Mardi 6 octobre 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de M. Michel Thiollière, vice-président, puis de M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication -

Audiovisuel - Audition de M. Jean-Luc Hees, président-directeur général de Radio France

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Luc Hees, président-directeur général de Radio France, sur le contrat d'objectifs et de moyens de Radio France de 2006-2009.

Après avoir rappelé que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle est commune avec la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, M. Jean Arthuis, président, a interrogé M. Jean-Luc Hees sur la vision stratégique qu'il entend développer dans le cadre de ses nouvelles fonctions.

A titre liminaire, M. Jean-Luc Hees a rappelé que Radio France bénéficie d'un financement public à hauteur de 88 %. Rendant hommage à son actionnaire, il s'est félicité de la progression des recettes de Radio France dans le projet de loi de finances pour 2010. Puis, il a ajouté qu'il entend assurer ses nouvelles fonctions dans le respect de la continuité des programmes et d'une gestion responsable, tout en accompagnant la transition du groupe vers de nouveaux défis technologiques.

Il a insisté sur la qualité du dialogue à mettre en oeuvre au sein de Radio France dans la perspective des négociations prochaines de la nouvelle convention collective et du contrat d'objectifs et de moyens. Le groupe comprend 4 500 personnes qui exercent 120 métiers différents. Il a précisé que la négociation de la convention collective devrait, dans ce cadre en mutation, permettre de préciser les métiers et fonctions et établir, sur de nouvelles bases, le dialogue social.

Le projet multimédia constitue un axe stratégique du développement de Radio France. M. Jean-Luc Hees a déclaré vouloir « faire entrer le multimédia en résonance » avec l'offre de Radio France et non dupliquer ce qui est déjà diffusé. Il a illustré son propos par la diffusion des quarante-et-une stations de France Bleu sur les téléphones et les ordinateurs. Radio France participera également au lancement de la radio numérique terrestre (RNT) à Paris, Nice et Marseille.

Outre le développement du multimédia et le déploiement de la RNT, il a notamment mentionné, au titre des projets de Radio France, l'ouverture d'une université d'entreprise, la mise en valeur des formations musicales et la réhabilitation de la Maison de la Radio. S'agissant de cette dernière, les travaux ont commencé le 8 juin 2009. Ils doivent se poursuivre pendant quatre-vingts mois. Il s'est félicité de la nouvelle négociation des appels d'offres qui a conduit à une économie générale de 85 millions d'euros, sans modification du projet. Il a ajouté que le budget d'investissement s'élève à 328 millions d'euros (en euros 2008) pour l'ensemble du programme, dont un surcoût d'environ 5 millions d'euros pour l'introduction d'un orgue au sein de l'Auditorium et de 8 millions d'euros pour les travaux de désamiantage. Le budget de fonctionnement s'établit, quant à lui, à 115 millions d'euros (en euros courants) sur la période 2005-2015.

En réponse à l'interrogation de M. Michel Thiollière sur les perspectives de développement de France Bleu, M. Jean-Luc Hees a fait valoir que le multiplexe numérique constitue une opportunité d'essor pour cette radio qui ne couvre que 75 % du territoire.

Répondant au constat de M. Michel Thiollière relatif à l'âge plus élevé que la moyenne des auditeurs de Radio France, M. Jean-Luc Hees est convenu que leur âge médian est de soixante ans. Exprimant des réserves sur le qualificatif d'« auditeur jeune », il a reconnu que Radio France doit conquérir l'audience la plus large possible, compte tenu de la concurrence exercée par le multimédia. Il a illustré son propos par l'antenne Le Mouv' dont il souhaite élargir le contenu éditorial.

Répondant à une question de M. Jean Arthuis, président, sur la place de la publicité dans le développement de Radio France, M. Jean-Luc Hees a admis qu'elle constitue une ressource propre nécessaire, tout en se félicitant néanmoins de l'exposition modérée des auditeurs de Radio France aux messages publicitaires. Il a souligné que la diffusion de ceux-ci est strictement encadrée.

S'inquiétant de l'avenir de la radio, au regard de l'évolution des modes de consommation des médias, Mme Catherine Morin-Desailly s'est interrogée sur l'élaboration des plans d'investissement régionaux de Radio France dont l'objectif est d'accompagner cette évolution. Puis, elle a souhaité connaître les détails de la politique de mécénat qui accompagne la création et la diffusion des formations musicales. En réponse à la première question, M. Jean-Luc Hees a fait valoir l'existence d'une relation particulière de l'auditeur avec l'antenne. Il a insisté sur la nécessité de privilégier la création, quels que soient les moyens de diffusion. A titre d'illustration, il a rappelé que France Info est devenue la première radio française en 2001, en raison d'un mode de diffusion de l'information unique en son genre, que le paysage radiophonique d'alors n'offrait pas. Il a fait observer que l'érosion de son taux d'audience, qui s'établit aujourd'hui à 8,5 %, ne peut aucunement être attribuée à un défaut de qualité, mais à l'évolution des techniques et corrélativement à celle des besoins des auditeurs. Il a en conséquence jugé nécessaire de procéder l'été dernier à une adaptation du format rédactionnel de France Info afin de répondre à ses nouveaux défis.

S'agissant des formations musicales, il a précisé que la direction en a été confiée, voilà un mois, à M. Marc-Olivier Dupin. Qualifiant la contribution de ces formations à la vie de Radio France d'essentielle, M. Jean-Luc Hees a déclaré vouloir les « exposer » sur toutes les antennes et pas seulement sur France Musique. Il s'est également félicité de l'existence d'un mécénat en ce domaine.

Puis, M. Ivan Renar s'est inquiété, d'une part, des moyens dédiés à la mise en oeuvre de la RNT et, d'autre part, de l'exposition de Radio France à la concurrence des nouveaux entrants sur le marché. Il s'est ensuite interrogé sur les voies et moyens à mettre en oeuvre pour améliorer l'indépendance des médias. Il a souhaité une présence plus visible de la culture scientifique sur les antennes. Enfin, il s'est interrogé sur la possibilité de permettre aux orchestres de Radio France de participer à des événements diffusés sur d'autres antennes que le service public.

Revenant sur les travaux de réhabilitation de la Maison de la Radio, M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité en connaître les modalités de financement. Il a ensuite demandé dans quelle mesure Radio France a recours à la mutualisation des services de rédaction.

M. David Assouline s'est interrogé sur l'adaptation de Radio France au défi numérique qui, selon lui, n'est pas étranger à la question de la classe d'âge de ses auditeurs. Il a ensuite voulu recueillir l'avis de M. Jean-Luc Hees sur la séparation de Radio France International (RFI) du groupe Radio France. Il a également fait part de ses craintes quant aux conséquences éventuelles du mode de désignation et de révocation des présidents des groupes de l'audiovisuel public sur leur gestion. Sur ce point particulier, M. Jean-Luc Hees a tenu à rappeler avec force l'esprit d'indépendance dont il a constamment fait preuve au cours des trente-cinq dernières années ainsi que sa sérénité face à ses responsabilités. Il s'est déclaré « non manipulable ».

Puis, M. Serge Lagauche a interrogé M. Jean-Luc Hess sur les oppositions manifestées au sein de Radio France au projet de mise en place d'un programme unique, pour l'ensemble des antennes du groupe, le 9 novembre 2009 à l'occasion de l'anniversaire de la chute du mur de Berlin.

En réponse, M. Jean-Luc Hees a fait valoir que cette initiative permettra une promotion des talents de toutes les radios composant Radio France, en France comme en Allemagne, auprès de plus de 14 millions d'auditeurs. En effet, alors que le groupe ne dispose pas de moyens financiers comparables à ceux de ses concurrents privés, ce programme unique doit être conçu comme l'occasion de promouvoir l'ensemble de ses antennes et notamment FIP ou Le Mouv'. De surcroît, un tel programme permet de participer à la célébration de l'un des événements historiques majeurs du vingtième siècle.

Répondant à la question de M. Jean-Pierre Fourcade sur le financement des travaux de réhabilitation de la maison de Radio France, M. Fabrice Lacroix, directeur financier à Radio France, a indiqué que ce dernier est pris en charge à hauteur de 22,3 millions d'euros par an par une redevance « équipement », d'une part, et à hauteur de 7,2 millions d'euros par autofinancement de Radio France, d'autre part. Il a précisé que ce programme de financement tient compte d'un certain nombre d'aléas qui ont augmenté depuis le projet d'origine. Il s'est déclaré confiant quant à la soutenabilité d'un tel projet en dépit de la longueur des travaux. L'hypothèse d'inflation est fixée à 2,5 % pour toute la durée du chantier.

S'agissant du développement de la RNT, M. Jean-Luc Hees a relevé que Radio France, couvrant 95 % du territoire, se doit d'assurer la continuité du service public dans le cadre du déploiement numérique. De surcroît, il a déclaré vouloir anticiper ces mutations, non seulement technologiques mais sociales, en intensifiant la création. Sur RFI, rappelant que la séparation du groupe avait eu lieu en 1984, il a mentionné son attachement au rayonnement extérieur de l'audiovisuel public français.

Puis il a partagé l'opinion de M. Ivan Renar sur la culture scientifique à la radio. En réponse à M. Jean-Pierre Fourcade sur la mutualisation des services de rédaction, M. Jean-Luc Hees a relevé que chaque antenne possède une identité propre. Seuls le service des sports, les envoyés spéciaux à l'étranger et les bureaux d'information en province travaillent de manière mutualisée pour l'ensemble du réseau de Radio France.

Présidence de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de M. Michel Thiollière, vice-président, puis de M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication -

Audiovisuel - Audition de M. Patrick de Carolis, président-directeur général de France Télévisions, sur le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions

Puis la commission a procédé, conjointement avec la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, à l'audition de M. Patrick de Carolis, président-directeur général de France Télévisions, sur le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, s'est réjoui d'accueillir M. Patrick de Carolis pour ce désormais traditionnel rendez-vous de rentrée, commun avec la commission des finances présidée par M. Jean Arthuis, pour faire le point sur l'exécution du contrat d'objectifs conclu par France Télévisions avec l'Etat pour la période 2007/2010.

Il a constaté que cette réunion revêtait cependant un caractère exceptionnel cette année, suite à l'importante réforme du service public de l'audiovisuel qui a bouleversé l'organisation du groupe. Cette réforme s'est traduite par une transformation de France Télévisions en entreprise unique, ce qui signifie non seulement des négociations sociales sur le projet de nouvelle organisation, mais également un nouveau plan d'affaires et un nouveau cahier des charges

Il a considéré que cette réforme constituait une garantie de financement inédite. En effet, le versement par l'Etat d'une compensation de 458 millions d'euros pour la suppression de la publicité et l'augmentation de la redevance, à laquelle le Sénat a grandement contribué, placent France Télévisions dans une situation que ses concurrents du secteur privé lui envient, d'autant que l'avance enregistrée sur les prévisions de recettes publicitaires lui assure un surplus très convoité.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, a demandé à M. Patrick de Carolis de faire le point sur les projets présentés aux partenaires sociaux et sur sa stratégie pour transformer France Télévisions en média global.

M. Patrick de Carolis, président-directeur général de France Télévisions, a fait un tour d'horizon de l'exécution en 2008 du contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2007-2010, signé entre l'Etat et France Télévisions, en insistant sur le fait que le groupe a continué sa mutation entamée en 2007, qui vise à recentrer son activité sur sa mission de service public :

- ainsi, 800 émissions culturelles, hors fictions patrimoniales, ont été diffusées en 2008 sur les antennes de France Télévisions contre 280 en 2004 ;

- au premier semestre 2009, deux programmes culturels ont même été diffusés quotidiennement aux heures de grande écoute (« prime time ») ;

- 62 % des documentaires diffusés en première partie de soirée l'ont été sur le service public ;

- les engagements en faveur de la création ont été dépassés, avec un investissement à hauteur de 368 millions d'euros en 2008 (l'objectif fixé était de 364 millions d'euros) et à hauteur attendue de 375 millions d'euros en 2009, ce qui démontre que les craintes exprimées par les producteurs de voir France Télévisions freiner ses investissements, suite à la réforme opérée par la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, étaient infondées.

M. Patrick de Carolis, président-directeur général de France Télévisions, a ensuite déclaré que la réforme de l'organisation de France Télévisions était en bonne voie :

- un premier schéma d'organisation a été présenté aux collaborateurs et aux partenaires sociaux dès le mois d'avril dernier, un accord de méthodologie a été signé avant l'été, une consultation est prévue pour le mois de décembre et la nouvelle organisation devrait voir le jour dès le mois de janvier ;

- le climat studieux et respectueux qui s'est instauré entre la direction et les représentants du personnel devrait favoriser la mise en place de la nouvelle « constitution sociale du groupe », c'est-à-dire de l'ensemble des conventions collectives, avant le mois de juin 2010 ;

- le plan de départs volontaires à la retraite devrait favoriser le retour à l'équilibre financier, qui pourrait être atteint dans un avenir plus proche que celui envisagé dans le plan d'affaires négocié entre l'Etat et France Télévisions cette année.

Après avoir rendu un hommage appuyé aux collaborateurs de France Télévisions, il a enfin souligné la bonne performance commerciale de l'année 2009, qui a permis à France Télévisions de percevoir 105 millions d'euros de recettes publicitaires de plus que ce qui avait été anticipé. Le fait que l'Etat actionnaire n'ait prélevé qu'une faible partie de cette somme (35 millions d'euros) est un élément essentiel de la mise en place d'un débat social serein et constructif.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis des crédits de la mission Médias, a félicité M. Patrick de Carolis pour la réalisation d'un certain nombre d'objectifs fixés dans le COM. L'émergence d'une véritable identité pour le service public audiovisuel est une réussite majeure du groupe. Le virage éditorial a porté ses fruits et France Télévisions est aujourd'hui clairement identifié comme un groupe de service public qui se démarque des chaînes privées, grâce à la qualité et à l'ambition des programmes diffusés. L'émission « La boîte à musique » de Jean-François Zygel, le documentaire « 14-18 le bruit ou la fureur » et la série des Maupassant sont autant d'exemples de succès d'audience de programmes de très grande qualité. Dans le traitement de l'information, et même dans la diffusion du sport, l'empreinte de service public est également devenue visible. Enfin, les inquiétudes relatives à la mise en place d'un « guichet unique » pour les producteurs ont été apaisées.

Toutefois, France Télévisions a également rencontré des difficultés :

- d'une part, le vieillissement de l'audience est une réalité indéniable. L'indice d'attractivité des moins de 49 ans baisse très régulièrement depuis quelques années. Il s'agit certes d'un phénomène général à la télévision, mais accentué chez France Télévisions ;

- d'autre part, les programmes à vocation scientifique semblent être en partie délaissés, alors que le renforcement de leur présence dans la grille paraît hautement opportun. Ce serait au demeurant une excellente alternative que l'on pourrait proposer à ceux qui souhaitent la création d'une chaîne spécifique à vocation scientifique et pédagogique.

S'interrogeant sur la stratégie de développement de France Télévisions en matière de média global, Mme Catherine Morin-Desailly a souhaité obtenir tout d'abord des informations sur la mise en oeuvre des préconisations du nouveau cahier des charges relatives au multilinguisme, à l'accès du public malentendant aux programmes et à la télévision de rattrapage. Elle a demandé ensuite des précisions sur les activités menées par le comité pour la diversité mis en place par France Télévisions en 2009. Enfin, de retour d'une mission sénatoriale au Brésil, elle a fait observer que la nouvelle télévision publique brésilienne, mise en place en 2006, s'est construite sur le modèle français de service public de télévision.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a ensuite posé des questions relatives :

- aux dispositions du nouveau plan d'affaires 2009-2012 ;

- à l'évolution de la trajectoire de charges de France Télévisions et à l'impact de la création d'une entreprise unique sur les dépenses ;

- aux conséquences de la notification à la Commission européenne de la dotation budgétaire apportée au groupe ;

- et enfin au partage des droits entre les producteurs et France Télévisions sur les programmes co-produits. A cet égard, il a estimé qu'il n'était pas satisfaisant que les droits liés à l'exploitation d'oeuvres principalement financées par des personnes publiques leur échappent. Il a souhaité savoir si le décret relatif à ces questions avait été publié.

Après avoir déclaré que l'approfondissement des questions économiques et financières lui semblait insuffisant dans les journaux d'actualité, M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité savoir si un effort de mutualisation des données était réalisé entre les rédactions des différentes chaînes.

M. Jack Ralite s'est, quant à lui, vivement ému du choix du Gouvernement de prélever une partie des gains commerciaux de France Télévisions qui n'avaient pas été anticipés et a regretté que l'on supprime de facto des emplois à France Télévisions, via le plan de départs à la retraite. Souhaitant sortir des faux semblants, il a ensuite demandé à M. Patrick de Carolis si le climat social était serein « en profondeur » ou seulement « en surface », et s'il était réellement satisfait par le projet de budget 2010 de France Télévisions.

M. Ivan Renar a enfin interrogé le président de France Télévisions sur l'effort en matière de soutien à la création en région et sur l'impact de la modification des horaires de programmation des chaînes de France Télévisions suite à la suppression de la publicité en soirée.

M. Patrick de Carolis, président-directeur général de France Télévisions, a apporté les réponses suivantes à ces questions :

- si l'audience globale de la télévision est déclinante, celle des chaînes de France Télévisions connaît une érosion plus faible que celle des autres chaînes historiques ;

- la stratégie du groupe en direction des jeunes s'exprime principalement à travers les programmes de France 4 et ceux mis en ligne sur les portails internet jeunesse ;

- la courbe de visite des sites Internet de France Télévisions est montante. En 2009, une augmentation de 40 % du nombre de pages vues (à hauteur de 350 millions) et de 23 % du nombre de visiteurs uniques (à hauteur de 7,2 millions) a été constatée par rapport à 2008 ;

- les progrès en matière de représentation de la diversité sont réels, notamment grâce à l'action du comité de la diversité, présidé par M. Hervé Bourges, qui réunit des collaborateurs du groupe et des personnalités extérieures. Les sondages montrent au demeurant que les chaînes publiques sont considérées comme étant les plus représentatives de la diversité de notre société ;

- l'équilibre opérationnel de France Télévisions devrait être atteint en 2011 et l'équilibre net en 2012 ;

- la renégociation des accords collectifs doit être réalisée sous l'égide de deux principes directeurs ; d'une part, la souplesse et la réactivité sont au coeur du métier de France Télévisions et, d'autre part, la responsabilité est portée par l'encadrement et l'entreprise n'est pas autogérée.

- enfin, le budget 2010 du groupe est tout à fait satisfaisant par rapport aux objectifs du cahier des charges.

Des informations complémentaires ont été apportées par M. Patrice Duhamel, directeur général en charge des antennes, du développement et de la diversification, puis par Mme Geneviève Giard, directrice de France 3, qui ont précisé que :

- les reports de la publicité de France Télévisions sur les chaînes privées ont été réels ;

- la stratégie de rajeunissement de l'audience vise à attirer le public des 15-25 ans dans le bouquet France Télévisions via France 4, mais l'augmentation du nombre d'émissions culturelles globalement diffusées rend objectivement plus difficile le succès de cette politique. L'autre moyen d'étoffer l'audience des chaînes publiques généralistes est de créer l'événement autour de programmes phares tels que le documentaire « Apocalypse », dont le dernier épisode a attiré près de 600 000 jeunes de 10 à 18 ans ou la retransmission d'épreuves sportives populaires ;

- les programmes scientifiques de France Télévisions se déclinent de façons diverses (divertissements scientifiques, émissions sur la médecine...) afin qu'ils ne soient pas « ghettoïsés » ;

- le nombre d'émissions politiques (sept) n'a jamais été aussi important sur la télévision publique ;

- les chefs d'entreprise sont assez réticents à venir parler sur les plateaux de télévision, ce qui ne facilite pas l'approfondissement des sujets économiques, qui ne peuvent pas être laissés entre les mains des seuls experts ;

- le fait que le premier choix du téléspectateur en soirée se fasse sur France Télévisions est un avantage certain, qui perd de son poids en deuxième partie de soirée ;

- les investissements sur la création en région représentent environ 12 millions d'euros par an, avec une attention particulière portée à la diffusion de programmes sur l'actualité culturelle régionale ;

- si les chaînes ne disposent pas des droits d'exploitation des oeuvres qu'elles financent, elles négocient en revanche avec les producteurs un retour sur investissement sur la commercialisation des droits.

M. Damien Cuier, directeur général chargé de la gestion, des finances et des ressources humaines de France Télévisions, a quant à lui apporté les précisions suivantes :

- le prochain plan d'affaires (2009-2012) prévoira un rythme de croissance des dépenses moins rapide que celui du COM 2007-2010. L'augmentation du coût de la grille devra ainsi être limitée à 1,5 % par an (contre 2,7 % actuellement) et l'évolution globale des dépenses devra être très faible (croissance annuelle de 0,2 % contre 2,1 % aujourd'hui). Cette baisse des coûts de France Télévisions sera rendue possible par la réforme interne et le plan de départs à la retraite ;

- ces équilibres sont conditionnés par la validation de la dotation de 450 millions d'euros à France Télévisions qui fait actuellement l'objet d'une enquête diligentée par la Commission européenne.

Mercredi 7 octobre 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Réunion du bureau - Compte rendu

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a entendu un compte rendu, dressé par M. Jean Arthuis, président, de la réunion du bureau de la commission des finances qui s'est tenu le 29 septembre 2009.

M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord porté un regard rétrospectif sur la session 2008-2009. L'activité législative a été plus intense que lors des sessions précédentes puisqu'au total, hors la loi de finances initiale, la loi de financement de la sécurité sociale, le collectif de décembre et la loi de règlement, la commission a examiné 21 textes en 2008-2009 (dont 7 conventions), contre 9 textes en 2007-2008 (aucune convention), 11 textes en 2006-2007 (dont 5 conventions), et 9 textes en 2005-2006 (dont 5 conventions).

Il a estimé que cette inflation inédite de l'activité législative se fait très clairement au détriment de l'activité de contrôle, ce qui est paradoxal alors que la révision constitutionnelle ambitionnait au contraire de développer cette activité.

Le nombre des rapports d'information publiés s'établit en moyenne à une trentaine par session depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), avec un pic exceptionnel à 48 en 2007-2008, année de renouvellement sénatorial impliquant que des travaux soient rendus avant la fin du mandat des sénateurs qui ne se représentaient pas. Or ce chiffre va tomber à 22 pour la session 2008-2009, soit une réduction de plus de la moitié par rapport à la session 2007-2008.

Concernant les perspectives d'activité de la commission, M. Jean Arthuis, président, a précisé les principaux rendez-vous à venir.

Deux rapports de groupes de travail restent à adopter. Celui sur les catastrophes naturelles doit être examiné par le groupe de travail ce jour même à 14 h 30, puis en commission le 14 octobre à 9 h 30. Le rapport sur la crise financière et la régulation des marchés sera quant à lui examiné par le groupe de travail le mardi 20 octobre à 9 h 30 et par la commission le 21 octobre à 14 h 45, en même temps que la proposition de résolution européenne du groupe socialiste sur les fonds propres et la surveillance prudentielle des rémunérations. Cette proposition de résolution sera elle-même discutée en séance publique dans la matinée du jeudi 29 octobre.

La date du débat annuel sur les prélèvements obligatoires, d'abord envisagée le jeudi 5 novembre matin, pourrait être avancée car le Gouvernement envisage d'inscrire le projet de loi sur la Poste la première semaine de novembre et souhaite éviter toute interférence. La date du jeudi 22 octobre en fin d'après midi (vers 17 h 30) devrait être validée par la Conférence des Présidents. Le rapport de M. Philippe Marini sera examiné en commission jeudi 15 octobre à 15 heures.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale sera débattu tout au long de la semaine du 9 novembre en séance publique. Les ministres seront auditionnés conjointement par la commission des finances et la commission des affaires sociales jeudi 15 octobre à 16 h 30.

L'examen du projet de loi de finances pour 2010 débutera le jeudi 19 novembre et devrait s'achever mardi 8 décembre en séance publique. Les ministres qu'il est prévu d'auditionner sont M. Patrick Devedjian sur le plan de relance, le mardi 13 octobre à 15 h 30, M. Bruno Le Maire sur l'agriculture, le mercredi 14 octobre à 15 h et Mme Michèle Alliot-Marie sur la justice, le même jour à 16 h 30.

La commission entendra également M. Guillaume Pépy, président-directeur général de la SNCF, le 20 octobre à 16 h 30, et M. François Drouin, président-directeur général d'OSEO, le 21 octobre à 16 h 30.

M. Jean Arthuis, président, a ensuite indiqué que le sujet spécifique de la taxe professionnelle justifie une audition des associations d'élus locaux, qui aura lieu le mardi 13 octobre à 18 heures. En réponse aux questions de Mme Nicole Bricq et de M. Jean-Paul Alduy, il a précisé que les associations pressenties pour cette table ronde seront l'association des maires de France, l'assemblée des départements de France, l'association des régions de France et l'assemblée des communautés de France. Il a également proposé que la commission consacre une journée spécifique au thème de la taxe professionnelle, le jeudi 5 novembre. Ces débats interviendraient après la présentation des principaux éléments et l'examen de l'avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui auront lieu le mercredi 4 novembre, et avant l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances, prévu pour le jeudi 12 novembre.

Il a ajouté que le « collectif budgétaire » serait examiné au cours de la semaine du 14 décembre. Le grand emprunt devrait également faire l'objet d'un autre projet de loi de finances rectificative en janvier 2010, à l'issue des travaux de la commission présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, dont les conclusions devraient être remises début novembre. En outre, MM. Alain Juppé et Michel Rocard demandent à être entendus par la commission le mercredi 28 octobre à 17 heures, c'est-à-dire avant la publication de leur rapport, afin de pouvoir tenir compte des propositions éventuelles des parlementaires.

Concernant les relations avec la Cour des comptes, M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord fait le point sur la restitution des enquêtes demandées pour 2009. Les auditions suivantes sont ainsi prévues :

- mardi 20 octobre à 14 h 30 : les crédits de la présidence française de l'Union européenne ;

- mercredi 21 octobre à 10 h 30 : l'Office national des forêts ;

- mercredi 28 octobre à 15 h : la gestion du projet informatique COPERNIC ;

- mardi 3 novembre à 14 h 30 : l'articulation des dispositifs de la politique de la ville et de l'éducation nationale dans les quartiers sensibles.

M. Philippe Séguin doit être entendu par la commission ce mercredi 7 octobre après-midi, en sa qualité de président du Conseil des prélèvements obligatoires, pour remettre l'étude demandée par la commission des finances à cet organisme sur « les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée ».

M. Jean Arthuis, président, a précisé que cinq nouveaux sujets d'enquête pourraient être demandés à la Cour des comptes avec l'accord des rapporteurs spéciaux concernés :

- le coût des titres sécurisés (rapporteure spéciale : Mme Michèle André) ;

- l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) (Mme Fabienne Keller) ;

- le Centre des monuments nationaux (M. Yann Gaillard) ;

- le Centre français pour l'accueil et les échanges internationaux (EGIDE) (MM. Michel Charasse et Adrien Gouteyron) ;

- et les participations de la Caisse des dépôts et consignations dans l'économie mixe locale (le président de la commission ou le rapporteur général étant concernés, dans la mesure où il s'agit d'un sujet transversal). Cette dernière enquête pourrait être élargie à l'ensemble des sociétés d'économie mixte pour le programme de travail de la Cour en 2011.

M. Jean Arthuis, président, a également évoqué la possibilité, pour la commission des finances, de demander l'assistance d'un magistrat de la Cour des comptes, sur le fondement de l'article 58-1° de la LOLF, afin de mener un contrôle sur la gestion des produits dérivés de films financés par l'audiovisuel public.

Enfin, une étude pourrait être demandée au Conseil des prélèvements obligatoires sur le coût et l'efficacité des dispositions fiscales en faveur des investissements touristiques.

Mme Nicole Bricq a relevé que la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a constitué un groupe de travail sur l'évaluation de la loi de modernisation de l'économie, un an après son entrée en vigueur. Elle a dès lors suggéré que la commission des finances prenne une initiative analogue sur les dispositions de la loi à caractère financier. M. Jean Arthuis, président, a considéré qu'eu égard à la très importante charge de travail de la commission d'ici la fin de l'année, cette perspective n'apparaît pas réaliste avant début 2010.

Mme Nicole Bricq s'est ensuite interrogée sur les modalités de la réflexion que la commission est invitée à mener sur la répartition entre les collectivités territoriales du produit des deux cotisations appelées à remplacer la taxe professionnelle, le Gouvernement ayant exprimé le voeu que le Parlement traite cette question. M. Jean Arthuis, président, a estimé qu'il serait préférable de ne conserver, au sein du dispositif proposé dans le projet de loi de finances pour 2010, que le volet relatif aux entreprises, et de mettre les sujets relatifs aux ressources des collectivités « entre parenthèses » en 2010, le temps que des simulations précises et fiables soient produites par le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Fourcade a ajouté que les données fondées sur des moyennes, comme celles transmises jusqu'à présent par le gouvernement, peuvent effectivement se révéler simplificatrices.

Nomination d'un rapporteur

Puis la commission a désigné M. Philippe Marini, rapporteur général, en qualité de rapporteur sur la proposition de résolution n° 629 (2008-2009) présentée par M. Simon Sutour, Mme Nicole Bricq, MM. Richard Yung, François Marc, Bernard Angels et les membres du groupe socialiste, portant sur la proposition de directive du 13 juillet 2009 relative aux exigences de fonds propres pour le portefeuille de négociation et pour les retitrisations, et la surveillance prudentielle des politiques de rémunération (E 4632).

En réponse à une observation de Mme Nicole Bricq, qui a souligné que la commission appliquera pour la première fois la nouvelle procédure complexe d'examen des propositions de résolution européenne, M. Jean Arthuis, président, a détaillé les étapes de cette procédure. Il a également confirmé que l'examen de cette proposition de résolution fera l'objet d'un rapport distinct de celui du groupe de travail de la commission sur la crise financière et la régulation des marchés, ainsi que de deux réunions, la seconde étant dédiée à l'examen des éventuels amendements extérieurs.

Article 88-4 de la Constitution - Saisine de la commission

Puis sur la proposition de M. Jean Arthuis, président, la commission a décidé de se saisir, sur le fondement de l'article 73 quinquies, deuxième alinéa, du règlement du Sénat de quatre propositions de règlements communautaires et d'une proposition de décision, présentées par la Commission européenne le 23 septembre et transmises au Sénat le 30 septembre 2009 :

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la surveillance macroprudentielle du système financier et instituant un Comité européen du risque systémique (E 4777) ;

- proposition de décision du Conseil confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques relatives au fonctionnement du Comité européen du risque systémique (E 4778) ;

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Autorité bancaire européenne (E 4779) ;

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (E 4780) ;

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Autorité européenne des marchés financiers (E 4781).

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que ces propositions seront examinées dans le cadre des travaux du groupe interne de la commission des finances sur la crise financière et la régulation des marchés. En outre, si un sénateur déposait une proposition de résolution sur l'un de ces textes, la commission en serait automatiquement et préalablement saisie, sans examen préliminaire par la commission des affaires européennes.

Audition de M. Christophe Blanchard-Dignac, président-directeur général de la Française des jeux

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Christophe Blanchard-Dignac, président-directeur général de la Française des jeux, dans la perspective du renouvellement de son mandat.

M. Jean Arthuis, président, a précisé, à titre liminaire, que le dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, prévoit que le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée.

Ainsi, au terme de l'adoption de la loi organique prévue pour l'application de l'article 13, le Président de la République ne pourra procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représentera au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Le projet de loi organique vient d'être examiné par l'Assemblée nationale et doit être prochainement inscrit à l'ordre du jour du Sénat.

Dans un courrier adressé au Président du Sénat, le Premier ministre a estimé que « sans attendre l'adoption des règles organiques qui permettront au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution de produire tous ses effets, il [est] souhaitable de mettre dès à présent la commission [des finances] du Sénat en mesure, si elle le souhaite, d'auditionner » le candidat pressenti pour être reconduit en qualité de président-directeur général de la société La Française des jeux, en l'occurrence M. Christophe Blanchard-Dignac.

Le nouveau conseil d'administration de la Française des jeux, qui s'est réuni lundi 5 octobre 2009, a ainsi proposé de reconduire M. Christophe Blanchard-Dignac à sa présidence. M. Jean Arthuis, président, a indiqué qu'il est, dès lors, demandé par le Premier ministre de procéder à son audition, mais pas au vote pour lequel il n'existe pas encore de base légale, à défaut d'adoption de la loi organique qui n'interviendra que dans quelques semaines.

Il a ajouté que cette application anticipée et partielle de l'article 13 modifié de la Constitution a connu un précédent avec l'audition, le 21 juillet dernier, par la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, de M. Pierre Graff, qui devait être reconduit dans ses fonctions de président-directeur général d'Aéroports de Paris.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que cette audition intervient à un moment crucial pour la Française des Jeux, puisque le projet de loi sur l'ouverture à la concurrence et la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne doit être examiné à l'Assemblée nationale les 7 et 8 octobre. Ce bouleversement du secteur crée plusieurs défis pour la Française des Jeux, notamment au regard de son réseau physique de distribution, de la lutte contre les sites illégaux ou de la politique de jeu responsable.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Christophe Blanchard-Dignac, président-directeur général de la Française des jeux, a présenté les caractéristiques, le bilan et les perspectives de l'activité de la Française des jeux. Il a tout d'abord exposé les chiffres-clefs de la société pour 2008 : elle se situe au troisième rang mondial par le montant des mises (9,2 milliards d'euros), mobilise 29,2 millions de joueurs (dont près du tiers jouent régulièrement), dispose du premier réseau de proximité en France avec 37 600 points de vente, réalise 2,4 % de ses ventes par Internet (soit 730 000 personnes ayant joué en ligne au moins une fois dans l'année), et emploie 945 collaborateurs en Ile-de-France et dans les Bouches-du-Rhône.

Les missions de la Française des jeux, prévues par l'article premier du décret du 9 novembre 1978, n'ont pas de dimension financière ou fiscale et sont fortement imprégnées de considérations d'ordre public :

- assurer l'intégrité, la sécurité et la fiabilité des opérations de jeu et veiller à la transparence de leur exploitation ;

- canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l'autorité publique, afin de prévenir les risques d'une exploitation des jeux d'argent à des fins frauduleuses ou criminelles et de lutter contre le blanchiment d'argent ;

- encadrer la consommation des jeux afin de prévenir le développement des phénomènes de dépendance. Les jeux de loterie ne peuvent ainsi être commercialisés auprès des mineurs, même émancipés.

Le statut de la Française des jeux est fixé par le décret du 9 novembre 1978 précité et par l'article 18 du décret du 1er avril 1985. Il s'agit d'une société anonyme publique, dont le capital est actuellement détenu à 72 % par l'Etat, qui approuve ses statuts. Elle dispose du monopole de l'organisation et de l'exploitation des jeux de loterie et des pronostics sportifs.

M. Christophe Blanchard-Dignac a ensuite exposé le processus d'habilitation des jeux. Ces derniers sont autorisés par le ministre en charge du budget après l'avis du Comité consultatif pour l'encadrement des jeux et du jeu responsable (COJER), structure unique en Europe et qui associe les administrations concernées ainsi que des personnalités qualifiées. Le ministre autorise le programme annuel de jeux et approuve ses modifications et sa mise en oeuvre, ainsi que le plan d'action pour le jeu responsable. Il est saisi des résultats de l'action de la société contre le blanchiment d'argent.

La répartition des mises est encadrée par le taux de retour aux joueurs (TRJ), dont le plancher (45 %) et le plafond (75 %) sont fixés par décret et qui fait l'objet d'un arrêté de répartition pour chaque jeu. Entre 2000 et 2008, le TRJ est passé de 59,1 % à 61,2 % des mises et les prélèvements publics sont passés de 26,9 % (soit 1,75 milliard d'euros, dont 183 millions d'euros au profit du Fonds national de développement du sport) à 27,7 % (soit 2,52 milliards d'euros, dont 225 millions d'euros au profit du Centre national de développement du sport). L'ajustement a donc été réalisé sur les seuls frais de structure et la commission de l'entreprise, qui ont diminué de trois points pour s'établir à 11,1 %. Le cumul des prélèvements publics sur 2000-2008 atteint 20,4 milliards d'euros, dont 1,9 milliard d'euros dédiés au sport pour tous.

M. Christophe Blanchard-Dignac a fait le bilan de l'activité de la Française des jeux depuis le début de la présente décennie. Le succès des jeux est réel, puisque les mises ont connu un taux de croissance annuel moyen de 4,4 % depuis 2000, malgré une diminution en 2007 et 2008. Une trentaine de jeux est commercialisée, dont sept jeux de tirage, essentiellement dans le réseau. La croissance des ventes est portée par les jeux de tirage (57 % du chiffre d'affaires en 2008) - dont la moitié de la progression est assurée par le jeu Euromillions, lancé en 2004 -, et les paris sportifs (7 % du chiffre d'affaires), essentiellement les paris à cote fixe lancés en 2003.

Il a également expliqué les gains de productivité et d'efficacité accomplis par la société. Ils ont trait à :

- l'efficacité opérationnelle : une masse salariale relativement réduite (7,9 % des charges), une certification ISO 27001, le premier réseau d'affichage numérique et un système d'exploitation permettant 1 200 prises de jeu par seconde ;

- l'efficacité commerciale : près de 90 % de la population est couverte (soit 12 500 communes), 19 900 points de vente du Loto sont prévus d'ici la fin de l'année 2009 (contre 15 600 en 2000), et la publicité ne représente que 0,69 % du chiffre d'affaires ;

- l'efficacité financière : la société n'est pas endettée, est bénéficiaire depuis sa création en 1978, et son excédent brut d'exploitation a été de 147,3 millions d'euros en 2008.

La Française des jeux entend également développer un modèle de jeu responsable au travers des axes suivants :

- tout d'abord, en tant qu' « opérateur responsable », ce qui se traduit par la certification EL/AFNOR, la formation de toute la filière et la contractualisation avec les points de vente, des études d'impact des jeux et des modérateurs de jeu (en particulier sur le jeu « Rapido » et les jeux en ligne), une aide à l'écoute et aux soins des joueurs, un appui à la recherche sur le jeu et un accompagnement des « grands gagnants » ;

- ensuite, en tant qu' « employeur solidaire » : 110 embauches ont été réalisées en 2008, un effort de formation trois fois supérieur à l'obligation légale est fourni, une charte de l'apprentissage a été signée en 2005, ainsi qu'une charte de la diversité en 2007, et des accords sur l'épargne salariale et sur la gestion prévisionnelle des emplois et compétences ont été conclus. En outre, la Française des jeux a pris un engagement national pour l'emploi des jeunes des quartiers, et des négociations sont engagées ou annoncées sur l'emploi des seniors, l'égalité professionnelle homme/femme et le « bien-être » au travail ;

- enfin, en tant qu'« entreprise engagée », avec la promotion du sport durable et le mécénat solidaire (notamment par la Fondation française des jeux).

M. Christophe Blanchard-Dignac a achevé son intervention en évoquant les enjeux de l'entreprise pour 2009-2014, qui sont de deux ordres. Ils concernent en premier lieu le modèle de jeu : la Française des jeux souhaite être acteur et promoteur d'un modèle de jeu pour le grand public qui, quel qu'en soit le régime d'encadrement ou le canal de distribution, soit à la fois récréatif, responsable et bénéfique à la collectivité. Les défis concernent également l'entreprise elle-même, qui doit promouvoir un modèle de management compétitif et durable au service des valeurs de l'entreprise et de ses parties prenantes.

Il a insisté sur les conséquences de l'ouverture des jeux en ligne. Au plan collectif, il s'agit de canaliser cette forme de jeu, compte tenu de la discordance actuelle entre le régime juridique et la réalité. En effet, la Française des jeux a juridiquement le monopole des paris en ligne, mais dans les faits 96 % des paris passent par des opérateurs non autorisés. De même, le poker en ligne est théoriquement prohibé, mais 500 000 internautes joueraient régulièrement en France. Pour la Française des jeux, l'enjeu de cette ouverture maîtrisée est double :

- être le « leader » en France du jeu en ligne, avec un objectif à cinq ans de 25 % à 30 % de part de marché sur les paris en ligne, et figurer parmi les trois premiers opérateurs de poker en ligne ;

- promouvoir ce modèle en Europe, par des partenariats avec d'autres opérateurs et un partage de règles éthiques formalisées dans un code de conduite.

S'agissant de la loterie et des paris dans le réseau « physique », la Française des jeux entend consolider son monopole et envisage une croissance des mises de 2 % par an en moyenne d'ici à 2014, un réseau de 35 000 points de vente en 2014 et 120 millions d'euros d'investissements d'ici à 2012.

Enfin, concernant l'entreprise elle-même, M. Christophe Blanchard-Dignac a exposé trois objectifs sur les moyen et long termes :

- rester l'opérateur intergénérationnel de référence et ouvert au grand public, en s'engageant sur de nouveaux services aux joueurs et de nouveaux droits pour les consommateurs, et en donnant du sens à l'acte de jeu ;

- promouvoir « l'innovation responsable », en réalisant plus de 10 % du chiffre d'affaires sur Internet et un cinquième avec une offre de jeux qui n'existent pas aujourd'hui. La société compte également valoriser à l'étranger son savoir-faire technologique, en particulier le nouveau terminal développé avec Sagem Sécurité, qui fonctionne par lecture optique et permet de diviser les coûts par trois ;

- demeurer fidèle aux valeurs que sont le jeu responsable, l'éthique du sport et la contribution au bien-être collectif.

M. François Trucy, rapporteur sur le projet de loi d'ouverture à la concurrence et de régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, a, tout d'abord, rappelé qu'à l'occasion de ses deux missions d'information sur les jeux de hasard, en 2002 et en 2006, il a pu constater l'exemplarité de l'activité de la Française des jeux, en dépit de certaines périodes difficiles pour l'entreprise.

S'interrogeant sur l'avenir du capital de la société - détenu aujourd'hui à 72 % par l'Etat, 20 % par les émetteurs historiques, 5 % par les salariés et 3 % par les courtiers-mandataires -, il a demandé si une ouverture du capital est envisagée afin notamment d'accroître la participation des émetteurs et des salariés.

Il a également souhaité connaître les causes de la diminution des résultats enregistrée en 2007 et 2008, ainsi que l'appréciation portée par l'entreprise sur la réduction du nombre de points de vente de 37 000 à 35 000 à l'horizon 2014.

S'agissant de la lutte contre l'addiction, qui deviendra un enjeu majeur avec l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne, il a salué les mesures prises par la Française des jeux pour limiter les effets addictifs du jeu de tirage rapide, le Rapido, mesures qui ont entraîné une perte de chiffre d'affaires pour l'entreprise de l'ordre de 400 millions d'euros. Il a rappelé que la Française des jeux a été le premier opérateur à développer, en France, le concept de jeu responsable et qu'elle a apporté, dès l'origine, son soutien à la mise en place du centre de référence sur le jeu excessif (CRJE) de Nantes.

Il a, enfin, souligné l'enjeu que la Française des jeux constitue pour le commerce local, précisant que si la société n'emploie que 945 collaborateurs, son activité représente, en réalité, près de 25 000 emplois indirects s'il est tenu compte des sommes reversées à l'ensemble du réseau de distribution de la société.

M. Michel Sergent a demandé s'il est envisageable d'augmenter les prélèvements affectés au Centre national pour le développement du sport (CNDS) auxquels sont assujetties les sommes misées sur les jeux exploités par la Française des jeux, précisant que cette contribution représente près du tiers du budget de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », dont il est rapporteur spécial. Il s'est également interrogé sur les bénéfices en termes d'image que la société retire de son mécénat dans le cyclisme, compte tenu des difficultés rencontrées par ce sport.

Après avoir souligné l'importance de la lutte contre l'addiction, notamment avec le développement de l'offre en ligne, M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité savoir dans quelle mesure il est possible de modifier la frontière existant entre, d'une part, ce qui est reversé aux joueurs par le biais du « taux de retour aux joueurs » (TRJ) et, d'autre part, ce qui revient à l'Etat grâce aux prélèvements fiscaux et sociaux auxquels sont assujetties les mises.

M. Jean-Paul Alduy s'est interrogé sur les moyens permettant de maîtriser l'offre de jeu en ligne. Il a demandé, à cet égard, si des mesures de régulation existent à l'échelle internationale.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si la Française des jeux deviendra un « opérateur comme les autres » après l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne et si les Etats ont les capacités techniques pour lutter efficacement contre l'offre illégale. Dans le cas contraire, les dispositions relatives à la lutte contre la fraude, contenues dans le projet de loi sur l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne, en cours d'examen au Parlement, risquent, en effet, de constituer une simple déclaration de principe. Il a également demandé si la Française des jeux envisage de déposer une demande de licence auprès de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) pour devenir opérateur de paris hippiques en ligne, comme le Parti mutuel urbain (PMU).

M. Christophe Blanchard-Dignac a indiqué que la décision d'une ouverture de capital relève du pouvoir des actionnaires et ne peut intervenir qu'à l'appui d'un projet industriel. Il a précisé que les émetteurs historiques, qui ont perdu leur rôle technique au sein de l'entreprise, n'en sont pas moins propriétaires de leur part de capital. Il a ajouté qu'étant favorable à toutes les formes d'intéressement des salariés au bénéfice de l'entreprise, il ne voit pas d'inconvénient à ce que la participation de ces derniers, qui s'élève déjà aujourd'hui à 5 %, soit augmentée.

Il a ensuite confirmé la perte importante de recettes subie par l'entreprise en raison des mesures prises pour limiter l'effet addictif du Rapido, pertes qui expliquent le recul du chiffre d'affaires de la société sur deux années consécutives, 2007 et 2008. De nouvelles formes de jeux, limitant au maximum les comportements addictifs tout en veillant à ne pas gêner les autres joueurs, ont été étudiées afin de compenser ces pertes. Il a précisé que, dans le secteur des jeux, le principe de précaution doit être pleinement appliqué afin que les risques de comportements addictifs soient limités.

S'agissant de la diminution des points de vente à l'horizon 2014, il a indiqué que si cette réduction est regrettable, il convient néanmoins de souligner qu'elle aurait pu être plus importante. Il a rappelé que la Française des jeux souhaite investir 120 millions d'euros, d'ici à 2012, pour moderniser son réseau de distribution.

En réponse à M. Jean-Pierre Fourcade sur l'encadrement du TRJ, M. Christophe Blanchard-Dignac a insisté sur l'équilibre délicat à trouver entre, d'une part, un TRJ bas qui dissuade les joueurs et limite l'addiction mais réduit les prélèvements fiscaux et sociaux et, d'autre part, un TRJ élevé qui encourage le jeu, accroît les recettes publiques, mais développe, dans le même temps, des comportements addictifs qui engendrent des dépenses de santé. Il a de nouveau indiqué que le montant cumulé des prélèvements publics auxquels la Française des jeux a été assujettie entre 2000 et 2008 s'est élevé à plus de 20 milliards d'euros.

Il a ensuite insisté sur la nécessité d'une régulation efficace de l'offre de jeu en ligne. Si la plupart des Etats ont conscience des difficultés posées par le développement d'Internet et tentent d'y apporter des solutions par l'interdiction ou la réglementation, une réponse européenne paraît néanmoins devoir être privilégiée.

Il a, par ailleurs, rappelé l'arrêt récent de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) - arrêt dit « Santa Casa » - qui précise qu'eu égard aux particularités liées à l'offre de jeux de hasard sur Internet, un Etat-membre est fondé à prendre toutes les mesures justifiées par l'objectif de lutte contre la fraude et la criminalité, reconnaissant ainsi la possibilité pour un Etat-membre d'interdire à des opérateurs établis dans d'autres Etats-membres, où ces opérateurs fournissent légalement des services analogues, de proposer des jeux de hasard par Internet sur son territoire. La lutte contre l'offre illégale ne doit pas être perçue comme un geste protectionniste, mais comme une mesure visant à protéger les joueurs.

En réponse à une question de Mme Nicole Bricq sur les sites immobiliers de la société, il a précisé que la Française des jeux est effectivement en train de revoir sa politique d'implantation. Cependant, ces projets immobiliers ne constituent pas aujourd'hui une priorité comparativement aux enjeux liés à l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne.

M. Christophe Blanchard-Dignac a indiqué que la Française des jeux ne deviendra pas un opérateur comme les autres et ne demandera pas de licence pour devenir opérateur de paris hippiques en ligne. Le PMU semble, en revanche, envisager de déposer une demande d'agrément pour les paris sportifs en ligne.

Répondant à M. Philippe Adnot sur la stratégie d'innovation de la Française des jeux, il a enfin indiqué que celle-ci souhaite à terme qu'un cinquième de son chiffre d'affaires soit consacré au développement de jeux nouveaux.

Présidence de M. Jean Arthuis, président, et de M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes

Contrôle budgétaire - Agences européennes - Communication

La commission a ensuite entendu une communication de M. Denis Badré sur les agences européennes.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que ce contrôle budgétaire a été conduit par M. Denis Badré conjointement au nom de la commission des finances et de la commission des affaires européennes.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes, a souligné la nécessité pour les parlements nationaux de s'emparer de la question des agences européennes, car celles-ci sont insuffisamment soumises au contrôle démocratique, notamment en matière budgétaire.

M. Denis Badré a insisté sur la multiplication des agences européennes et le coût considérable qu'elles induisent pour les finances de l'Union européenne (UE). Cette tendance pose la question de la place des agences dans les institutions communautaires et de leur pertinence au regard du principe de subsidiarité. Depuis quelques années, une discussion s'est ouverte au sein des institutions communautaires à ce sujet. En mars 2008, la Commission européenne a présenté une communication intitulée « Agences européennes - Orientations pour l'avenir », dans laquelle elle estime nécessaire d'ouvrir un débat sur le rôle et la place des agences dans l'UE. Par ailleurs, un rapport spécial de la Cour des comptes européenne, rendu public en juillet 2008, a mis en évidence la forte progression des moyens alloués aux agences et les lacunes dans l'évaluation de leurs activités.

M. Denis Badré a rappelé les auditions et les déplacements qu'il a effectués dans le cadre de son contrôle. A Bruxelles, il a rencontré le conseiller budgétaire de la Représentation permanente française, un membre du cabinet de la commissaire européenne en charge du budget, ainsi que dix fonctionnaires de différents services de la Commission européenne. A Lisbonne, il s'est rendu aux sièges de deux agences européennes, l'Observatoire européen des drogues et toxicomanies et l'Agence européenne de sécurité maritime. Un dernier déplacement l'a conduit à Angers, où se trouve l'Office communautaire des variétés végétales, qui présente la particularité d'être une agence autofinancée. Enfin, il a auditionné, à Paris, des responsables de la direction du Budget en charge des finances de l'UE, de la direction des Affaires maritimes et de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT), ainsi que la directrice de l'Agence européenne pour la sécurité des aliments, dont le siège se trouve à Parme.

Il a ensuite distingué trois catégories d'agences européennes :

- les agences de régulation, appelées également agences décentralisées car leurs sièges sont répartis sur le territoire de l'UE. Ces organismes, créés sans limitation de durée, sont ceux qui suscitent les plus grandes interrogations ;

- les agences exécutives, mises en place pour une durée déterminée par la Commission européenne dans le but d'exécuter un programme communautaire pour le compte de celle-ci, sous son contrôle et sa responsabilité. A la différence des agences de régulation, leur siège est généralement établi à Bruxelles ;

- les entreprises communes chargées de la mise en oeuvre de projets de recherche et l'Institut européen d'innovation et de technologie (IET).

Au total, M. Denis Badré a dénombré l'existence, à ce jour, de 43 agences européennes, dont 26 agences de régulation. Il a observé que leur multiplication s'accélère depuis les années 1990, sous l'effet de plusieurs facteurs, parfois conjugués :

- l'accroissement progressif des compétences de l'UE ;

- les élargissements successifs, chaque nouvel Etat membre revendiquant la présence d'une agence sur son territoire ;

- la survenue de crises majeures qui ont fait apparaître un besoin spécifique d'expertise et de sécurité à l'échelle européenne, en matière sanitaire ou écologique par exemple ;

- la recherche, enfin, d'une plus grande réactivité et d'une plus grande souplesse de gestion.

Il a souligné l'hétérogénéité de ces agences, qu'il s'agisse de leur taille, de leurs missions, de leur mode de financement, de leur positionnement institutionnel, de leur autonomie vis-à-vis de la Commission européenne ou de leurs relations avec les Etats membres. Il a relevé que la plus-value des agences européennes par rapport à l'échelon national est inégale : si certaines d'entre elles conduisent des missions spécifiques, absentes dans les États membres, leurs activités se contentent d'être, le plus souvent, complémentaires par rapport à celles des administrations nationales. Mais elles peuvent parfois gérer des activités conduites parallèlement à l'échelon national. Difficilement évitables, ces phénomènes de doublons existent également entre agences européennes elles-mêmes, en raison de recoupements de compétences.

Sur un plan budgétaire, l'augmentation considérable des moyens alloués aux agences européennes ne semble pas maîtrisée. En 2009, leurs budgets s'élèvent au total à près de 2 milliards d'euros, soit une croissance de 17 % par rapport à 2008. Au sein de cette somme, il convient de distinguer :

- les subventions provenant du budget communautaire, qui s'établissent à environ 1,28 milliard d'euros, dont 537 millions pour les seules agences de régulation ;

- les financements permis par des ressources propres, telles que des redevances.

La croissance rapide des agences européennes s'avère encore plus marquée en termes d'effectifs. Entre 2004 et 2009, leurs emplois ont crû de plus de 160 % pour atteindre le nombre de 6.500, soit près de 15 % du personnel de l'ensemble des institutions de l'UE. Une proportion importante de ces effectifs concernant des fonctions support, une plus grande mutualisation des moyens des agences européennes devrait être recherchée.

En matière de contrôle et d'évaluation des résultats obtenus par les agences européennes, M. Denis Badré a estimé que les dispositifs mis en place jusqu'à présent sont insuffisants, en particulier pour ce qui concerne les suites données aux conclusions des multiples rapports réalisés. Il a noté que le rapport spécial de la Cour des comptes européenne partage ce diagnostic. Les conseils d'administration des agences ne paraissent pas toujours tenir compte de ces critiques. Par ailleurs, alors que des cas de mauvaise gestion sont identifiés, le Parlement européen donne chaque année décharge à la Commission pour l'exécution du budget communautaire. Les agences, dont les crédits sont inscrits dans ce budget, pourraient, au moins, faire l'objet d'observations de la part du Parlement européen.

Toutefois, M. Denis Badré est convenu que la Commission européenne et le Conseil de l'UE semblent progressivement prendre conscience de la nécessité de rationaliser les moyens et le fonctionnement des agences.

D'une part, la Commission a annoncé, dans sa communication du 11 mars 2008, qu'elle procéderait à une évaluation approfondie des agences de régulation. Les résultats de celles-ci devraient être présentés d'ici la fin de l'année 2009 ou en 2010.

D'autre part, un groupe de travail interinstitutionnel sur les agences de régulation a été mis en place. Réunissant le Conseil de l'UE, le Parlement européen et la Commission européenne, il doit conduire à l'élaboration d'une approche commune applicable aux agences de régulation. C'est dans ce cadre que les principales décisions sur les agences devront être négociées. A cet égard, M. Denis Badré a plaidé pour que le gouvernement français reprenne les positions adoptées par le Sénat sur la place, le rôle et les missions des agences européennes.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que ce travail sur le phénomène d'agenciarisation de l'UE ouvre un immense chantier, nécessitant une coordination entre les rapporteurs de la commission des finances. Il a rappelé que l'audition par la commission, le 1er octobre 2009, de M. Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen, avait déjà permis d'identifier des marges de progression dans le domaine des agences européennes. Il s'est ensuite interrogé sur les critères retenus lors de la création d'une agence, en distinguant deux types de motifs : l'utilité avérée de l'organisme d'un côté, et la volonté de satisfaire la demande particulière d'un Etat membre de l'autre. Enfin, il a évoqué la question du pilotage politique des agences européennes.

M. Denis Badré a souligné la compétence et la légitimité technique des responsables des agences européennes. Il a cependant regretté leur autonomie particulièrement forte : certains responsables paraissent, en effet, définir largement leur champ d'activités, sans estimer devoir en rendre compte aux autorités de tutelle. L'absence de contrôle politique est particulièrement avérée dans le cas de l'articulation entre le niveau communautaire et le niveau national. Illustrant son propos de ses auditions du directeur des affaires maritimes et du président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie, M. Denis Badré a ainsi relevé que la participation de services nationaux spécialisés aux conseils d'administration d'une agence européenne donnée, liée à leur propre domaine d'expertise - en l'occurrence l'Agence européenne de sécurité maritime et l'Observatoire européen des drogues et toxicomanies - ne permet pas d'assurer un pilotage politique effectif.

M. Hubert Haenel, président, s'est inquiété de la prolifération des agences européennes, tant du point de vue du contrôle démocratique que de celui de leur coût financier pour le budget de l'UE. Il a ensuite fait observer que le traité de Lisbonne apportera des améliorations notables en matière de contrôle des agences puisqu'il rendra possible une association des parlements nationaux au Parlement européen. Il a établi un parallèle avec la faiblesse du contrôle démocratique sur les multiples structures placées auprès de la Commission européenne : les décisions, au nombre de 2.000 par an et souvent essentielles, prises par les 300 comités existants peuvent être parfois éminemment contestables, à l'image des affaires récentes concernant les profils nutritionnels et le vin rosé obtenu par coupage.

En outre, M. Hubert Haenel, président, a demandé que les parlementaires se saisissent des nouvelles opportunités offertes par le Règlement du Sénat. Au début de l'année 2010, la semaine sénatoriale de contrôle pourrait ainsi être utilisée pour obtenir du gouvernement qu'il indique les suites qu'il entend donner à la proposition de résolution du Sénat sur les agences européennes.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité que le rapport de M. Denis Badré fasse ressortir, pour le budget de chaque agence européenne, la part respective de la contribution communautaire et du produit des redevances perçues.

M. Denis Badré a mis l'accent sur l'hétérogénéité du mode de financement des agences européennes : la part respective de la subvention du budget communautaire et de leurs ressources propres est en effet très variable selon les cas. Il a également observé que les informations budgétaires relatives aux agences restent encore lacunaires, en dépit du constat de récents progrès.

M. Jean-Claude Frécon s'est étonné de l'ampleur des moyens consacrés aux agences européennes, ainsi que de la complexité de leur organisation. Il a fait valoir l'existence de doublons, notamment vis-à-vis des structures mises en place par le Conseil de l'Europe, par exemple la Pharmacopée européenne. Cet organisme lui apparaît en effet redondant par rapport à l'agence européenne du médicament. Il s'est ensuite interrogé sur la qualité d'expert accordée aux membres des comités placés auprès de la Commission européenne, faisant observer que de vrais spécialistes de la viniculture n'auraient jamais proposé le coupage des vins rouges et blancs pour obtenir du vin rosé. Enfin, il a estimé que la Commission européenne doit faire preuve d'une plus grande rigueur dans le domaine du recrutement du personnel des agences européennes.

Mme Nicole Bricq a relevé des similitudes entre le travail élaboré par M. Denis Badré et le contrôle qu'elle a conduit, en 2007, sur la sécurité sanitaire. La prolifération des agences, leur hétérogénéité et les risques de doublons sont ainsi des caractéristiques qu'elle avait déjà identifiées. Prenant l'exemple de la Direction générale santé et protection du consommateur de la Commission européenne, elle a ensuite souligné que l'autonomie des agences européennes dépend de la puissance de leur direction de tutelle au sein de la Commission. Enfin, évoquant les dispositions issues de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), elle a souhaité, d'une part, que des plafonds d'emplois soient prévus pour les agences européennes, à l'image de ceux imposés en France aux opérateurs de l'Etat par la loi de finances, et, d'autre part, que des contrats d'objectifs et de moyens soient conclus entre la Commission européenne et les agences européennes, à l'instar de ceux imposés aux opérateurs par leur ministère de tutelle.

M. Richard Yung s'est étonné que des experts nationaux siègent dans les conseils d'administration des agences européennes alors qu'ils travaillent dans des structures nationales qui, le cas échéant, peuvent se trouver en situation de concurrence avec ces agences. Il a illustré sa remarque en évoquant la composition du conseil d'administration de l'agence chargée de la protection des marques, dont le siège est à Alicante. Il a par ailleurs déploré, d'une part, la faible implication du ministère des affaires étrangères dans le contrôle des agences européennes et, d'autre part, le fait que le choix des sièges de celles-ci résulte le plus souvent de marchandages complexes entre les Etats membres. Il s'est interrogé, en outre, sur les formes que prend la coordination entre les agences européennes, ainsi que sur la possibilité, pour celles-ci, de rétrocéder leurs recettes lorsqu'elles sont supérieures aux dépenses.

M. Simon Sutour s'est inquiété de la faiblesse des contrepoids démocratiques dans l'UE, à commencer par celui que devrait en principe exercer le Parlement européen lui-même. Il a rappelé que le rôle des experts consiste d'abord à éclairer les responsables politiques, mais pas à prendre par eux-mêmes les décisions publiques. Il a donc plaidé pour un plus grand contrôle sur les activités des agences européennes. Ce contrôle ne saurait en effet se limiter à celui exercé par les seules directions générales de la Commission européenne.

M. Pierre Fauchon a indiqué que les résultats de l'enquête conduite par M. Denis Badré sont de nature à le rassurer : le bilan des agences européennes n'apparaît pas totalement négatif et des améliorations sont en cours en matière d'évaluation. Il a cependant jugé nécessaire d'aller plus loin dans le contrôle démocratique auquel les agences doivent être soumises. Il s'est, en outre, interrogé sur l'opportunité d'auditionner un commissaire européen à ce sujet.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les différences entre les agences de régulation et les agences exécutives.

En réponse à l'ensemble de ces questions, M. Denis Badré a apporté les précisions suivantes :

- à la différence des agences exécutives, dont la durée de vie est limitée et qui restent sous un contrôle permanent de la Commission européenne, les agences de régulation présentent à la fois un caractère durable et une autonomie marquée. Ce sont elles qui font l'objet d'un véritable débat, du point de vue de leur budget, de leur évaluation, ainsi que du respect du principe de subsidiarité ;

- l'articulation entre l'UE et le Conseil de l'Europe reste clairement insuffisante. Or, elle serait particulièrement pertinente en matière de protection des droits fondamentaux, ainsi que pour la politique de voisinage à l'égard des pays d'Europe orientale ;

- la mutualisation de certaines ressources au sein de services communs aux agences européennes pourrait porter sur les moyens généraux, tels que les ressources humaines ou la traduction. Cette mise en commun de fonctions supports semble surtout nécessaire pour les agences de petite dimension ;

- s'agissant de l'application du principe de subsidiarité, M. Denis Badré a estimé nécessaire de confier des compétences plus claires à l'UE et aux Etats membres ;

- il est, en outre, convenu de la faiblesse, dans certains cas, du contrôle démocratique au sein de l'UE, ce qui pose la question du renforcement des relations entre les parlements nationaux et le Parlement européen. A cet égard, il a relevé le rôle bénéfique de la conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) et préconisé d'améliorer encore le dialogue interparlementaire.

M. Denis Badré a ensuite présenté la proposition de résolution qu'il souhaite déposer au terme de son travail. Il a précisé qu'elle vise les seules agences de régulation.

Il a indiqué que la proposition de résolution demande l'encadrement des agences européennes par des lignes directrices ; l'établissement de critères pour déterminer le choix du siège des agences ; l'application des principes de discipline budgétaire et de bonne gestion financière ; la prise en compte des résultats de l'exécution du budget précédent lors de la procédure budgétaire de l'exercice suivant ; la mutualisation des moyens alloués au titre des fonctions support ; l'établissement d'un contrat d'objectifs et de moyens ; la mise en place d'instruments de contrôle de gestion ; la présentation de leurs activités, de leurs comptes et de leurs rapports de gestion selon des indicateurs communs permettant des comparaisons entre agences ; l'adoption de plans d'action visant à donner une suite aux conclusions des évaluations ; une meilleure implication des États membres dans le fonctionnement et le contrôle de ces agences via leurs représentants au sein des conseils d'administration des agences.

De plus, la proposition de résolution considère que l'évaluation horizontale entreprise par la Commission européenne doit procéder à un examen, d'une part, de la plus-value des agences par rapport à l'action des États membres, au regard du principe de subsidiarité, et, d'autre part, des éventuels recoupements de compétences entre agences, dans la perspective d'un rapprochement de certaines d'entre elles.

Enfin, elle invite le gouvernement à reprendre l'ensemble de ces préoccupations au sein du groupe de travail interinstitutionnel mis en place sur les agences de régulation.

M. Jean Arthuis, président, a précisé que la procédure d'adoption de la proposition de résolution nécessite un dépôt du texte par la commission des affaires européennes puis un examen dans un délai d'un mois par la commission saisie au fond, en l'occurrence la commission des finances. Il a ajouté qu'en cas d'absence de dépôt par celle-ci d'un rapport dans le délai imparti, le texte sera considéré comme adopté par elle, ce qui permettra ensuite à la proposition de devenir une résolution européenne du Sénat.

A l'issue de ce débat, la commission des finances et la commission des affaires européennes ont donné acte, à l'unanimité, à M. Denis Badré de sa communication, et en ont autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

La commission des affaires européennes a ensuite conclu, à l'unanimité, au dépôt de la proposition de résolution présentée par M. Denis Badré.

Prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée - Audition de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, président du Conseil des prélèvements obligatoires

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, président du Conseil des prélèvements obligatoires, sur le rapport du Conseil relatif aux prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée.

M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord rappelé que c'est à la demande de la commission des finances du Sénat que le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a rédigé un rapport dressant un état des lieux des prélèvements pesant sur les entreprises françaises. Dans une économie de plus en plus globalisée, il apparaît en effet judicieux de faire le point sur les prélèvements obligatoires qui affectent la production et, partant, l'attractivité du territoire et la compétitivité des entreprises et du travail. Il s'est félicité de l'éclairage précieux apporté aux travaux du Parlement par le rapport du Conseil.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, président du Conseil des prélèvements obligatoires, a tout d'abord insisté sur le contexte particulier dans lequel se sont déroulés les travaux du Conseil. Depuis la saisine de la commission des finances, voici un peu plus d'un an, la crise financière qui s'est transmise à l'économie réelle au deuxième semestre de 2008 a eu pour effet de faire vaciller les économies de pays qui avaient réussi leur adaptation à la mondialisation, tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni ou l'Irlande.

Il a ajouté que la très grande majorité des États a mis en place des plans de soutien au secteur financier et de relance de l'activité économique qui ont dégradé leurs finances publiques. Ce creusement du déficit et de la dette publique en 2009 a largement conditionné les pistes d'évolution proposées par le Conseil, car il paraît en effet difficile de proposer des allègements de prélèvements obligatoires au profit des entreprises, alors que les recettes fiscales ont fortement chuté, et que les comptes sociaux se sont nettement dégradés. Il a constaté, sur ce point, que le Conseil n'a pas été en mesure d'analyser la portée de la suppression annoncée de la taxe professionnelle, identifiée depuis de très nombreuses années comme un frein à l'investissement des entreprises et un handicap à l'exportation. En revanche, il a indiqué que le prochain rapport du Conseil, publié au début de l'année 2010 et consacré à la fiscalité locale, abordera cette question.

Revenant sur les termes de la saisine de la commission des finances, M. Philippe Séguin a rappelé qu'elle comportait trois axes principaux de réflexions : l'évaluation du poids des impôts et charges obligatoires pesant sur les coûts de production ; la mesure de leur impact sur les délocalisations d'activité et d'emplois hors du territoire national ; l'appréciation de la position concurrentielle des entreprises françaises en termes de taux d'imposition effectif et de poids des charges fiscales et sociales prélevées sur les salaires au niveau du SMIC.

Il a ensuite ajouté que cette demande était particulièrement ambitieuse et que le Conseil n'avait jamais eu à se pencher sur un périmètre aussi large. Les entreprises ont en effet supporté 327 milliards d'euros de prélèvements obligatoires en 2008 au sens de la comptabilité nationale. Elles auraient même acquitté près de 370 milliards d'euros si l'on élargit ce champ à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) que les entreprises ne peuvent déduire, aux taxes environnementales comme la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) ou à certaines charges qui ne sont pas comptabilisées dans les prélèvements obligatoires, telles que la plupart des taxes finançant l'apprentissage, la formation professionnelle ou l'effort de construction.

M. Philippe Séguin a expliqué que le Conseil a cherché à dresser des constats et dégager des pistes de réflexion susceptibles d'éclairer le débat parlementaire. Certains arbitrages relèvent en effet à l'évidence des autorités élues.

Il a ensuite exposé la méthodologie du Conseil lors de ses travaux. La structure et l'efficacité des prélèvements obligatoires en France ont été examinées au regard de deux impératifs : l'attractivité du territoire et la compétitivité des entreprises. La localisation des activités des entreprises fait intervenir de nombreux facteurs économiques, géographiques et politiques, tandis que la compétitivité est davantage centrée sur le tissu productif et la question des coûts de production.

M. Philippe Séguin a présenté les principaux constats de l'étude. Tout d'abord, le taux des prélèvements obligatoires sur les entreprises est, en France, plus élevé que chez la plupart de ses concurrents, et la part des prélèvements obligatoires des entreprises dans la richesse nationale y était supérieure de 5,7 points à la moyenne européenne en 2006. Cette situation traduit également une tendance à faire davantage reposer les prélèvements sur les entreprises que sur les ménages.

Ce niveau, élevé, s'est quasiment stabilisé depuis 1985, surtout au cours de la période récente grâce à des allègements massifs consentis aux entreprises. En 2007 et 2008, elles ont ainsi bénéficié de près de 12 milliards d'euros de réduction de prélèvements obligatoires, principalement au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle. Les dispositions des lois de finances pour 2009 et 2010 amplifient ce phénomène, en supprimant notamment l'imposition forfaitaire annuelle et, bientôt, la part « équipements et biens mobiliers » de la taxe professionnelle.

Toutefois, il a relevé que les entreprises n'ont pas la même sensibilité à ces prélèvements selon leur taille, leur secteur d'activité ou la pression exercée par la concurrence internationale.

Par ailleurs, en termes d'attractivité, la France a privilégié une stratégie de maintien d'un taux d'imposition des bénéfices élevé, compensé par des mesures de réduction de son assiette. Sa position est dès lors paradoxale : elle affiche le deuxième taux d'impôt sur les sociétés le plus élevé de l'Union européenne alors que, pourtant, le niveau de taxation des bénéfices rapporté à la richesse nationale en France est un des plus faibles de l'Union européenne. Cette apparente contradiction s'explique par les nombreuses mesures d'assiette consenties qui ont « mité » la base taxable. M. Philippe Séguin a illustré son propos en citant notamment le régime favorable de la fiscalité de groupe, les mesures destinées à favoriser le capital-investissement ou celles visant à soutenir les activités de recherche et développement.

Il a noté que cette stratégie permet à la France d'être attractive pour certaines de ces activités, mais qu'elle l'isole par rapport aux autres grands pays européens et n'apparaît pas toujours porteuse de croissance. S'agissant de l'attractivité globale de la France, le diagnostic est nuancé. Pour ce qui concerne les choix de localisation des investissements, il a considéré que la France dispose d'atouts comme l'importance de son marché, sa situation géographique au coeur de l'Europe, la qualité de ses infrastructures et la qualification et la productivité de sa main d'oeuvre. Mais il a insisté sur le fait que le taux facial élevé de l'imposition des sociétés, qui constitue de fait la vitrine du système fiscal, est assurément un signal négatif, les grands pays européens ayant tous réduit leur taux au cours des dernières années en élargissant l'assiette taxable, comme l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni. Or la France est en concurrence avec ces importants pays d'Europe pour attirer les investissements internationaux.

En outre, le président du Conseil des prélèvements obligatoires a assuré que la France pâtit d'un système fiscal et social complexe dans lequel l'instabilité des dépenses fiscales ou celle des exonérations générales de cotisations sociales ne permet pas aux entreprises de fonder leur stratégie sur des allègements considérés comme durables. En revanche, dans les secteurs que la France a ciblés, il a indiqué qu'elle apparaît très attractive en offrant, par exemple, le deuxième régime le plus favorable en Europe en matière de recherche et développement derrière l'Espagne, et en confirmant sa position de pays le plus attractif pour le capital investissement.

M. Philippe Séguin a toutefois expliqué que les effets de ces allègements sur l'activité économique sont incertains. Citant le crédit impôt recherche, il a estimé qu'il constitue par son ampleur une baisse déguisée du taux de l'impôt sur les sociétés, qui est, de fait, ciblé sur les grandes entreprises. Un tel dispositif ne permet pas de soutenir l'innovation dans les petites et moyennes entreprises (PME), ce qui constitue une faiblesse de la France par rapport aux Etats-Unis d'Amérique.

Par ailleurs, il a souligné la multiplication des régimes particuliers qui favorise l'optimisation fiscale. Or, celle-ci est davantage pratiquée par les grandes entreprises que par les PME, qui ont pourtant besoin de croître.

En matière de compétitivité, M. Philippe Séguin a estimé que les performances à l'exportation de la France sont en recul, sans que l'on puisse en attribuer la responsabilité aux seuls prélèvements obligatoires sur les coûts de production. Notre pays est tout d'abord une économie largement ouverte aux échanges internationaux. Ces derniers occupent ainsi une place deux fois plus importante dans la richesse nationale qu'aux États-Unis ou au Japon, mais sont cependant moins prégnants qu'en Allemagne. La France dispose en outre d'une bonne spécialisation industrielle et d'avantages comparatifs dans les services, essentiellement grâce au tourisme.

Mais de nombreux indicateurs attestent d'une perte de compétitivité : depuis 2003, la France a cédé des parts de marché par rapport aux autres pays de l'OCDE et de l'Union européenne (UE), et ses positions en matière de haute technologie et de haut de gamme se sont érodées depuis 1995 ; le déséquilibre de sa balance commerciale s'est accentué continument depuis 2002, en raison d'un ralentissement de ses exportations ; sa compétitivité-coût s'est dégradée, ce qui signifie que ses coûts de production augmentent plus vite que ceux des pays de l'OCDE et de l'UE ; elle n'a maintenu sa compétitivité-prix par rapport à ces pays que du fait d'une réduction des marges des entreprises.

Si l'on se penche sur les seuls prélèvements obligatoires, M. Philippe Séguin a relevé que la France fait reposer plus de 80 % de ces prélèvements sur les coûts de production des entreprises. Cependant, cette forte taxation doit être relativisée au regard du coût complet du travail, qui est déterminant notamment pour les opérations de délocalisation.

Dès lors, une baisse même sensible des prélèvements obligatoires ne permettrait pas à la France d'être compétitive par rapport aux pays en développement. Ainsi, le coût horaire industriel moyen en France a été évalué à environ 25 dollars en France en 2006, contre 5 dollars en Pologne, ou 50 centimes au Sri Lanka. Dans ces conditions, il a jugé peu surprenant l'échec des dispositifs fiscaux destinés à lutter contre les délocalisations.

Par ailleurs, il a considéré que le niveau de ces prélèvements n'est pas un handicap dirimant face aux grands pays développés : le coût moyen du travail en France reste en effet plus faible qu'en Allemagne, au Royaume-Uni ou au Danemark, malgré des cotisations patronales plus élevées. Les résultats sont les mêmes si l'on prend en compte la productivité du travail. Il a fait valoir que c'est surtout la structure des prélèvements qui ne favorise pas les entreprises confrontées à la concurrence internationale.

En effet, le soutien à la compétitivité des entreprises devrait passer par un allègement des charges pesant sur le travail qualifié et sur le facteur capital. Les prélèvements obligatoires devraient par ailleurs favoriser l'émergence d'entreprises de taille intermédiaire.

Or, il a observé que la France a choisi, depuis une vingtaine d'années, d'orienter prioritairement ses allègements de prélèvements obligatoires vers le soutien à court terme de l'emploi peu qualifié et, dans la période récente, vers le soutien aux revenus des salariés. Ainsi, ce sont environ 45 milliards de réduction de prélèvements obligatoires qui ont été mobilisés en 2008 en faveur de ces objectifs, par le biais des allègements généraux, des allégements ciblés et des exemptions de cotisations sociales, mais également des taux réduits de TVA pour certains secteurs intensifs en main d'oeuvre.

Ces choix conduisent à terme à privilégier des secteurs intensifs en main d'oeuvre peu qualifiée, protégés de la concurrence internationale mais n'offrant ni compétitivité à l'exportation ni potentiel de gains de productivité.

En revanche, la prise en compte des impératifs d'attractivité et de compétitivité dans un monde de plus en plus concurrentiel est plus récente. Elle peut être datée de 2004-2005 et est davantage orientée vers la compétitivité industrielle à l'exportation, qui permet à l'économie de tirer profit des gains de productivité structurellement plus élevés que dans les services. Enfin, M. Philippe Séguin a relevé que des allègements du coût du capital ont été accordés par des réformes successives de la taxe professionnelle mais que la taxe foncière sur les propriétés bâties continue à désavantager l'industrie par rapport aux entreprises commerciales, faute de révision générale des valeurs locatives.

Il a jugé que le recours à la fiscalité et l'allégement des prélèvements sociaux des entreprises à des fins de politique économique n'ont pas toujours démontré leur efficacité. Au regard de la politique de l'emploi tout d'abord, les effets des taux réduits de TVA sur certains secteurs intensifs en main d'oeuvre ne sont pas démontrés, ce qui conduit le Conseil des prélèvements obligatoires à se montrer réservé sur le respect des engagements d'embauche des restaurateurs en contrepartie du taux réduit entré en vigueur en juillet 2009.

Il a ajouté que les allègements généraux de cotisations sociales ont eu un impact positif sur le coût du travail au niveau du SMIC et ont permis de stabiliser la part de l'emploi non qualifié dans la population active, mais que, en revanche, ils n'ont guère profité aux secteurs exposés à la concurrence internationale qui emploient une main d'oeuvre plus qualifiée. Au contraire, ils ont rendu les cotisations patronales fortement progressives à mesure que le revenu s'élève, ce qui pourrait nuire à terme à la productivité du travail.

En matière de structuration du tissu productif enfin, il a estimé que les entreprises de taille intermédiaire, qui manquent cruellement à la France pour améliorer ses capacités exportatrices, sont plus taxées au titre des cotisations sociales que les PME et que les grandes entreprises.

Au regard de ces constats, M. Philippe Séguin, a souhaité dégager quelques pistes de réflexion pour orienter davantage les prélèvements obligatoires des entreprises en faveur de l'attractivité du territoire et de la compétitivité des entreprises. Dans le contexte actuel des finances publiques, il convient de trouver à l'avenir un juste équilibre entre une politique de soutien à l'emploi, notamment en faveur des travailleurs les moins qualifiés, et une politique davantage axée sur la compétitivité des entreprises. La poursuite concomitante de ces deux politiques et à leur niveau actuel, n'apparaît, en effet, pas soutenable financièrement. Mais les arbitrages devront tenir compte des conséquences de court terme sur l'emploi d'une remise en cause de certains allègements.

M. Philippe Séguin a tout d'abord jugé nécessaire de mieux connaître les prélèvements obligatoires des entreprises, notamment s'agissant de certaines taxes qu'elles acquittent solidairement avec les ménages. L'approche des prélèvements obligatoires en France est, de manière traditionnelle, plus juridique qu'économique, à la différence notamment des pays anglo-saxons. Alors que la concurrence économique est de plus en plus forte et internationalisée, cette lacune pourrait s'avérer préjudiciable au bon pilotage des prélèvements.

Il a ensuite estimé qu'il faut cesser de rechercher une assiette miracle. Les débats sur le transfert des impôts et charges pesant sur les coûts de production vers d'autres assiettes jugées moins pénalisantes pour l'activité économique ont été récurrents en France ces dix dernières années. S'il existe en effet des assiettes plus favorables à l'activité que d'autres, en particulier celles qui ne pèsent pas sur les coûts de production, en revanche aucune « assiette miracle » n'a été malheureusement identifiée pour prélever une recette dynamique sur les entreprises ou sur les ménages sans effet négatif sur l'activité.

Le recours à des assiettes substitutives présente au demeurant des risques propres tels que l'évasion du capital et le découragement de l'investissement en cas de taxation trop forte du capital, les effets inflationnistes de court terme, voire persistants, en cas de taxation de la consommation, ou encore le risque d'effet dépressif sur la demande en cas de taxation des revenus des ménages. Enfin, la position concurrentielle d'une économie en perte de compétitivité ne saurait non plus être durablement améliorée par un simple basculement d'assiette, l'évolution des salaires finissant en réalité par absorber la baisse des charges.

M. Philippe Séguin a donc souhaité que les bases larges et les taux bas soient privilégiés. Les gouvernements successifs ont utilisé de manière croissante les impôts et charges sociales comme levier de la politique économique, alors que nos principaux concurrents ont plutôt privilégié une plus grande neutralité des prélèvements obligatoires à l'égard de l'activité. Or, l'efficacité de ces politiques est peu évaluée et n'est pas toujours démontrée. Il conviendrait sûrement de s'interroger sur le maintien de certains dispositifs, qui favorisent peu l'attractivité du territoire et la compétitivité des entreprises.

Il a ainsi estimé que l'assiette de l'impôt sur les sociétés pourrait être élargie, permettant une baisse du taux facial. La suppression de la part de la taxe professionnelle pesant sur les équipements pourrait permettre de réduire concomitamment les avantages de l'amortissement dégressif, ou d'aligner les durées d'amortissement sur celles des grands pays européens. De même, la déductibilité des intérêts d'emprunts pourrait être plafonnée, et le niveau de détention du régime mère et fille augmenté pour favoriser des participations véritablement « opérationnelles », plutôt que des montages financiers. Le bénéfice de l'exonération des plus-values de titres de participation pourrait être exclu pour les titres de sociétés situées dans un pays à fiscalité privilégiée, à l'image des dispositions prises en Belgique et en Italie, afin de limiter la fraude fiscale. Un réexamen du régime des groupes pourrait également permettre de limiter certaines opérations qui réduisent l'assiette taxable.

S'agissant de la fiscalité locale, il a jugé souhaitable que la réforme de la taxe professionnelle soit précédée d'une révision des valeurs locatives permettant ainsi une plus grande équité entre les entreprises commerciales et les entreprises industrielles.

En matière de prélèvements sociaux, il a indiqué que le Conseil des prélèvements obligatoires recommande de s'interroger sur l'ensemble des dispositifs d'allègements, de cotisations et d'exemptions d'assiette qui représentent l'équivalent de 6,6 points de cotisations vieillesse déplafonnées. Il a souligné qu'une baisse uniforme des taux serait plus profitable aux secteurs exposés à la concurrence internationale. Elle serait possible à prélèvements constants si l'on réduit les dispositifs dérogatoires, mais avec des conséquences difficiles sur le niveau du coût du travail au voisinage du SMIC, et donc sur l'emploi faiblement qualifié.

M. Philippe Séguin a insisté sur l'idée qu'il faut favoriser l'émergence d'entreprises de taille intermédiaire. Ces entreprises sont en effet globalement défavorisées par la structure des prélèvements obligatoires, notamment au titre de l'impôt sur les sociétés pour celles qui ne sont pas fiscalement intégrées dans un groupe, ou au regard de leur taux d'assujettissement aux cotisations sociales. L'élévation du plafond du bénéfice donnant droit au taux réduit d'impôt sur les sociétés favoriserait la croissance des entreprises et l'augmentation de leurs fonds propres, en combinant ce taux réduit avec un mécanisme de complément d'imposition en cas de distribution.

Il a ensuite estimé qu'il faut simplifier et stabiliser les prélèvements obligatoires. L'instabilité actuelle des mesures fiscales et sociales en faveur des entreprises ne leur permet pas d'élaborer des anticipations durables et réduit sans doute l'effet recherché de ces dispositifs, notamment en matière d'incitation à l'embauche. Les règles de gouvernance des dépenses fiscales et des niches sociales instituées par la loi de programmation des finances publiques 2009-2012 prévoient notamment une double règle, dite de gage, qui oblige tout d'abord à compenser à due concurrence le coût des créations ou extensions de dispositifs dérogatoires par une réduction d'autres dispositifs de ce type et elle impose, ensuite, de compenser le coût des mesures nouvelles par l'augmentation d'autres recettes. M. Philippe Séguin a salué l'adoption de ces dispositifs vertueux et a vivement souhaité qu'ils soient appliqués.

Il s'est prononcé ensuite en faveur d'une amélioration de la lisibilité des prélèvements sociaux. L'allègement général dégressif sur les bas salaires se présente comme une dérogation aux taux de droit commun, moins lisible et moins garanti pour les investisseurs internationaux qu'un système où les taux réduits de cotisations sociales seraient intégrés dans le mode de calcul des cotisations. Mais, sans aller jusqu'à une « barémisation » très complexe des allègements généraux, il pourrait être utile de communiquer aux entreprises leur taux effectif d'assujettissement moyen, comme cela se pratique désormais en matière d'impôt sur le revenu.

M. Philippe Séguin a jugé qu'il convient de laisser moins de place à l'optimisation, aujourd'hui favorisée par la complexité du système de prélèvements obligatoires qui offre des opportunités aux entreprises pour réduire leurs prélèvements fiscaux et sociaux. En contrepartie de ces possibilités d'optimisation ainsi offertes aux entreprises, la loi pourrait mettre en place des procédures d'encadrement et de suivi plus opérationnelles. En matière fiscale, il a suggéré que la France impose une obligation de dévoiler les schémas d'optimisation utilisés par les entreprises, ce qui permettrait une meilleure connaissance de ces pratiques, et une plus grande capacité pour le législateur de circonscrire les schémas les plus excessifs. En matière de prélèvements sociaux, il a évoqué la piste d'une annualisation du calcul des allègements généraux, afin d'éviter les pratiques de certains employeurs qui versent des rémunérations sur plus de douze mois, permettant à un salaire de bénéficier pendant onze mois d'allègements au niveau maximal alors que la rémunération annuelle, lissée sur douze mois, est nettement supérieure. Il a noté que cette pratique est très répandue dans certains secteurs, comme dans le secteur financier, le conseil et l'assistance mais est, à l'inverse, rare dans l'industrie.

Enfin, il a estimé que la mise en place d'une assiette fiscale consolidée au niveau européen aura un effet majeur en matière de concurrence fiscale, mais n'est sans doute réalisable qu'à moyen ou long terme, compte tenu de l'ampleur du chantier et de la résistance de nombreux Etats-membres.

Dans l'attente, il a constaté que l'harmonisation fiscale est imposée par la jurisprudence communautaire qui, au nom du respect du principe de liberté d'établissement, conduit à la révision par strate des législations nationales. Une approche plus pragmatique de la coopération européenne, centrée sur des thématiques précises, pourrait permettre d'harmoniser, par exemple, le traitement des actifs incorporels ou des amortissements.

En conclusion, M. Philippe Séguin a noté que la conciliation d'un objectif d'amélioration de l'attractivité et de la compétitivité française avec l'impératif de redressement des finances publiques ne peut résulter de la seule modification de la structure des prélèvements obligatoires. Elle appelle aussi des efforts de limitation de la dépense publique. A cet égard, il a considéré qu'il n'apparaît ainsi pas d'une grande efficacité de présenter un taux de prélèvements obligatoires sur les entreprises élevé par rapport aux autres pays, tout en leur octroyant des aides économiques massives, évaluées à près de 65 milliards d'euros et dispersées sur plus de 6 000 dispositifs.

Il a estimé que le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires démontre à quel point sont assignés à la fiscalité et aux prélèvements sociaux des objectifs foisonnants et parfois contradictoires, comme par exemple la recherche d'un rendement budgétaire pour les collectivités publiques, la lutte contre le chômage, le renforcement du tissu productif français, l'encouragement des exportations ou encore l'attraction des activités sur notre territoire. Tous ces objectifs ne peuvent se situer sur un pied d'égalité.

M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord rappelé que c'est la commission des finances du Sénat qui avait souhaité la transformation du Conseil des impôts en Conseil des prélèvements obligatoires. En effet, alors que le budget de la protection sociale est supérieur à ceux cumulés de l'Etat et des collectivités territoriales, il est apparu important d'étendre le champ de compétence de cet organisme. Il a également considéré qu'il appartiendra au législateur de tirer toutes les conséquences des constats et des préconisations exposés dans le rapport.

Il s'est ensuite interrogé sur le fait de savoir s'il existe des impôts de production qui ne sont pas, in fine, supportés par les consommateurs. Il a souhaité savoir s'il ne fallait pas en tirer toutes les conséquences en privilégiant les assiettes pesant directement sur les citoyens, au travers d'impôts sur le patrimoine, d'impôts de consommation ou d'impôts sur les revenus.

M. Philippe Séguin a expliqué que les recherches économiques en matière d'incidence fiscale permettent de connaître les contribuables qui supportent effectivement le coût économique d'une taxe. Sur le plan théorique, on peut penser qu'en économie ouverte les salariés sont perdants à l'instauration d'une taxe sur le bénéfice. En effet, la mobilité du capital permet d'échapper à la taxe et d'en faire dévier la charge sur les salariés. Cette analyse repose toutefois sur le présupposé, qui n'est pas vérifié empiriquement, de la parfaite mobilité du capital. Les vérifications économétriques confirment cependant largement ces conclusions même si l'importance des transferts est très variable. Ainsi, une récente étude de l'université d'Harvard démontre qu'entre 45 % et 75 % de l'impôt sur les sociétés est payé, in fine, par le travail. Les variations de TVA devraient, en principe, être neutres pour les entreprises. On constate cependant, en France notamment, qu'elles ont récupéré, ces dernières années, une partie de la baisse des taux de TVA. Par conséquent, l'idée selon laquelle taxer les entreprises ou les ménages serait absolument identique d'un point de vue économique n'est pas tout à fait exacte : elle n'est pas totalement vérifiée et elle varie selon les pays et les types de taxes considérés.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a interrogé le Premier président de la Cour des comptes sur la suppression de la taxe professionnelle qu'il est proposé de remplacer partiellement par un impôt sur les entreprises assis sur la valeur ajoutée. Il s'est demandé ce qui pouvait en être attendu en termes de compétitivité et s'il n'était pas contradictoire de conduire une politique d'allègements de charges sur les salaires et, simultanément, de créer un impôt sur la valeur ajoutée, celle-ci étant constituée pour les deux tiers environ par des salaires ?

Il s'est ensuite étonné que, malgré les critiques formulées sur certains taux réduits de TVA, le Conseil des prélèvements obligatoires ne préconise finalement pas de les supprimer.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a également évoqué une étude en cours, conduite à la demande de la commission des finances, par un prestataire extérieur, sur l'impact des nouvelles technologies, comme par exemple le commerce électronique, sur les assiettes d'impositions liées à l'activité économique. Il a souhaité savoir si le Conseil des prélèvements obligatoires a l'intention de travailler sur cette question.

Rappelant les travaux de M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi », M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté que les allègements de charges patronales constituent une part très importante des dépenses fiscales et s'est demandé si leur réduction peut être considérée comme une piste opérationnelle pour réduire le recours à l'endettement.

Sur la réforme de la taxe professionnelle, M. Philippe Séguin a tout d'abord estimé qu'il lui est difficile de s'exprimer sur une réforme qui n'existe pas encore. Il a indiqué que cette question sera abordée par le prochain rapport du Conseil des prélèvements obligatoires consacré à la fiscalité locale. Il a toutefois estimé que cette réforme devrait alléger massivement l'imposition des entreprises industrielles. Elle offre également un effet d'aubaine pour les secteurs abrités de la concurrence tels que la construction ou les services aux particuliers.

L'assiette « valeur ajoutée », qui présente les avantages d'être une assiette très large, permettant ainsi un rendement élevé avec un taux faible, est neutre à l'égard du capital et du travail et évolue en fonction du taux de croissance de l'économie. En revanche, elle est par nature nationale, ce qui risque de distendre le lien fiscal entre les collectivités territoriales et les entreprises. Elle reste également un impôt de production et a pour effet de transférer, dans le projet envisagé, une part de la taxation du capital vers le facteur travail. Elle n'allège donc pas véritablement les coûts de production.

M. Philippe Séguin a ajouté que la répartition de la valeur ajoutée selon les secteurs d'activité est très hétérogène et montre une concentration sur l'industrie qui représente 35 % de la valeur ajoutée des entreprises non financières.

Sur la question des taux réduits de TVA, M. Philippe Séguin a souhaité que le Parlement tire toutes les conséquences des constats présentés dans le rapport du Conseil, rappelant que celui-ci reste circonspect quant aux effets bénéfiques attendus du taux de 5,5 %, notamment dans le domaine de la restauration.

Sur la question de l'impact des nouvelles technologies sur l'assiette fiscale, M. Philippe Séguin a indiqué qu'il s'agit là d'un vrai sujet, que le Conseil des prélèvements obligatoires aurait intérêt à explorer. Il apparaît évident, à première vue, qu'il existe une érosion des assiettes.

En ce qui concerne la remise en cause des allègements généraux de charges sociales, M. Philippe Séguin a rappelé que leur montant s'élève à 21 milliards d'euros, dont près de 3 milliards pour les heures supplémentaires et le rachat des heures de réduction du temps de travail (RTT). Ces dispositions sont plus favorables aux petites entreprises et aux secteurs abrités. Mais elles ne le sont pas assez pour les PME qui cherchent à se développer.

Il a estimé que le Parlement est seul juge de l'équilibre à définir entre la défense de la compétitivité des entreprises et le soutien à l'emploi mais que, en tout état de cause, il n'apparaît pas possible de poursuivre les deux objectifs concomitamment. Le choix politique se situe entre la compétitivité et une préférence pour le court ou le moyen terme.

M. Jean-Jacques Jegou a déploré l'incapacité française, contrairement à l'Allemagne par exemple, à faire grandir les PME. Il a regretté que le système fiscal et de prélèvements sociaux crée des trappes à bas salaires qui empêchent de nombreux Français de vivre correctement de leur travail. Il a vivement souhaité que les bases fiscales des impôts locaux soient révisées le plus rapidement possible.

M. Philippe Séguin a tout particulièrement insisté sur le caractère incontournable de cette réforme pour des motifs d'équité et d'efficacité économique. La mise en oeuvre effective de la révision des bases n'est pas insurmontable, même s'il est clair qu'il y aura des gagnants et des perdants.

M. Joël Bourdin a constaté la dégradation croissante de l'équilibre de la balance commerciale entre la France et l'Allemagne au détriment de notre pays et s'est demandé si le Conseil des prélèvements obligatoires a analysé les différences du coût du travail entre les deux pays.

M. Maximilien Queyranne, rapporteur général du Conseil des prélèvements obligatoires, a indiqué que le rapport aborde cette question et que le coût moyen d'une heure de travail en France est de 25,25 euros contre 27,80 euros en Allemagne. Si la France prélève un total de cotisations patronales plus élevé, les salaires distribués sont plus faibles. On constate ainsi un effet-substitution entre salaires et cotisations patronales.

M. Jean Arthuis, président, a remarqué que les montants cités constituent des valeurs moyennes et que le coût du travail qualifié, déterminant pour la compétitivité des entreprises, est, en réalité, davantage imposé en France. Les allègements de cotisations patronales dont bénéficient les emplois non qualifiés apparaissent d'autant moins justifiés que ces derniers ne sont en général pas délocalisables.

M. Maximilien Queyranne a confirmé que les cotisations employeurs représentaient, en 2006, 21 % du salaire médian en Allemagne contre 42 % en France et que, de fait, la France a choisi d'alléger les prélèvements sur le travail non qualifié.

M. Philippe Séguin a estimé que, en matière de rééquilibrage des comptes publics, il y a peu à attendre de la baisse du nombre de fonctionnaires et qu'il convient donc de s'intéresser en premier lieu aux dépenses d'intervention.

M. Jean-Pierre Fourcade a salué la qualité du rapport remis à la commission. Constatant que la législation est complexe et instable, il a jugé qu'il est effectivement très difficile pour les entreprises d'adopter un plan de développement alors que les paramètres fiscaux sont affectés de changements incessants. Il s'est demandé s'il est envisageable de prévoir une réforme institutionnelle qui permettrait de découpler l'examen des mesures budgétaires et des mesures fiscales, le budget conservant son caractère annuel et la loi fiscale étant adoptée et révisée selon un rythme triennal.

M. Philippe Séguin s'est déclaré séduit par cette idée mais a douté que trois ans constituent un délai suffisant pour réduire le sentiment d'instabilité qui prévaut aujourd'hui. Il a rappelé que les chefs d'entreprises et les investisseurs étrangers détestent par-dessus tout l'incertitude.

Mme Catherine Démier, secrétaire générale du Conseil des prélèvements obligatoires, a souligné à son tour à quel point l'instabilité et le foisonnement de la norme fiscale constituent un inconvénient majeur pour les petites entreprises, la complexité favorisant les grandes structures, qui adoptent des stratégies d'optimisation fiscale, alors que les PME sont désarmées sur ce terrain.

M. Jean Arthuis, président, a noté que l'optimisation fiscale engendre le développement d'une véritable « industrie » qui met en péril l'équilibre des finances publiques.

M. Christian Gaudin a évoqué les travaux qu'il conduit, en qualité de rapporteur spécial des crédits de la recherche et de l'enseignement supérieur, sur le crédit d'impôt recherche et sur l'impact de sa réforme en 2008. Deux constats peuvent d'ores et déjà être dressés : le crédit d'impôt recherche bénéficie principalement aux grandes entreprises ; les entreprises de services bénéficient plus que l'industrie de ce dispositif.

M. Philippe Séguin a rappelé que ce sujet préoccupe la Cour des comptes depuis plusieurs années.

M. Yann Gaillard s'est demandé s'il est envisageable d'exclure certaines branches professionnelles du bénéfice du crédit d'impôt recherche.

M. Maximilien Queyranne a souligné que le rapport du CPO tente de dresser un premier bilan de la réforme de 2008, qui se traduit par une montée en charge progressive du coût du dispositif. Il a indiqué que les analyses sectorielles montrent que le crédit d'impôt recherche, évalué en volume, a plutôt tendance à avantager le secteur tertiaire, même si des difficultés statistiques empêchent une lisibilité fine de ses effets.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui évoquait les 6 000 dispositifs permettant de dispenser 65 milliards d'euros d'aides publiques aux entreprises mentionnées en conclusion du rapport du CPO, M. Philippe Séguin a répondu que les allègements de charges correspondent à près de la moitié de ce montant.