Mardi 2 novembre 2010

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Loi de finances pour 2011 - Audition de M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives

La commission procède à l'audition de M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives, sur le projet de loi de finances pour 2011.

M. Jacques Legendre, président. - Nous allons entendre M. le Ministre présenter son budget pour 2011, qu'il soit le bienvenu !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives. - Les crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative », en augmentation de 10 %, visent trois priorités : le soutien à l'initiative et à l'engagement des jeunes, avec des crédits qui passent de 66,2 millions à 110,8 millions, par la montée en charge du service civique ; le développement des actions d'insertion des jeunes, avec des crédits qui passent de 77,9 à 53,7 millions, baisse optique qui tient essentiellement à ce que les actions du fonds d'expérimentation jeunesse monteront en charge en 2012 ; enfin, le soutien à la vie associative, qui bénéficiera d'une enveloppe inchangée, à 47,8 millions, laquelle ira principalement aux postes fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) et aux têtes de réseau.

Par souci de cohérence, j'ai rassemblé avec les crédits du service civique les autres actions qui peuvent s'y apparenter, notamment celle d'Envie d'agir.

À ce propos, je veux réagir à un communiqué de presse de M. Demuynck, pour les inexactitudes qu'il contient. J'ai été un parlementaire assidu, dès 1992, j'ai rapporté des textes importants, sur la décentralisation, sur le revenu de solidarité active (RSA), j'ai été secrétaire d'État et ministre délégué, avant de devenir ministre de plein exercice : j'ai donc quelque expérience de la vie politique et administrative. Aussi, je suis très surpris que M. Demuynck ait publié un communiqué par deux fois erroné, alors qu'il n'avait pas donné suite à mes trois propositions de rencontre ! (M. Demuynck s'exclame) Première inexactitude : il n'est pas vrai que la campagne d'information sur le service civique ait été supprimée, la première vague a eu lieu en octobre, une seconde est imminente et 10 300 jeunes se sont déjà porté candidats. Nous tenons donc les engagements de mon prédécesseur, et M. Hirsch est intervenu sur les ondes pour dire son plein accord avec notre façon de faire.

Il n'est pas vrai non plus qu'Envie d'agir soit supprimée : comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, et parce que je considère normal de réserver la primeur de ces informations aux parlementaires, j'ai décidé de maintenir inchangée cette action, après avoir envisagé de la reformater et avoir constaté l'émoi qu'une telle perspective avait provoqué. L'action est donc maintenue, avec les mêmes objectifs, les mêmes modalités, et les mêmes crédits.

Si M. Demuynck avait bien voulu me rencontrer, je lui aurais dit tout cela de vive voix...

M. Jacques Legendre, président. - Nous donnerons la parole à notre rapporteur pour avis sur la mission « Jeunesse et vie associative » M. Lozach, mais j'inscris d'ores et déjà M. Demuynck juste après, car je ne doute pas qu'il réagira à vos propos qui ne manquent pas... de vivacité ! Le moins qu'on puisse dire, c'est que le débat est ouvert.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Je me devais de réagir, étant donné les inexactitudes du communiqué de presse que j'ai cité.

Pour en revenir au programme 163, après avoir prévu 40 millions pour les 10 000 jeunes du service civique en 2010, nous prévoyons pour l'an prochain 97 millions pour 15 000 volontaires, avec la perspective de 20 000 jeunes et 134 millions en 2012. Il est vrai que les ambitions initiales étaient plus importantes : elles ont été réduites après un arbitrage du Premier ministre. En tout état de cause, nous constatons un véritable engouement pour le service civique, les candidats ne manquent pas et le travail devant nous concerne davantage l'offre.

Le fonds d'expérimentation jeunesse est abondé de 35 millions, ce qui le porte à 75 millions, auxquels s'ajoutent 58 millions du plan de relance et 25 millions pour les laboratoires d'expérimentation jeunesse. L'analyse de ce fonds mérite quelques explications : M. Hirsch avait engagé 300 expérimentations, j'ai retenu celles qui sont les plus structurantes, pour les inscrire dans la nouvelle politique que représentent les laboratoires d'expérimentation jeunesse. Ces laboratoires visent toutes les actions d'insertion sociale et économique, l'aide à la mobilité des jeunes, aussi bien que leur engagement citoyen, ils sont financés par l'État, aussi bien que par les collectivités territoriales, par leurs établissements, et par le privé : nous en attendons un effet levier important, sur le modèle de ce qui s'est fait avec la rénovation urbaine. Nous dotons le fonds de 24 millions cette année, pour tester les laboratoires sur huit territoires, qui représentent un dixième de la population. Le privé, avec l'union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) et Total, apportent 55 millions.

Les autres crédits vont au renforcement de l'information des jeunes, à l'aide à la mobilité, à l'office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ), à l'office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ), à l'institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP), ou encore à l'accès des jeunes les plus défavorisés aux métiers de l'animation sociale.

Le soutien à la vie associative conserve 47,8 millions, les 3 millions du conseil national de la vie associative (CNVA) sont sanctuarisés et permettront la formation des bénévoles, les postes Fonjep se voient attribuer une enveloppe de 25 millions, inchangée malgré les restrictions budgétaires.

Par nature, la politique en direction de la jeunesse est transversale, interministérielle. Je fais de l'orientation avec mon collègue de l'Éducation nationale, de l'insertion avec le ministre de l'emploi, de l'aide au logement avec mon collègue au logement. Pour la première fois, le document de politique transversale retrace l'importante mobilisation de l'État pour les jeunes : un total de 75,2 milliards, dans un budget de maîtrise de la dépense publique. Pour aller plus loin, nous devrons en passer par un changement en profondeur de la gouvernance de certains des dispositifs.

M. Jacques Legendre, président. - J'ouvre le débat, non sans préciser que notre commission, même si ce n'est pas dans son titre, est compétente pour les questions touchant à la jeunesse et à la vie associative.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis. - Votre budget n'est pas facile à comparer d'une année sur l'autre, étant donné ses changements de périmètre. Il faut relativiser la hausse que vous affichez puisque le service civique représente déjà 46 % de votre budget et que vous annoncez 10 300 candidats alors qu'il devrait déjà y avoir 10 000 recrutés cette année...

La révision générale des politiques publiques (RGPP) est passée par les services déconcentrés de l'État : elle se traduit par la suppression de 4 500 emplois équivalent temps plein. Vos services étant regroupés avec d'autres au sein de directions interministérielles départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations, quelles y seront les réductions d'effectifs, avec quelles conséquences sur leurs capacité d'action ?

Vous vous félicitez que les crédits de l'action « Développement de la vie associative » passent de 12,2 millions à 13,4 millions, mais considérant que 3 millions consacrés à la formation des bénévoles sortent cette année de la ligne, il serait plus juste de dire que les crédits de cette action passent de 15,2 millions à 13,4 millions.

Sur Envie d'agir, je laisse volontiers la parole à M. Demyunck, même si comme lui je constate qu'une circulaire du mois d'août annonçait la fin du dispositif, et que le site internet n'en n'est plus accessible depuis.

S'agissant de l'observatoire de la jeunesse, ne craignez-vous pas que son action double celle de l'INJEP ?

Ne redoutez-vous pas, ensuite, que la réforme en cours des collectivités territoriales ne fragilise les politiques publiques en direction de la jeunesse ? La commission mixte paritaire (CMP), qui se réunira demain, va manifestement supprimer la clause de compétence générale : n'y voyez-vous pas un risque que les collectivités territoriales ne se désengagent ?

Enfin, quel bilan faites-vous du nouveau RSA jeunes ? Les conditions d'accès n'en sont-elles pas trop restrictives, puisqu'il faut que les jeunes aient travaillé deux ans dans les trois précédentes années ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Le service civique a déjà enregistré 10 300 candidatures, nous avons activé les grandes têtes de réseau et notre travail va s'orienter désormais vers les réseaux locaux, via les associations départementales de maires, car les communes, leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou encore les associations d'utilité publique peuvent recourir au service civique. Dans un déplacement récent, j'ai constaté qu'un centre de gestion de la fonction publique territoriale avait un projet pour un volontaire.

La montée en puissance du service civique est donc conforme à nos attentes, notre campagne de communication a produit les effets que nous en attendions.

Le chiffre de 4 500 suppressions d'emploi portait sur toutes les actions sociales, dont beaucoup ne relèvent pas de mon ministère ; dans mes services, la RGPP se traduit par la suppression de seulement 15 emplois équivalent temps plein.

S'agissant du soutien à la vie associative, mon intention est bien de « reformater » les aides, en nous appuyant davantage sur les têtes de réseau dans le cadre de conventions pluriannuelles d'objectifs. Quant aux 3 millions du CNVA, ils sont sanctuarisés.

Nous lançons les laboratoires d'expérimentation jeunesse, qui préfigurent les changements que nous souhaitons dans la politique en direction de la jeunesse, politique encore trop dispersée et qui a vocation à s'allier davantage les têtes de réseau, tout en s'appuyant sur les postes Fonjep. L'État et les collectivités territoriales s'associent, c'est le cas dans le Nord-Pas-de-Calais, où l'État apporte 4 millions et la région tout autant, puis le privé 2 millions. Il faudra aller plus loin dans la réflexion, pour conforter les politiques de cohésion sociale, qui passent aussi par un « reformatage » de la politique de la ville.

Je répète que nous maintenons l'action Envie d'agir, avec des crédits inchangés. Mes services n'ont pas envisagé de la supprimer, mais seulement de la suspendre. Devant l'émoi provoqué par cette perspective, j'ai demandé un audit rapide de l'ensemble des actions conduites, j'ai consulté, et c'est ensuite que j'ai annoncé, devant les députés, ma décision de maintenir Envie d'agir.

L'Observatoire de la jeunesse, ensuite, sera très bien articulé avec l'INJEP puisque c'est cet institut national qui en assurera l'ingénierie et l'animation. Nous avons besoin de mieux connaître la jeunesse, l'institut national est le mieux à même de nous y aider. Sait-on par exemple que trois jeunes sur quatre se préoccupent plus du sens de leur futur travail que des revenus qu'il leur apportera ? Que deux sur trois sont intéressés par l'engagement dans un service civique ? Les jeunes veulent s'engager, donner un sens à leur vie : ils ne sont pas tels que les plus âgés les voient et ce décalage ne date pas d'aujourd'hui.

Sur la réforme des collectivités territoriales, je me garderai bien de prédire ce que la CMP décidera. Par ma longue expérience de parlementaire, je sais que la CMP est à même d'élaborer un compromis empreint d'équilibre et de bon sens. M. Legendre m'est témoin qu'à titre personnel, j'avais dit ma préférence pour le texte du Sénat. Quant aux financements croisés, ils continueront d'être le mode courant de la politique en direction de la jeunesse.

Il est encore trop tôt pour faire le bilan du RSA-jeunes, pour lequel j'ai repris mot pour mot le décret préparé par mon prédécesseur. Les conditions sont restrictives, ce sont celles que M. Hirsch avait décidées. Nous en étions fin septembre à 5 636 dossiers, qui concernent surtout des 22-25 ans relevant du RSA-activité. Il paraît raisonnable de tabler sur 15 000 bénéficiaires, mais nous fonctionnons à guichet ouvert : le RSA- jeunes est un droit, le budget s'adaptera. Il en va comme pour le RSA-activité, dont le flux financier a augmenté de 57% depuis juin, pour atteindre 110 millions par mois. Faut-il aller plus loin ? La question devra être examinée à l'avenir, comme pour les autres droits sociaux. Pour ce qui est de mon action, j'ai appliqué exactement ce à quoi mon prédécesseur s'était engagé, dans le sens du discours que le Président de la République a prononcé en Avignon en septembre 2009.

M. Christian Demuynck. - Monsieur le Ministre, vous me faites trop d'honneur en me citant en préambule à la présentation de votre budget. Je suis également un parlementaire aguerri, puisque je suis entré pour première fois au Parlement en 1986 comme député, et c'est à ce titre que je crois savoir qu'un parlementaire n'a pas à demander un rendez-vous individuel à un ministre pour être informé !

Je maintiens mon propos : les engagements pris par votre prédécesseur n'ont pas été tenus. Vous vous félicitez de disposer de plus de 40 millions pour le service civique, mais vous n'avez pas communiqué auprès des jeunes sur le service civique avant le mois d'octobre, alors il est bien normal qu'ils se présentent encore peu nombreux ! Il fallait, comme il en avait été convenu, communiquer avant l'été, pour que les jeunes puissent intégrer cette perspective dans leurs projets, mais vous avez attendu l'après-rentrée ! Vous n'avez fait qu'une toute petite communication, via internet et la radio, mais rien dans la presse ! Vous annoncez une deuxième vague imminente de communication, mais vous n'en n'avez pas encore l'autorisation formelle et on voit mal comment les choses se feront avant la fin de l'année... Dans ces conditions, le budget du service civique ne peut être que réduit, comme il en est allé pour le service civil. Bien sûr les jeunes s'intéressent au service civique, et avec eux les élus, les associations, tous ceux qui s'engagent au service de leur pays. Mais ils n'ont aucune information, parce que vous ne communiquez pas ! Les engagements ne sont donc pas tenus.

L'objectif initial était de 25 000 volontaires pour 2011, vous vous félicitez de le ramener à 15 000 ! On projetait d'atteindre 10 % d'une classe d'âge en 2014, l'objectif est repoussé de trois ans... Pendant ce temps, des jeunes qu'on pourrait aider ne trouvent pas de solutions : nous perdons un temps précieux, et, sur le terrain, tous ceux à qui l'on a annoncé un service civique digne de ce nom, nous prennent pour des fantaisistes.

Sur Envie d'agir, ensuite, nous prenons acte de votre décision récente. Mais notre inquiétude était tout à fait légitime puisqu'une circulaire du 12 août dernier annonçait la fin de cette action !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Elle ne porte pas ma signature !

M. Christian Demuynck. - Mais un directeur de votre administration y précise pourtant qu'Envie d'agir ne sera pas reconduite l'an prochain et il remercie tous ceux qui s'y sont engagés jusqu'à aujourd'hui... Or, Envie d'agir est très importante pour les jeunes, en particulier ceux des quartiers difficiles. Vous la rétablissez, pourquoi ne communiquez-vous pas ? Et si vous maintenez les crédits, sur quelle ligne budgétaire allez-vous les prendre ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Ce n'est pas la première fois dans l'histoire politique et administrative de notre pays que des arbitrages doivent être revus d'une année sur l'autre. La maîtrise des dépenses publiques est prioritaire, les arbitrages en tiennent compte. Bercy voulait maintenir le chiffre de 10 000 volontaires rémunérés, je demandais 25 000 et j'ai obtenu 15 000, vous savez bien comment cela se passe. M. Hirsch a reconnu à la radio que cet arbitrage était dicté par l'objectif de maîtrise des dépenses publiques, cela ne signifie pas l'abandon du service civique ! Je ne fais ici que vous décrire une réalité. Au total, j'ai obtenu 66 millions dans la négociation budgétaire, en mobilisant en particulier 24 millions qui n'ont pas été dépensés cette année et que Bercy aurait bien placés ailleurs... À chacun sa vérité.

S'agissant de la communication, nous avons eu recours à une agence spécialisée, et c'est sur son conseil que nous avons préféré communiquer à la rentrée plutôt qu'au mois de juin. Le résultat est plutôt bon, puisque le site a été visité 165 000 fois par des internautes et que 10 300 jeunes se sont porté candidats. La difficulté réside maintenant plutôt du côté de l'offre, pour mieux l'organiser. Nous allons lancer la deuxième campagne de communication, qui va amplifier le mouvement. En tout cas, vous me trouverez toujours en première ligne de la négociation budgétaire, au service de la jeunesse.

Enfin, si mes services ont envisagé de suspendre Envie d'agir, et non de la supprimer, c'est en tenant compte du service civique et des laboratoires d'expérimentation jeunesse, qui partagent la même philosophie. Ensuite, si j'ai décidé de maintenir cette action, c'est en entendant l'émoi provoqué par les changements envisagés, et il m'a paru bien naturel d'en informer les parlementaires en premier, dans le cadre de la discussion budgétaire.

Quant au budget proprement dit, Envie d'agir représente 3,7 millions : c'est 1,5 % de mon budget, je les mobiliserai par redéploiement, sans besoin d'une ligne spécifique.

M. Jacques Legendre, président. - Nous venons d'assister à ce que l'on appelle en sport un échange franc et viril. Et j'ai cru entendre qu'une course au plus ancien parlementaire était lancée : ayant été élu député dès 1973, je veux bien participer !

Notre rapporteur est fondé à poser toute question qu'il estime légitime à M. le ministre, de même qu'à en attendre une réponse, et M. Demuynck peut lui aussi poser toute question, il y est particulièrement autorisé, puisqu'il avait rapporté la loi sur le service civique.

M. Jean-Pierre Plancade. - Le RDSE n'y est pas pour rien non plus !

M. Jacques Legendre, président. - C'est l'occasion pour moi de vous inviter au prochain « Rendez-vous du Sénat », voulu par le président Larcher, qui, dans ma bonne ville de Cambrai, sera consacré le 18 novembre prochain au service civique, à la formation et à l'orientation des jeunes, ainsi qu'à leur accès à l'emploi. Dans le centre universitaire de la ville, nous y entendrons en particulier M. Demuynck et vous-même, monsieur le ministre : une occasion de poursuivre le débat, sur le terrain !

Mme Claudine Lepage. - Au mois de juillet dernier, j'ai eu l'occasion de rencontrer dix jeunes envoyés en Haïti dans le cadre du service civique. Leurs conditions d'intervention étaient particulièrement déplorables. Monsieur le ministre, comment le service civique opère-t-il à l'étranger ? Quelles sont les conditions d'accueil et d'intervention des jeunes qui s'y engagent ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Le service civique a vocation à s'appliquer à l'étranger aussi bien que sur le territoire national. J'ai rencontré des jeunes au retour d'Haïti : il est vrai que la logistique a posé de gros problèmes, il faut en tirer les enseignements.

J'ai signé à Londres une convention avec l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), pour que les établissements français participent à l'accueil de volontaires du service civique, en lien avec l'association de M. Godefrain. Nous devons encore promouvoir et conforter le dispositif, c'est une évidence, tout est allé très vite depuis son adoption.

Mme Bernadette Bourzai. - Je m'inquiète des conséquences de l'article 54, qui supprime le versement rétroactif de trois mois d'aide personnalisée au logement (APL) lors du premier versement de cette aide. En effet, les associations d'insertion perçoivent souvent cette aide, via le tiers payant, en particulier les foyers de jeunes travailleurs : la fin du versement rétroactif de trois mois d'APL risque de les fragiliser financièrement. Or, dans le cadre de la mission « Jeunes » du Sénat présidée par Mme Le Texier, nous avons tous souligné le rôle essentiel du logement pour l'autonomie des jeunes et le passage à l'âge adulte. Un président de foyer m'a saisie de cette question, elle touche des structures très diverses.

Il est aussi question de supprimer l'aide à la gestion locative sociale. Cela fait beaucoup. Pouvez-vous nous rassurer ?

Mme Marie-Agnès Labarre. - Le service civique nous préoccupe. Nous avions été très réticents sur l'âge de 16 ans et les possibilités ouvertes aux seniors nous paraissaient incongrues ; nous nous inquiétions aussi pour les indemnités. Votre prédécesseur nous avait promis un rapport plus détaillé sur les âges et sur les fonctions. Pourriez-vous prendre l'engagement de nous en remettre un d'ici six mois ?

M. Jean-François Voguet. - Si votre budget passe de 193 millions à 212 millions, 60 % des crédits vont au service civique et au fonds d'expérimentation pour la jeunesse qui n'existaient pas il y a deux ans. Il y a donc ailleurs des diminutions, que l'on peut chiffrer à 25 %. Toutes les actions de proximité liées aux communes sont touchées ; les maires le constatent, les associations manquent de moyens. Allez-vous demander aux collectivités de prendre en charge ces actions ?

M. Yannick Bodin. - On a déjà parlé de la montée en puissance du service civique. J'avais voté la proposition de loi, mais j'ai le sentiment qu'il y a un retard à l'allumage. Je circule beaucoup parmi les jeunes : il est préférable de ne pas réaliser de sondages ! Je suis consterné de constater qu'à peine un étudiant ou un lycéen sur cinquante sait de quoi il s'agit.

M. Pierre Martin. - Vous parlez du soutien à la vie associative quand vos prédécesseurs parlaient de soutien au bénévolat. Quand celui-ci fond comme neige au soleil, comment remotiver les gens ? Votre ministère et celui des sports participent au parcours animation sport. La diminution de vos crédits signifie-t-elle que vous lui substitueriez le service civique et que deviendra cette action ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Quand j'étais ministre du logement, le ministère du budget proposait déjà de supprimer la rétroactivité de l'APL, mais cela ne s'est pas fait. Voilà une question d'arbitrage. Cependant, je conviens avec vous que les aides au logement sont essentielles pour l'insertion des jeunes. Lorsque j'étais au pôle social, nous avions, Jean-Louis Borloo et moi, signé une convention avec Laurent Hénart afin de mettre les jeunes dans une logique de logement. Cependant, ce programme dépend de Benoist Apparu, que je consulterai avant de vous répondre par écrit.

Pour le service civique, nous allons avoir un conseil d'administration avec Martin Hirsch. Vous saurez d'ici la fin de l'année combien il y a eu de connexions, et combien d'offres... Je vous ferai un rapport plus complet. J'entends dire que le dispositif n'est pas très connu, mais Martin Hirsch s'emploie à le faire connaître, et M. Demuynck également.

M. Yannick Bodin. - Moi aussi...

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Les parlementaires sont bien placés car ils ont beaucoup travaillé sur ce projet. Ils peuvent en être les ambassadeurs. Nous allons engager une campagne.

Nous continuons à avoir des crédits pour aider les associations au niveau local. Cependant, la dispersion n'est pas de bonne gouvernance et ces aides ne sont pas pluriannuelles. Je propose donc un autre système : expérimentons les chartes territoriales de cohésion sociale. Puisque 80 % des actions sont territorialisées, il serait plus efficient de contractualiser avec les collectivités. Non, nous ne fossiliserons pas les dispositifs et si certains mécanismes avaient eu plus de financements (3,7 millions pour Envie d'agir), je préfère préfigurer une gouvernance territorialisée pour des parcours individualisés.

En prévision de l'année européenne du volontariat, j'ai lancé un comité de pilotage en juillet. Le bénévolat, c'est du contrat moral. Je me suis beaucoup investi pour défendre ce qu'on appelle à tort la « niche fiscale - associations », car la générosité ne se plafonne pas. J'ai demandé à Mme Marland-Militello de travailler sur le bénévolat, mais je suis ouvert à ce que des sénateurs fassent de même.

La gouvernance du parcours animation sport était mauvaise ; mon ministère mettait de l'argent sans savoir où il allait. Une nouvelle réflexion conjointe permettra de préconiser une offre mieux adaptée aux besoins des jeunes, en particulier dans les zones les plus difficiles, les zones urbaines sensibles (ZUS). Cela explique l'évolution des crédits. La logique voudrait d'ailleurs que le ministère des sports pilote ce dispositif.

Je répondrai par écrit aux autres questions.

M. Jacques Legendre, président. - Vous avez compris à la franchise des échanges tout l'intérêt que nous portons à ces questions. Les problèmes des jeunes sont prioritaires et les parlementaires peuvent jouer un rôle. Nous nous reverrons au budget mais, vu l'ampleur du débat, il nous faut prendre rendez-vous pour le printemps, plus tôt, même, si vous le jugez utile.

Loi de finances pour 2011 - Audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Ensuite, la commission procède à l'audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le projet de loi de finances pour 2011.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Bien que le budget triennal soit placé sous le signe de la réduction des déficits publics, l'enseignement supérieur et la recherche demeurent la priorité des priorités et bénéficient de moyens exceptionnels. Les réformes engagées se poursuivent tandis que sur 22 milliards de crédits extrabudgétaires, 3,581 milliards sont dégagés pour les appels à projets des laboratoires de l'enseignement supérieur. Quant aux crédits budgétaires, 9 milliards sont investis en 2011, soit près de 4,7 milliards de moyens supplémentaires. Les crédits de paiement progressent de 468 millions ; le crédit impôt recherche (CIR) augmente de 145 millions et l'immobilier, avec les partenariats public-privé, de 238 millions ; les intérêts de l'opération Campus représentent 270 millions ; 58 chantiers seront ouverts d'ici la fin de l'année. Au total, les moyens nouveaux représentent une augmentation de 15 %, ce qui est inédit, mais conforme aux engagements du Président de la République.

Comme il y avait eu une polémique sur les chiffres, nous avons pris un indicateur transparent et ex-post. La dépense intérieure d'éducation, celle qui est effectivement réalisée et qui apparaît dans les comptes des établissements universitaires, atteignait en 2009 10 219 euros par étudiant, contre 8 548 en 2006, soit une progression de 19 %. Quand on se rappelle que la dépense par élève est de 10 000 euros, on constate que l'on a rattrapé un retard inacceptable. La dépense intérieure de recherche a également connu une belle progression, passant de 2,06 en 2007 à 2,22 % du PIB - on se rapproche des 3 %.

Notre première priorité est de renforcer l'attractivité des carrières. Nous ne sommes pas soumis à la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux et tous les postes seront remplacés. L'augmentation de 311 millions se situe dans la continuité du plan carrières. Nous aurons des primes au mérite et un intéressement collectif.

Pour accompagner la réforme des carrières et favoriser la réussite des étudiants, le dixième mois de bourse a pour contrepartie l'allongement de l'année universitaire. Priorité est donnée au logement étudiant. À la fin de l'année, nous aurons réalisé 4 838 logements et en aurons réhabilité 8 523. Sur quatre ans, nous aurons livré 44 000 logements, soit le quart des 160 000 places de CROUS - c'est énorme ! Nous dépassons les objectifs du rapport Anciaux et le taux de satisfaction des étudiants s'établit à 85 %. Nous voulons organiser une conférence nationale sur le logement étudiant pour en étudier tous les aspects. En effet, beaucoup de collectivités ont réalisé des logements qui ne sont pas comptabilisés dans ces chiffres.

Afin de conforter l'autonomie des universités et de stimuler leurs initiatives pour la formation et la recherche, l'opération Campus concerne 12 campus labellisés ; je n'aurai garde d'oublier les 9 campus prometteurs et innovants.

Nous poursuivons l'augmentation des moyens de la recherche, conformément aux engagements du Président de la République. Nos engagements internationaux seront tenus, mais les établissements devront réaliser des économies de gestion. L'institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) gèrera le plan Cancer 2, les moyens du centre national d'études spatiales (CNES) augmentent de 15 millions et les crédits du commissariat à l'énergie atomique (CEA) et d'Oseo sont pérennisés. Enfin, la recherche privée est soutenue à travers le crédit impôt recherche.

Vous le voyez, ce budget est celui d'une ambition inédite, d'un État plus que jamais engagé, d'universités mobilisées pour la réussite de leurs étudiants, d'une recherche publique d'excellence, d'une recherche privée dynamisée.

M. Jacques Legendre, président. - Je salue la présence de M. Dominati, rapporteur spécial. Il est le bienvenu.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis. - Je vous remercie, madame, de cet exposé. Vous l'avez montré, l'engagement de faire de l'enseignement supérieur une priorité est devenu une réalité. Quel bilan dressez-vous du plan Réussite en licence ? Selon votre inspection générale, très peu d'universités ont mis en place un suivi du coût des actions. En outre, la suppression de la circulaire relative au fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE) ne fragilise-t-elle pas celui-ci ?

L'article 30 du budget pour 2011 prévoit d'exonérer de contribution au désendettement de l'État les produits de cession d'immeubles de l'État dont disposent les universités qui en ont demandé la dévolution. Certains produits concernent des établissements implantés à Saclay. Quelle est la portée de ce dispositif ? Le rapport que j'avais rédigé avec M. Adnot recommandait de mutualiser une part de ces produits. Quel est votre sentiment à cet égard ?

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. - Je félicite la ministre de son exposé brillant et maîtrisé. Son budget a dû faire des envieux...

Comment expliquer la réduction des moyens consacrés à l'agence nationale de la recherche (ANR) ? On nous dit que les pôles de compétitivité profiteraient davantage aux grandes entreprises qu'aux petites et moyennes entreprises (PME). Vous proposez 12 sociétés d'accélération du transfert de technologie. Pouvez-vous nous en dire plus et nous expliquer les conséquences des modifications apportées au crédit d'impôt recherche à l'Assemblée nationale ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Le plan Réussite en licence a suscité un élan et permis une prise de conscience. 730 millions sur cinq ans y ont été consacrés. De nouveaux dispositifs ont été mis en place, des stages de rentrée à la remise à niveau en orthographe (on parle plutôt d'expression écrite et orale pour les étudiants). Cela bouge partout. Autre réforme importante, cruciale même, le contrôle continu en première année oblige à suivre l'étudiant du début à la fin. Enfin, le modèle SYstème de répartition des Moyens à l'Activité et à la Performance (SYMPA) a eu un effet incitatif en retenant non plus les étudiants inscrits à la rentrée, mais les étudiants présents en février. Les universités allongent l'année universitaire à dix mois et nous le vérifierons en 2011. La note de l'inspection a été publiée dans un quotidien du soir comme s'il s'agissait d'un audit. Ce rapport d'étape ne porte que sur 11 des 83 universités. On constate de multiples efforts : l'échec a reculé de 10 % à Bordeaux I. Il reste néanmoins difficile de structurer une véritable politique de scolarité avec des services performants en raison du sous-encadrement comme de l'éparpillement des responsabilités et du manque de stratégie d'ensemble d'université (on raisonne par licences). Des filières anglophones ont été créées, pour évaluer et améliorer le niveau d'anglais. Bref, cette note est très partielle, et j'ai demandé un document exhaustif. L'Inspection générale travaille sur le soutien à la formation : accueil, suivi personnalisé, administration de qualité. Nous avons aussi ouvert le chantier d'un référentiel de formation afin d'assurer une meilleure lisibilité des dispositifs et de rendre les licences plus attractives.

Pourquoi avoir supprimé la circulaire de 2001 sur le FSDIE, qui est maintenu ? Pour lui substituer une charte qui fera reculer l'opacité.

Nous voulons dynamiser la gestion du patrimoine immobilier. Voilà pourquoi nous avons obtenu que les universités conservent la totalité du produit des cessions. C'est important pour les établissements qui déménageront à Saclay. L'enjeu financier est de 300 millions. Cela va avec l'autonomie financière. Nous n'avons pas tranché dans le sens de la mutualisation car il y a des projets dans 9 universités et qu'il est préférable qu'elles développent des schémas directeurs immobiliers. Poitiers prévoit de se séparer de 50 000 m² pour restructurer son campus autour de la bibliothèque, mais la valorisation des bâtiments anciens n'est que de 2 millions. Il n'en sera pas de même si l'on donne à Jussieu 30 000 m² en face de Notre-Dame... Nous préférons donc le dialogue tout en restant vigilants sur les pépites que sont les droits à construire en centre-ville. L'université de Lausanne, qui n'est que locataire, a réussi à autofinancer la construction d'une bibliothèque de deuxième génération qui a reçu le prix Pritzker : la propriété n'est pas l'alpha et l'oméga, c'est la compétence à drainer des fonds qui importe.

L'ANR attribuera 772 millions en 2011, soit 60 millions de moins qu'en 2010, mais 17,5 milliards de plus dans les contrats d'avenir. Comment gérer cette montée en puissance ? Elle est sous la mer... Le coup de booster est phénoménal ! Pour éviter les doublons, la programmation devient triennale. Les programmes blancs passent de 35 à 50 % des financements. Le dynamisme de l'ANR doit être vertueux.

De nombreuses PME sont concernées par le CIR : elles représentent 28 % de l'effort de recherche mais 51 % des financements. Il y a donc un effet redistributif très fort. L'un des objectifs des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) est de rapprocher le public du privé. Dotées de 900 millions, elles auront le statut de sociétés filiales des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES). Veillant tout particulièrement à la maturation des projets au plus fort potentiel - pour passer du brevet à la start-up -, elles permettront une mutualisation, s'occuperont des licences et pourront intervenir au-delà du deuxième tour de table. Pour être opérationnelles, elles doivent avoir une taille suffisante. Nous en envisageons une dizaine. Les PRES ont si bien compris l'enjeu que Nantes et Rennes proposent une SATT commune.

Je n'ai pas besoin de défendre le crédit impôt recherche. On est passé de 34 à 51 projets d'investissements étrangers en France. Au CNRS, les contrats avec le privé ont progressé de 29 % ; le nombre de brevets déposés a crû de 36 % et 38 % ont été transférés au privé. Certes, il ne fallait pas partir de très haut pour obtenir de telles augmentations. Cependant, je note également que le nombre d'entreprises recrutant de jeunes docteurs a doublé en deux ans. Stabiliser le mécanisme est affaire de confiance pour les investisseurs. Les députés n'ont procédé qu'à des ajustements raisonnables, en vue d'empêcher les abus - même si je n'étais pas favorable à ce qu'on amende la loi. S'il y a baisse de 7 %, les dépenses d'environnement tiendront compte de l'amortissement et il y en aura plus dans l'industrie que dans les services, ce qui apparaît logique. Il faut mieux contrôler la rémunération des cabinets de conseil pro-CIR.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. - Tout à fait !

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Le Gouvernement fournira des chiffres sur les créations de filiales afin que celles-ci ne soient pas destinées à bénéficier trois fois du CIR. Les modifications sur la formation et les frais de fonctionnement respectent le dispositif et nous souhaitons le maintien du taux actuel car nous ne sommes pas convaincus qu'il n'y ait pas élasticité de la dépense de recherche des grands groupes.

M. Ivan Renar. - Je m'interroge sur la réalisation des opérations réalisées dans le cadre de partenariats public-privé. Dispose-t-on d'un bilan de ceux qui ont été mis en oeuvre en 2010 ? Quels moyens sont prévus pour 2011 ?

La Conférence des présidents d'université a noté l'absence de prise en charge du coût du GVT (glissement vieillesse technicité), alors que dans le cadre de l'autonomie, les établissements, qui disposeront de compétences élargies, ont la responsabilité de la masse salariale.

Le CIR laisse en suspens une contradiction qui marque l'investissement en matière de recherche dans notre pays : alors que nous disposons désormais du dispositif fiscal le plus incitatif pour la recherche privée, nous restons, dans le classement de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), au seizième rang mondial pour la dépense des entreprises au regard du produit intérieur brut (PIB). C'est à n'en pas douter qu'il y a de la triche. On entend beaucoup, dans les sphères patronales, vanter les mérites du CIR pour l'optimisation de l'impôt sur les sociétés. Or, les dépenses de recherche des entreprises ont un rôle à jouer dans le développement de la recherche et pour aider la France à sortir, grâce à l'innovation, de l'impasse de la crise.

Je souhaite également évoquer le problème de la retraite de nombreux chercheurs, qui ont été en activité sans être rémunérés au sens propre ou sans cotiser pour la retraite : je pense aux doctorants, aux boursiers de recherche, aux chercheurs ayant bénéficié de libéralités, qui vont subir une sévère décote dans leur pension. Comment mieux reconnaître leur effort ?

M. Yves Dauge. - Je salue à mon tour, madame la ministre, dans le contexte que nous connaissons, l'effort remarquable de ce budget, qui s'inscrit de surcroît dans la durée.

Je m'interroge cependant sur la mise en oeuvre du plan Campus. Qui pilote ? Qui est maître d'ouvrage ? Qui décide de la programmation ? Est-ce l'État ? Est-ce chaque université, charge à elle de négocier ensuite avec l'État ? Comment éviter le coup par coup, hors toute stratégie ? Comment le plan s'articulera-t-il avec le financement qu'assurent les collectivités ? Comment se combineront à cela, dans certaines zones, les crédits extrabudgétaires du grand emprunt ? J'ajoute que la douzaine d'opérations prévues n'éclusera pas la totalité des cinq milliards. Le reliquat serait bien utile à toutes les autres...

Mme Françoise Cartron. - Vous avez souligné l'augmentation de l'investissement par étudiant, de l'ordre de 10 000 euros, en le comparant au coût d'un lycéen. Mais où en sommes-nous du coût d'un étudiant en classe préparatoire ?

Vous avez indiqué que dans le cadre du plan Campus, 44 000 logements étudiants seraient financés par l'État. Beaucoup de régions, via les contrats de plan État-région, ont elles aussi inscrit des crédits pour le logement étudiant : a-t-on connaissance de la part de leur effort dans ce grand chantier ?

Plus généralement, des collectivités, comme l'Aquitaine, dont je suis, se sont très fortement impliquées dans le plan Campus. Se pose donc, ainsi que l'a souligné M. Dauge, la question complexe du pilotage. Les collectivités ne veulent pas être réduites au seul rôle de financeurs...

Vous avez dit votre ambition pour la filière anglophone. Je ne doute pas que le président Legendre y reviendra, mais je puis vous citer une anecdote vécue. L'anglais se trouve quelquefois imposé à des étudiants qui ont choisi l'option sciences du langage, et souhaitaient plutôt un renforcement en techniques d'expression orale et écrite...

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Est-ce bien faute de moyens ou par un orgueil de l'université qui rechigne à mettre en place des renforcements ?

M. Jean-Pierre Plancade. - Peut-être le vieux tropisme anglais du Bordelais... (Sourires)

Mme Françoise Cartron. - On répond qu'il n'y a plus de place en techniques d'expression et qu'ils doivent donc aller en anglais.

Mme Marie-Christine Blandin. - En dépit du manque de moyens, ce budget contient quelques signaux. Le programme pour les projets « blancs » monte à 50 % à l'ANR, au lieu des 10 % initialement prévus : c'est une bonne nouvelle pour la liberté de la recherche fondamentale. De même pour la conditionnalité à l'embauche de doctorants des avantages fiscaux attachés au CIR. Nous nous réjouissons de voir le ministère échapper à la règle du non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite, dont vous pouvez être fière, madame la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Fière n'est pas le juste mot. C'est une demande que j'ai su justifier, dans un esprit de responsabilité.

Mme Marie-Christine Blandin. - Que ne fait-on de même ailleurs ! La mission et le budget en charge de la culture scientifique se sont éteints. Votre représentant au Forum territorial du 28 septembre dernier, a déclaré, en présence de Mme Haigneré, que tous les moyens seront transférés à Universcience. C'est un peu comme si le ministère de la culture disait à l'Odéon qu'il aura tous les moyens des théâtres de province. Mme Haigneré devra certes financer le Palais de la découverte et la Cité des sciences, mais on ne peut faire l'impasse sur tous les établissements de diffusion de la culture scientifique de province.

M. Christian Demuynck. - À mon tour de vous féliciter de ce budget, en même temps que de votre rôle majeur dans l'abandon du projet initial du ministre de créer une alternative entre aide personnalisée au logement (APL) et demi-part de l'impôt sur le revenu. Il faudra revenir à la charge sur la possibilité d'étendre la garantie du revenu locatif à tous les bénéficiaires du logement étudiant...

Pouvez-vous dresser le bilan du dispositif des primes d'excellence scientifique ? Où en est-on, enfin, du million d'euros promis pour le Grenelle ?

Mme Colette Mélot. - Vous avez donné, en réponse au rapporteur, les précisions que j'attendais sur le plan Réussite licence, et je vous en remercie. La commission sera intéressée par le bilan complet dont vous disposerez à terme. Je vous félicite de votre action, depuis 2007, à la tête de ce ministère : les engagements du Président de la République ont été tenus. Les résultats sont là.

Mme Monique Papon. - Je m'associe aux remerciements de M. Demuynck : le maintien de l'APL pour les étudiants figurant sur la déclaration de revenus de leurs parents a été bien perçu.

Depuis la loi sur l'autonomie des universités, qui devait y mettre le holà, un quart d'entre elles demandent encore aux étudiants des frais d'inscription illégaux. Je suppose que des instructions ont pourtant été données par les recteurs pour les inviter à respecter la législation.

Vous nous avez aimablement invités à visiter l'exposition « Douze campus », qui atteste que vous misez sur l'émergence de campus d'excellence. Mais ne conviendrait-il pas, parallèlement, sachant les critiques dont fait l'objet le classement de Shanghai, d'agir pour que l'Union européenne dispose enfin, en 2011, de son propre classement ?

M. Yannick Bodin. - En cette après-rentrée, vous devez disposer de données sur la répartition des étudiants entre les formations sélectives et les autres. La demande de plus en plus forte, ces dernières années, pour les premières - classes préparatoires, instituts universitaires de technologie (IUT), médecine... - a-t-elle dépassé les 50 % ? Vous connaissez notre inquiétude de voir les universités reléguées au rang de deuxième choix, pour ne pas dire de choix par défaut. Où en est-on ? Des progrès sensibles ont-ils été enregistrés, dans les classes préparatoires, en matière de diversité sociale ?

Quant à la question de la formation des maîtres, je vous ferai la grâce de ne pas vous la poser... Mais le fait est que la copie est entièrement à refaire.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Si vous ne me posez pas la question, je ne pourrai pas y répondre...

M. Yannick Bodin. - C'est sans doute à M. Chatel qu'il faudrait la poser.

Un dernier mot, enfin, sur le dossier du Grand Paris : La structure de l'établissement public qui aura siège au plateau de Saclay se met en place : 31 postes au conseil d'administration, 31 hommes...

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Chaque ministère nomme quelques personnalités. L'équilibre est difficile à trouver...

M. Yannick Bodin. - Il est des femmes de valeur.

M. Jacques Legendre, président. - Vous avez évoqué, madame la ministre, le développement de filières anglophones. Si vous entendez par là qu'il serait temps de développer la connaissance des langues étrangères, nous sommes tous d'accord, et plusieurs des rapports que j'ai rédigés au nom de cette commission pourront vous le confirmer. S'il s'agit d'accueillir des étudiants anglophones dans des filières spécifiques, nous n'y voyons pas d'objection : la loi Toubon le permet. S'il s'agit de faire de l'anglais la langue d'enseignement pour une partie seulement des disciplines, elle le permet aussi. En revanche, constituer une filière dans laquelle l'anglais serait seule langue véhiculaire pour des étudiants français serait parfaitement contraire à la loi de la République.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Je lève d'emblée l'ambiguïté : je visais des filières bilingues, très demandées par les élèves et propres à motiver des étudiants de bon niveau qui souhaitent poursuivre. Je souhaite d'ailleurs voir aussi se développer, dans les projets d'établissement, des filières multilingues (M. le président approuve), qui mettent à profit les atouts des territoires. Je regrette que la faculté de Lille ne dispense pas de cours de néerlandais, que l'université de Perpignan ne propose pas de filière bilingue espagnol, comme je suis effarée de constater qu'il n'existe plus, à Strasbourg, d'étudiants totalement germanophones. C'est là un vrai problème, et un vrai sujet pour des universités autonomes, animées d'un objectif de professionnalisation des étudiants. Certaines universités plus modestes ont en revanche fait des choix audacieux. C'est le cas des langues orientales, à la Rochelle, animée sans doute par sa tradition d'exploration du Nouveau Monde... Je regrette que la France, cinquième puissance mondiale, ne joue pas à plein la carte du plurilinguisme. Il est difficile de trouver des enseignants ? Mais les professeurs de langue sont aussi attachés à l'enseignement de civilisation : je leur dis « banco », qu'ils le fassent en anglais. Nous avons un problème dans l'enseignement, en France, des langues étrangères : on n'apprend pas à les parler. Nous sommes le seul pays où existe cette incongruité que les élèves de terminale passent leur première langue à l'écrit, et le latin à l'oral...

Les opérations réalisées en 2009-2010, monsieur Renar, via des partenariats public-privé réalisés en crédits budgétaires concernent la Sorbonne - pour Clignancourt et Paris IV -, Paris VII et le campus de chimie des Grands moulins, Versailles-Saint-Quentin et le zoo de Vincennes. En 2011, 238 millions seront consacrés à la rénovation de campus - Toulouse-Le Mirail, Le Havre, Créteil-Marne-la-Vallée, Valenciennes, Dijon, autrement dit, pour les quatre derniers, les sites de taille moyenne qui ont reçu le prix spécial du jury pour leurs projets innovants.

À cela s'ajoutent les cinq milliards de dotation en capital au bénéfice des sites retenus par le plan Campus, dont s'inquiètent M. Dauge et Mme Cartron, qui concernent 46 universités, soit plus de la moitié du parc, et 40 écoles. Il est logique que les grandes métropoles soient les plus concernées, dès lors que les plans précédents, mis en oeuvre par M. Jospin puis M. Allègre, ont financé les IUT, le développement des pôles de proximité et les nouvelles universités de banlieue : les universités les plus vétustes sont aujourd'hui celles des grandes métropoles, dont Paris, en particulier pour les campus de sciences humaines et sociales.

En attendant que soient finalisés les partenariats public-privé, fin 2011, nous employons les 270 millions d'intérêts de la dotation pour ouvrir 58 chantiers liés à la vie étudiante - cafétérias, espaces verts, bibliothèques...-, dont les universités seront maîtres d'ouvrage. Ils seront pilotés par les PRES, ou, pour Strasbourg, par l'université.

Il est vrai, madame Cartron, que les collectivités participent au financement, très inégalement cependant - et j'espère que le premier bilan, dont il ressort que Paris et l'Île-de-France ne mettent pas un euro hors contrat de projet, fera évoluer les esprits... L'Aquitaine est en revanche exemplaire, puisque Bordeaux et sa communauté ont choisi de financer à parité : un euro pour un euro. Cela est remarquable. Même chose en Languedoc-Roussillon. Le Nord-Pas-de-Calais, qui n'avait pas été sélectionné dans le premier appel à projet, fait lui aussi un effort... Mais la moyenne des cofinancements ne dépasse pas 40 %. Tel est le cas en Alsace, ou en Rhône-Alpes, où il est vrai qu'il faut soutenir deux sites, à Lyon et à Grenoble. Ceci pour dire que je regrette certains choix, car c'est le territoire qui en pâtit.

Ce n'est pas aux financeurs de piloter : ils sont présents dans les conseils d'administration - où d'ailleurs l'État ne siège pas, ce qui peut poser problème... Reste qu'il y a eu appel à projets, validés par un jury international : nous savons où nous allons. Au moment de la dévolution du patrimoine immobilier, les universités présenteront un schéma directeur d'aménagement, et l'on retombera dans une relation contractuelle classique.

Vous m'interrogez, monsieur Renar, sur le GVT. À terme, tous les établissements seront autonomes et devront gérer l'évolution de la pyramide des âges. Nous sommes pour l'heure en période transitoire, et nous leur laissons donc le temps. Il revenait donc au ministère d'être vigilant, mais nos prévisions sont un peu bousculées par les nouvelles dispositions de la loi sur les retraites, qui permettent de dépasser la limite d'âge à ceux qui manquent de trimestres. Nous allons aider les universités qui ont un GVT en expansion, mais il faudra qu'à terme elles l'intègrent dans leur calcul. Cela serait trop facile de se tourner vers l'État quand on est en difficulté, alors que l'on ne reverse pas quand la situation est meilleure. J'ajoute que l'État ne saurait avoir de relation directe annuelle avec des universités autonomes, au même titre qu'il s'en abstient avec le CNRS... Il faudra peut-être, cela étant, faire émerger avec doigté, dans les rectorats, des interlocuteurs financiers pour les universités en région.

Vous doutez, monsieur Bodin, des vertus du CIR. Oui, la France est au seizième rang mondial pour l'investissement dans la recherche des entreprises au regard de son PIB. C'est bien pourquoi nous avons créé le CIR. On ne peut pas transformer d'un coup les décisions d'investissement à dix ans des entreprises. Notre structure entrepreneuriale n'est pas innovante. Pour la changer, et aller vers un modèle à l'allemande, il faut être très volontaire aussi je vous adjure de maintenir le CIR - les abus, nous les surveillerons.

Pour la retraite des chercheurs, nous avons complètement changé le mode de calcul, répondant par là à la demande des enseignants-chercheurs, en transformant le statut des doctorants, qui passent d'allocataires de bourses à contractuels de la fonction publique. Les « post-doc », y compris à l'étranger, pourront aussi être pris en compte et l'ancienneté sera retenue dès qu'ils décrocheront un emploi statutaire - cela vaut pour l'avenir, pas pour le passé.

Le coût d'un étudiant en classe préparatoire reste depuis 2007, madame Cartron, à 14 000 euros. Les 19 % d'augmentation du coût d'un étudiant classique constituent donc un rattrapage. J'ajoute que nous avons mis 1 500 places aux concours de sortie de khâgne, en intégrant les concours de l'IEP, de HEC, de l'ESSEC... Alors que l'on peut mettre quarante élèves en khâgne, la moyenne n'est aujourd'hui que de dix-sept. Il faut remplir les classes, en offrant des débouchés aux littéraires.

Sur le logement étudiant, une conférence s'ouvrira prochainement avec les collectivités territoriales. Nous voulons renforcer les modules de renforcement en langue française : leur succès est tel qu'ils sont du coup pris d'assaut. Il serait bon d'évoquer la question avec M. Luc Chatel...

M. Jacques Legendre, président. - Le message sera transmis...

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Mme Blandin, notre idée est qu'Universcience, qui s'est vu transférer 3,6 millions, soit l'agence de la culture scientifique et gère les crédits du grand emprunt prévus à cette fin. Comme à l'étranger, on pourrait prévoir qu'un pourcentage des crédits dispensés par l'ANR soit consacré à la diffusion culturelle.

Vous demandez, monsieur Demuynck, une extension de la garantie location à tous les bailleurs de logements étudiants. Votre appui a été précieux pour l'APL. Je vous engage à poursuivre...

Le bilan de la prime à l'excellence scientifique est conforme aux attentes : 16 % des laboratoires de l'institut national de la recherche agronomique (INRA) et 10 % de ceux de l'INSERM l'ont demandée, ce qui représente 5 % des chercheurs, soit un taux conforme à la prévision de 20 % sur quatre ans. Parallèlement, nous mettons en place un intéressement collectif des équipes sur les contrats passés, y compris avec l'ANR.

Le milliard du Grenelle est plus que dépensé, dépassé, puisque nous y serons dès 2011. Les organismes ont réorienté leur programmation vers les priorités du Grenelle. L'ANR est concernée pour 212 millions, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) pour 450 millions. La mobilisation est donc exceptionnelle.

Je remercie Mme Mélot de son appréciation. Les frais illégaux, madame Papon, sont quasiment en extinction. On ne déplore plus que des frais de dossiers, certes illégaux, mais qui ne dépassent guère les vingt euros. Nous restons cependant vigilants.

Il y aura une conférence nationale sur le classement des universités de France. Je me suis rendue à Jiao Tong, à la suite des Finlandais, qui ont depuis deux universités classées... Je me suis aperçue que seules 50 % des publications de nos unités de recherche sont prises en compte : nos universités ne sont pas bonnes communicantes... Se pose aussi la question des critères : l'accueil des étudiants compte, il n'est pas vulgaire de s'en soucier... Le classement du Times pose lui aussi problème : la France est loin d'être en réalité douzième. Mais les indicateurs sont mal renseignés : certaines universités négligent de répondre, au prétexte qu'elles manquent de temps.

Des classements existent en Europe. Celui de l'Allemagne classe ainsi quatorze universités françaises. Le classement européen se bâtira sur ce modèle, discipline par discipline, pour une vraie mobilité des chercheurs...

Nous ne disposerons des données sur la répartition des étudiants que mi-novembre, mais je puis vous dire dès à présent, monsieur Bodin, que la préinscription en premier cycle à l'université, hors IUT, constitue un premier choix pour 13 % d'étudiants supplémentaires : c'est là un indicateur qualitatif qui témoigne d'un choix de coeur important, quand le quantitatif est biaisé, puisqu'il comporte des choix par défaut. Sans doute faut-il attribuer ces bons résultats au développement de filières sélectives dans les universités nouvelles, comme les doubles diplômes. En 1990, un million d'étudiants étaient inscrits en filière générale à l'université, et 160 000 en filières sélectives. En 2010, les filières sélectives concernaient un tiers des étudiants, soit une multiplication par trois, contre seulement 20 % d'augmentation en filières générales. Mais il existe aussi à l'université des filières générales sélectives, qui répondent à un incontestable besoin d'encadrement, comme la médecine ou le droit ; les sciences humaines et sociales ne doivent pas avoir peur de s'y engager.

Pour favoriser la diversité, il faut, au-delà des bourses, faire entrer dans les écoles. S'il est légitime que les concours évaluent un niveau académique, certaines épreuves, comme l'addition du thème et de la version en langues vivantes, ressemblent à une double peine : traduire la langue de Shakespeare dans la langue de Baudelaire... Mieux vaudrait évaluer les capacités à se débrouiller dans la langue. L'école Centrale travaille avec une cellule de linguistes à faire évoluer les épreuves, afin de les rendre moins discriminantes. Il convient aussi d'améliorer les épreuves orales, pour mieux tenir compte de l'intensité des parcours des étudiants, ainsi que le font toutes les universités dans le monde. Un étudiant boursier de Clichy n'a pas eu un parcours aussi aisé qu'un élève qui sort de Louis-le-Grand. Il est donc bon d'introduire un critère de « réussite dans l'adversité », quand aujourd'hui, l'oral reste « un écrit debout ».

En matière de formation des maîtres, monsieur Bodin, nous sommes en période transitoire : nous allons améliorer le dispositif. Une maquette intéressante est déjà à l'étude. Nous explorons, avec Luc Chatel, l'idée d'un post-master en alternance, qui pourrait encourager les plus défavorisés à se lancer dans la carrière.

Trente et un administrateurs au conseil d'administration de l'établissement public de Saclay, monsieur Bodin, et trente et un hommes ? Je suis atterrée. D'autant que je suis en train de tenter de débaucher une femme pour la présidence de la fondation de coopération scientifique... La difficulté tient à ce que chaque ministre a à nommer quelques personnes. Même chose pour les élus.

M. Yannick Bodin. - Et quand la politique s'en mêle...

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Si je dois justifier mes propres choix, je vous dirai que j'ai reconduit le président du conseil d'administration, qui n'avait pas démérité, et que dès lors qu'aucune femme n'est hélas médaille d'or du CNRS, je n'ai pu nommer que deux hommes. Quant à la présidence de la fondation de coopération scientifique, je viens de vous dire ce qu'il en est.

Mercredi 3 novembre 2010

- Présidence de M. Jean-Claude Carle, vice-président, puis de M. Jacques Legendre, président -

Audition de M. Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation sur le rapport de 2010 sur le collège

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission auditionne M. Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation sur le rapport de 2010 sur le collège.

M. Jean-Claude Carle, vice-président. - Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui M. Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation (HCE) qui vient de remettre son rapport annuel sur les résultats de l'école consacré cette année à l'analyse du collège unique.

M. Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation. - Pourquoi avons-nous choisi le thème du collège ? Parce qu'il est régulièrement au centre des débats publics et qu'il est souvent présenté comme le maillon faible du système éducatif. Depuis la loi Fillon de 2005, le collège, après l'école primaire, a l'obligation de faire acquérir par tous les élèves le socle commun de connaissances et de compétences. Une littérature considérable a été consacrée au collège en France ; c'est même la partie du système éducatif la plus étudiée. Le Haut conseil a mené de nombreuses auditions afin de constituer le panel le plus large et le plus divers possible. Les enquêtes internationales ont montré que les systèmes éducatifs les plus performants remplissaient trois conditions :

- un objectif clair et consensuel est assigné à l'école ;

- la formation des enseignants est adaptée ;

- enfin, une large autonomie est accordée aux établissements, sauf au Japon qui se distingue sur ce point.

Jusqu'à la loi pour l'avenir de l'école de 2005, le collège n'avait jamais reçu de feuille de route. Aujourd'hui encore la mise en oeuvre du socle commun n'est pas une priorité partagée par l'ensemble des acteurs.

Parmi les acquis du collège unique, il faut souligner son rôle majeur dans la démocratisation de l'enseignement. Mais ses faiblesses demeurent inquiétantes. Les performances des élèves stagnent voire régressent depuis plusieurs années. Les inégalités sociales ont tendance à s'accroître entre la 6e et la 3e. Enfin, les problèmes de vie scolaire s'y multiplient. Ainsi le collège est le lieu où tant les apprentissages et le vivre ensemble sont les plus difficiles à assurer. En outre, il convient de remarquer que le caractère proprement unique du collège reste encore théorique, puisque d'une part un élève sur sept n'est pas en filière générale mais déjà pré-orienté, d'autre part se sont constituées des catégories très disparates d'établissements allant parfois jusqu'à la formation de ghettos scolaires.

Dès l'origine, le collège est conçu comme une préparation au lycée général, comme un « petit lycée », sans assurer de solution de continuité avec l'école primaire. Pourtant le collège hérite les difficultés du primaire, si bien que 15 % des élèves sortent de la 3e sans maîtriser les savoirs fondamentaux et 25 % d'entre eux ont des acquis fragiles qui les condamnent à une scolarité chaotique. On retrouve les mêmes proportions d'élèves en difficultés en CM2, ce qui montre que le collège ne parvient pas à corriger des trajectoires déjà mal engagées. Il faut reconnaître que le collège n'est pas une priorité budgétaire ni par rapport à l'école primaire, ni surtout par rapport au lycée que les recteurs privilégient dans la répartition des crédits.

Sur ce constat, le Haut conseil a avancé plusieurs types de recommandations. D'abord assurer l'application et la prise en compte dans les pratiques concrètes d'enseignement du socle commun, dans toutes les académies et dans toutes les disciplines. C'est ainsi que l'on pourra renforcer la continuité entre le primaire et le collège. Nous proposons également de rétablir au collège un enseignement obligatoire de culture manuelle et technique valorisé au même niveau que les disciplines plus abstraites afin d'appréhender toutes les formes d'intelligence. La Grande-Bretagne a par exemple instauré un cours obligatoire de cuisine au collège. Ensuite, il conviendra de repenser la formation des enseignants car pour l'instant l'équilibre entre les connaissances disciplinaires et la compétence professionnelle n'est toujours pas assuré. Nous serions favorable à l'introduction de dominantes ou de mentions dans les maquettes des nouveaux concours afin d'assurer la pluridisciplinarité des futurs enseignants et de distinguer les métiers de l'enseignement en primaire, au collège ou au lycée.

L'organisation des collèges doit également être revue afin d'accorder une plus grande autonomie aux établissements tout en maintenant un cadre national, afin d'assurer la mobilisation de la communauté éducative au service des besoins des élèves. Une responsabilisation accrue des principaux sur le modèle du programme CLAIR (collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite) paraît souhaitable. Une marge de manoeuvre financière pourrait être redonnée aux établissements à hauteur de 10 % du budget par exemple. Il paraît essentiel d'assurer une prise en charge continue des élèves tout au long de la journée ce qui impliquera de faire évoluer la conception actuelle du service des enseignants.

M. Jacques Legendre, président. - Nous vous remercions d'être venu nous présenter les derniers travaux du HCE car nous attachons toujours beaucoup d'importance à vos analyses. En tant que rapporteur de la loi Haby en 1975, je garde un clair souvenir des débats de l'époque qui portaient essentiellement sur l'intégration des élèves dits de type III qui bénéficiaient à l'époque d'une pédagogie adaptée. En effet, l'assimilation des types I et des types II ne présentait pas à l'époque de difficultés. Mais pour les types III j'avais moi-même des hésitations. Et il me semble que cette question d'une pédagogie adaptée donnant une chance aux élèves de milieux modestes, comme celle dispensée dans le Nord à l'époque par les écoles des mines, est toujours de circonstance aujourd'hui.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la mission enseignement scolaire. - Merci de votre exposé lisible et accessible. Les performances du collège sont médiocres, les inégalités s'accroissent entre la 6e et la 3e, seuls 40 % des élèves maîtrisent le socle commun en fin de scolarité obligatoire. Ces constats sont indéniables. Il me semble que l'on a sacrifié un peu l'aspect « compétences » du socle commun au profit des seules connaissances académiques. La définition du socle commun nécessitait pourtant de repenser la pédagogie afin de valoriser aussi l'intelligence du geste et des approches plus concrètes, moins abstraites des apprentissages. Dans ces conditions que faudrait-il faire en matière de formation et de recrutement des enseignants ? Par ailleurs, certains ont préconisé récemment l'instauration d'un concours d'entrée en classe de 6e, qu'en pensez-vous ?

Mme Françoise Férat, rapporteur du budget de l'enseignement agricole. - J'aimerais revenir sur la question de l'orientation des élèves en fin de 3e. J'ai l'impression que l'on envoie les jeunes automatiquement vers les lycées traditionnels sans prendre en compte leur appétence éventuelle pour l'exercice d'un métier ni leur degré de maturité et sans les aider à construire un parcours d'études ou d'entrée dans la vie active.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur du budget de l'enseignement professionnel. - Vous ne nous invitez pas avec votre rapport à une mince évolution. Vous nous proposez de revenir sur les dispositions de la loi de 1975 qui a été pourtant à l'origine d'acquis considérables pour les enfants des milieux populaires. Il me semble que si l'on veut restreindre l'impact des inégalités sociales une réforme isolée du collège est vouée à l'échec. Il faut agir bien en amont, dès la maternelle et concevoir une réforme globale. Sur la question du concours d'entrée en 6e je me demande simplement ce que l'on fera des enfants qui auront échoué. C'est bien entendu une mauvaise solution. Sur la formation des enseignants nous sortons à peine d'une réforme dont on s'aperçoit qu'elle crée un nombre considérable de problèmes. En ce qui concerne l'autonomie des établissements, je me demande ce que cela recouvre exactement. Est-ce que cela s'étend aussi à la pédagogie ? Quelle force conservera le cadrage national ? Ne va-t-elle pas accroître le séparatisme social et la ghettoïsation ? Conjuguée avec un socle commun minimaliste conduira-t-elle à la distinction de collèges cantonnés à l'acquisition de savoirs basiques et d'autres plus élitistes assurant le passage au lycée ?

M.  Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation. - Notre rapport ne porte que sur le collège mais nous avons déjà rendu un rapport sur le primaire et nous prônons une réforme globale couvrant tout l'amont du système éducatif. Assurer la transition entre le primaire et le collège est essentiel. Concernant l'examen d'entrée en 6e, il me semble que ce n'est pas l'orientation retenue par le législateur en 2005, qui a construit une continuité de l'apprentissage jusqu'à la fin de la 3e. Le CM2 peut être en revanche le lieu d'une vérification de l'acquisition d'un palier du socle commun.

L'orientation ne doit pas être réservée uniquement aux élèves en difficulté. Elle ne doit pas constituer un tri sélectif, mais une phase de construction d'un projet personnel pour l'élève.

Mme Françoise Férat, rapporteur du budget de l'enseignement agricole. - Je n'ai pas malheureusement le sentiment qu'il y ait aujourd'hui dans les établissements ni les moyens, ni le temps d'accomplir un vrai travail d'aide à la décision et d'accompagnement des jeunes.

M. Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation. - La définition du socle commun dans le décret de 2006 est ambitieuse et son acquisition par l'immense majorité des élèves demeure un objectif de longue haleine tant les dernières enquêtes, comme celles de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) sur les acquis en mathématiques des élèves de 3e, sont inquiétantes. Le socle n'est pas construit sur des bases disciplinaires précisément pour dépasser la segmentation des connaissances académiques. Il nous oblige à repenser les apprentissages au-delà de la simple définition des programmes.

M. Alain Dufaut. - J'aimerais souligner les effets pervers de l'assouplissement de la carte scolaire sur les collèges, notamment au sein des réseaux ambition-réussite. Nous assistons à l'accentuation de la ghettoïsation en raison de la fuite des meilleurs élèves hors des établissements de l'éducation prioritaire. Dans le pire des cas, la perte d'effectifs aboutit à la fermeture de collèges au coeur de quartiers sensibles, comme à Montclar en Avignon. Les élèves ont été répartis dans des collèges de centre ville, où les enseignants ne sont pas en mesure de gérer ces publics difficiles, dans des classes très hétérogènes et aux effectifs gonflés, j'ai l'impression que l'école de la République déserte les quartiers sensibles.

M. Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation. - Notre rapport tient compte de ces problèmes et des conséquences perverses de l'assouplissement de la carte scolaire qu'il convient de corriger.

M. Yannick Bodin. - J'aimerais vous remercier pour vous dire : enfin un rapport exhaustif sur le collège. Depuis 1975 c'est la première fois qu'on sort d'une situation préjudiciable de non-choix : le positionnement du collège dès l'origine n'est pas clair et la loi n'avait pas tranché entre le prolongement de l'enseignement primaire et la préparation du lycée et du baccalauréat. Dans la pratique, le collège était transformé en premier cycle du lycée comme en témoigne symboliquement la dénomination même de la première année de collège : la 6e, c'est-à-dire la 6e classe avant le baccalauréat. L'avantage du socle commun, c'est qu'il couvre toute la scolarité obligatoire de 6 à 16 ans et propose un cadre dans lequel il faut travailler à concilier une progression harmonisée des élèves et des différences de rythmes d'apprentissage. Les élèves les plus en difficultés en 6e sont ceux qui étaient déjà en difficulté au cours préparatoire (CP). J'attire l'attention sur le cas particulier des élèves qui ne pratiquent pas le français dans leur famille, hors de la classe. Leur scolarité est dès l'origine très perturbée dans le système actuel. Il faut impérativement prendre en compte cette problématique spécifique. Enfin la conclusion majeure que je tire de votre rapport c'est qu'il faut renoncer à la récente réforme de la mastérisation qui recentre davantage encore la formation des enseignants sur le pur disciplinaire.

M. Serge Lagauche. - Dans votre rapport, vous avez un passage important sur la prise en charge continue des élèves dès leur arrivée au collège jusqu'au soir. Vous imaginez bien qu'il s'agit d'une révolution dans les collèges.

Il y a un élément dont vous ne parlez pas, ce sont les familles et les parents. Il faut que l'établissement scolaire soit le symbole du lieu où on reçoit un certain nombre de connaissances pour l'ensemble de la population. Pendant toute une période, les enseignants étaient arcboutés contre le fait que les parents rentrent dans l'école, y compris à l'école maternelle. Ce n'est plus possible. Les parents doivent être associés à l'école.

L'établissement scolaire avec l'ensemble des élèves, des familles et des enseignants doit trouver comment le faire « briller » d'une façon ou d'une autre. Il faut que les parents soient associés et s'entraident mutuellement pour la réussite de l'établissement que fréquente leur enfant. Les enseignants tout seuls ne peuvent pas réussir. Un degré de confiance doit régner entre les enseignants et les parents. Ce n'est pas facile. Il est nécessaire que les collectivités territoriales qui y sont associées aident au mouvement général de cette population qui doit devenir fière de son établissement, dans les quartiers en difficulté et dans les autres également. Ce doit être un honneur pour tous que le niveau d'un établissement s'élève. Les parents sont un élément essentiel si l'on veut transformer nos établissements scolaires. Le ministère de l'éducation nationale n'est pas aujourd'hui dans cette optique.

M. Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation. - En effet, en 1975, on n'a pas tranché dans les textes la question de définir le modèle sur lequel repose le collège. Mais dans la pratique, on calque le collège sur le modèle du lycée général, avec à terme les conséquences que vous avez décrites, monsieur Yannick Bodin. Nous pensons qu'il faut maintenant porter la logique du socle commun des connaissances et des compétences dans les faits et considérer l'ensemble formé par l'école primaire et le collège comme un tout qui prépare aux différentes filières.

Les élèves non francophones constituent un problème majeur qui doit être traité le plus précocement possible.

S'agissant de la formation des maîtres que notre institution a abordée avec sérénité, il ressort assez clairement qu'elle ne peut pas être considérée aujourd'hui comme permettant d'aboutir au résultat que l'on recherche. Le Haut conseil avait été chargé par la loi de 2005 d'établir le référentiel de compétences des maîtres. Il reste valable. Encore faut-il que les universités en liaison avec le ministère de l'éducation nationale mettent en place la formation correspondante à ces exigences.

Un point du rapport aborde la question de l'implication des parents d'élèves. On a bien conscience que le lien avec les familles est essentiel. On constate, suite à diverses enquêtes, que la confiance des familles dans le collège a beaucoup diminué ces dernières années. Si on veut la rétablir, il faut leur expliquer les finalités et les objectifs poursuivis pour leurs enfants.

M. Jacques Legendre, président. - Je me permettrai un point d'histoire sur ce qui s'est passé en 1975, car je pense qu'on peut en tirer quelques leçons. Il n'y a pas eu une loi mais deux.

Une première loi a été préparée en 1974 par M. Joseph Fontanet, alors ministre de l'éducation nationale. Cette loi portait sur le collège et voulait développer la personnalité du collège avec un type d'enseignant particulier. Elle était soutenue par un syndicat d'enseignants qui s'appelait le syndicat national des collèges. Elle prônait la bivalence des enseignants.

L'approche a été différente avec la loi Haby. Tout le monde oublie qu'il y avait aussi un volet réforme de l'enseignement secondaire. Le ministre René Haby était plus intéressé par la réforme du collège que par celle du lycée, la réforme du collège répondant à une demande de l'opinion publique et des fédérations de parents d'élèves. À mon avis, le débat a été pollué à l'époque par des batailles corporatistes entre syndicats d'enseignants. Le syndicat national des instituteurs voulait étendre leur domaine de compétences jusqu'à la 3e. Le syndicat national des collèges voulait son pré carré, les collèges, et le syndicat national des enseignements de second degré (SNES) revendiquait de la 6e jusqu'au baccalauréat. Les ministres étaient sommés de choisir et de savoir sur quel interlocuteur syndical ils s'appuieraient. Cela s'est comme d'habitude terminé par une côte mal taillée. On a laissé coexister dans le malheureux collège des élèves de type collège, des élèves de type lycée sans oser déterminer quel était véritablement l'objectif. Pour ma part, j'étais persuadé que le noeud était le baccalauréat qui tenait l'ensemble et qui était le point final, l'objectif étant d'arriver jusque-là.

Il y avait un autre débat qui polluait un peu la réforme : à quel niveau se ferait l'orientation au collège ? En fin de 3e ou dès la 4e ? On s'est orienté vers un système où on a conclu que les élèves de type II étaient capables de suivre une scolarité de type I et ceux de type III pour ne pas tomber dans l'accusation de discrimination sociale, ont été mis avec les autres. Statistiquement, on a mis tout le monde dans le même moule sans s'interroger pour savoir si on aurait les pratiques qui permettraient aux élèves du type III de réussir comme ceux du type I ou du type II. Ils ont donc été dans la même école sans avoir les mêmes chances. Je vous livre le sentiment que j'ai eu à l'époque. Il me semblait qu'on était en train de dilapider un capital qui était la capacité pour certains enseignants de faire réussir des jeunes de milieux différents à travers des méthodes différentes.

M. Claude Bérit-Débat. - Je partage la totalité du constat que vous venez d'énoncer et un certain nombre de propositions, notamment celle concernant le socle commun des connaissances et des compétences. J'ai relevé certaines propositions notamment concernant la prise en charge continue des élèves dans le collège. Je partage les affirmations de notre collègue sur la suppression de la carte scolaire et la discrimination qui existe dans un certain nombre de quartiers. On peut la retrouver également dans certains établissements ruraux.

Vous demandez que les élèves soient occupés. Avec quels moyens ? Aujourd'hui la RGPP est partout, sauf dans l'enseignement supérieur et la recherche. Cela nécessite plus de présence d'enseignants dans les établissements mais pas seulement. Est-ce que cela suffit ? Quels sont les moyens que l'on pourrait mettre à disposition pour atteindre les objectifs que vous préconisez et que je partage en grande partie ?

Mme Françoise Cartron. - Parmi les difficultés évoquées, nous partageons tous un constat. Les divergences concernent les réponses qui y sont données. Parfois la réponse est plus mauvaise que le mal. Je prendrai l'exemple de la formation des maîtres. Je pense qu'il ne faudrait pas qu'on s'oriente vers de mauvaises réponses face à de véritables difficultés.

Je partage vos propos sur le socle de connaissances nécessaires. Il y a une vraie révolution des mentalités à faire passer pour qu'il ne soit pas assimilé à une baisse du niveau. Or compte tenu de la formation des maîtres actuellement mise en place, je ne sais pas comment ils vont pouvoir porter cette notion de socle de connaissances, qui constitue un savoir minimum, alors qu'ils sont dans un parcours très marqué par l'élitisme.

Les métiers manuels ont beaucoup évolué. Ils sont de plus en plus complexes et font appel à l'abstraction. Ces métiers doivent trouver dans cette évolution leur nouvelle plus-value. Ne nous laissons pas abuser par le terme de métiers manuels qui sont devenus aujourd'hui, à mon avis, beaucoup plus techniques.

Vous avez indiqué que le collège n'a pas été prioritaire en termes de moyens par rapport au lycée. Le rapport de la Cour des comptes pointe également que les moyens affectés à l'école primaire sont en deçà de ceux qui lui sont nécessaires. Il faudrait repenser la finalité de l'école fondamentale. Dans les pays nordiques, comme la Finlande, il n'y a pas cette coupure entre l'école primaire et le collège qui est aussi une source de difficulté.

Mme Colette Mélot. - Je partage nombre de propos. Je voudrais insister sur certains points.

L'individualisation des parcours me paraît un but à atteindre. Comment ? Il faut trouver la bonne solution. Elle doit s'accompagner de l'autonomie des établissements qui doivent être ancrés dans leurs territoires. Cela permettra d'effectuer un travail mieux adapté à l'environnement. Ainsi, en Finlande, l'autonomie est le maître mot à tous les niveaux.

De cette autonomie découle une école ouverte aux parents et un système qui pourra apporter la réussite. Je pense qu'il faut aller plus loin pour trouver les bonnes solutions.

M. Claude Domeizel. - Le collège accueille des jeunes qui sont dans une période fragile. J'aurais aimé qu'on évoque le personnel qui les accueille. Auraient pu être abordées les questions de la pyramide des âges de ce personnel et de l'origine de la formation des maîtres. Ces jeunes passent en effet d'un enseignement dispensé par des personnels pluridisciplinaires à un personnel recruté par discipline. Il existe un problème d'adaptation des jeunes à ce bouleversement important. Je ne suis pas un nostalgique des professeurs d'enseignement général de collège (PEGC), mais il y avait une sorte de continuité entre le primaire et le collège lorsque les élèves étaient accueillis par d'anciens instituteurs.

M. Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation. - Sur la question des moyens, se pose le problème de l'affection générale d'une enveloppe budgétaire donnée. On constate un surinvestissement pour le lycée.

Je pense qu'il n'y a pas forcément de solution uniforme sur la question de la prise en charge continue des élèves de leur arrivée au collège jusqu'au soir. Elle ne devra pas être traitée de manière identique selon le type de collège. Elle est en lien avec la question de la marge de manoeuvre accordée aux établissements pour résoudre ce problème. Cela ne peut pas se faire à coûts constants. Car il y a des éléments d'infrastructures et d'investissements associés à un tel projet.

Sur la formation des maîtres, il faut trouver un moyen en France de garantir l'excellence disciplinaire avec la préparation à un métier qui s'exerce dans des conditions de plus en plus difficiles.

La culture manuelle n'est pas seulement la préparation au lycée professionnel ou à l'apprentissage. C'est aussi la reconnaissance qu'il y a d'autres formes d'intelligence et de savoir. Les métiers manuels intègrent de plus en plus de connaissances abstraites ; il ne doit pas y avoir cette opposition tranchée.

Il est nécessaire d'avoir une diversification des cheminements pédagogiques. Les enseignants doivent en être conscients et être persuadés que tout le monde peut apprendre. On peut considérer que l'hétérogénéité se gère soit par groupe de niveau homogène, à l'exemple de la Grande-Bretagne, soit à l'intérieur du groupe classe comme dans les pays nordiques, le second modèle étant plus propice à l'égalité des chances. Les deux systèmes sont toutefois meilleurs en termes de résultats que le nôtre.

M. Jacques Legendre, président. - Je voudrais en conclusion dire que le Haut conseil de l'éducation existe, qu'il travaille, qu'il fait des propositions et rappeler que c'est la raison pour laquelle nous nous sommes opposés à l'Assemblée nationale, qui avait proposé sa suppression, en déposant un amendement pour le maintenir. Cet amendement sera défendu par M. Pierre Bordier dans le cadre de la prochaine discussion de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.

Audition de M. Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique

Puis, la commission procède, conjointement avec le groupe d'études musiques et chanson française, à l'audition de M. Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique, accompagné de M. Thibaud de Camas, directeur général adjoint, et de M. Patrice Januel, directeur général de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris.

M. Jacques Legendre, président. - Je suis heureux de vous accueillir pour cette audition organisée conjointement par notre commission et par le groupe d'études musiques et chanson française présidé par notre collègue Ivan Renar.

Cette audition doit nous permettre de mieux saisir les missions de la Cité de la musique et de faire le point sur l'avancement du projet de Philharmonie de Paris et sur les difficultés qu'il rencontrerait actuellement si l'on en croit un récent article paru dans « Le Parisien ».

M. Ivan Renar, président du groupe d'études. - Le groupe d'études musiques et chanson française rassemble des sénateurs issus des différentes commissions permanentes du Sénat. Nous avons souhaité organiser cette audition pour deux séries de raisons : d'abord pour nous permettre d'apprécier la façon dont l'Établissement public dont vous avez la responsabilité s'acquitte de sa mission de diffusion de la musique ; ensuite pour faire le point sur le projet de « Philharmonie de Paris », dont je souhaiterais que vous puissiez nous rappeler les caractéristiques et la façon dont il s'intégrera dans les infrastructures dont vous avez la responsabilité, avant de nous donner des précisions sur son coût, l'état de son avancement et le calendrier prévu pour sa réalisation.

Un article paru dans un grand quotidien du soir, début octobre, laissait en effet entendre que l'État n'avait peut-être pas définitivement arrêté les modes de financement des 160 millions d'euros revenant à sa charge, au risque de retarder la réalisation des travaux.

M. Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique. Je vous remercie pour votre invitation. Je suis accompagné par M. Thibaud de Camas qui dirige à mes côtés l'établissement public industriel et commercial de la Cité de la musique, ainsi que la Salle Pleyel, qui possède, elle, le statut de société par actions simplifiée dont les actionnaires sont, pour 80 % la Cité de la musique, et pour 20 % la Ville de Paris. Ce statut particulier de S.A.S. est destiné à permettre à la Ville de Paris d'entrer dans le capital de la Salle Pleyel, car elle ne peut en principe participer au capital des établissements publics de l'État. Je suis également accompagné de M. Patrice Januel, directeur général de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris.

Je tiens à vous indiquer d'emblée que le blocage du projet de Philharmonie de Paris, dont la presse s'est fait l'écho, tenait à une position d'attente de l'État qui a duré plusieurs mois, et qui est en voie d'être levée dans les prochaines semaines, d'après les informations que vient de me communiquer la Présidence de la République.

Compte tenu du fait que l'achèvement du chantier demande encore trois grandes années de travail, cela nous permet d'augurer l'ouverture de la Philharmonie soit pour la fin 2013 si l'on fait le choix stratégique d'accélérer les choses, soit à la rentrée de septembre 2014 si l'on a la sagesse de se donner davantage de temps.

S'agissant de la Cité de la musique en général, elle s'inscrit dans un cadre qui est commun à celui des autres grandes institutions culturelles, tout en présentant des particularités liées aux spécificités de la musique.

Deux considérations dominent aujourd'hui - et depuis quelques années déjà - le rayonnement et la diffusion de la musique.

La première, c'est la problématique centrale de l'éducation, qui se pose à deux niveaux. Le premier de ceux-ci, qui a trait à la formation des musiciens professionnels, est du ressort des conservatoires, et je ne développerai donc pas cet aspect des choses sauf pour remarquer qu'il me paraît vain et injustifié de prétendre que le niveau des musiciens formés en France serait inférieur à ce qui prévaut ailleurs ; et d'ailleurs ceux-ci se défendent très bien dans les concours de recrutement des grands orchestres étrangers.

L'autre axe de cet effort d'éducation tend à donner à tout citoyen les bases lui permettant d'accéder aux oeuvres musicales. Ces bases pourraient certes être dispensées dès l'école mais cette dernière ne fait que peu de place à ce type d'enseignement.

Il revient donc aux institutions du ministère de la culture - les orchestres, les maisons d'opéra - de mettre en place des activités éducatives en direction des enfants comme des adultes pour favoriser l'éveil musical. Celui-ci ne peut passer par le seul concert, mais suppose une autre approche de la matière sonore et de la pratique qu'en ont les musiciens.

À l'image de ce qu'ont réalisé des pionniers comme Jean-Claude Casadesus avec l'orchestre de Lille, la Cité de la musique a mis sur pied une véritable politique en ce domaine.

C'est ainsi qu'elle a monté un orchestre de 450 enfants. On a pu en constater les effets bénéfiques sur leur concentration, leur sens de la discipline. Sur la durée, leur comportement s'est modifié, montrant que la musique peut jouer un rôle structurant dans l'éducation. La Cité a aussi développé de nouveaux ateliers et des activités éducatives variées.

L'autre considération qui domine la problématique de la diffusion musicale tient au fait que nous vivons dans un monde qui a beaucoup changé.

Les nouvelles technologies y tiennent évidemment une large part. Mais la musique est aussi, plus que les autres arts, ancrée dans la mondialisation dans la mesure où, contrairement au théâtre, par exemple, elle ne connait pas la barrière de la langue. Tout musicien exerce aujourd'hui une grande part de son activité à l'étranger, les pays de l'Europe du Nord bien sûr, mais aussi des pays comme l'Espagne.

Les salles de concert sont traditionnellement des lieux qui ouvrent de 20 heures à 23 heures. Elles doivent aujourd'hui s'inspirer de la mutation qu'ont connue les musées qui proposent, à côté des salles d'exposition, des ateliers, des salles de cinéma, des lieux consacrés à l'éveil artistique des enfants, bref, sont devenus des lieux qui offrent des propositions très diversifiées tout au long de la journée. À leur image, la Cité s'est aussi dotée d'une large gamme d'instruments : la médiathèque, le musée d'instruments de musique, des expositions temporaires.

Le modèle musical actuel, centré sur le concert, est encore largement celui qui s'est imposé à la fin du XIXe siècle. Il fonctionne encore bien mais a pour principale limite de ne pas permettre la conquête de nouveaux publics. Il est peu attractif pour les populations des banlieues et sur le plan du grand tourisme. Il y a donc des efforts à faire dans ce domaine.

Les installations de la Cité trouvent actuellement leur limite sur le concert symphonique. La salle symphonique dont la réalisation était initialement prévue a ensuite été abandonnée. L'État a donc préféré, dans un premier temps, rechercher une solution temporaire en prenant à bail et en rénovant la Salle Pleyel, ce qui a permis, depuis septembre 2007 de proposer une programmation symphonique qui a renforcé l'offre de concerts de la Cité de la musique. Mais, même si elle offre 2 000 places, la Salle Pleyel n'est qu'une salle de concerts : l'exiguïté de la parcelle et les lois de l'urbanisme ne permettent aucune extension. Deux orchestres y sont en résidence : l'Orchestre de Paris et l'Orchestre philharmonique de Radio France, et l'absence de salle distincte pour les répétitions soulève de nombreuses difficultés pratiques. Or, ils ne peuvent pas toujours libérer la salle dans laquelle ils travaillent dans la journée pour permettre à un orchestre invité qui joue le soir de s'installer et de répéter convenablement. Ces conditions de travail ne sont d'une façon générale pas les plus propices à la bonne tenue de nos formations.

En outre, même si la Salle Pleyel a de grandes qualités pour l'accueil du public des concerts, elle ne comporte aucun espace pour la pédagogie, et n'est donc pas un lieu adapté pour gagner à la musique de nouveaux publics.

La décision de réaliser une nouvelle salle symphonique sur le Parc de la Villette, a donc été prise en 2006 par le Gouvernement et par la mairie de Paris avec le soutien de la région Île-de-France.

Cette salle doit pouvoir soutenir la comparaison avec les salles que l'on trouve dans les villes allemandes ou espagnoles, et comporter plusieurs salles de répétition pour offrir de bonnes conditions de travail, ainsi qu'un espace de 2 000 m² pour la pédagogie, en direction des enfants et des adultes, grâce à des activités organisées avec les musiciens.

J'en résume brièvement les étapes :

- en 2007 : choix du cabinet d'architecture de Jean Nouvel, constitution autour de Patrice Januel de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris, lancement des études ;

- en 2009 : élaboration de l'appel d'offres ;

- en 2010 : Bouygues GDF Suez remporte l'appel d'offres ; s'ouvre alors le temps de latence que j'évoquais au début de nos propos.

M. Ivan Renar, président du groupe d'études. - Je vous remercie, monsieur le directeur général.

Je donne la parole au rapporteur pour avis de la mission budgétaire « Culture - Création.

M. Serge Lagauche. - J'ai simplement participé aux débats houleux qui ont eu lieu pour la rénovation de la Salle Pleyel.

Nos collègues de province estiment qu'ils sont en quelque sorte laissés-pour-compte, même s'ils admettent la nécessité de réaliser de nouveaux équipements à Paris. Ils considèrent qu'on fait déjà beaucoup pour l'Île-de-France et qu'il ne faut pas négliger la province en termes de structures d'accueil pour la musique. Tel était leur ressenti, presque douloureux, lors des débats sur la Salle Pleyel. Les moyens donnés sont nettement insuffisants en province.

Est-ce que les régions sont suffisamment attentives à ce problème ? Dans une période difficile, s'engager sur les orchestres n'est pas évident, même si cela semble d'une grande nécessité.

Dans les établissements scolaires, les initiatives artistiques ont disparu, à l'exemple des petites chorales d'enfants. Par ailleurs, les conservatoires ou les maisons des jeunes se rendent compte que le coût des instruments de musique n'est pas négligeable pour les familles. Prêter des instruments exige de la part des municipalités un certain nombre de sacrifices. Compte tenu de l'obligation de participation financière pour les familles, cela ne touche en fait qu'une élite.

M. Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique. - Je ne peux pas répondre globalement sur la politique culturelle menée par l'État et les relations entre l'échelon central et les collectivités territoriales. Je peux cependant apporter des éléments de réponse à vos remarques.

Nous avons de manière volontariste, en utilisant la salle Pleyel, tout fait pour initier des relations positives avec des orchestres en région. Pour quatre d'entre elles au moins, correspondant aux villes de Toulouse, Lille, Strasbourg et Lyon, il existe une très forte demande. Ces régions considèrent que l'accueil que nous leur offrons est la clef d'entrée dans les grandes salles étrangères. Aujourd'hui, si vous entretenez un orchestre de 110 à 120 musiciens, vous ne pouvez imaginer que les concerts ne se feront que dans votre ville. Il faut qu'il y ait une projection minimale sur la scène nationale et internationale. Les codes qui font qu'on invite ou non telle ou telle formation passent par des références d'accueil qui créent le statut de l'orchestre. Les quatre orchestres cités sont en demande très forte vis-à-vis du projet de la Philharmonie car ils en voient tout l'intérêt tant sur le plan de la diffusion qu'en termes d'articulation avec la formation des jeunes.

D'ailleurs, la direction de l'orchestre de Toulouse, depuis deux ans, me demande de rencontrer les élus car il existe toujours le projet de création d'une petite philharmonie dans cette ville. Les modèles doivent se décliner selon les territoires.

Vous avez évoqué l'éducation des enfants. La constitution d'un choeur dans une petite ville ou une ville moyenne en France paraît plus difficile que dans les pays anglo-saxons qui possèdent cette tradition. La seule façon d'opérer est d'impliquer les musiciens professionnels.

Dans notre projet qui regroupe 450 enfants, les instruments de musique ont été prêtés dans les familles. À la fin de la première année, on a constaté très peu de dégradations. Dans chaque groupe d'enfants, étaient présents un musicien professionnel et un pédagogue. Cette association fonctionne car l'enfant a besoin à la fois de pédagogie que n'apporte pas forcément le musicien professionnel et d'être fasciné par le monde sonore qui lui est ouvert par ce dernier. Une part de cette expérience est transférable en région. Lorsque les élus discutent avec les responsables des formations musicales, ils peuvent demander des contreparties liées à un engagement dans la société. Il s'agit d'assumer sur leur temps de travail un rôle social. Je pense qu'aujourd'hui face aux questions qui se posent sur la survie des modèles classiques, on a besoin d'un certain volontarisme.

M. Claude Bérit-Débat. - Je suis très impressionné par ce que vous proposez au niveau de la Cité de la musique, votre concept d'ouverture aux enfants.

Je souhaiterais qu'on puisse reproduire ce que vous faites en province en dépit des difficultés qui se posent. Je suis sénateur d'un département très rural, la Dordogne. Le rayonnement n'est pas le même. On a créé un conservatoire de musique à rayonnement départemental. Les professeurs de ce conservatoire ont formé un ensemble instrumental de jazz, sont impliqués et font de l'initiation. C'est un exemple que l'on doit pouvoir transposer. Est-ce que la Cité de la musique peut proposer de façon décentralisée ce type d'opération en étant le maître d'oeuvre ou alors est-il possible de réaliser des échanges entre la province et la capitale à travers la Cité de la musique pour permettre à des jeunes de connaître ce domaine ?

M. Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique. - Le tissu d'orchestres est assez faible en France par rapport à d'autres pays. Il a également perdu de sa densité depuis la fin de la seconde guerre mondiale puisque suite à plusieurs réformes successives de l'audiovisuel public, des orchestres en région ont été dissous. On aurait pu transformer ces orchestres de studio en orchestres publics.

Le rôle de la Cité de la musique doit se concevoir dans les années à venir en relation avec les régions et par le dialogue sur le terrain. Pour se faire, il faut qu'il y ait des éléments sur le terrain avec lesquels on dialogue.

On peut proposer plusieurs secteurs d'action. Le premier est celui des réseaux numériques. Nous avons négocié avec toutes les sociétés d'ayants droit mais aussi avec le ministère de l'éducation nationale le fait que toutes les ressources de la Cité de la musique soient accessibles à des partenaires dès lors qu'ils n'en font pas commerce. Les bibliothèques sont par exemple le coeur de cible de cet accès en transférant via des réseaux numériques des données audiovisuelles, qui peuvent enrichir les fonds des bibliothèques municipales.

M. Thibaud de Camas, directeur général adjoint de l'Établissement public de la Cité de la musique. - Cela concerne aussi des collèges, des lycées. Un site vient également d'ouvrir qui propose 100 heures de musique en intégralité. Ce stock est renouvelé périodiquement et devrait croître.

M. Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique. - Sur le terrain des ateliers, tout est à construire. Nous menons une première expérience, volontairement très modeste, à Aix-en-Provence pour les quartiers d'Aix-Sud mais aussi de Marseille. Des musiciens travaillent régulièrement avec des groupes d'enfants.

J'espère que le travail que nous réalisons avec l'orchestre de 450 jeunes nous permettra dans un an de commencer à installer une pédagogie à base d'audiovisuel permettant aux musiciens d'orchestre de toute ville de se saisir des méthodes. Nous proposons des méthodes collectives de pédagogues qui ont été testées dans des pays comme le Venezuela avec des succès importants.

Ce modèle collectif nécessite encore des efforts d'adaptation de la part des professeurs de conservatoire pour se l'approprier mais aussi des musiciens. Nous pouvons avoir un rôle pour aider les volontaires des orchestres en région à se faire à ces méthodes. Pour l'orchestre de Paris, 18 musiciens se sont porté volontaires. Nous devons jouer un rôle important de décentralisation de cette action et d'irrigation du territoire.

Nous sommes également tête de pont pour tous les musées. Si une collectivité possède un instrument de valeur, nous nous déplaçons pour réaliser son expertise. Il en est de même pour toute demande de sortie du territoire d'un instrument.

Il existe aussi des propositions consistant à faire bénéficier les régions de concerts que nous accueillons. Je serais plus modéré sur ce point car on est souvent confronté à des egos des programmateurs en fonction des villes. C'est plus facile à envisager dans des villes moyennes, mais on ne peut pas l'institutionnaliser.

Une autre piste à explorer est celle de l'expertise que nous avons acquise et développée en matière de construction et de rénovation de salles de concert. Nous pouvons être pour les municipalités et les régions une assistance à maîtrise d'ouvrage pour ce type de projet.

Mme Françoise Cartron. - Je suis passionnée par cette question de l'accès à la musique pour tous. Je suis une élue de la région Aquitaine. Je pense que lors du changement de chef d'orchestre, on a raté l'occasion de pouvoir débattre en amont de tout ce que vous avez proposé au regard de l'implication des musiciens hors du champ traditionnel du concert. Les réticences des musiciens sont une réalité avec des réflexes corporatistes face auxquels on est très démuni. Il y a sans doute de l'accompagnement à faire dans les régions lorsqu'elles sont sollicitées financièrement. Ce peut être l'occasion de pouvoir inscrire un certain nombre de priorités.

Dans cette vision de la musique accessible à tous que vous développez, on part de cette ambition dans les communes et on y répond mal par des écoles de musique où ne viennent que les enfants dont les parents ont déjà pratiqué une activité musicale. Ne faut-il pas entreprendre un travail particulier pour faire évoluer ces écoles de musique ? Elles n'encouragent pas la pratique collective de la musique et elles ne s'ouvrent qu'à des présélectionnés en fonction de conditions sociales ou familiales.

M. Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique. - Il est difficile de généraliser. Certaines régions sont mieux dotées que d'autres. Les dépenses pour les écoles de musique et les conservatoires ne sont pas les mêmes. Le niveau d'inégalité est assez fort, il faut s'adapter à cette réalité.

Toutes ces questions, nous nous les sommes posées quand nous avons décidé de créer cet orchestre de 450 jeunes. Je pense qu'il faut se garder de toute vision trop dirigiste. Le fait de faire collaborer des professeurs de conservatoire à un processus qui concerne aussi des musiciens professionnels constitue la bonne méthode. Il n'est pas facile pour un maire de connaître la bonne posture à adopter face aux arguments d'un orchestre de 120 musiciens. Cela nécessite aussi sur le terrain que les élus soient rassurés en termes d'expertise sur ce qu'ils proposent. C'est la raison pour laquelle nous pouvons être sur certains sujets une interface.

M. Jean-Pierre Michel, membre du groupe d'études. - Je vous remercie de ces propos. Je serai moins critique que mes collègues même si je suis provincial. Paris a besoin de grands équipements notamment musicaux. Le plus tôt sera le mieux.

Vous avez cité quatre orchestres en province. Je remarque que, pour trois d'entre eux, ils sont liés à des maisons d'opéra importantes. Est-ce une condition sine qua non ?

Je suis élu d'un petit département rural, la Haute-Saône. Il n'y a rien, sauf une ADDIM (Association départementale pour le développement et l'initiative de la musique et de la danse) financée par le conseil général et la direction régionale de l'action culturelle (DRAC) qui réalise des actions intéressantes. La vieille idée de « l'école qui chante » fonctionne encore très bien dans les écoles primaires mais aussi dans les collèges. Depuis un an, grâce au label de pôle d'excellence rural, nous avons financé un équipement itinérant, la bulle à spectacles, qui rencontre beaucoup de succès.

Enfin, je voudrais dire qu'en Franche-Comté, il y avait deux orchestres. Finalement, sans trop de douleur, on a réussi à supprimer un orchestre à Montbéliard pour essayer de conforter l'orchestre régional.

M. Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique. - Lorsqu'on parle en termes généraux, on a tendance à être très injuste et à ne pas rendre compte de la diversité des initiatives prises, souvent plus encourageantes que le paysage global décrit.

Le modèle que nous défendons englobe des cultures plus populaires comme le jazz, la variété et aussi des cultures d'autres continents. Il y aujourd'hui beaucoup moins de clivages entre les différentes formes de musique que par le passé.

S'agissant des orchestres, je pense qu'à un moment on est rattrapé par la taille critique. L'exemple que vous donnez est intéressant. Parfois il faut assumer la fusion sinon des répertoires entiers ne peuvent être abordés.

Vous avez ensuite évoqué les quatre orchestres en région. Celui de Lille fait à 90 % des concerts. C'est vraiment un orchestre symphonique. Il en est de même à Lyon. Dans cette ville, suite à des difficultés récurrentes, l'opéra a créé son propre orchestre, avec une dotation de 65 postes. Les deux autres villes rentrent dans le schéma que vous citez. L'expérience montre que cela « grogne » beaucoup. Cette problématique met souvent sur la sellette les élus. Il y aurait deux manières de régler le problème, la façon lyonnaise ou la façon allemande, c'est-à-dire en portant le nombre de musiciens à 150.

M. Jack Ralite. - Je n'évoquerai qu'un seul problème, celui du grand équipement à côté de la Cité de la musique. On ne devrait pas se quitter sans marquer la sympathie qu'on a pour ce projet et sa réalisation. Je me rappelle du concert où M. Renaud Donnedieu de Vabres avait interpelé Pierre Boulez sur le fait qu'il ne fêtait jamais son anniversaire à Paris, qui lui avait répondu : on verra pour le prochain. Finalement, à un moment donné, est arrivée la bonne nouvelle. Je ne sais plus maintenant quand on fêtera l'anniversaire de Pierre Boulez à Paris, puisqu'il y a une incertitude. Il faudrait trouver la possibilité de faire savoir en haut lieu que la commission de la culture du Sénat marque un grand intérêt pour cet équipement. C'est une nécessité absolue.

M. Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique. - Notre sentiment très fort est que les assurances verbales qui nous ont été données la semaine dernière devraient conduire à un déblocage de la situation d'ici la fin de l'année. Ensuite, démarrera la phase difficile où le chantier doit se réaliser.

M. Ivan Renar, président du groupe d'études. - Les choix politiques sont au centre de cette décision.

M. Jacques Legendre, président. - Je voudrais dire que nous ne devons pas seulement faire des analyses et exprimer quelques voeux. Cela se traduira par des prises de position des uns et des autres à l'occasion du débat budgétaire. Vous avez bien compris que ce qui peut quelquefois poser problème n'est pas d'avoir une philharmonie à Paris mais celui lié à la multiplication des très grands équipements à Paris qui induit également des frais de fonctionnement pouvant empêcher l'aide ou la réalisation d'équipements ailleurs en province. Ce qui nous préoccupe est de trouver le bon arbitrage entre la part de l'État, celle des régions et celle des villes-centres dans la réalisation de ces équipements. Ceci est aussi l'affaire des politiques. Nous poursuivrons évidemment ce débat en liaison étroite avec vous.

- Présidence de Mme Colette Mélot, vice-présidente -

Loi de finances pour 2011 - Audition de Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission auditionne Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports, sur le projet de loi de finances pour 2011.

Mme Colette Mélot, vice-présidente. - Il me revient de remplacer le président Legendre retenu par la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux collectivités territoriales.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. - En 2010, parmi les grands évènements qui ont marqué le monde du sport, il y a d'abord eu la désignation de la France comme pays organisateur du championnat européen de football, pour lequel la fédération française de football (FFF), les collectivités et l'État ont consenti de gros efforts. J'ai beaucoup fait pour préparer et promouvoir ce projet national avec le Président de la République. Un tel projet a des retombées économiques bien au-delà du secteur du sport et il ne saurait être financé sur le seul budget du sport, ni imputé sur le centre national pour le développement du sport (CNDS) qui a vocation à soutenir la pratique amateur. J'ai obtenu un prélèvement supplémentaire sur le produit des jeux de la Française des Jeux, la disposition devra être introduite par amendement au projet de loi de finances.

Il y a eu ensuite la calamiteuse prestation de l'équipe de France de football en Afrique du Sud. L'implosion de l'équipe a mis en évidence les défaillances du management et la nécessité de former non seulement des sportifs mais aussi des hommes. Malgré cette perte de repères civiques et moraux, les Français ne demandent qu'à rendre leur affection à une équipe qui se sera ressaisie. Les États généraux du football, les 28 et 29 octobre, organisés par la FFF, ont répondu à l'espoir que je formulais en ouvrant ces journées : que le redressement de la gouvernance annonce enfin le retour de la compétitivité et le renouveau des valeurs. Le rôle social et citoyen du sport est essentiel et j'ai pris des mesures de répression et de prévention des violences, conformes aux conclusions du Livre vert du supportérisme - et à celles du rapport d'information établi au nom de votre commission par Bernard Murat et Pierre Martin en 2007.

Un plan d'action contre l'homophobie dans le sport a été lancé en mai. Il passe par la formation de tous les éducateurs et la signature par chaque fédération d'une charte contre l'homophobie.

À Barcelone, à Budapest ensuite, les athlètes et les nageurs français nous ont apporté des moments de joie intenses - sans oublier la récente victoire à Rotterdam de Thomas Ruel, ni la compétition d'escrime qui commence samedi à Paris, au Grand Palais. Déjà, en début d'année, pendant les Jeux olympiques d'hiver à Vancouver, les Français s'étaient pris de passion pour le biathlon ou le surf des neiges. Et bientôt, à Londres, la France remettra en jeu sa cinquième place parmi les nations du sport.

Le succès des élites est indissociable du travail quotidien mené par les fédérations, les formateurs, les bénévoles, qui accueillent les pratiquants de tous âges. Le CNDS est le principal point d'appui du sport pour tous. Ces recettes comportent désormais un prélèvement sur les paris sportifs engagés en ligne ou dans le réseau de la Française de Jeux, dont le taux est porté à 1,5 % des mises. Un financement exceptionnel sera trouvé pour l'organisation de l'Euro 2016. Le CNDS mène des actions en faveur du sport dans les écoles, des handicapés, des quartiers difficiles, des femmes, mais aussi des zones rurales, où la République doit aussi être présente.

Le bénévolat sportif compte 3,5 millions de personnes, c'est le premier mouvement associatif de France. Or il est en proie à l'inquiétude : j'entends donc prendre des mesures pour accroître la formation et valoriser l'engagement de bénévoles, ainsi que leur accès aux responsabilités.

J'en viens à l'organisation des grandes compétitions, qu'il s'agisse de la candidature d'Annecy pour les Jeux olympiques d'hiver de 2018 ou de la Ryder cup en golf, la même année. Nous avons besoin d'outils polyvalents et je serai attentive aux suites qui seront données au rapport « Arena 2015 » de la commission Costantini. Les grandes salles de sport manquent cruellement en France, si l'on excepte Bercy et Pau. Il faut débloquer 140 millions d'euros et je plaide en ce sens, afin que les sports collectifs où nous obtenons tant de victoires soient mieux servis.

Aux Assises du sport et du développement durable, une réflexion indispensable a été engagée. Les normes environnementales prennent une place croissante dans les dossiers de candidature. Et l'on a vu sur un grand projet d'équipement, un circuit de Formule 1 à Flins, s'affronter écologistes et adeptes des sports mécaniques.

Le code mondial antidopage a été transposé par ordonnance, les textes seront bientôt en vigueur. L'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) poursuit son action, son besoin de financement est intégralement couvert par mon ministère. En janvier 2010 sont apparues de nouvelles directions départementales interministérielles chargées de la cohésion sociale et des directions régionales de la jeunesse, du sport et de la cohésion sociale. La restructuration des établissements se poursuit parallèlement. Les infrastructures de l'institut national du sport de l'expertise et de la performance (INSEP) sont modernisées. L'institut français du cheval et de l'équitation regroupe désormais les Haras nationaux et l'École nationale d'équitation. On a créé aussi l'institut national des sports de montagne. Les CREPS, qui prendront le nom de centres de ressources, d'expertise et de performances sportives, sont recentrés sur la haute performance sportive et l'enseignement. Il faut leur conserver leur ancrage territorial.

Quant à la réforme des collectivités territoriales, il convient qu'elle ne conduise pas à priver le mouvement sportif des financements locaux, mais elle est l'occasion de rechercher plus de cohérence dans la répartition des rôles. Je ne doute pas que la commission mixte paritaire (CMP) en cours, sur ce texte, parviendra à un bon équilibre.

Les crédits du sport se répartissent entre le programme « sport » de la mission « jeunesse et sport », l'action de soutien rattachée à la mission « solidarité » et le CNDS qui dispose de ressources extrabudgétaires, en hausse de 9 %, tandis que les crédits budgétaires diminuent. Au total, avec 648 millions d'euros en autorisations d'engagement, 680 millions en crédits de paiement, le budget est en léger recul, de 3 %. Le CNDS contribuera pour 16 millions par voie de fonds de concours à l'action « sport pour tous » du programme sport. Le budget est déchargé du remboursement du droit à l'image collective (DIC) à la sécurité sociale, qui représentait 24,7 millions d'euros. N'étant pas en année olympique, nous économisons aussi certaines charges telles que les primes de médailles, 1,4 million d'euros cette année. La subvention à l'agence de lutte contre le dopage est stable. Le budget du sport en 2011 participe à l'effort d'économies imposé par la conjoncture ; mais le soutien au sport pour tous et aux fédérations demeure inchangé, les crédits de la lutte contre le dopage sont intégralement préservés.

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis des crédits du sport. - Les crédits sont en baisse : nous le déplorons mais le comprenons. Mais le sport ne mérite-t-il pas plus qu'un secrétariat d'État ? Il a un large impact sur la société ! Je me félicite de l'annonce, même tardive, concernant le financement du championnat d'Europe 2016. Il fallait trouver 150 millions d'euros : le prélèvement supplémentaire, pendant cinq ans, sur le produit des jeux de la Française des Jeux est une bonne nouvelle, les stades seront rénovés et le CNDS conservera son potentiel pour aider le sport amateur.

Vous avez cité en premier rang des évènements marquants de 2010 l'organisation de l'Euro 2016 ; et ensuite seulement, tant mieux, la prestation « calamiteuse » de l'équipe de France de football et ses retombées dans le pays. Ce sport est le premier en France, par le nombre des licenciés et par celui des spectateurs, dans les stades ou devant la télévision. J'ai été choqué par cet épisode. Et si l'espoir fait vivre, ce n'est pas le match d'hier qui nous réconforte vraiment, en dépit de ses conséquences positives pour la qualification en coupe d'Europe.

Pourquoi des États généraux du football « en famille », limités au monde du football ? Pourquoi n'avoir pas convié les élus, par exemple ? Est-ce pour laver le linge sale en famille ? Quoi qu'il en soit nous ne savons rien des conclusions. Tout ce que nous savons, c'est qu'après le départ de M. Escalettes et son remplacement par M. Duchaussoy, une bataille pour le pouvoir s'est engagée. Il faut donc clarifier et « nettoyer », afin que les jeunes aient à nouveau envie de pratiquer le football.

La suppression du droit à l'image collective a des conséquences financières pour les clubs. J'ai rencontré les présidents Thiriez, Camou et Revol. La décision est prise et nous devons l'accepter. Les crédits correspondants ont disparu : ces 24,7 millions auraient pourtant pu être réaffectés, par exemple à la retraite des sportifs de haut niveau, non pas ceux qui ont des comptes en banque dans plusieurs pays mais ceux qui gagnent à peine leur vie.

Durant la discussion sur la réforme des collectivités territoriales, on nous a assurés que rien ne changerait et que les régions et départements pourraient s'investir comme dans le passé. Quelles seront les nouvelles règles de financement ?

M. Bordry a quitté l'agence de lutte contre le dopage, où il a été remplacé par M. Genevois. Or le démissionnaire a eu des propos inquiétants, il affirme que c'est dans les salles de musculation que les produits dopants circulent le plus. Tous les sportifs sont concernés - quand on voit comment les footballeurs et les rugbymen tiennent la distance et encaissent les chocs, on se pose des questions. Mais peut-on aller plus loin dans les contrôles sur ces sports-là ? L'agence doit avoir les moyens de continuer son travail, exemplaire. N'oublions pas que les contrôleurs ont toujours un temps de retard sur l'imagination des pourvoyeurs de produits dopants.

La Tribune de Genève a révélé que 80 % des tennismen français étaient domiciliés en Suisse - et les 20 % restants à Monaco. Que dire alors des footballeurs, mais aussi des basketteurs et handballeurs ? Certains basketteurs n'ont pas porté le maillot tricolore cet été parce qu'ils étaient occupés à négocier leurs contrats pour les années à venir. Les jeunes de 15 ou 16 ans choisissent un pays, une équipe, en fonction de leurs chances à jouer ici ou là et de la rémunération escomptée !

Soit dit en passant, je félicite la ministre pour ses propos sincères qui expriment des réactions viscérales. Le sport est passionnant, mais lorsqu'il nous inflige des déceptions, cela nous fait mal. Le sport doit nous faire plaisir, nous faire rêver aux belles victoires à venir. Je songe à ces brillants nageurs : ne gaspillons pas ce beau matériel !

Mme Colette Mélot, vice-présidente. - Nous admirons votre passion.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. - Si l'annonce des modalités de financement de l'Euro 2016 a été tardive, c'est que la bagarre faisait rage en coulisses, jusque tout récemment ! Mais le Président de la République nous a entendus. Le CNDS ne pouvait tout de même pas être sollicité pour financer le sport le plus riche alors qu'il a vocation à soutenir le sport amateur et les disciplines modestes.

J'avoue que je porte une part de responsabilité dans le choix d'États généraux limités à la « famille » du football. J'étais partagée : durant les évènements de la coupe du monde, on entendait demander « de quoi se mêlent les politiques », mais tout le monde reconnaissait aussi que la question dépassait le monde des sportifs - le moral de tout le pays était atteint...

Il m'a paru nécessaire de placer le monde du football devant ses responsabilités, pour qu'il se réforme par lui-même. Les doutes étaient forts et nombreuses les prédictions pessimistes dans la presse. On partait de loin et les tensions étaient vives au sein de la fédération, après le départ de M. Escalettes. La moindre décision du président - par intérim... - déclenchait des contestations, portées sur la place publique au nom de l'intérêt général mais motivées par des ambitions personnelles. Et pourtant, les États généraux, avec la fédération aux manettes, ont été un grand succès. Ils annoncent une réforme profonde et consensuelle. Trois groupes de travail ont été créés, l'un pour la modernisation des structures du football, un autre portant sur la compétitivité et la solidarité à l'égard du sport amateur, un troisième sur le rôle social et citoyen du football.

La modernisation se fera par une démocratisation du système électoral : un scrutin de liste - chacune présentant un homme et une équipe. La gouvernance reposera sur un comité exécutif restreint et une sorte de conseil de surveillance, qui prendra la forme d'une Haute Autorité du football. Cela ira de pair avec une clarification des compétences de la fédération, de la ligue du football professionnel et de la ligue amateur. Il faudra aussi prendre des mesures, puisque le football professionnel est en déficit de 180 millions d'euros - tout n'étant pas dû à la suppression du DIC... Le nombre des licences est en baisse avec la crise économique et l'impact de la coupe du monde ; et le financement du football est de plus en plus conditionné par le montant des droits de retransmission télévisée, or Canal+ est en situation de monopole depuis le retrait d'Orange. Peut-être faut-il s'inspirer du rugby où la masse salariale est plafonnée dans le budget des clubs, peut-être faut-il appliquer la règle du joueur formé localement. Certains clubs comme Nantes sont connus pour leur formation de qualité, mais les jeunes joueurs partent rapidement rejoindre d'autres clubs...

Le football amateur lance un S.O.S. car il n'a pas suffisamment de moyens. Au sein de l'assemblée de la fédération, une représentation plus équilibrée pourrait être mise en place. Et je crois utile de sanctuariser les aides financières au football amateur, afin qu'elles ne soient pas affectées par les aléas économiques.

Quant au rôle social et citoyen, les joueurs professionnels seront invités à participer plus activement à des actions sociales financées par les clubs. Il faut former des hommes et des citoyens et valoriser le bénévolat.

Les nouvelles lignes directrices seront présentées pour être adoptées à l'assemblée de la fédération le 18 décembre prochain ; puis une assemblée générale extraordinaire se prononcera ; enfin l'assemblée de la fédération en juin 2011 élira les représentants dans les nouvelles instances.

Les 24,7 millions d'euros du DIC sont partis immédiatement au budget général, je ne les ai pas conservés. Mais ce versement nous a évité une ponction ailleurs... Néanmoins, le Président de la République, conscient du problème de compétitivité des clubs français, a souhaité que nous présentions un dispositif de remplacement du DIC. J'ai mis en place un groupe de travail associant les diverses disciplines et ligues, nous sommes parvenus à l'idée d'une aide axée sur la formation au sein des clubs. L'école française est performante mais elle coûte cher ! Le principe a été présenté à Matignon, nous attendons les arbitrages.

La retraite des sportifs est un autre combat : il faut dégager 5 millions d'euros. Les sportifs de haut niveau ont un statut d'amateur, ils entrent donc très tard dans la vie professionnelle. Nous envisageons un régime dans lequel les sportifs bénéficieraient de quatre trimestres validés par année d'inscription.

La réforme des collectivités territoriales m'a donné des inquiétudes ; je m'en suis ouverte à M. Perben et aux responsables d'associations des collectivités. Les deux assemblées ont préservé la capacité des collectivités à participer au financement du sport, je m'en réjouis. Les financements croisés demeurent possibles, sous réserve de l'élaboration d'un schéma d'organisation. Durant la période transitoire, jusqu'en 2015, il s'agit de ne pas perturber le système actuel des financements croisés. J'en ai parlé aux quatre rapporteurs ainsi qu'au Premier ministre, je crois avoir obtenu leur écoute.

Le président Bordry a réalisé un bon travail à la tête de l'AFLD. Son successeur est un très fin juriste, spécialisé dans le sport ; j'ai toute confiance en ses qualités. Vous avez raison de souligner que le cyclisme n'est pas la seule discipline concernée par le dopage, du reste, les joueurs de l'équipe de France de football ont été soumis à un contrôle durant leur stage à Tignes, avant l'été. La transposition du code mondial antidopage s'est faite par ordonnance. Trois décrets ont été élaborés, deux arrêtés déjà publiés. Quant au budget de l'agence, il est inchangé. Le gouvernement a renoncé à majorer la taxe Buffet, juste après la suppression du DIC. Je me suis engagée à apporter tout de même les financements nécessaires au bon fonctionnement de l'agence. La subvention de 7,8 millions d'euros est reconduite pour 2011. L'agence est une autorité administrative, financée à 80 % par l'État, mais elle est indépendante, sans conteste. Son nouveau dirigeant a des convictions fortes.

Certains sportifs, comme certains artistes, sont français uniquement lorsque cela les arrange. Les basketteurs qui n'ont pas participé au mondial de basket n'avaient pas non plus joué au championnat d'Europe : j'espère que le nouveau président de la fédération internationale, qui était auparavant le président de la fédération française, poussera la National Basketball Association (NBA) à laisser les joueurs français, Tony Parker ou Joakim Noah, à jouer en équipe de France. Leurs clubs américains craignent les blessures !

Vous parlez des choix que font les jeunes joueurs : ils suivent les règles de la fédération internationale de football association (FIFA) ! Mais le football se redresse, un nouvel état d'esprit apparaît, une nouvelle génération émerge, les supporters se reconnectent avec leur équipe. Un cycle nouveau s'engage.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative. - Les exilés fiscaux qui me scandalisent vraiment sont les entraîneurs ou sélectionneurs nationaux ! La fédération, qui exerce une délégation de service public, les choisit alors qu'ils sont domiciliés en Suisse !

Vous défendez avec enthousiasme votre budget, madame la ministre, mais on s'éloigne de plus en plus de l'objectif affiché par le Président de la République en 2007 : 3 %. À environ 0,2 %, le niveau en est bien modeste.

Votre prédécesseur entendait réduire le nombre des sportifs admis dans la catégorie haut niveau, de 15 000 à 5 000. L'objectif est louable, mais où en est-on ?

J'ai aussi quelques inquiétudes concernant le financement des équipements sportifs, les grandes salles préconisées par la mission Costantini. Nous ne serions pas en mesure actuellement d'accueillir un championnat d'Europe de handball... Il faut 140 millions d'euros et 150 millions pour les grands stades.

Pour 2016, le besoin de financement est de 1,7 milliard d'euros. Or en 2009, pour la première fois, les dépenses d'équipement brut des départements ont chuté de 4 %.

Votre prédécesseur avait engagé la restructuration des CREPS : sur les 24 existants, six devaient être fermés. Comment s'est passée leur reconversion ?

Lors de votre intervention à la Sorbonne, vous aviez annoncé que vous nommeriez un parlementaire pour faire un état des lieux du sport en milieu rural. Où en est votre réflexion ?

Pour le CNDS, on sait comment les choses vont se passer : on a vu ce qu'il en était avec les Jeux d'Albertville en 1992 et la coupe du monde de foot en 1998. Les prélèvements se feront toujours au détriment d'un certain nombre d'équipements sportifs de proximité.

M. Jean-François Voguet. - Il est regrettable que les élus n'aient pas été invités à participer aux États généraux du football. Ce sont en effet les maires qui financent la quasi-totalité du football amateur. Ils ont des choses à dire sur la structure des clubs dans les villes et les villages. Nous connaissons tous des clubs en première division de district qui versent des primes de matchs à des jeunes alors qu'ils sont très loin du haut niveau. Il faut revenir sur ces pratiques.

Le mouvement sportif craint que les collectivités territoriales ne puissent plus venir en aide au sport amateur. Les collectivités ont, en effet, de plus en plus de mal à le financer comme elles le souhaiteraient.

Votre budget est en baisse et il est loin de répondre aux attentes du mouvement sportif, mais nous en reparlerons en séance.

Il semble que nous assistions à une stagnation, voire à une réduction du nombre de licenciés sportifs dans notre pays. S'agit-il d'une évolution sociale ? Si elle se confirme, cette tendance serait inquiétante car le sport est porteur de valeurs éducatives extrêmement fortes.

M. Claude Bérit-Débat. - Savez-vous combien d'emplois sport ont été touchés par la révision générale des politiques publiques (RGPP) ?

Au-delà des financements croisés et des compétences des collectivités territoriales qui font l'objet de discussions en commission mixte paritaire, qu'en sera-t-il des nouvelles règles de financement des collectivités ? Elles se trouvent dans un environnement budgétaire contraint, et elles sont obligées de se désengager de la culture et du sport. Je le constate dans ma propre collectivité.

Enfin, la ponction sur le CNDS va se faire au détriment d'équipements nécessaires, notamment en milieu rural.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. - Monsieur Lozach, il n'est pas de mon ressort de contrôler la résidence fiscale des sélectionneurs nationaux.

M. Jean-Jacques Lozach. - Mais ils sont nommés par la puissance publique !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. - Et alors ? Nous sommes dans un État libre ! De qui parlez-vous précisément ?

M. Jean-Jacques Lozach. - Entre autres, de M. Forget.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. - Ce n'est pas moi qui l'ai nommé. La fédération française de tennis fait partie de ces rares fédérations qui ont un fonctionnement mixte. Les contrats privés y sont nombreux. Le directeur technique national n'est pas un agent public : son contrat est privé. La surface économique de cette fédération est telle qu'elle préfère payer elle-même ces personnalités.

M. Claude Bérit-Débat. - C'est choquant !

M. Jean-Pierre Plancade. - Ce qui choquant, c'est que ces personnes bénéficient d'une délégation de service public et qu'elles soient nommées par la puissance publique.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. - Non ! Le directeur technique national a un contrat de droit privé. Il n'est donc pas payé sur les deniers publics.

M. Jean-Pierre Plancade. - Les choses sont donc différentes.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. - Il serait souhaitable que tous les Français soient fiscalement imposés en France, mais ce problème dépasse largement mon domaine de compétence.

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis des crédits du sport. - En Nouvelle-Zélande, c'est la fédération de rugby qui sélectionne les joueurs qui doivent être domiciliés fiscalement dans ce pays, sauf que de nombreux joueurs s'exilent pour jouer dans d'autres pays où ils sont mieux payés.

Mme Colette Mélot, vice-présidente. - On peut regretter que cette règle n'existe pas en France, mais nous ne pouvons rien y faire.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. - La réforme de la liste des sportifs de haut niveau suit son cours. Le projet porté par M. Laporte se poursuit : il n'est pas remis en cause.

Vous me demandez comment nous allons financer les sports collectifs : le comité Arena, c'est mon idée. À ma prise de fonctions, il n'y avait pas de projets en cours pour réaliser des grandes salles pour les autres sports collectifs en France. J'ai mis cette question sur la table et je n'ai nullement l'intention de la laisser tomber. Mais il a fallu qu'un rapport soit rédigé, qu'un groupe de travail soit nommé et qu'il se rende en France et à l'étranger pour savoir de quels types de salles nous avions besoin. Pour que de telles salles dédiées au basket, au volley, au handball, au badminton et susceptibles d'accueillir des spectacles puissent être rentables, il a fallu se livrer à de nombreuses études, réunir les ligues et les fédérations, et aller voir à Orléans et à Montpellier, où de telles salles existent, comment les choses se passaient. Bref, tout cela a pris du temps. Il s'agit de construire une dizaine de grandes salles en France : on ne peut faire les choses aussi rapidement ! Laissez-moi le temps ! Le comité Arena doit encore être mis en place : c'est lui qui se prononcera sur les projets qui lui seront soumis. Ce comité devait être présidé par Daniel Costantini qui ne peut concilier cette activité avec toutes celles qu'il exerce déjà. Nous sommes en train de chercher quelqu'un de la même trempe pour prendre la présidence du comité Arena. M. Costantini avait estimé que l'État devrait apporter 140 millions d'euros pour participer à hauteur de 20 % aux projets de grandes salles en cours ou à venir. Je me suis battue ces derniers mois pour que les 153 millions pour l'Euro 2016 ne soient pas pris en charge par le ministère des sports. C'est maintenant chose faite et je vais pouvoir mener à bien ce projet qui me tient à coeur. Mais le contexte budgétaire est contraint : ne me demandez pas l'impossible. Un peu de patience. Avant de chercher les moyens financiers, il faut d'abord aller chercher les hommes, ou les femmes, de la trempe de M. Costantini.

Vous me dites que l'Euro 2016 va coûter 1,7 milliard. Et alors ? La fédération nous avait demandé 100 millions et le ministère des sports a voulu arriver à 153 millions. Cette somme de 1,7 milliard est financée par le privé et par les collectivités territoriales. Chaque stade a son modèle propre de développement : il y a des partenariats public-privé (PPP) et des projets purement privés. Aujourd'hui, les stades et les salles ne sont plus uniquement financés par l'État. Les stades du futur, ce ne sont pas des stades municipaux. Voyez ce qui se passe en Allemagne et en Angleterre. L'ultime objectif, c'est que le stade finisse par appartenir au club afin qu'il puisse en faire une exploitation commerciale.

Lorsque je suis arrivée au ministère, le train de la RGPP avait déjà préconisé la suppression de certains CREPS qui ne correspondaient plus aux impératifs sportifs, à savoir la formation de haut niveau qui ne soit pas assurée par le privé ou par les associations. Six établissements étaient concernés. J'en ai gardé deux, celui de Voiron en Rhône-Alpes et de Dinard, en Bretagne. Samedi, j'étais à Saint-Malo pour signer avec M. Le Drian la dernière étape du protocole qui nous lie. Nous avons proposé aux préfets concernés un nouveau modèle de CREPS, avec d'autres partenaires, comme l'université de Bretagne ou l'apprentissage à Voiron. Ces deux CREPS ont donc pu rester ouverts, avec l'État qui continue à payer les agents, mais avec des partenaires qui apportent leur savoir-faire. En faisant preuve d'imagination, nous avons donc pu sauver ces CREPS, tout en respectant les impératifs de la RGPP.

Avant, le sport en milieu rural n'intéressait personne. L'idée m'en est venue parce que j'ai entendu souvent dire, lors de mes déplacements, qu'il n'y en avait que pour les quartiers sensibles. J'ai donc voulu que le sport en milieu rural figure parmi les priorités du CNDS. Nous avons donc modifié les critères d'attribution des financements nationaux en matière d'équipement sportif et nous avons exigé une répartition plus équilibrée de ces équipements dans les territoires, afin de ne pas fragiliser le tissu associatif sportif : cette année, le CNDS a soutenu 8 300 associations dans les zones rurales en difficulté.

M. Voguet a regretté l'absence d'élus lors des États généraux, mais ils ne sont pas terminés. Rien n'interdit d'associer les élus d'une manière ou d'une autre. L'expérience des maires pourrait utilement être prise en compte. Mais il était déjà très difficile de réconcilier les amateurs, les professionnels et les arbitres. Fallait-il dès le départ complexifier les choses ?

Le nombre de licenciés stagne pour le football, mais pas pour les autres sports, notamment pour l'athlétisme et pour la natation. Que peut-on faire pour augmenter la pratique sportive ? D'abord, le sport à l'école. Des expérimentations sont en cours pour y développer le sport l'après-midi et nous consacrons 20 millions au dispositif des « orphelins de 16 heures ». Le ministère des sports a lancé des actions « sport pour tous », comme je l'ai dit lors de mon intervention liminaire. Les moyens consacrés à cette politique augmentent de 9 % en 2011. Nous consacrerons 30 millions pour les quartiers populaires et 17 millions pour aider 2 700 associations sportives. En outre, 20 millions seront consacrés aux personnes handicapées : ces crédits ont plus que doublé entre 2003 et 2010. L'État souhaite également développer le sport féminin mais peu de fédérations mettent en oeuvre des plans de féminisation.

M. Bérit-Débat m'a interrogé sur les moyens que les collectivités consacrent au sport. J'espère que les membres de la commission mixte paritaire vont reprendre les propositions de mon ministère. Nous soutenons les équipements de proximité par le biais du CNDS. Nous avons accordé la semaine dernière 20 millions, ce qui reste insuffisant par rapport aux demandes qui ont explosé cette année. Puisque nous avons trouvé une solution pour les 150 millions consacrés aux stades, j'ai demandé à ce que l'on ajoute 10 millions pour les équipements de proximité.

J'avais demandé, l'année dernière, à ce que l'on ouvre un nouveau concours de conseillers d'animation sportive pour doter certains territoires de plus de personnels. En ce qui concerne le nombre d'emplois sport touché par la RGPP...

M. Claude Bérit-Débat. - On me dit que 400 à 500 emplois ont été supprimés.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. - En 2010, il y avait 3 758 équivalents temps plein (ETP) et en 2011, il n'y aura plus que 3 300 ETP. Cette différence s'explique par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. En outre, l'école nationale du ski et d'alpinisme et l'école nationale de voile et des sports nautiques vont désormais gérer leurs emplois et leur masse salariale, ce qui explique certains transferts de personnels.

M. Jean-Pierre Plancade. - Je souhaiterais revenir sur le sujet évoqué précédemment. Quand on fait une délégation de service public, c'est l'État qui rédige et rien n'empêche de prévoir dans le cahier des charges une clause demandant la domiciliation fiscale en France. Nous sommes tous d'accord pour dire que les pratiques actuelles sont choquantes.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. - Bien évidemment. Je partage vos préoccupations, car il en va de la fidélité à une certaine idée du sport. Mais le fonctionnement de certaines fédérations rend les choses bien délicates. En ce qui concerne le tennis, on peut quand même souhaiter à notre équipe de remporter la coupe Davis. Ensuite, on leur demandera de rentrer en France ! (Sourires)

Mme Colette Mélot, vice-présidente. - Merci pour ces réponses, madame la ministre, et merci pour toutes les actions que vous menez.