Mardi 29 juin 2010

- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -

Situation des finances sociales - Audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Hervé Drouet, directeur général de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à l'audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Hervé Drouet, directeur général de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), sur la situation des finances sociales, en prévision de la tenue du débat d'orientation sur les finances publiques.

Mme Muguette Dini, présidente. - Par cette audition qui s'inscrit dans le cadre de la préparation du débat d'orientation des finances publiques, nous souhaitons évoquer la situation de la branche famille, qui devrait connaître en 2010 un déficit de 4 milliards d'euros, ainsi que le processus de certification des comptes du régime général. Pour la première fois depuis l'instauration de la certification, en effet, la Cour des comptes a validé les comptes de la branche famille, en raison des progrès accomplis dans les contrôles internes et les systèmes d'information.

M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf. - Le déficit attendu est effectivement de 4 milliards d'euros. En 2007, la branche était en excédent, en 2008, elle frisait l'équilibre mais avait déjà un solde négatif. En 2009, le déficit s'est établi à 1,8 milliard d'euros. On voit la pente sur laquelle nous sommes engagés... Les charges excèdent de 7 % les produits. La branche famille ne devrait pas structurellement se trouver en déficit mais la situation économique depuis fin 2008 se répercute sur le niveau des cotisations. De plus, la prise en charge de la majoration des pensions pour enfants atteindra 100 % en 2011. Davantage de personnes sollicitent les allocations versées sous condition de ressources, car leur revenu a chuté. Il y a des charges nouvelles à assumer, même si la montée en charge de la prestation pour jeune enfant, la Paje, est achevée. Je songe bien sûr aussi au revenu de solidarité active - l'allocation parent isolé (API) étant reprise dans le RSA.

La certification était attendue. La Cour des comptes, qui nous avait fixé un programme de travail, a reconnu que nous avions accompli des progrès significatifs, avec la création du répertoire national des bénéficiaires : la certification des numéros de sécurité sociale de 30 millions d'affiliés a donc pu se faire. Lorsque les numéros étaient départementaux, le risque de fraude était important, il suffisait de s'inscrire dans plusieurs caisses... Quelques difficultés d'immatriculation demeurent dans un certain nombre de cas. Mais nous avons des échanges avec l'administration fiscale, comme avec Pôle emploi, afin de contrôler la situation des bénéficiaires. Aujourd'hui les prestations sont sécurisées.

La Cour a aussi demandé un audit interne plus consistant : il a été mis en place, mais il a fallu du temps pour recruter dix auditeurs de qualité. Le contrôle interne a été révisé et les projets informatiques ont été menés à bien. Les réserves de la Cour portent sur le contrôle interne et la liquidation des dossiers : le risque d'erreurs a été jugé encore trop important. Les Caf traitent les dossiers dans un délai court et les opérations de reliquidation ont révélé beaucoup d'erreurs. Mais celles-ci s'auto-détectent et se corrigent très facilement a posteriori et la Cour a été sensible à cet aspect des choses.

Les réserves concernent également la sous-estimation comptable des impayés et des rappels de prestations. Pour apprécier la véracité des comptes, la Cour demande que les droits ouverts sur un exercice donnent lieu à des versements sur le même exercice. Elle juge que les provisions pour créances impayées et celles pour dépréciation de prêts aux assurés sociaux ne sont pas correctement évaluées.

Nous allons poursuivre notre travail afin d'obtenir à nouveau, à l'avenir, la certification. Les agents se sont fortement impliqués dans cette tâche et ils ont été très satisfaits que nous recevions enfin l'aval de la Cour des comptes.

M. André Lardeux. - En tant que rapporteur pour la branche famille du projet de loi de financement, j'accueille comme une bonne nouvelle la certification, qui récompense le travail fourni. En revanche, le déficit de la branche est sinon une surprise, du moins une mauvaise nouvelle. Il va entraîner des frais financiers versés à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'Acoss : de quel montant ?

Compte tenu de la structure démographique et du taux de croissance de notre pays qui ne dépassera sans doute pas 2 % par an dans les années à venir, combien de temps faudra-t-il pour revenir à l'équilibre ? Et si la note financière de la sécurité sociale, qui reflète la qualité de sa signature d'emprunteur, venait à baisser, rendant plus difficile l'emprunt, dans quels domaines pourrait-on trouver des sources d'économies ?

Enfin, la gestion du revenu de solidarité active (RSA) pose-t-elle des problèmes ? Les relations avec les départements sont-elles bonnes ? La charge de travail supplémentaire, dans les caisses, est-elle absorbée sans difficulté ?

M. Alain Milon. - En tant que maire, j'ai reçu le président de la Caf du Vaucluse : il m'a affirmé que la politique d'action sociale allait se contracter. Quelles actions sont prévues l'an prochain ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Lorsqu'un projet de crèche exige des cofinancements, ceux-ci sont très difficiles à mobiliser au même moment. Vous avez procédé à une estimation des montants de dépenses engagées sans que l'investissement soit réalisé. Mais avez-vous fait des simulations pour savoir si une aide aux collectivités orientée vers un mode de garde plus individuel ne coûterait pas moins cher qu'une crèche collective ? Quand trois mille enfants, dans une commune, sont en âge d'aller à la crèche, doit-on absolument offrir trois mille places ? Je suis persuadée qu'il vaut mieux moduler les prestations. A Paris, nous avions versé dans le XVe arrondissement une prestation mensuelle - qui annonçait la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) - de 700 à 2 500 francs, à l'époque, selon le revenu, pour la garde à domicile ; environ 985 familles, en un an, avaient perçu cette allocation, alors que jamais nous n'aurions pu créer, même en plusieurs années, 985 places de crèche dans ce quartier.

Je suis donc convaincue qu'en changeant le concept de crèche, notamment en modulant les horaires d'accueil, et en restaurant la fonction initiale des haltes-garderies, nous ferions faire des économies à la caisse.

M. Paul Blanc. - Où en est la consommation des crédits du RSA ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Pour assainir nos finances, le Premier ministre a l'intention de raboter les niches fiscales, non plus de 5 mais de 8 milliards d'euros. Il a demandé aux présidents de caisse d'analyser les économies possibles. Avez-vous été sollicité en ce sens ? Quelles sont vos réflexions à ce sujet ? Des efforts ont été accomplis contre la fraude : y a-t-il encore des marges de manoeuvre ? Il semble que le Gouvernement n'ait pas l'intention de revenir sur l'avantage fiscal lié à la garde à domicile. Le confirmez-vous ?

Les dotations aux collectivités locales vont être bloquées ; or ce sont elles qui décident la construction de crèches. Allez-vous réduire votre budget sachant que l'on construit moins de crèches et que vous serez amenés à verser moins d'aides financières ?

Mme Muguette Dini, présidente. - Quel a été l'impact de la création du répertoire national des bénéficiaires (RNB) sur la fraude et les versements injustifiés ?

M. Jean-Louis Deroussen. - Comment faire des économies, me demandez-vous. Les recettes ne sont pas de notre ressort ; les dépenses sont légales et après la revalorisation des prestations, nos marges de manoeuvre sont limitées... Il ne reste pas non plus grand-chose à réduire dans les coûts de gestion.

Les dépenses d'action sociale figurent dans la convention d'objectifs et de gestion signée en 2009 avec l'Etat. Ces dépenses doivent augmenter de 7,5 % par an entre 2009 et 2012 et si le taux de progression en 2009 n'est que de 2,4 %, c'est en raison de la sous-consommation des crédits du fonds national d'action sociale - principalement parce que les collectivités ont construit moins de crèches et signé moins de contrats temps libre pour les jeunes que ce que l'on avait imaginé. Elles diffèrent leurs projets car le plan pluriannuel couvre une durée suffisamment longue - elles peuvent donc, malgré tout, espérer respecter leurs objectifs sur la période.

Il faut effectivement viser un accueil pour moitié individuel, pour moitié collectif. L'individuel est moins cher, mais certaines familles sont attachées à la socialisation précoce de l'enfant en crèche collective. Il nous faut proposer l'offre la plus diversifiée possible : crèches parentales, familiales, collectives. Les dotations du fonds national d'action sociale sont en augmentation significative. Celui-ci finance aussi, désormais, des actions en direction de la jeunesse, je songe au contrat enfance et jeunesse.

M. Hervé Drouet, directeur général de la Cnaf. - La Cnaf supporte trois catégories de dépenses : les prestations légales, l'action sociale et la gestion administrative. Les prestations, surtout celles qui sont versées sous conditions de ressources, progressent. Mais aucune revalorisation des allocations familiales n'interviendra en 2010, pour « éponger » l'importante revalorisation qui a eu lieu début 2009. Les économies, en ce domaine, relèvent du législateur ou du Gouvernement.

L'action sociale dépend en grande partie des collectivités locales. La progression des dépenses est plus modérée que les 7,5 % programmés, mais la création de places suit tout de même un rythme soutenu, avec 100 000 places en mode de garde collectif, 100 000 en individuel, car ce sont des programmes antérieurement décidés qui s'achèvent.

Quant à la gestion, la convention d'objectifs et de gestion est ambitieuse et impose un autofinancement. Des postes supplémentaires - 1 257 au total - ont été octroyés au titre du passage au RSA, mais ils ont été compensés par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, si bien que l'effectif est constant par rapport au début de la convention.

Je ne connais pas le montant des frais financiers - nous ne sommes pas habitués à en payer à l'Acoss... S'agissant du répertoire national, il est difficile de chiffrer l'effet qu'il a eu sur la fraude, mais je puis vous dire que l'usurpation d'identité n'est plus possible, et la multi-affiliation est en passe d'être éradiquée. Des progrès considérables ont été accomplis dans la gestion des allocataires : c'est principalement cela qui a emporté la décision de certification par la Cour des comptes.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Je souhaite vous présenter bientôt un concept de crèche sur lequel je travaille avec une association. Pourquoi la possibilité pour les collectivités de compléter la prestation individuelle légale ne figure-t-elle pas dans la convention d'objectifs et de gestion ? Pourquoi la caisse ne pourrait-elle pas aider la collectivité ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Une analyse financière comparée des modes de garde serait utile : si l'un se révèle moins onéreux que les autres, ne conviendrait-il pas de le favoriser ?

M. Alain Gournac. - La Cnaf poussera-t-elle à la constitution de crèches multi-accueil ? Les femmes qui gardent leurs enfants à la maison ont tout de même le droit de disposer d'un peu de temps pour elles. Il faut leur donner les moyens de vivre normalement.

Mme Muguette Dini, présidente. - C'était précisément le principe de la halte-garderie.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Oui, mais il a été dévoyé. Faut-il créer 40 000 places à Paris parce qu'il y a 40 000 enfants de moins de trois ans ? Impossible ! Il convient donc de moduler les aides. Une seule catégorie de la population a réellement le choix du mode de garde : celle qui en a les moyens financiers.

M. André Lardeux. - La Cour des comptes a repris dans son rapport une étude de la Cnaf sur les coûts comparés des modes de garde.

Mme Anne-Marie Payet. - Nous développons à la Réunion les crèches bio, qu'il s'agisse de l'alimentation, des couches, mais aussi des bâtiments, certifiés de haute qualité environnementale. N'est-ce pas un exemple à suivre ?

M. Claude Jeannerot. - Quel est le coût de gestion du RSA pour la Cnaf ? Et le coût du contrôle ? Quel est votre point de vue sur la répartition des tâches entre département et Caf ? Comme président de conseil général, je trouve le partage des responsabilités bien complexe...

M. Jean-Louis Deroussen. - Le Haut Conseil de la famille s'est penché sur les besoins des familles et sur leurs préférences en matière de mode de garde. Tout dépend du milieu géographique - on ne demande pas une crèche de trente berceaux en pleine campagne - et des priorités valorisées par les collectivités locales. Il faut donc jouer sur la diversité, dans les limites du raisonnable, bien sûr. La création récente des maisons d'assistantes maternelles, à l'initiative du Sénat, est une nouvelle réponse, à la fois individuelle et collective. En effet, l'accueil est à la fois individuel, pour la famille, et collectif puisque plusieurs professionnelles peuvent accueillir simultanément une dizaine d'enfants, avec des normes moins contraignantes qu'en crèche.

M. Alain Gournac. - Oui, et c'est une bonne chose. Nous avons besoin d'un système multi-accueil, avec des places permanentes et des places ponctuelles, et une possibilité de surnombre à certaines heures de la journée, pour répondre aux besoins des parents. Un chômeur qui a rendez-vous pour un entretien d'embauche doit pouvoir trouver une place pour faire garder temporairement son enfant ! Il faut privilégier l'accès à l'emploi.

M. Hervé Drouet. - Nous essayons différentes formules, la Caf est à la disposition des collectivités pour travailler avec elles à définir la meilleure répartition, compte tenu des besoins des familles et des contraintes financières. Il y a des expérimentations de crèches bio, notamment outre-mer. Dans les Dom où la Caf verse une prestation de restauration scolaire, son versement est de plus en plus conditionné à la qualité des repas servis.

On compte 1 700 000 bénéficiaires du RSA, soit 1 300 000 pour le RSA socle, qui regroupe l'ancien RMI et l'allocation de parent isolé (API), et 400 000 bénéficiaires pour le RSA activité, pour un coût respectif de 6,4 milliards et de 600 millions d'euros. Quant aux relations entre les caisses et les départements, elles sont diverses, mais bonnes, me semble-t-il. L'instruction des dossiers de RSA est assurée par les Caf, par les centres communaux d'action sociale (CCAS), éventuellement, comme c'est le cas à Paris, ou par les départements, cela dépend. Il reste des progrès à accomplir sur les flux d'information des caisses aux départements. Les informations sont parfois trop nombreuses et ne se recoupent pas toujours ; elles sont parfois difficiles à comprendre. Nous travaillons avec le ministère de la jeunesse et des solidarités actives, qui a créé un groupe de travail sur la simplification du RSA.

M. Claude Jeannerot. - Et combien coûte la gestion du RSA ?

M. Hervé Drouet. - En 2009, elle a été conforme à l'enveloppe prévue, de 100 millions d'euros.

Mme Muguette Dini, présidente. - Est-elle différente du coût de gestion du RMI ?

M. Hervé Drouet. - En 2009, oui, en raison du basculement, qui exigeait une campagne d'information et de communication, des tests d'éligibilité, la création de plates-formes, etc. En gestion ordinaire, le coût reste aussi plus élevé car l'instruction du dossier exige une collecte beaucoup plus approfondie des données socioprofessionnelles, utile pour faciliter l'insertion sociale et professionnelle.

Situation des finances sociales - Audition de M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), sur la situation des finances sociales, en prévision de la tenue du débat d'orientation sur les finances publiques.

M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la Cades. - Depuis sa création en 1996, on a demandé à la Cades, à l'occasion de lois successives, de reprendre environ 134 milliards d'euros de dette : elle en a amorti plus de 40 ; à la fin de 2009, il lui restait une dette de 92 milliards. Ce processus s'est déroulé dans un cadre législatif progressivement amélioré : la Cades avait en effet été créée par une simple ordonnance, modifiée, année après année, par les lois de financement de la sécurité sociale et d'autres textes législatifs qui ont accru considérablement le montant de la dette qui lui était confiée. Le terme de la caisse qui, à l'origine, devait intervenir avant la fin de 2009, avait été porté, en 1998, à 2014. Or, la loi de 2004 sur l'assurance maladie a prévu - je caricature à peine son texte - qu'elle terminerait sa mission quant elle l'aurait finie ! Dès 2005, les parlementaires, raisonnables par nature, ont rappelé le Gouvernement à l'ordre, lui faisant valoir qu'il serait bon d'être un peu plus précis. Un article de la loi organique d'août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale dispose donc que tout nouveau transfert de dette à la Cades doit désormais être accompagné d'une augmentation de ses ressources suffisante pour ne pas accroître sa durée de vie. Celle-ci est calculée par la caisse et présentée régulièrement à son conseil d'administration et au Parlement. Aujourd'hui, l'échéance probable d'amortissement intégral de la dette est 2021 : la caisse a une chance sur deux d'avoir achevé sa mission cette année là, mais 5 % de chances de l'avoir terminée en 2020 et 5 % de risques que ce soit après 2023.

Cet article de la loi organique a bien été respecté pour la reprise de la dette votée dans la loi de financement pour 2009. On m'avait alors demandé le niveau de la ressource à prévoir pour la reprise de tranches de 10 milliards de dette. Le Gouvernement entendant faire reprendre 27 milliards à la caisse, le « tarif » correspondait à une majoration de 0,189 point de CRDS. Le Gouvernement s'est alors livré à une première interprétation de la loi organique en optant pour un abondement de 0,2 point de CSG à la Cades, prélevé sur les ressources jusqu'alors affectées au fonds de solidarité vieillesse (FSV). Nous avons considéré à l'époque que l'esprit de l'ordonnance organique avait été respecté et que la durée de vie probable de la caisse restait inchangée.

La Cades a donc 92 milliards de dettes à amortir, les dernières ayant été reprises fin 2008/début 2009 pour un montant de 27 milliards dont 10 milliards en provenance de la Cnav ; elle a également repris le déficit du FSV dont les ressources ont été dans le même temps amputées.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - La Cades, dites-vous, n'a qu'une chance sur deux de disparaître en 2021. Je m'attendais à plus. Comme elle a cinq chances sur cent de le faire en 2020 ou 2023, c'est donc que le glissement ne peut être que de quelques mois et non de plus d'une année.

M. Patrice Ract-Madoux. - Nous faisons tourner un modèle qui décline huit mille trajectoires différentes de taux, de croissance, d'inflation... Si le terme arrive en 2021, une seule trajectoire aura été la bonne. Une chance sur deux de finir en 2021 signifie que la trajectoire médiane n° 4000 conduit à une extinction en 2021. Cinq pour cent de chances de terminer en 2020 signifie que la 400e trajectoire est la bonne. Le même pourcentage pour 2023 signifie que c'est la 400e plus mauvaise trajectoire qui sera vérifiée. Il y en a de plus mauvaises encore mais elles ont peu de chances de se réaliser.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale de 2005 prévoit qu'aucune dette ne peut être transférée à la Cades sans lui affecter parallèlement des ressources permettant son extinction à la date prévue, c'est-à-dire en 2021. Quel est le niveau des recettes qui devraient être accordées à la Cades en cas de transfert des déficits cumulés du régime général et du FSV à la fin de 2010 ? Quel serait le coût supplémentaire si cette reprise de dette n'intervenait qu'à la fin de 2011 ? Quelle est la date à partir de laquelle les transferts de dette deviendront quasiment impossibles en l'absence de report de la date d'extinction de la Cades ?

M. Patrice Ract-Madoux. - La réponse à votre première question découle de l'application normale de la loi organique : comme les fois précédentes, la reprise se réaliserait à un « tarif » qui est l'augmentation de la CRDS nécessaire pour que la Cades reprenne les déficits accumulés sans changer le terme de 2021. Ce « tarif » augmente chaque année. Il y a trois ans, il était de 0,07 point de CRDS par tranche de 10 milliards. Il y a deux ans, le « tarif » était de 0,077 point, ce qui aurait donné une augmentation de CRDS de 0,189 point pour les 27 milliards qui devaient être repris. Pour 2011, le « tarif » serait de 0,085 point par tranche de 10 milliards : une reprise de 60 milliards exigerait une augmentation de CRDS de six fois 0,085, soit 0,51 point. Il faudrait donc que le Gouvernement propose au Parlement de faire passer la CRDS de 0,5 % à 1,01 %.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, la commission avait proposé d'augmenter légèrement la CRDS pour permettre la reprise d'une partie des déficits de 2009, mais le Gouvernement s'est opposé à cette suggestion. Quel serait le « tarif » d'une reprise à la fin de l'année 2011 ?

M. Patrice Ract-Madoux. - Le « tarif » atteindra alors 0,095 point par tranche de 10 milliards.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Et à partir de quelle date les transferts de dette deviendront-ils impossibles ?

M. Patrice Ract-Madoux. - Le mécanisme de la loi organique est fait pour que, à partir d'un moment donné, la reprise de la dette coûte trop cher en ressources. S'il était envisagé, en 2021, de faire reprendre 10 milliards de dette par la Cades, il faudrait lui apporter en ressources ces 10 milliards et, en plus, les intérêts de l'année. Cela n'aurait aucun intérêt. Pour cette raison, le mécanisme se bloquera vers 2015/2016.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Il est aujourd'hui question d'utiliser les recettes et les actifs du fonds de réserve des retraites (FRR) pour participer au remboursement de la dette sociale. Comment envisagez-vous le fonctionnement de ce dispositif et avez-vous déjà établi des projections chiffrées ? Sera-t-il possible d'isoler les ressources provenant du fonds de réserve pour qu'elles ne financent que le remboursement des dettes relevant de la branche vieillesse ? A quel rythme pourrait être utilisé le fonds de réserve dans une telle hypothèse ?

M. Patrice Ract-Madoux. - Dans le dossier de presse présentant les orientations détaillées de la réforme des retraites, le ministre Eric Woerth a avancé l'idée d'apporter les actifs du FRR à la Cades pour lui permettre de reprendre les dettes de l'assurance-vieillesse jusqu'en 2018. La caisse bénéficierait également de la dernière ressource permanente de ce fonds, constituée d'une partie du prélèvement social de 2 % portant sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, ce qui représente environ 1,4 milliard chaque année.

Une fois que la loi de financement pour 2011 aura été votée, je souhaite, en tant que président du conseil d'administration de la Cades, pouvoir expliquer à l'extérieur - c'est-à-dire aux investisseurs et aux agences de notation, dont j'espère qu'elles continueront à nous attribuer un triple A - que la caisse présentera exactement la même fiabilité qu'actuellement. La caisse est un établissement public administratif français doublement protégé. Il est tout d'abord protégé, par son ordonnance de création, dont l'article 7 dispose que, en cas de ressources insuffisantes, le Gouvernement s'engage à demander au Parlement de lui attribuer des ressources supplémentaires. La caisse est aussi protégée par le Parlement - à travers son conseil de surveillance, dont sont membres plusieurs parlementaires, et grâce à la garantie apportée par la loi organique. Il faudra vérifier, quand le Gouvernement aura fait connaître le détail des mesures qu'il envisage, si en ajoutant les ressources nouvelles transférées à la Cades et celles qui arriveraient du FRR, la caisse sera, début 2011, aussi solide qu'auparavant, même si elle reprend 50 ou 60 milliards de dettes.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Pour apprécier le déficit prévisionnel de la branche vieillesse entre 2012 et 2018, il faudrait donc connaître en amont d'éventuelles modifications de la loi organique, le contenu du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, de la loi réformant les retraites et, enfin, des recettes ou des moindres dépenses attendues de cette réforme. Le supplément de 1,4 milliard en provenance du FRR financera-t-il la totalité des déficits cumulés en 2009, 2010 et 2011 ?

M. Patrice Ract-Madoux. - Ce supplément de 1,4 milliard - qui doit augmenter - sera perçu jusqu'en 2021. Une partie sera donc perçue plus tard que le déficit constaté. Tout dépend du montant de la dette qui sera à reprendre sur les retraites non seulement au titre des années 2009 à 2011, mais surtout au titre des années 2012 à 2018. Je ne sais pas actuellement ce que le Gouvernement vous présentera.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Cela signifie qu'il ne faut pas engager de réforme qui implique la Cades avant le vote de la loi sur les retraites.

L'hypothèse d'un report de la date d'extinction de la Cades a été mentionnée par la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Selon quelles modalités ce report pourrait-il être envisagé : abandon de toute échéance, report de quelques années, fixation d'une durée d'amortissement pour les nouvelles dettes reprises ? Ce report peut-il avoir des effets sur les conditions d'émission de la Cades et est-il concevable sans attribution concomitante de ressources à la caisse ?

M. Patrice Ract-Madoux. - Votre dernière hypothèse est pour moi une des plus horribles. Si la Cades devait reprendre 60 milliards de dette au début de 2011 et que le verrou de 2021 posé par la loi organique ait disparu, le terme passerait à 2030... Même si la loi organique devait être modifiée pour autoriser une reprise de dette sans ressources nouvelles, il serait souhaitable de conserver ce cadre organique afin que la nouvelle date d'extinction soit pour l'avenir couverte par le texte imposant que les transferts de dettes soient accompagnés des ressources nécessaires. Il ne paraît pas vraisemblable que le Gouvernement ait l'intention de faire abandonner purement et simplement le principe du nécessaire transfert de ressources en cas de transfert de dettes. C'est sans doute pourquoi il a prévu d'apporter à la caisse les actifs du FRR, ainsi que - si j'en crois Les Echos de ce matin - diverses ressources issues du rabotage de certaines niches fiscales. Il semble que le Gouvernement est en train de rechercher des ressources susceptibles d'être attribuées à la Cades.

M. Guy Fischer. - Compte tenu de la situation que vous décrivez et de l'importance de la dette sociale, le Gouvernement devrait en prendre en charge une partie. Mais, de toute évidence, il n'est pas question de revenir ni sur les niches, sociales ou fiscales, ni sur le bouclier fiscal et c'est pourquoi nos concitoyens éprouvent un sentiment de grande injustice et ne voient se dessiner que trois solutions : augmenter la CRDS, prolonger la vie de la Cades ou aller à la recherche de quelques taxes additionnelles et autres ressources de poche. Croyez-vous en une reprise de la croissance et de l'emploi qui permettrait de réduire les déficits ? Par ailleurs, pour quelle raison semblez-vous éliminer la CSG parmi les ressources susceptibles de vous être transférées ? J'ai le sentiment que vous privilégiez le recours à la CRDS, et j'en connais les raisons puisque cette contribution a une assiette plus large et un taux plus faible.

M. André Lardeux. - Si j'ai bien compris, nous allons déposer le bilan dans peu de temps ! Mécaniquement, il y aura entre 2012 et 2016, 75 milliards de dettes supplémentaires. La Cades ne pourra pas les reprendre, compte tenu de sa date prévisionnelle d'extinction. Dès lors, on ne pourra que prolonger son existence ad vitam aeternam, c'est-à dire qu'on rétablira la dette perpétuelle du XIXe siècle : c'est une solution, mais il conviendrait d'avertir les citoyens qu'ils devront payer éternellement les dettes de leurs ancêtres. Que se passerait-il si la note attribuée par les agences à la Cades se dégradait ?

Mme Colette Giudicelli. - Pour reprendre 60 milliards de dette, il faudrait, dites-vous, augmenter de 0,51 point le taux de CRDS. Combien cela représente-t-il d'euros par personne ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Si le Gouvernement envisageait de prolonger la vie de la Cades, seriez-vous favorable à l'introduction dans la loi organique d'une clause de revoyure, laquelle permettrait, dès le retour de la croissance, d'augmenter la CRDS pour en revenir au terme initialement prévu de 2021 ? Serait-ce réaliste ? Et qu'en penseraient les marchés ?

M. Patrice Ract-Madoux. - Je voudrais préciser au président Fischer que c'est par souci de simplification que je fais tous mes calculs en CRDS ou en équivalents-CRDS, dès lors que cette contribution a pour vocation le règlement de la dette sociale. Mais je n'ai rien contre la CSG  dès lors que les ressources correspondent aux besoins. Le seul problème, c'est qu'actuellement, cette cotisation sert à autre chose qu'au remboursement de la dette sociale. Mais son affectation à la Cades me convient. Je trouverais cependant dommage qu'on prélève cette fraction sur d'autres destinataires à qui elle manquerait. La CSG, comme la CRDS, comme les actifs du FRR sont des ressources que je convertis toutes en équivalents CRDS parce qu'il s'agit de la recette initialement prévue pour rembourser la dette sociale...

En ce qui concerne la réponse économique, je ne suis pas devin mais je constate, depuis le début de l'année, que la ressource CRDS progresse de nouveau, ce qui démontre que la masse salariale évolue de la même manière.

Si la date d'extinction de la Caisse est modifiée d'ici la fin de l'année, à partir de 2011, elle émettra des emprunts qui iront jusqu'au nouveau terme prévu, 2025 par exemple. Nous mentionnons dans les contrats, comme nous le faisons actuellement, les dispositions de la loi organique au moment de l'émission, prévoyant une date de fin de la Cades. Il serait vraiment difficile d'expliquer aux agences et aux prêteurs l'existence d'une clause de revoyure qui permettrait au Parlement de raccourcir la durée de vie de la caisse. Ce serait là une complication supplémentaire. Si tout se passe bien, si les ressources de CRDS croissent rapidement, la durée de vie de la Cades pourrait se réduire sans qu'aucune intervention parlementaire ne soit nécessaire.

Pour répondre au sénateur André Lardeux, je parle rarement aux agences de notation et aux investisseurs d'un dépôt de bilan de la Cades et je leur dis que, quoi qu'il en soit, les prêteurs seront remboursés : l'article 7 de l'ordonnance de création de la caisse et la loi organique obligent le Gouvernement à demander au Parlement des ressources suffisantes pour la caisse. Celle-ci ne court donc aucun risque de dépôt de bilan.

Si sa note baissait et passait à AA, elle emprunterait tout simplement plus cher : les taux d'emprunt de la Grèce ont été portés de 3 % à 10 % et ceux des emprunts à dix ans de l'Espagne ou de l'Italie de 3 % à 4,5 %. Le coût du financement augmenterait et nous mettrions plus longtemps à rembourser.

Le supplément de versement individuel résultant d'une augmentation du taux de CRDS dépend évidemment des revenus de chacun. C'est effectivement la contribution la plus indolore car son taux actuel, 0,5 %, est très inférieur aux 7,5 % de la CSG. Même en la doublant, elle ne s'élèverait donc qu'à 1 % du revenu : l'impact de cette mesure serait donc très variable en fonction des revenus.

Certification des comptes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) - Audition de M. Pierre Mayeur, directeur, et Mme Pascale Robakowski, agent comptable de la Cnav

La commission procède ensuite à l'audition de M. Pierre Mayeur, directeur, et Mme Pascale Robakowski, agent comptable, de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), sur la certification des comptes de la caisse.

Mme Muguette Dini, présidente. - Bien que notre Mecss nous tienne bien informés des comptes de la Cnav, et que nous nous préparions à entendre bientôt la présidente de cette caisse dans le cadre du prochain projet de loi sur les retraites, nous avons souhaité obtenir des informations sur la certification des comptes de la branche vieillesse. En effet, la Cour des comptes, pour la deuxième année, n'a pas certifié les comptes de la Cnav, estimant qu'ils comportaient des risques d'erreur dans l'enregistrement comptable des prestations légales et que les contrôles internes étaient insuffisants pour garantir contre des erreurs dans la liquidation des pensions. Qu'en est-il ?

M. Pierre Mayeur, directeur de la Cnav. - Pour la deuxième année consécutive en effet, la Cour des comptes n'a pas certifié les comptes de la branche vieillesse, nous en sommes les premiers déçus. Les reproches de la Cour ne visent ni la sincérité, ni la fidélité de nos comptes à notre activité et à notre patrimoine, mais des défauts dans leur régularité. Nous avions reçu la certification en 2006 et 2007, nous la perdons ensuite : la logique de certification est parfois déroutante, mais je la crois utile et elle nous pousse à faire plus de progrès.

Je ferai trois observations liminaires, avant de répondre à vos questions.

D'abord sur le risque financier : il est résiduel. La branche vieillesse vient de faire face au « papy-boom » et a vu, en quelques années, le flux de liquidations des retraites augmenter de moitié pour passer de 460 000 à 700 000, ce qui représente un choc d'ampleur industrielle ; elle a dû s'adapter au changement de son environnement législatif et réglementaire, avec la mise en oeuvre rapide de la loi du 21 août 2003, alors que les règles n'avaient guère évolué depuis de nombreuses années.

Dans ce contexte, le risque d'erreurs pour 2009 porte sur 7,56 % du nombre de nouveaux retraités et le montant cumulé des erreurs est évalué à 0,78 % du montant des droits nouveaux comptabilisés pour l'année. Nous mettons tout en oeuvre pour limiter ce risque, mais il me semblait important d'en dire qu'il est résiduel.

Deuxième observation, il faut compter avec le décalage temporel entre l'exercice annuel de certification et la réforme pluriannuelle que nous avons entreprise. Nous devons séquencer le changement de nos logiciels informatiques, car tout ne peut se faire dans la même année. Nous respectons le calendrier annoncé, mais la Cour nous reproche, par exemple, que le nouveau mode de traitement des paiements ne soit opérationnel qu'en 2012 alors que telle était bien notre échéance initiale.

Les mécanismes que nous mettons en place nécessitent des études préalables et des ajustements. C'est le cas du référentiel unique national de la maîtrise des risques, des procédures de supervision du contrôle et du plan de lutte contre la fraude.

Enfin, nous sommes tenus par d'autres obligations, en particulier celles de la convention d'objectifs et de gestion (COG). Nous avons par exemple l'obligation de réviser les droits. Nous avons corrigé les données erronées en 2010 : l'erreur porterait sur 3 168 euros... La Cour des comptes nous demande de réviser les droits, mais l'enjeu financier vaut-il qu'on y passe du temps ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour la branche vieillesse. - Nous entendons avec intérêt votre plaidoyer, qui vient contrecarrer les effets négatifs de l'annonce de la non-certification des comptes. Le nombre de pensions augmente et ce que l'on constate, c'est que la démarche de certification, nécessaire mais difficile à appréhender, n'est pas directement associée à une amélioration de la qualité de service. Quant à l'enjeu financier, s'il s'agit de 0,78 %, c'est effectivement peu.

Comment ces risques d'erreur ont-ils évolué dans le temps et quel rôle a pris la convention d'objectifs et de gestion ?

Quid, ensuite, du traitement des périodes assimilées à du chômage et non signalées par Pôle emploi, qui constituent en effet des erreurs inacceptables ?

Enfin, quel traitement des carrières longues, pour lesquelles le Parlement avait pris des mesures spécifiques ?

M. Pierre Mayeur, directeur. - Une précision sur les chiffres : s'il y a eu, en 2009, 7,56 % de cas de liquidation où des erreurs ont affecté le montant de la pension, dans 30 % de ceux-ci l'erreur portait sur un montant inférieur ou égal à 10 euros.

Les erreurs cumulées représentent au maximum 0,78 % non pas des 100 milliards de pensions versées par la Cnav chaque année, mais des 3,5 milliards versés aux nouveaux retraités en 2009. Et les erreurs peuvent aller dans les deux sens, au bénéfice ou au détriment du retraité : la Cour des comptes le précise, dans une note en bas de page.

Par la convention d'objectifs et de gestion, signée le 6 avril 2009, la Cnav s'est engagée notamment à être proactive dans la mise en oeuvre des textes réglementaires nouveaux sur les retraites, à inciter à l'emploi des seniors, à renforcer son offre de service, de conseil et l'information inter-régimes. Le chapitre 4 porte explicitement sur la maîtrise des risques, je laisse Pascale Robakowski vous présenter ce qui constitue notre programme en cette matière pour les années 2009 à 2013.

Mme Pascale Robakowski, agent comptable de la Cnav. - Ce chapitre 4 consacré à la maîtrise des risques est une nouveauté, que l'on doit pour bonne partie à l'initiative de la caisse.

Il vise d'abord à rénover notre politique et nos outils de la maîtrise des risques. La Cour des comptes a souligné que notre référentiel de contrôle interne datait un peu, qu'il fallait l'adapter davantage à la gestion des risques actuels. Nous avons entrepris de le rénover, pour élaborer un référentiel unique, en fédérant différentes démarches de maîtrise des risques et en l'articulant avec le système d'information aussi bien qu'avec le plan de lutte contre la fraude. Nous en sommes à la phase de généralisation.

Deuxième axe, la fiabilisation des données. C'est le cas de figure des périodes assimilées au chômage, où nous devons nous assurer que les données communiquées par Pôle emploi correspondent à nos critères pour le calcul des carrières ; même chose pour les données que nous recueillons auprès de l'assurance maladie ou de la branche famille.

Nous renforçons également les audits de la branche, avec une fonction de pilotage pour la Cnav, qui anime un comité national d'audit et un comité stratégique de la maîtrise des risques, et des moyens d'audit supplémentaires pour les caisses régionales.

Enfin, nous renforçons la politique de prévention et la lutte contre la fraude, en créant de nouveaux outils pour la détecter.

M. Pierre Mayeur, directeur. - Les erreurs de calcul liées aux périodes assimilées au chômage tiennent à ce que l'Unedic a accordé un trimestre de chômage dès le premier jour de l'indemnisation, alors que le seuil réglementaire ne prévoit de le comptabiliser qu'à partir de cinquante et un jours. Le décalage vaut pour les années 1993 à 2007 : fallait-il recalculer toutes les carrières, en analysant mieux les chiffres de l'Unedic ? En fait, les statistiques des années 1993 à 2004 se sont avérées trop incertaines, donc inutilisables, et nous avons entrepris de recalculer les carrières, avec l'autorisation de la direction de la sécurité sociale, pour les seules années 2004 à 2007.

Sur les 3,5 milliards de nouvelles pensions versées en 2009, l'impact maximal de ces erreurs liées aux périodes assimilées au chômage est évalué à 35 millions. Mais, sachant que des trimestres surnuméraires peuvent être « compensés » par des périodes de chômage non indemnisées ou non enregistrées, l'impact réel serait plutôt de moitié, autour de 17 millions.

Nous avons aussi lancé une enquête pour régulariser les carrières longues en cas de fraude ou d'exagération. Nous constatons que la moitié des présomptions de fraude ou d'exagération sont avérées, donnant lieu à des annulations de rachat d'annuités : à l'inverse, 40 % ne sont pas confirmées.

M. Guy Fischer. - Je me réjouis de vous entendre, par les chiffres même, prendre le contre-pied d'une véritable campagne de dénigrement contre l'assurance-vieillesse et la fraude dont elle ferait l'objet !

M. Alain Vasselle. - Vous exagérez un peu...

M. Guy Fischer. - Non ! Nous n'entendons parler que de fraude à l'assurance vieillesse, mais le directeur de la Cnav nous confirme la faible ampleur du phénomène. Nous sommes favorables à la poursuite des abus, mais il faut être précis sur leur portée et ne pas cacher qu'ils concernent tous les milieux sociaux.

Monsieur le directeur, comment vos moyens d'actions ont-ils évolué ? Vous faites face à ce qu'on appelle malencontreusement « l'industrialisation » des régimes de retraite, avec l'augmentation du nombre des pensionnés. Mais vos moyens d'information, d'action et de contrôle ne se trouvent-ils pas rabotés sous les coups de la révision générale des politiques publiques (RGPP), des réductions des effectifs et de la convention d'objectifs ? Ces réductions de moyens vous paraissent-elles occasionner des erreurs de gestion, ou bien encore conduire à une déshumanisation ?

Enfin, alors que les retraites ont été augmentées de 0,9 % au 1er avril dernier, quelles sont vos perspectives de ressources dans les années à venir ?

M. Paul Blanc. - Vous le prenez pour Mme Soleil !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse diminue chaque année. Ce minimum étant versé par le fonds de solidarité vieillesse (FSV), y a-t-il une chance que la Cnav se voie attribuer les sommes non versées par ce fonds, ce qui éviterait qu'il serve de variable d'ajustement à l'assurance maladie ?

Avez-vous évalué le déficit de la branche vieillesse pour les années 2011-2018, compte tenu de la réforme projetée des retraites ? C'est en effet en 2018 que la branche est censée revenir à l'équilibre, et, dans cette attente, les déficits devraient être repris par la Cades grâce aux ressources et aux actifs du fonds de réserve pour les retraites (FRR). Ces ressources nouvelles seront-elles suffisantes pour couvrir les déficits de la période concernée ?

Quid de vos marges de productivité supplémentaires, pour de nouvelles économies de gestion ?

Enfin, vous dites que la part de 0,78 % d'erreurs financières, en masse, cumule les erreurs au bénéfice et celles au détriment de la caisse : à combien estimez-vous donc les pertes réelles ?

Mme Pascale Robakowski, agent comptable. - Elles sont évaluées à 0,008 % des nouvelles pensions distribuées en 2009, soit quasiment rien.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Si c'est si peu, pourquoi la Cour des comptes ne certifie-t-elle pas vos comptes ? Lui avez-vous présenté vos arguments avec le ton qui sied à la rue Cambon ?

M. Guy Fischer. - Ça s'appelle chercher la petite bête !

M. André Lardeux. - La loi de 2003 permet de cumuler une retraite et un salaire : combien de retraités utilisent-ils cette possibilité ? On a signalé des abus, sinon illégaux du moins moralement répréhensibles, de responsables d'entreprise salariés qui liquident leur retraite à soixante ans, pour se faire immédiatement réembaucher dans leur entreprise, à un autre poste ou comme consultants : ce genre de pratiques crée quelques remous...

M. Dominique Leclerc. - La certification exige la fidélité des informations communiquées, mais aussi leur traçabilité. Comment vous assurez-vous que les données transmises par Pôle emploi correspondent à vos critères ?

Ensuite, quel est l'impact financier des carrières longues ?

M. Pierre Mayeur, directeur. - La branche vieillesse a obtenu des moyens supplémentaires lors de la convention d'objectifs et de gestion de 2002-2005, pour faire face au « papy-boom », étant entendu que ce supplément de moyens serait temporaire.

M. Guy Fischer. - Encore des CDD !

M. Pierre Mayeur, directeur. - Non, les renforts ont été recrutés en CDI. La convention d'objectifs et de gestion pour 2005-2008 a maintenu les moyens, et c'est avec celle de 2009-2012 que, conformément à ce qui était prévu, la branche rend des effectifs, participant en cela au mouvement général dans la fonction publique. Cependant, notre taux de remplacement se situe entre la moitié et les deux tiers.

Quelles conséquences sur la qualité de service et la fiabilité des liquidations ? Nous renforçons les contrôles et nous avons même créé l'an passé quarante emplois nationaux pour épauler les caisses régionales dans la lutte contre la fraude.

Le président Fischer m'interroge sur l'évolution de nos recettes : je regrette de n'être pas devin !

Le nombre de pensionnés au minimum vieillesse diminue effectivement, mais les économies pour le fonds de solidarité vieillesse sont compensées par la revalorisation de 25 % du minimum vieillesse entre 2007 et 2012. L'avant-projet de loi sur les retraites élargit le bénéfice du minimum vieillesse, par la prise en compte du capital de l'exploitation agricole. Le FSV est donc encore loin de pouvoir abonder la Cnav...

S'agissant des prévisions de comptes pour 2011-2018, il est difficile de se prononcer car nous ne maîtrisons pas nos recettes et notre modèle Prisme évalue seulement l'impact des mesures sur les dépenses. Il est difficile de dire si les ressources et actifs du FRR suffiront à couvrir les déficits jusqu'en 2018.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Aura-t-on ces chiffres au moment de voter la loi sur les retraites ?

M. Pierre Mayeur, directeur. - C'est au Gouvernement de le prévoir.

Mme Pascale Robakowski, agent comptable. - La totalité du capital du FRR n'est pas disponible pour équilibrer avant l'échéance les comptes de la retraite : la soulte destinée à compenser l'adossement des industries électriques et gazières doit être conservée pour sa destination initiale.

M. Pierre Mayeur, directeur. - S'agissant des frais de gestion, je crois que nous avons déjà beaucoup fait pour les réduire dans la branche vieillesse et que nous aurons besoin de toutes nos ressources pour développer l'information et de conseil en vue de personnaliser la retraite : nous comptons proposer, dès 2013, un entretien d'une heure à chaque assuré pour l'informer de ses droits à la retraite, ceci dans tous les régimes.

La loi de financement pour 2009 a libéralisé totalement le cumul emploi-retraite, autorisé déjà en 2003. Je suis informé d'abus par la presse, sans savoir le nombre de cas. Nous savons seulement que le cumul augmente, et que 7 % des personnes qui ont liquidé leur retraite en 2007 ont exercé une activité en 2008 mais nous n'en connaissons pas la durée.

Mme Pascale Robakowski, agent comptable. - Le nombre de cumuls augmente effectivement mais sans exploser.

Pour ce qui concerne les erreurs de calcul, je vous confirme qu'elles représentent en valeur absolue 0,78 % des pensions nouvelles versées en 2009 mais en valeur relative, comme les erreurs vont dans les deux sens, elles s'annulent pour partie et la charge réelle pour les comptes est évaluée à 0,008 % des nouvelles pensions.

La certification des comptes exige que les comptes soient sincères, réguliers et donnent une image fidèle de l'activité et du patrimoine de la caisse. La Cour des comptes n'a pas mis en cause la sincérité ni la fidélité de nos comptes, ses réserves portent seulement sur la régularité, et elle souligne que nos contrôles internes ne permettent pas suffisamment de maîtriser les erreurs. La Caisse estime qu'en tant qu'entreprise de service public, nous devons appliquer à la lettre les lois et règlements qui déterminent le montant des pensions.

Il existe trois référentiels propres à la branche vieillesse : le système national de gestion des identifications, le système national de gestion des dossiers et le système national de gestion des carrières. Au terme d'un audit approfondi, la Cour des comptes n'a rien trouvé à redire aux deux premiers systèmes, et c'est seulement pour le troisième qu'elle a fait des remarques sur la question des périodes assimilées chômage.

C'est pourquoi nous reprenons désormais la maîtrise des données qui nous sont transmises. Depuis 2008, Pôle emploi nous communique les périodes de chômage de date à date, et c'est nous qui les convertissons en annuités pour le calcul des retraites. Nous allons faire de même avec les éléments que nous adressent la branche famille, la branche maladie et nos autres partenaires.

Enfin, le conseil d'administration de la Cnav s'est prononcé pour que la caisse réalise un audit externe, auprès de nos partenaires, pour vérifier la qualité des informations qu'ils transmettent.

M. Pierre Mayeur, directeur. - L'application stricte de la réglementation ne va pas toujours sans contradictions. La Cour des comptes, par exemple, en nous demandant des révisions, nous reproche de ne pas avoir de procédure automatisée pour prendre en compte les éléments utiles au calcul de la retraite mais qui ne seraient pas disponibles au moment où le déclarant liquide sa retraite : prenons la cas d'un salarié qui part en retraite en juin, sans connaître le montant de la prime qui lui sera versée en fin d'année seulement, et pour autant que cette prime ait une incidence sur le calcul de la retraite. De fait, si ce retraité ne nous déclare pas sa prime, nous ne la prenons pas en compte automatiquement. Ce serait différent si le calcul était cristallisé au jour de la liquidation, mais ce ne sont pas les règles actuelles et les modifier relève de la compétence du Gouvernement et du Parlement.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Quelles évolutions des règles vous seraient donc utiles, pour que vos comptes soient plus facilement certifiés ?

Mme Pascale Robakowski, agent comptable. - Nous avons lancé une nouvelle ingénierie de notre contrôle interne. Nous procédions jusqu'à présent par une revue régulière des chiffres, nous passons désormais à un nouveau référentiel de la gestion des risques, en cartographiant les processus et les actions de maîtrise : cet outil devrait être opérationnel dès cette année. Ensuite, nous avons réalisé qu'il fallait mieux coordonner l'action de l'ordonnateur et du comptable. Ce sera l'objet d'un protocole de qualité, avec une revue régulière des constats d'erreurs.

Auxiliaires de vie scolaire - Audition de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale

La commission procède enfin à l'audition de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, sur les auxiliaires de vie scolaire (AVS).

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. - La scolarisation des enfants handicapés est une priorité pour le Président de la République et le Gouvernement. Des progrès importants ont été accomplis dans la période récente. Cette année, 185 000 élèves handicapés ont été accueillis en classe ordinaire : 30 000 de plus qu'il y a trois ans, 40 % de plus que lors du vote de la loi de 2005, deux fois plus qu'il y a dix ans. On compte aussi aujourd'hui deux cents classes d'intégration scolaire (Clis) et six cents unités pédagogiques d'intégration dans les lycées. Des dotations budgétaires sont inscrites pour financer la formation des enseignants, le matériel ou les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), à quoi s'ajoutent deux cents enseignants et soixante autres personnes, mis à disposition des MDPH sur l'ensemble du territoire. Ces maisons sont un outil essentiel : c'est la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui arrête les propositions d'orientation scolaire, qui autorise l'intervention des enseignants référents et qui détermine les moyens propres à assurer l'intégration scolaire des élèves handicapés.

Pour un quart de ces élèves, un accompagnement individuel s'impose. Il est assuré par les auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-i) qui encadrent aujourd'hui 53 000 élèves, à temps complet ou partiel. Ils représentent 22 000 équivalents temps plein, leur nombre ayant doublé en trois ans. Ce sont des assistants d'éducation de niveau Bac ou de niveau IV ou des contractuels de droit privé recrutés en contrat aidé. Au 30 septembre 2010, 2 000 assistants d'éducation arriveront au terme de leur contrat, avec trois ou six ans d'ancienneté. Or, leur contrat, de droit public, ne peut être reconduit au-delà de six ans. Comment approfondir la qualité de leur intervention et conserver leurs compétences pour assurer une continuité de l'accompagnement des élèves handicapés ?

D'abord, il s'agit de garantir la qualité d'intervention des AVS-i grâce à un suivi individualisé tout au long de leur contrat. La circulaire du 24 juillet 2009 prévoit que ce suivi soit mis en place, après les soixante heures de formation initiale. Puis, dans la plupart des cas, une attestation de compétence leur est délivrée en fin d'exercice, dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience (VAE). Depuis 2008, des conventions régionales tripartites, passées entre les directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, les rectorats et Pôle emploi, formalisent les modalités de formation et de suivi des bénéficiaires de contrats aidés afin de favoriser leur insertion professionnelle.

Nous ne voulons pas non plus les oublier au terme de leur contrat. Avec Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité, nous menons une réflexion de fond sur la formation et sur l'évolution de l'emploi des AVS. Avec les associations représentatives des personnes handicapées et des familles et les administrations de nos deux ministères, nous avons établi un référentiel de compétences, qui constitue à la fois un cahier des charges pour le recrutement et un guide des bonnes pratiques. La professionnalisation progressive des AVS devrait les conduire à exercer divers métiers dans le champ des services d'aide à la personne, à occuper des emplois de catégorie C dans les trois fonctions publiques et à présenter un certain nombre de concours de la fonction publique qui ont été réaménagés pour qu'ils puissent y participer. Ils peuvent enfin devenir enseignants, infirmiers ou encore assistants de service social. Il s'agit d'améliorer les perspectives de carrière de ces personnels et de mettre un terme à la précarité de leur activité.

Par ailleurs, les contrats dédiés à l'intégration des élèves dans les classes ordinaires ont démontré leur efficacité, les élèves ayant pu bénéficier d'un accompagnement sûr et prolongé, assuré par des personnels accompagnants plus compétents et professionnalisés. Il s'agit maintenant de capitaliser ces acquis et d'organiser un meilleur suivi de la sortie des AVS au terme de leur contrat. Nous avons été alertés l'année dernière par de nombreuses familles sur les ruptures probables d'accompagnement au cours de l'année 2010, plusieurs centaines de contrats devant arriver à terme sans possibilité d'être renouvelés. Isabelle Debré, Paul Blanc et de nombreux autres sénateurs se sont mobilisés pour permettre l'adoption d'une disposition dans le cadre de l'examen de la loi du 3 août 2009, qui prévoit la mise en place d'un dispositif de conventionnement avec des associations. Grâce à ce dispositif, les AVS arrivés au terme de leur contrat ont pu continuer à exercer les mêmes fonctions, en étant recrutés par une des quatre fédérations d'associations ayant conclu une convention avec le ministère de l'éducation nationale. Pour prolonger ce dispositif, j'ai signé, avec Nadine Morano, au début du mois de juin, deux nouvelles conventions, avec huit fédérations d'associations, l'une élargissant aux services d'aide et d'accompagnement à domicile la capacité d'employer un AVS. La reconduction améliorée du dispositif entraîne une hausse de la subvention ministérielle, afin de permettre la prise en charge non plus de 34 %, mais de 44 % des cotisations sociales, ainsi qu'une participation aux frais de formation et de gestion à hauteur de 10 % du salaire annuel des AVS. Les surcoûts qui en résultent, de l'ordre de 1,5 million à 2 millions d'euros, seront pris en charge par le budget de l'éducation nationale. Ce système permet ainsi de proposer une offre transversale et continue d'accompagnement à l'école et à la maison. Pour l'enfant, cela signifie une augmentation du temps global d'accompagnement, notamment à domicile sur le temps extrascolaire, mais aussi une limitation du nombre d'intervenants avec une continuité de la prise en charge. Pour les AVS, cela signifie moins d'enfants suivis et la possibilité de passer d'un temps partiel à un temps plein. Dans le cadre de ce conventionnement, la fonction d'AVS-i sera donc amenée à évoluer, la prise en charge ayant lieu de façon continue, sur le temps scolaire et extrascolaire, et les AVS-i s'engageant sur la voie de la professionnalisation.

Pour préparer le renouvellement des contrats, j'ai adressé une directive aux recteurs et aux inspecteurs d'académie au début du mois de juin et le décret fixant les taux de rémunération va être prochainement publié. Le réemploi sera soumis à une triple condition : l'obtention de l'attestation de compétence délivrée par l'inspecteur d'académie, l'accord écrit de l'intéressé pour changer de contrat et l'accord de la famille pour maintenir le binôme enfant-accompagnant. Grâce aux financements mobilisés, six cents AVS pourront ainsi être employés par les associations conventionnées. Notre ambition est d'aller plus loin en permettant l'intégration de 10 000 élèves de plus à la prochaine rentrée scolaire.

Mme Muguette Dini, présidente. - Le sujet des AVS constitue une préoccupation centrale pour notre commission. Annie Jarraud-Vergnolle et Paul Blanc ont établi un rapport d'information sur les MDPH ; Paul Blanc est aussi le rapporteur pour avis de la mission budgétaire « solidarité » et l'auteur d'une proposition de loi actuellement en cours d'examen.

M. Paul Blanc. - Alors que cette question se pose à chaque rentrée depuis de nombreuses années et que les associations, que nous avons reçues à plusieurs reprises avec Isabelle Debré, demandent une continuité de l'accompagnement, il était temps de proposer enfin une solution pérenne. Je rends hommage à l'éducation nationale pour sa participation aux commissions départementales des droits et de l'autonomie et aux maisons départementales. La présence d'inspecteurs et d'enseignants spécialisés est indispensable, elle doit se poursuivre. Tel est le sens de la proposition de loi que j'ai déposée, mais dont l'examen s'est, hélas, interrompu à l'article 5 et qui ne reprendra, semble-t-il, qu'à l'automne.

Seuls des inspecteurs d'académie ou des enseignants spécialisés sont capables de juger si la présence d'un AVS est indispensable. Or, le nombre de prescriptions augmente sans cesse. Je ne nie pas les besoins, mais je crois qu'il faut aussi veiller à ce que l'excès d'accompagnement ne se fasse pas au détriment des progrès de l'enfant et de son autonomisation. Seuls des enseignants spécialisés savent où placer le curseur. Les enseignants et les membres de l'équipe pluridisciplinaire pourraient-ils avoir une formation en ce sens avec des références communes d'évaluation à toutes les MDPH ?

Une plus grande sensibilisation des enseignants et des personnels de direction devrait également favoriser l'intégration des enfants handicapés dans l'école ordinaire. L'organisation de l'emploi du temps et du parcours scolaire est déterminante. Par exemple, il vaut mieux ne pas changer de classe un élève une fois qu'il a pris ses repères.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Les enseignants sont parfaitement à leur place dans les maisons départementales, hélas il n'existe pas dans toutes un référent de l'éducation nationale.

La loi de 2005 a prévu la scolarisation de tous les enfants handicapés : certains peuvent être accueillis dans des classes ordinaires, d'autres ne le peuvent pas et sont orientés vers l'enseignement spécialisé. On peut regretter qu'il y ait encore trop peu de passerelles entre l'enseignement spécialisé et les autres classes. D'ailleurs, sur les 185 000 enfants fréquentant une classe ordinaire, la moitié est scolarisée à temps partiel voire très partiel, lorsqu'il s'agit seulement d'une dizaine d'heures par semaine.

Malgré cela, il n'y a encore pas suffisamment d'AVS : d'ailleurs, le tribunal administratif des Pyrénées-Atlantiques vient de condamner le ministère de l'éducation nationale pour son refus implicite d'accorder des AVS-i à sept enfants alors que la commission départementale le prescrivait. Le ministère sera contraint de verser 300 euros à chaque famille. Ne doit-on pas craindre une multiplication des recours contentieux dans ce domaine ?

Les AVS sont recrutés sur deux types de contrats, pour six ans comme agents de droit public, pour trois ans comme agents de droit privé. La convention que vous avez signée devrait permettre à 5 000 AVS de poursuivre leur activité. En septembre dernier, avec Paul Blanc, nous vous avions adressé un courrier pour réclamer la publication rapide d'une circulaire, afin que les intéressés n'aient pas à se réinscrire à Pôle emploi avant de pouvoir être recrutés par les associations conventionnées. Mais le Médiateur de la République a observé que sur les 5 000 AVS-i à reconduire, seuls 1 500 ont pu l'être à la rentrée de 2009. A l'instar de la commission nationale consultative des droits de l'homme, le Médiateur estime nécessaire de professionnaliser les métiers de l'accompagnement et de rapprocher la formation des AVS de celle des auxiliaires de vie sociale, c'est-à-dire le diplôme d'Etat d'auxiliaire de vie sociale (DEAVS) qui s'acquiert en deux ans.

Vous avez travaillé avec les associations à l'élaboration d'un référentiel, visant à créer un métier qualifié, de niveau V ou supérieur. Mais ce travail s'est interrompu au mois de janvier dernier. Quel niveau de qualification entendez-vous donner aux AVS-i ? A quel type de diplôme envisagez-vous finalement de rattacher cette profession ? Car si ce module de soixante heures permet l'initiation des enseignants, cela me paraît insuffisant pour qu'il débouche sur un diplôme qualifiant.

Concernant les nouvelles conventions signées avec les fédérations d'associations d'enfants handicapés, quelle sera la nature du suivi assuré par l'éducation nationale ? Et dans le cadre du conventionnement avec les associations de services d'aide à domicile, le chèque emploi service universel (Cesu) pourra-t-il prendre en charge les frais d'accompagnement, comme c'est le cas pour les personnes âgées ?

M. Luc Chatel, ministre. - Si nous avons mobilisé autant de moyens, c'est pour mettre fin à une injustice subie par les enfants handicapés et leurs familles. Mais c'est aussi pour favoriser l'apprentissage, par les autres élèves, de la différence et de la tolérance. L'accueil d'un enfant handicapé n'est pas toujours facile. Les enseignants sont généralement de bonne volonté mais ils font valoir que l'équilibre au sein de la classe peut être perturbé par la présence d'un enfant handicapé et de son AVS-i. Le plan académique de formation vise à mieux préparer les enseignants et les chefs d'établissement. Je m'étonne, madame Jarraud-Vergnolle, de votre remarque sur l'absence de professeurs référents de l'éducation nationale dans certaines maisons départementales. Pourriez-vous indiquer quels sont les départements concernés afin que nous le signalions aux inspections d'académie ? Quant aux passerelles, des unités d'enseignement ont été créées dans les établissements de soins afin de faire le lien avec le collège.

Sur le jugement du tribunal administratif, je ne puis vous indiquer si le risque de généralisation est réel : mes services analyseront cela et je vous fournirai ma réponse.

Quant aux postes d'AVS supplémentaires, tous n'ont pas été pourvus à la dernière rentrée scolaire, car nous avons eu à gérer des fins de contrats. Et ces emplois ne trouvent pas toujours preneurs... Ce qui renforce notre détermination à mettre en place une vraie formation et la professionnalisation. Bien sûr, certaines associations estiment que l'on ne va pas assez loin et assez vite. Pourtant, cette année, nous avons élaboré le référentiel, étape importante, mais qui ne suppose pas obligatoirement l'ouverture d'une filière professionnelle d'Etat. Il faut retenir un modèle économique incluant le financement et la pérennisation des emplois et des compétences. Voilà le travail qui reste à mener.

Quant au Cesu, je vous le confirmerai mais je ne vois pas pourquoi il ne pourrait être utilisé pour des emplois d'aide à domicile et d'accompagnement.

M. Alain Gournac. - L'évolution favorable de la scolarisation des enfants handicapés est remarquable. Dans mon département, il existe une Clis à la maternelle, au primaire et au collège. Elle accueille des non-voyants et malvoyants. Cela perturbe-t-il la classe ? Non ! Cela l'enrichit. C'est une poussée en avant formidable. Pour aller plus loin encore, il faudrait de meilleurs relais entre les cycles, particulièrement entre le primaire et le collège. Il faut faire le maximum, dans la classe spécialisée mais ailleurs aussi. Sans en faire trop, effectivement. Un aveugle qui demande si le feu est rouge et s'il peut traverser a besoin d'être renseigné, il n'a pas forcément envie qu'on le prenne par le bras pour l'assister. Même si on peut comprendre leur attitude, il faudrait aussi éviter que les parents interviennent de façon trop intrusive et, avec les meilleures intentions du monde, expliquent quoi faire aux enseignants et autres intervenants spécialisés.

Mme Annie David. - Nous aussi, sur les bancs de l'opposition, sommes très attentifs à ces situations. Nous sollicitons souvent les commissions, nous nous adressons souvent à vous, monsieur le ministre. Et nous demandons un statut pour ce personnel, qui demeure dans une incertitude inacceptable. La professionnalisation ne progresse pas. Les enfants et leurs familles sont aussi dans l'attente. Le ministre nous dit : « Tout va bien, l'effort a été considérable ». Alors, pourquoi tant d'associations, de familles, d'enseignants nous sollicitent-ils ?

Deux associations et pas des moindres, l'association des paralysés de France (APF) et l'union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), ont refusé le conventionnement, car elles n'y trouvent aucune solution au problème du financement. La situation des associations ne les autorise pas à embaucher des AVS. Où sont les financements ? Vous annoncez six cents nouveaux postes, mais vous nous dites aussi que 2 000 AVS-i ont atteint la limite des six années. Il en manque donc 1 400 !

Les professionnels que vous aurez formés seront-ils intégrés dans l'éducation nationale ? A quoi sert la professionnalisation sans les financements pour créer des postes ? Comment les intéressés exerceront-ils leur métier ?

Mme Isabelle Debré. - Comment, avec l'ouverture du conventionnement aux associations de services à domicile, garantir le professionnalisme dans l'accompagnement des enfants ? Les aides à domicile n'en ont ni les compétences ni la formation. L'accompagnant doit lui-même être accompagné. Comment garantir la continuité du service et de sa qualité ? Je vois mal, enfin, comment demander aux AVS d'accompagner un enfant handicapé le matin et de s'occuper d'une personne âgée le soir.

M. Ronan Kerdraon. - Je partage cette impression. Pour préparer cette audition, j'ai rencontré des AVS et leurs syndicats, ils ne participent pas à votre concert de louanges. Pour que les postes d'AVS soient attrayants, il faut un statut véritable, un métier reconnu, une formation digne de ce nom. Je suis enseignant de formation et ma commune compte une Clis. J'ai bien vu que soixante heures ne suffisaient pas. Il faut aussi une rémunération décente et un emploi durable. Les enseignants sont très satisfaits d'avoir un AVS dans la classe, c'est un atout. Attention à ne pas souligner des réticences, ce serait contraire au but poursuivi... Va-t-on vers la mise en place d'un vrai métier ?

Mme Patricia Schillinger. - Je suis maire d'une commune de 3 000 habitants pleine de bonne volonté. Mais les classes étant surchargées, il n'y a pas suffisamment de places pour accueillir un enfant handicapé avec son AVS-i. Nous allons néanmoins faire des travaux, pour près de 3 millions d'euros, dans l'établissement afin de pouvoir les accueillir. Or, actuellement, la commune voisine possède un établissement spécialisé, dans lequel les parents choisissent le plus souvent de scolariser leurs enfants handicapés... Outre le manque d'espace, le nombre insuffisant de professeurs explique la surcharge des classes. Quelles solutions proposez-vous ?

M. Jacky Le Menn. - Le tableau idyllique tracé par le ministre ne correspond pas à l'expérience que j'ai, au conseil général, de la prise en charge du handicap. Je préside aussi la commission départementale et je rencontre souvent les associations. Je reconnais les efforts qui sont faits mais lors des tables rondes que nous avons organisées pour préparer le débat que nous avions demandé au Sénat sur le bilan de la loi handicap, les associations nous l'ont bien dit : la principale inquiétude concerne l'instabilité de l'emploi. Le recours à de tels contrats, dans la fonction publique, est acceptable pour remplir un besoin ponctuel ou répondre à une spécialisation très particulière. Ce n'est pas le cas ici et votre solution n'est pas la meilleure pour conforter une profession émergente. Un effort me semble encore nécessaire pour affiner la conception du métier et son financement.

Mme Anne-Marie Payet. - Scolariser l'enfant handicapé à l'école la plus proche donne de bons résultats la plupart du temps, mais ce n'est pas forcément possible, par exemple dans le cas d'un handicap mental. J'ai été directrice d'école et j'ai essayé d'intégrer un enfant dans cette situation, il hurlait sans cesse et après quinze jours j'ai dû renoncer. Il faut compter aussi avec la réticence des enseignants... A La Réunion, nous avons fait se rencontrer des classes ordinaires et des classes de sourds-muets. Le cours commun, avec interprète en langue des signes, est une expérience originale mais aussi contraignante pour qu'elle se déroule bien : en tout cas, pour effacer les réticences, rien de tel que la visite dans les lieux où se déroulent de telles expériences, lorsqu'elles sont couronnées de succès.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Tous les enfants handicapés n'ont pas vocation à suivre une scolarité normale. J'ai géré des établissements pour enfants souffrant de troubles psychiques : certains d'entre eux peuvent être intégrés, les autres non. Dans le référentiel, il faudra tenir compte de tous les handicaps. Certaines associations sont spécialisées dans tel ou tel handicap, ce qui pénaliserait l'AVS qui y travaillerait. Dans ce domaine, il existe deux diplômes proches, le DEAVS, qui couvre la maladie mentale et les problèmes de mobilité, et le CAP d'aide médico-psychologique, qui traite du handicap psychique. Des modules spécifiques sont à prévoir portant sur le métier d'AVS.

Enfin, je voulais signaler que la VAE étant payante, son coût constitue un obstacle pour des personnes qui ne travaillent le plus souvent qu'à temps partiel.

M. Luc Chatel, ministre. - Pour répondre à Alain Gournac, je voulais indiquer que c'est précisément le rôle des professeurs référents que d'éviter la rupture entre le primaire et le secondaire. Pour les malvoyants, une politique très volontariste est menée, avec des Clis spécialisées, qui bénéficient de traductions en braille des livres scolaires. J'ai d'ailleurs conclu une convention dans le Nord-Pas-de-Calais pour obtenir un volume significatif de tels ouvrages.

Pour répondre à Annie David et Jacky Le Menn, je n'ai pas eu le sentiment de dresser un tableau idyllique de la situation, mais plutôt de faire un état des lieux objectif. Une amélioration de 40 % depuis 2005, c'est une avancée considérable, mais il reste toutes ces familles dont l'enfant handicapé n'est pas accueilli en classe et qui constatent les progrès de ceux qui le sont. Je comprends leur attente. Vous doutez de l'efficacité du conventionnement. Deux associations n'ont pas signé, elles ont leurs raisons. Mais d'autres ont fait le choix inverse, la Ligue de l'enseignement, la Fédération des pupilles de l'Etat, Autisme France... Nous avons pris des engagements à l'égard de ces associations et nous finançons le dispositif à 100 %.

L'instabilité que vous dénoncez dure depuis vingt-cinq ans et elle a perduré sous tous les gouvernements. Dans tous les emplois aidés, les emplois jeunes, c'est la sortie du dispositif qui pose un problème. A chaque fois, il faut ouvrir des perspectives. La majorité sénatoriale, l'an dernier, a trouvé un moyen de pérenniser les emplois et les compétences. Le travail que je mène, avec ma collègue Nadine Morano, va dans ce sens : cela n'avait jamais été fait auparavant.

Madame David, seuls six cents AVS-i se trouveront à la rentrée prochaine au terme de six années de contrat. Les 1 400 autres, parmi les 2 000 que j'ai cités, sont en fin de contrat de trois ans et peuvent donc le renouveler s'ils le souhaitent.

Madame Debré, les conventions comportent la reprise des emplois existants, afin d'éviter la rupture du lien entre l'auxiliaire et l'enfant. Mais cette possibilité de poursuivre son activité au sein d'associations de services d'aide à domicile ne signifie pas que l'AVS effectuera d'autres missions à domicile, auprès de personnes âgées par exemple, comme vous le craignez.

Madame Schillinger, les communes voisines doivent se concerter : des investissements coûteux ne sont pas indispensables si une école, même un peu éloignée, peut accueillir l'enfant handicapé. Les MDPH attribuent d'ailleurs des aides au transport dans ces cas précis.

Enfin, Mme Jarraud-Vergnolle m'a demandé de prendre en compte tous les handicaps dans le référentiel. C'est le cas ! Je vous assure. Nous vous transmettrons les documents élaborés par le groupe de travail.

Mme Muguette Dini, présidente. - La rédaction du référentiel est-elle achevée ?

M. Luc Chatel, ministre. - Oui, il sera annexé à la circulaire.

Mercredi 30 juin 2010

- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -

Situation des finances sociales - Audition de MM. Pierre Burban, président du conseil d'administration, Pierre Ricordeau, directeur, Alain Gubian, directeur financier, et Benjamin Ferras, directeur de cabinet, de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss)

La commission procède à l'audition de MM. Pierre Burban, président du conseil d'administration, Pierre Ricordeau, directeur, Alain Gubian, directeur financier, et Benjamin Ferras, directeur de cabinet, de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), sur la situation des finances sociales, en prévision de la tenue du débat d'orientation sur les finances publiques.

M. Pierre Burban. - Avant d'évoquer la gestion de trésorerie de l'Acoss, il est utile de préciser que l'agence a signé le 19 mars 2010 une nouvelle convention d'objectifs et de gestion avec l'Etat pour la période 2010-2013. Celle-ci prévoit notamment une réorganisation du réseau des Urssaf au cours des quatre années à venir, caractérisée par la création de vingt-deux Urssaf régionales se substituant aux quatre-vingt-dix actuelles. Cette évolution, qui démontre la capacité d'adaptation des partenaires sociaux, s'accompagnera du maintien dans chaque département d'une entité Urssaf permettant d'offrir des services de proximité.

Par ailleurs, l'Acoss est particulièrement attachée à la concertation avec les pouvoirs publics, et notamment avec le Parlement. Son conseil de surveillance comporte des représentants des deux assemblées, mais ne s'est plus réuni depuis de nombreux mois, faute de désignation de l'ensemble de ses membres. Il est souhaitable qu'il puisse se réunir à nouveau rapidement.

La situation de trésorerie de l'Acoss est, depuis le début de l'année 2010, un peu meilleure que ce qui était prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Le plafond des ressources non permanentes auxquelles peut recourir l'Acoss, fixé à 65 milliards d'euros, ne sera pas atteint, le montant maximal du découvert ne devant pas dépasser 53 milliards. Cette amélioration est liée à une évolution de la masse salariale moins défavorable que prévu. Après avoir diminué de 1,3 % en 2009, celle-ci devrait croître de 0,5 % en 2010.

Lorsque l'Acoss envisageait d'atteindre le plafond des ressources non permanentes de 65 milliards, elle avait prévu de répartir ses sources de financement de la manière suivante : avances de la Caisse des dépôts et consignations (31 milliards), émission de billets de trésorerie (15 milliards), recours aux trésoreries sociales excédentaires (2 à 4 milliards), agence France Trésor (5 milliards), Europapier commercial (15 milliards).

Compte tenu des nouvelles prévisions de découvert, le financement devrait se répartir ainsi : avances de la Caisse des dépôts et consignations (25 milliards), émission de billets de trésorerie (12 milliards), trésoreries sociales excédentaires (2 milliards), Europapier commercial (11 milliards), agence France Trésor (5 milliards).

En 2009, le financement de l'Acoss a été assuré pour 70 % par la Caisse des dépôts et consignations et pour 30 % par l'émission de billets de trésorerie. Après la signature d'un avenant à la convention passée avec la Caisse des dépôts et consignations, les avances prédéterminées de celles-ci ont été remplacées par un dispositif de prêt en deux tranches. Un premier prêt est intervenu le 1er janvier 2010 pour un montant de 15 milliards avec un taux d'intérêt fixé à 1,24 %. Un second prêt a été réalisé le 9 mars 2010 pour un montant de 5 milliards avec un taux d'intérêt fixé à 1,22 %.

Par ailleurs, 12 milliards d'euros ont été mobilisés à fin juin par l'émission de billets de trésorerie. Une partie importante de ces billets a été placée auprès d'organismes sociaux tels que la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et la caisse du régime social des indépendants (RSI). La demande des investisseurs reste forte pour les billets ayant une maturité comprise entre un et trois mois et la signature de l'Acoss est assez appréciée puisque les agences de notation lui attribuent la meilleure note possible. Dans ces conditions, le plafond d'émission de billets de trésorerie a pu être porté de 11,5 milliards à 25 milliards. Le programme d'Europapiers commerciaux devrait débuter en juillet.

Tandis que les billets de trésorerie sont émis à un taux voisin de l'Eonia, le recours aux avances de la Caisse des dépôts et consignations est plus coûteux puisqu'il s'effectue au taux Eonia majoré de seize points de base.

Les charges d'intérêts payées par l'Acoss se sont élevées à 100 millions d'euros en 2009 et atteignent, pour 2010, 130 millions à la fin du moins de juin. Sur la base des évolutions de taux prévues, elles pourraient avoisiner 300 millions à la fin de l'année. Le taux Eonia, actuellement de 0,34 %, pourrait passer à 0,5 % environ d'ici la fin de l'année. S'il se rapprochait de 1 %, les frais financiers assurés par l'Acoss seraient supérieurs aux prévisions d'environ 50 millions d'euros.

Compte tenu du niveau exceptionnellement élevé du plafond des ressources non permanentes de l'Acoss en 2010, aucune augmentation annuelle de ce plafond n'est envisageable en 2011, de sorte qu'une reprise de dette devra impérativement intervenir à la fin de l'année 2010. La Cour des comptes, dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, a suggéré de limiter à 30 milliards d'euros le plafond des ressources non permanentes de l'Acoss et d'interdire toute modification réglementaire de plafond fixé par la loi de financement de la sécurité sociale. Assurément, l'Acoss gère de la trésorerie et n'a pas vocation à porter de la dette pérenne. Néanmoins, la fixation d'une limite à 30 milliards du plafond des ressources non permanentes pourrait présenter certains risques en termes de gestion opérationnelle et provoquer une crise en cas de dégradation de la conjoncture économique. La prohibition de toute évolution réglementaire du plafond fixé par la loi de financement de la sécurité sociale devrait être écartée pour les mêmes raisons.

Les dettes de l'Etat envers la sécurité sociale se sont fortement réduites au cours de l'exercice budgétaire 2009. Alors qu'elles atteignaient 2,9 milliards d'euros à la fin de 2008, leur montant a été ramené à 600 millions à la fin de 2009. Si des mesures n'avaient pas été prises pour les réduire, elles auraient atteint 4,2 milliards à la même date. Pour 2010, la dette au titre des exonérations de cotisations sociales pourrait s'accroître de 400 millions d'euros, du fait notamment de l'insuffisance du panier de recettes compensant les exonérations prévues par la loi Tepa. Dans ces conditions, les dettes de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale pourraient atteindre un milliard d'euros.

Les comptes de l'Acoss pour l'année 2009 viennent d'être certifiés par la Cour des comptes, ce qui constitue une reconnaissance du travail effectué. Parmi les réserves dont est assortie cette certification, l'une concerne les cotisations des travailleurs indépendants. La réforme qui a vu la création du RSI et de l'interlocuteur social unique (Isu) a été marquée par un partage de l'activité de recouvrement des cotisations et contributions des travailleurs indépendants entre les Urssaf et le RSI et de nombreuses anomalies ont été constatées à la suite de cette évolution. Cette réforme a constitué un progrès incontestable en conduisant au regroupement de plusieurs caisses, mais l'investissement préalable nécessaire pour la réussir n'a pas été réalisé, les gains de productivité attendus ayant été anticipés. La réforme a nécessité la fusion de trois fichiers et il n'est guère étonnant que cette opération ait conduit à un taux d'anomalies d'environ 10 %.

L'Acoss et le RSI conduisent actuellement un travail important pour mettre fin aux erreurs constatées dans la gestion des comptes des travailleurs indépendants, notamment en ce qui concerne les comptes cotisants dit « singletons », qui ne comprennent pas la totalité des risques. Par ailleurs, la mise en place du nouveau dispositif a mis en évidence certaines difficultés liées aux informations transmises par les centres de formalités des entreprises auprès desquels s'immatriculent les travailleurs indépendants.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Pourquoi l'Acoss continue-t-elle à recourir de manière importante aux avances de la Caisse des dépôts et consignations si l'émission des billets de trésorerie est moins coûteuse ? Par ailleurs, est-il possible de connaître la répartition des frais financiers liés à la gestion de trésorerie de l'Acoss entre les différentes branches de la sécurité sociale ?

La proposition de la Cour des comptes visant à limiter le plafond des ressources non permanentes de l'Acoss peut certes présenter quelques risques mais elle permettrait aussi d'éviter de laisser dériver dangereusement ce plafond. En ce sens, elle s'apparente quelque peu à la règle organique imposant d'accompagner tout transfert de dette à la Cades des ressources nécessaires pour ne pas allonger la durée de vie de la caisse. Si un tel plafond avait existé l'an dernier, le Gouvernement aurait été contraint de procéder à un transfert de dette qui aurait été moins coûteux que celui qui devra intervenir à la fin de l'année 2010.

Quelles sont les mesures concrètes prises pour mettre fin aux anomalies constatées dans le cadre de la création du RSI et de l'Isu ?

M. Guy Fischer. - L'Acoss aura-t-elle achevé l'« optimisation du réseau » à l'issue de l'exécution de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion ? Quel sera le coût en termes d'emploi de ce processus ? Peut-on déduire de la légère progression de la masse salariale constatée depuis le début de l'année que la reprise économique est solide ? Quelles sont les conséquences pour les affiliés au RSI des anomalies constatées dans le recouvrement des cotisations et contributions ?

M. Pierre Burban. - La réorganisation du réseau actuel des Urssaf était absolument indispensable compte tenu de la complexification croissante des règles applicables en matière de recouvrement des cotisations. La restructuration permettra une mutualisation des moyens particulièrement utile pour les plus petites Urssaf qui ne disposent que de trente à quarante collaborateurs. La nouvelle convention d'objectifs et de gestion prévoit la suppression d'une centaine de postes sur un total de 13 700, pour l'ensemble de sa période de mise en oeuvre.

Au cours des dernières années, l'Acoss a pleinement pris en compte l'existence d'autres modes de financement que le recours aux avances de la Caisse des dépôts et consignations. Toutefois, sous réserve que les conventions entre les deux parties soient équilibrées, l'agence a intérêt à recourir à la Caisse des dépôts, dont les avances ou prêts présentent moins de risques que l'émission des billets de trésorerie.

La proposition de la Cour des comptes sur le plafond des ressources non permanentes pourrait certes avoir des effets psychologiques appréciables mais n'en comporterait pas moins certains risques techniques.

M. Pierre Ricordeau, directeur. - L'Acoss gère des besoins de trésorerie au jour le jour qui la conduisent parfois à mobiliser des sommes considérables dans des délais très brefs. Une limitation intangible du plafond des ressources non permanentes risquerait de rendre insuffisants les moyens disponibles pour faire face à des besoins ponctuels.

Le plafond d'émission de billets de trésorerie par l'Acoss a été porté à 25 milliards, mais une partie de ces émissions est faite à destination d'acteurs publics, de sorte que les émissions sur le marché des billets de trésorerie proprement dit sont limitées à 15 milliards. Les billets émis par l'Acoss représentent 25 % de ce marché environ. Le maintien d'une relation équilibrée avec la Caisse des dépôts apporte une plus grande sécurité à l'Acoss que ses autres modes de financement, notamment lorsqu'il est nécessaire de mobiliser rapidement des sommes considérables, par exemple pour assurer le paiement des pensions.

Plusieurs mesures sont mises en oeuvre pour remédier aux anomalies constatées dans le recensement des cotisations et contributions des travailleurs indépendants : traitement des situations d'urgence, éventuellement par des interventions manuelles ; renforcement des moyens des caisses, notamment en termes d'accueil téléphonique ; mise en place, avec les administrateurs et les experts-comptables, de dispositifs de priorisation en fonction des urgences constatées. Certains processus sont par eux-mêmes à la source d'erreurs et doivent donc être améliorés. Ainsi, lors de l'affiliation, plusieurs structures sont susceptibles de classer les cotisants dans une catégorie, ce qui peut conduire à des classements différents. A partir du 1er janvier 2012, sera mis en place un point unique de pré-instruction pour éviter ces classements différents. Les caisses travaillent également sur la question des systèmes informatiques. L'Isu implique en effet de faire fonctionner ensemble deux systèmes d'information très différents. Pour l'avenir, une base de données partagée sera mise en place.

M. Dominique Leclerc. - La création du RSI a constitué une réforme utile, qui se traduit néanmoins par une évaporation massive de cotisations, compte tenu de l'ensemble des erreurs et anomalies constatées, alors que le taux de recouvrement des cotisations des artisans et commerçants était voisin de 100 % auparavant. Il est possible de s'interroger sur les raisons qui ont conduit à partager l'activité de recensement entre le RSI et les Urssaf. Ceux-ci sont jusqu'à présent incapables de rendre compatibles leurs systèmes informatiques.

M. Jacky Le Menn. - Le conseil d'administration de l'Acoss joue-t-il un rôle dans la fixation du plafond des ressources non permanentes ? Comment est arrêtée la répartition entre les différents modes de financement auxquels recourt l'agence ? Les agences de notation délivrent-elles une note spécifique à l'Acoss ou bien bénéficie-t-elle de la note accordée à l'Etat ?

M. Yves Daudigny. - Quel est le taux d'intérêt appliqué sur les Europapiers commerciaux ? Par ailleurs, l'Acoss est-elle conduite à emprunter pour pouvoir payer les charges d'intérêts ?

M. Pierre Burban. - Certes, il est possible de critiquer le partage des responsabilités entre l'Acoss et le RSI, mais l'idée selon laquelle le régime des travailleurs indépendants fonctionnait mieux avant la création du RSI est fausse. Notre système de sécurité sociale est complexe et la création du RSI a constitué une simplification bienvenue. Dès avant la réforme, les Urssaf collectaient 50 % des contributions et cotisations des travailleurs indépendants. Les difficultés rencontrées sont en cours de résolution.

L'Acoss fait l'objet d'une notation spécifique par les agences compétentes, mais la garantie de l'Etat explique certainement, pour une part, l'attribution à l'agence de la meilleure note possible. Celle-ci est effectivement conduite à emprunter pour payer ses charges d'intérêts. Enfin, le taux appliqué sur le marché des Europapiers commerciaux est comparable à celui qui prévaut sur le marché des billets de trésorerie.

Situation des finances sociales - Audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) et de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam)

La commission procède ensuite à l'audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) et de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam), sur la situation des finances sociales.

M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam. - L'appréciation du déficit de l'assurance maladie doit se faire au regard de la situation des comptes de chacune des autres branches de la sécurité sociale. En 2009, les recettes de la branche maladie ont sensiblement baissé du fait de la crise, entraînant ainsi un déficit élevé qui, aujourd'hui, est devenu structurel. Cette situation sans précédent intervient dans un contexte de moyen terme de forte pression sur les dépenses d'assurance maladie et de santé dont la progression a été fortement ralentie depuis 2005 : avant 2004, leur progression était supérieure à 5 % par an ; entre 2005 et 2010, elle se situe entre 3 % et 4 % ; pour 2011 et 2012, l'objectif fixé par le Président de la République est une hausse de l'objectif national des dépenses de l'assurance maladie (Ondam) inférieure à 3 %.

Sur les 150 milliards d'euros de dépenses remboursées par l'assurance maladie hors prestations en espèces, 35 milliards sont consacrés à la prise en charge des maladies cardiovasculaires, 11 milliards du diabète, 17 milliards du cancer, 16 milliards des affections psychiatriques et 7 milliards des maladies neurodégénératives, d'Alzheimer et de Parkinson. Il y a donc une forte concentration sur quelques pathologies, à la fois lourdes et coûteuses, qui connaissent les progressions d'effectifs et de dépenses les plus rapides. Cette concentration s'est même accrue au cours des dernières années : les 10 % de la population qui ont les dépenses de soins de ville les plus élevées représentaient 56,7 % des remboursements de l'assurance maladie en 2005 ; ils en représentent 60,1 % en 2009. En moyenne, la prise en charge du diabète s'élève annuellement à plus de 7 000 euros par patient et à plus de 10 000 euros pour un cancer. La dynamique de la progression de ces dépenses pose la question de leur soutenabilité. Ainsi, sur la période 2005-2008, 40 % de la croissance des dépenses d'assurance maladie sont dus aux maladies cardiovasculaires et au diabète, 12 % au cancer. Cette situation est le résultat d'un net accroissement des effectifs de patients traités : + 5 % par an entre 2005 et 2008 pour le cancer, le diabète et la maladie d'Alzheimer. Un autre phénomène s'ajoute : la bascule entre affection de longue durée (ALD) et non ALD pour les maladies chroniques notamment cardiovasculaires. Aussi, si l'effectif total de malades cardiovasculaires diminue légèrement au cours de cette même période, de 0,5 % par an, il augmente de 4,5 % pour les patients en ALD, ce qui aboutit à une augmentation du taux de prise en charge moyen. On constate en effet un accroissement du degré de lourdeur des pathologies prises en charge. Il en est de même pour le diabète où, malgré un meilleur dépistage et un meilleur suivi des patients, on observe une augmentation de la fréquence des complications.

Cette analyse conduit à penser qu'il ne faut pas se focaliser sur la question des prises en charge à 100 % car elle vient en aval du problème, aujourd'hui essentiel, de la formation du coût complet des soins. La maîtrise médicalisée doit se déployer sur ces pathologies lourdes ou chroniques en agissant en amont de la dépense, c'est-à-dire en intensifiant la prévention et en optimisant les processus de soins. Toute dépense médicale n'est pas forcément utile, comme le montrent les effets délétères d'interventions chirurgicales inutiles liées à un dépistage précoce et systématique du cancer de la prostate. Pour progresser sur l'efficience du système, il faut aussi rechercher une meilleure qualité des soins.

Il n'y a pas de solution miracle pour trouver 10 milliards d'économies, dont la moitié d'ailleurs devrait concerner les établissements de santé. Mais des marges de manoeuvre existent. Par exemple, la vaccination par des infirmières pour la grippe saisonnière a permis de baisser les coûts de cette vaccination de 13 % alors même que 20 % seulement des vaccins sont administrés par cette profession. Néanmoins pour parvenir à ce résultat, il a fallu une loi et deux décrets en Conseil d'Etat, ce qui montre la difficulté à faire évoluer rapidement les choses. On peut aussi citer comme exemple les imprimés de transport sanitaire qui nécessitent plusieurs mois pour être modifiés. Dans un autre ordre d'idées, la création de centres ambulatoires de la cataracte se heurte à des difficultés, alors même que de tels centres existent dans tous les pays européens. Les modalités d'évolution de l'organisation des systèmes de soins sont complexes ; elles devraient permettre 10 % d'économies mais elles nécessitent un travail préalable considérable d'analyse de très nombreux processus, de rapprochement des intérêts divergents des différents acteurs et de modification des textes de droit public. Au-delà même de cette modification se pose aussi la question de la correcte application des textes. Par exemple, la présentation, pourtant obligatoire, des différents modes de prise en charge des patients soumis à dialyse est inégale selon les régions et aboutit à des résultats très variables sur le nombre de personnes choisissant la dialyse à domicile. D'une manière générale, la mise en oeuvre des réformes d'organisation doit se faire au plus près du terrain et les politiques publiques doivent prévoir un continuum du niveau national au niveau régional puis local.

Un prochain conseil de la Cnam doit faire le point sur l'hétérogénéité des pratiques afin de mettre en évidence les marges de manoeuvre. La comparaison entre le recours aux soins dans la région Paca et dans la région Pays-de-Loire est par exemple très éclairante, indépendamment de la question des écarts tarifaires. On observe ainsi des écarts allant jusqu'à 40 % entre les régions pour les soins de ville et de 17 % pour les soins hospitaliers ; entre les départements, ces écarts vont même jusqu'à 50 % pour les soins de ville. Or, la corrélation entre l'état de santé et la dépense de santé n'est pas établie. Pour le diabète par exemple, il y a des régions où 10 % des traitements à l'insuline démarrent par une hospitalisation et d'autres où 30 % de ces traitements commencent à l'hôpital ; selon les régions, le recours aux infirmiers libéraux pour effectuer les injections peut aller de 45 % à 6 % seulement, comme c'est le cas en Ile-de-France où le nombre d'infirmiers libéraux est proportionnellement bien moindre. Autre exemple concernant le recours à la chirurgie : 60 % des établissements de santé ayant pratiqué une oesophagectomie en font moins de cinq par an. De même, en matière de prescriptions, on observe qu'une fois la composition de la patientèle neutralisée, environ 12 % des médecins effectuent des prescriptions supérieures de 15 % ou plus par rapport à la moyenne ; si ces surprescriptions étaient corrigées, on pourrait dégager 400 millions d'euros d'économies. Enfin, le taux d'occupation des établissements de soins de suite est très variable selon les régions et le statut des établissements ; il y a donc des marges à mobiliser. C'est une dynamique qu'il faut enclencher dans laquelle il est impératif que les ARS et l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) travaillent de manière coordonnée.

M. Alain Vasselle, rapporteur général, rapporteur pour l'assurance maladie. - Pourquoi avoir attendu si longtemps pour parvenir à ce constat ? Fallait-il vraiment attendre dix ans pour observer des écarts aussi importants ? La crise a eu un impact très fort sur les recettes mais qu'en est-il des dépenses ? Que peut-on attendre des ARS, notamment en termes d'actions communes avec l'assurance maladie, pour contenir ces écarts ? Comment parvenir à une meilleure efficience tout en maintenant un niveau élevé de qualité ? Le comité d'alerte a dernièrement fait état d'un dépassement de 600 millions d'euros de l'Ondam, en particulier du fait de la progression des dépenses des établissements de santé : quel est l'impact de la T2A sur cette progression ? Le rapport Briet récemment remis au Président de la République suggère que soit gelée une partie des dépenses en cas de dérive de l'Ondam : est-ce une réponse suffisante au comblement du déficit actuel ou est-ce, comme semble l'indiquer la Cour des comptes, loin d'être à la hauteur des enjeux ? Pourrait-on établir un tableau avec, par pathologie, un calendrier de mise en oeuvre des économies potentielles ? En ce qui concerne l'application des textes, seul un vrai travail d'analyse sur le terrain permet d'effectuer un contrôle efficace, bien plus approfondi et utile que les séances de questions cribles ou les débats de contrôle organisés en séance publique. Enfin, où en sont les négociations entre l'Uncam et l'Etat sur la gestion du risque ?

Mme Muguette Dini, présidente. - Le rapporteur général étant membre de la Conférence des présidents, je lui suggère d'y présenter ses remarques sur l'organisation des débats de contrôle.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Je l'ai déjà fait et je faisais appel à votre soutien dans cette démarche ainsi qu'à celui de président Fischer.

M. Claude Jeannerot. - Les politiques de prévention n'ont par définition des effets financiers qu'à moyen ou long terme. N'a-t-on pas tendance à les faire passer au second plan aujourd'hui ? Pourtant, des politiques de prévention plus volontaristes, notamment sur les pathologies lourdes et coûteuses pourraient être utiles, par exemple pour éviter le développement du diabète de type 2. Qu'en est-il à cet égard du nouveau plan d'action du Gouvernement pour la lutte contre le VIH ? Il semble en effet renoncer aux politiques de prévention et de dépistage précoce ; or, les investissements à faire aujourd'hui permettront sans doute d'éviter des coûts plus élevés dans quelques années.

Mme Muguette Dini, présidente. - Une demande d'audition a été présentée à la ministre de la santé, Roselyne Bachelot- Narquin, mais il semble que ce nouveau plan ne sera rendu public qu'à l'automne.

M. Paul Blanc. - Plusieurs contradictions peuvent être relevées entre les propos, que l'on ne peut qu'approuver, du directeur général de la Cnam et la réalité. Par exemple, on souhaite développer les centres ambulatoires de la cataracte mais, en même temps, certains établissements ont des difficultés pour obtenir l'autorisation d'ouvrir quelques lits ambulatoires supplémentaires. De même, s'il est évident qu'une opération telle que l'oesophagectomie doit se pratiquer dans des centres chirurgicaux spécialisés, il n'en est pas ainsi pour les mammectomies qui sont des opérations moins complexes, à la portée de la plupart des chirurgiens. Enfin, s'il est légitime de promouvoir les services de suite, on constate encore trop de malades maintenus en hôpitaux par manque de places en services de suite.

M. Guy Fischer. - Quels ont été les efforts d'optimisation entrepris dans le réseau de l'assurance maladie ? Est-il vrai que six mille emplois ont été supprimés ? Cette réforme doit-elle être accentuée dans les années à venir ? Par ailleurs, l'instauration des ARS avec, à leur tête, des super-préfets sanitaires n'annonce-t-elle pas une volonté de contraindre encore plus fortement les dépenses de santé qui devront désormais tenir dans des enveloppes définies à l'avance ? L'annonce récente du Président de la République de vouloir encore diminuer la progression de l'Ondam à partir de 2011 ne s'inscrit-elle pas dans la même logique ?

M. Alain Milon. - Il est frappant de constater que sur les 150 milliards d'euros de dépenses de l'assurance maladie, plus de la moitié sont consacrées à des maladies liées soit à l'environnement soit au vieillissement de la population. S'il est certain que l'oesophagectomie doit être pratiquée dans des lieux spécialisés, il en est de même pour beaucoup d'opérations, ce qui rend impératif une plus grande rationalisation de l'offre de soins. D'une manière générale, toutes les interventions non urgentes devraient avoir lieu dans les établissements où se trouvent les spécialistes. Cela étant, même en rationalisant l'offre de soins et en réduisant encore les dépenses, on ne pourra éviter d'avoir à chercher de nouvelles recettes. Quelle est la part de la pandémie H1N1 dans les déficits de la Cnam en 2009 et 2010 ?

Mme Catherine Procaccia. - La maîtrise des dépenses d'assurance maladie relève à la fois du rocher de Sisyphe et du tonneau des Danaïdes ! A-t-on mesuré l'impact du passage obligatoire par le médecin traitant avant la consultation d'un spécialiste ; les économies recherchées ont-elles été obtenues ? La correction d'un certain nombre d'aberrations ou d'abus, tels que la facturation d'un jour supplémentaire aux urgences lorsque le patient arrive peu avant minuit ou la mauvaise utilisation des ordonnanciers bizones, permettrait sans doute des économies. Pourrait-on créer un site internet de partage d'expériences ou d'observations de ce type ?

Mme Patricia Schillinger. - Dans les comparaisons entre régions, on omet souvent l'Alsace qui dispose d'un régime local comportant un certain nombre de différences méritant d'être regardées. Pour développer une meilleure efficience des dépenses, il est important que celui qui oriente le patient, c'est-à-dire le médecin généraliste, reçoive une formation à cet effet ; or, trop de médecins n'ont ni le temps ni les moyens de se former. C'est pourtant une nécessité ; par exemple, peu de médecins ont reçu une formation adaptée au traitement de la maladie de Parkinson. Ne pourrait-on développer une sorte de labellisation des hôpitaux et des établissements pour personnes âgées pour la prise en charge d'un certain nombre de maladies ? Il est enfin impératif d'amplifier les politiques de prévention car elles ont une réelle utilité.

M. Jean-Louis Lorrain. - Beaucoup d'économies pourraient être réalisées par des éléments extérieurs tels que des services sociaux d'interface entre le sanitaire et le médico-social afin de favoriser le maintien à domicile ou une prise en charge plus adaptée des patients atteints de la maladie d'Alzheimer. De même, le développement du dossier médical personnel est un outil important qui évitera les multiplications de consultations ou de prescriptions.

Mme Raymonde Le Texier. - Où en est-on dans la prévention et le dépistage précoce des pathologies lourdes qui justifient 80 % de la progression des dépenses ? Dans la recherche d'économies, a-t-on réduit des dépenses de prévention ? Quel est le poids des dépenses hospitalières dans l'ensemble de l'assurance maladie ? Peut-on mesurer la part des laboratoires et de leurs dépenses non liées à la recherche et à la fabrication des médicaments (intéressement des dirigeants, promotion, colloques) dans le coût des produits de santé ?

M. Marc Laménie. - Le rôle des caisses primaires sur le terrain est essentiel. Dans le souci de maintenir cette proximité, a-t-on prévu de préserver les effectifs dans les petits départements ? Il est d'ailleurs regrettable que trop peu d'élus participent aux réunions des conseils de ces caisses. Quel est le coût des dépenses de prévention, notamment en termes de communication ?

M. René Teulade. - Il faut continuer à se battre pour préserver le meilleur système d'assurance sociale, dans la continuité de ce qui a été mis en place par le Conseil national de la résistance. En janvier 1993, après une intense concertation ayant abouti à l'accord de l'ensemble des acteurs concernés et notamment des professionnels de santé, une loi a été votée pour mettre en place une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Or, elle n'a jamais reçu de textes d'application et n'a donc jamais été mise en oeuvre. Elle aurait pourtant permis de résorber en trois ans le déficit de l'époque, de 17 milliards de francs. Notre système qui inspire aujourd'hui les Etats-Unis doit être maintenu car, sinon, la cohésion sociale du pays sera remise en cause. Il a l'inconvénient de reposer sur deux démarches économiques contradictoires : un mode de prescription libéral et des prestations socialisées. L'important est de responsabiliser les acteurs, qu'ils soient prescripteurs ou consommateurs.

Mme Colette Giudicelli. - Le dossier médical personnel devrait permettre d'éviter un grand nombre de dépenses inutiles ou redondantes, notamment les dépenses d'examens médicaux pour un patient qui consulte en ville et qui est ensuite hospitalisé. On constate en effet, dans ce cas, que les examens qui ont été effectués avant l'hospitalisation sont systématiquement refaits à l'hôpital.

M. Ronan Kerdraon. - La volonté de maîtriser les dépenses est un objectif partagé par tous. Cela étant, réduire les dépenses ne doit pas forcément se traduire par des déremboursements. De même, vouloir limiter les prescriptions de transport n'est pas un objectif simple à respecter dans des zones qui se transforment peu à peu en déserts médicaux. Certains dépistages systématiques semblent avoir des effets contraires au but recherché : de quelles maladies s'agit-il ? Pour mieux informer les patients, ne faut-il pas mettre l'accent sur une meilleure formation des médecins ? Il convient également de tenir compte de la progression probable du poids des maladies professionnelles. Aussi, même en limitant les dépenses et en améliorant la prévention, il deviendra nécessaire de trouver de nouvelles recettes ; des travaux sont-ils menés en la matière ?

Mme Sylvie Desmarescaux. - L'hospitalisation à domicile est une formule qui présente beaucoup d'avantages tant pour les patients que pour les familles. A-t-on une idée précise du coût comparé de l'hospitalisation à domicile (HAD) par rapport à l'hospitalisation en établissement ?

M. Jacky Le Menn. - Les patients sont aujourd'hui confrontés à la difficulté de savoir où se faire soigner ; les médecins traitants ont-ils une formation suffisante sur cette question et ont-ils représenté un apport en ce domaine ? Quelle est l'incidence du vieillissement de la population et de l'utilisation des nouvelles techniques médicales sur la progression des dépenses de santé ? La rationalisation de l'offre de soins est une bonne chose mais elle ne doit pas se faire au détriment de la médecine de proximité. Une rencontre récente avec des parlementaires allemands a mis en évidence le cas particulier des soins transfrontaliers : comment développer les coopérations et trouver les financements ? La répartition des tâches entre médecins et infirmiers mériterait sans doute d'évoluer, du moins pour certains actes.

Mme Brigitte Bout. - L'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) présentera dans quelques mois un rapport sur l'état de la recherche en matière d'obésité, qui fera valoir les atouts du réseau Epode ; le prochain programme national nutrition santé (PNNS) s'en inspirera d'ailleurs. Certaines propositions seront élaborées en lien avec la Cnam. Il faut savoir que la France dispose de chercheurs de premier plan dans ce secteur.

M. Yves Daudigny. - La santé est une question prioritaire dans tous les pays qui, d'ailleurs, rencontrent des difficultés souvent identiques aux nôtres. Dépenser mieux est une nécessité mais, avec les progrès médical et technique, on est engagé dans une sorte de course sans fin. Il faut donc sans doute établir la part du Pib que l'on souhaite consacrer à la santé. Plusieurs études récentes ont montré le rôle de l'alimentation dans l'apparition de nouvelles maladies : les prend-on suffisamment en compte ? Enfin, a-t-on progressé sur la question du conditionnement des médicaments ?

M. Frédéric Van Roekeghem. - En 1946, les dépenses de santé représentaient 3 % du Pib, aujourd'hui elles s'établissent à 11 % ou 12 % ; aux Etats-Unis, elles comptent, globalement, pour 17 % de la richesse nationale et 8 % à 9 % de celle-ci si l'on ne retient que les programmes Medicare et Medicaid. On constate effectivement un consensus pour qu'une part importante de la richesse nationale soit consacrée à la santé ; de ce point de vue, un système socialisé est un bon choix mais il doit être mieux géré. Aux Etats-Unis par exemple, les dépenses sont plus élevées et les résultats moins bons ; le marché n'est en effet pas forcément le meilleur régulateur pour la santé et l'influence des industriels y est sans doute différente aussi. En outre, il n'y a pas d'outil de pilotage d'ensemble du système et les mécanismes que nous connaissons de la régulation des prix et de l'opposabilité des tarifs n'y existent pas. Le cabinet McKinsey a d'ailleurs montré qu'une partie de l'inefficacité du système américain était due au problème de la formation des prix.

Pour équilibrer le système français, il faudrait que les dépenses augmentent sur le long terme comme le Pib et que le financement de ces dépenses évolue également dans les mêmes proportions. Or, ce n'est pas le cas avec, en particulier, des dépenses qui progressent sensiblement plus vite, ce qui explique la situation de déséquilibre structurel que connait la maladie.

L'analyse précise des coûts est un travail relativement récent car il n'a pu être mis en place qu'avec le codage des médicaments en 1999, le codage des actes médicaux en 2005 et le rapprochement de la base de données de la Cnam avec le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) en 2007. La T2A est également un élément important pour la transparence sur l'activité hospitalière ; elle ne doit toutefois pas donner lieu aux changements incessants que l'on a observé ces derniers temps ; plus on augmente le nombre des tarifs et plus on crée de risques inflationnistes. Pour pouvoir progresser, la connaissance des évolutions économiques de la santé est essentielle.

Les ARS peuvent représenter une grande avancée si elles permettent une meilleure maîtrise de la gestion de l'hôpital. Elles ont d'importantes missions institutionnelles et de terrain ; il est important qu'elles accordent une priorité aux résultats et que la coopération, notamment avec les représentants régionaux de l'assurance maladie, soit fructueuse.

Il est vrai que la mise en place de la T2A a entraîné un accroissement des dépenses, évalué à 2,5 % par l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih). Dans tous les pays où on a mis en place une tarification à l'activité, on a constaté la même progression. Celle-ci est liée par exemple à la mise en évidence d'activités non perçues jusque là et, bien sûr aussi, à des pratiques d'optimisation financière. On peut effectuer certains contrôles, comme aux Hospices civils de Lyon où pour la troisième année consécutive l'assurance maladie a relevé des formes d'optimisation de la tarification, mais la systématisation de ces contrôles est difficile. L'important est, en tout état de cause, de ne pas changer les règles chaque année car on rouvre à chaque fois les possibilités d'optimisation.

Le rapport Briet a le mérite de mettre l'accent sur les progrès à accomplir concernant l'élaboration de l'Ondam. Il est aussi utile de faire la différence entre les crédits servant à financer des prestations résultant de droits définis par la loi et les crédits à caractère limitatifs tels que ceux qui correspondent aux missions d'intérêt général (Mig). Le gel de crédits entrant dans cette deuxième catégorie permettra de mieux faire apparaître ces questions. Le rapport propose essentiellement des outils de régulation infra-annuelle ; il ne s'intéresse pas à la question du déficit structurel, soit 10 milliards. Ce déficit né de la crise est, il faut le souligner, inférieur à celui qui était apparu après la crise de 2001-2003, du fait d'un meilleur pilotage des dépenses. Néanmoins, il ne sera pas facile à résorber car les coupes dans les dépenses ne sont pas faciles ; seules des ressources complémentaires pourront venir le combler ; parmi ces ressources, on peut mentionner l'alignement du taux de CSG des retraités sur celui des actifs ou l'évolution du taux de cotisation de l'Etat employeur.

Les relations entre les caisses locales d'assurance maladie et les ARS sont encore en période de rodage. Il est important qu'il n'y ait pas de double pilotage mais une véritable coopération.

Des progrès ont été mis en oeuvre dans les politiques de prévention et de suivi des malades, par exemple avec le programme Sophia pour le diabète ou les initiatives des assurances complémentaires pour l'hypertension artérielle. Des marges de manoeuvre importantes existent cependant, au nombre desquelles figure effectivement la restructuration des ALD cardiovasculaires. Sur la chirurgie, des progrès doivent être accomplis dans deux directions : l'accroissement du taux de l'ambulatoire et une meilleure gestion des sorties d'hôpital. Il faut également réfléchir à une meilleure organisation de l'activité programmée, autour de plateaux techniques plus importants dont la productivité sera harmonisée avec les plateaux les plus performants. Il parait important d'accroître l'information des assurés sur ces questions afin qu'ils sachent, par exemple, quel est le nombre d'actes techniques pratiqués, par catégorie d'intervention, sur chaque plateau.

La situation des services de soins de suite est très différente selon les régions. Il faut qu'on puisse développer ces services là où c'est nécessaire et les restructurer là où les besoins ne sont pas avérés. Ce sera l'un des enjeux du dialogue avec les ARS sur les objectifs quantifiés de l'offre de soins (Oqos).

Les effectifs de l'assurance maladie ont diminué de 13 % entre 2006 et 2009, ce qui a représenté un effort important de la part de chacune des caisses qui se sont d'ailleurs toutes réorganisées. Il est important que ces gains de productivité soient supportables par les agents. Les enjeux majeurs pour la gestion du réseau sont aujourd'hui en particulier liés à la télétransmission par les médecins généralistes et à l'amélioration des systèmes d'information.