souci est d'assurer la disponibilité d'une capacité MALE avant l'arrivée de la solution dite pérenne réalisée avec le Royaume-Uni pour l'horizon 2020 et de préserver les capacités des bureaux d'étude sur la chaîne de mission. Le choix qui a été fait par le Ministre est la moins mauvaise décision compte tenu de l'ensemble des facteurs. Financièrement, le Héron TP ne compromet pas le financement du projet commun avec les Britanniques pour 2020. Pour ce qui est de la solution britannique, nous préparons une phase d'évaluation. Notre objectif est de faire travailler ensemble nos producteurs nationaux : Dassault et BAe. Les Britanniques veulent comme nous conserver une capacité industrielle en matière « d'ailes fixes », ce qui inclut les drones.

Sur la DAMB, nous avons des études d'architecture en cours depuis mai 2011. Spirale a achevé son expérimentation, et cela a été très instructif. Pour ce qui est du satellite d'alerte, il est envisagé de lancer ce programme en 2015 pour une mise à poste vers 2019. Nous allons faire des études techniques pour lever les risques. Pour ce qui est du C2 (command and control), nous prévoyons aussi des études sur les prochaines années. Enfin, pour ce qui est du radar à très longue portée, un marché de démonstrateur de radar de détection de missiles balistiques vient d'être notifié à Thales Air System et à l'ONERA.

En matière de DAMB, le sommet de Chicago en mai 2012 sera un point d'orgue.

S'agissant des drones, on espère pouvoir vous présenter en janvier prochain le roll out du démonstrateur NEURON qui s'inscrit dans le cadre d'un projet pour un futur UCAV (unmaned combat air vehicle) européen. C'est une coopération intelligente et efficace.

L'AGS est un sujet compliqué. Nous ne voulons pas payer pour ce type de drones, les drones dits HALE, qui n'entrent pas dans l'éventail des capacités françaises.

Pour ce qui est des satellites, en particulier CERES, nous avons absolument besoin d'une capacité spatiale de recueil de renseignement électromagnétique. Pour ce qui est du programme MUSIS, la réalisation de sa composante optique a été lancée l'année dernière et il y aura une mise en orbite du premier satellite en 2016. La coopération reste ouverte avec les autres grands pays européens. Pour SYRACUSE, nous allons préparer la relève qui arrivera à l'horizon 2019. La solution sera vraisemblablement un partenariat public-privé. Il faudra que nous conservions la maîtrise en propre d'un noyau dur fortement sécurisé et que pour le reste nous envisagions de passer par la fourniture de service par des industriels de confiance.

Concernant la rénovation des ATL2, il faut traiter les obsolescences puis améliorer les capteurs. Ils sont indispensables pour des missions ponctuelles de type de celles que nous avons menées en Afrique, parce qu'ils offrent une souplesse d'utilisation inégalée.

Nous sommes obligés de rénover les K/C 135 pour leur permettre de conserver leur certificat de navigabilité. Nous ferons l'acquisition des MRTT en 2013. La question se pose à nouveau de savoir s'il vaut mieux faire un partenariat public privé ou bien une acquisition patrimoniale.

Enfin, pour ce qui est du rôle de la DGA dans les petits programmes et leur adaptation aux PME. Les PME ont une aptitude à fournir des solutions innovantes, et nous avons fait de gros efforts avec la procédure dite RAPID pour les soutenir. Toutefois pour la réalisation des programmes notre action reste évidemment inscrite dans les limites du code des marchés publics. J'ajouterai que les PME ont quelquefois des difficultés à soutenir leurs produits dans le long terme, ce dont nous avons besoin pour le suivi en service. Nous devons trouver les moyens de les alléger de ces contraintes, par exemple par un adossement à de plus grands industriels.

M. Michel Boutant - Quel est le pourcentage d'armes vendues aux pays de l'OTAN ? La concurrence s'exacerbe t-elle avec les Etats-Unis ? Sommes-nous toujours obligés de passer par des intermédiaires ?

M. Jean-Pierre Chevènement - Prenons acte pour une fois que les performances des matériels commandés sont au rendez-vous. Sur la DAMB, je ne voudrais pas laisser penser qu'il y a unanimité de la commission afin que l'on engage beaucoup de crédits sur cette affaire. La dissuasion a marché pendant des décennies et nous a permis d'éviter un conflit avec l'URSS. Pourquoi le serait elle moins dans l'avenir vis-à-vis de pays comme l'Iran ou d'autres en Asie ? Il y a en outre une contradiction entre les exigences financières de ce programme, que nous ne pouvons pas nous payer, et politiquement, nos opinions publiques qui sont de plus en plus pacifistes. Je pense en particulier à l'Allemagne ce qui les rend aveugles à la réalité du monde à 15 ou 20 ans. La seule justification est industrielle, dans le cadre d'une complémentarité bien comprise avec notre force de dissuasion. Ma question est : comment voyez-vous la dissuasion après la loi de programmation militaire et les accords post-START. Il est de plus en plus évident que les Etats-Unis d'Amérique ne signeront pas le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE). Tout le discours anti-nucléaire fait partie d'une ronde médiatique. Comment évaluez-vous le retour d'expérience en Afghanistan ?

M. Laurent Collet-Billon, Délégué Général pour l'Armement - Nous exportons environ 20 % de notre production d'armement dans les pays européens. Pour vous donner un ordre de grandeur, nous exportons 30 % au Moyen-Orient. Ce qui nous préoccupe c'est que nous nous trouvons face à des concurrents émergents redoutables et d'autres qui ont réinvesti le marché. Ceci s'explique par la baisse des budgets de défense notamment aux Etats-Unis qui pousse à rechercher une compensation à l'export. En Europe, l'Italie nous concurrence durement dans l'industrie navale. Tout cela nous préoccupe car notre industrie a besoin des exportations. D'autant que nous acceptons des transferts de technologies importants et la seule façon de ne pas se créer des concurrents redoutables c'est d'investir dans l'innovation. Cela a un coût. Cela étant, soit on accepte des transferts de technologies soit on se retire du marché.

Pour ce qui est des intermédiaires, je ne signe pas les contrats, donc j'ignore complètement s'il faut recourir ou non à des intermédiaires. S'ils existent, je ne les vois pas et je ne les ai jamais vus.

Concernant la DAMB, nous savons de nos années d'expérience de la dissuasion, que les défenses anti-missiles balistiques n'offrent pas de protection absolue. Il faut donc être prudent et attendre la loi de programmation 2013-2018. De toutes les façons certains pays ne renonceront jamais à l'arme nucléaire. Je ne vois pas de raison de changer de posture de défense. Il nous faut envisager de remplacer nos sous-marins lanceurs d'engins à l'horizon 2030. Dans la DAMB, nous pouvons nous contenter de faire un apport en nature notamment avec la contribution du centre d'essais missiles de Biscarosse.

M. Didier Boulaud - Constatez vous une amélioration sensible de nos exportations vers les pays de l'OTAN depuis la réintégration du commandement militaire intégré. Par ailleurs, on parle beaucoup dans la presse du fait que l'Arabie saoudite chercherait à se doter d'une capacité nucléaire. Confirmez-vous cela ?

M. Laurent Collet-Billon, Délégué général pour l'armement - Sur les exportations, non nous ne constatons pas d'amélioration. Mais c'est quand même assez récent. Il y a une inertie des programmes d'armement qui fait qu'il est trop tôt pour juger. Pour ce qui est de l'Arabie saoudite, nous savons qu'ils ont des missiles balistiques. Mais pour ce qui est de la capacité nucléaire, je ne suis pas en mesure de vous répondre.

M. Jean-Louis Carrère, président - M. le Délégué général, il me semble que vous n'avez pas répondu à notre collègue Daniel Reiner sur l'étude minutieuse que mentionnait le ministre Gérard Longuet et sur laquelle il se serait appuyé pour prendre sa décision concernant le choix du drone MALE. Est-ce vous qui l'avez faite ?

M. Laurent Collet-Billon, Délégué général pour l'armement - Nous avons produit des kilogrammes papier d'études sur les drones. Mais rien n'égale la pertinence des observations de votre commission sur ce point. Nous avons demandé de nombreuses propositions à EADS pour la modernisation des drones Harfang pour évaluer le potentiel d'amélioration de ces véhicules. Cela a dû commencer fin 2008. Mais nous ne serons pas étrangers à la réponse que le ministre ne manquera pas de faire au Sénateur Reiner.

M. Jean-Louis Carrère, président - Il nous importe que cette réponse soit formulée dans des délais raisonnables car elle n'est pas étrangère à la préoccupation des trois sénateurs en question et à l'idée d'aller ou non vers une mission parlementaire, dont je ne suis pas sûr de percevoir la pertinence, mais je me pose la question.

Loi de finances pour 2012 - Mission Défense - Audition du général Jean-Paul Palomeros, chef d'état-major de l'armée de l'air

La commission auditionne le général Jean-Paul Palomeros, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission Défense).

M. Jean-Louis Carrère, président - Monsieur le chef d'état-major, au nom de tous mes collègues, je vous souhaite la bienvenue dans cette commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat que vous connaissez bien. Vous allez nous présenter les lignes de force du budget 2012 pour l'armée de l'air. Au nom de la commission, je vous en remercie.

Pour ce qui me concerne, je serais très intéressé de recueillir votre analyse, lorsque les questions budgétaires auront été épuisées, sur la question du retour d'expérience en Libye, les enseignements que vous en tirez, au-delà des lacunes capacitaires que tout le monde connaît maintenant. Est-ce que cette opération, dont la principale caractéristique, pour ce que j'en retiens, est la faiblesse délibérée, voulue, organisée, d'empreinte militaire au sol, est-elle susceptible de devenir un modèle pour de futures interventions ?

Général Jean-Paul Palomeros - Merci Monsieur le Président. C'est avec fierté et plaisir que je m'exprime devant votre commission pour la troisième fois en tant que chef d'état-major de l'armée de l'air. J'apprécie toujours cette occasion qui m'est donnée de vous rendre compte de l'engagement des aviateurs au service de la nation.

Je tiens également à rendre hommage aux élus de votre commission qui nous ont toujours soutenus dans leur action. Je salue les nouveaux membres et son président. J'aurai d'ailleurs plaisir à vous faire découvrir notre belle base de Mont de Marsan et à vous y présenter notre armée de l'air.

Depuis ma dernière intervention devant votre commission, il y a un an, les aviateurs ont connu un niveau d'engagement sans précédent sur les différents théâtres d'opérations et ce dans un contexte de réforme particulièrement dense. Tout au long de cette période, les hommes et les femmes de notre armée de l'air ont su faire preuve d'un sens élevé de la mission au service de notre pays avec une détermination et une abnégation qui méritent le respect. Ils ont été au rendez-vous des missions fixées par le chef de l'Etat. Ils sont aussi au rendez-vous d'une réforme indispensable mais ô combien difficile.

Il y a un an, peu de temps après vous avoir présenté nos capacités en Provence, à Istres, je vous déclarais : « une armée de l'air moderne, tournée vers l'avenir, est loin d'être un luxe. C'est, à mes yeux, un atout indiscutable pour une nation qui veut compter sur la scène internationale ». Les événements qui se sont écoulés depuis ont largement illustré mes propos. Si notre pays a pu imposer sa voix dans le concert des nations et être un élément moteur de la mobilisation internationale, qui a permis au peuple libyen de prendre en main son destin, l'action de l'armée de l'air y a été essentielle. Cela est reconnu. Notre pays aurait-il pu réunir autant de nations autour de la résolution 1973 de l'ONU s'il n'avait pas disposé d'une armée de l'air capable, dès les premières décisions, dès les premières heures, d'imposer une zone d'interdiction aérienne au-dessus du territoire libyen ? Que serait-il advenu de Benghazi et de ses habitants si, le 19 mars 2011 dans l'après-midi, les aéronefs de l'armée de l'air n'avaient pas été en mesure de stopper l'avancée des colonnes de blindés du colonel Kadhafi ? La puissance aérienne a démontré par cette opération, si tant est qu'il en était encore besoin, toute sa justification, toute sa pertinence.

C'est par cette dimension opérationnelle que je souhaite débuter mon propos pour faire écho au niveau d'engagement exceptionnel de nos aviateurs dans le vaste éventail des missions qui leur sont confiées.

Dans un deuxième temps, je dresserai un état des lieux de la réforme de grande envergure qui touche notre institution et, en premier lieu, ses hommes et ses femmes. Enfin, je conclurai sur les perspectives de modernisation de l'armée de l'air, de ses capacités actuelles et futures à l'aune du retour d'expérience des opérations et du projet de loi de finances 2012.

A ce jour, quatre mille aviateurs et une centaine d'avions et d'hélicoptères de l'armée de l'air sont engagés hors du territoire métropolitain dans le cadre d'opérations extérieures ou de pré-positionnement de forces. Cette aptitude à la projection s'est particulièrement illustrée lors de notre implication dans l'opération Harmattan en Libye, elle est démontrée, au quotidien, depuis dix ans, en Afghanistan, ainsi que sur de nombreux théâtres dont l'Afrique.

Suite aux premiers signes d'instabilité en Libye, l'armée de l'air a configuré ses moyens pour être en mesure d'agir dès la prise de décisions politiques. Depuis l'évacuation des ressortissants français et européens du 23 février jusqu'à la frappe du 19 mars, l'armée de l'air a ainsi fait preuve d'une réactivité exemplaire. Alors que la conférence de Paris se terminait, les chasseurs français avaient décollé de leurs bases aériennes en métropole pour assurer l'établissement de la zone d'interdiction de vol au-dessus de la Libye et être en mesure de porter secours aux populations menacées de Benghazi. Cette capacité d'entrée en premier, qui a mobilisé nos avions Rafale, Mirage 2000D et Mirage 2000-5 pour la défense aérienne, accompagnés d'avions ravitailleurs C135 et d'un avion AWACS de commandement, a été réalisée en totale autonomie. En effet, la campagne de recueil de renseignement menée en amont des opérations, en particulier grâce aux Mirage F1 équipés du pod ASTAC et du C160 Gabriel, avait permis d'établir un ordre de bataille précis des forces pro-Khadafi permettant d'évaluer les risques encourus. Deux atouts ont permis une telle performance : le maintien d'une posture de permanence et l'aptitude à passer instantanément du temps de paix au temps de crise sur les bases aériennes de métropole.

Autre facteur clé de succès des opérations : le niveau de violence est demeuré en permanence maîtrisé et proportionnel aux objectifs politiques. En somme, la puissance aérienne a permis un emploi précis, retenu et dosé de la force au travers d'une large palette d'effets allant du tir d'opportunité à la frappe conventionnelle stratégique de missiles de croisière. Nous sommes très loin de bombardements massifs, puisque 100 % de nos tirs ont été des tirs de précision dans un strict respect des règles d'engagement et avec le souci constant d'épargner la population.

L'empreinte humaine générée par l'armée de l'air est demeurée en permanence limitée quelles que soient les plateformes de déploiement, avec une moyenne d'une vingtaine de personnes par chasseur. L'emploi de l'arme aérienne a ainsi permis de répondre à des objectifs politiques ambitieux à coût financier et humain maîtrisé. C'est ainsi, par exemple, qu'en Crète nous avons 310 aviateurs déployés pour 16 avions de chasse.

Dès le début des opérations, l'armée de l'air, selon les directives que j'avais fixées, s'est inscrite dans la durée. La proximité des bases de déploiement a favorisé la relève régulière des équipages et a permis d'installer un rythme ternaire d'activité opérationnelle, d'instruction des jeunes équipages et de repos. Ainsi l'armée de l'air a apporté sans relâche sa contribution aux opérations depuis près de 7 mois au travers d'une vingtaine de vols quotidiens qui aujourd'hui diminue progressivement pour atteindre une petite quinzaine de sorties.

Harmattan a démontré la forte capacité de l'armée de l'air à travailler de concert avec nos partenaires étrangers, en particulier avec le commandement européen du transport aérien (EATC) créé il y a un an. Ce dernier, qui n'avait pas encore atteint sa pleine capacité opérationnelle, a ainsi démontré une réactivité et une efficacité exemplaire, au cours de la phase de montée en puissance de l'opération.

Cet engagement de haute intensité ne doit pas faire oublier les autres théâtres d'opérations et pré-positionnements où nous participons toujours avec la même constance et la même efficacité. Je citerai le Tchad, Djibouti et Al Dhafra aux Emirats Arabes Unis.

En Afghanistan, l'armée de l'air, qui avait là aussi été la première à intervenir dès le 23 octobre 2001 avec nos Mirages IVP, met en oeuvre nos avions Rafale, nos drones Harfang, dont le reste de la flotte est désormais utilisé dans le ciel libyen, ainsi que des avions de transport tactique à Douchanbé. Ces derniers réalisent d'ailleurs sur ce théâtre toute une variété de missions démontrant la pertinence de disposer d'une aviation de transport tactique.

Ces engagements extérieurs multiples ne doivent pas faire oublier la contribution de l'armée de l'air aux missions permanentes. En premier lieu, la dissuasion nucléaire pour laquelle la réduction d'un tiers du format, décidée en 2008, est aujourd'hui effective, puisque la diminution de 3 à 2 escadrons dédiés à la dissuasion s'est concrétisée le 1er juillet 2011. Le contrat opérationnel est dorénavant assuré par la mise en oeuvre de l'ASMP-A au sein d'un escadron équipé de Rafale et d'un autre de Mirage 2000N. Ces unités ont, de plus, été, et sont toujours, fortement sollicitées en Libye où elles ont fait la démonstration de leur expertise pour réaliser des missions conventionnelles, à l'instar des équipages de C135 qui relèvent aussi des forces aériennes stratégiques.

Enfin, l'armée de l'air poursuit ses missions de service public sur le territoire national. Parmi celles-ci, la mission de police du ciel, à travers la posture permanente de sureté aérienne, mobilise près de mille aviateurs, huit avions de chasse et cinq hélicoptères armés. Ce savoir-faire est d'ailleurs mis à profit par l'OTAN dans le cadre de l'opération « Air Baltic » de défense aérienne des Etats baltes qui s'est déroulée de mai à septembre 2011.

En outre, l'armée de l'air, avec ses hélicoptères, participe au dispositif de recherche et sauvetage (SAR). Au 1er septembre 2011, 21 opérations réelles ont ainsi été réalisées avec un bilan humain important : 16 personnes décédées, 24 secourues dont 14 blessées.

Les succès de nos opérations aériennes reposent sur trois piliers que nous n'avons de cesse de consolider : l'entraînement exigeant de notre personnel, l'adaptation de nos équipements et, enfin, la disponibilité de ceux-ci. Et c'est bien du MCO des matériels aéronautiques dont dépendent directement notre crédibilité opérationnelle et le moral des aviateurs.

Il nous faut en la matière satisfaire sans faillir nos contrats opérationnels, mais aussi assurer la préparation, la régénération des forces, en particulier l'entraînement des plus jeunes, et gérer nos flottes sur le long terme dans un souci permanent de sécurité des vols.

La remarquable disponibilité, démontrée en opérations, entre 90 % à 95 % dans la durée, n'est pas le fruit du hasard, elle résulte des investissements et des réformes entreprises et de l'engagement remarquable de notre personnel. Cet effort exceptionnel ne doit pas masquer les difficultés qu'il induit sur l'entraînement en métropole grevé par la priorité donnée aux opérations. Ainsi, cette année l'activité des jeunes équipages sera sensiblement en retrait par rapport à nos objectifs (110 à 130 heures en moyenne en 2011 pour un objectif de 180 heures). C'est pour moi, d'ores et déjà, une priorité pour 2012 et un point de vigilance. A cet effet, nous avons non seulement besoin des crédits de MCO prévus dans le décret de recomplètement du budget OPEX à venir, à hauteur de 123 millions d'euros, mais il faut aussi poursuivre sans relâche l'effort pour compenser la surconsommation du potentiel technique. J'évalue, à ce stade, en première approche, à une cinquantaine de millions d'euros l'effort nécessaire supplémentaire à étaler dans le temps en 2012 et 2013.

Il m'apparaît dès lors indispensable, après l'abondement des ressources de budget OPEX, de sanctuariser l'entretien programmé des matériels (EPM) au niveau prévu en PLF. Les résultats remarquables enregistrés aujourd'hui résultent d'une continuité de nos investissements durant près d'une décennie pour la préparation de nos forces, ne l'oublions pas pour l'avenir.

Je crois qu'au-delà des succès que nous avons rencontrés sur le terrain et des efforts nécessaires pour y parvenir, il est essentiel de souligner que ceux-ci ont été obtenus alors que nos aviateurs sont engagés, depuis maintenant près de trois années, dans une lourde réforme.

En effet, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, l'objectif de déflation est de 15 900 aviateurs pour un format cible de 50 000 aviateurs en 2015, soit 25 % du format 2008. Entre 2008 et 2011, nous avons supprimé 7 360 postes. De même, en 2012, la déflation annuelle de nos effectifs en gestion de 2 200 postes sera aussi atteinte. Ces efforts que nous menons se traduisent de manière visible. En effet, sur la période 2008-2010 la diminution de nos effectifs s'est concrétisée par une économie nette de masse salariale que j'estime à 300 millions d'euros hors pensions et hors mesures d'incitation au départ. Pour l'année 2011, nous sommes quasiment à l'équilibre, avec un déficit de gestion inférieur à 0.5% de la masse salariale totale, cela au prix notamment d'une politique particulièrement volontariste.

Cette réduction de nos effectifs se traduit, en particulier, par la fermeture de nombreuses de nos implantations. L'année 2011 a ainsi vu la fermeture de bases majeures comme Reims et Taverny. L'effort sera encore plus conséquent en 2012, qui verra la fermeture de quatre bases importantes en métropole (Brétigny, Cambrai, Metz et Nice) et trois en outre-mer (la Réunion, Papeete, et aux Antilles). Ainsi, en l'espace de quatre années, nous aurons fermé 12 bases aériennes.

Si les hommes et les femmes de l'armée de l'air consentent des efforts nécessaires, légitimes et lourds pour mener à bien cette réforme, ils en attendent une certaine rétribution et la modernisation de leurs équipements.

Au plan des effectifs, il nous faut en premier lieu tirer le retour d'expérience des opérations actuelles pour identifier les compétences critiques et les besoins nouveaux en matière d'effectifs. Je pense en particulier au renseignement, aux systèmes d'information et à la maintenance aéronautique. Ainsi, le flux d'informations numériques rapportées à chaque mission par les différents capteurs induit un besoin sans cesse croissant de compétences humaines rares pour les exploiter et les transmettre dans les meilleurs délais.

En ce qui concerne la modernisation de nos équipements, le raid mené par nos avions de combat le 19 mars a confirmé la pertinence du choix de la polyvalence. Les Rafale ont assuré leur propre défense aérienne tout en menant des assauts contre les forces terrestres ennemies. Le Livre blanc prévoit, à l'horizon 2020, que la composante aérienne projetable dispose d'un parc unique composé d'avions de combat polyvalents de type Rafale et Mirage 2000. A l'aune du retour d'expérience opérationnel, cet objectif confirme sa pertinence.

Je considère que la rénovation à mi-vie du Mirage 2000D est une opération indispensable pour maintenir la cohérence de l'outil de combat aérien. Cette rénovation, à coût unitaire modeste, fera du Mirage 2000D un aéronef polyvalent, qui pourra assurer entre autres les missions de police du ciel dans notre espace aérien.

Au-delà de l'analyse qualitative, le retour d'expérience des opérations démontre toute la nécessité de disposer d'une flotte de combat en quantité suffisante pour tenir dans la durée. Notre flotte actuelle repose sur environ 250 avions de combat en ligne, nombre qui va encore décroitre d'ici 2014. D'ailleurs parmi les appareils qui se sont illustrés en Libye, certains Mirage F1CT et Mirage 2000C sont déjà en cours de retrait de service.

Le format de notre aviation de combat, tant au plan quantitatif que qualitatif, est bien l'épine dorsale sur laquelle repose notre aptitude à répondre aux engagements futurs.

Les opérations actuelles confirment le caractère primordial de la fonction stratégique connaissance-anticipation. Les drones y jouent dorénavant un rôle incontournable, comme nous l'avions prévu depuis de nombreuses années. Notre armée de l'air, forte de l'expérience acquise sur les systèmes intérimaires, dispose maintenant d'une expertise reconnue au niveau international que l'utilisation du Harfang, en Afghanistan ou en Libye, accroît quotidiennement. Ainsi, en deux ans et demi de présence en Afghanistan, nos Harfang ont réalisé 4 550 heures de vol en plus de 500 missions.

Pour attendre l'arrivée, en 2020, du nouveau système de drone MALE européen, la commande d'un système basé sur le drone Heron TP de la société israélienne IAI est déjà prévue dès le PLF 2012 pour une livraison au plus tard début 2014. Il nous faudra être particulièrement vigilant sur ce calendrier pour éviter tout risque de rupture capacitaire.

La fonction connaissance-anticipation pour l'armée de l'air est également prise en compte en 2012 par la livraison d'un Transall Gabriel rénové ainsi que quatre nacelles RECO-NG employées avec grand succès par nos Rafale en Libye.

Lors des opérations menées en Libye, 80 % des missions de ravitaillement en vol ont été réalisées par des avions ravitailleurs américains. Le lancement du programme MRTT ne doit plus tarder sous peine de pertes de capacités opérationnelles tant à la fois dans le domaine de la projection de puissance que dans celui de la dissuasion nucléaire, qui s'appuient aujourd'hui sur nos vénérables C135 entrés en service il y a maintenant quarante-sept ans. L'année écoulée nous a aussi montré combien ces capacités de transport stratégique étaient cruciales, comme l'a prouvé l'utilisation de nos Airbus A340, dont le contrat de leasing se termine en 2015, pour rapatrier en temps et en heure nos ressortissants de Libye ou évacuer ceux de nos ressortissants du Japon qui le souhaitaient. Du reste, je recommande vivement que l'acquisition des MRTT, qui remplaceront à la fois la flotte de C135 ravitailleurs et celle d'A340 de transport stratégique, soit patrimoniale car ces appareils seront toujours un élément clé de notre dissuasion.

Ces trois programmes, rénovation des Mirage2000D, drones MALE, MRTT, sont donc, à mon sens, les dossiers prioritaires sur lesquels nous devons axer notre effort.

Notre transport aérien est particulièrement sollicité par l'ensemble des opérations en cours, il nous faut gérer un important déficit capacitaire pour plusieurs années encore. La livraison de cinq avions Casa CN235, prévue dans le PLF 2012, nous permettra d'étoffer notre gamme d'avions de transport tactique léger pour préserver à minima les compétences de nos équipages.

D'autres programmes progressent également, comme l'atteste le premier tir d'un missile sol-air Aster 30 réussi le 1er septembre 2011. A ce titre, je souligne avec satisfaction que deux systèmes SAMP-T doivent nous être livrés au titre du PLF 2012. Ces systèmes seront pleinement efficaces si et seulement si on y associe, comme l'a montré un excellent rapport de votre commission, un radar de longue portée et un système de commandement et de conduite, aujourd'hui envisagés à l'horizon 2020, échéance tardive à mes yeux.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous ai tracé le portrait d'une armée de l'air au service de sa nation, qui fait face aux missions les plus exigeantes partout où cela est nécessaire. Je vous ai tracé le portrait d'une armée de l'air qui n'est pas figée dans des dogmes dépassés, qui s'adapte aux évolutions du monde actuel, une armée de l'air qui respecte les engagements pris dans le cadre de la réforme de l'état, une armée de l'air qui figure aujourd'hui dans les tous premiers rangs mondiaux.

Il nous appartient de continuer la modernisation de notre institution à l'aune des ambitions politiques que notre pays souhaite afficher. Nos femmes et nos hommes constituent notre plus grande richesse, ils consentent, depuis de nombreuses années, des efforts pour atteindre les objectifs des différentes réformes, ils sont en droit d'en toucher les dividendes car jamais ils n'ont baissé les bras et ont constamment su se mobiliser pour donner le meilleur d'eux-mêmes au service de leur pays.

Monsieur le Président, je suis certain que les membres de votre commission continueront à soutenir nos armées comme ils n'ont cessé de le faire ces dernières années. Nos succès d'aujourd'hui sont aussi vos succès. Les aviateurs seront honorés de vous accueillir sur nos bases aériennes pour vous faire partager leur fierté légitime, leurs interrogations aussi et surtout leur grande motivation.

M. Daniel Reiner - Monsieur le Chef d'état-major, nous avons pu mesurer en Libye, la valeur des forces aériennes françaises. Veuillez transmettre à nos forces les félicitations chaleureuses de la représentation nationale. Ma première question est de savoir pourquoi les forces aériennes libyennes ne se sont pas du tout manifestées ? En quoi avons-nous manqué de moyens pour ce qui est de la suppression des défenses anti-aériennes adverses ? Y-a-t-il là une lacune capacitaire, comme j'ai cru le comprendre des propos du chef d'état-major devant cette commission ? Sur le budget, le projet de loi de finances prévoit d'accorder quelques moyens au système de commandement et de contrôle, le C2, dans le programme appelé SCCOA4. Nous aurions souhaité avec mes collègues de la mission DAMB que l'on trace une route vers un programme de SCCOA5, c'est-à-dire qui intègre, au-delà de la nécessaire rénovation physique des radars, un C2 avec des capacités de traitement des menaces balistiques. Qu'en pensez-vous ? Pouvez-vous par ailleurs nous faire le point sur les exports du Rafale. Enfin, s'agissant des drones, nous avons été très surpris par le choix étrange du ministre, basé selon ses dires sur une étude minutieuse. Ce choix n'est évidemment pas celui que nous aurions fait. Avez-vous donné votre avis ? Avez-vous été consulté ? Quelles en sont les raisons. Il y a un an trois solutions étaient en compétition, et parmi ces trois la solution Dassault avait été éliminée, parce qu'étant la moins sérieuse. Et maintenant c'est elle qui triomphe. Quel retournement ! Qu'en pensez-vous ?

M. Jean-Louis Carrère, président - Le ministre de la défense dit avoir fondé sa décision sur une étude minutieuse et complète de la DGA. Or le Délégué général pour l'armement, que nous venons d'auditionner n'a pas vraiment répondu à la question de savoir si une telle étude existait. Est-ce que vous avez eu connaissance de cette étude ?

M. Xavier Pintat - Nous sommes fiers de l'adaptabilité et du professionnalisme de nos aviateurs. Transmettez-leur l'expression de notre admiration. Ma première question concerne le commandement interarmées de l'espace qui a été créé il y a un an. Quel bilan en dressez-vous ? D'autres armées s'organisent différemment. Je pense au Strategic command américain qui joint sous un même commandement : la dissuasion, l'espace, la défense anti-missile et l'armée de l'air. Qu'en pensez-vous ? Concernant les drones, je partage l'inquiétude de Daniel Reiner. Mais je voudrais prolonger sa question. Imaginons que nous sommes en 2030. Comment voyez-vous la situation ? Quel type de drone pour le futur ?

M. Jacques Gautier - En Libye, les forces du Conseil national de transition ne sont pas en capacité d'assurer la surveillance de leur frontière maritime et encore moins de leurs frontières terrestres. Or cela pose un problème de sécurité pour tout le monde, y compris pour nous. Que faire ? Par ailleurs, j'ai été impressionné par le chiffre de 123 millions d'euros que vous mentionnez concernant le surcoût des opérations extérieures pour l'armée de l'air. Seront-ils remboursés par la réserve interministérielle ? Que se passe-t-il s'ils ne le sont pas. Enfin, il y a la question du remplacement des avions ravitailleurs KC135 et C135. Ne serait-il pas moins onéreux d'anticiper la commande des Airbus MRTT ?

M. Jean-Paul Palomeros, chef d'état-major de l'armée de l'air - Au préalable, je souhaiterais répondre à votre question initiale monsieur le président concernant l'avenir des conflits futurs. Si je vous ai laissé croire un instant que la puissance aérienne pouvait tout faire, c'est sans doute que je me suis mal expliqué. Tout commence au sol et se finit au sol, tout commence par le politique et se termine par le politique. Néanmoins, aucune crise depuis 20 ans ne s'est réglée sans l'intervention de la puissance aérienne, soit pour amener à la raison un dictateur, soit pour appuyer des troupes au sol. Et ces opérations doivent s'inscrire dans la durée. Si nous avons pu décoller le 19 mars dernier lorsque l'ordre nous en a été donné, c'est parce que nous avions un dispositif permanent et donc prêt à le faire. Cela suppose une organisation, des équipements et un investissement humain considérable. Une des conclusions évidentes c'est que la polyvalence est la clé de la modernisation.

Concernant le MRTT je regrette beaucoup son retard. D'autant que cet avion polyvalent supprimerait trois flottes : celle des A340 dédiée au transport stratégique et celle des C135 et des KC135 pour le ravitaillement en vol.

Pourquoi les forces aériennes libyennes ne sont elles pas intervenues ? Grâce à nos moyens de renseignement, qui évoluaient au large de la côté libyenne, nous avons pu observer que les chasseurs de Khadafi frappaient tous les jours à Benghazi avant le 19 mars. Nous avons néanmoins estimé que la menace était raisonnable et que nos équipements nous permettraient de la traiter. Dès que nos pilotes sont intervenus, ils ont immédiatement cessé leurs frappes contre les forces rebelles. Nous n'avons pas envoyé nos pilotes à la légère. Nous avions non seulement réalisé une bonne évaluation de la menace anti-aérienne libyenne mais nos chasseurs possédaient des moyens de guerre électronique adaptés et des munitions de type AASM particulièrement efficaces, car permettant des tirs hors de portée des batteries sol-air,

Pour ce qui est de dédier un type d'armement à la suppression des défenses ennemies, c'est non seulement une question de doctrine mais c'est aussi une question de coût. Un tel investissement serait trop lourd pour nous. Il s'agit de savoir mutualiser les capacités et les équipements entre alliés.

Un des axes majeurs du programme SCCOA4 est le renouvellement des radars de défense aérienne actuels qui vieillissent et dont le coût d'entretien ne cesse de croître. Or les radars civils ne sont pas capables d'assurer la surveillance de l'espace aérien parce qu'ils fonctionnent sur un mode coopératif. Seuls les radars militaires de défense aérienne permettent de détecter et de suivre une menace aérienne. Il est donc temps de passer à de nouvelles technologies et d'assurer de façon plus efficace la surveillance de nos zones sensibles. Un premier radar sera installé à Nice. Nous allons aussi disposer d'un radar transportable. Mais il faudrait disposer en fait de deux radars supplémentaires pour couvrir correctement nos besoins.

En matière de défense anti-missile, les compétences humaines sont là, les technologies également. Il ne reste que le financement et la volonté. Il y a déjà dix ans, je défendais, dans d'autres fonctions, le besoin d'une défense anti-missile de théâtre, au travers du SAMP/T. Or si le missile Aster est un succès, il a besoin de radars de surveillance de longue portée pour pouvoir anticiper une menace et l'intercepter. Votre rapport l'a parfaitement illustré.

S'agissant des exports, le meilleur soutien que nous puissions apporter repose sur les démonstrations de l'armée de l'air. Notre meilleur argument de vente ce sont nos capacités opérationnelles telles qu'elles ont été montrées en Libye ou en Afghanistan. Ce qu'offre l'armée de l'air c'est son savoir faire à la fois pour former des pilotes et pour soutenir une flotte en exploitation. Nous ne le faisons pas toujours suffisamment savoir, notamment en Inde. Il faut insister sur les capacités réelles du Rafale et surtout sa polyvalence, qui est unique au monde. D'ailleurs, nos amis britanniques ont des Eurofighter, des Tornado, et ils attendent maintenant des JSF, qui est un appareil à vocation offensive.

Concernant les drones, c'est une question délicate. Pour commencer, si une décision avait été prise avant, nous ne serions pas dans cette situation. La non-décision est la pire des choses. Or nous avons trop attendu. Deuxièmement, je respecte la décision qui est prise ; nous avons des besoins ; ils ont été démontrés. Ce qui serait inacceptable serait la rupture capacitaire. Le risque le plus grand est là. Or nous connaissons bien IAI. La seule chose qu'on ne puisse pas se permettre est de régresser par rapport à l'existant. Il s'agira donc d'avoir un oeil attentif sur la liaison satellitaire qui occupe une place structurante sur ce type de système. Il faudra aussi que l'on soit capable d'armer ces drones. Pourquoi nous en priverions nous puisque ces appareils assurent une précision de frappe avec un pourcentage de succès identique à celui d'un avion de combat ? Certes, nous n'étions pas en Libye face à un environnement saturé en défense anti-aérienne. Mais les drones nous auraient apporté une aide très précieuse.

Pour ce qui est du futur, je pense qu'il faut arrêter de penser que le drone est un avion sans pilote. Il s'agit d'un appareil piloté à distance, depuis le sol, par un équipage expérimenté. NEURON est une excellente initiative. De là à considérer que ce type de capacité sera amenée à remplacer complètement les pilotes, je ne le crois pas. Le développement de ces systèmes prendra encore du temps. Au plan quantitatif, nous aurons besoin d'une véritable flotte de drones et pas seulement de quelques exemplaires.

S'agissant du commandement interallié de l'espace, c'est une bonne chose, car il s'appuie sur les moyens existants des armées et ne constitue pas une structure supplémentaire. L'armée de l'air forme des officiers pour la surveillance de l'espace. Il s'agit d'une nécessité pour la dissuasion afin de garantir l'identité des agresseurs mais aussi pour assurer la fonction stratégique de protection.

Concernant la situation en Libye, la priorité est de terminer la phase actuelle. Par la suite, il y aura effectivement un problème tenant au fait que les forces du CNT seront incapables d'assurer la surveillance des approches maritimes et aériennes. Il va donc falloir trouver des moyens pour les y aider.

Sur le surcoût des OPEX, le chiffre de 123 millions d'euros ne représente que la régénération du potentiel technique. Les vrais besoins de l'armée de l'air, avec le carburant, le recomplètement des munitions et le MCO sont de l'ordre de 250 millions d'euros. Les AASM ont été particulièrement efficaces, mais il serait intéressant de disposer également de munitions moins onéreuses pour des cibles de faible valeur. Notre priorité pour l'instant c'est la régénération du potentiel technique. Il s'agit, soit dit en passant, également d'heures de travail pour nos industriels.

M. Jeanny Lorgeoux - Quel est l'état d'esprit des jeunes recrues dans les forces. Comment voient-ils l'avenir malgré les réductions d'effectifs ? Sont-ils patriotes ?

Jean-Paul Palomeros, chef d'état-major de l'armée de l'air - oui, ils se sont engagés complètement. Ils ont beaucoup d'espoir. Mais l'espoir ça s'entretient. Ils méritent d'être entendus.

Mercredi 19 octobre 2011

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Loi de finances pour 2012 - Mission Défense - Programme Environnement et prospective de la politique de défense - Audition de M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense

Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission auditionne M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » de la mission Défense).

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je suis très heureux, Monsieur le directeur, de vous accueillir à nouveau devant cette commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat que vous connaissez bien.

Je rappelle à nos nouveaux collègues, qu'en votre qualité de directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense, vous êtes responsable du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense ». Ce programme regroupe notamment les crédits relatifs à l'analyse stratégique, la diplomatie et la recherche de défense, ainsi que des services en charge du renseignement de sécurité, qui bénéficient de la priorité reconnue à la fonction « connaissance et anticipation » par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Notre collègue Robert del Picchia a d'ailleurs présenté, dans un rapport d'information consacré à l'anticipation, la manière dont le ministère de la défense avait modifié son organisation dans ce domaine. Nous sommes donc très désireux de vous entendre nous présenter les principales évolutions du programme 144, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.

J'aimerais, si vous en étiez d'accord, que nous élargissions le cadre de cette audition budgétaire pour vous interroger sur votre perception des changements qui sont intervenus depuis 2008 et sur les conséquences qu'il peut en résulter pour notre pays. Depuis la publication du Livre blanc sur la politique de défense et la sécurité nationale, en 2008, le contexte stratégique international a beaucoup évolué. A l'initiative du Président de la République, une actualisation de l'analyse stratégique du Livre blanc vient d'être lancée, sous l'autorité du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationales (SGDSN), M. Francis Delon, qui devrait s'achever à la fin de l'année et à laquelle le Parlement devrait être associé. Notre commission, qui a déjà beaucoup travaillé et publié sur des questions qui intéresseront la revue du Livre blanc en 2012,  a décidé de charger certains de ses membres de suivre les travaux du SGDSN. Dans ce contexte, peut-être pourriez-vous nous présenter également votre analyse des principales modifications de notre environnement stratégique et leurs conséquences sur la préparation de nos capacités futures.

M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense. - Je me présente devant votre commission pour la cinquième fois afin de me livrer à l'exercice annuel qui doit vous permettre, puisque c'est son but, d'apprécier la cohérence entre les choix budgétaires opérés pour 2012 au sein du programme 144 à partir de la stratégie définie par le ministre de la défense.

La stabilité que je viens de souligner dans ces fonctions de responsable de programme me donne évidemment un certain recul pour apprécier le développement et l'ancrage de cette politique publique, dont les objectifs et les prestations, désormais stabilisées, visent à éclairer le ministère sur l'environnement national et international, présent et futur, en matière de sécurité et de défense.

Ce programme 144 porte quatre des cinq domaines de la fonction stratégique « connaissance et anticipation », sur lesquels l'effort sera résolument maintenu en 2012 en dépit des difficultés liées à la crise financière.

Le projet de budget qui vous est soumis traduit très concrètement cette volonté. Stabilité apparente qui n'empêche pas le programme 144 de s'inscrire résolument dans le mouvement de réforme du ministère, puisque, depuis sa création, d'importantes réorganisations et mesures d'optimisations y sont conduites. Je citerai à titre d'exemples : le réseau diplomatique, le contrôle des armements, la prospective sous toutes ses facettes...

Comme vous le savez, ce programme budgétaire, organisé de manière très originale, suppose, pour son responsable, une démarche continue d'animation, de coordination et d'orientation sur l'ensemble des services et des acteurs institutionnels qui participent à ses missions.

Ce pilotage contribue directement à la gouvernance du ministère et à l'efficacité de son action dans des domaines très divers, mais tous cohérents entre eux : relations internationales, compréhension de l'environnement stratégique, prospective, soutien et contrôle des exportations d'armement, consolidation de la base industrielle et technologique de la défense, lutte contre la prolifération...

J'aborderai successivement les perspectives de fin de gestion 2011 et les grands choix opérés pour le projet de loi de finances pour 2012.

Comme à l'accoutumée, j'esquisserai d'abord un rapide aperçu des conditions dans lesquelles devrait s'achever la fin de l'exercice 2011, compte tenu des éléments prévisionnels dont dispose aujourd'hui le programme.

L'exécution de l'exercice 2011 se réalise, en ce qui concerne le titre 2 (dépenses de personnel), conformément aux règles de gestion prévues par la loi de finances initiale.

Sur le plan budgétaire, et à l'échelle du programme, les ressources financières mises en place seront entièrement consommées et les dépenses ne devraient excéder que d'un peu plus de 1 % la dotation prévue par la loi de finances initiale.

Sur le plan des effectifs, le comparatif entre le plafond ministériel des emplois autorisés, soit 8 672,5 emplois, et l'effectif moyen réalisé, qui retrace la moyenne des effectifs payés pendant les 12 mois de l'exercice, soit 8 635 équivalent temps plein travaillé, est conforme aux règles prévues par la LOLF.

En matière d'effectifs, je signalerai simplement que la DGSE, malgré la situation très tendue que connaît le ministère, a pu réaliser les 162 créations d'emplois prévues dans le cadre de la montée en puissance de la fonction « connaissance et anticipation » et accompagner ainsi l'augmentation de ses capacités opérationnelles telles que prévues par le Livre blanc. Cette priorité fixée au programme est donc strictement respectée.

Pour les autres titres, le programme devrait engager cette année environ 1 181 millions d'euros et payer 1 164 millions d'euros, hors consommation de la réserve de précaution, qui représente à ce jour environ 51,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 49,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Du fait de la technique budgétaire, la bonne tenue de l'objectif d'engagement de 1 181 millions d'euros d'engagement repose sur une levée intégrale de la réserve de précaution en AE.

Comme les années précédentes, au niveau des paiements, l'enjeu de la fin de gestion 2011 réside dans la levée de la réserve organique et l'autorisation du programme à consommer les reports de crédits 2010 (18,1 millions d'euros environ) afin de limiter le report de charges à la fin de l'année 2011. Une levée de la réserve complète associée à une autorisation à consommer les reports donnerait une capacité de paiement de 1 213 millions d'euros.

Le programme 144 va par ailleurs disposer des ressources du compte d'affectation spéciale « Fréquences » pour un montant de 50 millions d'euros, qui, comme vous le savez, sont affectées aux études amont.

Il convient de souligner que la non-levée de la réserve de précaution en CP aurait des incidences sur la « soutenabilité » de ces études amont, dont les paiements s'étalent sur plusieurs années, affectant ainsi l'objectif de stabilisation du périmètre budgétaire de ces études à hauteur de 650-700 millions d'euros par an.

Quoi qu'il en soit, le programme prend à son niveau les mesures nécessaires et mobilise la totalité des acteurs afin de consommer la totalité de la ressource, se fixant pour objectif de limiter le montant des reports de crédits sur 2012 dans les limites autorisées par la loi organique.

J'en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2012.

Le détail des demandes de crédits exprimées par le programme 144 figure dans le programme annuel de performance (PAP) qui vient d'être déposé sur le bureau des assemblées. Je vous présenterai la synthèse des points les plus marquants du prochain exercice budgétaire.

En ce qui concerne le titre 2 (dépenses de personnel), les objectifs prioritaires en 2012 sont d'assurer les besoins en personnels des deux services de renseignement. Il s'agit, d'une part, d'assurer la réussite de l'annuité correspondante de montée en puissance de la fonction « connaissance et anticipation » et de parvenir au recrutement d'agents correspondant au volume des postes ouverts par la DGSE, d'autre part, de permettre à la DPSD de recruter les cadres civils et militaires lui permettant d'améliorer ses capacités opérationnelles.

C'est pourquoi, le programme 144 présente une évolution des dépenses de personnel entre 2011 et 2012 de + 5 %. Cette augmentation des crédits, je tiens à le souligner, porte essentiellement sur les catégories de dépenses directement liées à la rémunération.

Examinée action par action, l'évolution des ressources présente les caractéristiques suivantes :

- l'action 2 « Prospective des systèmes de forces » varie peu entre 2011 et 2012 tant au niveau financier qu'à celui du périmètre physique.

La progression sensible du programme en masse salariale et en emplois ouverts est essentiellement rattachable à sa composante « Renseignement extérieur ». L'amélioration des capacités opérationnelles demandées à la DGSE se traduit en effet par une augmentation de 22,86 millions d'euros de masse salariale.

La DPSD bénéficie également d'une augmentation de ses crédits de rémunération de 4 millions d'euros, augmentation destinée à rattraper la sous-dotation budgétaire observée en 2011 et à accompagner ses projets de recrutement de cadres civils et militaires de haut niveau ainsi que l'arrivée de nouveaux officiers brevetés ;

- les actions 4 « Maîtrise des capacités technologiques et industrielles » et 5 « Soutien aux exportations » baissent en valeur du fait des transferts sortants vers le programme 146 dans le cadre de la réorganisation des fonctions de soutien de la DGA.

Enfin, la diplomatie de défense bénéficie, en 2012, d'une variation positive de ses crédits de 3,9 millions d'euros pour couvrir les mesures catégorielles prévues pour les militaires et le poids de dépenses de personnel dans certains postes permanents à l'étranger.

De mon point de vue de responsable budgétaire, toutes les actions du programme 144 doivent donc être considérées comme prioritaires parce qu'elles répondent à l'impératif actuel de connaissance, d'anticipation et de coordination stratégique. La démarche prospective, qui permet notamment, par la détection de signaux précurseurs, d'anticiper les risques et les menaces, mais aussi les opportunités internationales pour les intérêts français et européens, constitue son élément fédérateur, parallèlement à la connaissance des zones d'opérations potentielles. Plus que jamais, en effet, le besoin de vision commune, du partage et de scénarisation de la complexité oblige à cet exercice délicat et risqué.

Comme je vais maintenant le détailler, ce projet de budget, en dépit des difficultés de moment, doit permettre de maintenir ce cap.

Ainsi, les crédits demandés pour 2012 hors titre 2 du programme 144 s'élèvent à 1 315 millions d'euros en AE et 1 201 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 44 millions d'euros en AE et une diminution de 20,5 millions d'euros en CP.

Je souligne que ces mouvements touchent la totalité des actions, l'action 2 « Prospective des systèmes de forces » étant concernée de manière marginale.

La légère augmentation des AE (+ 0,83 million d'euros) et des CP (+ 0,40 million d'euros) de l'action 1 « Analyse stratégique » est localisée au niveau des études prospectives et stratégiques (EPS) et des subventions accordées aux publications de recherche stratégique. Elle illustre la priorité donnée à la fonction « connaissance et anticipation » et la poursuite de la politique décidée en 2009 pour les EPS. Les dix principaux axes d'effort retenus en 2011 sont reconduits.

Les grands axes autour desquels s'articuleront les activités de l'action 2, en matière de prospective des systèmes de force, s'inscrivent dans la continuité des réflexions et des orientations issues du Livre blanc et prennent en compte les derniers travaux de prospective et de préparation du futur, en lien direct avec la dernière version de plan prospectif à 30 ans.

L'augmentation des AE (+ 26,2 millions d'euros) de l'action 3 « Recherche et exploitation du renseignement » traduit les orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et la poursuite de la montée en puissance de la fonction « connaissance et anticipation ». Cette hausse concerne la seule DGSE, à hauteur de 26,6 millions d'euros. Les crédits de fonctionnement (titre 3) augmentent de 14,2 millions d'euros et les crédits d'investissement (titre 5) de 12,4 millions d'euros. L'accroissement des crédits de fonctionnement est notamment la conséquence de l'élévation de la consommation électrique liée à la montée en puissance des équipements des nouvelles salles informatiques, de la hausse des coûts des différentes maintenances dédiées au maintien en condition des structures, en raison de l'accroissement des surfaces à entretenir, et à la mise en oeuvre de matériels informatiques supplémentaires, ainsi que de l'augmentation des coûts de communications liés, d'une part, aux évolutions technologiques et à la hausse des débits permettant de rapatrier les interceptions et/ou les liaisons spécialisées et, d'autre part, aux échanges avec les opérationnels sur zone de crise.

De plus, conformément aux décisions gouvernementales, la DGSE poursuit la rationalisation de ses dépenses de fonctionnement. Ces efforts sont toutefois atténués par l'augmentation des effectifs qui engendre, mécaniquement, une hausse des dépenses de fonctionnement afférentes (surfaces d'accueil, entretien, formation, recrutement).

Pour ce qui relève des investissements (titre 5), le renforcement des effectifs de la DGSE, lié à la montée en puissance de la fonction « connaissance et anticipation », impose tout naturellement de prévoir une infrastructure d'accueil des agents, dimensionnée en conséquence et offrant un environnement technique adéquat pour exercer leurs missions.

Par ailleurs, ce service poursuit, sur le plan des équipements techniques, l'acquisition de certains matériels nécessaires au soutien de ses activités.

Globalement, les crédits de paiement concernant les investissements (titre 5), qui représentent 136,4 millions d'euros, diminuent de 17 millions d'euros en 2012, mais cette baisse apparente des ressources est compensée par des financements extérieurs de l'ordre de 63 millions d'euros dans le cadre de deux grands projets interministériels.

Les crédits de la DPSD augmentent de 0,33 million d'euros, malgré des économies réalisées sur les charges de fonctionnement, car cette entité finance le projet « Synergie pour l'optimisation des procédures d'habilitation des industries et de l'administration » (SOPHIA). Le maintien à haut niveau du système d'information et de sécurité du service de renseignement constitue une des priorités du programme.

L'augmentation des AE de l'action 4 « Maîtrise des capacités technologiques et industrielles » (+16,9 millions d'euros) concerne essentiellement les études amont (+25,5 millions d'euros), plus spécifiquement les études amont « nucléaire ». Cette hausse traduit la volonté de maintenir la crédibilité de la dissuasion, qui est une priorité forte inscrite dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. A noter, également que les études amont nucléaires comprennent, depuis le projet de loi de finances pour 2011, en AE et CP, les technologies communes.

Les crédits de paiement des études amont enregistrent une diminution de 12,21 millions d'euros (soit un léger recul de 1,90 % par rapport à 2011). De même que l'année dernière, le projet de loi de finances pour 2012 illustre la priorité accordée aux études amont « classique » et « nucléaire » en l'absence de projet majeur, à proche échéance, sur les études amont « espace », et traduit la volonté de maintenir le niveau des 700 millions d'euros affiché depuis plusieurs années.

La diminution tant en AE qu'en CP (- 9,8 millions d'euros) des crédits des opérateurs (écoles de la DGA et ONERA), dont les crédits passent de 257,6 millions d'euros à 247,8 millions d'euros est principalement causée par la révision à la baisse du montant de la subvention (les contrats d'objectifs et de moyens doivent être renouvelés cette année).

Conformément aux directives du Premier ministre, la subvention à ONERA a été amputée de 8 millions d'euros, à la suite du changement de régime fiscal de cet opérateur. Les dépenses de fonctionnement courant des opérateurs supportent la totalité de la réduction de la subvention pour charge de service public versée en 2012. Par ailleurs, le principe de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux y est mis en oeuvre.

La diminution des autorisations d'engagement (- 0,95 million d'euros) et des crédits de paiement (-0,51 million d'euros) de l'action 5 « Soutien des exportations » concerne essentiellement la promotion des exportations (le coût des salons Eurosatory et Euronaval sera moindre que celui du Bourget) et les postes permanents à l'étranger auxquels des économies ont été demandés.

Enfin, le réseau de diplomatie de défense, profondément réorganisé depuis 2008, continuera de faire l'objet de mesures d'adaptation nécessaires pour répondre, dans les meilleures conditions, aux actions de relations internationales menées dans le cadre de la gestion des crises.

L'augmentation des crédits de paiement (+ 2,85 millions d'euros) de l'action 6 « Diplomatie de défense » concerne essentiellement la contribution versée au gouvernement de la République de Djibouti, à hauteur de 1,2 million d'euros, et les budgets alloués aux postes permanents à l'étranger (PPE) pour un montant de 1,45 million d'euros.

Après cette présentation du programme 144 dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, je souhaiterais maintenant répondre à votre question, Monsieur le Président, sur les principaux changements stratégiques survenus depuis 2008.

Tout d'abord, je voudrais dire que le ministère de la défense, et la direction des affaires stratégiques en particulier, ont cherché à anticiper l'initiative prise par le Président de la République, le 29 juillet dernier, de lancer une réflexion interministérielle sur l'actualisation de l'analyse stratégique du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008.

Au sein, notamment, du Comité de coordination de la recherche stratégique et de la prospective de défense (CCRP), la direction des affaires stratégiques (DAS), en liaison avec l'état-major des armées, la direction générale pour l'armement (DGA), le secrétariat général de l'administration (SGA) et les autres services concernés du ministère de la défense, se sont livrés, depuis un an, à un exercice de relecture du document élaboré par la commission présidée par Jean-Claude Mallet afin d'en définir les constances mais aussi les impasses ou les oublis.

Vous savez qu'une réflexion interministérielle est aujourd'hui conduite sous l'autorité du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, qui doit conduire à l'adoption d'un document interministériel d'orientation stratégique, lors d'une réunion du Conseil de défense et de sécurité nationale, qui se tiendra à la fin de l'année 2011. Ce document, qui sera rendu public, devrait structurer aussi largement que possible l'analyse des choix capacitaires qui sera présentée dans l'édition 2012 du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Il ne m'appartient pas de m'étendre sur l'état actuel des travaux en cours, sur lesquels le secrétaire général serait sans doute mieux placé que moi pour répondre, mais quelques constats simples de rupture peuvent aisément être d'ores et déjà identifiés.

Parmi ceux-ci, deux me paraissent fondamentaux : la crise économique et financière, d'une part, et l'évolution de la situation au Maghreb et au Moyen-Orient depuis ce qu'il est convenu d'appeler le « printemps arabe » de 2011.

La crise économique et financière, et ses conséquences, notamment pour les pays de la zone euro, n'aura fait qu'accentuer le risque, déjà prégnant dans un contexte de réduction des dépenses publiques, d'une réduction drastique des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires et alliés européens. Les appels à maintenir l'effort de défense de l'ancien secrétaire d'Etat américain Robert Gates et, aujourd'hui, les avertissements de son successeur, Leon Panetta, n'auront eu, au fond, aucun impact. Déjà peu élevé, l'effort de défense des pays européens est en voie de s'effondrer chez nombre de nos partenaires, incapables, dans le contexte actuel de crise de l'endettement public, de faire face à leurs obligations. Plus que jamais, seuls, la France et le Royaume-Uni en Europe paraissent encore animés, malgré les difficultés, par le souci de maintenir leur effort de défense, alors même que c'est à une accélération du processus de contraction des crédits de fonctionnement comme d'investissement que l'on assiste en Europe centrale ou chez nos partenaires d'Europe occidentale.

Certes, cette tendance forte à la diminution de l'effort de défense en Europe, contrairement à la situation constatée en Asie, existait déjà avant 2008. Ce phénomène s'est accéléré avec la crise financière, dans des conditions insoupçonnées, avec pour conséquence la question des moyens dont pourront bénéficier l'Alliance ou la défense européenne et donc la réalité de leurs futures capacités opérationnelles, sans parler de leur volonté politique à intervenir, comme l'a amplement souligné le dossier libyen.

Alors qu'au cours des dernières années, seule l'Europe apparaissait contrainte par ces perspectives, la période qui s'annonce pourrait bien être très directement marquée par l'incertitude qui pèse aujourd'hui sur l'ampleur réelle de la réduction annoncée de l'effort militaire des Etats-Unis entre 2012 et 2020. Il s'agit là, à bien des égards, d'un point fondamental, si l'on considère que la diminution par deux, en moins de dix ans, du budget du Pentagone, c'est-à-dire à hauteur des niveaux budgétaires dont bénéficiaient les armées américaines avant les conflits irakien et afghan, n'est, semble-t-il, et de loin, que la fourchette basse de la purge budgétaire qui s'annonce pour le budget de la défense américain, sous la contrainte de l'effort de réduction de la dette des Etats-Unis.

Les chiffres avancés par certains experts concernant la réduction de cet effort, qui vont de 450 à 700 milliards de dollars sur la période, soulignent d'ores et déjà l'ampleur que pourrait avoir cette éventuelle diminution des dépenses militaires américaines. Certains scenarios de centres de recherche américains, proches du Pentagone, comme le CSBA, évoquent même des économies supérieures à 1 000 milliards de dollars sur la période.

Une diminution d'une telle ampleur des dépenses militaires américaines, on le comprend, risque d'avoir de lourdes conséquences en termes de capacités opérationnelles, y compris dans les zones traditionnelles de présence américaine, de renouvellement des équipements et de soutien aux alliances.

Face à une réduction d'une telle ampleur de leur effort de défense, les Etats-Unis devront faire des choix. Quels seront-ils ? Il est encore trop tôt pour le dire mais il est difficile d'imaginer que l'Europe demeure, à l'avenir, l'une des priorités de Washington, face au caractère plus prégnant des menaces pesant sur le golfe arabo-persique ou sur l'Asie du Nord ou du Sud, dans un contexte marqué par l'affirmation continue et de plus en plus autoritaire d'une puissance chinoise chaque année un peu plus crédible (développement des capacités sous-marines du missiles DF21D...). Dans un contexte de réduction drastique des budgets, le concept « Air/See battle » développé par l'armée américaine sera-t-il toujours susceptible d'être mis en oeuvre face aux tentatives de stratégie de déni d'accès développées (et c'est bien là aussi une évolution depuis 2008) par certains Etats ? Face à ce constat, l'effondrement des capacités militaires conventionnelles russes, nonobstant l'effort de modernisation et de professionnalisation mené, risque de peser lourd dans les choix de Washington, posant la question de la crédibilité de la présence, dans un avenir plus ou moins proche, de quatre brigades américaines en Europe.

Cette réduction des dépenses militaires américaines ne doit pas être uniquement perçue en termes d'assurances de sécurité pour l'Europe et d'engagement beaucoup plus limité à l'avenir des Américains derrière les Européens dans le fil du conflit libyen. Nous devons rester conscients du fait que la contraction des commandes de l'industrie américaine de défense, conjuguée à la baisse des budgets de la défense chez la plupart des pays européens, se traduira par de fortes tensions et une concurrence accrue sur le marché européen de la défense, voire une tentation renouvelée de nos alliés d'en finir avec la BITDE européenne. Cette pression n'est pas à attendre. Nous la subissons aujourd'hui au sein de l'Alliance autour de la douzaine de programmes capacitaires jugés majeurs lors du sommet de Lisbonne.

La deuxième rupture fondamentale par rapport au paradigme décrit en 2008 concerne à l'évidence l'évolution du monde arabe, depuis ce « printemps arabe » dont l'issue est encore bien floue. Nous ne pouvons naturellement que nous féliciter des processus engagés. Mais l'incertitude demeure encore sur bien des dossiers et ceux-ci devraient encore marquer durablement notre environnement immédiat en tant que puissance méditerranéenne : avenir de la Libye après la chute du régime de Kadhafi, attente d'une stabilisation politique en Egypte et du retour de l'armée dans ses casernes, poursuite dans la dignité des réformes démocratiques au Maghreb, résolution de la crise syrienne, relance du processus de paix.... Jamais les contraintes n'ont été aussi nombreuses et les situations aussi volatiles, à l'image d'un Yémen dont la fragilité et les risques majeurs que celle-ci induit pour le développement d'Al Qaida, doivent aujourd'hui nous interpeller.

Au-delà de cette présentation trop rapide, quels sont, brièvement, les autres changements ou tendances importants constatés depuis 2008 ?

On peut d'abord s'interroger sur le fait de savoir si le terrorisme est toujours le principal facteur structurant de l'analyse stratégique aujourd'hui. Non pas que la menace ait diminué, bien au contraire, et le développement d'AQMI et d'AQPA est là pour nous le rappeler. Mais la lutte contre le terrorisme doit-elle toujours occuper, dans le cadre de la révision de l'analyse stratégique menée actuellement, la place centrale qu'elle avait revêtue lors de la rédaction du Livre blanc de 2008 ? On peut s'interroger sur ce point.

Cet aspect soulève également la question de la pertinence du concept de l'« arc de crise », de Kandahar à Dakar, qui avait été développé dans le Livre blanc de 2008, et qui était, à l'époque, étroitement lié à la menace terroriste.

Pour ma part, ce concept d'« arc de crise » reste valable : ses facteurs explicatifs se sont étendus comme son espace géographique, avec notamment les tensions renouvelées entre les deux Corée, la réapparition des crispations territoriales en Mer de Chine du Sud comme du Nord. Ces tensions alimentent la forte augmentation des dépenses militaires des pays de la région, dont certains budgets frôlent des taux de croissance parfois supérieurs à 7 % De la même façon, les crises de prolifération ne se sont pas taries, bien au contraire, à l'image du dossier iranien ou nord coréen. Alors que la révélation par ce dernier de son programme d'enrichissement pose bien des questions sur la dimension réelle de celui-ci, le refus de l'Iran de se soumettre aux quatre résolutions votées par le Conseil de sécurité, de stopper l'accumulation de matières fissiles et d'arrêter un programme d'enrichissement dont on voit mal quelle pourrait en être la finalité civile, constitue un sujet majeur de préoccupation qui devrait continuer à marquer profondément l'architecture de sécurité régionale et au-delà .

Parmi les autres évolutions ou ruptures, il convient enfin de mentionner également la poursuite de la mondialisation, avec son impact sur le contrôle des flux, toujours plus difficiles et porteurs de menaces potentielles, qu'il s'agisse des flux maritimes ou du cyberespace, avec le développement inquiétant des phénomènes de piraterie maritime ou de piraterie informatique, sous-tendus par la volonté délibérée de certains Etats.

M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis. - Je voudrais vous poser quatre questions.

Je souhaiterais d'abord savoir quelles ont été les conséquences du retour plein et entier de la France dans l'ensemble des structures et organes de l'OTAN en termes d'effectifs insérés dans les états-majors et en ce qui concerne son impact financier. Plus généralement, pensez-vous que ce retour a réellement permis de renforcer l'influence française au sein de cette organisation ?

Alors que la présidence polonaise de l'Union européenne s'était fixé des objectifs très ambitieux, pouvez-vous nous dire votre sentiment sur l'état actuel et les perspectives de l'Europe de la défense, qui semble en stagnation, comme l'ont montré les désaccords entre les Etats-membres sur l'intervention en Libye ?

Vous avez évoqué dans votre intervention le programme nucléaire iranien, mais pourriez-vous nous parler de l'attitude de l'Arabie Saoudite, qui, selon certains, cherche également à se doter de l'arme nucléaire, sans toutefois susciter autant de réactions que l'Iran. Disposeriez-vous d'informations à ce sujet ?

Enfin, pourriez-vous nous faire le point sur la cyberdéfense, qui était l'une des priorités du Livre blanc de 2008. Où en sommes-nous exactement ? Est-ce que nos efforts ont progressé dans ce domaine ?

M. André Trillard, rapporteur pour avis. - J'ai trois questions à vous poser.

Pourriez-vous, Monsieur le directeur, nous faire le point sur l'évolution du réseau des attachés de défense et, plus généralement, sur les principaux axes de notre coopération militaire ? Quelles sont les zones prioritaires et comment se passe la réorganisation de notre dispositif ? Quelle est l'ampleur des diminutions d'effectifs ?

Comment expliquer la diminution des crédits destinés à soutenir nos exportations, dans un contexte marqué par une forte concurrence internationale ?

Enfin, pourriez-vous nous présenter un premier bilan de la création du Comité de coordination de la recherche stratégique et de la prospective de défense, que vous nous aviez présenté l'an dernier ?

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur pour avis. - Je souhaiterais, pour ma part, vous interroger sur deux points. D'une part, que pensez-vous du rôle croissant joué par la Turquie dont l'influence ne semble plus se limiter à sa zone traditionnelle, mais qui représente désormais un modèle pour beaucoup de pays du Maghreb et du Moyen-Orient ? Ne pensez-vous pas que l'importance croissante de ce pays important devrait nous conduire à modifier notre attitude et à renforcer notre coopération avec la Turquie ? D'autre part, je m'interroge sur l'avenir de la situation en Libye après la chute du régime de Kadhafi, et notamment sur les risques d'un renforcement en hommes ou en matériels des mouvements islamistes au Sahel, comme AQMI, alors que l'on constate une certaine ambigüité des autorités algériennes.

M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense. - La réintégration pleine et entière de la France dans l'ensemble des structures et organes de l'OTAN, qui se traduit par la présence aujourd'hui d'environ 8 à 900 de nos officiers insérés dans les différentes structures a, certes, eu un coût financier et humain. Mais elle s'est traduite par un sensible renforcement de notre présence et de notre influence, dont l'intérêt a d'ailleurs été démontré lors de l'intervention de l'OTAN en Libye, qu'il s'agisse de la chaîne de commandement ou des aspects relatifs au renseignement, où la présence de hauts officiers français a été non seulement bénéfique mais fondamentale. Au sein du Conseil de l'Atlantique Nord, où la présence et l'influence de la France ont toujours été fortes, cette réintégration n'a pas entraîné un prétendu alignement de notre pays sur la position des Etats-Unis. Nous défendons nos intérêts au sein de l'Alliance et notre vision de celle-ci. Nos partenaires, du reste, ne s'y trompent pas. Notre réintégration a permis de renforcer notre influence au sein de l'organisation.

L'intervention de l'OTAN en Libye a aussi démontré la pertinence de la réforme des structures de commandement de l'Alliance et de la réforme de la gouvernance financière de celle-ci, que nous avons voulue et soutenue. L'expérience libyenne a d'ailleurs montré à quel point notre ambition en faveur d'une structure plus réduite, professionnelle et reposant sur le principe de sélectivité des personnels engagés s'était révélée pertinente.

S'agissant de la défense européenne, après une période marquée par d'importants progrès institutionnels, depuis la déclaration franco-britannique de Saint-Malo en 1998, nous sommes aujourd'hui entrés dans une période moins propice à des avancées sur la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). La consolidation de la PSDC, après une phase de construction d'une petite dizaine d'années qui a vu la mise en place de structures, comme l'état-major et le comité militaire de l'Union européenne, des groupements tactiques et le lancement de plusieurs opérations, passe aujourd'hui, plus que jamais, par la multiplication des opérations de l'UE, nonobstant le « conflit gelé » actuel sur l'OHQ à Bruxelles. Ainsi, peut-on regretter l'absence de l'Union européenne lors de l'intervention en Libye : au-delà des aspects humanitaires, celle-ci aurait été tout aussi capable d'assurer l'opération maritime de contrôle de l'embargo sur les armes. Il est vrai que l'on peut regretter l'absence de véritable centre de planification et de conduite des opérations de l'Union européenne, en raison de l'opposition dogmatique du Royaume-Uni sur ce point. Mais tel est le monde réel. Toutes les déclarations confirment qu'il est illusoire de s'attendre prochainement à un changement de la position britannique sur cette question. En revanche, il est important, comme l'ont fait la présidence polonaise et nos partenaires allemands, de rappeler à nos alliés d'outre-Manche, qu'ils sont seuls dans leur positionnement au sein de l'UE... car je suis certain qu'à la lumière de l'expérience des nombreuses opérations de l'Union européenne, la nécessité d'un renforcement du centre de planification et de conduite des opérations de l'Union européenne finira bien par s'imposer, y compris chez nos amis britanniques, puisqu'il s'agit là d'une garantie d'efficacité militaire. La question qui se pose aujourd'hui, dans un contexte marqué par la diminution des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires européens, comme l'Espagne, l'Italie ou les Pays-Bas, en raison de la crise économique et financière, est celle de savoir si l'Union européenne sera toujours en mesure, à l'avenir, de lancer des opérations militaires et si elle aura les capacités pour le faire. Ainsi, même si l'opération Atalanta de lutte contre la piraterie maritime au large des côtes somaliennes a incontestablement permis de stabiliser la situation dans cette zone, les réticences ou l'opposition de nombre de nos partenaires européens à étendre cette opération par des actions de formation à terre des soldats somaliens ou de garde-côtes ne permettent pas de mettre un terme au phénomène. Pire, elles entraînent un effet pervers sous la forme du développement considérable du recours à des sociétés militaires privées par les armateurs, c'est-à-dire à une sorte de « privatisation » de la sécurité maritime, qui, à terme, pourrait se révéler assez inquiétante. Il y aura bientôt plus de 60 sociétés militaires privées, qui ont d'ailleurs leur siège dans un pays proche du nôtre, et treize bâtiments déclassés de la marine suédoise et norvégienne, affrétés par des sociétés militaires privées, déployés dans cette zone pour lutter contre la piraterie maritime. Comment penser que ces institutions soient de nature à éradiquer un phénomène qui constitue leur fond de commerce ?

S'agissant de la cyberdéfense, comme vous l'avez signalé Monsieur le rapporteur, un important effort a été réalisé dans ce domaine, sous l'autorité du Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, avec notamment la création de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

L'intérêt de l'Arabie Saoudite pour le nucléaire n'est pas une nouveauté. Il s'inscrit très directement dans la perception qu'a le Royaume, Etat signataire du TNP, de sa sécurité et des garanties dont il dispose. Si, de fait, ce pays entretient depuis longtemps des liens étroits avec le Pakistan, et est aujourd'hui considéré par bien des observateurs comme l'un des principaux financiers du programme lancé par Ali Bhutto, nous devons conserver à l'esprit que les rumeurs autour de « tentations » nucléaires saoudiennes s'expliquent exclusivement par la perception d'une menace iranienne dont les travaux de l'AIEA où, par exemple, les dernières révélations concernant le site clandestin de Qom, ont renforcé, année après année, l'acuité. On voit d'ailleurs bien là les limites d'une éventuelle politique d'apaisement (« containment ») des pays occidentaux à l'égard de la poursuite du programme nucléaire militaire par l'Iran, qui est parfois évoquée par certains observateurs. Le programme nucléaire iranien constituerait une remise en cause de l'ordre international et du régime de non-prolifération avec des conséquences mondiales incalculables : course aux armements, tentation des pays de la région de renoncer aux engagements souscrits à travers le TNP, etc... La question qui demeure est donc de savoir si les Etats-Unis et les pays européens seront en mesure de mettre un terme, le moment voulu, à la volonté des dirigeants iraniens à vouloir se doter de l'arme nucléaire, comme semble le montrer l'accélération de l'enrichissement de l'uranium en Iran, de façon à rassurer l'Arabie Saoudite et les pays du Golfe. C'est là tout le sens des sanctions internationales et unilatérales imposées à l'Iran.

Concernant la diplomatie de défense et le réseau des attachés de défense, il est vrai que certains postes d'attachés de défense ont été supprimés, mais le réseau a surtout été rationalisé et réorganisé. Cette réorganisation est conduite sous la direction d'un inspecteur général des armées en étroite liaison avec le ministère des affaires étrangères et en concertation avec l'ensemble des services concernés du ministère de la défense. Grâce à la mutualisation de certaines fonctions de soutien avec les ambassades, en matière de secrétariat et de comptabilité, par exemple, nous avons pu supprimer plusieurs postes, mais nous avons aussi renforcé des postes d'attachés de défense dans certains pays, en ouvrant désormais, comme à Singapour ou en Suède, ces fonctions à des ingénieurs de l'armement. A l'inverse, lorsque certains pays réduisent fortement leurs dépenses militaires, à des niveaux tels que ceux-ci donnent le sentiment qu'ils auront des implications fortes pour notre relation bilatérale, nous réfléchissons à la possibilité de supprimer ces fonctions et à les faire assumer par l'attaché de défense d'une ambassade limitrophe. Nous envisageons ainsi de supprimer l'an prochain le poste d'attaché de défense à Prague.

La diminution des crédits destinés à soutenir nos exportations s'explique uniquement par des raisons conjoncturelles, qui tiennent au coût moindre de l'organisation des salons d'armement en 2012.

Enfin, le Comité de coordination de la recherche stratégique et de la prospective de défense est un vrai succès. C'est un lieu qui permet de réunir la direction des affaires stratégiques, l'état major des armées, la direction générale pour l'armement et les autres services concernés du ministère de la défense pour réfléchir aux évolutions du contexte stratégique. C'est notamment grâce à ce comité que le ministère de la défense a pu s'organiser aussi rapidement pour contribuer à la réflexion sur l'actualisation de l'analyse stratégique du Livre blanc, conduite sous l'autorité du Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, en constituant très rapidement six groupes de travail et en soumettant des contributions au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, à la différence de ce qui s'était passé lors de l'élaboration du Livre blanc en 2008, où le ministère de la défense n'avait peut être pas été assez préparé à cet exercice.

Au sein de ce comité, nous surveillons aussi les priorités en matière d'études et de recherches, le pilotage de l'IRSEM, et nous procédons à une évaluation des résultats.

Dans ce cadre, nous travaillons aussi à l'élaboration d'un document intitulé « horizons stratégiques », qui devrait être publié début janvier, après l'actualisation de l'analyse stratégique, et dont vous recevrez un exemplaire.

Sur la Turquie, il est de notre intérêt de renforcer nos relations et notre coopération avec ce pays, notamment en matière militaire, compte tenu du rôle joué par Ankara au sein de l'Alliance, dans le Caucase, en Afghanistan et au Proche-Orient. Mais les discussions sont actuellement difficiles faute d'attitude réciproque.

M. Jacques Gautier. - Je voudrais revenir aux aspects relatifs à l'effort de recherche et technologie du programme 144 dont vous assurez la gestion.

Est-ce que les crédits d'études-amont sont sanctuarisés ? Y a-t-il eu des gels ou des annulations en 2011, par rapport aux crédits votés ? Est-ce que l'effort sera maintenu en 2012 ?

Qu'en est-il du démonstrateur du radar de longue portée ONERA de Thalès ? Est-ce que vous avez connaissance d'éventuelles discussions avec un pays du Golfe qui serait susceptible d'accueillir ce radar sur son territoire et de contribuer financièrement à ce programme ?

Enfin, quel est votre sentiment à propos des drones MALE ?

M. Daniel Reiner. - Dans votre intervention sur l'évolution de l'analyse stratégique vous n'avez pas évoqué la Russie, alors que ce pays est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et qu'il occupe une place importante sur la scène internationale.

Comment percevez-vous l'évolution de la Russie et son rôle, parfois ambigu, puisque parfois ce pays souhaite se rapprocher de l'Occident, mais qu'il se tourne aussi vers la Chine ou les autres puissances émergentes. Quelle devrait être, selon vous, notre attitude à l'égard de ce pays ?

M. Joël Guerriau. - Je souhaiterais avoir davantage de précisions concernant le soutien aux exportations. Est-ce que ce soutien se limite à l'organisation de salons, comme Eurosatory, ou bien prend-il d'autres formes et lesquelles ?

M. Michel Miraillet. - En tant que responsable et gestionnaire du programme 144, je m'efforce de maintenir la « sanctuarisation » des crédits des études-amont à un niveau de 700 millions d'euros. C'est pour nous un plancher car les débats du Livre blanc de 2008 avaient montré tout l'intérêt de porter notre effort de recherche à un montant de l'ordre d'un milliard d'euros, pour renforcer par exemple notre effort de recherche dans le domaine spatial, alors que l'on constate l'absence de grand projet, malgré l'intérêt d'Astrium pour la défense anti-missiles. Force est toutefois de reconnaître que nous en sommes loin. Néanmoins, le souci de maintenir le montant de l'enveloppe consacrée aux études amont à son niveau de 700 millions d'euros est partagé par tous au ministère de la défense car c'est un élément fondamental pour les bureaux d'études.

Concernant la défense anti-missiles, nos priorités portent effectivement dans le cadre financier qui est le nôtre, sur le système d'alerte avancée, c'est-à-dire le satellitaire et le radar. Il s'agira là d'un élément important des arbitrages à venir, l'alerte avancée bénéficiant naturellement à la dissuasion. De fait, face à la contrainte budgétaire, si nous sommes en mesure d'intéresser certains de nos partenaires privilégiés au développement de capacités dont leur environnement régional leur rappelle tous les jours la nécessité, pourquoi nous en priverions-nous ?

S'agissant des drones MALE, leur acquisition, vous le savez, est une priorité du ministre de la défense. Dans l'attente de la réalisation du projet franco-britannique élaboré dans le cadre du traité de Lancaster House, la décision a été prise d'avoir recours à une capacité intérimaire sur la base du Héron TP. La crise libyenne a, de nouveau, montré le caractère fondamental de ces moyens qui participent de la fonction « connaissance et anticipation ».

La Russie demeure un acteur majeur sur la scène internationale, disposant d'une puissance conventionnelle qui, certes, n'est plus en grande partie que l'ombre de ce qu'elle fut au début des années 1980. Handicapée par ses problèmes démographiques et une conscription inadaptée, elle demeure une puissance influente, non seulement par ses alliances et son potentiel de dissuasion, même si celui-ci est aujourd'hui marqué par un vieillissement accéléré dont témoigne à lui seul le traité new Start. Son attrait et ses compétences dans le domaine du cyberespace ne sont plus à démontrer. Il suffit, en toute hypothèse, d'écouter nos amis baltes ou d'Europe centrale pour s'en convaincre.

Quelle doit être notre attitude vis-à-vis de la Russie ? Comme l'a indiqué le Président de la République, il est de notre intérêt de considérer la Russie comme faisant partie de l'Europe et d'engager ce pays, quelles que soient les réserves que nous inspirent ses méthodes, dans la coopération la plus large possible. Nous ne pouvons faire l'économie d'une concertation aussi étroite que possible avec la Russie sur une série de sujets internationaux, comme le nucléaire iranien (où l'unité du P5 +1 demeure essentielle mais que Moscou cherchera à nouveau à instrumentaliser) mais aussi la Libye ou le Moyen Orient (où la Russie a perdu récemment certains de ses marchés d'armement les plus profitables), même si nos intérêts ne convergent pas. S'agissant de la relation russo-chinoise, le sujet est complexe, empreint de rivalités en termes de positionnement sur la côte pacifique (le déploiement de navires de type Mistral peut s'interpréter comme la volonté de faire pendant à la croissance de l'activité de la marine chinoise dans la zone), mais aussi de craintes rarement publiquement exprimées face à la croissance démographique chinoise.

Enfin, s'agissant du soutien aux exportations, celui-ci recoupe, outre la participation aux salons d'armement, le rôle de la direction des affaires internationales de la direction générale pour l'armement (DGA) ou celui de sociétés spécialisées dans le soutien, comme DCI.

Mme Nathalie Goulet. - Vous n'avez pas non plus mentionné, dans votre intervention, l'Afghanistan. Alors que l'on s'oriente vers un retrait progressif des troupes américaines et européennes dans le cadre de la transition à l'horizon 2014, quelle est votre analyse de la situation de ce pays ?

Par ailleurs, vous avez évoqué longuement la menace que constituerait le programme nucléaire iranien, mais ne pensez-vous pas que la politique actuelle d'Israël, notamment avec le bouclage de Gaza et la poursuite de la colonisation en Cisjordanie, constitue une menace bien plus sérieuse, réelle et immédiate pour la région ?

M. Jean-Pierre Chevènement. - Avec le concept de l'« arc de crise » développé par le Livre blanc de 2008, je crains que nous n'accordions pas assez d'importance au rôle joué par le Pakistan et à la rivalité croissante entre l'Inde et la Chine. Quelles seront, par exemple, les conséquences de la course aux armements entre l'Inde et le Pakistan, de l'accord de partenariat stratégique conclu récemment entre l'Afghanistan et l'Inde ?

Mme Hélène Conway Mouret. - Vous avez évoqué les conséquences de la diminution des budgets de la défense chez la plupart des pays européens en raison de la crise économique et financière en matière de capacités opérationnelles, notamment pour les opérations de l'OTAN ou de l'Union européenne. Ne faut-il pas craindre également un moindre engagement des pays européens dans les opérations de maintien de la paix des Nations unies ?

M. Michel Miraillet. - Concernant les opérations de maintien de la paix sous mandat des Nations unies, on constate depuis longtemps déjà une sous-représentation des pays occidentaux. Plus de 80 % des contingents sont formés de soldats indiens, pakistanais ou bengalis, avec une forte progression de la participation chinoise. Cela soulève parfois des difficultés sur le plan opérationnel car on ne peut pas toujours attendre de ces soldats le même degré d'entraînement, de réactivité et d'engagement sur le terrain que la Légion étrangère... L'absence des pays européens est d'ores et déjà une difficulté qui fait peser une menace sur notre capacité à conserver, à l'avenir, le poste de secrétaire général adjoint pour les opérations de maintien de la paix. Ces Européens ne sont aujourd'hui réellement présents qu'au sein de la FINUL II et l'on sent bien le peu d'appétence que génère pour ces Etats, souvent déjà présents depuis dix ans sur le théâtre afghan, la perspective d'engagements de longue durée sur des terrains aussi difficiles que la Somalie ou le Congo.

L'océan Indien restera sans conteste une zone de tensions fondamentale. Celui-ci constitue au demeurant un thème récurrent des discussions approfondies menées avec nos partenaires indiens dans le cadre du partenariat stratégique mené avec l'Inde depuis plusieurs années. Depuis trois ans, aucun des facteurs de tension décrits par le LBDSN qui incluaient la rivalité indo-pakistanaise et l'instrumentalisation par les services pakistanais de mouvements radicaux dans l'arc de crise, n'a diminué. La perspective de retrait des alliés d'Afghanistan en 2014 laisse aujourd'hui pendante la question de l'importance du contingent américain susceptible de rester et d'offrir l'assurance à Islamabad, face à sa fièvre obsidionale, que l'Afghanistan ne rentrerait pas dans l'orbite indienne. A ce titre, la conclusion de l'accord de partenariat entre Kaboul et Delhi aura sans doute été mal perçue par les Pakistanais, notamment dans la mesure où cet accord inclut un volet important de coopération militaire, pourtant circonscrit à la formation de l'ANA. Cet accord, qui s'inscrit dans le cadre d'une coopération économique très étroite entre les deux pays (2Md USD annuels d'aide indienne) et dont Delhi a cherché à limiter la visibilité, doit néanmoins être vu à l'aune des accords que sont en train d'élaborer Américains et Européens (dont la France) avec l'Afghanistan.

S'agissant de la situation en Afghanistan, je ne suis pas sûr qu'il y ait place à beaucoup d'optimisme, s'agissant d'un dossier dont la complexité n'échappe pas longtemps à l'observateur. L'offensive militaire américaine au Sud, le « surge » a certes donné des résultats, la formation de l'armée afghane produit d'incontestables résultats, mais la situation sécuritaire générale reste loin d'être stabilisée. La progression de l'insurrection dans le Nord, dans des zones où n'existe aucune base pashtoune, la multiplication des attentats de l'insurrection à Kaboul pour un bénéfice médiatique assuré, le soutien apporté à l'insurrection par le Pakistan, les lacunes, surtout, de la gouvernance afghane sont autant de motifs de préoccupation.

Plus que jamais, les questions fondamentales pour le succès de la transition demeureront celles du comportement futur du Pakistan (dont on voit mal, à ce stade, ce qui pourrait faire évoluer son appareil militaro-sécuritaire), mais aussi celle de savoir quelle sera la nature de la présence occidentale en Afghanistan après 2014, afin d'éviter que ne s'effondre un Etat afghan encore faible et que ne se reconstitue un havre du terrorisme. Jusqu'où voudrons-nous aller dans le soutien aux autorités afghanes et à quel prix ? Les accords de coopération, indispensables, sont en cours de négociation, mais, alors que les Américains assurent très largement le financement de l'armée et de la police afghanes, le retrait, en 2014, va poser la question d'une répartition entre alliés d'une charge financière considérable.

Vous avez évoqué la situation du conflit israélo-arabe, et notamment la situation à Gaza et la poursuite de la colonisation. Ce sont là des situations tragiques dont la solution passera par le règlement du conflit israélo-palestinien et israélo-arabe dans son ensemble. Il s'agit là de l'un des rares problèmes dont nous connaissons parfaitement l'équation du règlement, mais où toujours la volonté politique a jusqu'ici fait défaut. La question palestinienne et son règlement demeurent un point majeur, notamment dans la mesure où celle-ci joue une fonction véhiculaire pour tous les extrémistes islamiques. Pour autant, je reste convaincu de ce que la question iranienne constitue une urgence d'une toute autre nature.

Loi de finances pour 2012 - Mission Aide publique au développement - Audition de M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor

La commission auditionne M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission Aide publique au développement).

M. Jean-Louis Carrère, président - Monsieur le directeur général, je vous souhaite la bienvenue pour cette audition sur les crédits placés sous votre responsabilité au sein de la mission interministérielle « Aide au développement ».

Je rappelle à la commission qu'en matière d'aide au développement, le Gouvernement peut s'appuyer sur deux directions : la direction générale de la mondialisation au Quai d'Orsay, la DGM dont nous entendrons le directeur demain, et la direction générale du Trésor du ministère des finances que vous dirigez.

À ce titre, vous êtes responsable du programme 110 « aide économique et financière au développement », qui représente près d'un tiers des crédits d'aide au développement inscrits au budget de l'Etat.

Ce programme comprend, pour l'essentiel :

- la participation française aux institutions multilatérales de développement,

- la tutelle de l'AFD,

- la gestion des crédits de bonification mis à la disposition de cette agence ainsi que des crédits bilatéraux d'assistance technique et de traitement de la dette.

Parallèlement à cette fonction, d'autres « casquettes » vous amènent à traiter des questions de développement dans différentes enceintes, qu'il s'agisse de la Banque mondiale ou du secrétariat du Club de Paris ou des conseils d'administration des banques centrales de la zone Franc.

Ces différentes fonctions vous conduisent à intervenir dans le domaine de la stabilité macro-économique des pays en développement, dans le secteur des infrastructures, de la promotion du secteur privé et, plus récemment, dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique.

Pour cette audition, nous vous avons naturellement demandé une présentation globale du programme 110 « aide au développement » du projet de loi de finances pour 2012.

Avant cette présentation budgétaire et les questions qui en découleront de la part de nos rapporteurs et de l'ensemble des membres de la commission, je souhaiterais que vous nous indiquiez quels sont les avantages de l'organisation française de l'aide au développement par rapport à celle de ses homologues britanniques par exemple.

L'éclatement du dispositif de coopération française entre Bercy et le Quai d'Orsay comporte sans doute des inconvénients mais aussi des avantages. J'aimerais vous entendre sur ce point.

Pour prolonger cette comparaison avec nos collègues britanniques, je souhaiterais que vous nous dressiez une comparaison entre les caractéristiques des politiques respectives dans ce domaine.

On cite, en effet, très régulièrement, les efforts fournis par nos collègues britanniques en matière d'aide au développement, dans un contexte où ils réduisent de façon considérable leurs dépenses publiques.

Vous nous direz si nous sommes en retrait par rapport aux Anglais, si nos politiques ont des caractéristiques différentes.

Enfin, dans un contexte marqué par la nécessité de réduire l'endettement public, la tentation est forte de diminuer notre effort en faveur de l'aide au développement pour se concentrer sur le territoire national. Je souhaiterais donc que vous nous indiquiez où il vous paraîtrait possible de consentir à des réductions de crédits et où il vous semble qu'il est stratégique de maintenir notre effort.

Monsieur le directeur général, je vous laisse la parole pour votre exposé.

M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, comme l'an passé, je souhaiterais, avant de répondre à vos questions, vous présenter à titre introductif les principales caractéristiques et les grandes orientations de la politique française d'aide au développement. Je voudrais aussi vous présenter mes excuses pour le retard dans la production de certains documents, notamment le document de politique transversale « politique française en faveur du développement ». Deux de ses annexes financières totalement renouvelées ont occupé les jours et les nuits de nombre de mes agents qui étaient par ailleurs mobilisés sur les travaux du G20. Ce document vous sera prochainement communiqué.

Placée sous le double signe de la continuité dans l'effort et de la transparence dans la gestion, notre politique d'aide au développement a été amenée à s'adapter pour répondre aux exigences du moment, je veux dire par là, un contexte budgétaire très contraint, l'exercice par la France des présidences du G8 et du G20 dont le développement constitue l'un des thèmes phares, l'impact sur notre stratégie d'aide au développement des transitions politiques en cours dans le monde arabe et méditerranéen et, enfin, des actions à mettre en oeuvre pour aider à combattre le changement climatique. Au Sommet de Cannes, devrait notamment être présenté le rapport de M. Bill Gates sur le financement du développement, ainsi que le rapport de M. Tidiane Thiam les projets de développement susceptibles immédiatement financé dans le cadre travaux du G20.

Aussi, notre stratégie d'aide au développement et son budget pour 2012 reposent sur :

- la confirmation de l'importance de cette action et le maintien des moyens qui y sont consacrés ;

- des efforts supplémentaires de transparence et de lisibilité que nous avons engagés dans la gestion de notre aide ;

- enfin, des actions concrètes menées par la France dans le cadre de sa présidence du G8 et du G20 pour répondre au double défi du financement du développement et des attentes légitimes face aux crises géopolitiques en Méditerranée, alimentaires en Afrique et climatiques dans le monde entier.

Je voudrais d'abord vous dire que la France est à la hauteur de l'enjeu et poursuit un effort financier historique en faveur du développement. Malgré une crise financière sans précédent depuis les années trente, les crédits d'aide au développement ont non seulement été sanctuarisés mais ont continué leur progression quasi régulière depuis 2005, conformément aux objectifs et aux résultats auxquels nous nous étions engagés. Notre pays est ainsi, en 2010, le troisième bailleur mondial, derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni, et va encore poursuivre son effort :

L'aide publique au développement de la France dépasse en 2010, pour la première fois de notre Histoire, la barre symbolique des 10 milliards avec un montant total de 10,85 milliards d'euros, soit 0,5 % du revenu national brut à comparer à cet effort dix ans plus tôt avec une part d'APD - comme disent les spécialistes - de 0,31 % du revenu national brut.

Cette croissance de l'APD porte exclusivement sur l'aide bilatérale qui augmente de près de 840 millions d'euros par rapport à 2009, principalement grâce aux prêts concessionnels de l'AFD et aux dons bilatéraux. Notre aide multilatérale s'inscrit, quant à elle, légèrement en baisse après avoir atteint un niveau historique de 4 milliards d'euros en 2009 ; elle passe ainsi de 44 % en 2009 à 40 % en 2010 du total de notre APD.

Ces évolutions sont conformes aux orientations souhaitées par le Parlement.

Pour 2011, cet effort devrait être sensiblement proche de celui prévu par le document de politique transversale avec une part d'APD représentant 0,46 % du revenu national brut, du fait du report en 2012 de 225 millions d'euros de crédits du programme d'ajustement structurel du Liban.

En 2012, cet effort devrait à nouveau atteindre 0,5 % du revenu national brut.

Ces données et prévisions d'APD, retracées dans le document de politique transversale sont obtenues :

- d'abord, en sanctuarisant le socle de cet effort, les crédits budgétaires de la mission APD. Ces crédits sont stabilisés à un niveau de 3,34 milliards d'euros par an, soit 10 milliards d'euros sur le triennum. S'agissant du programme « aide économique et financière au développement » - celui dont j'ai la responsabilité - les crédits de paiement restent pratiquement à leur niveau de l'an passé, avec une baisse de 13 % des crédits consacrés aux annulations de dettes et une augmentation de plus de 5,5 % des crédits bilatéraux et, partant, de l'aide-projet et de l'aide-programme. Les autorisations d'engagement sont, elles, en forte baisse, passant de 2,5 milliards d'euros en 2011 à près de 630 millions d'euros en 2012, du fait des reconstitutions triennales réalisées en 2011 des deux principaux fonds concessionnels multilatéraux auxquels la France participe : l'Agence internationale de développement et le Fonds africain de développement ;

- nous y parvenons ensuite, en optimisant le coût budgétaire de cet effort, notamment s'agissant des prêts, dont nous veillons à ajuster la concessionnalité au niveau minimal permettant la réalisation des projets sans menacer la soutenabilité de la dette des emprunteurs ;

- enfin, en mettant en oeuvre à court et moyen termes des traitements de dette significatifs en Afrique (en Côte d'Ivoire, en Guinée et au Soudan, en particulier) mais aussi en mobilisant des financements innovants complémentaires sur lesquels je reviendrai à propos du G20.

En deuxième lieu, je voudrais souligner les efforts supplémentaires de transparence et de lisibilité que nous avons engagés dans la gestion et l'évaluation de notre aide.

Vous le savez, le document-cadre de coopération au développement que nous avons conçu ensemble en 2010 fixe des orientations géographiques et sectorielles claires et ciblées pour notre APD.

Cinq secteurs sont ainsi privilégiés : la santé, l'éducation et la formation professionnelle, l'agriculture et la sécurité alimentaire, le développement durable et le soutien à la croissance.

Quatre partenariats sont également mis en avant :

- le plus important, celui avec l'Afrique subsaharienne pour soutenir sa croissance et la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement ;

- celui avec la Méditerranée pour le développement durable, dans une perspective de convergence, si indispensable et prémonitoire, comme l'ont illustré les événements du printemps dernier ;

- celui avec les pays émergents, pour gérer les équilibres mondiaux ;

- enfin, celui avec les pays en crise, pour en renforcer la stabilité.

Ces partenariats différenciés impliquent des choix financiers explicites auxquels nous nous sommes engagés puisqu'au moins 60 % de l'effort financier bilatéral de l'Etat doit être affecté à l'Afrique subsaharienne et un maximum de 10  aux pays émergents.

Vous nous avez demandé toutefois d'aller plus loin en vous fournissant des données historiques et prévisionnelles permettant de mesurer l'atteinte de ces objectifs géographiques et sectoriels.

Mes services ont été particulièrement actifs à répondre à vos attentes. Beaucoup - je le pense sincèrement - a été fait en ce sens, y compris pour répondre aux nombreuses questions budgétaires que vous nous avez adressées cette année. J'y vois bien sûr le signe de votre intérêt marqué pour la politique d'aide au développement et je m'en réjouis.

Le document de politique transversale comporte ainsi désormais une quinzaine de pages supplémentaires avec 11 tableaux détaillant la répartition géographique et sectorielle de l'aide bilatérale, au plan historique mais aussi, lorsque c'est possible, à titre prévisionnel. Les instruments de cette aide - qu'il s'agisse des prêts, des dons ou, au sein des dons, des subventions - ont été clairement identifiés et quantifiés. Ces tableaux présentent une photographie de notre aide susceptible de mieux éclairer le Parlement et l'opinion publique sur la déclinaison de notre politique d'aide au développement.

S'agissant de l'aide multilatérale, lorsque c'était techniquement possible et identifiable, les dépenses d'aide ont été ventilées. Mais les limites de cet exercice sont connues, comme le soulignait l'Inspection générale des finances dans un rapport remis au ministre chargé de l'économie et au ministre des affaires étrangères en novembre 2010. L'impossibilité d'isoler les résultats des actions financées par des crédits nationaux attribués aux institutions financières internationales, de même que l'extrême hétérogénéité et multiplicité des indicateurs et dispositifs d'évaluation de ces organismes rendent délicate toute tentative de mesure des résultats spécifiques à l'aide française. En revanche, la mise en place d'indicateurs de ciblage de cette aide, en fonction des priorités françaises, est possible et un groupe de travail interministériel ad hoc y réfléchit activement.

Les résultats de ce travail sont d'ores et déjà éclairants.

La France consacre plus de 1,44 milliard d'euros en dons bilatéraux aux pays d'Afrique subsaharienne. En ligne avec les objectifs fixés par le document-cadre de coopération au développement, l'Afrique subsaharienne est la principale région d'intervention de l'Agence Française de Développement : 60 % de l'effort financier de l'Etat y sont concentrés, reflétant ainsi l'accès privilégié des pays de cette zone aux instruments les plus concessionnels de l'Agence.

Par ailleurs, la région Méditerranée et Moyen-Orient conserve un poids important puisqu'elle représente 18 % de l'effort financier de l'Etat en 2010, soit un résultat proche de la cible des 20 % fixée par le document-cadre de coopération au développement, puis par le Contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD.

L'intervention de l'AFD dans les pays émergents ne se fait que sous forme de prêts peu ou pas concessionnels, ce qui se traduit par une part plus faible de ces pays dans l'effort financier de l'Etat (7 % en 2010 et 2 % prévus en 2011, avec un plafond de 10 % fixé dans le contrat d'objectifs et de moyens 2011-2013 de l'Agence).

L'aide distribuée par les institutions financières internationales est, par ailleurs, globalement conforme à nos priorités. 43 % des engagements de l'AID sont orientés vers l'Afrique subsaharienne et cette part représente près de 75 % des engagements concessionnels du FMI. Les priorités sectorielles du CICID correspondent, quant à elles, pour le groupe Banque mondiale, à 89 % des actions de la SFI, 82 % de celles de la BIRD et 77 % de celles de l'AID. Les banques multilatérales de développement ne sont pas en reste puisque - comme le révèle aussi le rapport sur les institutions multilatérales de développement qui vous sera remis pour la première fois cette année - nos priorités sectorielles sont communes avec elles à hauteur de 93 % pour la Banque asiatique de développement, de 89 % pour la Banque africaine de développement, de 85 % pour la BERD et de 71 % pour la BID.

La présidence française du G8 et du G20 représente une opportunité mise à profit par notre pays pour répondre au double défi du financement du développement et des attentes légitimes face aux crises géopolitiques en Méditerranée, alimentaires en Afrique et climatiques dans le monde entier.

La mobilisation de ressources nouvelles, via des financements innovants, est indispensable pour atteindre l'objectif d'une APD de 0,7 % du RNB en 2015, comme l'objectif financier de 100 milliards d'euros par an en 2020 inscrit dans l'accord de Copenhague.

Vous le savez, la France s'y emploie activement. Le Président de la République a rappelé à plusieurs reprises son attachement à la taxe sur les transactions financières. La France et l'Allemagne ont publié ensemble en septembre 2011 un document de travail précisant les grands principes sur lesquels devrait reposer une TTF : une taxe créée à un niveau européen ou international avec un taux faible et une assiette large.

L'adoption par la Commission européenne d'une proposition de directive instaurant un « système commun de taxe sur les transactions financières », qui a vocation à être transposée au 1er janvier 2014, va dans le bon sens.

Dans la perspective du prochain Sommet du G20 à Cannes, M. Bill Gates remettra un rapport sur le financement du développement où la mise en place de financements innovants figure en bonne place.

Les semaines qui viennent nous diront si cette capacité technique s'accompagne ou non d'une volonté politique partagée, au sein du G20, pour la mettre en oeuvre. Si la faisabilité technique de la taxe sur les transactions financières, confirmée aussi par le FMI, ne fait désormais guère plus de doute, pour l'instant aucun consensus politique n'a été trouvé sur cette question.

Le défi est de taille puisqu'il s'agit de convaincre un nombre croissant de pays de mettre en place des mécanismes qui, préfigurant une fiscalité internationale, devront en particulier permettre de financer les biens publics mondiaux dans les pays en développement.

Au-delà de ces questions de financement du développement, l'actualité de l'année 2011 a conduit la France à aider les pays arabes en transition en Méditerranée, tout en continuant à mettre en oeuvre la stratégie ambitieuse du G20 en faveur du développement.

Au Sommet de Deauville, les 26 et 27 mai derniers, le G8 a exprimé son soutien aux transitions démocratiques en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Le Président de la République a lancé le « Partenariat de Deauville » avec les pays en transition démocratique, en collaboration avec les Institutions financières internationales et en présence de la Ligue Arabe. Ce partenariat de long terme repose à la fois sur un pilier politique visant à promouvoir les réformes de gouvernance et animé par les ministres des affaires étrangères, et sur un pilier économique pour soutenir une croissance soutenable et inclusive.

Le pilier économique du Partenariat a été lancé officiellement par une réunion des ministres des finances à Marseille le 10 septembre dernier. Quatre pays en transition étaient présents : la Tunisie, l'Egypte, le Maroc et la Jordanie, ainsi que la Libye, invitée à titre d'observateur. Cinq pays régionaux « associés » (Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Qatar, Koweït et Turquie) participaient également, ainsi que dix institutions multilatérales, dont les trois principales organisations régionales (Fonds monétaire arabe, Fonds arabe pour le développement économique et social et le Fonds de l'OPEP pour le développement international). A l'occasion de cette réunion, qui visait à valider la méthode et les principes d'un Partenariat fondé sur l'élaboration par les pays en transition de leurs priorités, nous avons obtenu des institutions financières internationales qu'elles précisent la réponse coordonnée qu'elles pourraient apporter aux pays en transition : un soutien total évalué à 38 milliards de dollars sur la période 2011-2013 a ainsi été annoncé, ainsi que la mise en place d'une plateforme de coordination.

Au-delà de son rôle d'impulsion et de coordination de cette réponse globale ambitieuse, élaborée avec tous les acteurs importants de la région, la France a accru son propre soutien bilatéral. Ainsi, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a annoncé à Marseille qu'une enveloppe de 2,7 milliards d'euros serait attribuée par la France aux quatre pays en transition sur 2011-2013, dont une importante partie financée par l'Agence française de développement.

L'extension du G20 décidée sous présidence coréenne aux questions de développement a, par ailleurs, pris corps sous présidence française. La France a ainsi plus particulièrement mis l'accent sur trois sujets :

- la volatilité des prix des matières premières agricoles, pour déterminer les moyens de la gérer et d'en limiter les effets néfastes sur la sécurité alimentaire ;

- le développement des infrastructures, en soutenant plus particulièrement celles qui favorisent la croissance économique et l'intégration régionale, élément-clef notamment pour le développement de l'Afrique ;

- et comme je l'ai déjà évoqué, la promotion des financements innovants.

J'espère vous avoir convaincu de l'engagement sans faille du Gouvernement en faveur du développement. Il se traduit par ce budget ambitieux et des objectifs qui ne le sont pas moins pour les échéances internationales présentes et à venir.

Je vous remercie de votre attentions et suis prêt, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, à répondre à vos questions.

M. Jean-Louis Carrère, président - Je vous remercie pour vos excuses, vous nous avez fait exactement les mêmes l'année dernière. L'année dernière, le DPT est arrivé à l'Assemblée nationale après l'examen en commission du budget. Les réponses aux questionnaires sont parvenues fin octobre. Cette situation avait conduit les rapporteurs des commissions des finances et des affaires étrangères des deux assemblées, MM Colin, Emmanuelli, Vantomme et Cambon à écrire au ministre des finances pour que cette situation cesse. Je comprends que les questions du Parlement occasionnent un travail important. Mais il faut aussi considérer les choses de notre point de vue. Les questions vous sont envoyées le 7 juillet. Si les réponses et le DPT nous parviennent fin octobre, l'examen du budget en commission à la mi-novembre, il nous reste deux semaines pour exploiter des centaines de réponses sur un budget particulièrement complexe. Ce que nous réclamons, c'est de disposer du temps minimal nécessaire à l'exercice de nos fonctions. Je n'ai pas de raison de penser que les délais de réponse sont calculés pour nous empêcher d'exercer ce contrôle. C'est en tout cas le résultat obtenu. Je crois mes chers collègues qu'il faut rester ferme sur l'information du Parlement pour travailler dans des conditions de délais compatibles avec l'exercice d'un minimum de contrôle et de réflexion.

M. Christian Cambon - Monsieur le Président, je ne peux que souscrire à vos propos, il en va des conditions d'exercice de nos missions.

Je me félicite des crédits de l'aide au développement dans ce contexte budgétaire particulièrement tendu. Comme vous l'avez souligné, le rééquilibrage des crédits en faveur de l'aide bilatérale correspond à notre souhait maintes fois répété. Alors certes, nous sommes officiellement le troisième bailleur de fonds mondial, mais lorsque l'on considère dans le détail les crédits effectivement disponibles pour financer sur le terrain des projets de coopération, on ne peut être que surpris par le décalage entre les ambitions et les moyens de notre politique dans ce domaine. Ce décalage est particulièrement sensible en Afrique Subsaharienne qui constitue pourtant notre priorité mais qui bénéficie en réalité d'une dizaine de millions d'euros pas pays.

Ma première question porte sur l'AFD dont vous assurez la cotutelle pour le compte de l'Etat. Pouvez-vous nous assurer qu'il n'arrivera pas à l'AFD ce qui est arrivé à DEXIA ? Je m'explique. Je sais qu'il ne s'agit pas du tout du même contexte : il n'y a ni produits toxiques, ni banque de guichet à l'AFD. Mais, d'après ce que je comprends, il s'agit tout de même un peu du même métier : emprunter sur les marchés financiers pour prêter à long terme à des entités publiques. D'où ma question : en cas de sinistres répétés, est-ce que l'Etat garantira toujours l'AFD à travers le Club de Paris ou est-ce que l'AFD devra pleinement assumer ses responsabilités et, dans ce cas, l'AFD a-t-elle des fonds propres suffisants pour faire face à ces risques ? Ne conviendrait-il pas d'augmenter ses fonds propres pour accroître son ratio de solvabilité ?

Je voudrais aborder la question de l'évaluation de cette politique publique pour laquelle la France consacre, selon les chiffres déclarés à l'OCDE, plus de 12 milliards d'euros. Une telle somme mérite qu'on évalue les résultats obtenus. Alors, je sais, c'est complexe. Compte tenu des financements croisés, il est de plus en plus difficile de tracer la responsabilité de chacun, dans les impacts obtenus. Mais enfin, l'aide au développement n'a pas le monopole de la complexité et ne peut pas être la seule politique qui ne fasse pas l'objet d'un pilotage par les résultats. De ce point de vue, il nous semble que la France est en retard par rapport à la Grande-Bretagne, qui non seulement effectue des revues systématiques de ses contributions multilatérales et bilatérales mais développe une batterie d'indicateurs de résultats, qui lui permette, dans un certain nombre de domaines, de dire, en face de chaque crédit, « nous avons scolarisé tant d'élèves, raccordé tant de foyers à un réseau d'eau potable, etc... ». Alors je sais, des progrès sont en cours, votre administration est d'ailleurs en tête dans ce domaine. Et on peut quand même s'étonner de la faiblesse de notre administration dans ce domaine qui nous intéresse évidemment au plus haut point, puisque c'est un des éléments de la redevabilité que l'exécutif doit au Parlement. Et plus encore, c'est un élément essentiel pour convaincre les électeurs et les contribuables de l'utilité de ces crédits dans une période où l'on demande à chacun de faire des efforts.

Je voudrais savoir quelles sont les actions qui sont menées dans les pays prioritaires de la coopération française pour les aider à se doter d'une fiscalité digne de ce nom. L'aide au développement, dans l'esprit des grandes conférences sur l'APD, comme celle de Monterey en 2005, c'était une sorte de contrat entre les bailleurs de fonds et les États récipiendaires, aux termes duquel les bailleurs apportaient des financements et les États récipiendaires faisaient un effort pour mettre en place un dispositif de financement autonome et, notamment, une fiscalité qui offre à ces États naissants des sources de revenus conséquentes et stables. Quand on observe le cas du Mali, l'aide au développement représente, tous bailleurs confondus, près de 15 % du PIB. La fiscalité, elle, stagne, à 14,8 % du PIB en 2009, tous les secteurs dynamiques de l'économie échappent peu ou prou à la fiscalité, le foncier est balbutiant. Que fait-on pour aider ces États à se structurer et à devenir autonomes ?

M. Jean-Claude Peyronnet - Ma première question porte sur l'aide multilatérale. Quand on découvre ce secteur, on peut être surpris par le nombre sans cesse croissant d'organisations internationales qui concourent à l'aide au développement. On me dit qu'il en existe 263. J'ai lu que la France contribuait au financement de 64 d'entre elles contre 30 il y a dix ans. Je constate qu'il y a une fragmentation de l'aide tout à fait impressionnante. J'ai lu que, dans certains pays, il y avait plus de 40 agences de développement qui chacune gérait leurs projets dans leur coin. La question est simple : que font les pouvoirs publics pour contribuer à réduire au niveau international ce que certains appellent une jungle institutionnelle ? J'ai cru comprendre que la lutte contre cette fragmentation figurait à l'agenda de la prochaine conférence sur l'efficacité de l'aide à Busan, en décembre. Quelles sont les propositions de la France pour réduire cette fragmentation ?

Dans quelques jours se tiendra le sommet du G20 de Cannes. La coopération pour le développement figure à l'agenda de ce sommet, avec notamment deux thèmes : le financement des infrastructures en Afrique et la sécurité alimentaire. Ces deux thèmes sont malheureusement des sujets récurrents de l'aide au développement, je me souviens que Yves Lacoste en faisait déjà des priorités dans les années cinquante. Pouvez-vous nous indiquer ce que l'on peut attendre de ce sommet dans ces domaines et qu'est-ce qu'apporte le G20 en la matière ?

Vous avez la responsabilité de la veille et de la promotion de la stabilité macroéconomique dans les pays du Maghreb et de l'Afrique sub-saharienne. Que pouvez-vous nous dire de la situation macroéconomique des pays du Maghreb ? Les printemps arabes ont été une réponse politique à des problèmes à la fois politiques et économiques. Il est essentiel pour nous que ces transitions aboutissent à des régimes stables et à une amélioration de la situation sociale. Il en va de notre sécurité et aussi de notre prospérité. Estimez-vous qu'avec le partenariat de Deauville nous sommes à la hauteur de ce rendez-vous historique ? Les financements supplémentaires annoncés relèvent pour l'essentiel de financements communautaires ou multilatéraux, l'AFD ne semble pas bénéficier de moyens supplémentaires pour ce qui apparaît aujourd'hui comme une priorité diplomatique ?

Ma dernière question porte sur les instruments de notre politique bilatérale. La France a réduit ses dons et augmenté ses prêts. Ceci pose un défi pour la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de la France et le ciblage sur les PMA qu'elle a proposé. Quand on regarde le budget, de 2008 à 2013 les subventions gérées par l'AFD auront diminué de 20 % quand les bonifications de prêts auront augmenté du même pourcentage. Est-ce que cela procède d'une nécessité liée à la rareté des crédits ou d'une volonté politique. Les prêts peuvent être aussi un instrument d'asservissement. Dans les métairies du 18è siècle, les métayers contractaient des dettes colossales qui étaient effacées tous les neuf ans. C'était une façon de les mettre sous tutelle. Est-ce que notre politique faite de prêts et d'annulations de dettes participe d'une façon ou d'une autre à un processus similaire ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam - Merci pour ce rapport très complet, je regrette cependant que vous n'ayez pas mentionné la question relative aux genres et à la promotion des femmes. Il me semble que c'est une priorité de la France. J'aurais voulu savoir dans quelle mesure les pouvoirs publics soutiennent l'action de ONU-Femmes. Je souhaiterais par ailleurs que vous nous exposiez les principales différences entre l'aide bilatérale française et celle gérée par les autorités chinoises et britanniques. J'ai par ailleurs entendu parler qu'un contrat d'études relatif à la mise en place d'une décharge publique à Djibouti d'un montant de 8 millions d'euros. Je m'étonne que la France puisse financer des études pour un montant pareil.

M. Ramon Fernandez - S'agissant du document de politique transversale et des réponses au questionnaire budgétaire, je comprends l'insatisfaction de la commission. L'ensemble des documents devrait vous parvenir d'ici la fin de la semaine prochaine. Nous essayerons évidemment de faire mieux l'année prochaine.

En ce qui concerne le partage des responsabilités entre le Quai d'Orsay et le ministère des finances, la France n'est pas le seul pays à disposer d'une telle organisation. Il est vrai que l'équivalent du ministère de coopération britannique, le DFID, est lui plus centralisé. Nous avons mis en place des procédures pour que les actions des deux ministères se coordonnent. Ces procédures fonctionnent bien, chacun apporte son expérience et son expertise. Sur certains sujets, dont la dimension monétaire est importante, le fait de pouvoir s'appuyer sur l'expertise du ministère des finances constitue un véritable avantage.

Il existe d'autres différences avec la coopération britannique. Celle-ci intervient notamment essentiellement à travers des dons, alors que la coopération française associe les dons et les prêts de façon à adapter ses interventions à la situation particulière de chaque pays. Les pays d'Afrique subsaharienne dont la capacité d'endettement est faible doivent pouvoir bénéficier d'une coopération essentiellement sous forme de dons tandis que d'autres pays, en Méditerranée, ou a fortiori dans les pays émergents, ont des capacités de remboursement qui permettent de monter des projets à partir de prêts à des taux plus ou moins bonifiés. J'attire votre attention sur le fait que le prêt est un instrument fondamental de notre coopération. Si nous coupons l'accès aux prêts à certains pays, il n'y aura jamais assez de dons pour financer des projets d'une taille significative. La question est donc d'ajuster les instruments à la situation financière des pays concernés et d'agir ainsi majoritairement sous forme de dons au Mali alors qu'on peut plus volontiers prêter au Kenya. Il convient également d'adapter les instruments au fil du temps. Ainsi, la France est d'abord intervenue en Chine avec des prêts bonifiés. Aujourd'hui, compte tenu des capacités financières de la Chine, nous n'intervenons plus que sous la forme de prêts non bonifiés. La France dispose d'une panoplie complète d'instruments, notamment grâce à l'AFD. Cela constitue une force que nous envient certains de nos partenaires. Je ne crois pas à ce propos que le prêt soit un instrument d'asservissement. Recourir aux prêts, c'est avoir la capacité financière de rembourser et c'est là un signe d'indépendance.

La situation de l'AFD n'est pas comparable à celle de DEXIA. La situation financière de l'agence et ses métiers sont très différents de ceux de DEXIA. Mais vous avez raison, l'AFD, en tant qu'établissement de crédit, doit répondre à un certain nombre de critères prudentiels afin de réduire son exposition aux risques dans des proportions compatibles avec sa situation financière. De ce point de vue, l'AFD a manifesté sa vigilance sur ce terrain en créant récemment une nouvelle direction des risques qui a une vue très exhaustive des engagements pris par l'agence. La situation de l'AFD au regard des ratios de solvabilité est très confortable puisque celui-ci avoisine les 29 %, une situation très nettement supérieure à certains de ses homologues. Il conviendra de préparer le passage à Bâle III mais la situation me semble totalement maîtrisée.

En matière d'évaluation, les Britanniques mettent en valeur, en effet, avec un art consommé leurs évaluations. Quand on regarde de près leurs travaux, on s'aperçoit qu'ils n'échappent pas aux difficultés méthodologiques inhérentes à toutes les évaluations dans ce domaine. De notre côté, nous avons lancé une mission de l'Inspection générale des finances sur les modalités d'évaluation de la politique de coopération qui met en lumière ce que l'on peut faire et ce qu'on aura du mal à faire. En effet, les liens de causalité entre les progrès enregistrés, les actions menées, la situation de départ et l'intervention de tous les autres acteurs sont parfois difficiles à établir. Mais vous avez raison, nous avons dans ce domaine des progrès à faire et vous trouverez au sein de mon administration un soutien fervent à la mise en place d'une évaluation de la qualité de nos actions. La direction générale du Trésor a créé une unité de l'évaluation qui a accompli ces dernières années un travail remarquable et reconnu par de nombreuses institutions, dont l'OCDE. Lors de chaque reconstitution, ce département procède à une évaluation de nos contributions à ces différents fonds. Ces évaluations sont publiques et permettent d'apprécier la qualité du partenariat que nous entretenons avec des institutions telles que par exemple la Banque mondiale, le fonds africain de développement ou le fonds asiatique de développement.

S'agissant de la capacité des pays en développement à dégager des ressources fiscales suffisantes, c'est une préoccupation importante de la direction générale du Trésor. Nous travaillons avec les pays concernés à ce sujet, notamment dans le cadre de l'organisation de la zone franc ; dans les pays pauvres prioritaires quinze assistants techniques se consacrent uniquement à ce thème, qui constitue par ailleurs l'un des secteurs de prédilection du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.

L'AFD a diversifié ses champs d'intervention géographiques et sectoriels. Cette extension correspond notamment au mandat qui a été confié à l'agence en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Cette extension a suscité et suscite encore un débat légitime entre les partisans de cette diversification et ceux qui militent pour un recentrage sur les zones prioritaires de la coopération française. Pour ces derniers, même si les activités dans de nouvelles géographies se pratiquent sous forme de prêts non bonifiés, il y a un risque de dispersion du temps et de l'énergie de l'agence dans des pays qui ne correspondent pas aux priorités de la France. Il faut toutefois reconnaître que, dans certains pays, l'AFD représente parfois le seul instrument de coopération avec les autorités locales.

Vous avez raison de souligner la prolifération des organismes internationaux intervenant dans le domaine de l'aide au développement. La France n'est pas le seul pays responsable de cette fragmentation de l'aide, mais elle y a participé ; je pense notamment à notre action en faveur de la création du fonds mondial contre le sida. Nous avons eu, il est vrai, le souhait d'incarner une politique dans un instrument, d'accorder à cet instrument la visibilité nécessaire pour maximiser ce financement. La démultiplication des organismes a néanmoins des effets pervers importants. Elle engendre des coûts de gestion et de coordination significatifs. Elle conduit à multiplier les interlocuteurs des autorités des pays récipiendaires dont l'activité est parfois surchargée par la gestion des trop nombreux bailleurs de fonds. C'est pourquoi la France défendra à Busan, au sommet sur l'efficacité de l'aide, des propositions pour lutter contre la fragmentation de l'aide. De ce point de vue, la gestion du partenariat de Deauville, en faveur d'une coopération avec les pays arabes en transition, me paraît intéressante. Dans le cadre du G8, nous avons, en effet, réussi à fédérer plus d'une dizaine d'institutions et de pays afin de coordonner leurs actions et d'effectuer une division du travail. Par ailleurs, je tiens à souligner que nos contributions multilatérales sont concentrées à 90 % sur six grandes institutions.

Il est vrai que les sujets du financement des infrastructures africaines ou de la sécurité alimentaire sont à l'ordre du jour de l'agenda international depuis de très nombreuses années. Ils le resteront tant que ces sujets demeureront une préoccupation pour les Africains et pour la communauté internationale. Dans le cadre du G20, nous avons souhaité, en ce qui concerne le financement des infrastructures, mieux prendre en compte la dimension régionale des projets. En matière de sécurité alimentaire, nous avons déjà obtenu des résultats significatifs avec la constitution de stocks d'urgence ou le recours à des instruments financiers adaptés.

Notre politique de prêts s'inscrit dans le cadre d'analyses de la soutenabilité de la dette fixé en 2005 après les décisions d'annulations de dettes. Ce cadre d'analyses permet de définir les conditions financières dans lesquelles des pays qui ont bénéficié d'un processus d'annulation de dettes sont autorisés de nouveau à recourir à l'emprunt. Ce cadre a été défini de façon volontairement rigide afin d'éviter que surviennent de nouvelles crises de surendettement. Nous sommes en train de regarder si ce cadre n'est pas trop rigide car il faut avoir à l'esprit que les pays en développement ont besoin de pouvoir emprunter pour financer leur développement. Les pays émergents comme la Corée du Sud se sont d'ailleurs appuyés sur des prêts pour financer leurs investissements, notamment d'infrastructures.

La cause des femmes et la question du genre font partie des objectifs de la politique de coopération soutenue par la direction générale du Trésor. Cette question fait partie des sujets abordés dans le cadre du G20 mais aussi dans le cadre du comité du développement de la Banque mondiale, notamment à travers l'aspect de l'accès des femmes au crédit bancaire. La Banque mondiale vient de publier à cet égard un rapport tout à fait intéressant sur le rôle des femmes dans le processus de développement des pays du Sud.

L'Union pour la Méditerranée a constitué une initiative prémonitoire à bien des égards, elle a illustré la nécessité de se préoccuper de cette région stratégique pour l'Europe et pour la France. Il reste que, dans la situation actuelle, le partenariat de Deauville, parce qu'il rassemble des pays et des institutions volontaires, permet des actions plus ciblées que l'Union pour la Méditerranée.

Mme Leila Aïchi - La question du rôle des femmes ne concerne pas seulement le développement mais également les institutions parlementaires et pas seulement hors de France. Je souhaiterais savoir quelles actions sont menées pour limiter la pollution provoquée par l'activité de nos entreprises à l'étranger. Il y a quelque chose de paradoxal à financer des actions de protection de l'environnement d'un côté et de laisser nos entreprises, comme c'est le cas dans le Delta du Niger, polluer des pays dont la législation est moins contraignante qu'elle ne l'est en France.

M. Ramon Fernandez - S'agissant du contrat d'études à Djibouti, je vais demander à mes services de vérifier. Le coût évoqué paraît en effet élevé. J'attire cependant votre attention sur le fait qu'il est parfois important d'effectuer des études préalables exhaustives plutôt que de partir dans des directions hasardeuses. S'agissant de la pollution entraînée par l'activité de certaines de nos entreprises, je n'aurai pas de réponse précise à apporter au cas du Delta du Niger. En revanche, soyez convaincue que les préoccupations environnementales font partie des priorités de la coopération française. Elles font partie des priorités des documents cadres de partenariats et sont au coeur de l'activité du fonds pour l'environnement mondial et du fonds français pour l'environnement mondial. Je vous rappelle par ailleurs que dans le cadre de la conférence de Copenhague, la France s'est engagée à financer à hauteur de 420 millions par an des projets concourant à la lutte contre le réchauffement climatique et à la préservation de la biodiversité. Nous veillons par ailleurs, dans le cadre de l'initiative pour la transparence des industries extractives, à assurer la transparence des flux financiers liés à l'exploitation des mines ou des ressources d'hydrocarbures.

Accord relatif aux rapports intellectuels et artistiques entre la France et la Grèce - Examen du rapport et du texte de la commission

Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission examine le rapport de M. Michel Boutant sur le projet de loi n° 466 (2010-2011) autorisant l'approbation du protocole additionnel à l'accord relatif aux rapports intellectuels et artistiques du 19 décembre 1938 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique.

M. Michel Boutant, rapporteur - Monsieur le Président, Mes chers collègues, le présent texte, signé lors d'une visite officielle du Président de la République à Athènes le 6 juin 2008, actualise un accord relatif aux rapports intellectuels et artistiques remontant à 1938.

Le but du protocole de 2008 est d'élargir à l'Institut français de Thessalonique les bénéfices du statut accordé à l'Institut français d'Athènes dès 1938.

Le principal établissement culturel français en Grèce est l'Institut français de Grèce, dont la localisation principale est à Athènes et qui possède 4 antennes à Patras, Livadia, Larissa et Corinthe. Il possède le statut d'établissement à autonomie financière rattaché au ministère des affaires étrangères et européennes. Il intervient dans les domaines culturel et linguistique, audiovisuel, éducatif et de promotion du français, scientifique et universitaire.

L'autre établissement principal de dispositif culturel français est l'Institut français de Thessalonique, relais de notre coopération en Grèce du nord et qui relève de la Mission Laïque Française. Il est reconnu en tant qu'association française installée en Grèce et reçoit le soutien du ministère des affaires étrangères et européennes. Il assure les mêmes missions que l'Institut français de Grèce : promotion de la langue, des industries culturelles et du savoir français ; coopération linguistique et éducative ; coopération audiovisuelle ; coopération universitaire et promotion des études en France.

A ces deux institutions s'ajoutent les deux écoles conventionnées avec l'Agence pour l'Enseignement Français à l'Etranger, le lycée franco-hellénique Eugène Delacroix à Athènes et l'école française de Thessalonique. Par ailleurs, l'Ecole française d'Athènes, qui relève du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a pour but d'étudier l'histoire et l'archéologie du monde égéen de la préhistoire à l'époque contemporaine.

Notre présence n'est pas exclusive, et la Grèce bénéficie d'implantations culturelles de plusieurs grands pays.

Quinze instituts étrangers sont ainsi présents, dont beaucoup ont une activité essentiellement archéologique (institut suédois, danois, canadien, suisse). L'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne ou l'Italie ont une présence linguistique et culturelle forte et ancienne en Grèce, avec, en priorité, une implantation dans la capitale. Sont ainsi présents :

- le Goethe Institut : à Athènes et à Thessalonique ;

- le British Council : à Athènes et à Thessalonique ;

- l'Institut Cervantès : à Athènes ;

- l'Union gréco-américaine : à Athènes ;

- l'Institut italien : à Athènes et à Thessalonique ;

- l'Institut russe : à Athènes ;

- et l'Institut hollandais : à Athènes.

J'en viens maintenant au présent protocole qui étend à l'Institut français de Thessalonique (IFT) les avantages accordés à celui d'Athènes par l'accord de 1938.

L'accord explicite ces avantages, et améliorera le fonctionnement de l'Institut de Thessalonique. Il vise à faciliter ses relations avec les autorités grecques sur le plan administratif, pédagogique et sécuritaire. Une simplification des démarches administratives en est attendue, et les activités de coopération universitaire que le service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France en Grèce développe, par l'entremise de l'Institut, avec les deux universités implantées à Thessalonique, seront facilitées.

Le Protocole vise également à faire bénéficier l'IFT d'exemptions de taxes pour les activités se rattachant à la coopération culturelle et aux travaux d'infrastructure dans les locaux abritant ces activités. La convention fiscale franco-grecque de 1963 dispense l'IFT de déclaration de revenus. En outre, la loi grecque relative à la TVA précise que les activités culturelles et éducatives des établissements et personnes morales à but non lucratif sont exonérées de TVA. En revanche, les autres taxes étaient perçues, jusqu'à l'entrée en vigueur du Protocole, par l'Etat grec.

L'avantage principal du présent texte réside donc dans l'exonération de la TVA sur les travaux, entraînant une économie de 23 % par an.

Les autorités grecques ayant déjà commencé à appliquer ce Protocole après sa ratification par le Parlement hellénique en mars 2009, l'Institut Français de Thessalonique a d'ores et déjà pu bénéficier d'une sensible simplification de ses relations avec l'administration grecque.

Il convient dont que le Parlement français ratifie à son tour ce texte.

Je vous propose donc d'adopter ce projet de loi, et de prévoir que son examen en séance publique se fasse en forme simplifiée.

La commission adopte le projet de loi et propose qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.

Session annuelle de l'assemblée parlementaire de l'OTAN - Communication

Puis la commission entend le compte rendu par Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Jacques Gautier et Xavier Pintat, membres de la délégation française à l'assemblée parlementaire de l'OTAN, de la session annuelle de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, à Bucarest du 7 au 10 octobre 2011.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam - L'Assemblée parlementaire de l'OTAN a tenu sa session annuelle à Bucarest, en Roumanie, du 7 au 10 octobre dernier.

À l'attention de nos nouveaux collègues, je précise que l'assemblée parlementaire de l'OTAN regroupe des parlementaires des 28 pays membres de l'Alliance de l'Atlantique Nord, dont les Etats-Unis, ainsi que de 14 pays associés. La Russie y dispose d'un statut de pays associé.

Organe consultatif, elle constitue un forum utile de discussion sur tous les sujets intéressant l'Alliance atlantique, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre du nouveau concept stratégique, de la réforme des structures de commandement, de la défense anti-missiles, des relations transatlantiques, des relations OTAN-UE, ou encore des opérations de l'OTAN, notamment en Afghanistan.

Elle comprend 257 membres, qui sont désignés par leurs parlements respectifs, auxquels s'ajoutent 66 sièges pour les pays associés. Le Parlement français dispose de 18 sièges, répartis entre 11 députés et 7 sénateurs titulaires, chaque membre disposant d'un suppléant.

L'Assemblée se réunit en session plénière deux fois par an, à tour de rôle dans les différents pays membres. Elle comporte cinq commissions (politique, dimension civile de la sécurité, défense et sécurité, économie et sécurité, sciences et technologies), qui se réunissent lors de chaque session et effectuent des déplacements durant l'année.

Sur la base des rapports élaborés par ces commissions, elle adopte des recommandations et des résolutions, qui sont adressées au Secrétaire général de l'OTAN, ainsi qu'aux gouvernements des États membres.

Lors de la session de Bucarest, la délégation du Sénat était composée, outre moi-même, de nos collègues Xavier Pintat et Jacques Gautier, et la délégation de l'Assemblée nationale, conduite par notre collègue Loïc Bouvard, était composée de neuf députés.

Étant donné que cette session se déroulait le week-end des 8 et 9 octobre, soit en même temps que le premier tour de la primaire organisée par le parti socialiste pour désigner leur candidat à l'élection présidentielle, nos collègues du groupe socialiste n'ont pas pu prendre part aux travaux.

Compte tenu de l'intérêt de nos échanges, il nous a paru indispensable, comme nous l'a d'ailleurs demandé le Président M. Jean-Louis Carrère, de vous présenter un compte rendu de cette session.

Outre une rencontre traditionnelle avec notre ambassadeur à Bucarest, Son Exc. M. Henri Paul, cette session aura, en effet, été marquée par l'adoption de nombreux rapports et résolutions, portant sur des sujets aussi variés que la transition en Afghanistan, l'intervention en Libye, la défense anti-missiles, la cyber-défense ou encore la situation dans les Balkans occidentaux ou en Ukraine.

Nous avons également entendu plusieurs communications de hauts responsables de l'OTAN ou d'experts et nous avons eu un débat très intéressant sur la mise en oeuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, relative à la place des femmes dans les conflits armés. Au cours de la séance plénière, sont intervenus le Président de Roumanie, M. Traian Basescu, le Président du Sénat, M. Mircea Geoana, et de la chambre des députés, Mme Roberta Anastase, du Parlement roumain, ainsi que le Secrétaire général de l'OTAN, M. Anders Fogh Rasmussen.

Je me limiterai à mentionner quelques uns des thèmes abordés dans le cadre de la commission sur la dimension civile de la sécurité et lors la séance plénière, avant de laisser la parole à mes collègues pour qu'ils vous présentent les principaux sujets évoqués lors des débats de la commission sur la défense et la sécurité.

La mise en oeuvre du nouveau concept stratégique de l'Alliance, adopté lors du Sommet de l'OTAN de Lisbonne, l'an dernier, et la question des capacités de défense, dans un contexte de réduction des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires européens, en raison de la crise économique et financière, ont été les deux sujets majeurs de la session.

Concernant la mise en oeuvre du nouveau concept stratégique de l'Alliance, nous avons ainsi eu un débat très intéressant sur la cyberdéfense au sein de la commission sur la dimension civile de la sécurité.

Nous avons également eu des échanges sur la place des femmes dans les conflits armés, sur les migrations, sur la situation en Ukraine, en Moldavie et en Biélorussie, ainsi que sur les défis soulevés par la gouvernance en Afghanistan.

Le principal sujet a toutefois porté sur les conséquences de la réduction des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires européens, qui risquent de réduire les capacités opérationnelles de l'Alliance.

Ainsi, un haut responsable de l'OTAN, M. Frank Boland, a dressé un constat alarmant en précisant que seuls trois pays sur vingt huit (les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Grèce) devraient respecter en 2011 l'objectif de 2 % du PIB consacré à la défense et que dix-sept pays sont à moins de 1,5 %. Il a rappelé que la part des dépenses militaires au sein de l'OTAN assumée par les Etats-Unis était passée en dix ans de 66 à 77 %. De graves lacunes capacitaires ont ainsi été constatées chez les Européens lors de l'intervention en Libye.

Face à cette situation, évoquant le discours de Robert Gates, et celui, plus diplomatique de son successeur, Leon Paneta, appelant les Européens à ne pas réduire leurs capacités de défense, le Secrétaire général de l'OTAN a, lors de la séance plénière, fait un vibrant plaidoyer en faveur du maintien de l'effort de défense et du développement des coopérations bilatérales et multilatérales.

Il a ainsi développé son concept de « Smart Defense » ou défense intelligente, qui consiste à encourager le partage et la mutualisation des capacités entre les pays membres de l'Alliance.

Je l'ai interrogé pour ma part sur l'état d'avancement de la réforme des structures de commandement et des agences de l'OTAN, en relevant que, dans un contexte budgétaire tendu, l'effort de rationalisation devait aussi porter sur l'organisation interne de l'Alliance.

Lors du Sommet de l'OTAN de Lisbonne, l'Alliance s'était fixée des objectifs ambitieux, avec notamment l'objectif de réduire de 35 % les effectifs de la structure de commandement, qui compte aujourd'hui 13 000 hommes, et de regrouper en trois entités les quatorze agences de l'OTAN, qui emploient 8 000 personnes.

Au moment où nos pays font face à de fortes contraintes budgétaires, l'effort doit aussi porter sur l'organisation interne de l'OTAN, afin de réduire les dépenses bureaucratiques et les réorienter sur nos véritables besoins de défense.

M. Xavier Pintat - Je voudrais, pour ma part, concentrer mon propos sur deux sujets : la défense anti-missiles et la revue de la posture de défense et de dissuasion de l'OTAN.

La question de la défense anti-missiles a été une nouvelle fois au centre des discussions, qui ont opposé ses fervents partisans, en particulier américains, et ses virulents opposants, notamment russes et ukrainiens, les Européens se contentant souvent de jouer le rôle de « spectateurs ».

Je rappelle que, lors du Sommet de Lisbonne, les vingt-huit pays de l'OTAN ont pris la décision de mettre en place une capacité de défense anti-missiles pour assurer la protection du territoire et des populations des pays européens de l'Alliance.

Le déploiement de cette capacité a d'ailleurs commencé en 2011, avec l'envoi d'un navire américain à capacité anti-missiles et l'accord signé entre les Etats-Unis et la Turquie pour l'installation d'un radar qui sera directement axé sur la menace iranienne.

Comme l'a rappelé le Président roumain, la Roumanie a signé quelques semaines plus tôt un accord avec les Etats-Unis sur le déploiement d'éléments du bouclier anti-missiles américain sur son territoire. Cet accord bilatéral porte notamment sur l'installation d'un système Aegis terrestre, comprenant un radar et des intercepteurs SM-3 sur le territoire roumain, qui devraient être opérationnels à compter de 2015.

S'exprimant à titre personnel, notre collègue député M. Jean-Michel Boucheron a contesté l'intérêt de la défense anti-missiles et évoqué le risque d'un effet d'éviction des autres dépenses militaires.

Pour ma part, je suis intervenu dans le débat pour souligner que notre commission avait travaillé sur ce sujet et publié un rapport d'information sur la défense anti-missiles.

J'ai rappelé que les enjeux de la défense anti-missiles ne se limitaient pas uniquement aux aspects militaires, mais qu'ils recouvraient également des aspects stratégiques, politiques et diplomatiques ou industriels.

J'ai insisté en particulier sur la question centrale de l'architecture du futur système de commandement et de contrôle.

Car, à mes yeux, la question n'est plus de savoir si la défense anti-missiles doit se faire ou non, puisque la décision a été prise au Sommet de Lisbonne d'engager l'OTAN dans une défense anti-missiles de protection du territoire et des populations et que la détermination des Etats-Unis ne fait aucun doute.

La véritable question qui se pose est de savoir si l'Europe aura la volonté d'assurer elle-même la protection de son territoire et de ses populations ou bien si elle souhaitera s'en remettre aux Etats-Unis pour assurer sa propre sécurité.

Or, étant donné le décalage entre le déploiement des moyens américains et l'absence de moyens et de financements des Européens, on peut avoir quelques inquiétudes sur ce point.

J'ajoute que l'enjeu est particulièrement important pour notre pays et nos industriels qui sont les seuls en Europe à avoir la compétence technique sur l'ensemble du spectre.

Le risque auquel nous devons être attentifs, et qui a bien été souligné par notre collègue député Jean-Michel Boucheron, c'est que la défense anti-missiles n'ait pas un effet d'éviction sur les autres programmes.

La défense anti-missiles devrait être l'un des enjeux majeurs du prochain Sommet de l'OTAN qui se déroulera à Chicago, le 20 mai 2012, puisque les Etats-Unis veulent que l'OTAN déclare une première capacité anti-missile opérationnelle, qui sera, de fait, une capacité exclusivement américaine (senseurs, intercepteurs et système de commandement américains).

Le deuxième sujet de débat, lié au précédent, a porté sur la revue de la posture de dissuasion et de défense de l'Alliance, avec un exposé introductif très intéressant de M. Bradley Roberts, Sous-secrétaire d'Etat adjoint au département d'Etat américain de la Défense.

Lancée lors du Sommet de Lisbonne, la revue de la posture de dissuasion et de défense de l'OTAN vise à définir un équilibre entre le triptyque : dissuasion nucléaire, forces conventionnelles et défense anti-missiles.

Cette revue a été lancée dans le contexte du discours du Président Barack Obama sur l'objectif d'un monde sans armes nucléaires et de la réflexion sur l'avenir de la présence des armes nucléaires tactiques américaines en Europe.

La France ayant une dissuasion nucléaire indépendante et autonome (ce qui irrite parfois certains de nos partenaires comme l'Allemagne) notre pays n'était pas spécialement demandeur de cette revue, mais est particulièrement vigilant sur cette question centrale pour notre politique de défense.

En effet, dans l'esprit de certains responsables américains ou européens, cette revue pourrait conduire à réduire l'importance de la dissuasion nucléaire dans la doctrine et les outils de défense de l'OTAN.

Ainsi, certains responsables évoquent l'idée que l'OTAN reprenne le concept de « garanties négatives de sécurité », selon lequel le nucléaire ne dissuade que du nucléaire, ce qui signifie concrètement que les pays de l'Alliance renonceraient à l'emploi de l'arme nucléaire autrement que pour répondre à une attaque nucléaire.

Or, cette doctrine, sans doute indolore pour les Etats-Unis, qui disposent d'une écrasante supériorité en ce qui concerne les forces conventionnelles, est totalement contraire aux principes d'indépendance et de souveraineté sur lesquels repose la politique française de la dissuasion nucléaire, telle que fondée par le Général de Gaulle et poursuivie par les Présidents de la République successifs.

Intervenant dans ce débat, j'ai rappelé que le nouveau concept stratégique de l'OTAN adopté à Lisbonne réaffirmait l'importance de la dissuasion nucléaire et reconnaissait la contribution de la France et du Royaume-Uni à la sécurité de l'Alliance.

J'ai indiqué que la revue ne devait pas conduire à revenir ou à dénaturer le concept stratégique, approuvé par les vingt huit pays de l'Alliance, mais qu'elle devait au contraire avoir pour objectif la mise en oeuvre de ce concept.

Enfin, j'ai souligné que dans un monde où subsistent des arsenaux nucléaires importants et où les risques de prolifération ne sont pas écartés, la dissuasion nucléaire représente une garantie fondamentale pour notre sécurité.

Dans un contexte où les contraintes financières conduisent la plupart des pays européens à réduire leurs dépenses de défense, et donc à diminuer leurs capacités conventionnelles, où peu de pays européens sont réellement disposés à s'engager dans la défense anti-missiles, il peut sembler paradoxal de vouloir affaiblir au même moment notre capacité de dissuasion.

M. Jacques Gautier.- J'évoquerai, pour ma part, les opérations de l'OTAN en Libye et en Afghanistan, qui figuraient bien entendu parmi les principaux points à l'ordre du jour.

Nous avons d'abord entendu une intervention « passionnée et passionnante » sur l'opération en Libye du Président du Comité militaire de l'OTAN, l'Amiral Giampaolo Di Paola, que j'ai d'ailleurs reçu au Sénat, vendredi dernier, et qui nous a indiqué de la manière la plus claire que l'OTAN demeurait, tant que la menace nucléaire subsistera, une alliance nucléaire où la dissuasion faisait office - je le cite - de « premier commandement ».

A Bucarest, l'Amiral nous a présenté un bilan de l'opération en Libye et évoqué les principaux enseignements qu'il en retire sur l'avenir de l'Alliance.

L'Amiral Giampaolo Di Paola a d'abord rappelé qu'il s'agissait de la première opération de l'OTAN conduite sur la rive Sud de la Méditerranée et avec la participation de pays non membres de l'alliance, comme le Maroc, la Jordanie, les Emirats arabes unis ou le Qatar.

Il a ensuite rappelé qu'il s'agissait de mettre en oeuvre la protection des populations, telle que consacrée par la résolution 1973 du Conseil de sécurité, et que l'opération était essentiellement aérienne.

Soulignant le succès de l'opération « Protecteur unifié », même si les combats de poursuivent dans les deux dernières poches de résistance (Bani Walid et Syrte) - mais l'annonce de la prise de Bani Walid a été faite avant-hier par le Conseil national de transition libyen (CNT) - il a indiqué que l'opération avait donné lieu à environ 25 000 sorties aériennes (avions et hélicoptères), plus de 10 000 frappes (y compris de navires) et qu'aucune perte n'avait été à déplorer parmi les soldats de l'Alliance.

Concernant les enseignements, l'Amiral a rappelé que seuls huit pays, sur vingt huit avaient participé à l'intervention en Libye et que l'OTAN avait démontré à cette occasion sa flexibilité.

S'il a rappelé que la France et le Royaume-Uni avaient été en première ligne, il n'a pas manqué de souligner que cette opération avait mis en lumière les importantes lacunes des Européens en ce qui concerne certaines capacités et la forte dépendance à l'égard des Etats-Unis.

Il a ainsi rappelé que les Etats-Unis avaient assuré plus de 90 % des ravitaillements en vol, compte tenu des lacunes des Européens dans ce domaine.

Les Etats-Unis ont également joué un rôle majeur en ce qui concerne le renseignement, ainsi que l'intelligence, la surveillance et la reconnaissance. On estime que 90 % du renseignement, et donc des cibles, ont été fournis par les Etats-Unis.

Les drones ont, à cet égard, joué un rôle très important, tant en matière de recueil du renseignement que de frappes, étant donné les risques pour les pilotes d'avions et d'hélicoptères d'intervenir au plus près des combats dans un environnement incertain.

Or, si le soutien des Etats-Unis s'est avéré crucial pour le succès de l'opération, les Etats-Unis ont toujours considéré la Libye comme un théâtre secondaire par rapport à l'Afghanistan, ce qui peut expliquer l'absence de certaines capacités durant l'opération et le retrait rapide de certaines autres.

L'Amiral Di Paola, a plaidé pour un effort accru des pays européens et un dialogue plus poussé de l'Alliance avec les pays méditerranéens et du Golfe.

Intervenant dans le débat, j'ai salué le succès de l'opération de l'OTAN en Libye, tout en soulignant que l'opération n'était pas encore achevée et qu'il était encore un peu tôt pour parler d'un retrait de notre dispositif.

J'ai également interrogé l'Amiral sur les lacunes constatées dans les structures de commandement intégrées, et notamment l'état-major de Naples, en particulier concernant la composante aérienne, dont les effectifs ont du être renforcés par des officiers essentiellement américains. Des leçons devraient être tirées concernant l'actuelle réforme de la structure de commandement et le recrutement et la formation des personnels.

L'assemblée parlementaire a adopté à l'issue de nos travaux une résolution de soutien au peuple libyen. Cette résolution a fait l'objet de nombreux amendements, dont l'un, présenté par le député italien De Gregorio, qui visait à supprimer la mention saluant « l'initiative prise par la France et le Royaume-Uni de mener cette opération importante et consciente du soutien essentiel fourni par les Etats-Unis et d'autres alliés et partenaires ».

Avec nos collègues britanniques et le soutien de l'ensemble de la délégation française, je me suis naturellement fortement opposé à cet amendement, qui a toutefois reçu le soutien de plusieurs députés allemands, et nous avons pu finalement obtenir le maintien de cette phrase.

Cela illustre les crispations qui demeurent chez certains de nos partenaires européens concernant notre engagement en Libye, qui ne paraissent pas encourageantes pour l'Europe de la défense.

Enfin, l'Afghanistan a fait l'objet d'au moins un rapport dans chacune des cinq commissions. Un rapport était consacré à la transition au sein de la commission de la défense, un autre à la gouvernance au sein de la commission sur la dimension civile de la sécurité, la commission de l'économie examinant un rapport sur l'économie afghane, celle de la technologie s'intéressant aux engins explosifs improvisés, et, enfin, la commission politique abordant la question du point de vue du contexte régional.

En séance plénière, un débat a été organisé, en présence notamment de la directrice générale du réseau des femmes afghanes et une déclaration de soutien à la transition en Afghanistan a été adoptée.

L'ensemble de ces documents (rapports et résolutions) est disponible sur le site Internet de l'assemblée mais le secrétariat se tient à votre disposition si vous souhaitez les consulter.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam - D'une manière générale, je voudrais faire observer que, malgré le retour plein et entier de la France dans les structures de commandement de l'OTAN, la France ne semble pas disposer encore au sein de l'organisation et de l'assemblée d'une influence à la hauteur de notre engagement dans l'OTAN, notamment par rapport à l'Allemagne. Ainsi, la délégation allemande a pour habitude d'organiser, lors de chaque session, un déjeuner avec l'ensemble des parlementaires germanophones, ce qui permet aux parlementaires de nouer des contacts mais aussi de délivrer quelques messages.

De plus, alors que la France et l'Allemagne avaient généralement des positions assez proches, souvent éloignées de celles des pays anglo-saxons, comme par exemple concernant l'intervention en Irak, l'intervention en Libye a eu pour effet de modifier les lignes de clivage, la France se retrouvant aux côtés des Etats-Unis et du Royaume-Uni, alors que l'Allemagne y était au départ hostile.

A l'issue de ces interventions, un débat s'est engagé en commission.

M. Didier Boulaud - Je voudrais remercier nos collègues pour ce compte-rendu très intéressant.

En ce qui concerne la faible influence française au sein de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, il ne tient qu'à nous de renforcer notre influence, par exemple dans les discussions au sein des commissions ou en séance plénière. Je me souviens que la délégation française avait également pour habitude d'organiser un déjeuner pour les parlementaires francophones lors de chaque session mais que cette tradition s'est perdue, probablement pour des considérations financières.

D'une manière générale, je pense que les accords franco-britanniques en matière de défense, qui ont été signés avant l'intervention en Libye, ont été interprétés par beaucoup de nos partenaires européens, notamment en Allemagne, comme le signe d'un renoncement de notre pays à l'ambition de la construction de l'Europe de la défense, au profit d'un rapprochement avec le Royaume-Uni, prôné par le Président de la République. Il ne faut donc pas s'étonner d'un certain ressentiment de l'Allemagne et d'autres pays européens, que l'on a pu constater, par exemple lors de l'intervention en Libye.

C'est la raison pour laquelle je demeure personnellement réservé sur ces accords, qui me semblent aller à l'encontre de la construction de l'Europe de la défense, qui rassemblerait l'ensemble des pays de l'Union européenne.

Pour ma part, je reste convaincu que le couple franco-allemand demeure le véritable moteur de la construction européenne, comme on peut d'ailleurs le constater à propos de la crise de l'euro, et que ce constat vaut aussi sur les questions de défense.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam - Vous avez raison de dire qu'il ne tient qu'à nous de renforcer notre présence au sein de l'assemblée parlementaire de l'OTAN.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le président de l'assemblée parlementaire de l'OTAN est M. Karl Lamers, de nationalité allemande, ancien président de la commission des affaires étrangères du Bundestag et ancien porte-parole de la CDU sur les questions de politique étrangère, ce qui explique peut être l'influence allemande au sein de l'assemblée.

En revanche, je ne partage pas votre avis en ce qui concerne les accords franco-britanniques de défense. Comme l'ont montré les accords de Saint-Malo, en 1998, rien ne peut se faire en matière de défense au niveau européen, sans un accord entre la France et le Royaume-Uni.

Je rappelle que la France et le Royaume-Uni représentent ensemble plus de 40 % de l'effort européen en matière de budget de la défense et près de 70 % en matière de recherche et développement, 45 % des dépenses en capital et 25 % des effectifs de l'Europe à vingt-sept. Par ailleurs, nos deux pays sont les seuls à disposer de l'arme nucléaire et à être membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies.

Les accords franco-britanniques de défense ne sont donc pas contradictoires avec la volonté française de construire l'Europe de la défense et de renforcer la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne. Ils représentent au contraire à mes yeux un moyen d'arrimer le Royaume-Uni à l'Europe en matière de défense.

Comme j'ai pu encore le constater récemment lors d'un déplacement à Londres, où j'ai eu notamment l'occasion de rencontrer notre attaché de défense, ces accords constituent au contraire un exemple concret et pragmatique d'une coopération européenne en matière de défense, qui pourrait s'élargir à d'autres pays européens.

M. Jacques Berthou - Après les désaccords survenus entre les pays européens à propos de l'intervention en Libye et dans le contexte de la réduction des budgets de la défense chez la plupart de nos partenaires européens en raison de la crise économique et financière, la question qui se pose est celle-ci : La défense européenne a-t-elle encore un avenir ?

M. Jeanny Lorgeoux - Est-ce que l'évolution de la situation en Libye après l'intervention de l'OTAN a été évoquée lors des débats ? En effet, on voit bien aujourd'hui, notamment en Tunisie avec la montée du parti islamiste mais aussi en Libye, les risques d'une poussée des islamistes, qui pourrait avoir des conséquences pour notre propre sécurité, notamment au Sahel, avec par exemple des risques de trafic d'armes en provenance de Libye qui pourrait profiter aux mouvements islamistes.

Mme Hélène Conway Mouret - Est-ce qu'une coopération pragmatique avec les allemands est envisageable sur la défense anti-missiles, par exemple sur les missiles intercepteurs ? Il me semble que cela représenterait un exemple d'une coopération pragmatique entre la France et l'Allemagne.

M. Alain Néri - Je souhaiterais revenir sur la question de l'influence française au sein des organisations internationales, comme l'OTAN, pour rappeler l'importance de la francophonie et l'obligation pour les responsables français de s'exprimer en français lorsqu'ils prennent la parole devant ces organisations. Notre langue dispose du statut de langue internationale mais il faut veiller au respect de ce statut, y compris à l'égard des responsables français, qui trop souvent choisissent de s'exprimer en anglais.

M. Jean-Louis Carrère, président - Je rappelle que le français est avec l'anglais l'une des deux langues officielles de l'OTAN, tant au sein de l'organisation, qu'au sein de l'assemblée parlementaire. Tous les documents sont donc disponibles en français et en anglais et une traduction en français et en anglais est toujours prévue lors des débats. Face à la progression de l'anglais, il est donc très important de veiller au respect de notre statut et de rappeler l'obligation pour les responsables français de s'exprimer dans notre langue. Cette obligation a été fermement rappelée par le ministre d'Etat.

En ce qui concerne l'Europe de la défense, je pense qu'il serait très utile que notre commission suive avec attention les développements de la politique de sécurité et de défense commune, qu'il s'agisse des aspects institutionnels ou des capacités.

Je vous rappelle d'ailleurs que la France a pris des initiatives dans ce domaine, avec l'Allemagne et la Pologne dans le cadre du « Triangle de Weimar », ces pays ayant été rejoints par l'Espagne et l'Italie.

M. Xavier Pintat - Il me paraît très important que les membres de la délégation française à l'assemblée parlementaire de l'OTAN puissent rendre compte des travaux menés au sein de cette assemblée, mais qu'ils puissent aussi recueillir l'avis de leurs collègues parlementaires, en particulier au sein des commissions chargées des affaires étrangères et de la défense de nos assemblées, et c'est la raison pour laquelle je me félicite de l'initiative de notre président d'avoir organisé cet échange.

A propos de l'Allemagne, pays que je connais relativement bien, je voudrais dire que la situation de ce pays en matière de défense est plus complexe que l'image renvoyée par le refus de ce pays de participer à l'intervention en Libye. On constate, en effet, certaines divergences au sein de la coalition gouvernementale ou entre le Gouvernement et le Bundestag, qui ne sont d'ailleurs pas propres aux questions de défense, mais que l'on retrouve aussi dans d'autres domaines, par exemple à propos de l'euro. Cela peut expliquer certaines difficultés rencontrées récemment dans le couple franco-allemand et je suis naturellement assez inquiet dans la perspective du prochain Conseil européen au sujet de l'euro. Toutefois, je crois, moi aussi, que le couple franco-allemand est le véritable moteur de la construction européenne et je ne pense pas qu'il faille exagérer ces difficultés. Des tensions ont parfois existé, mais nos deux pays ont toujours su les surmonter. Il me paraît donc très important de veiller à la qualité de notre relation avec l'Allemagne et à renforcer notre concertation sur tous les sujets, y compris au niveau des assemblées parlementaires.

Je partage d'ailleurs votre avis concernant l'intérêt d'une coopération avec l'Allemagne, notamment en ce qui concerne la lutte anti-sous marine, les drones d'observation ou encore, concernant la défense anti-missiles, en matière d'intercepteurs.

Je pense aussi que les accords franco-britanniques en matière de défense, s'ils ont pu créer certains malentendus, ne sont pas contradictoires avec l'ambition de construire l'Europe de la défense mais qu'ils peuvent au contraire avoir un effet d'entrainement sur l'ensemble des pays de l'Union européenne. Je rappelle que ces accords ont d'abord été construits autour du nucléaire et que seuls nos deux pays disposent de l'arme nucléaire. Il était donc logique de mener une coopération en matière nucléaire entre la France et le Royaume-Uni, ce qui n'était pas évident au départ. C'est une marque importante de confiance. Ce n'est qu'ensuite que nous avons décidé d'élargir cette coopération à d'autres domaines, comme les drones, avec d'ailleurs parfois une certaine difficulté pour convaincre nos partenaires britanniques. Enfin, la France et le Royaume-Uni représentent à eux seuls 40 % de l'effort de défense au niveau européen ce qui peut avoir un effet d'entraînement sur les autres.

De la même manière, je ne vois pas de contradiction entre l'OTAN et l'Europe de la défense et je continue de penser que la réintégration pleine et entière de la France dans les structures et organes de l'OTAN a permis à la fois de renforcer notre influence au sein de cette organisation, et d'être pleinement associés à toutes les étapes du processus de décision, comme cela a été le cas lors de l'intervention en Libye, tout en levant un certain soupçon d'ambigüité sur notre positionnement auprès de nos partenaires européens, qui nous soupçonnaient parfois de vouloir construire l'Europe de la défense contre l'OTAN. Notre objectif doit être de poursuivre la construction de l'Europe de la défense tout en encourageant l'émergence d'un « pilier européen » au sein de l'Alliance, notamment dans l'optique d'un désengagement progressif des Etats-Unis de l'Europe au profit de l'Asie. Et je crois beaucoup aux coopérations à plusieurs pays en matière de défense, qu'il s'agisse de coopérations bilatérales ou multilatérales, dans le cadre des traités ou en dehors, de « coopérations renforcées » ou de la « coopération structurée permanente », etc. C'est de cette manière pragmatique que l'on parviendra réellement à faire progresser l'Europe de la défense.

Enfin, si je partage entièrement le souci de défendre le statut du français au niveau international et son caractère de langue officielle au sein de l'OTAN, nos interventions en plénière ou dans les commissions se font naturellement en français mais il est aussi important de veiller à ce que les délégués choisis pour siéger au sein de cette assemblée soient en mesure de parler anglais pour échanger avec leurs collègues lors des rencontres informelles.

M. Jacques Gautier - Je rappelle que l'intervention de l'OTAN en Libye s'appuie sur la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui consacre la notion de « protection des populations ».

Alors que l'on approche désormais de la fin de la phase purement militaire, avec la reddition des derniers îlots de résistance, et au moment où certains de nos alliés veulent se désengager au plus vite, il me semble important de ne pas nous détourner de la Libye car c'est maintenant que le Conseil national de transition va réellement avoir un grand besoin de notre aide pour mettre en place un Etat. Je crois donc qu'il ne faut pas relâcher notre attention et nos efforts mais, en répondant aux demandes du Conseil national de transition, modifier peut être la nature de notre intervention, en assurant par exemple temporairement la protection de l'espace aérien ou la sécurisation des frontières, notamment du Sud vers les pays du Sahel.

Enfin, concernant l'idée d'une coopération en matière d'industrie militaire avec l'Allemagne, je crois qu'il nous faut être prudent et tenir compte des leçons des expériences du passé. Cette coopération a parfois été très difficile et n'a pas toujours donné les résultats espérés. Je pense par exemple à l'Airbus militaire A400M.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam - Je viens d'assister à l'ouverture des Etats généraux de la promotion du français dans le monde, qui se tiennent actuellement au Quai d'Orsay et, dans son discours d'ouverture, le ministre des affaires étrangères et européennes, M. Alain Juppé, a rappelé fermement l'importance de la défense du statut de notre langue dans les enceintes internationales et l'obligation pour les responsables français de s'exprimer en français dans ces enceintes.

M. Jean-Louis Carrère, président - Je souhaite que chaque session ou chaque déplacement d'un ou de plusieurs membres de la délégation du Sénat à l'assemblée parlementaire de l'OTAN fasse l'objet d'un compte-rendu devant la commission.

Il est évident que l'angle d'analyse de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN est souvent différent et complémentaire du nôtre. Ces travaux constituent néanmoins une source d'information importante, tout comme l'étaient les rapports de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale (UEO).

Jeudi 20 octobre 2011

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Loi de finances pour 2012 - Missions Action extérieure de l'Etat et Aide publique au développement - Audition de M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation

La commission auditionne M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, sur le projet de loi de finances pour 2012 (missions Action extérieure de l'Etat et Aide publique au développement).

M. Jean-Louis Carrère, président. - Monsieur Masset, je suis heureux de vous accueillir, à nouveau, devant notre commission. Nous entendrons la semaine prochaine le ministre des affaires étrangères et européennes sur le cadre général du budget de son ministère. Nous souhaitons vous entendre aujourd'hui sur les deux programmes dont vous avez la responsabilité, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'Etat », le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement » ; le nouveau programme 332 consacré à la présidence française du G8 et du G20 nous permettra d'évoquer l'agenda international. Les crises et les tensions qui se succèdent depuis 1990, financières et monétaires, alimentaires, énergétiques, les déséquilibres mondiaux de toutes sortes - comme celui, assez exceptionnel, que nous vivons ces jours-ci -, sans oublier le combat difficile contre le changement climatique, conduisent à un même constat : la difficulté de les traiter efficacement et d'y apporter des solutions dans le cadre de l'ordre international existant. Cette situation appelle une gouvernance mondiale plus efficace, une adaptation des organisations existantes et une meilleure coordination entre elles. L'agenda international offre de nouvelles chances. Au-delà du budget, je souhaiterais que vous nous indiquiez, pour le sommet du G20 à Cannes en novembre, pour celui de Durban sur le climat en décembre, quels sont les objectifs de la France et la probabilité de les atteindre. Quels sont les progrès espérés en matière de gouvernance mondiale dans les années qui viennent ?

Sur le programme 185, nous souhaiterions savoir où en est la mise en place des nouveaux opérateurs institués par la loi relative à l'action extérieure de l'Etat. Disposeront-ils des moyens de fonctionner efficacement en dépit d'un contexte budgétaire très contraint ? A l'issue de votre intervention, je donnerai la parole à nos rapporteurs budgétaires, puis aux autres membres de la commission.

M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation. - Sur le programme 185, où en sommes-nous depuis l'adoption de la loi du 27 juillet 2010, consacrée à la rénovation de notre diplomatie culturelle et d'influence et qui a favorisé une prise de conscience et une action très fortes en ce domaine ? Nous avons avancé dans quatre directions.

En premier lieu, nous avons défini notre politique dans chaque secteur. Formation professionnelle, expertise, français, universités et diplomatie scientifique : chaque domaine a sa feuille de route. Ce chantier n'est pas tout à fait achevé. En ce moment même se déroulent les états généraux de la promotion du français, qui ont été ouverts hier par MM. Alain Juppé et Abdou Diouf et, en décembre, aura lieu un grand colloque sur la diplomatie culturelle qui achèvera le travail que nous avons mené avec le ministère de la culture et de la communication et l'ensemble des acteurs concernés. Dans chaque domaine, nous traitons avec tous les partenaires, avec les ministères, avec la société civile, selon la même démarche qui a abouti à notre document-cadre sur la coopération.

En deuxième lieu, nous mettons en place les opérateurs dont la création a été décidée par le Parlement. L'Institut français, dont M. Xavier Darcos est le président exécutif, fonctionne depuis le début de l'année. L'équipe est maintenant en place. Nous avons transféré 41 équivalents temps plein (ETP) du ministère des affaires étrangères à l'Institut, qui dispose d'un plafond d'emplois de 184 ETP. L'an prochain, nous transfèrerons 13 ETP supplémentaires des ministères de l'éducation nationale et de la culture, auxquels s'ajouteront les ETP correspondant à la mise en place de l'expérimentation. L'Institut français est aussi doté de moyens conséquents. CulturesFrance disposait de 28 millions d'euros, le nouvel établissement public pourra compter sur 48 millions d'euros, selon la présentation du projet annuel de performance (PAP), ce qui marque un saut considérable, pour reprendre les actions confiées précédemment à CulturesFrance et mener les actions nouvelles transférées par le ministère des affaires étrangères et européennes, dont les 10 millions d'euros correspondant aux 12 postes sous expérimentation, directement rattachés à l'Institut. L'Institut français, ça marche, c'est très visible.

Le nouvel opérateur France Expertise Internationale (FEI) intervient dans un domaine essentiel au rayonnement de notre pays et qui entraîne des retombées économiques considérables. Ces 20 dernières années, ce domaine a beaucoup évolué. L'expertise est prescriptrice et intéresse donc, en aval, nos entreprises. FEI, ça marche aussi : le nouvel établissement public est créé, son directeur général, M. Cyrille Pierre, est en poste depuis le 1er octobre, le président du conseil d'administration, M. Antoine Pouillieute, que vous avez connu à l'Agence française de développement puis comme ambassadeur au Brésil, a été nommé le 17 octobre.

Parmi les trois opérateurs créés par la loi, un seul n'a pas encore vu le jour : CampusFrance. Nous n'avons cependant pas perdu notre temps, la détermination du ministre d'Etat et du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est totale pour organiser ce regroupement d'Egide, de l'actuelle agence CampusFrance et des activités internationales du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS). La mobilité et l'attractivité sont des enjeux majeurs pour le rayonnement de la France. Tout est prêt. Il ne nous manque qu'une seule chose : nous assurer de la viabilité économique du nouvel opérateur. Nous voulons être certains que le secteur international du CNOUS transférera les emplois nécessaires au traitement des bourses que le nouvel établissement public devra gérer. La discussion se poursuit, au niveau des ministres et de leurs directeurs de cabinet, sur le décompte exact des ETP transférés. Il en va de la viabilité de l'opérateur. Comment pourra-t-il gérer plus de 30 000 bourses, sans un effectif suffisant ? Tout le reste, le modèle économique, le fonctionnement, etc. est planifié.

Nous sommes en train de préparer les contrats d'objectifs et de moyens de l'Institut français et de FEI. Pour l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), nous disposons d'un plan d'orientation stratégique et d'un contrat d'objectifs dans le cadre du plan de développement de l'enseignement français à l'étranger.

En troisième lieu, le réseau culturel français à l'étranger est à la fois plus visible, puisque tous les centres culturels vont désormais s'appeler instituts français, mais aussi plus cohérent et plus souple, avec la création dans chaque pays d'un établissement à autonomie financière (EAF) regroupant l'ensemble des activités culturelles, universitaires et d'enseignement du français, afin d'assouplir la gestion des moyens et de mutualiser l'ensemble des ressources. Notre dispositif se caractérise, d'une part, par la fusion entre les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et les EAF, (80 pays aujourd'hui, et 94 début 2013), et, d'autre part, par l'expérimentation voulue par le Parlement et qui entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 2012 -elle devait se dérouler dans 13 pays, nous en sommes à 12, la Syrie ne s'y prêtant pas actuellement.

La cartographie du réseau est le fruit de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et du regard nouveau que nous portons sur lui. Nous devrons rendre des postes dans le cadre de la « RGPP2 ». Nous voulons rendre l'exercice intelligent en redéployant notre dispositif géographique en fonction de l'avenir et non plus de l'héritage, en en déplaçant le centre de gravité de l'Union européenne, où il y a de nombreuses façons d'assurer une présence culturelle, qui ne passent pas toutes par l'implantation de centres culturels, vers les pays émergents et de nouveaux pays prescripteurs, de plus en plus importants pour le rayonnement de la France dans le monde.

En quatrième lieu, notre budget s'élève à 674,6 millions d'euros, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, en hausse de 1,7 %, due aux transferts, pour 7 millions d'euros, issus la fusion des SCAC et des EAF, qui ont amené des moyens de fonctionnement des programmes 105 et 209 vers le programme 185, et pour 4 millions d'euros de moyens obtenus par le ministre d'Etat pour abonder les bourses. A périmètre constant, ce budget diminue de 0,6 % environ, à comparer aux 2,5 % édictés par le Gouvernement pour le triennium. A cette aune, le budget de notre diplomatie culturelle et d'influence est un budget préservé...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Il diminue, mais moins...

M. Christian Masset - 420 millions d'euros, consacrés à l'enseignement français à l'étranger, correspondent à la subvention pour charge de service public à l'AEFE, qui est maintenue. Nous avons également maintenu les crédits destinés aux bourses, à hauteur de 80 millions d'euros. Le budget de l'Institut français, je l'ai dit, est supérieur à 47 millions d'euros. En revanche, la dotation de fonctionnement du réseau baisse, elle sera compensée par l'autofinancement et par des ponctions sur les fonds de roulement trop importants de certains EAF.

Les crédits du programme 209 sont maintenus, à 2 090 millions d'autorisations d'engagement et 2 113 millions d'euros de crédits de paiement, soit, hors titre 2, 1 868 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 1 891 millions d'euros de crédits de paiement. La part de l'aide multilatérale diminue grâce à l'obtention d'une meilleure clef de répartition du fonds européen de développement (FED).

L'augmentation de notre contribution au Fonds mondial contre le sida n'a pas été prélevée sur le budget, mais résulte d'un financement innovant (taxe sur les billets d'avion).

Les crédits bilatéraux amorcent une remontée, après avoir beaucoup baissé depuis dix ans. Ils s'élèvent à 320 millions d'euros en autorisations d'engagement, contre 260 millions d'euros il y a deux ans. Les crédits de la francophonie sont entièrement préservés, à hauteur de 56 millions d'euros. Cinq millions d'euros supplémentaires sont prévus pour le prochain sommet de la francophonie à Kinshasa.

J'en viens au programme 332, qui concerne le G20 et la gouvernance mondiale, pour lequel 80 millions d'euros ont été programmés pour la période 2010-2012. Nous sommes dans les clous. Le G20 de Cannes, dans moins de trois semaines, chacun en a bien conscience, sera extrêmement important, au moment où l'économie du monde entre à nouveau dans une phase dangereuse, comme en 2008-2009. C'est d'abord un ralentissement de la croissance, très fort aux Etats-Unis, marqué en Europe, et qui s'étend à l'ensemble de la planète (Chine, Inde et dans la plupart des pays émergents) - une contraction de la production manufacturière se profile en Asie. C'est ensuite une tension très forte sur les dettes souveraines, et pas seulement dans la zone euro, comme en atteste la réduction de la notation de la dette américaine elle-même. C'est enfin une préoccupation sur la force du secteur financier et bancaire. Il existe une tension sur la liquidité, qui est le sang de l'économie. Ces trois éléments interagissent et c'est ce qu'il faudra régler à Cannes.

Mais Cannes n'est pas Londres, où avait eu lieu en avril 2009 un sommet qui avait permis la reprise, en créant un choc de confiance. C'était, si j'ose dire, plus facile à l'époque, parce que chacun savait qu'il devait relancer l'économie, et que la plupart en avait les moyens, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Le premier objectif de Cannes est de trouver une réponse coordonnée, mais aussi différenciée à la crise mondiale, en traitant ces trois sujets. Chacun doit faire en sorte que cette réponse ait des effets positifs chez les autres, sachant qu'il y a des pays qui ont des moyens de relancer leur économie et que d'autres doivent privilégier la consolidation budgétaire. Pour être efficace, cette réponse doit traiter à la fois le court terme et le moyen terme. Ainsi, il importe que les Etats-Unis relancent leur économie, mais à moyen terme il leur faut également traiter le problème de la maîtrise de leur dette.

Nous travaillons actuellement sur un plan d'action pour la croissance. Chaque membre du G20 apportera sa contribution pour restaurer la croissance et la confiance. Est aussi posée la question de la révision des moyens du fonds monétaire international (FMI), qui devra pouvoir répondre à des chocs futurs. C'est dire combien le 23 octobre est attendu dans la zone euro. Pour restaurer durablement la confiance, l'on doit s'attaquer aux autres sujets qui déterminent la soutenabilité de la croissance et une meilleure régulation mondiale : volatilité des prix des matières premières agricoles et énergétiques, développement, dimension sociale de la mondialisation, régulation financière. Dans ces domaines, des résultats concrets ont été obtenus au niveau ministériel, sous notre présidence ; il reste maintenant à les mettre en forme. Il s'agit de faire le compte et de savoir ce qui sera endossé par les chefs d'Etat et de gouvernement à Cannes. Les deux volets, traitement de la crise et construction du monde d'après, pour une mondialisation mieux régulée, sont très importants.

Durban marquera une étape importante, pour avancer sur le financement du changement climatique (le « fonds vert ») ainsi que sur l'atténuation, et réfléchir aux mécanismes de vérification et de mesure des actions qui seront prises. On devra revenir sur les sujets non résolus à Cancun, où nous avions fait des progrès, et notamment envisager le prolongement de la deuxième période d'engagement du protocole de Kyoto (auquel les Etats-Unis ne font pas partie) : que fait-on à partir de 2013 ? Nous sommes toujours d'avis que la question doit être résolue dans le cadre d'un accord global qui conduira tous les pays qui ont des responsabilités en matière d'émissions à s'engager.

M. René Beaumont, rapporteur pour avis - Mes compliments pour votre esprit de synthèse, s'agissant d'un secteur qui n'est pas des plus importants financièrement, mais qui met en jeu des sujets extrêmement variés et complexes, avec de très nombreux partenaires, dans de nombreux pays du monde.

Votre budget est privilégié, dans la mesure où il ne diminue que de 0,6 %, alors que les autres baissent en moyenne de 2,5 %, ce qui montre l'importance que le Gouvernement accorde au développement et au rayonnement de la France dans le monde.

L'AEFE est confrontée, partout dans le monde, à une demande très forte, qui lui pose des problèmes évidents, car elle n'a pas les moyens de se développer autant qu'il serait nécessaire pour y répondre. J'ai été frappé, au Brésil, pour citer l'exemple le plus récent, par l'inadéquation entre une demande très forte et des structures totalement insuffisantes. Le problème immobilier est essentiel. L'AEFE gagne de l'argent grâce aux cours. Elle s'autofinancerait, si elle n'était face à ce problème. On lui oppose une loi récente, qui n'a pas été faite pour elle, mais pour les hôpitaux, et qui interdit d'emprunter à plus d'un an. Comment alors l'AEFE peut-elle construire de nouveaux établissements ? Ou nous obtenons une dérogation à ce texte, mais je doute que cela puisse franchir le mur de Bercy, ou nous lui accordons une dotation exceptionnelle, pour les trois ans à venir, qui lui permettra de finir les chantiers en cours et d'amorcer la pompe de la construction de nouveaux établissements. Que pensez-vous de ce frein au développement de l'enseignement français dans le monde, qui est une priorité de cette commission ?

Vous semblez assez positif sur la mise en place de l'Institut français. Etes-vous sûr que l'expérimentation débutera bien le 1er janvier 2012 ? Le décret n'a pas encore été pris. Pouvez-vous me confirmer votre optimisme ?

A-t-on fait le bilan des recettes de l'enseignement du français, en incluant les organismes extérieurs au réseau ? Les répercute-t-on suffisamment pour promouvoir l'enseignement du français à l'étranger ? Je me souviens de l'Alliance française en Serbie, particulièrement performante, financée en totalité par ses recettes de cours.

M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis. - La fragmentation de l'aide, la multiplication des intervenants aboutissent à des situations courtelinesques, ubuesques. En Tanzanie, les différents bailleurs de fonds auraient ainsi demandé aux pouvoirs publics de produire pas moins de 2 400 rapports ! Des consultants se nourrissent de cette déperdition ! La France est-elle en pointe pour que la prochaine conférence de Busan en Corée en décembre se penche sur ce problème ?

Sur l'évaluation, on en reste beaucoup, en France, au qualitatif. Or l'Angleterre, par exemple, a avancé sur le quantitatif. Que pensez-vous des méthodes anglaises ? Sont-elles pertinentes ? Pour plus d'efficacité de l'aide, ne peut-on aller vers plus d'évaluation quantitative ?

En tant que parlementaire français, je suis inquiet qu'on noie le FED dans le budget communautaire. Qu'en sera-t-il de notre contrôle ?

Enfin, si personne ne conteste les progrès permis par le Fonds mondial contre le sida, le constat d'un détournement de 40 millions à l'issue d'une évaluation portant sur 15 % des fonds, soit jusqu'à 200 millions si on l'extrapole à l'ensemble des crédits du fonds, a paru suffisamment important à l'Allemagne pour qu'elle arrête sa contribution. Où en sont les réformes pour une meilleure gestion de ce fonds et quelle est la position de la France ? Ne pourrait-on élargir ce fonds à d'autres épidémies que le sida ?

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. - Je me réjouis de voir que la diminution de l'aide multilatérale au profit de l'aide bilatérale coïncide avec le nouveau mode de calcul de notre contribution au FED, conforme à l'impact de la France dans les institutions européennes. Il y aurait beaucoup à dire sur la composition réelle des chiffres de l'aide publique au développement (APD) transmis par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Si l'on retire l'écolage, l'aide aux réfugiés, les éléments liés à la dette, on serait plus proche de 60 % du chiffre déclaré.

Je suis interpellé par le tassement de notre action dans les pays prioritaires. Certes, 60 % de notre aide est toujours destinée à l'Afrique, mais la part de l'Afrique subsaharienne diminue, de 53 % en 2004 à 47,5 % en 2009, et la part des pays les moins avancés chute de 41 % à 17 % - c'est inquiétant ! Les subventions accordées aux 14 pays les plus pauvres sont passées de 220 à 158 millions d'euros, soit environ 10 millions d'euros par pays, ou la construction d'une grosse école maternelle dans nos communes, mais est-on toujours dans une priorité ? J'ai pu en constater les conséquences sur le terrain, par exemple au Mali lors d'une mission avec notre collègue André Vantomme. Comment redonner à notre aide bilatérale de véritables moyens d'agir sur le terrain dans ces pays ?

L'action de l'Union européenne dans le domaine de la coopération et la création du service d'action extérieure ont suscité chez nous beaucoup d'intérêt. Mais sur le terrain, il y a quelque chose d'absurde à maintenir 27 politiques d'aide au développement. En Mauritanie et au Mali, il y a 27 agences de coopération et l'Union européenne agit comme un 28e partenaire. Les autorités locales ne savent plus à quel guichet s'adresser. Les procédures deviennent kafkaïennes. Il en résulte une forme de désenchantement par rapport à l'action de l'Union européenne. Comment la France peut-elle contribuer à une meilleure lisibilité de l'action de coopération au niveau européen et faire disparaître l'effet pervers du 28partenaire ?

Ma troisième question porte sur ce qu'il est désormais convenu d'appeler le printemps arabe et les actions poursuivies en faveur d'une transition vers des régimes stables et d'une amélioration de la situation sociale dans les pays concernés. Le partenariat de Deauville qui a suivi la rencontre de Marseille est-il à la hauteur du défi posé ? Les financements supplémentaires annoncés entrent dans le cadre communautaire ou multilatéral. L'AFD n'a finalement guère consacré de moyens supplémentaires à ce qui apparaît comme une priorité diplomatique. La France est très en avance, y compris sur le plan militaire, comme en Libye, mais est-elle à la hauteur ? C'est un sujet à suivre puisque le Président de la commission nous a invités à nous pencher en 2012 sur notre coopération avec la Tunisie et l'Egypte.

Enfin, le sommet de Durban permettra-t-il de réels progrès ? Nous nous souvenons qu'à Copenhague, seuls les Européens avaient pris des engagements, les pays en développement renvoyant à leur nécessité de croître, pour ne pas parler de l'attitude des Etats-Unis ou de la Russie, en faveur de la création d'un Fonds mondial de l'environnement. Le sommet de Durban, convoqué pour dégager d'importants moyens de lutte contre le changement climatique, accouchera-t-il, comme d'autres avant lui, d'une petite souris ?

M. Christian Masset. - Pour faire face à la demande croissante adressée à l'AEFE, évoquée par M. René Beaumont, nous développons le label « France éducation », portant sur un enseignement bilingue avec un cursus français renforcé, où peuvent intervenir des enseignants titulaires français, en particulier dans les pays où les systèmes scolaires sont solides, comme les pays européens. A la prochaine rentrée, nous ouvrirons 20 classes sous ce label, principalement en Europe. Nous sommes très attentifs à la situation au Brésil, où un grand chantier est en cours à Brasilia et où nous cherchons des solutions pour construire à Sao Paolo. Le financement de l'immobilier est en effet un sujet majeur. La dérogation, nous nous sommes battus pour l'avoir l'an dernier, mais en vain. Nous sommes en train de dégager une solution : nous pensons créer un fonds qui recueillera des prêts de l'AFT permettant l'amorce à laquelle vous faites allusion. Ce fonds sera ensuite alimenté par les remboursements des familles.

Quant aux recettes, le réseau culturel public français (sans l'Alliance) lève au minimum - compte non tenu des apports en nature - 140 millions d'euros dont 70 millions d'euros de recettes de cours. Les recettes de l'Alliance française s'élèvent à environ 100 millions d'euros par an. Notre idée est de développer tout cela, c'est pourquoi l'Institut français investit entre autres sur les outils numériques et la certification de la qualité.

L'expérimentation est en cours. Il n'est pas nécessaire de prendre un nouveau décret. Un arrêté a été signé pour 13 pays, qui en concerne 12 en pratique. Nous tenons le 28 novembre une troisième réunion avec l'ensemble des postes expérimentateurs. L'expérimentation commencera bien le 1er janvier 2012. Je me garderai bien à ce stade de juger ce que cela donnera, nous le verrons dans un an.

Monsieur Peyronnet, la fragmentation de l'aide est une préoccupation majeure, qui fait l'objet de la 4e conférence sur l'efficacité de l'aide qui a lieu en décembre à Busan. Il faut tout d'abord jouer sur la concentration, entre les pays, par secteur. Il faut ensuite développer la programmation conjointe au niveau européen. C'est un chantier en cours. C'est plus facile dans des pays comme la Guinée-Conakry, où la coopération reprend, que dans des pays où existent des programmes bien établis. Enfin, il faut travailler ensemble pour développer la mutualisation d'action entre les fonds verticaux, par exemple dans le domaine de la santé. Cela concerne le renforcement des systèmes de santé et du personnel hospitalier. Nous sommes en charge du G8 ; nous avons demandé aux pays qui en sont membres de travailler sur la fragmentation dans le domaine de la santé, afin d'aboutir à une meilleure coordination.

La réponse à votre question sur l'évaluation n'est pas évidente. Les Britanniques ont en effet une approche clairement orientée vers les résultats. Mais c'est une approche partielle, qui ne prend pas en compte l'impact global sur le développement. On peut mesurer l'efficacité d'un euro dépensé dans tel secteur, mais ce qui est en jeu est plus complexe. L'approche par les résultats est sans doute nécessaire mais elle n'est pas suffisante. A Busan, ce qui est en cause, ce n'est pas l'impact de l'aide, mais l'impact du développement, ce qui suppose une approche globale.

Nous maintenons que le FED doit être intégré dans le budget de l'Union européenne et suivre les mêmes procédures. La clé de répartition devrait être la même et le Parlement européen devrait exercer sa responsabilité comme sur les autres programmes sans que cela diminue la compétence du Parlement français.

Le rapport de la mission d'inspection internationale fait apparaître que ce n'est pas le Fonds mondial de lutte contre le sida qui a fauté mais que c'est au niveau des récipiendaires de second rang que des financements se sont « évaporés ». On est donc en train de resserrer les procédures. Plus globalement, c'est le modèle économique du Fonds qui doit être repensé dans la mesure où l'augmentation de ses engagements, par définition relativement longs, auprès des malades, se traduit mécaniquement par une contrainte sur ses capacités d'intervention nouvelles. Le Fonds va donc être désormais amené à prioriser davantage ses actions.

Le partenariat de Deauville, c'est la mobilisation des moyens, la coordination et l'intégration régionale. Le printemps arabe constitue bien entendu un sujet majeur de la présidence française du G8. La mobilisation est là : les institutions financières consacreront à ces pays 38 milliards d'euros entre 2011 et 2013, dont 2,5 milliards d'euros mobilisés par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) qui, jusqu'alors, n'intervenait pas dans cette zone géographique. La coopération bilatérale des pays du G8 et des pays du Golfe sera elle aussi renforcée. Quant à l'aide française, elle place notre pays parmi les deux ou trois premiers bailleurs avec une contribution globale de 2,7 milliards d'euros versée par l'AFD pour la période 2011-2013, ce qui permettra, par exemple, d'augmenter nos financements en Egypte de 200 millions d'euros au-delà de ce qui était programmé.

Coordination des institutions financières, ensuite, grâce à la plate-forme mise en place par la banque africaine de développement (BAD), le premier bailleur multilatéral sur la région (déjà un milliard de dollars de prêt à la Tunisie). Son Président, M. Donald Kaberuka, nous a d'ailleurs précisé qu'il mettait dix personnes à la disposition de cette plate-forme.

Monsieur Cambon, vous êtes l'un des pères du document-cadre de développement. Oui, la part des quatorze pays prioritaires dans l'aide publique au développement (APD) diminue du fait de l'octroi de prêts à d'autres bénéficiaires mais elle ne diminue pas si l'on regarde les dons. La principale façon d'aider ces pays aujourd'hui, ce sont les dons et ceux-ci devraient représenter plus de 50 % de la part de notre aide. En outre, nos moyens sont renforcés puisque les autorisations d'engagement qui étaient inférieures à 300 millions d'euros en 2010, atteindront 310 millions d'euros en 2011 et 324 millions d'euros en 2012. Dans ce cadre, le fonds de solidarité prioritaire (FSP) passera par exemple de 25 à 50 millions d'euros, l'augmentation étant consacrée à la santé maternelle et infantile qui est l'un des problèmes majeurs rencontrés dans ces quatorze pays. Nous nous battons pour obtenir le meilleur budget possible, ce qui n'est pas facile dans le contexte financier. Il est en hausse pour la coopération bilatérale et il se concentre en priorité sur ces pays. Tout ceci figure dans le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD.

S'agissant de Durban, je n'ai pas dit qu'il fallait en attendre des étoiles et des étincelles. L'important est de maintenir la pression, afin de pouvoir profiter de fenêtres d'opportunités qui se présenteront tôt ou tard car, plus on attend, et plus cela va coûter cher. J'espère que nous parviendrons à progresser vers la mise en place d'un cadre global dans lequel les pays développés et les pays émergents pourront s'engager.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Merci beaucoup messieurs les rapporteurs. Pour prendre une image, je dirai que ce budget ressemble au palier d'un escalier - un palier bas et non un palier haut. M. Alain Juppé nous disait lui-même que l'on est à un niveau où, si l'on commence à toucher à quoi que ce soit, il n'y aura pas d'autre choix que de fermer des ambassades et qu'il faudra alors lui dire lesquelles.

M. Christian Cambon et Mme Hélène Conway Mouret - Il disait que l'on est arrivé à l'os.

M. André Dulait. - L'Institut de Tachkent qui a, comme vous le savez, connu des difficultés. Où en est-on de sa transformation ?

Mme Hélène Conway Mouret. - Je me félicite des objectifs d'excellence que vous fixez à notre diplomatie culturelle et d'influence, mais je souhaiterais revenir sur quelques faiblesses qui risquent d'entraver leur réalisation. La première concerne la suppression des emplois de titulaires dans notre réseau d'enseignement à l'étranger. Aucune création de poste n'est envisagée et dès qu'un poste se libère, il est réaffecté en Asie, ce qui a des conséquences lourdes sur notre réseau d'établissements en Europe. Comment envisagez-vous l'avenir de l'ensemble de ces réseaux ?

Vous êtes passé assez rapidement sur la dotation réduite du réseau, en indiquant qu'elle serait compensée par des recettes d'autofinancement. Que se passera-t-il si ces dernières ne sont pas au rendez-vous ?

Enfin, où en est-on des discussions en vue de la signature de la convention entre l'Institut français et l'Alliance française ? Celle-ci n'avait pas été vraiment consultée lorsque celui-là a été mis en place, alors qu'elle représente les deux tiers du réseau. Est-elle davantage partie prenante aux discussions aujourd'hui ?

M. Christian Masset. - Les problèmes rencontrés avec les autorités ont effectivement conduit à la fermeture de l'Institut de Tachkent. Il faut absolument le préserver : nous sommes tout à fait conscients du facteur de rayonnement que cette institution constitue dans une région par ailleurs très disputée. Ses effets sur la présence française se font ressentir jusqu'à 1 500 kilomètres à la ronde.

M. André Dulait. - Tout à fait !

M. Christian Masset. - Notre objectif est bien sa réouverture et non sa fermeture définitive. Pour l'heure, nous procédons à la redistribution des chercheurs dans les postes de la région.

Concernant les postes d'enseignants titulaires résidents et expatriés, nous sommes dans une phase de stabilisation qui fait suite à des périodes de baisses importantes. Nous sommes parvenus à conserver des expatriés, ce qui n'était pas évident dans le cadre de la RGPP. Toutefois, cela était essentiel, d'une part pour disposer de personnels à qui confier des responsabilités d'encadrement des établissements en plus de leurs responsabilités pédagogiques, et, d'autre part afin de pouvoir proposer des rémunérations attractives dans les pays particulièrement difficiles.

Mme Hélène Conway Mouret. - Et l'Europe ?

M. Christian Masset. - Là nous sommes obligés de faire avec la contrainte, mais toujours en veillant à la qualité de l'enseignement. L'on ne supprime jamais de poste au détriment de la qualité. Je me suis battu pour maintenir le principe de 50 % de titulaires : c'est notre objectif stratégique pour la qualité du service public, notre boussole.

La restriction de la dotation de fonctionnement des centres culturels n'a été décidée qu'après un examen approfondi. Elle est d'autant plus supportable que nous revoyons la cartographie du réseau. Si un centre rencontre des problèmes de viabilité économique durable, nous devons fermer. C'est par exemple ce qui s'est passé à Stockholm où, malgré un plan de redressement, notre centre ne fonctionnait pas. Mieux vaut employer l'argent public ailleurs. C'est d'ailleurs ce que font, et de façon plus vigoureuse, le Goethe Institut ou le British Council.

Vous avez raison de mettre l'accent sur les relations entre l'Institut français et l'Alliance française et notamment les préoccupations de cette dernière face à la création du nouvel acteur qui s'accompagne de la création d'une appellation commune, celle des « instituts français ». Le réseau culturel doit marcher sur ses deux jambes : une jambe publique constituée des instituts français et une jambe associative représentée par les Alliances françaises. Celles-ci bénéficient d'ailleurs d'un soutien public à travers la mise à disposition de trois cents personnes et l'accès aux subventions, puisque sur les 37 millions de budget de l'Institut, hors expérimentation, 10 à 15 millions sont distribués au réseau et donc aussi aux Alliances françaises. Nous sommes parvenus à ce qu'il n'y ait pas de doublon entre les deux réseaux. Enfin, s'il y a des préoccupations, nous en parlons. Nous poursuivons un dialogue à trois entre les deux institutions et le ministère, ce qui nous donnera l'occasion, par exemple, de nous réunir très prochainement autour de Jean-Pierre de Launoit, ce président extraordinaire de la Fondation Alliance française.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Monsieur le directeur général, merci beaucoup pour vos explications et pour vos réponses à nos questions qui nous ont permis de mieux comprendre les intentions qui ont présidé à ce projet de budget. Dans le prolongement de ces travaux, nous procéderons d'ailleurs, le 9 novembre prochain, à une audition conjointe avec nos collègues de la commission de la culture de M. Xavier Darcos, Président exécutif de l'Institut français.

Cyberdéfense - Désignation d'un rapporteur

M. Jean-Louis Carrère, président. - Nous devons désigner un rapporteur sur la cyberdéfense pour succéder à M. Roger Romani. Je propose M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel est nommé rapporteur sur la cyberdéfense.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je rappelle aux groupes qu'ils doivent désigner tous les candidats aux travaux sur les quatre axes thématiques concernant la révision du Livre blanc sur la défense.