Mercredi 26 mai 2010

- Présidence de M. François Autain, président -

Audition de M. Dominique Dupagne, médecin généraliste

La commission d'enquête a tout d'abord entendu M. Dominique Dupagne, médecin généraliste.

M. Dominique Dupagne a tout d'abord déclaré ses liens d'intérêt : son épouse, cardiologue, travaillait pour le laboratoire Sanofi pendant la campagne de vaccination. Lui-même est administrateur d'une société familiale fabriquant du matériel médical et travaille également comme consultant pour la société Vidal, éditrice de l'ouvrage du même nom.

Notant que nombre de ses confrères avait déjà pu apporter à la commission d'enquête des éléments d'information importants, il a indiqué qu'il centrerait son exposé liminaire sur la place d'Internet dans la campagne de vaccination.

Médecin généraliste libéral parisien, il a également des activités à l'université, dans la formation continue dans l'évaluation des pratiques professionnelles. Il a découvert Internet en 1996 et plus particulièrement les espaces d'échange avec les patients. Il a ensuite créé son propre site Internet, Atoute.org, qui bénéficie d'un trafic significatif avec 1 200 000 visiteurs par mois, soit le double de celui de la Haute autorité de santé. Ce site est géré par des bénévoles et n'a pas de vocation commerciale. Il a par ailleurs présidé pendant quelques années l'association des Médecins Maîtres-Toile, qui regroupe les médecins webmasters francophones, pionniers de l'Internet de santé.

Dès 1996, il a été confronté sur les espaces communautaires aux « antivaccinaux primaires ». Ce mouvement avait été terrassé dans les années 60 par les succès de la vaccination, qui avait par exemple fait pratiquement disparaître la poliomyélite. Malheureusement, la désastreuse campagne de vaccination contre l'hépatite B lui a permis de retrouver une relative audience au début des années 90.

On a parlé au sujet des antivaccinaux de comportement sectaire. C'est très exagéré mais il faut reconnaître qu'ils faisaient preuve d'une incapacité totale à débattre scientifiquement. Les internautes ne s'y sont d'ailleurs pas trompés et ont fait assez facilement le tri entre leur discours dogmatique et l'approche scientifique raisonnée défendue par quelques médecins présents sur ce nouveau média.

Dans le même temps, l'outil Internet permettait un phénomène nouveau : la création de communautés professionnelles connectées grâce à des listes de discussion, par des échanges d'e-mails. Il a ainsi pu échanger quotidiennement avec des centaines de confrères, y compris étrangers, depuis plusieurs années. Sur ces forums fonctionnant 24 heures sur 24, l'information disponible est partagée, analysée, disséquée, critiquée en temps réel. Il s'en dégage une forme d'intelligence collective tout à fait étonnante.

Un des premiers effets de ce dialogue a été de permettre aux médecins de s'affranchir de la mainmise de l'industrie pharmaceutique sur l'information santé, mainmise dont l'intensité est souvent sous-estimée.

La grippe, pour en revenir à elle, a été au centre de ces échanges, tout d'abord en 2005 lors de la menace de la pandémie aviaire. Disant avoir été à l'époque particulièrement inquiet des conséquences possibles d'une telle épidémie, M. Dominique Dupagne a indiqué qu'il lui avait consacré sur son site un article qui en exposait les éventuelles incidences catastrophiques tout en relativisant la probabilité de sa survenue. Ses confrères avaient d'ailleurs alors brocardé son pessimisme jugé excessif.

Lors de l'épidémie mexicaine, ces mêmes confrères se sont de nouveau tournés vers lui pour savoir s'il partageait l'inquiétude des autorités sanitaires. Mais une évidence s'est imposée très rapidement, dès le début du mois de juin : cette épidémie n'était pas une grippe aviaire. Sa bénignité dans une métropole de 20 millions d'habitants comme Mexico était incompatible avec une mortalité massive, surtout dans des pays dont les structures sanitaires sont plus évoluées que celles du Mexique.

C'est au milieu de l'été qu'est apparue une dichotomie entre un discours officiel catastrophiste et des évidences de terrain beaucoup plus rassurants. Plus les médecins de l'hémisphère Sud confirmaient, dans les espaces de discussion, que les choses étaient moins graves qu'on ne pensait, plus le gouvernement et les instances sanitaires augmentaient la pression et la peur, relayées par des médias étonnamment peu critiques.

C'est à ce moment que nos autorités, occupées à négocier d'importants contrats de vaccins, ont commencé à voir ce qu'elles croyaient au lieu de croire ce qui leur était donné de voir.

A partir de ce moment, Internet est devenu le lieu privilégié de diffusion de l'information critique et sourcée, tandis que le discours officiel et la presse diffusait des idées parfois fantaisistes. C'est alors que M. Dominique Dupagne a écrit sur son site un article de synthèse sur la vaccination antigrippale, reprenant la réflexion menée sur les listes de discussion de généralistes, et notamment Mglist, animée par un médecin réunionnais, le Dr Raybaud. Cet article, signé par 240 de ses confrères en quelques jours, est devenu une référence et a été lu 1 300 000 fois. M. Dominique Dupagne a précisé qu'il n'en était pas vraiment l'auteur : c'est un article collectif pour lequel il a joué en quelque sorte le rôle de rapporteur. Il a noté qu'une des raisons du succès de cet article était son absence de position au sujet de la vaccination : il exposait des faits et incitait les lecteurs à se faire leur propre opinion.

Dans le même temps, le pire et le meilleur foisonnaient sur Internet, auberge espagnole de l'information. Deux documents remis aux membres de la commission d'enquête en sont des exemples frappants.

Le premier est une page du site du laboratoire GSK consacrée à la grippe. On y apprend que la grippe asiatique de 1957 aurait fait 4 millions de morts aux Etats-Unis et la grippe de 1968, dite de Hong Kong, deux millions de victimes en France. Ces chiffres, mille fois supérieurs à la réalité, sont bien sûr faux. Mais ils sont restés sur le site du laboratoire pendant toute la campagne de vaccination.

Le second exemple, plus récent, éclaire bien la réflexion. Le laboratoire MSD propose aux médecins un site gratuit de formation médicale. Le mois dernier, un médecin, le Dr Fraslin, a découvert sur ce site une vidéo affirmant que la rougeole a fait 4850 morts en Europe en 2004, soit une mortalité de 16 %. La mortalité réelle - quatre morts - est plus de 1000 fois inférieure. Averti de son erreur, le site du fabricant de vaccins a maintenu ce chiffre absurde en s'appuyant sur un document ambigu de l'OMS démenti par d'autres documents émanant de la même organisation.

M. Dominique Dupagne a conclu que ces exemples parlants démontrent que l'on est confronté à deux réalités indéniables, qu'illustre bien le cas de la grippe A (H1N1)v :

- la science est soluble dans l'industrie pharmaceutique, qui a sur elle un effet terrifiant : elle devient déliquescente à son contact ;

- en matière de vaccination, la France ne fonde pas ses stratégies sur l'information disponible mais fabrique l'information qui valide ces stratégies.

M. Alain Milon, rapporteur, a demandé à M. Dominique Dupagne si les arguments invoqués en faveur du dispositif de vaccination collective contre la grippe A (H1N1)v, notamment le conditionnement multidose des vaccins, lui paraissaient recevables, et si la vaccination dans les cabinets médicaux n'aurait pas posé des problèmes pratiques. Comment aurait-on pu, concrètement, organiser la vaccination par les médecins généralistes ? Comment les choses se sont-elles passées dans les pays où, comme en Belgique, la vaccination a été assurée par les médecins de ville ?

M. Dominique Dupagne a rappelé que le dispositif de vaccination collective avait été conçu dans le cadre de la préparation à une éventuelle pandémie H5N1. Si l'on avait eu affaire, comme on s'y attendait, a une grippe très grave, avec un taux de mortalité très élevé, il y aurait eu une mobilisation générale des professionnels de santé et, à condition de disposer de suffisamment de vaccins, l'on aurait sans doute pu vacciner la quasi-totalité de la population dans les fameux « vaccinodromes ».

Le problème, c'est que ce « plan de guerre » était totalement déconnecté de la réalité et que cela a provoqué une sorte de résistance passive, les médecins étant conscient de ce décalage.

Dans le cas de la grippe H1N1, le dispositif habituel, qui permet de vacciner plusieurs millions de personnes tous les ans sans créer aucune surcharge des cabinets médicaux, aurait pu suffire. Mais il aurait fallu, dès la commande des vaccins, prendre acte du fait que l'on n'avait pas affaire à une grippe aviaire très meurtrière mais à une simple grippe A, inquiétante mais sans plus.

M. Dominique Dupagne a dit n'avoir pas d'informations particulières sur le déroulement de la vaccination en Belgique, les échanges des médecins dans les espaces de discussion s'étant concentrés, pendant la crise, sur l'évolution de l'épidémie dans les hémisphères nord et sud et sur la situation en France.

M. Alain Milon, rapporteur, s'est interrogé sur la possibilité d'une pandémie de grippe aviaire, sur la définition de la pandémie et sur l'adaptabilité des plans de lutte contre les pandémies en fonction de la nature de « l'ennemi » qu'il faut combattre.

Évoquant le débat autour de la notion de pandémie, M. Dominique Dupagne a noté qu'il faudrait peut-être trouver un nouveau mot. Il y a tous les ans une pandémie de rhume, qu'il convient de pouvoir distinguer de ce que serait une pandémie de virus Ebola ou une pandémie de grippe aviaire telle qu'on ne l'avait envisagée.

Il a observé, à propos de l'adaptabilité des plans, que la caractéristique de ces derniers était de se révéler inadaptés à leur mission.

Il a estimé avoir été « crédule » lorsqu'il avait considéré, en 2005, l'épidémie de grippe aviaire comme une probabilité significative. S'étant depuis penché de plus près sur la réalité virologique, la probabilité d'une telle épidémie lui paraît aujourd'hui infime. Le virus H1N1, comme tous les virus, a intérêt à protéger son porteur. Il peut y avoir, certes, une forte mortalité lorsqu'un virus franchit la barrière des espèces. Quand un virus animal touche l'homme, son effet est désastreux, mais il n'est alors pas contagieux. L'hypothèse d'une pandémie H5N1 ne semble donc plus très plausible.

Confirmant, en réponse à une question de M. François Autain, président, qu'il ne croyait plus à une pandémie de grippe aviaire, M. Dominique Dupagne a précisé qu'il pouvait sans doute y avoir une recombinaison chez les oiseaux de virus humains, mais que l'idée d'une diffusion mondiale d'un virus grippal entraînant une très forte mortalité semblait être une « aberration darwinienne ».

M. Alain Milon, rapporteur, a voulu connaître le jugement que M. Dominique Dupagne portait sur la politique publique de communication sur la grippe. Comment expliquer que les autorités sanitaires n'aient pas été en mesure de diffuser une information claire et pédagogique comme celle qui avait été mise en ligne sur son blog ?

M. Dominique Dupagne a souligné que, comme il l'avait relevé dans son exposé introductif, on a tendance en France à définir une stratégie, puis à fabriquer l'information qui va avec. On avait un plan contre la grippe aviaire. On a souhaité l'appliquer, à tort, même si, au début de la crise et au bénéfice du doute, cette application pouvait se justifier. Mais dès le début de l'été, il était clair que ce plan était inadapté. Il fallait donc l'adapter, faire preuve d'agilité, selon le terme employé en informatique quand, pour fabriquer un programme, on travaille à partir d'une esquisse qu'on affinera progressivement, par allers et retours successifs, pour arriver au projet final. Là, on avait un plan militaire, pour ainsi dire soviétique, et on a décidé qu'il fallait que le milieu se plie au plan. D'où le désastre.

M. Alain Milon, rapporteur, a ensuite demandé s'il ne serait pas souhaitable de mener des recherches sur l'efficacité de la vaccination antigrippale, qu'elle soit saisonnière ou pandémique, et d'affiner le chiffrage des décès imputés à la grippe saisonnière.

M. Dominique Dupagne en est convenu, soulignant qu'à l'occasion de la crise pandémique on était allé de surprise en surprise. Quand ses confrères médecins et lui-même ont voulu se pencher sur les données disponibles relatives à la mortalité imputable à la grippe saisonnière, ils ont constaté que l'estimation annuelle du nombre des décès - entre 5 000 et 7 000 morts -reposait « sur la lecture du marc de café ou des entrailles de poulet ». Il y a eu une seule étude fondée sur de vrais relevés épidémiologiques fournissant des données solides pour les 80 départements français les plus peuplés, qui permet de penser que la réalité se situe plutôt autour de 500 décès annuels, essentiellement de personnes très âgées, la mortalité précoce, au-dessous de 60 ans, ne représentant que quelques dizaines de cas par an. Cela a été aussi un élément de perte de confiance : on s'est aperçu que les chiffres donnés par les autorités sanitaires peuvent être multipliés par 10, par 100, par 1 000...

Le chiffre d'affaires réalisé grâce à la politique de vaccination saisonnière contre la grippe est considérable. Pourquoi n'a-t-on pas exigé des laboratoires qu'ils fournissent à l'appui de cette démarche des travaux épidémiologiques solides, qu'ils auraient financés comme ils financent les travaux tendant à démontrer l'efficacité des médicaments qu'ils produisent. Mais les autorités de santé publique étaient favorables à la vaccination et, si une cause est jugée bonne, on peut dire n'importe quoi pour la défendre : M. Dominique Dupagne a indiqué à ce propos que lorsqu'il a voulu discuter l'estimation fantaisiste des décès dus à la rougeole, on lui a répondu qu'elle appuyait l'intérêt de la vaccination. Mais si les adversaires de la vaccination découvrent que ce chiffre est faux, c'est tout l'édifice scientifique qui s'écroule. Il est personnellement favorable à la vaccination contre la rougeole, mais ce n'est pas parce qu'une cause est bonne que l'on peut dire n'importe quoi.

M. François Autain, président, a interrogé M. Dominique Dupagne sur l'utilité de la vaccination antigrippale. Beaucoup de nos concitoyens auront sans doute appris, en lisant le document d'information qu'il a diffusée sur son blog, que s'ils veulent être protégés contre la grippe, il faut qu'ils se fassent vacciner tous les ans. En ce qui concerne la vaccination pandémique, on a aussi appris qu'elle n'avait de chance d'enrayer la propagation de l'épidémie que si elle commençait moins d'un mois après le début de la circulation active du virus. Cette condition n'a à l'évidence pas été remplie. En ce qui concerne la protection individuelle, l'efficacité de la vaccination a sans doute été aussi très limitée : compte tenu de la date à laquelle elle a commencé, les personnes vaccinées n'étaient pas protégées au moment du pic épidémique. On peut donc se demander si la vaccination contre la grippe A (H1N1)v a eu l'effet escompté et, plus généralement, si la vaccination est le moyen le plus efficace - à défaut d'être le moins coûteux - pour faire face à une pandémie grippale.

M. Dominique Dupagne a observé que pour apprécier l'utilité de la vaccination dans la lutte contre une épidémie, il faut évidemment tenir compte du délai entre l'injection et l'acquisition de l'immunité. Dans le cas de la grippe H1N1, la gravité de la situation ne justifiait sans doute pas de jeter aux orties les bases de l'immunologie.

D'une manière plus générale, on peut penser que le recours au vaccin se justifie dans le cas d'une maladie qui expose à un risque significatif, et qu'il se justifie d'autant mieux que le virus est stable. Bien sûr, on peut toujours penser, avec les adversaires de la vaccination, que l'on peut survivre sans vaccins. Mais on peut aussi penser qu'il n'est pas très compliqué de se vacciner pour être protégé contre une maladie grave, comme la poliomyélite, pendant 10 ans ou même plus. Les virus grippaux sont des virus mutants et si l'on veut s'en protéger, il faut une vaccination annuelle à vie. Les personnes qui ont été vaccinées cette année contre la grippe A ne bénéficient que d'une protection transitoire. Si elles veulent continuer à se protéger, elles devront se vacciner toute leur vie.

On peut donc s'interroger sur l'utilité d'une politique de santé publique consistant à vacciner tous les ans tout le monde contre une maladie qui ne causera qu'un décès sur 100 000 cas. On peut avoir d'autres priorités. Il y a des choses inévitables et il peut y avoir chaque année des gens qui meurent de la varicelle : chercher le risque zéro est absurde.

M. Dominique Dupagne a ajouté que pour apprécier l'efficacité de la vaccination contre la grippe H1N1, il serait intéressant de savoir combien de personnes vaccinées ont présenté des formes graves de la maladie ou sont décédées, mais qu'il n'avait pas trouvé de données chiffrées sur ce point.

M. François Autain, président, a dit que l'on avait cité le chiffre de 18 personnes vaccinées sur les quelque 1 300 qui ont été hospitalisées en réanimation, mais qu'il faudrait savoir si ces personnes avaient été vaccinées suffisamment tôt pour en tirer des renseignements sur l'efficacité de la vaccination.

M. Dominique Dupagne a également souligné que si l'on était un jour confronté à une maladie qui se diffuserait très rapidement et serait aussi effroyablement meurtrière, par exemple une pandémie de grippe aviaire si une telle pandémie s'avérait possible, on serait amené à prendre des mesures d'exception. Dans une telle situation, le plan de lutte contre la grippe aviaire trouve toute sa justification : tout le monde doit être « sur la brèche » pour procéder à la vaccination, et la solution est effectivement de vacciner toute la population mondiale - à condition, a fait observer M. François Autain, président, de disposer de suffisamment de vaccins.

Il est tout à fait légitime, a conclu M. Dominique Dupagne, de mener une bataille contre la montre, comme le prévoyait le plan de lutte contre la grippe aviaire, lorsque la situation l'exige. Ce qui n'est pas légitime, c'est d'utiliser un canon de 75 pour tuer un moustique en provoquant des dommages collatéraux.

M. François Autain, président, a souligné que l'expérience de la grippe H1N1 montrait que le vaccin contre une pandémie grippale n'arriverait pas à temps : alors même que l'épidémie avait commencé dans l'hémisphère sud, on n'a pas pu disposer en temps utile de vaccins dans les pays de l'hémisphère Nord. La vaccination ne sera donc pas le premier moyen dont on disposera pour lutter contre une pandémie grippale.

M. Dominique Dupagne a fait remarquer que, comme il l'avait écrit en 2005, si une pandémie de grippe aviaire s'était déclarée, la vie se serait arrêtée. Les gens seraient restés enfermés chez eux. En matière de protection physique, c'est aussi tout ou rien : ou bien la situation est grave et il faut isoler tout le monde, ou bien elle ne l'est pas et l'on observe des mesures d'hygiène standard. Les demi-mesures n'ont pas de sens : en présence d'une maladie bénigne, on « ne fait pas de cinéma » avec des masques.

M. François Autain, président, a souhaité avoir le sentiment de M. Dominique Dupagne sur les termes de l'avis du Haut conseil de santé publique (HCSP) du 7 septembre 2009, qui affirmait que toutes les personnes qui désireraient être vaccinées devraient pouvoir l'être et qui envisageait également l'hypothèse que des groupes de personnes ou de professionnels puissent être vaccinés « pour des raisons autres que sanitaires ». Dans quels cas pourrait-on vacciner pour des raisons autres que sanitaires ?

M. Dominique Dupagne s'est dit incapable de répondre à cette question, sauf à imaginer que l'on veuille vacciner pour tester les matériels ou former les personnels.

M. François Autain, président, a dit regretter de n'avoir pas posé cette question au président du HCSP et espérer pouvoir la poser à un autre membre de cette instance, et M. Dominique Dupagne faisant observer qu'il n'avait pas supposé que l'industrie pharmaceutique puisse avoir des motifs d'encourager une vaccination pour des raisons autres que sanitaires, il lui en a donné acte.

Mme Marie-Thérèse Hermange a demandé, en prenant l'exemple d'une femme enceinte qui se serait fait vacciner contre la grippe A (H1N1)v en raison de son état, si une personne qui ne renouvellerait pas sa vaccination s'exposerait à un risque.

M. Dominique Dupagne a souligné que cette question se poserait très prochainement, à l'occasion de la prochaine vaccination saisonnière. Lorsqu'il s'est avéré que le virus A (H1N1)v était globalement bénin sous réserve de ses spécificités au niveau de la vulnérabilité des jeunes ou des cas d'atteinte pulmonaire grave, les tenants de la vaccination ont souligné qu'il pourrait muter et devenir plus dangereux. Sur le moment, cette hypothèse a paru crédible. A posteriori, on découvre que depuis que les virus grippaux sont connus il n'y a pas eu d'exemples de virus pandémique mutant une deuxième fois pour devenir plus virulent.

Comme tous les virus grippaux et comme les autres virus H1N1, le virus A (H1N1)v pourra muter sournoisement pour trouver d'autres victimes. Pour autant, il est peu probable que sa virulence change.

Les personnes vaccinées en 2009 seront, en 2010, dans la même situation que celles qui n'auront pas été vaccinées, sauf à penser que leur vaccination leur assurera une certaine immunité les protégeant contre des formes graves. Mais on ne sait pas si ce sera le cas. Tout ce que l'on sait, c'est que si elles veulent être protégées définitivement, elles devront se faire vacciner chaque année.

Mme Marie-Thérèse Hermange a alors interrogé M. Dominique Dupagne sur le discours que devraient, selon lui, tenir à la rentrée les pouvoirs publics pour se montrer conséquents.

M. Dominique Dupagne a dit douter que les pouvoirs publics se montrent conséquents. Si tel était toutefois le cas, ils devraient reconnaître qu'ils se sont trompés en lançant une campagne de vaccination générale contre une maladie dont la gravité ne le justifiait pas, et dire qu'ils arrêtent de prendre en charge la vaccination antigrippale. En Australie, on a décidé de ne plus vacciner les enfants ; d'autres pays ont choisi de ne pas vacciner ; les pouvoirs publics français pourraient dire qu'ils avaient cru que la grippe était grave, qu'elle ne l'est pas, qu'ils ont donc réfléchi et décidé d'affecter les ressources publiques à d'autres priorités.

Mme Marie-Thérèse Hermange souhaitant savoir s'ils devraient par conséquent conseiller aux gens de ne pas se faire vacciner, M. Dominique Dupagne a précisé qu'il faudrait continuer à recommander la vaccination aux sujets à risque comme ceux qui ont des problèmes respiratoires graves car, pour eux, la grippe peut représenter un danger mortel.

M. François Autain, président, a rappelé que le HCSP avait classé les enfants de moins de cinq ans dans les groupes à risques. Faut-il approuver cette classification, que contredit la position prise par l'Australie ?

Rappelant qu'il n'était pas un expert de la grippe mais seulement un « représentant autoproclamé » des médecins qui ont constaté que la réalité de la grippe A (H1N1)v ne correspondait pas au discours officiel, M. Dominique Dupagne s'est dit incompétent pour répondre à cette question. L'Australie a constaté que la vaccination avait provoqué des cas de convulsions fébriles, que l'épidémie était globalement bénigne, elle a donc considéré que la vaccination constituait une prise de risque injustifiée. Le choix de la vaccination doit en effet résulter de l'équilibre entre le bénéfice qu'on en attend, le risque qu'elle peut présenter et son coût.

M. François Autain, président, a aussi voulu savoir si la vaccination des personnes de plus de 65 ans méritait d'être poursuivie, ou si elle ne devait l'être que pour celles qui présenteraient des risques.

Citant Laurence J. Peter, auteur du principe de Peter, selon qui : « certaines choses sont tellement complexes qu'il faut être particulièrement bien informé à leur sujet pour n'avoir aucune opinion », M. Dominique Dupagne a estimé que l'on ne sait plus si le vaccin antigrippal est utile ou non. On ne connaît pas non plus les chiffres permettant d'apprécier la mortalité de la grippe. On ne sait rien. On est dans un brouillard total. Dans ces conditions, la décision peut être individuelle. Un médecin pourra inciter un patient « fragile des bronches » à se faire vacciner, mais pourquoi faudrait-il faire vacciner un sportif de 65 ans plutôt qu'un obèse de 40 ans ? Les fondements scientifiques de la vaccination annuelle antigrippale sont peu solides.

Mme Marie-Thérèse Hermange a souligné que peu de personnes avaient tenu un discours différent du discours « officiel », qu'elle préfère qualifier de « normé ». Ne faudrait-il pas que ces personnes arrêtent une stratégie commune pour se faire mieux entendre, par exemple sur cette problématique de la vaccination annuelle ?

M. Dominique Dupagne a objecté que la force des médecins qui communiquent en réseau sur Internet était leur réactivité. Ils n'ont pas besoin d'élaborer à l'avance une stratégie, de la faire valider. L'article sur la vaccination contre la grippe a ainsi été écrit en deux jours, pour répondre aux incessantes demandes d'information adressées aux cabinets médicaux, pour lesquels la « pandémie de la peur » a représenté un risque de désorganisation bien supérieur à celui qu'aurait pu créer la vaccination. Si ces médecins souhaitent réagir à la rentrée, ils n'ont donc pas besoin de s'y préparer.

M. François Autain, président, a ensuite soulevé la question des experts et des instances d'expertise, tels le comité de lutte contre la grippe (CLCG), le HCSP et sa commission des maladies transmissibles, le comité technique de vaccination (CTV). Toutes ces structures sont essentiellement composées de virologues et ne comptent que peu de cliniciens. De plus, ces virologues ont souvent de nombreux liens d'intérêt avec les fabricants de vaccins ou d'antiviraux. Ne faudrait-il pas envisager de faire participer à ces instances un plus grand nombre de personnes proches du terrain ? Ces experts sont certainement très compétents et respectables, mais ils ne voient guère de patients : ils sont plus souvent devant leur ordinateur ou dans leurs laboratoires. N'y aurait-il pas intérêt, pour éviter certains errements, à ouvrir les instances d'expertise à la société civile, et en tout cas à des personnes qui ont un contact plus direct avec la réalité ?

Observant que la question du président François Autain lui offrait l'occasion d'aborder un sujet qui lui tient à coeur, M. Dominique Dupagne a déclaré qu'en effet « on marche sur la tête ». Les conseillers qui entourent la ministre de la santé sont presque tous des hospitalo-universitaires. La médecine générale, très forte dans les pays anglo-saxons et notamment au Royaume-Uni, est en France totalement brimée. Sa filière universitaire est inexistante et, traditionnellement, la politique de santé française exclut de son champ de réflexion les médecins de terrain, médecins généralistes ou pédiatres libéraux. Cette situation est aussi liée au fait qu'aucun budget n'est prévu pour s'assurer la compétence d'hommes de terrain. Quand on n'est pas salarié à plein temps par un hôpital, quand on doit faire tourner un cabinet et gagner sa vie, on ne peut pas avoir des activités bénévoles. Il y a donc un problème de rémunération des experts.

Mais il y a un autre problème qui tient au discours récurrent selon lequel quelqu'un qui ne travaille pas pour l'industrie ne peut pas être compétent, discours incroyable et qui est une négation de l'indépendance de l'expertise. Que ne dirait-on pas si, dans l'affaire de l'Erika, les magistrats avaient tous étés des consultants de l'industrie pétrolière ? On aurait hurlé qu'on ne peut être juge et avoir des intérêts. Dans le domaine de la santé, il semblerait que ce soit au contraire la règle. Plus on travaille pour l'industrie, et pour plus d'industriels, plus on est indépendant. C'est ahurissant d'entendre des choses comme cela.

Il est clair que si la France veut se doter un jour d'une politique de santé publique cohérente, il faut qu'elle fasse l'effort de disposer d'experts indépendants qui s'interdiraient tout contact avec l'industrie pharmaceutique. Ces experts devraient écouter tout le monde, bien sûr, mais les instances qui rendent les avis, les comités, hauts conseils ou instituts variés, devrait être entièrement « habités » d'experts libres de tout conflit d'intérêts.

M. Dominique Dupagne a noté que cela permettrait des économies considérables, même si ces experts étaient bien rémunérés. Il n'y a pas en France d'experts professionnels dont le métier est de porter un avis sur les différentes politiques de santé. Notant que certains experts lui ont dit que s'ils étaient mieux payés, ils pourraient se permettre de ne pas travailler pour l'industrie, il a conclu qu'il était absurde d'en arriver là.

Audition de M. Didier Raoult, professeur de microbiologie, directeur de l'Unité mixte de recherche des Rickettsies à la faculté de médecine de Marseille

La commission d'enquête a ensuite entendu M. Didier Raoult, professeur de microbiologie, directeur de l'Unité mixte de recherche des Rickettsies à la faculté de médecine de Marseille.

M. Didier Raoult a dit n'avoir aucun lien d'intérêt avec les firmes produisant des produits de santé ou des vaccins, mais avoir lui-même créé une entreprise de biotechnologies incubée dans son laboratoire et destinée à commercialiser des diagnostics sérologiques.

Il a indiqué que pour mettre en perspective la question de la pandémie de grippe A (H1N1)v, il articulerait son commentaire avec les conclusions du rapport sur le bioterrorisme dont il avait été chargé en 2003 par le ministre de la santé Jean-François Mattei et la ministre de la recherche Claudie Haigneré sur le bioterrorisme, et dont il avait souhaité élargir le champ à l'ensemble des crises sanitaires d'origine infectieuse, y compris les pandémies grippales. Il avait relevé à l'époque le manque d'infrastructures et la difficulté à quantifier la mortalité au jour le jour. La canicule de l'été 2003 a confirmé l'absence de connaissances exactes sur la mortalité liée à une crise sanitaire en France ; les informations données au ministre par la direction générale de la santé (DGS) avaient dû être corrigées par des statistiques obtenues auprès des maisons funéraires. Cette absence de connaissances de la réalité de la situation a été une des causes du retard de l'action gouvernementale à l'époque.

Il importe de distinguer les crises sanitaires mesurables et contrôlables, car liées à un agent non contagieux, de celles dont il est impossible de prévoir l'ampleur car on ne peut pas contrôler la contagion. Ainsi, parce qu'elles n'étaient pas liées à une infection transmissible, il était fort peu probable que l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) ou la grippe H5N1 donnent lieu à des crises sanitaires majeures. A l'inverse, un virus contagieux pose un problème de nature différente car il est difficile à arrêter et susceptible d'infecter l'ensemble d'une population.

Or, les moyens dont dispose la France pour lutter contre un virus de ce type sont sous-développés. L'épopée pasteurienne du XIXe siècle et la théorie du germe, que la France a imposées au monde, ont conduit à une concentration de tous les moyens de gestion des maladies infectieuses à l'institut Pasteur, compétent à la fois pour la recherche, l'élaboration des vaccins, et les soins. Mais ce modèle mondial a disparu : l'institut Pasteur est devenu un centre de recherche fondamentale qui n'est plus lié à un hôpital ni à l'élaboration de vaccins. A ainsi été perdu un lieu de connaissances transdisciplinaires et un interlocuteur unique pour les pouvoirs publics. Aujourd'hui un organisme comme l'institut de veille sanitaire (InVS) est isolé des soins et de la recherche. Les hommes de l'art ne sont donc plus réunis en un lieu d'échange, ce qui pose un problème de compétence pour la gestion des crises. M. Didier Raoult avait donc préconisé dans son rapport la création de nouveaux centres de compétences sur l'ensemble du territoire, réunissant recherche, épidémiologie et soin. La gestion de la grippe A (H1N1) a, de nouveau, montré le caractère pénalisant de la distance entre les différentes agences spécialisées.

Dans ce contexte, quand est apparu le virus H5N1 chez les oiseaux, les compétences manquaient pour s'opposer à l'alerte excessive lancée en Hollande par le professeur Osterhaus. L'inquiétude générée par cette alerte a donc filtré jusqu'à la presse et aux gouvernements, et est devenue une véritable panique avec des prévisions de surmortalité et de contagiosité délirantes. On estime qu'un malade grippé contamine en moyenne deux personnes : il était donc délirant de penser qu'il pourrait contaminer trois cents personnes dans un aéroport ou une station de métro. Le plan blanc de lutte contre la pandémie grippale, issu de la crainte de la grippe aviaire, a été conçu par le secrétariat général de la défense nationale et le ministère de l'intérieur, puis géré les préfets. Ce n'était donc pas une réponse médicale qui était apportée à un problème pourtant médical. Ceci a amené à adopter des mesures disproportionnées. Ainsi, à Marseille, le nombre de lits spécialisés affectés au traitement des formes graves de grippe est passé de 0 à 700. Or, les études publiées par le New England Journal of Medicine et l'expérience de terrain ont montré qu'il ne fallait que vingt à quarante lits par million d'habitants. La sanctuarisation d'un hôpital marseillais de 600 lits était donc inutile. L'accumulation de craintes déraisonnables a abouti à transférer de fait la gestion du risque infectieux à la sécurité du territoire parce que, à l'inverse d'autres disciplines comme la cancérologie ou la nutrition, l'infectiologie ne dispose pas d'un maillage de compétences suffisant. On a donc pris des mesures disproportionnées pour prévenir un risque virtuel.

Le passage de la médecine à l'administration est apparu de manière exemplaire dans la transformation de la vaccination d'enjeu médical en enjeu politique. Une étude qui sera prochainement publiée étudie cette mutation dans la presse de la période. On arrive à la conclusion que la presse se déterminait sur ce sujet en fonction d'orientations politiques (droite - gauche) ou professionnelles : 95 % des sites Internet infirmiers se prononçaient contre la vaccination, chiffre qui s'est reflété dans le faible taux de vaccination de ces professionnels de santé ; à l'inverse, les sites de médecins étaient majoritairement favorables à la vaccination.

L'organisation prévue a aussi eu de nombreux effets néfastes, notamment en démultipliant le risque de contagion intrahospitalière. La transmission de la grippe dans les services d'urgence a été considérable.

Il semble bien que l'organisation mise en place était prévue pour quelque chose qui se produirait peut-être mais qui n'était pas une grippe, qui peut toucher des malades dont le nombre double chaque semaine mais qui sont guéris en trois jours.

M. François Autain, président, a demandé si le virus A(H1N1)v était nouveau par rapport au virus H1N1 saisonnier.

M. Didier Raoult a répondu que ce n'était pas le cas. Les virus grippaux de type A se répartissent en deux grands groupes caractérisés par leur hémagglutinine (H) et leur neuraminidase (N). Ils évoluent par glissement ou cassure. Les cassures se traduisent par une nouvelle numérotation (H1, H2, H3...), ce qui n'est pas le cas pour les variations par glissement au sein du même groupe antigénique. Une variation rend inopérante la protection acquise contre la souche précédente, mais la forme de lutte vaccinale est toujours la même : un vaccin unidosé, et cultivé sur des oeufs embryonnés.

Cela aurait dû conduire à une plus grande pondération dans la stratégie vaccinale adoptée pour lutter contre la grippe A (H1N1)v. En effet, c'est la stratégie vaccinale de lutte contre la grippe aviaire qui a été retenue ; or, celle-ci était particulièrement atypique. Le virus H5N1 tue en effet les oeufs embryonnés et interdit donc l'usage de ce moyen de production particulièrement efficace. Il a dès lors été nécessaire de développer des vaccins sur des cultures cellulaires et d'utiliser des adjuvants. Il faut noter au passage que ceux-ci n'ont pas eu de conséquences néfastes sur la santé des vaccinés puisqu'ils ne sont pas autre chose que du cholestérol car ils ont simplement pour effet de rendre huileux le produit injecté. L'inadaptation de l'élaboration des vaccins à la réalité du virus A (H1N1)v ne doit cependant pas faire perdre de vue qu'ils sont le principal moyen de lutte contre la contagion.

M. François Autain, président, a relevé que les vaccins étaient pourtant arrivés tardivement dans le cadre de la lutte contre la pandémie.

M. Didier Raoult a souligné que la rapidité de la réactivité médicale s'était cependant considérablement accrue ces dernières années. Dès que quelque chose de nouveau se produit, on l'analyse avec une rapidité spectaculaire. Ainsi, on a pu faire en trois mois un vaccin contre le SRAS. Cependant, au lieu d'investir dans le développement de ces capacités de réponse nouvelles, la France a choisi de construire des modèles de prédiction mathématiques du déroulement des pandémies, et cela, ce n'est pas sérieux, c'est du Nostradamus.

Rien de ce qui s'est passé au cours de cette crise n'était prévisible, que ce soit la plus grande vulnérabilité des personnes âgées de vingt à cinquante ans ou le fait que l'arrivée du froid ferait disparaître le virus. L'absence de grippe saisonnière était également inattendue.

Ce qui compte, c'est le « principe de vigilance ». On apprend au fur et à mesure que les choses arrivent. Le groupe de journaux scientifiques en accès libre PloS, développé aux Etats-Unis avec le soutien du National Institute of Health (NIH), a été un moyen essentiel pour collecter, analyser, diffuser les données nouvelles liées à la pandémie. On a ainsi pu apprendre, dès le mois de juin, que les obèses présentaient une vulnérabilité particulière au virus.

Ce type d'information aurait dû permettre de faire évoluer le ciblage des populations à protéger. Le système de gestion de la pandémie a manqué de réactivité, sans doute parce que l'absence de centres de compétences n'a pas permis de tirer les leçons au fur et à mesure de l'acquisition des connaissances. On ne planifie pas la guerre avant qu'elle se produise, il faut être adaptable et pour cela il faut disposer de centres de compétences. Mais on n'a pas remplacé celui que l'on avait en France et qui a disparu depuis vingt ans.

M. Alain Milon, rapporteur, a également insisté sur l'importance de l'adaptabilité des plans de lutte contre la pandémie. Plutôt qu'un plan unique, il serait nécessaire de développer des plans apportant une réponse graduée en fonction du risque. L'idée de créer des centres de compétences est intéressante car elle permettrait d'utiliser les compétences des hommes de terrain susceptibles de réagir à l'évolution des connaissances.

M. Didier Raoult a indiqué que, confronté à des demandes concernant le déroulement d'une attaque virale, il veillait à ne jamais prétendre faire de prévision car aucune certitude n'est possible en la matière, mais à souligner qu'il donnait seulement une opinion. Il a néanmoins été amené à insister, avant même le début de la pandémie, sur un élément très important pour comprendre l'impact du virus grippal et limiter sa létalité. En mars 2009 est en effet parue une étude tendant à monter que les trois quarts des morts attribuées à la grippe espagnole étaient en fait dues à des infections bactériennes. En conséquence, il a recommandé la vaccination contre le pneumocoque et le recours au traitement antibiotique dans les cas de grippe.

M. Alain Milon, rapporteur, a confirmé l'impact de ces recommandations sur les pratiques des médecins dans la région PACA.

M. Didier Raoult a affirmé que, face à un niveau de connaissance des virus et de leurs effets en rapide progression, il est particulièrement important que la France consacre ses efforts à prévenir les causes de mortalité réelles et n'engage plus de temps et d'argent dans la prévention de risques qui en fait n'existent plus, comme celui des incendies dans les hôpitaux. La grippe A a été la cause d'environ soixante morts à Marseille, dont plusieurs personnes jeunes et sans facteur de risque. Les cas graves ont également nécessité une action exceptionnelle des services de réanimation allant jusqu'à la mise en place, pour certains patients, d'une oxygénation extracorporelle d'une durée de trois semaines. Par ailleurs, la mortalité due aux maladies nosocomiales à l'hôpital, évaluée par le ministère de la santé à environ quatre mille morts par an, est très sous-estimée et se situe sans doute aux alentours de douze mille morts.

Il est nécessaire de procéder à un dénombrement exact du nombre de morts liés à la grippe. Ce dénombrement a été fait par le ministère de la santé, à l'initiative de Jean-François Mattei, pour les grandes crises sanitaires des cinquante dernières années. Il est ainsi apparu que cinq épisodes avaient fait varier la courbe de mortalité annuelle en générant un excès de plus de sept mille morts : les canicules de 1976, 1983 et 2003 et les grippes de 1957 et 1968. En revanche, on ne sait toujours pas exactement à quelle cause attribuer la surmortalité saisonnière généralement imputée à la grippe.

En plus de ce manque de connaissances fondamentales, la France a accumulé un retard en matière d'infrastructures. Les Etats-Unis ont fait le choix d'investir 20 à 30 % des dépenses de réponse aux crises sanitaires dans des infrastructures pérennes. L'Italie a, pour sa part, créé il y a vingt ans, deux hôpitaux spécialisés dans les maladies infectieuses, l'un à Rome et l'autre à Milan. En France, on n'arrive péniblement qu'à compter sept lits spécialisés à Marseille. Il faut apprendre à quantifier les risques, à créer un tissu solide pour y répondre.

M. Alain Milon, rapporteur, a demandé quels avaient été, dans la lutte contre la pandémie, les avantages relatifs de la campagne pour le lavage des mains et de la vaccination.

M. Didier Raoult a considéré que le lavage des mains avait eu un effet très positif. Concernant la vaccination, il est nécessaire de tirer les conséquences de la campagne ratée de vaccination contre l'hépatite B. Le meilleur moyen de lutter contre les maladies infectieuses serait de créer des services spécialisés disposant de vingt à quarante lits par million d'habitants et de leur adosser un service de radiologie ainsi que de mettre en place un pré-acheminement des urgences. Les personnels médicaux de ces services accepteraient nécessairement de se faire vacciner.

M. François Autain, président, a souhaité connaître l'opinion du professeur Raoult sur la vaccination de masse.

M. Didier Raoult a estimé que la vaccination de masse avait été organisée de manière déraisonnable, selon un modèle militaire qui marginalisait les compétences médicales de terrain.

M. Alain Milon a souhaité savoir si les professions médicales et paramédicales étaient suffisamment préparées à la gestion des crises sanitaires.

M. Didier Raoult a regretté que des résistances de type corporatiste aient jusqu'à présent empêché la création de comités de lutte contre les infections. A l'heure actuelle, les possibilités d'action des comités de lutte contre l'infection nosocomiale (CLIN) à l'intérieur des hôpitaux sont encore trop réduites. On ne peut pas contraindre les médecins à prendre les mesures qui seraient indispensables. Pour espérer lutter contre les infections, il est nécessaire de réunir les compétences des différents professionnels de santé, prioritairement au sein des principaux CHU.

Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité savoir si la réunion des compétences impliquait la suppression d'organismes spécialisés comme le Comité de lutte contre la grippe.

M. Didier Raoult a répondu affirmativement.

Mme Marie-Thérèse Hermange a ensuite demandé s'il serait nécessaire de vacciner contre la grippe saisonnière ceux qui l'ont été contre la grippe A.

M. Didier Raoult a estimé qu'il faut sur cette question être pragmatique et qu'il appartient au ministère de la santé de financer une étude permettant de mesurer la persistance des anticorps chez les personnes vaccinées. Une décision scientifique ne pourra être prise que sur ces bases.

M. François Autain, président, a souhaité savoir si la protection biologique contre un virus pouvait être indépendante de la protection clinique.

M. Didier Raoult a répondu qu'il existe une très bonne corrélation entre la vaccination et l'immunité. Dès juillet, des études publiées dans le New England Journal of Medecine montraient qu'une seule dose de vaccin suffisait. Or, cette donnée n'a pas été prise en compte dans les décisions ministérielles. La multiplication des instances telles le Haut Conseil de la santé publique et la lenteur de l'Agence européenne du médicament (EMEA) en sont sans doute partiellement responsables.

M. Gilbert Barbier a souhaité savoir si les cas de détresse respiratoire chez des personnes jeunes et des enfants constatés à l'occasion de la grippe A appelaient des mesures de prudence spécifique pour la prochaine saison hivernale.

M. Didier Raoult a estimé que le nombre de morts de personnes jeunes documentées et liées à la grippe ainsi que les importants moyens mis en oeuvre dans les services de réanimation pour les cas graves montraient que le virus pouvait avoir dans certains cas une réelle sévérité.

Afin de gérer au mieux de futures attaques virales de ce type, il convient de mettre en place plusieurs mesures dans les hôpitaux, parmi lesquelles le pré-acheminement des malades, destiné à limiter la contagion au sein des urgences, le diagnostic de proximité, expérimenté de juillet à septembre 2009 à l'hôpital Nord de Marseille, et la mise en place d'un diagnostic moléculaire au sein de chaque établissement. Il est également important de placer les malades dans des chambres à lit unique, si possible dans des services dédiés.

Mme Marie-Thérèse Hermange a noté que les services de médecine interne sont susceptibles de répondre à ces exigences.

M. Didier Raoult a affirmé que la lutte contre la contagion n'est pas comparable à la médecine interne. Celle-ci demande de l'imagination tandis que la lutte contre les maladies infectieuses repose sur la ritualisation des comportements et la rigueur pour éviter toute diffusion du virus.

M. François Autain, président, a demandé si la commande de quarante-sept millions de traitements vaccinaux par la France était proportionnée, alors même que la Secrétaire d'Etat américaine avait déclaré dès le début de la pandémie que celle-ci était moins virulente que la grippe saisonnière et que l'on savait par ailleurs que l'arrivée des vaccins serait tardive.

M. Didier Raoult a déclaré avoir perçu l'annonce de la commande de vaccins comme une bonne nouvelle, les commandes de masques et d'Oseltamivir ne pouvant suffire comme moyens de lutte. La gestion de la vaccination était plus problématique que la commande. Il aurait été nécessaire d'optimiser la vaccination en l'ajustant sur les cibles réelles du virus. Mais la vaccination demeure la seule décision adaptée à la lutte contre le virus.

M. François Autain, président, a demandé si le recours à la vaccination de masse demeurait adapté même si son utilité était restreinte.

M. Didier Raoult a jugé que le gaspillage est inhérent à la gestion des crises. Une meilleure allocation des ressources aurait sans doute pu être obtenue en incluant d'emblée les médecins généralistes dans la lutte contre la pandémie.

Audition de Mme Catherine Weil-Olivier, professeur de pédiatrie à l'université Paris VII, membre du Comité de lutte contre la grippe

La commission d'enquête a enfin entendu Mme Catherine Weil-Olivier, professeur de pédiatrie à l'université Paris VII, membre du Comité de lutte contre la grippe.

Mme Catherine Weil-Olivier a tout d'abord remercié la commission d'enquête de donner ainsi la possibilité à beaucoup de personnes ayant participé de près à la vague pandémique A(H1N1)v de s'exprimer, l'heure des bilans étant arrivée. Les experts ont vécu en temps réel une crise sanitaire nationale et la mise en application des mesures préconisées.

Elle a rappelé qu'elle est pédiatre généraliste à forte composante infectiologique, professeur de pédiatrie à la faculté Bichat - Université Paris VII depuis 1989 et a été chef de service à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) du service de pédiatrie générale de l'hôpital Louis Mourier à Colombes dans les Hauts de Seine de novembre 1995 à décembre 2005.

Elle a souligné que son intérêt pour la question de la vaccination était ancien. Elle a ainsi été membre du groupe technique des anti-infectieux à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) de 1995 à 2006, observateur puis membre à part entière du Vaccine Working Party de l'Agence européenne des médicaments (EMEA) de la fin de l'année 2006 au mois de décembre 2009, membre du comité technique des vaccinations de septembre 2002 à juin 2007, membre d'Infovac France depuis sa création en janvier 2003, membre-observateur du groupe européen permanent sur la vaccination (European Vaccination Scientific Consultation Group) qui dépend du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Elle a, par ailleurs, participé à deux groupes de travail à l'ECDC : en 2006, sur la vaccination des enfants contre la grippe et, en 2008, sur la minimisation optimale du calendrier vaccinal des enfants en Europe. Elle a enfin été coordinatrice, avec le groupe Alcimed, de l'étude de la politique vaccinale de la France, demandée par l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (OPEPS) dans le cadre du rapport du sénateur Paul Blanc « Vaccins : convaincre et innover pour mieux protéger ».

Elle s'est également spécialisée sur la question de la grippe et a contribué à faire reconnaître le problème de la grippe chez l'enfant. Elle est membre de la cellule pandémique depuis la fin des années 1990, membre du Comité de lutte contre la grippe (CLCG), membre du comité scientifique du Groupe d'expertise et d'information sur la grippe (GEIG).

Mme Catherine Weil-Olivier a indiqué à ce propos que dans le cadre de ses activités, la communauté scientifique et les autorités publiques lui ont accordé le statut d'expert. Ce statut entraîne plus de devoirs qu'un quelconque pouvoir : devoirs d'impartialité, d'objectivité, de rigueur, de pondération, d'écoute. De même, elle s'est efforcée d'essayer de montrer que la France, encore peu présente dans les instances européennes, doit être considérée comme un pays partenaire solide et allant de l'avant.

Abordant la question de ses liens d'intérêt, elle a indiqué qu'ils sont doubles : d'une part, avec les autorités de santé et, notamment, les agences sanitaires et, d'autre part, avec l'industrie pharmaceutique, qui doivent selon elle être partenaires dans le domaine de la santé publique.

Cela doit-il être considéré comme préjudiciable ? Mme Catherine Weil-Olivier a répondu qu'elle ne le pensait pas. Le débat contradictoire est indispensable. La réflexion se construit en entendant toutes les parties, comme elle a déjà eu l'occasion de le dire lors d'une audition organisée par M. Gérard Bapt, député, président du groupe d'étude « Santé et environnement », sur le rôle de l'expertise.

Dans le domaine de réflexion médico-scientifique qui est le sien, rigoureusement indépendant de toute décision commerciale ou politique, il n'y a pas de collusion.

Elle a précisé n'avoir aucun contrat de consultance avec l'industrie pharmaceutique, ni aucun intérêt financier dans les industries du vaccin. En revanche, elle travaille avec tous ceux qui le lui proposent et les remercie de la confiance qu'ils lui accordent ainsi. La clause de confidentialité s'applique en permanence au statut de l'expert.

Dans certaines périodes, elle a été amenée à refuser des « Advisory board » ou des conférences pour des laboratoires quand elle participait à l'analyse du dossier d'enregistrement de leur produit.

Le travail d'expert consiste à faire le point sur une maladie ou une épidémiologie dont la prévention vaccinale existe, sous la forme de conférences ou de présentations face à une audience médicale, le plus souvent dans le cadre de congrès et de la formation médicale continue. C'est l'occasion de discuter avec les médecins vaccinateurs du terrain.

Regrettant que l'enseignement de la vaccinologie soit défaillant en France, ce qui est probablement dommageable, elle a dit chercher, avec d'autres, à faire connaître ce domaine, à éduquer et inciter les jeunes à se passionner pour ce secteur, en gardant leur sens critique. Elle a jugé indispensable à la réflexion qu'elle alimente de pouvoir échanger et partager des idées avec des collègues de haut niveau dans les réunions nationales ou européennes.

En ce qui concerne ses honoraires, en tant que travailleur indépendant depuis le mois de janvier 1999, Mme Catherine Weil-Olivier a accepté des contrats ponctuels qui couvrent le temps de préparation, la présentation elle-même et éventuellement un texte résumé de ses contributions. Ces contrats entrent dans le cadre de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social (DMOS) et les honoraires qu'elle perçoit varient entre 500 et 1 200 euros - quelquefois 1 500 euros selon le temps qu'elle y consacre.

Elle a indiqué ne pas se sentir redevable de l'industrie, relevant que la rémunération de son travail lui permet de se sentir dégagée de tout lien de dépendance vis-à-vis de ceux qui l'ont sollicitée. Elle a enfin ajouté que tout essai d'influencer une position serait mal venu et que ses activités publiques sont gratuites.

M. François Autain, président, a observé que les experts qui travaillent pour l'industrie n'ont aucune raison de le cacher.

La volonté du législateur, lorsqu'il a imposé l'obligation de déclaration publique d'intérêt, n'était pas de stigmatiser les chercheurs qui travaillent avec l'industrie, mais de permettre la transparence afin que ceux qui appliquent une décision sachent dans quelles conditions leurs avis ont été pris. Nul ne conteste la capacité des experts à faire la part des choses entre leurs différentes activités.

Il a ajouté que selon une dépêche de l'Agence de presse médicale (APM), Mme Catherine Weil-Olivier se serait exprimée assez vigoureusement à ce sujet lors du congrès de la médecine générale (MEDEC), considérant que son statut d'expert était remis en cause.

Mme Catherine Weil-Olivier a dit ne pas avoir le souvenir d'une telle intervention. Elle considère que faire une déclaration publique d'intérêt est tout-à-fait normal et qu'à chaque fois que cela lui est demandé, elle se plie volontiers à l'exercice. Elle regrette, en revanche, l'utilisation qui en est parfois faite par la presse.

M. François Autain, président, a rappelé que les déclarations publiques d'intérêt devraient être faites de façon spontanée par tous les experts et être renouvelées chaque année.

M. Alain Milon, rapporteur, a ajouté que pour la commission d'enquête, un lien d'intérêt n'entraîne pas forcément de conflits d'intérêt, et qu'elle ne met pas en cause l'intégrité et la probité des personnes qu'elle a auditionnées.

Mme Catherine Weil-Olivier est ensuite revenue sur la pandémie de grippe A(H1N1)v. En mai 2010, les connaissances sont chiffrables, devenues rationnelles, sans composante émotionnelle.

La première vague épidémique a débuté en France dès le mois de septembre avec, au début, une circulation concomitante nette, voire prédominante, d'autres virus respiratoires. Elle s'est amplifiée à partir de la semaine 38, soit à la fin du mois de septembre. Le pic pandémique est apparu les semaines 47- 48 (fin novembre) : de nombreuses infections respiratoires aiguës ont alors été recensées et le taux de prélèvements positifs au virus A(H1N1)v atteignait 40 à 60 %. La période la plus intense de circulation a couvert huit semaines et le déclin s'est amorcé en janvier 2010.

Cette vague était presqu'exclusivement liée au virus A(H1N1)v : il n'y avait pas de circulation du virus H1N1 saisonnier, moins de 1 % de virus H3N2 et peu de virus B en fin de vague. Il n'y a pas eu d'épidémie saisonnière ensuite. Quant à l'épidémie de virus respiratoire syncytial (VRS), elle a été retardée chez l'enfant, a été plus faible et a connu une fin de vague plus lente.

Ces données appellent deux remarques :

- d'une part, la survenue de cette vague a été plus précoce que la très grande majorité des épidémies saisonnières de grippe qui démarrent rarement en octobre ;

- d'autre part, la période ascendante a été une source collective d'inquiétude : quand allait-elle s'arrêter ? Cette inquiétude était facilitée par les incertitudes des connaissances du moment et le caractère rapidement évolutif des informations arrivant en temps réel à un rythme très dense.

Il y a eu un paradoxe entre l'intensité dite moyenne de cette vague et sa sévérité clinique dite relative. Avec une transmission efficace d'homme à homme, un temps de reproduction situé entre 1,2 et 2 - vraisemblablement autour de 1,4 - l'intensité de cette vague est comparable à celle de beaucoup d'autres épidémies saisonnières. Néanmoins, seuls les cas identifiés ont été recensés et, très vite, par effet de saturation des laboratoires de microbiologie, seules les formes graves ayant donné lieu à hospitalisation ont été confirmées. Les sujets non hospitalisés n'étaient plus explorés au plan virologique. Il y a donc eu une sous-estimation du nombre de malades ayant peu de symptômes et une absence de prise en compte des sujets infectés non malades : seules les études de séroprévalence en population préciseront ce point important. Certaines publications annoncent 4 à 5 fois plus de cas que ceux rapportés.

La sévérité clinique de la grippe A(H1N1)v a, quant à elle, fait l'objet de débats. Plus de 1 300 formes graves ont été confirmées dont un patient sur cinq n'avait aucun facteur de risque antérieur. Des enfants ont été concernés, surtout les plus jeunes, ainsi que de jeunes adultes. Parmi ces formes graves, il y avait un sur-risque d'hospitalisation en réanimation, notamment pour les patients au passé asthmatique (un risque multiplié par 3) et les femmes enceintes (un risque multiplié par 6). Le nombre des décès notifiés a été de 330, soit un patient sur cinq ayant une forme grave. Parmi les patients décédés, un sur cinq n'avait aucun facteur de risque. L'âge médian de décès était de 54 ans (contre 80 et plus dans le cas de la grippe saisonnière), et un décès sur six concernait un enfant. Aux Etats-Unis, le nombre de décès pédiatriques a été quatre fois supérieur à celui des saisons épidémiques des deux dernières années.

Est-il anodin d'avoir eu autant de consultations ambulatoires, de passages aux urgences hospitalières, notamment pédiatriques ? Mme Catherine Weil-Olivier a souligné que, chiffres en main, cette grippe, à forte composante respiratoire, apparaît plus sévère qu'une grippe saisonnière usuelle. Certains réanimateurs ont dit n'avoir jamais vu de situations semblables lors de la grippe saisonnière.

En revanche, la perception du public a été mitigée. Le décalage entre les formes très sévères en réanimation et la perception publique d'une grippe « anodine », voire, pour certains, d'une « grippette », a rendu plus difficile l'adhésion aux mesures de lutte contre la pandémie.

M. Alain Milon, rapporteur, a ajouté que la non-association des médecins généralistes à la campagne de vaccination a également été une erreur.

Mme Catherine Weil-Olivier a dit partager totalement ce point de vue, estimant, comme beaucoup, que la campagne de vaccination aurait dû être adossée au système ambulatoire.

Poursuivant son propos sur le décalage entre la sévérité avérée de certains cas et la perception publique de la grippe A(H1N1)v, elle a ajouté que dans une société individualiste, il aurait dû être aisé de justifier l'adoption des mesures préconisées, notamment au regard de la fréquence des décès chez des sujets jeunes qui ne présentaient pas de facteurs de risque. Les Suédois ont diffusé des messages clairs : « vous vous protégez bien par casque pour circuler en vélo ; ici, faites vous vacciner pour vous protéger ». En France, l'habitude est prise du port de la ceinture de sécurité et de l'installation de sièges pour bébés en voiture. Pourquoi n'avoir pas réagi de la même façon pendant cette période de risque sanitaire ?

Le virus, lui-même, a été sujet à controverses. N'étant pas virologue, mais côtoyant les plus compétents en France en ce domaine, elle a résumé la situation en disant que c'est la recombinaison de différents morceaux de gènes qui était nouvelle. Avec une analyse fine, il est apparu qu'il persistait un certain degré de communauté antigénique avec des virus A(H1N1) antérieurs, ce qui explique que près d'un tiers des adultes de plus de 60 ans, et peut-être certains adultes plus jeunes, avaient des anticorps. En revanche, cela n'était pas le cas chez les enfants. En outre, chez les personnes de 60 ans et plus qui ont été atteintes par la grippe A(H1N1)v, la maladie pouvait être sévère avec un risque fort de létalité.

Quelques leçons peuvent ainsi être tirées de cette expérience. Parmi les points positifs, on peut relever la rapidité de l'information, la masse considérable de données recueillies en temps réel, leur actualisation de semaine en semaine. Cependant, ces avantages ont eu aussi leurs limites : les experts étaient le « nez dans le guidon », ce n'est qu'aujourd'hui qu'il est possible de prendre du recul.

En outre, quelques questions se posent encore : on ne peut affirmer qu'il n'y aura pas de seconde vague, que dans ce cas la gravité du virus ne serait pas modifiée, que le nombre de cas serait similaire.

M. François Autain, président, a observé que certains experts avaient pourtant indiqué qu'un deuxième pic avait peu de chance de survenir après le mois de mai.

Mme Catherine Weil-Olivier a répondu qu'il fallait être prudent avec les virus grippaux, par nature très « capricieux ». On ne peut rien infirmer ni confirmer, seulement réduire les incertitudes. Il faut garder un esprit vigilant et critique, un regard attentif sur le prochain hiver austral - même si une transposition des données ne peut être que partielle -, ainsi que cette fraction de doute nécessaire à tout esprit scientifique. Il est également important de pouvoir évoluer pour faire face à une évolution inattendue.

Quelques pistes de réflexions méritent ainsi d'être explorées : la préparation de la population aux incertitudes des connaissances, ce qui demande beaucoup de maturité collective ; l'éducation et l'information de la population sur les diverses composantes d'une crise sanitaire ; l'écoute des doutes et des inquiétudes exprimés par la population.

En ce qui concerne la stratégie de lutte contre la pandémie de grippe A(H1N1)v, elle s'est exprimée dans le plan pandémique gouvernemental. Le premier plan français, de nature médicale, a été établi au milieu des années 1990, avant le plan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il a été révisé lors de l'épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et de la préparation à une pandémie de grippe H5N1 dans les années 2003-2005. Sa conception a alors changé. L'aspect médical a été envisagé dans des fiches techniques facilement modifiables. Le corps du plan est devenu interministériel, pour correspondre aux besoins d'une crise sanitaire nationale.

Le CLCG est resté en charge des aspects médicaux du plan. Il a travaillé au fil des années sur ses différentes versions. Mme Catherine Weil-Olivier a souligné à ce propos que le CLCG avait pour rôle unique de donner des avis techniques médicaux et scientifiques en expertise collective, et n'avait aucune compétence en matière économique, logistique ou de communication.

Les aspects médicaux ont fait l'objet de saisines de la direction générale de la santé (DGS) entre mai et décembre 2009, en vue d'une adaptation en temps réel aux nécessités qui apparaissaient.

En réponse à M. François Autain, président, elle a indiqué qu'elle ne savait pas qui prenait in fine les décisions, sans doute le comité interministériel de crise (CIC) et la ministre de la santé, ces décisions suivant un cheminement indépendant du CLCG.

M. Alain Milon, rapporteur, a souhaité savoir si le virus H5N1 pourrait, un jour, être à l'origine d'une pandémie humaine.

Mme Catherine Weil-Olivier a indiqué que la grippe aviaire demeurait avant tout une enzootie, les cas de transmission d'homme à homme restant peu nombreux.

La stratégie gouvernementale a oscillé entre une volonté de tout mettre en oeuvre pour freiner le plus possible la montée en puissance de la pandémie, dont on pouvait craindre qu'elle soit grave et se diffuse largement, et la perception que cette perspective perdait de son réalisme. On est alors revenu à une prise en charge prioritaire des groupes de population les plus vulnérables en raison de leur âge ou de leurs facteurs de risque.

M. François Autain, président, a observé qu'il n'avait pas perçu cette évolution dans la stratégie vaccinale. D'emblée, il semble que la vaccination de masse ait été décidée. Dans un avis du 10 mai 2009, le CLCG recommandait ainsi de vacciner toute la population, sans préciser, il est vrai, si toutes les doses de vaccin commandées devaient être pour autant injectées. La DGS avait sans doute besoin de l'avis du comité pour procéder aux commandes de vaccins. Il a demandé à Mme Catherine Weil-Olivier si elle était favorable à une vaccination de masse.

Mme Catherine Weil-Olivier a répondu ne pas y être défavorable, à condition qu'elle soit bien organisée.

M. François Autain, président, a demandé quels étaient les fondements scientifiques qui permettraient de justifier une vaccination de masse, opération dont le professeur Flahault a estimé qu'elle constituait une aventure.

Mme Catherine Weil-Olivier a répondu que cette justification tenait à des arguments éthiques : il fallait pouvoir proposer le vaccin à toutes les personnes qui souhaitaient être vaccinées. Des modélisations sur le calcul théorique des quantités nécessaires de vaccins selon les tranches de population à vacciner ont ensuite été réalisées - avec les limites inhérentes à ce genre d'exercice.

M. Alain Milon, rapporteur, a fait remarquer que ces limites démontraient elles aussi la nécessité d'écouter les acteurs de terrain et d'adapter les plans de lutte contre une pandémie au fur et à mesure de l'évolution des connaissances.

En réponse à M. François Autain, président, qui lui demandait si la décision de commander 94 millions de doses de vaccins reposait uniquement sur des arguments éthiques, Mme Catherine Weil-Olivier a indiqué que l'on savait que le vaccin arriverait de manière séquentielle et que l'on risquait d'être « pris de court ». Elle a insisté sur la difficulté de l'anticipation, qui a constitué une contrainte forte pour les politiques.

M. François Autain, président, a demandé pourquoi, sachant que le vaccin allait arriver après le pic pandémique, il n'a pas été décidé de recentrer la vaccination vers les populations les plus à risques. Par ailleurs, certaines études montraient qu'un faible pourcentage de la population était prêt à se faire vacciner.

Mme Catherine Weil-Olivier a indiqué qu'un recentrage de la vaccination sur les populations les plus vulnérables a été opéré, le CLCG ayant défini une liste des populations prioritaires. Elle a regretté que les études sociologiques sur l'acceptation du vaccin réalisées par M. Michel Setbon n'aient pas été communiquées au CLCG, qui en aurait sans doute tenu compte.

Revenant sur la stratégie gouvernementale de lutte contre la pandémie de grippe A(H1N1)v, elle a relevé que les messages de communication ont été complexes et ont pu paraître contradictoires, compte tenu de la perception paradoxale que le public et les personnels de santé avaient de la vague pandémique. A l'avenir, il faudra sans doute repenser les messages, dans leur contenu et leur présentation, mais aussi « annoncer la couleur » plus tôt et avec réalisme. Les Néerlandais ont ainsi changé leur communication en fonction de l'évolution de la pandémie, en la ciblant davantage sur les populations les plus vulnérables. En réponse à une observation de M. François Autain, président, sur la position adoptée par la Pologne qui n'a commandé aucun vaccin, elle a souligné que les systèmes de santé français et polonais n'étaient pas tout à fait comparables.

En ce qui concerne les moyens et la logistique, ou, plus généralement, la « tactique » anti-pandémie, le CLCG a eu à se prononcer sur les trois moyens susceptibles d'intervenir dans la réduction de la masse infectieuse : les mesures barrières, les antiviraux et les vaccins. Ses avis techniques n'ont pas été rendus publics, en application du règlement intérieur du comité, non plus que ceux du CTV.

M. François Autain, président, a remarqué que les avis du CTV, repris en partie dans les avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP), sont ainsi rendus indirectement publics, et que ceux de l'organisme britannique correspondant étaient publics.

Mme Catherine Weil-Olivier a ajouté qu'aux Etats-Unis, les comptes-rendus des réunions de ce type d'organismes étaient également publics et elle est convenue qu'une évolution du dispositif vers une plus grande transparence semblait nécessaire.

En ce qui concerne les masques, le CLCG a été interrogé sur la valeur respective des masques chirurgicaux et FFP2 en termes de qualité, de durée de protection, d'indication préférentielle chez les adultes, étant entendu que des enfants jeunes supporteraient mal de porter un masque sur de longues périodes et en l'absence de taille adaptée. En revanche, le comité n'a pas été consulté sur le volume des achats, le stockage, la distribution et le coût des masques.

Le suivi de la résistance aux antiviraux inhibiteurs de la neuraminidase (INA) a été régulier. Moins de 2 % des souches ont été résistantes à ces médicaments. Quelques observations éparses ont progressivement été rapportées notamment chez des sujets immunodéprimés. Les antiviraux INA s'inscrivant dans la prise en charge globale des patients, Mme Catherine Weil-Olivier a rappelé que le CLCG était favorable à la prise en charge ambulatoire des patients plutôt qu'au recours aux SAMU et à l'hospitalisation. Cette position a finalement été suivie avec quelques semaines de décalage.

M. Alain Milon, rapporteur, rappelant que l'on avait appliqué à la grippe A(H1N1)v un plan élaboré pour la grippe aviaire, a souhaité savoir s'il ne fallait pas, d'une part, revoir la définition par l'OMS de la notion de pandémie et, d'autre part, prévoir plusieurs plans en fonction du risque encouru, notamment pour réduire les délais entre les avis rendus par les instances d'expertise et la prise de décision.

Mme Catherine Weil-Olivier a précisé que le délai moyen qui a séparé l'avis et la prise de décision était de deux à quatre semaines. Cela a été le cas notamment des décisions de passer à une prise en charge en ambulatoire, d'élargir les prescriptions d'antiviraux et de procéder à une injection unique au lieu de deux doses.

Rappelant qu'au Royaume-Uni, un système d'appel téléphonique a été mis en place pour permettre aux personnes présentant les symptômes de la grippe A(H1N1)v de se procurer des antiviraux en pharmacie, M. Alain Milon, rapporteur, a souhaité savoir si un système identique était envisageable en France.

Mme Catherine Weil-Olivier a considéré qu'un tel dispositif, qui tend à se passer d'une prescription médicale, ne serait envisageable qu'en cas de crise sanitaire grave. En France, elle a rappelé qu'en ce qui concerne la vaccination, le médecin demeure en effet, à l'exception de cas particuliers, responsable de l'acte de vaccination, contrairement à d'autres pays comme la Finlande. On avance seulement lentement vers une « libéralisation » de l'acte de vaccination.

Revenant sur la prescription d'antiviraux, elle a ajouté que si leur usage a été circonscrit pour les très jeunes enfants, il a été très bénéfique pour les femmes enceintes. Ne pas proposer d'antiviraux correspondait à une perte de chances pour les malades. L'Argentine, par exemple, a eu du retard par rapport au Chili dans l'usage des antiviraux, et on a pu observer qu'à partir du moment où les antiviraux ont été largement administrés, la mortalité a nettement diminué en Argentine.

Elle a souligné que les décisions ont été prises dans une perspective de « bénéfice / risque », le risque étant double dans un contexte potentiel de sévérité : celui de ne pas donner le médicament en cas de maladie sérieuse et le risque inhérent au médicament (tolérance, résistance).

D'après le bulletin n°5 de pharmacovigilance de l'Afssaps, plus d'un million cent dix mille traitements d'oseltamivir Tamiflu et quatre cent mille traitements d'oseltamivir PG ont été distribués, soit plus de 7 fois plus qu'en période de grippe saisonnière traditionnelle (environ 200 000 traitements chaque année). Il est possible que cette administration ait contribué à limiter la survenue de formes graves.

Enfin, il est important de signaler le travail de grande qualité réalisé en pharmacovigilance par l'Afssaps dans le domaine des antiviraux INA.

En réponse à une question de M. François Autain, président, sur ses liens d'intérêts avec le laboratoire Roche, Mme Catherine Weil-Olivier a indiqué qu'elle avait été amenée à participer à une conférence téléphonique sur le bon usage des antiviraux.

En ce qui concerne les vaccins, elle a rappelé qu'un long travail préparatoire avec les laboratoires avait été amorcé dans le cadre de la préparation à une pandémie H5N1.

Sur ce sujet, le CLCG a été considéré comme un groupe de travail du CTV. Un représentant du CTV et un représentant du HCSP participaient aux réunions. Des auditions des laboratoires ont eu lieu à plusieurs reprises.

Le CLCG n'a pas eu à se positionner sur les choix de l'Agence européenne des médicaments (EMA) de fonder ses décisions sur les dossiers dits « mock-up » ou prototypes, ni sur les critères retenus pour l'autorisation de mise sur le marché (AMM), les études cliniques préliminaires, la présentation en multidoses ou monodoses, la décision de rester à deux injections - ce qui a été recommandé jusqu'à la fin du mois de novembre. Il n'a pas non plus été consulté sur le volume des achats de doses vaccinales, leur répartition entre les industriels et la négociation des prix.

Le CLCG a cependant été informé des conditions de la campagne : sur l'organisation sous la responsabilité du ministère de l'intérieur, sur la gestion départementale par les préfets, la structuration et le mode de fonctionnement des centres de vaccination, le travail accompli par la sécurité sociale pour adresser les bons de vaccination.

En revanche, dès les mois de mai et juin, il a été demandé au CLCG de réfléchir, avec l'InVS et l'unité d'épidémiologie de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), à une modélisation possible du calcul théorique des quantités utiles de vaccins selon les tranches de population à vacciner. Le CLCG a donc fait des hypothèses selon les masses de vaccins disponibles.

Aux mois de juillet et août, le CLCG a, sur saisine, défini des groupes à risque, dont on a pu a posteriori constater le bien fondé : les femmes enceintes, les enfants très jeunes, les personnes à risque faisaient partie des groupes prioritaires après les professionnels de santé. Ces choix ont été validés par les donnés épidémiologiques tant françaises qu'internationales.

A la fin du mois de septembre, les premières AMM ont été accordées. Le CLCG n'a pas eu à intervenir sur l'organisation et la logistique de la campagne de vaccination, sur le rôle des médecins libéraux, ni sur la communication autour de celle-ci, sont restées indépendantes du CLCG.

Mme Catherine Weil-Olivier a enfin relevé la qualité de la pharmacologie mise en place pour les vaccins. Elle a ensuite formulé plusieurs remarques en tant que membre du CLCG :

- le fonctionnement des grandes agences sanitaires s'est avéré opérationnel ;

- le CLCG a certainement été utile. Il s'est, en tout cas, donné les moyens de l'être en travaillant de façon acharnée et sans relâche pendant tout l'été ;

- le CLCG a bénéficié, grâce aux médias, d'une certaine « visibilité ». Il est probable que beaucoup d'autres structures décisionnelles auraient mérité de se voir reconnaître une place équivalente : le public n'a pas eu connaissance du rôle des rouages multiples qui sont intervenus ;

- la vision est celle d'un système très complet mais très lourd dont c'était une première mise en route et qui a pu donner l'impression d'une machine peu maniable et qui a été peut-être été difficile à freiner.

M. François Autain, président, a demandé si quelqu'un avait tenté de la freiner. Mme Catherine Weil-Olivier a dit ne pas être en mesure de répondre à cette question, qu'elle a jugée très intéressante.

Poursuivant sur l'évaluation du bénéfice apporté par les mesures barrière élémentaires, par le taux de couverture vaccinale, par une administration limitée mais non négligeable d'antiviraux, elle a indiqué qu'il fallait attendre les données de nos voisins, notamment les pays dont le taux de couverture était honorable, pour comparer ce qui pouvait être comparable.

En conclusion, elle a rappelé qu'une prévention n'est que rarement reconnue à sa juste valeur puisque la faible apparition du phénomène infectieux contre lequel les moyens ont été engagés les fait apparaître comme disproportionnés.

M. François Autain, président, a souhaité savoir si la campagne de vaccination, qui a débuté à la mi-novembre, n'était pas trop tardive pour avoir une quelconque utilité.

Mme Catherine Weil-Olivier a répondu que la question devait se poser et que l'on ne peut écarter le fait qu'elle soit arrivée trop tardivement.

Elle a enfin formulé quelques observations en tant qu'usager du système de vaccination : elle a eu la chance de relever d'un centre bien organisé, d'avoir reçu rapidement son bon de vaccination et d'avoir pu faire vacciner ses petits-enfants au mois de décembre. Mais elle avait aussi les moyens d'être parfaitement informée de la qualité et de l'inocuité du vaccin.

En tant que citoyenne, elle a été frappée par l'agressivité des informations contre les vaccins dépassant tout bon sens, le désordre des communications, le flou et le flottement publics, autant d'éléments qui ne l'ont pas rassurée et l'ont au contraire inquiétée.

Plusieurs pistes de réflexion peuvent donc être tracées pour l'avenir : faire évoluer la communication, écouter et éduquer la population, adosser le système aux structures déjà existantes, aux professionnels de santé déjà en place, anticiper et se préparer à de nouveaux phénomènes analogues ou différents à annoncer et à expliquer dans le calme.