Mardi 23 juin 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 - Audition de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de loi de règlement des comptes et le rapport de gestion pour l'année 2008.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la mission « Culture », a rappelé que les dépenses fiscales culturelles ont progressé sept fois plus vite que la norme de progression des dépenses du budget général en 2008, pour atteindre 359 millions d'euros en 2008. Il s'est demandé pourquoi la réduction d'impôt accordée au titre du « mécénat de droit commun » n'est pas comptabilisée dans le rapport annuel de performances, comme le note la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire. Le produit de cette dépense fiscale est évalué entre 100 et 200 millions d'euros.

Par ailleurs, il a souhaité savoir si l'évaluation des dépenses fiscales pourrait être améliorée. Notant que le rendement de dix d'entre elles n'est pas connu, il a rappelé que le Conseil des impôts préconise la suppression des dépenses fiscales non évaluées ou dont l'efficacité est incertaine.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a indiqué que la forte progression des dépenses fiscales culturelles repose sur la réévaluation, peut-être excessive, du produit de deux d'entre elles : la suppression du prélèvement de 20 % sur les capitaux décès lorsque le bénéficiaire est exonéré de droits de mutation à titre gratuit en cas de dons aux associations culturelles, d'une part, et la réduction d'impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant effectué des versements en faveur de l'achat de Trésors nationaux et autres biens culturels spécifiques, d'autre part.

Elle a précisé que les dépenses relatives au mécénat de droit commun ne peuvent pas être comptabilisées, les imprimés fiscaux ne permettant pas de distinguer l'effort consenti par les entreprises en faveur du mécénat culturel. Pour obtenir une évaluation plus fiable et précise de ce type de dépense fiscale, une étude a été demandée au centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP), ainsi que l'adaptation des imprimés fiscaux.

Mme Christine Albanel a observé que les dépenses fiscales dont le montant est faible ou non mentionné dans le rapport annuel de performances, annexé au projet de loi de règlement, ont un effet de levier auquel la politique culturelle ne peut renoncer.

M. Yann Gaillard a constaté que des efforts de rationalisation de la mesure des dépenses fiscales sont entrepris.

M. Jean Arthuis a souligné le développement du mécénat culturel en France, et a souhaité que ce phénomène soit analysé plus finement.

Mme Christine Albanel a appelé de ses voeux une meilleure appréhension de ces dépenses fiscales, afin de poursuivre l'effort d'information du Parlement. Elle a indiqué que le mécénat culturel bénéficie de 975 millions d'euros de dépenses fiscales par an.

M. Yann Gaillard a ensuite abordé la question de la soutenabilité de la politique culturelle, remarquant que le solde des engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2008 est inférieur de 9,927 millions d'euros à celui des engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2007. Cette diminution, bienvenue, démontre que le ministère de la culture tente de desserrer la contrainte de soutenabilité qui pèse sur ses engagements, mais le niveau du solde des engagements non couverts par des paiements à la fin de l'année 2008 atteint 1,37 milliard d'euros, ce qui représente 40,34 %, soit presque la moitié, des crédits de paiement consommés au cours de l'année 2008.

M. Yann Gaillard a demandé si la soutenabilité de la politique culturelle n'a pas été améliorée au détriment des investissements, notamment dans le domaine du patrimoine. Il a souhaité savoir si, dans certains domaines de l'action culturelle, le problème des « restes à payer », c'est-à-dire de dettes non honorées, perdure.

Mme Christine Albanel a précisé que la soutenabilité de la mission « Culture » a progressé grâce à la maîtrise des engagements du ministère, qui se traduit par la consommation de 91 % seulement des autorisations d'engagement ouvertes en faveur du programme « Patrimoines ». Les restes à payer ont diminué de 22 % entre 2007 et 2008, passant de 951 à 744 millions d'euros. La couverture des restes à payer n'est donc plus une question préoccupante : elle correspond à la durée de vie des investissements que financent le ministère et ses services extérieurs.

M. Yann Gaillard s'est félicité que cette problématique soit désormais au coeur des préoccupations et des priorités de gestion du ministère. Il a ensuite rappelé que le plan de relance compte 1 000 chantiers, dont 260 sont des chantiers culturels. Il a souhaité savoir comment se déroule leur mise en oeuvre.

Mme Christine Albanel a indiqué que le volet culturel du plan de relance avance à un rythme satisfaisant dans l'ensemble du pays, territoires d'outre-mer compris. Un comité de pilotage assure le suivi des chantiers chaque mois. Elle a observé que 69 % des chantiers ouverts concernent des monuments qui n'appartiennent pas à l'Etat. En juin, 155 opérations ont démarré, 70 % des autorisations d'engagements et 90 % des crédits de paiement sont déjà consommés.

Mme Christine Albanel a précisé que, dans le cadre du plan de relance, les opérations relatives aux monuments historiques ont concerné la restauration de 47 cathédrales, la conservation de 74 monuments classés ou inscrits, appartenant ou non à l'Etat, et la mise en oeuvre de 106 chantiers relatifs au patrimoine protégé des petites communes.

M. Philippe Adnot a estimé que l'effet de levier des crédits du plan de relance aurait été plus important si les chantiers avaient concerné en plus grande proportion des monuments n'appartenant pas à l'Etat : de plus petites entreprises auraient ainsi pu en bénéficier, et les cofinancements des collectivités territoriales auraient amplifié l'effort budgétaire consenti.

Mme Christine Albanel a remarqué que ces crédits ont été alloués pour moitié à des monuments n'appartenant pas à l'Etat, et qu'ils ont fourni un plan de charges à de très nombreuses petites entreprises.

M. Aymeri de Montesquiou a observé que l'entretien des cathédrales n'est pas seulement un enjeu financier mais revêt également un intérêt patrimonial important.

M. Yann Gaillard a rappelé que, lors de l'examen de la loi de finances pour 2009, il a soutenu le relèvement des taux et tarif de la redevance d'archéologie préventive (RAP). La nécessité d'un financement complémentaire de l'institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) s'est imposée : M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, a annoncé l'attribution de 20 millions d'euros à l'archéologie préventive dans le cadre de la loi n° 2009-122 du 4 février 2009, de finances rectificative pour 2009.

M. Yann Gaillard a souhaité savoir si cette somme a permis d'éviter d'éventuels retards des chantiers d'infrastructures prévus par le plan de relance qui auraient dû être soumis à des diagnostics d'archéologie préventive.

Mme Christine Albanel a noté que, le 26 mai dernier, 10 millions d'euros ont été attribués à l'INRAP, et 10 millions d'euros au fonds national d'archéologie préventive (FNAP). Elle a souligné que le rendement de la RAP est satisfaisant, et que le décalage dans le temps de certains grands chantiers, tels que la ligne à grande vitesse Est ou le Canal Seine-Nord, a permis de désengorger l'INRAP et de réduire les délais d'attente pour la réalisation des diagnostics et des fouilles archéologiques préventives.

M. Aymeri de Montesquiou s'est demandé si les critères d'intervention de l'INRAP ne sont pas trop largement définis.

Mme Christine Albanel a rappelé que 7 % seulement des chantiers font l'objet d'un diagnostic, et 2 % d'entre eux de fouilles archéologiques préventives.

M. Jean-Pierre Fourcade a observé, s'appuyant sur son expérience locale, que les prestations fournies par l'INRAP peuvent être très longues, et attendues, mais que les résultats sont probants.

M. Jean-Pierre Plancade, membre de la commission des affaires culturelles, a salué le travail remarquable effectué par l'INRAP. Il a observé toutefois que lorsque les travaux de diagnostic ou de fouilles sont prolongés, les aides de l'Etat ne sont pas prorogées, alors que les pénalités de retard, dues aux entreprises concernées, commencent à courir.

Mme Christine Albanel a reconnu qu'il conviendrait de remédier à ces situations.

M. Yann Gaillard s'est demandé si les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) connaissent encore des difficultés de paiement et si des chantiers de restauration de monuments ont été arrêtés, faute de financements, en 2008. Il a voulu connaître l'état d'avancement de la fusion des DRAC et des services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP).

Mme Christine Albanel a relevé qu'un effort considérable a été effectué pour clore les opérations de restauration, de conservation ou d'entretien menées sur des monuments historiques sous la responsabilité des DRAC. Leur nombre a diminué de 20 %, et aucun chantier n'a été interrompu en 2008. Les restes à payer des DRAC, qui étaient de 450 millions d'euros en 2007, ont été réduits à 380 millions d'euros.

Mme Christine Albanel a ensuite indiqué que l'existence d'un échelon départemental culturel, c'est-à-dire les SDAP, a été confirmée par la revue générale des politiques publiques (RGPP). Leur synergie avec les DRAC sera renforcée par les projets de service que celles-ci définissent. Le rapprochement des DRAC et des SDAP sera effectif au 1er janvier 2010.

M. Yann Gaillard a observé que la RGPP prévoit de rapprocher les deux maîtres d'oeuvre du ministère de la culture que sont l'établissement public de maîtrise d'ouvrage culturelle (EMOC) et le service national des travaux (SNT). Dans ce contexte, le fait que le centre des monuments nationaux (CMN) devienne maître d'ouvrage et maître d'oeuvre paraît contradictoire.

M. Yann Gaillard a également rappelé que la commission des finances a exprimé des réserves sur la pertinence de cette évolution du rôle du CMN, et s'est élevée contre l'affectation d'une recette fiscale, finalement supprimée un an après sa création.

Il s'est demandé si l'articulation des différents maîtres d'oeuvre et d'ouvrage dans le domaine culturel sera optimale, et si l'avenir des conservations régionales des monuments historiques (CRMH) est assuré, leur rôle étant essentiel pour le traitement des dossiers de monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat.

Mme Christine Albanel a observé que le CMN sera maître d'oeuvre et maître d'ouvrage uniquement pour les monuments historiques qu'il recevra en dotation. Elle a estimé que cette réforme va dans le sens plus général de la réforme de la maîtrise d'ouvrage prévue par l'ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés, et qu'elle permettra une plus grande efficacité des opérations de conservation, d'entretien, de restauration et d'ouverture au public des monuments remis en dotation au CMN.

Elle a précisé que la répartition des compétences entre les différents acteurs du secteur découle des conclusions du rapport Godderidge-de Salins, remis en juin 2008. Les DRAC conservent leurs missions de maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration des monuments historiques affectés à la direction de l'architecture et du patrimoine.

M. Jean-Pierre Fourcade a rappelé que, dans le cadre de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009, une ouverture de crédits a été prévue à hauteur de 60,5 millions d'euros, sur le compte « Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics ». Ce montant est destiné à la Cité de la musique, en vue de l'acquisition de la salle Pleyel actuellement prise à bail par cet établissement.

Il a souhaité savoir si l'achat de la salle Pleyel est réalisé. Par ailleurs, il s'est demandé si, en 2008, des crédits d'études ont été consacrés au grand Auditorium de la Villette et au projet de l'Ile Seguin.

Mme Christine Albanel a répondu que le compromis de vente de la salle Pleyel a été signé le 18 mai 2009, et que la Cité de la musique remboursera à l'Etat l'avance consentie pour l'achat de la salle, en contractant un emprunt. Les travaux de terrassement du grand Auditorium de la Villette ont débuté ; en revanche le projet de l'Ile Seguin n'a pratiquement pas progressé en 2008.

M. Adrien Gouteyron a souligné que les petites communes attendent toujours la parution du décret qui permettra la pleine application des dispositions de l'ordonnance du 8 septembre 2005, précitée, en organisant les conditions du recours à l'assistance gratuite à maîtrise d'ouvrage auprès des DRAC, et en prévoyant les modalités de soutien financier des communes dont les moyens budgétaires et financiers sont réduits.

Mme Christine Albanel a annoncé que le décret n° 2009-748 du 22 juin 2009 relatif à l'assistance à maîtrise d'ouvrage des services de l'Etat chargés des monuments historiques est paru le 22 juin, et qu'il prévoit le versement d'avances aux collectivités territoriales lors du commencement d'exécution de chaque tranche d'une opération de travaux réalisés sur des monuments historiques.

M. Jean Arthuis s'est demandé si la création de nouveaux établissements publics, prévue par la RGPP, ne favorise pas une « agencisation » de la politique culturelle qui échappe de plus en plus au ministère de la culture et de la communication. Il a noté que certains musées, jusqu'à présent services à compétence nationale, seront transformés en établissements publics : le musée et le domaine de Fontainebleau, le musée Picasso, la manufacture et le musée de la céramique à Sèvres ; enfin, le rattachement du musée de l'Orangerie au musée d'Orsay est prévu. Ces évolutions devraient conduire à renforcer la tutelle du ministère et les moyens qui lui sont consacrés.

Mme Christine Albanel a admis que l'émergence d'établissements publics supplémentaires suscite la crainte d'une inflation des coûts de fonctionnement. Elle a observé que les services à compétence nationale choisis pour devenir des établissements publics ont la particularité de présenter une taille critique et d'avoir de réelles perspectives de développement autonome. Ce mouvement s'accompagnera effectivement d'un renforcement de la tutelle du ministère, favorisé par la création de grandes directions générales et par la signature de nouvelles conventions d'objectifs et de performances avec les établissements publics créés.

M. Yann Gaillard a voulu connaître le bilan de l'expérimentation de la gratuité des musées. Il s'est également demandé si le projet dit du « Louvre d'Abou Dabi » suit le calendrier d'exécution prévu.

M. Aymeri de Montesquiou a demandé si le choix des oeuvres exposées ne se heurte pas à d'éventuels obstacles culturels.

Mme Christine Albanel a indiqué qu'un représentant permanent de l'Agence France-Muséums a été nommé à Abou Dabi pour assurer le bon déroulement du projet. L'Agence France-Muséums est chargée de conseiller le « Louvre d'Abou Dabi » dans ses achats d'oeuvres. L'exposition de préfiguration a été l'occasion d'une première collaboration harmonieuse et de haute tenue.

Mme Christine Albanel a déclaré que les travaux commenceront en septembre, comme prévu, que le Louvre a reçu 150 millions d'euros correspondant au paiement de l'utilisation de sa marque. La parution du décret n° 2009-158 du 11 février 2009 relatif aux fonds de dotation permet la mise en place du fonds de dotation du musée du Louvre.

Mme Christine Albanel a observé que l'expérimentation de la gratuité dans quatorze musées et monuments s'est traduite par l'augmentation de 15 % de la fréquentation des publics âgés de 18 à 25 ans.

M. Louis Duvernois, membre de la commission des affaires culturelles, a mis l'accent sur le rayonnement culturel international de la France. Il a souhaité connaître les grandes orientations du ministère dans ce domaine.

Mme Christine Albanel a rappelé qu'un contrat d'objectifs et de moyens vient d'être signé entre le ministère des affaires étrangères et européennes et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Elle a souligné les profondes réformes que connaissent Radio France Internationale (RFI) et France 24. S'agissant de la création, annoncée, d'un nouvel établissement public, agence en charge de la coopération culturelle, elle a vivement souhaité que le ministère de la culture et de la communication en exerce la cotutelle avec le ministère des affaires étrangères et européennes.

M. Adrien Gouteyron s'est félicité de cette déclaration et a affirmé son soutien à la création d'une cotutelle.

M. Jean Arthuis a noté que le ministère de la culture et de la communication semble avoir identifié les domaines dans lesquels existent des marges de progression et les avoir privilégiés au cours de l'exécution 2008. Il en a félicité la ministre.

Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 - Audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur », a souhaité connaître l'appréciation de la ministre sur l'organisation de la contractualisation entre l'Etat et les universités, d'une part, et sur les évolutions des systèmes d'information des établissements d'enseignement supérieurs, d'autre part. Ces deux sujets sont au coeur de l'appréciation des résultats des universités et de la réforme engagée par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 août 2007.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a précisé que le dialogue contractuel connaît une profonde rénovation suite à la loi LRU qui fait du contrat le principe d'organisation des relations entre l'Etat et les universités. Le document quadriennal comprendra désormais un nouveau « tableau de bord » permettant d'établir un bilan objectivé de l'activité des universités, de discerner les leviers d'amélioration et de comparer les établissements. A l'image de ce qui se pratique à l'étranger, le contrat sera articulé autour de cinq thématiques : vision à long terme de l'établissement, politique stratégique, environnement, objectifs et moyens. S'agissant de ce dernier point, l'allocation des moyens se fonde, depuis l'année, dernière sur un nouveau dispositif qui repose en partie sur des critères de performance.

M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la mission « Recherche et enseignement supérieur » au nom de la commission des affaires économiques, s'est déclaré satisfait des nouvelles modalités de la contractualisation.

Concernant les systèmes d'information des universités, Mme Valérie Pécresse a souligné que cet élément a été un point essentiel des audits qui ont précédé le passage à l'autonomie des universités, la loi LRU faisant obligation aux établissements de mettre en place un outil de contrôle de gestion et d'aide à la décision de nature à leur permettre d'assumer l'ensemble de leurs missions, compétences et responsabilités ainsi que d'assurer le suivi des contrats pluriannuels d'établissement. L'autonomie des universités devant être respectée dans le choix des logiciels, le développement des systèmes d'information s'organise notamment grâce à l'Agence de mutualisation des universités et des établissements (AMUE), dorénavant intégrée à la Conférence des présidents d'université. La rénovation des systèmes d'information concerne aussi bien les ressources humaines que la comptabilité analytique et la gestion financière, les universités passant aux compétences élargies devant notamment adopter la paie à façon afin de suivre la masse salariale selon les mêmes modalités que l'Etat.

S'agissant enfin de la mise en oeuvre du plan Licence, la ministre a souligné qu'il était encore trop tôt pour apprécier son impact.

M. Christian Gaudin, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur », s'est félicité de l'augmentation de la part des financements sur projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR) dans les financements alloués aux opérateurs principaux de recherche, et du rôle important joué par l'agence dans l'émergence de projets prometteurs. A ce titre, il s'est inquiété des évolutions éventuelles qui pourraient toucher la programmation de l'ANR, soulignant la nécessité de ne pas transformer celle-ci en une simple agence de moyens.

Mme Valérie Pécresse a répondu que l'ANR se caractérise, et que cela doit continuer, par la sélectivité et l'excellence des projets qu'elle finance. A ce titre, l'augmentation de la part des projets blancs, qui représenteront 50 % du budget de l'agence, renforcera la sélectivité du processus. Néanmoins, s'agissant de la programmation de l'ANR, il apparaît nécessaire de renforcer l'implication de la communauté scientifique en prenant en compte les priorités dégagées, d'une part, par la stratégie nationale d'innovation et de recherche et, d'autre part, par les alliances sectorielles en cours de structuration notamment dans les sciences du vivant, l'énergie et les techniques de l'information et de la communication.

M. Jean Arthuis, président, et M. Christian Gaudin ont souhaité que ces évolutions ne portent pas préjudice à l'indépendance de l'agence.

M. Christian Gaudin s'est ensuite interrogé sur les faiblesses de la comptabilisation des engagements pluriannuels de l'ANR et des organismes publics de recherche, en soulignant que ce manque de visibilité pouvait être dangereux.

Mme Valérie Pécresse a reconnu que l'ANR n'est pas actuellement un opérateur transparent au sens des finances publiques, ce qui s'explique essentiellement par sa forte autonomie de gestion et de décision. Elle a pris l'engagement de remédier à cette situation.

En réponse à M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la mission « Recherche et enseignement supérieur » de la commission des affaires culturelles, qui s'interrogeait sur l'état d'avancement de la réforme du CNRS, Mme Valérie Pécresse a souligné les points suivants :

- la recomposition du paysage universitaire et le passage des universités aux compétences élargies ne conduit pas à démanteler le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) mais à le réorganiser afin qu'il soit davantage « stratège ». A ce titre, la réforme a pour objectif de mieux structurer la recherche du CNRS par la création d'instituts disciplinaires ;

- la restructuration de la recherche permettra de développer la pluridisciplinarité au sein de l'établissement  par la création d'un comité de direction, composé des directeurs des instituts, dont la tâche sera de proposer des programmes pluridisciplinaires ;

- le décloisonnement du CNRS est également prioritaire et passe notamment par une meilleure collaboration avec les autres établissements dans le cadre d'alliances thématiques. Par exemple, l'intégration de l'institut des sciences du vivant au sein de l'alliance constituée sur ce sujet a permis de gagner six mois dans le traitement de l'alerte de la grippe A (H1N1). Il serait ainsi opportun qu'une telle alliance puisse voir le jour en matière de technologie de l'information ;

- les relations entre le CNRS et les universités sont également redéfinies afin d'établir des partenariats équilibrés. Au sein des unités mixtes de recherche (UMR), le CNRS a vocation à être une agence de moyens, la gestion financière de ces unités étant assurée par délégation à l'université : le principe de ce mandat unique de gestion au profit des universités sera prochainement expérimenté dans les UMR qui ont plus de quatre tutelles. Cette simplification s'est également traduite en matière de propriété intellectuelle par le décret n° 2009-645 du 9 juin 2009 relatif à la gestion entre personnes publiques de la propriété industrielle des résultats issus de travaux de recherche réalisés par des fonctionnaires ou des agents publics, qui confie la gestion de la propriété intellectuelle à l'hébergeur de l'UMR.

S'agissant du rôle de la direction de la stratégie au sein de la direction générale de la recherche et de l'innovation, Mme Valérie Pécresse a souligné que le fonctionnement de cette direction lors de l'élaboration du « Grenelle de l'environnement » a mis en avant les limites d'une démarche technocratique fondée sur la seule consultation formelle des principaux acteurs. Dans le cadre de l'élaboration de la stratégie nationale de recherche et d'innovation, le ministère a souhaité réunir « autour de la table » l'ensemble des opérateurs de la recherche, mais aussi l'ensemble des « porteurs d'enjeux » (organisations non gouvernementales, associations, industriels...) afin que le débat soit le plus ouvert possible. La direction de la stratégie sera chargée d'appliquer cette stratégie nationale en lien avec le Haut conseil à la science et à la technologie placé auprès du Premier ministre.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la mission « Recherche et enseignement supérieur » de la commission des affaires culturelles a souhaité obtenir des précisions sur le déroulement de l'opération « Campus » ainsi que sur les perspectives d'évolution financière des bourses.

Mme Valérie Pécresse a indiqué que les évolutions relatives aux bourses seront annoncées en septembre lorsque le ministère disposera d'une meilleure visibilité sur l'augmentation probable du nombre de boursiers cette année.

S'agissant de l'opération Campus, elle a indiqué que cinq milliards d'euros devraient être mobilisés. Les projets choisis dans le cadre de l'appel à projet initial se verront attribuer des dotations de capital non consomptibles, dont les produits de placement permettront de financer les loyers des partenariats public-privé chargés de la rénovation. Les premières dotations de capital d'ores et déjà définies sont ainsi réparties : 575 millions d'euros pour le pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) lyonnais, 375 millions d'euros pour le projet strasbourgeois, 475 millions d'euros pour la rénovation bordelaise, 500 millions d'euros pour le pôle d'Aix Marseille, 850 millions d'euros pour le plateau de Saclay, 325 millions d'euros pour Montpellier. Les campus dits « prometteurs et innovants », ainsi que les campus lillois et lorrain, bénéficieront, quant à eux, d'un financement par crédits budgétaires, 400 millions d'euros étant attribués aux cinq « campus prometteurs » et aux quatre « campus innovants », 70 millions d'euros au campus lorrain, la somme allouée au campus lillois étant en cours de négociation. Une enveloppe spécifique sera affectée aux campus parisiens qui font actuellement l'objet d'un audit par M. Bernard Larrouturou chargé d'établir un schéma directeur scientifique et immobilier pour ces universités. Enfin, 70 millions d'euros ont été dégagés par le plan de relance pour le financement des études préparatoires afin de permettre le démarrage des premiers chantiers fin 2011. Il convient de noter l'implication de la Caisse des dépôts et des consignations dans le déroulement de cette opération.

Répondant à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui s'interrogeait sur la gestion à bon escient des dotations par les PRES, la ministre a précisé que les règles de contrôle de gestion ont été révisées et un dialogue avec les recteurs instauré.

En réponse aux questions de MM. Philippe Marini, rapporteur général, et Jean-Léonce Dupont sur le coût des grèves et la réalité des retenues sur traitement, Mme Valérie Pécresse a apporté les informations suivantes :

- le coût matériel lié aux dégradations des locaux est relativement faible ; les forces de l'ordre ont procédé à 120 évacuations de campus, aucune occupation de nuit n'ayant été autorisée ;

- le coût pédagogique est également limité puisque les universités organisent des sessions de rattrapage et le passage des examens diplômant ;

- le coût d'atteinte à la réputation des universités est en revanche une source d'inquiétude, la durée des blocages ayant terni l'image de l'université non seulement auprès des étudiants français et de leurs familles, mais aussi auprès des partenaires étrangers ;

- le coût budgétaire pour les universitaires ne doit pas être négligé compte tenu des nouvelles modalités d'allocation des moyens fondées notamment sur des critères de performance et le nombre d'étudiants : or, une perte d'effectifs peut conduire à une réelle diminution dans la définition des enveloppes globales même si celles-ci ont toutes connu une évolution positive en 2009 ;

- les retenues sur traitement ont été effectuées même si l'annualisation du temps de travail de certains corps de personnels complique l'exercice. Si, en 2007, les retenues sur traitement ont représenté une somme de 122 000 euros, elles s'élèvent à la mi-juin 2009 à 1,2 million d'euros, soit l'équivalent de 17 000 journées de grève. La notion de « gréviste volontaire » est problématique, mais le ministère est attaché à mener une réflexion permettant une application plus simple des règles et une meilleure continuité du service en cas de mouvement social ;

- le passage de certaines universités aux compétences élargies n'a pas représenté un handicap dans l'application des retenues sur salaires. Ces universités, au demeurant relativement peu touchées par les blocages, sont encouragées à contrôler les services effectués puisque, contrairement aux autres facultés, les retenues sur traitement profitent au budget de l'établissement et non à celui du rectorat.

M. Daniel Raoul a estimé que la réforme du CNRS aurait pu être approfondie en créant notamment un institut fédératif des sciences du vivant. Il s'est étonné que l'alliance en sciences du vivant mentionnée par la ministre ne comprenne pas les laboratoires du ministère de l'agriculture qui procède également à une restructuration de sa recherche dans ce domaine. Il s'est également interrogé sur le nombre d'universités qui accéderont à l'autonomie en janvier 2010, et sur les conséquences de cette évolution sur le fonctionnement des PRES et la gestion des UMR, sachant que toutes les composantes des PRES ne bénéficient pas encore des compétences élargies. Il a souhaité enfin connaître l'effet de la réforme du crédit d'impôt recherche en 2008.

Mme Valérie Pécresse a expliqué que la démarche du ministère de l'agriculture a pour objectif la création d'un consortium en recherche agronomique, ce qui est complémentaire de l'alliance en sciences du vivant dont le champ d'intérêt part de la biologie moléculaire pour aller jusqu'à la réalisation de médicaments. Elle a estimé que les PRES ont un effet vertueux sur le passage à l'autonomie des établissements comme en témoignent les universités marseillaises et bordelaises. Elle a toutefois jugé impératif de répondre aux inquiétudes de la communauté des enseignants-chercheurs en sciences humaines et sociales qui s'articulent autour de trois problématiques : l'évaluation, l'insertion professionnelle des étudiants, qui devient un critère de l'allocation des moyens, et la mutualisation des moyens. Un Haut conseil en sciences humaines et sociales devrait être créé afin de conduire une réflexion sur ces disciplines.

S'agissant de l'efficacité du crédit d'impôt recherche, Mme Valérie Pécresse a souligné que, selon les résultats de l'enquête menée au premier semestre 2009, la réforme a fait l'objet d'une bonne appropriation par des acteurs qui ont augmenté leurs efforts de recherche et, pour certains d'entre eux, rapatrié certains laboratoires en France. Cette situation témoigne de la forte attractivité du régime d'impôt recherche, le plus favorable d'Europe selon l'étude. La mesure de remboursement anticipé du crédit d'impôt, décidée par le plan de relance, est également un dispositif populaire dont le coût avoisinera deux milliards d'euros. En revanche, le dispositif permettant d'améliorer l'avantage fiscal en cas de recherche sous-traitée à un organisme public obtient des résultats mitigés ; à ce titre, un portail numérique de rencontre entre industriels et laboratoires de recherche publique devrait être mis en place sur le site de l'ANR.

M. Christian Gaudin a rappelé qu'il conduit, dans le cadre des missions de contrôle de la commission des finances, une étude afin d'apprécier l'impact de la réforme de 2008, en distinguant notamment l'effet, sur les grandes entreprises et les PME, de la suppression de la part de cet impôt basée sur l'augmentation des dépenses éligibles.

Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 - Audition de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

La commission a enfin procédé à l'audition de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, de Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, et de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008.

M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, a noté que cette audition prend place dans un contexte particulier, à l'approche d'un remaniement ministériel.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité connaître la stratégie de gestion des ressources humaines suivie par le ministère du travail en 2008 et 2009.

Il a également demandé des précisions sur une éventuelle modification de la maquette budgétaire, tendant, d'une part, à fusionner le programme support de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et celui de la mission « Sports, jeunesse et vie associative », et d'autre part, à mieux identifier les agences régionales de santé.

M. Brice Hortefeux a indiqué que le ministère du travail s'est assigné un objectif de modernisation de sa gestion des ressources humaines et a évoqué, en particulier, la création des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Le ministère s'efforce d'être exemplaire en matière de gestion des ressources humaines, ce qui se traduit notamment par un taux d'emploi de personnes handicapées supérieur à l'obligation légale (6,9 %).

S'agissant de la maquette budgétaire, il a rappelé que celle-ci a été modifiée en 2008 et a estimé qu'elle n'a pas vocation à évoluer cette année. Il a toutefois relevé que les effectifs du secrétariat d'Etat à la ville devraient apparaître au sein du programme support commun.

La création des agences régionales de santé aura un impact sur la structure de la maquette budgétaire, une fois que leur organisation sera définitivement arrêtée. Peut-être faudra-t-il alors créer un programme consacré au financement de ces agences. À ce stade, toutefois, aucune piste n'est arrêtée.

En réponse à M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi », M. Brice Hortefeux a précisé que le financement des contrats aidés relève de la compétence du secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, M. Laurent Wauquiez.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi », a souligné le poids du SMIC et des charges sociales pour les entreprises. Il a souhaité que soit privilégiée à l'avenir une hausse de la réserve de participation plutôt qu'une augmentation du SMIC, car la participation ne grève pas les coûts de production.

Il a fait observer que le maintien en activité des seniors est parfois présenté comme un frein pour le développement de l'emploi des jeunes. Il a souligné la valeur des seniors et a plaidé pour un relèvement à 70 ans de l'âge de départ à la retraite.

Il a enfin mis en doute l'efficacité des contrats aidés.

M. Brice Hortefeux a relevé que le SMIC n'a pas toujours reçu de « coups de pouce » au cours des années passées, ceux-ci pouvant même être considérés comme des exceptions. Il a précisé que l'augmentation du SMIC a été arrondie cette année à 1,3 %, soit un niveau supérieur à celui qui aurait résulté d'une stricte application des règles de revalorisation, et a estimé qu'il vaut mieux une vraie revalorisation qu'un faux « coup de pouce » qui aurait eu des effets néfastes sur l'emploi, en particulier des personnes les plus fragiles. Il a précisé que le montant du SMIC atteindra 1 337,70 euros.

Il a relevé que le Gouvernement est confronté à deux défis : l'emploi et la compétitivité. La sortie de crise nécessitera de s'appuyer sur les seniors mais le Gouvernement n'a jamais évoqué un relèvement de l'âge de départ à la retraite à 70 ans. Il est en revanche essentiel de lancer en amont le débat sur l'âge de départ à la retraite et de rappeler l'objectif de préservation de l'avenir des pensions.

M. Jean Arthuis, président, a noté que, à la suite d'une mission de conseil sur la clôture comptable, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a modifié ses méthodes comptables pour l'exercice 2009. Les engagements pris par l'agence vis-à-vis des maîtres d'ouvrages devront désormais donner lieu à une provision pour charges d'intervention. En conséquence, alors qu'elle affichait un résultat cumulé positif de plus d'un milliard d'euros, l'ANRU devrait présenter un résultat négatif cumulé, fin 2008, de 1,79 milliard d'euros. M. Jean Arthuis, président, a souhaité obtenir confirmation de ce changement de méthode comptable et connaître l'analyse de la secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville s'agissant de la santé financière de cette agence.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de ville, a relevé que l'ANRU a opté au départ pour une comptabilité de caisse. Avec la montée en charge du plan national de rénovation urbaine (PNRU), l'agence a été conduite à modifier son choix initial et à mettre en oeuvre une comptabilité d'engagements. Des provisions ont ainsi dû être inscrites pour un montant de 1,8 milliard d'euros, en face desquels seront inscrits des reliquats à recevoir en provenance des partenaires du PNRU.

M. Jean Arthuis, président, a salué ce changement de méthode comptable.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la mission « Ville et Logement », a rappelé que l'année 2009 devrait être celle de la révision de la géographie prioritaire de la politique de la ville, conformément aux dispositions de l'article 140 de la loi de finances pour 2008, adopté à l'initiative du Sénat. Il a souhaité connaître l'état d'avancement des travaux en ce domaine et savoir si des orientations ont d'ores et déjà été arrêtées. Il s'est interrogé sur la capacité du ministère à tenir les délais fixés par la loi de finances pour 2008 et a souhaité obtenir confirmation du fait que cette révision de la géographie prioritaire s'effectuera à moyens constants, c'est-à-dire en favorisant les quartiers les plus en difficulté.

M. Brice Hortefeux a observé que le Parlement a souhaité une révision régulière de la géographie prioritaire de la politique de la ville et que cette orientation a également été confirmée par la révision générale des politiques publiques. Il a souligné la grande diversité des zones urbaines sensibles (ZUS), le revenu annuel médian par habitant variant entre 5 000 et 20 000 euros suivant les ZUS, pour un revenu médian national par habitant de 16 350 euros. L'objectif de la réforme envisagée vise à concentrer les moyens sur les zones qui en ont le plus besoin. Une concertation est en cours, qui passe notamment par l'élaboration d'un livre vert et un travail mené par MM. Pierre André et Gérard Hamel, afin de permettre au Gouvernement de disposer de l'ensemble des réflexions à la fin de l'été, puis de proposer de nouvelles orientations. Les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) sont par ailleurs reconduits.

Mme Fadela Amara a souligné l'importance de la concertation dans la démarche de réforme de la géographie prioritaire de la politique de la ville et a relevé que celle-ci implique un recentrage des efforts budgétaires. Elle a estimé que la mise en place des CUCS a été trop rapide et a précisé que la réforme de la géographie prioritaire devrait intervenir en 2010.

M. Philippe Dallier a relevé que la progression du montant des exonérations de charges sociales en zones franches urbaines (ZFU) et en zones de redynamisation urbaine (ZRU) peut être interprétée comme le signe de la réussite de ces dispositifs pour le maintien et le développement de l'emploi dans les quartiers les plus difficiles. Il a fait part de sa crainte que les dispositions restrictives adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2009, contre laquelle le Sénat avait émis de fortes objections, n'enrayent cette évolution positive. Il a souhaité connaître le lien entre cette mesure et l'évolution de l'emploi dans les quartiers difficiles.

M. Brice Hortefeux a rappelé le contexte de création des ZUS et a souligné que les exonérations de cotisations sociales, compensées à la sécurité sociale par l'Etat, représentent une charge importante pour celui-ci (333 millions d'euros en 2007 et 341 millions d'euros en 2008). En dépit de la réforme opérée dans le cadre de la loi de finances pour 2009, qui vise à concentrer les efforts sur les salaires les moins élevés, le coût de ces exonérations reste important, puisqu'il devrait atteindre 289 millions d'euros en 2009. L'effort de l'Etat sera maintenu en 2010 mais ces dispositifs doivent, compte tenu de leur coût, faire l'objet d'évaluations de leurs résultats, la révision de la géographie prioritaire constituant un cadre adapté pour cela.

Mme Fadela Amara a rappelé la philosophie du dispositif des ZFU et a également souligné la nécessité d'évaluer ses résultats, pour le rendre le plus efficace possible.

M. Philippe Dallier a jugé intéressant le dispositif des ZFU, même si certains effets d'aubaine ont pu être constatés. Il a regretté que les règles d'exonérations de cotisations sociales aient été modifiées alors que des chefs d'entreprise s'étaient engagés sur la base du cadre réglementaire précédemment défini.

Il a ensuite souhaité obtenir des précisions sur la dynamique « espoirs banlieue » : quelle est la méthodologie de suivi des engagements pris par les différents ministères dans le cadre de ce plan ? Comment peut-on établir un lien avec l'exécution budgétaire ? Serait-il envisageable de prévoir un document d'exécution qui soit le pendant du document de politique budgétaire (DPT) « ville », annexé au projet de loi de finances ? Il a également souhaité obtenir des informations concernant les effectifs et le coût des délégués de l'Etat, ainsi que sur leur transformation en délégués du préfet.

Mme Fadela Amara a indiqué que la dynamique « espoirs banlieue » repose sur une action de chaque ministère. Le comité interministériel des villes, qui se réunit au moins deux fois par an, constitue un cadre idéal d'évaluation des résultats de cette dynamique. Elle a rappelé que l'analyse des résultats est au coeur de la nouvelle politique de la ville et a précisé, à titre d'exemple, que le nombre de sites participant au dispositif « Ecole deuxième chance » est passé de 37 à 43 au cours de l'exercice 2008-2009.

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », a relevé que 3,75 millions d'euros, provenant de fonds de concours, ont été reportés de 2007 vers 2008 pour permettre le financement de 109 opérations par le Fonds interministériel pour l'accessibilité des personnes handicapées aux bâtiments anciens ouverts au public appartenant à l'Etat (FIAH). Or, seuls 656 000 euros en autorisations d'engagement (AE) et 46 000 euros en crédits de paiement (CP) ont pu être consommés, le ministère demandant un nouveau report de crédits sur 2009. Il a donc souhaité obtenir des explications sur ce point, ainsi que des précisions sur la situation budgétaire du FIAH.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, a indiqué que 17 millions d'euros ont été dépensés par le FIAH au cours de l'exercice 2007 et que de nouvelles priorités ont été exprimées en 2008. L'Etat a ainsi voulu s'associer aux efforts menés par les collectivités territoriales pour rendre les plages accessibles aux personnes handicapées. Cette action n'entrant pas dans le champ d'action du fonds, des aménagements juridiques ont dû être trouvés, ce qui a retardé la programmation des actions et l'exécution budgétaire. En effet, lorsque les aménagements juridiques ont été apportés, les ministères ne pouvaient plus recevoir de crédits ni les dépenser au cours de l'exercice 2008, car la période d'engagement des dépenses touchait à sa fin. C'est pourquoi les opérations prévues ont été reportées sur 2009.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » au nom de la commission des affaires sociales, s'est déclaré choqué du choix effectué par le ministère, estimant que l'accessibilité des bâtiments administratifs est prioritaire par rapport à l'accessibilité des plages.

Mme Valérie Létard a précisé que cette décision a été prise par M. Xavier Bertrand, alors ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, qui avait fait l'objet de nombreuses sollicitations sur ce thème.

M. Auguste Cazalet a noté que, en dépit d'un abondement de 53,3 millions d'euros en loi de finances rectificative et d'un redéploiement de crédits en cours de gestion, les crédits consacrés en 2008 à l'aide au poste, soit 1,07 milliard d'euros, se sont révélés insuffisants, le rapport annuel de performances précisant que des reports de charges sont à prévoir sur l'année 2009. Il a souhaité connaître le montant de ces reports de charge et la manière dont le ministère entend y faire face en 2009.

En outre, selon une réponse du ministère adressée à la Cour des comptes, les dotations afférentes à l'aide au poste « avaient été réduites par rapport aux estimations effectuées lors des premières demandes en vue de l'élaboration des budgets 2008 ». Il a donc souhaité obtenir des précisions sur les conditions de l'arbitrage des crédits intervenu lors de l'élaboration du budget 2008 et, compte tenu des réalisations observées, connaître l'analyse du ministère sur sa capacité à respecter le cadrage pluriannuel de dépenses retenu pour la période 2009-2011.

Mme Valérie Létard a fait part de la difficulté rencontrée par le ministère pour consolider les informations permettant une évaluation correcte des besoins en loi de finances initiale pour 2008 et a précisé que les reports de charges, évalués à 56 millions d'euros fin 2008, devraient se résorber de manière progressive.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité que des efforts soient réalisés pour parvenir à une meilleure budgétisation des besoins en loi de finances initiale.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », a rappelé le scepticisme exprimé par la commission des finances, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, à l'égard des chiffrages retenus pour l'évolution des dépenses d'allocation aux adultes handicapés (AAH). L'exécution 2008 confirme ses craintes, puisque les crédits inscrits en loi de finances, soit 5,41 milliards d'euros, se sont révélés nettement insuffisants pour faire face aux besoins : 236 millions d'euros ont ainsi dû être ouverts en loi de finances rectificative pour 2008, la décision de revaloriser le montant de l'AAH ne permettant pas d'expliquer totalement ce dérapage.

Le ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité précise par ailleurs que les dotations pluriannuelles relatives au programme « Handicap et dépendance », inscrites dans la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, ont « dû tenir compte des réductions de crédits et des recherches d'économies ont dû être effectuées afin de pouvoir faire coïncider les montants inscrits avec les possibilités d'inscription ».

Dans ces conditions, M. Albéric de Montgolfier a souhaité connaître le montant des reports de charges de 2008 sur 2009 au titre de l'AAH ainsi que l'analyse du ministère sur la « lettre plafond » pour la préparation du budget 2010, qui prévoit un dépassement de 260 millions d'euros du plafond de dépenses prévu par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.

M. Jean Arthuis, président, a mis en évidence le caractère récurrent de cette problématique.

Mme Valérie Létard a noté que les ouvertures de crédits intervenues en loi de finances rectificative pour 2008 ont permis d'éviter des reports de charges sur 2009. Elle a estimé que le relèvement du plafond de dépenses pour 2010, annoncé dans la lettre plafond, permettra de faire face aux besoins.

M. Paul Blanc a rappelé que la réforme des conditions d'attribution de l'AAH prévoit l'évaluation systématique des capacités professionnelles de la personne handicapée à l'occasion d'une première demande ou d'un renouvellement, ce qui suppose de définir la notion « d'employabilité ». Il a souhaité connaître l'état des réflexions du groupe de travail missionné par le ministère sur ce sujet, dont les conclusions étaient attendues à l'automne 2008.

Mme Valérie Létard a souligné l'importance de cette question et a précisé que les demandes d'AAH font désormais systématiquement l'objet d'un bilan professionnel. Les personnes concernées bénéficient d'un accompagnement personnalisé vers l'emploi, dans le cadre d'une nouvelle mission confiée aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) leur a attribué cette année 15 millions d'euros pour assurer cette nouvelle mission. Par ailleurs, une mission d'experts a été mise en place afin de concevoir un nouvel outil d'évaluation de la situation des personnes handicapées au regard de l'emploi, dont les conclusions devraient être rendues d'ici à l'été. Une réforme des compléments d'AAH pourra alors être menée afin de compléter en priorité les revenus des personnes dans l'incapacité de travailler.

M. Paul Blanc a relevé que les MDPH ne disposeront pas de cet outil d'évaluation avant l'automne, ce qui risque de décaler de quelques mois la réforme de l'employabilité.

Mme Valérie Létard a précisé qu'il est d'abord nécessaire de doter les MDPH des moyens humains nécessaires pour permettre la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé au moment de la demande d'AAH. La deuxième étape, relative à l'évaluation de l'employabilité, se poursuit car elle est complexe.

M. Paul Blanc a noté que la CNSA a annoncé une diminution de ses recettes de l'ordre de 100 millions d'euros pour l'exercice 2009. Il a souhaité obtenir des précisions sur l'impact de cette baisse des recettes de la caisse, en particulier sur le financement de la prestation de compensation du handicap, des MDPH et des dépenses d'investissement destinées à financer la création de nouveaux établissements.

Mme Valérie Létard a indiqué que 14 millions d'euros ont été accordés aux MDPH en avril 2009, sans attendre le choix des effectifs de ces organismes concernant leur statut, auxquels s'ajoutent 15 millions d'euros attribués pour leurs moyens généraux de fonctionnement. Un complément de compensation budgétaire sera attribué en fin d'année. Elle a donc jugé que l'Etat assume ses responsabilités financières à l'égard des MDPH. En outre, elle a rappelé que 750 millions d'euros ont été versés aux conseils généraux lors de la création de la prestation de compensation du handicap mais qu'ils n'ont pas été utilisés à cette fin, compte tenu des délais de mise en oeuvre de cette nouvelle prestation.

M. Paul Blanc a reconnu que des efforts sont menés en 2009 mais a observé que rien n'avait été prévu pour compenser, en 2008, les postes vacants du fait de congés de maladie ou maternité, du retour des agents dans leur administration ou de leur refus initial d'être mis à disposition des MDPH. Il a donc souhaité savoir si des crédits exceptionnels seront ouverts au titre de cet exercice.

M. Jean Arthuis, président, a fait état de son expérience locale, qui va dans le sens indiqué par M. Paul Blanc, et appelé à plus de clarté de la part de l'Etat s'agissant du financement de ces structures.

Mme Valérie Létard a indiqué que 11 millions d'euros ont été attribués aux conseils généraux en toute fin d'année 2008 pour compléter la compensation qu'ils devaient recevoir au titre de cet exercice. Elle a indiqué que les situations mentionnées par M. Paul Blanc sont particulières et font l'objet d'une analyse au cas par cas par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a noté que le Gouvernement a souhaité une hausse des salaires versés aux personnes travaillant dans les établissements et services d'aide par le travail (ESAT), ce qui entraîne une augmentation des charges sociales. L'Etat s'étant engagé à prendre en charge la moitié de cette dernière, il a souhaité savoir si des crédits sont prévus à cette fin dans le budget 2009.

Mme Valérie Létard a précisé que cet effort de l'Etat se traduira dans le montant de l'aide au poste.

Mercredi 24 juin 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Titres sécurisés - Communication

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu une communication de Mme Michèle André, rapporteure spéciale, sur les titres sécurisés et l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a présenté les principales conclusions de la mission de contrôle budgétaire, menée en application de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et dans le cadre de ses fonctions de rapporteure spéciale des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », sur les titres sécurisés et l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Cette mission s'inscrit dans la continuité des travaux menés par le Sénat à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2009. A l'automne dernier, la problématique des titres sécurisés s'est posée de manière cruciale aux élus, et en particulier aux communes à qui allait incomber la tâche de délivrer le nouveau passeport biométrique.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a rappelé que la commission a joué un rôle essentiel dans la préservation des intérêts légitimes des communes. Par un amendement co-signé par elle-même et le rapporteur général, M. Philippe Marini, l'indemnisation des communes retenues pour être équipées de stations d'enregistrement a pu être augmentée de manière substantielle, quoique encore insuffisante. Elle est passée de 3 200 euros par station à 5 000 euros.

De même, les préoccupations des professionnels de la photographie ont pu être prises en compte. La loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a autorisé les maires à débrancher les appareils photographiques incorporés aux stations d'enregistrement, préservant ainsi le marché des photographes, dont une part importante du chiffre d'affaires dépend des photos d'identité.

Eu égard à l'augmentation importante du timbre fiscal requis pour un passeport (qui est passé de 60 euros pour un adulte à 89 euros en loi de finances pour 2009), Mme Michèle André a estimé nécessaire de poser un diagnostic sur ce passage à une nouvelle génération de titres d'identité.

Elle a souhaité analyser le « cycle » des titres d'identité, de la demande initiale à la délivrance finale. Son étude l'a amenée à identifier un certain nombre de dysfonctionnements, d'incertitudes et, même, de zones d'ombre, qui demeurent à ce jour.

Elle a souligné que la notion de titre sécurisé renvoie naturellement aux titres d'identité, mais aussi à la nouvelle carte grise instituée dans le cadre du nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV). Pour cette dernière, la sécurisation n'est pas liée à l'introduction d'un composant électronique, mais à la sécurisation de la production, de l'acheminement et du support physique du titre.

Elle a rappelé que le nouveau SIV est entré en application le 15 avril dernier pour les véhicules neufs. S'il paraît aujourd'hui opérationnel s'agissant des véhicules neufs, le ministère de l'intérieur a néanmoins différé, au 1er octobre 2009, son application pour les véhicules d'occasion.

Elle a indiqué que son système informatique souffre, en effet, de lacunes et de défaillances, qui rendent nécessaires de nouveaux tests. Déjà, la transition concernant la délivrance de certificats d'immatriculation pour les véhicules neufs s'était opérée avec quelques difficultés du côté des constructeurs, faute d'une concertation suffisante. Le risque étant d'entraver les transactions sur le marché automobile, on peut regretter qu'un « Plan B » n'ait pas été prévu avec, par exemple, la conservation de l'immatriculation temporaire en WW. Par ailleurs, l'ergonomie de ce système informatique nécessite encore quelques progrès : par exemple une meilleure visualisation de l'écran de saisie des données et la possibilité d'une relecture en mairie.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a précisé que ces difficultés ne sont, toutefois, pas entièrement imputables à l'ANTS, puisque l'agence n'a repris ce projet qu'en cours de route et qu'il était auparavant conduit par un autre prestataire.

Elle a souligné que l'émergence de la nouvelle génération de titres d'identité et de voyage renvoie aux préoccupations accrues, de la part de nombre d'Etats, en matière de sécurité intérieure et de sécurisation des transports internationaux depuis le 11 septembre 2001.

Elle a relevé que les avantages attendus de cette nouvelle génération de titres concernent tant les usagers que l'administration. Ils portent, en premier lieu, sur une meilleure protection des données d'identité contre la fraude. Cette sécurisation s'applique aussi bien aux titres eux-mêmes qu'au processus de leur délivrance. La lutte contre la contrefaçon et contre la falsification des documents d'identité représente ainsi un objectif prioritaire de cette politique.

Elle a ajouté que la conservation des données d'identité dans un système d'information doit permettre, au stade du renouvellement du titre, de s'assurer que le demandeur est bien la personne initialement connue du système sous cette identité. En outre, la transmission, sous forme dématérialisée, des actes de l'état-civil entre la mairie de naissance et la mairie de demande vise à répondre à un objectif de sécurisation des procédures touchant à l'identité des personnes.

Elle a indiqué qu'il est attendu de l'entrée en application de cette nouvelle génération de titres d'identité et de voyage une simplification administrative, une plus grande efficience des services, et une meilleure qualité du service rendu à l'usager. En effet, la nouvelle chaîne de traitement des demandes permet un suivi en temps réel des différentes étapes de la délivrance, depuis le dépôt de la demande jusqu'à sa remise. En cela, elle doit permettre de réduire le délai de délivrance du titre, grâce à une meilleure traçabilité des différentes étapes et à la transmission des données sous forme numérique.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a expliqué que les nouveaux titres sécurisés comportent des données de deux ordres. D'une part, certaines données sont directement inscrites sur le document : nom, prénom, date et lieu de naissance, photo... D'autre part, un composant électronique, c'est-à-dire une puce, est incorporée au document d'identité lui-même. Cette puce reprend les données présentes sur le document, ainsi que l'image numérisée de l'empreinte digitale de deux doigts. C'est ce dernier point qui justifie le recours au terme de titre « biométrique ». Les données contenues dans la puce électronique sont protégées, notamment, par des mécanismes de cryptographie rendant théoriquement impossible leur lecture à distance.

Elle a rappelé que l'installation, dans les communes, des stations d'enregistrement, nécessaires à la délivrance des passeports biométriques, a débuté par une phase expérimentale, dès l'automne dernier, et s'est poursuivie par phases successives jusqu'à ces derniers jours. En application du règlement européen du 13 décembre 2004, la France est en effet tenue, comme ses partenaires européens, d'opérer la transition au passeport biométrique d'ici au 28 juin, soit dans trois jours.

Elle a souligné la place centrale de l'ANTS dans le dispositif. Cette agence a été créée à la suite de la publication d'un audit de modernisation, en octobre 2006.

Etablissement public administratif interministériel placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, l'ANTS a pour mission :

- la définition des normes techniques relatives aux titres ;

- le développement, la maintenance et l'évolution des systèmes et des réseaux informatiques permettant la gestion des titres et la transmission des données ;

- l'achat, pour le compte des administrations de l'Etat, des titres sécurisés ;

- l'acquisition et la mise à disposition des administrations, des matériels et des équipements nécessaires à la gestion et au contrôle de l'authenticité et de la validité des titres.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a indiqué que l'agence exerce ses missions depuis le 1er mars 2007 pour le passeport électronique, et, depuis le 1er juin de la même année, pour le passeport biométrique et la carte nationale d'identité électronique. Le transfert de compétences concernant le SIV est intervenu plus récemment, le 10 septembre 2008, tandis que l'ANTS exerce ses missions concernant le visa biométrique depuis le 8 décembre 2008. Le rapport issu de l'audit de modernisation envisageait également de confier à l'ANTS la compétence pour le permis de conduire et les titres permettant l'accueil et le séjour des étrangers en France, dont le titre de séjour. Toutefois, à ce jour, ces transferts n'ont pas encore été réalisés.

Elle a précisé que la montée en puissance de l'agence est prévue sur la période 2007-2010. En 2007, le financement de l'ANTS reposait sur 45 millions d'euros de taxes affectées, provenant des droits de timbre sur les passeports, et 0,8 million d'euros de subventions pour charges de service public.

En loi de finances pour 2009, ce financement s'appuie sur une fraction des droits de timbre sur les titres d'identité et de voyage, pour un montant de 131,2 millions d'euros s'agissant du passeport et de 12,5 millions d'euros s'agissant de la carte nationale d'identité. Il comprend également une fraction de la taxe sur l'immatriculation des véhicules (43 millions d'euros) et de la redevance pour cette immatriculation (28 millions d'euros). Par ailleurs, ce financement est complété par une subvention s'élevant à 52,8 millions d'euros pour charges de service public, retracée dans le programme « Administration territoriale » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a indiqué que le budget prévisionnel de l'agence pour 2009 se monte à 262,7 millions d'euros. Cette enveloppe budgétaire se décompose en 54 millions d'euros pour l'investissement, 202 millions d'euros pour le fonctionnement et 6,7 millions d'euros de frais de personnel.

Elle a observé que les dépenses d'investissement de l'ANTS croissent fortement depuis 2007, afin de faire face à la montée en charge des programmes et à l'équipement des mairies, des préfectures et des consulats. Par ailleurs, un centre d'appel téléphonique vient d'être mis en place à Charleville-Mézières.

Elle a relevé que les dépenses de fonctionnement, qui comptent pour 76,9 % du budget total de l'agence, s'expliquent notamment par l'achat et le transport des titres, produits et personnalisés à l'Imprimerie nationale à Douai, ce poste représentant à lui seul 160 millions d'euros. Ces dépenses comprennent également l'aide à l'installation des stations d'enregistrement versée aux communes.

Depuis sa création, l'agence a mis en oeuvre une politique de recrutement adéquate à sa montée en charge progressive. Pour 2009, la loi de finances prévoit un plafond d'emplois à 116 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT). Au 14 avril 2009, les effectifs de l'agence s'élevaient à 100 personnes et quelques recrutements étaient encore en cours.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a remarqué que, en matière de gestion des ressources humaines, l'une des spécificités de l'ANTS réside probablement dans la proportion de contractuels qu'elle gère. En effet, elle s'appuie aujourd'hui sur 64 contractuels, ce qui peut paraître important. Mais il lui a fallu rechercher des compétences spécialisées dans le domaine des technologies et des systèmes d'information. Elle a également recruté des personnels pour des fonctions de téléconseillers, l'ANTS comptant 34 téléopérateurs. Car la prime d'incitation à la mobilité, mise en place par l'agence, n'a permis de pourvoir qu'une vingtaine de postes sur les 93 ouverts au sein du service de gestion installé à Charleville-Mézières.

Elle a indiqué que l'implantation de l'agence est double, partagée entre Charleville-Mézières, pour son activité de centre d'appel et de gestion, et Levallois-Perret, qui accueille un sixième de ses effectifs. La localisation dans la capitale des Ardennes répond non seulement à un souci d'aménagement du territoire, mais aussi à une préoccupation de réduction des coûts et de fidélisation des personnels.

Parmi les principaux interlocuteurs de l'ANTS dans le cycle de production des titres d'identité, Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a souligné le rôle essentiel de l'Imprimerie nationale. Celle-ci a en effet su faire évoluer ses métiers et s'adapter aux exigences technologiques nouvelles, résultant notamment des projets menés par l'agence.

Elle a salué la démarche volontariste, menée par l'Imprimerie nationale et ses personnels, ayant permis la modernisation incontestable de cet établissement.

Du point de vue des résultats obtenus, Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a estimé qu'il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions définitives. Toutefois, quelques éléments d'appréciation peuvent, d'ores et déjà, être mis en lumière.

Tout d'abord, elle s'est s'interrogée sur le maillage du territoire par 2 000 communes s'étant, selon le ministère de l'intérieur, portées volontaires pour l'accueil des stations d'enregistrement. En la matière, la notion de « volontariat » peut être sujette à caution, dans la mesure où les communes n'ont pas vraiment toujours eu le choix.

Elle a rappelé que le montant de l'indemnisation des communes accueillant les stations d'enregistrement a été fixé, en loi de finances pour 2009, à 5 000 euros par station. Mais ce montant est forfaitaire, et ne prend donc pas en considération les situations spécifiques de chaque commune. Par ailleurs, cette indemnisation, indexée sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF), ne vise à couvrir que le coût supplémentaire induit par les demandes d'usagers non résidents de la commune. L'Etat part du principe qu'il ne lui revient pas d'indemniser la commune pour les titres délivrés à ses résidents, cette mission relevant de la charge du maire en tant qu'officier d'état civil.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a ajouté que le caractère forfaitaire de l'indemnisation ne prend en compte ni la spécificité des « villes-centres » (comme Clermont-Ferrand, par exemple), ni le caractère plus ou moins touristique de la commune, ni les horaires d'ouverture des mairies plus ou moins attractifs pour les usagers (ouverture le samedi matin, par exemple). Il va pourtant de soi que tous ces éléments sont autant de facteurs devant être pris en considération pour apprécier le nombre de passeports susceptibles d'être délivrés dans une commune. Ainsi, par exemple, pour le premier trimestre 2009, la ville de Beauvais a estimé que le nombre de demandes émanant de personnes non résidentes sur son territoire s'élevait à 46 % des demandes totales pour le passeport biométrique.

Par ailleurs, elle a souligné le caractère crucial de l'évaluation du coût de fonctionnement, pour les communes, des stations d'enregistrement. Les débats, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, s'étaient déjà largement faits l'écho de profondes divergences en la matière selon les acteurs.

Elle a indiqué que la variable principale déterminant ce coût de fonctionnement correspond au temps passé par l'agent de mairie à l'occasion de la délivrance d'un titre. A cet égard, les estimations divergent grandement. Du côté du ministère de l'intérieur et de l'ANTS, on estime ce temps à environ 10 minutes, après un certain délai d'apprentissage. Lors de son audition par la commission des finances, le mardi 16 juin, dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement pour 2008, Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a d'ailleurs, à nouveau, évoqué un temps de l'ordre de 9 minutes. Mais, du côté des mairies, les remontées du terrain sont beaucoup moins optimistes. Il paraît raisonnable d'évaluer le temps consacré à la totalité de la procédure à 20-25 minutes. Celle-ci comprend en effet le temps d'accueil, celui de la saisie des données puis le temps de remise du document avec, au préalable, une vérification de l'identité. Encore cette estimation ne tient-elle pas compte du temps simplement passé aux renseignements, téléphoniques ou sur place, auprès des usagers.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a jugé absolument nécessaire de rediscuter le montant de l'indemnité aux communes, après une évaluation plus précise de la charge pesant sur elles. Le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, s'est engagé à conduire un audit, dont les conclusions pourraient être portées à la connaissance des parlementaires à la fin de l'année ou, plus vraisemblablement, dans le courant de l'année 2010. La discussion de la loi de finances pour 2010 constitue un rendez-vous important pour cette question. Le calcul de l'indemnité doit en effet pouvoir prendre en compte non seulement le temps réel consacré par les agents en mairie à la délivrance des titres, mais aussi une évaluation précise du nombre de demandeurs extérieurs à la commune.

Elle a estimé qu'une autre difficulté réside dans la prise de photo en mairie. Celle-ci est facultative et a été laissée à la discrétion des maires à l'issue des débats en loi de finances pour 2009. Or, selon l'Association pour la promotion de l'image (API), les photographes professionnels, comme les usagers et les agents en mairie, sont confrontés à de réelles difficultés. Parmi celles-ci, on peut évoquer le rejet de photos prises chez les professionnels, des problèmes de normes des photos d'identité, ou encore le refus de prendre les enfants en photo. Il est impératif que ces obstacles soient levés au plus vite par une concertation étroite entre l'ANTS, le ministère, les collectivités et les professionnels de la photographie.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a regretté vivement que cette concertation n'ait pas eu lieu en amont du projet, ce qui aurait permis d'éviter les difficultés actuelles pouvant conduire jusqu'à des délais d'attente de six à huit semaines avant d'obtenir un passeport.

Elle a constaté que ces réglages sont d'autant plus urgents que l'activité de délivrance des passeports est fortement saisonnière. Or, comme la presse l'a rapporté, des phénomènes d'embouteillage sont actuellement à déplorer dans les mairies, confrontées à un accroissement considérable du nombre de demandeurs en cette période de l'année. Le passage à la nouvelle génération de titres biométriques ne doit pas avoir pour conséquence une dégradation de la qualité du service rendu à l'usager.

Elle a rappelé que ce service a un prix. Avec la loi de finances pour 2009, le montant du timbre fiscal pour un passeport d'adulte est passé de 60 euros à 89 euros, soit une augmentation de près de 50 %. Selon le gouvernement, cette hausse vise simplement à couvrir le coût plus élevé d'un passeport biométrique.

Toutefois, Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a déploré que cet argument ne soit pas démontré. Aucun coût complet du passeport biométrique n'a pu lui être communiqué. L'estimation du coût de production, qui lui a été indiquée lors de sa visite à l'Imprimerie nationale à Douai, est de l'ordre de 11 euros. L'évaluation du prix d'achat du passeport et de son acheminement, qui lui a été transmise par l'ANTS, est située entre 15 euros et 15,50 euros. Certes, d'autres coûts s'imputent (amortissement des investissements, frais de fonctionnement de l'ANTS...), mais on reste loin des 89 euros. L'application rigoureuse d'une comptabilité analytique est urgente, afin de justifier clairement, auprès du citoyen, le montant du timbre fiscal dont il s'acquitte.

Enfin, Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a jugé ne pas pouvoir passer sous silence certaines implications, en matière de respect de la vie privée et de protection des libertés publiques. Dans un avis rendu le 11 décembre 2007, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) exprime des interrogations sur le système mis en place, dans le cadre de l'entrée en vigueur du passeport biométrique, en particulier au sujet de la conservation des données biométriques et de l'habilitation pour y accéder. Surtout, le règlement européen de décembre 2004 n'impose la saisie que de deux empreintes digitales. Or, la procédure mise en place en France pour le passeport biométrique s'appuie sur l'enregistrement de huit empreintes.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, s'est interrogée, au même titre que la CNIL, sur un tel niveau d'exigence.

Elle a souligné que l'ensemble de ces questions mérite une attention d'autant plus grande que, après le passeport biométrique, il est envisagé une carte nationale d'identité biométrique.

En conclusion, Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a noté que l'émergence d'une nouvelle génération de titres sécurisés marque une étape importante. Elle ouvre un champ inédit, sur lequel travaille actuellement l'ANTS, dans le domaine de la reconnaissance et de la sécurisation de l'identité sur Internet. Les futurs titres d'identité pourraient en effet contribuer à un essor sans précédent du développement de la e-administration et des e-transactions.

Elle a jugé que d'une manière générale, l'entrée en vigueur du nouveau SIV, comme celle du passeport biométrique, se déroulent dans des conditions, pour l'instant, globalement satisfaisantes. Aucun « plantage » total du système n'est à déplorer. Pour autant, certains « plâtres » n'ont pas pu être évités. Elle souhaite que sa mission soit notamment l'occasion de tirer le signal d'alarme et d'y remédier.

Enfin, d'un point de vue strictement budgétaire, Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a conclu à l'urgence de la mise en place d'une réelle comptabilité analytique en matière de titres sécurisés. Cette comptabilité permettra une évaluation précise des coûts, seule base solide de justification du montant de la taxe acquittée par l'usager.

Elle a en outre estimé que la question du montant de l'indemnisation des communes accueillant les stations d'enregistrement reste en suspens. L'enjeu réside, notamment, dans le choix de la méthode de calcul. Il paraît souhaitable que le forfait actuel soit remplacé par une indemnité calculée au prorata des titres délivrés en année n-1 ou n-2. Cette méthode serait en mesure de pallier les inégalités choquantes entre communes, qui ne manqueront pas de se produire si le système du forfait est maintenu.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a considéré que cette question devra revenir à l'ordre du jour des échanges avec le Gouvernement, à l'occasion de la discussion de la prochaine loi de finances pour 2010.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur le caractère plus ou moins spontané des candidatures des communes s'étant proposées pour l'accueil des stations d'enregistrement.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a indiqué que, lors de l'appel à candidatures, il a été suggéré aux communes un découpage géographique visant à délimiter leurs zones d'attraction. Cette vision était toutefois en décalage avec la réalité, selon laquelle le demandeur d'un passeport peut s'adresser à n'importe quelle commune sur l'ensemble du territoire. Du fait de l'affluence de demandeurs leur étant extérieurs, un certain nombre de communes voient d'ailleurs leurs services débordés.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que la suppression des sous-préfectures peut être le corollaire du transfert de ce type de compétences aux communes.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a souligné que les communes ayant passé une convention avec l'Etat en matière de délivrance de titres d'identité peuvent revenir sur cet engagement. Elle a ajouté que certaines mairies, comme celle de Chantilly par exemple, sont contraintes d'augmenter leur effectif pour faire face à cette nouvelle mission.

M. Jean Arthuis, président, a rejoint Mme Michèle André dans sa demande de la mise en place d'une véritable comptabilité analytique dans le domaine des titres sécurisés.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a répété qu'une telle comptabilité est nécessaire et elle a rappelé qu'elle n'a obtenu aucune réponse à ses demandes de justification d'une hausse de près de 50 % du droit de timbre fiscal pour le passeport.

M. Jean Arthuis, président, s'est en outre inquiété du devenir de la profession de photographe, au regard du dispositif mis en place dans le cadre du passeport biométrique.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a souligné les efforts accomplis par cette profession pour se conformer aux normes édictées par le ministère et elle a souligné le risque de mécontentement des photographes en réaction à la situation ainsi créée.

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » pour la commission des lois, a indiqué que l'estimation d'un délai moyen de neuf à dix minutes pour le traitement de la demande d'un passeport biométrique, ne tient compte ni du dialogue nécessaire entre l'usager et l'agent, ni du temps passé lors du retrait du passeport. Les communes ne sont pas opposées à assumer la mission de délivrance du passeport, à condition d'être indemnisées au coût réel.

Face à l'allongement actuel des files d'attente devant les guichets en mairie, il a suggéré que la prise de rendez-vous puisse se faire par Internet, comme certaines communes le font déjà, et que le téléchargement du document administratif de demande soit possible.

A son tour, il a souligné le nombre important de rejets, par l'Imprimerie nationale, de dossiers du fait de photos d'identité non réglementaires, notamment dans le cas des enfants ou des personnes de couleur prises sur un fond foncé. Le photographe professionnel pourrait délivrer la photo d'identité sur un support numérique afin de réaliser des gains de temps et d'efficacité. Cette solution passe par l'équipement en lecteur adapté des stations d'enregistrement actuelles.

M. Jean-Jacques Jégou a indiqué que, dans son département, certaines communes se sont fait concurrence pour obtenir leur station. Il s'est interrogé sur le principe de l'indemnisation des communes au titre de la délivrance du passeport.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que cette indemnisation s'élève à 5.000 euros par station et vise à couvrir les demandes émanant d'usagers extérieurs à la commune.

M. Jean-Jacques Jégou a souligné la condamnation de l'Etat à payer une amende pour les quatre dernières années, au cours desquelles la délivrance des titres a été transférée aux communes et s'est opérée sans base légale.

Il a regretté la complexité du dispositif actuel pour l'usager, qui doit s'acquitter de 88 euros s'il peut produire deux photos d'identité, et de 89 euros dans le cas contraire. Il a précisé que, devant une telle situation, la mairie risque de servir d'exutoire à l'irritation des usagers.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a déploré que cette question n'ait pas fait l'objet d'une concertation en amont avec tous les acteurs concernés.

M. Jean-Jacques Jégou a insisté sur le risque de blocage du système ainsi que sur le temps effectif passé à délivrer un passeport. Ce temps est de trente minutes pour remplir le dossier administratif, puis de vingt minutes consacrées au traitement du dossier.

M. Philippe Dallier a indiqué que le département de Seine-Saint Denis n'a pas encore procédé à la mise en place de ce dispositif, mais qu'il le fera d'ici au 28 juin 2009. Il s'est inquiété de la situation dans ce département, où certaines communes n'ont pas accepté les stations et où les demandeurs risquent de ne remplir le formulaire qu'avec beaucoup de difficultés.

Il déplore que l'Etat n'ait pas su adapter ses méthodes de travail et que la responsabilité du passeport incombe désormais, aux yeux de l'opinion publique, aux maires.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a rappelé que cette situation est la conséquence de la position prise par les députés, en commission mixte paritaire (CMP), lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2008.

Mme Nicole Bricq a annoncé qu'elle a conduit une enquête dans son département auprès de huit communes. Ces communes assument leur responsabilité en matière de délivrance de titres mais souffrent de graves problèmes de personnels et de stationnement, liés à l'afflux des demandeurs.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que pour pallier ce manque de personnel, il conviendrait de redéployer les effectifs des sous-préfectures.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a considéré que ces activités de délivrance de titres auraient pu être maintenues dans les sous-préfectures.

M. Alain Anziani a remarqué que les sous-préfectures s'occupent encore, notamment, des étrangers.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a rappelé que les conventions passées entre l'Etat et les communes peuvent être dénoncées, sous réserve du respect de certains délais, par les communes.

M. Jean-Jacques Jégou a déploré que l'Etat s'en remette à la pression populaire, susceptible de peser sur les élus locaux en faveur du maintien en fonctionnement des stations d'enregistrement.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que le maire de la commune est officier d'état civil. Il a toutefois regretté le manque de lisibilité du barème qui varie entre 88 et 89 euros, selon que le demandeur d'un passeport fournit sa photo d'identité ou pas. Il a en outre souhaité que le photographe professionnel puisse, à l'avenir, fournir à son client un support numérique réutilisable en mairie et que, à cette fin, les stations d'enregistrement soient équipées d'un lecteur adapté.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a souligné le caractère « rudimentaire » de l'équipement de ces stations et a relevé que certaines mairies rencontrent des problèmes d'utilisation des « douchettes » permettant la lecture de l'imprimé rempli par le demandeur.

M. Jean Arthuis, président, s'est inquiété de la procédure visant à enregistrer huit empreintes de l'usager.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a répercuté les réserves de la CNIL sur cette question. Si l'ANTS dispose d'une réelle expertise en matière de développement technologique, elle n'a pas été en mesure de lever les interrogations sur le sujet du nombre d'empreintes prises, en dépit de demandes d'explication récurrentes. Les enseignements tirés du passage au passeport biométrique sont d'autant plus importants que la prochaine étape pourrait être une carte nationale d'identité biométrique. A cet égard, il est permis de douter de la nécessité d'introduire des données biométriques dans ce titre d'identité, dès lors qu'il n'est pas requis pour voyager.

La commission a ensuite donné acte, à l'unanimité, à Mme Michèle André, rapporteure spéciale, de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Débat d'orientation des finances publiques - Audition de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, préalable au débat d'orientation des finances publiques.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a indiqué que, face à une crise sans précédent, les mesures de relance ne sont pas à remettre en cause dans leur principe, dès lors qu'elles demeurent circonscrites et provisoires. Le risque existe néanmoins d'un relâchement de l'effort de maîtrise de la dépense. Ainsi, la dégradation des comptes publics constatée en 2008 a concerné quasiment toutes les administrations et ne résulte pas seulement des effets de la crise. En recettes, les baisses enregistrées l'an dernier traduisent principalement des tendances de fond, et sont notamment la conséquence de décisions de baisses d'impôts prises au cours des années précédentes. Ces décisions ont diminué les ressources publiques de 10 milliards d'euros, dont 6,5 milliards sont imputables à la loi pour le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat et 2,9 milliards aux dégrèvements de taxe professionnelle.

La dégradation s'explique également par l'insuffisante maîtrise des dépenses. Bien que la croissance récente de l'ensemble des dépenses publiques se soit établie à un niveau inférieur à la tendance observée sur la période 1998-2007, les objectifs affichés nécessitent des efforts d'une toute autre ampleur que ceux réalisés jusqu'à présent. A ce jour, seule la Suède a un taux de dépenses publiques plus fort que la France, mais son solde budgétaire était, au moins jusqu'à une date récente, très nettement excédentaire. Le déficit structurel français est estimé aux alentours des 3,5 % du produit intérieur brut (PIB), soit l'intégralité du déficit constaté fin 2008, ce qui démontre que le problème des finances publiques ne trouvait pas, à cette époque, son origine dans la conjoncture.

Au sens du traité de Maastricht, la dette publique brute a progressé de 10 %, passant de 1 209 milliards d'euros fin 2007, soit 63,8 % du PIB, à 1 327 milliards d'euros fin 2008, soit 68,1 % du PIB. La moitié de l'augmentation constatée est imputable au déficit et un cinquième résulte des emprunts contractés pour le financement des banques. Il convient en effet de rappeler que la Société de financement de l'économie française (SFEF) et la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE) ont été classées par l'INSEE et Eurostat parmi les administrations publiques, ce qui a pour effet d'inclure dans la dette maastrichtienne les emprunts qu'elles contractent. Le niveau potentiel de la dette brute apparaît encore supérieur si l'on y inclut la moitié des 28 milliards d'euros de dettes de Réseau ferré de France ne pouvant être remboursée que par l'Etat, et si l'on tient compte des billets de trésorerie émis par l'ACOSS, pour un montant de 10 milliards d'euros fin 2008, qui ont minoré temporairement la dette brute consolidée des administrations publiques.

Le prix de cette dette s'affiche dans les intérêts substantiels que la France doit payer, soit plus de 54 milliards d'euros en 2008, ce qui représente 2,8 % du PIB. La croissance de notre endettement s'accompagnera d'une augmentation de la prime de risque qui y est associée et, par conséquent, de la charge d'intérêts. En conséquence, et bien que l'écart de financement avec l'Allemagne ait récemment diminué, la crédibilité de la signature de la France est désormais attentivement observée par les marchés. Enfin, redevenu positif en 2006, le solde primaire des administrations publiques s'est de nouveau dégradé en 2007 et 2008 pour atteindre - 0,6 % du PIB. Les administrations publiques doivent donc emprunter pour payer non seulement les intérêts de la dette, mais aussi une partie des dépenses courantes hors intérêt.

Sur le fondement de ces constatations, M. Philippe Séguin a fait observer que la France est entrée avec des finances publiques dégradées dans une crise dont l'impact s'annonçait extrêmement violent. Selon la Cour, si une récession de 3 % se confirme, le déficit devrait s'élever à la fin de l'année à au moins 7 % de la richesse nationale et la dette publique dépasser 75 % du PIB, ou 80 % en comptabilisant les emprunts de la SFEF. Le doublement du déficit s'explique par l'impact du plan de relance, mais surtout par la baisse spontanée des rentrées d'impôts et de cotisations sociales et, plus secondairement, par l'augmentation spontanée de certaines dépenses, notamment celles d'assurance chômage. Bien que le déficit français s'annonce moins important que celui du Royaume-Uni ou des Etats-Unis, il dépassera celui de l'Allemagne, dont le plan de relance est pourtant plus important mais le déficit structurel plus faible.

Aucune catégorie d'administration publique n'échappera à la dégradation. L'Etat devrait ainsi voir son déficit doubler et passer de 56,3 milliards d'euros en 2008 à plus de 120 milliards en 2009, ce qui représente plus de la moitié de ses recettes nettes.

Le déficit du régime général de la sécurité sociale devrait doubler et dépasser les 20 milliards d'euros, ce qui n'ira pas sans poser, dès l'automne, un problème de dépassement du plafond d'avances à l'ACOSS. Si le relèvement du plafond est envisageable, il implique que la Caisse des dépôts soit en mesure d'apporter un montant supplémentaire de ressources. Or celle-ci estime que, dans les conditions actuelles du marché monétaire, de tels montants se traduiront par des pertes, raison pour laquelle elle a dénoncé la convention censée courir jusqu'en 2010. Une autre solution, de facilité, consisterait à faire reprendre ces déficits par l'Etat. La Cour estime toutefois que la maîtrise de la dette de la sécurité sociale implique qu'elle demeure isolée, et non « noyée dans l'océan des déficits » de l'Etat. A l'instar des régimes complémentaires de retraite et du Fonds de solidarité vieillesse, l'assurance chômage devrait enfin, après deux ans d'excédents, renouer avec les déficits, estimés par l'UNEDIC à 1,3 milliard d'euros fin 2009.

S'agissant des administrations publiques locales, 2009 connaîtra probablement une importante baisse des droits de mutation. Toutefois, à l'exception de la taxe professionnelle, les bases des principaux impôts directs locaux sont protégées des effets immédiats de la crise. Par ailleurs, nombre de collectivités ayant majoré leurs taux, le ralentissement du produit des impôts locaux devrait être limité en 2009. Les dotations de l'Etat devraient connaître, dans le même temps, une augmentation sensible et les dépenses risquent de continuer à croitre à un rythme soutenu, compte tenu de l'alourdissement des prestations sociales en lien avec la crise.

Pour l'ensemble des finances publiques, M. Philippe Séguin a fait valoir que les perspectives à l'horizon de 2012 ne sont guère meilleures. Même en retenant des prévisions de croissance proches de celles du Gouvernement et une progression des dépenses en ligne avec la tendance (soit 2,2 % en 2011 et 2012), le déficit serait encore supérieur à 6 % et la dette approcherait les 90 % du PIB en 2012. Dans ces conditions, les objectifs fixés pour 2012 en termes de finances publiques ne pourront être approchés qu'au prix d'un effort supplémentaire considérable. S'il convient de saluer le principe d'une loi de programmation des finances publiques et l'adoption d'un budget triennal de l'Etat, plusieurs éléments intervenus depuis le vote de la loi de programmation 2009-2012 brouillent la lisibilité de la stratégie affichée par le Gouvernement et pourraient remettre en cause sa crédibilité. Le respect des orientations fixées dans ce cadre supposerait, par exemple, que la baisse du taux de TVA sur la restauration et la réforme de la taxe professionnelle soient compensées par une augmentation d'impôts ou une suppression d'avantages fiscaux de même ampleur.

De même, et sauf à se résigner à augmenter les prélèvements obligatoires, la perspective d'une réduction sensible du déficit et de la dette à l'horizon 2012 n'est pas réaliste sans un effort drastique de réduction des dépenses. La France s'approche d'une « zone dangereuse » et parsemée de risques. Le premier est économique : la dégradation des finances publiques pourrait, en effet, nourrir l'inquiétude des agents économiques. L'anticipation, par ces derniers, de hausses d'impôts et de cotisations sociales pourrait les conduire à différer consommation et investissement et à plonger l'économie nationale dans un cercle vicieux retardant la sortie de crise. Un deuxième risque réside dans l'appauvrissement d'un Etat qui consacre davantage sa dépense au fonctionnement et aux interventions qu'à la préparation de l'avenir. L'emballement de la dette constitue un troisième risque, dans la mesure où, dans un contexte de déficit structurel et d'endettement très élevés, une faible aggravation du déficit liée, par exemple, aux dépenses de vieillissement, pourrait provoquer un accroissement exponentiel de la dette. Certains scénarios font ainsi état d'un niveau de dette proche de 100 % du PIB en 2018 et 200 % avant 2040. A titre de comparaison, la dette de la France était de 118 % du PIB au sortir de la Première Guerre mondiale et de 170 % en 1945. Sur la base d'un taux d'intérêt à 4 %, la charge d'intérêt pourrait atteindre 8 % du PIB, soit davantage que le produit de la TVA. Le quatrième risque concerne enfin la crédibilité de la signature de la France. Les charges d'intérêt ne pouvant pas mobiliser une part indéfiniment croissante des ressources, les créanciers de l'Etat pourraient refuser tout nouveau prêt et un ajustement brutal de nos finances publiques serait alors nécessaire.

Craignant que le fait de répéter que les caisses sont vides n'accrédite l'idée qu'elles sont inépuisables, M. Philippe Séguin a jugé que la dérive des finances publiques aurait des conséquences concrètes sur la vie quotidienne des Français, qui se verraient contraints de « payer plus pour rembourser plus », cependant que l'Etat serait amené à remettre en cause radicalement une grande partie des interventions et des politiques publiques. Le retour dans des délais relativement brefs à une croissance dynamique étant peu crédible, deux voies d'amélioration demeurent envisageables : la réduction des dépenses et l'augmentation des recettes, notamment par la réduction des niches sociales et fiscales. Si le défi peut paraître considérable, l'ampleur de l'effort à accomplir n'est pas exceptionnelle au regard des ajustements menés dans les autres pays de l'OCDE ou de mesures de redressement prises par la France au cours de son histoire.

La limitation des dépenses de 2008 à 2012, telle que prévue par le Gouvernement, ne peut contribuer à ce redressement que pour environ un point de PIB, soit 20 milliards d'euros. A cet égard, les économies annoncées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques sont estimées par le Gouvernement à 6 milliards d'euros, ce qui démontre la nécessité de réformes beaucoup plus ambitieuses.

La dérive des prestations sociales appelle également une poursuite des réformes. La dégradation rapide des comptes de l'assurance vieillesse justifie de nouvelles négociations sur les retraites, y compris sur les avantages familiaux. Dans le domaine de la santé, une révision du cadre des négociations conventionnelles avec les professions de santé, une réflexion sur certaines prestations et la poursuite de la réorganisation du système hospitalier sont nécessaires. S'agissant de l'Etat, des économies supplémentaires pourraient venir d'une meilleure gestion budgétaire « en mode LOLF », c'est-à-dire centrée sur la mesure des coûts et sur la performance, d'une réforme de la gestion des ressources humaines affectées aux missions de l'Etat et d'une maîtrise de la masse salariale ainsi que du coût des pensions. Les effectifs et les charges de fonctionnement des opérateurs de l'Etat, de plus en plus nombreux, ne doivent pas non plus être négligés. Enfin, la maîtrise des dépenses locales peut passer par une rationalisation de l'intercommunalité, de la fiscalité locale et des concours financiers d'un Etat encore trop enclin à faire financer par les collectivités les politiques dont il n'a plus les moyens budgétaires.

Résumant les trois « messages-clés » adressés par la Cour à la commission, M. Philippe Séguin a contesté l'idée selon laquelle la « France s'en tirerait mieux » que ses voisins dans la crise. Il a conditionné le rétablissement des comptes à un effort accru de vérité sur l'état de nos finances publiques, et jugé indispensable la réalisation de 70 milliards d'euros d'économies. Un tel montant ne saurait être atteint par des réformes ponctuelles axées sur les gaspillages ou les dysfonctionnements les plus flagrants, et implique une véritable réflexion sur le rôle de l'Etat, les missions du service public et les modalités de leur financement.

M. Jean Arthuis, président, a relevé que certains discours convenus sur l'attractivité de la France en matière d'investissements internationaux dissimulent une réalité moins flatteuse : si des capitaux étrangers sont placés dans notre pays, c'est d'abord pour financer notre déficit budgétaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a salué la lucidité du propos de M. Philippe Séguin. Trois points de méthode doivent néanmoins être soulevés. La notion de déficit structurel repose sur une référence à la croissance potentielle de l'économie. La crise ayant très probablement une incidence négative sur cette croissance potentielle, ne convient-il pas de réviser les modalités d'évaluation du déficit structurel ? En deuxième lieu, les évolutions divergentes des dettes publiques constituent un enjeu crucial pour la pérennité de la zone euro. Or l'appréciation de ces évolutions peut être biaisée par des méthodes d'évaluation des agrégats différentes entre les Etats membres. Dans la mesure où Eurostat ne constitue qu'une réunion d'instituts statistiques nationaux, la Cour des comptes et les autres certificateurs européens ne peuvent-ils mener des travaux garantissant l'homogénéité des définitions nationales de l'endettement ? Enfin, « l'agencisation » de l'Etat, qui consiste à déléguer un nombre croissant de missions à des opérateurs, semble prospérer. Que penser, ainsi, d'un Plan campus financé par des dotations non consomptibles aux universités, soit autant de « poches » de trésorerie ayant vocation à être placées en bons du Trésor ?

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite abordé la question du financement croissant de la dette de l'Etat au moyen de titres à court terme. Si cette démarche traduit la volonté de l'Agence France Trésor de tirer le meilleur parti des conditions de marché, ne prive-t-elle pas l'autorisation parlementaire de sa portée, dans la mesure où celle-ci ne concerne que le financement à moyen et long termes ? En outre, s'agissant de l'endettement, quelle appréciation la Cour porte-t-elle sur l'opportunité de recourir à un emprunt national, le cas échéant obligatoire ?

M. Philippe Marini, rapporteur général, a enfin interrogé M. Philippe Séguin sur l'impact budgétaire d'une suppression de la taxe professionnelle qu'il faudra nécessairement compenser, et sur l'opportunité de différer temporairement l'amplification de la révision générale des politiques publiques, afin de ne pas compromettre une cohésion sociale dont la fragilisation causerait un grand préjudice à l'économie nationale.

M. Philippe Séguin a jugé que les décisions issues de la révision générale des politiques publiques ont tendance à « s'étioler » au gré de leur mise en oeuvre, aboutissant à des résultats sensiblement plus modestes que les ambitions affichées. S'il ne faut pas nier le péril que la crise fait peser sur la cohésion sociale, le remède semble davantage résider dans un effort de pédagogie à l'égard des citoyens, consistant à leur expliquer que le report de réformes indispensables impliquerait des ajustements encore plus douloureux. Sur les autres points soulevés par le rapporteur général, M. Philippe Séguin a formulé les réponses suivantes :

- la notion de croissance potentielle apparaît à bien des égards fragile et sujette à débats ; les controverses méthodologiques entourant cette notion ne sont pas pour autant de nature à remettre en cause le diagnostic de fond portant sur nos finances publiques ;

- la zone euro n'a pas été conçue pour résister à des divergences structurelles de la nature de celles qui sont en train d'apparaître en matière de finances publiques. S'agissant de la fiabilité des comparaisons entre niveaux d'endettement nationaux, l'indépendance et l'absence de complaisance d'Eurostat ne semblent pas devoir être remises en cause ;

- il est exact que la part de la dette négociable à court terme a considérablement augmenté en 2008, dans un contexte de forte demande pour les valeurs du Trésor et de taux courts peu élevés. L'accroissement des émissions à court terme a notamment eu pour objet de préfinancer les mesures du plan de relance. Cette politique d'émission présente le risque de rendre la charge d'intérêts plus sensible à une tension sur les taux courts, et suppose donc une anticipation fiable des évolutions de taux, de manière à transformer une part de la dette à court terme en dette à moyen et long termes. Il est par ailleurs opportun d'informer plus régulièrement et plus complètement le Parlement de l'évolution de la dette à court terme ;

- s'agissant de l'emprunt national, la Cour n'a connaissance ni de son montant, ni de ses modalités, ni de sa destination. N'ayant pas délibéré sur ce thème, il lui est difficile d'émettre une opinion, sauf à rappeler que des circonstances exceptionnelles peuvent justifier des mesures exceptionnelles. Il convient néanmoins de cantonner strictement l'usage de ce type d'instrument à la lutte contre les effets de la crise et d'en limiter au maximum le coût ;

- la Cour partage les interrogations de la commission sur le remplacement de la taxe professionnelle et sur son impact budgétaire, et le Conseil des prélèvements obligatoires publiera prochainement des travaux consacrés aux prélèvements obligatoires dans une économie globalisée, analysant notamment la situation des finances locales.

Rappelant l'exemple suédois, M. François Marc a relevé qu'un niveau élevé de dépense publique n'est pas forcément exclusif d'un solde excédentaire. En revanche, la Cour peut-elle évaluer l'impact budgétaire et l'efficacité économique de l'ensemble des baisses de recettes opérées et annoncées ?

M. Philippe Séguin a indiqué que la Suède préserve un solde excédentaire en raison du niveau très élevé de sa fiscalité et se caractérise par une dépense publique globalement plus efficace qu'en France. Au demeurant, il n'appartient pas à la Cour de définir quel niveau de prélèvements obligatoires est politiquement acceptable pour les Français. L'impact budgétaire des allègements d'impôts s'élève à 39 milliards d'euros sur les cinq dernières années. Leur impact économique n'est pas mesuré à ce stade, mais entre bel et bien dans le cadre des nouvelles missions constitutionnelles de la Cour des comptes relatives à l'évaluation des politiques publiques.

M. Jean-Jacques Jégou a vu dans les analyses de la Cour un encouragement pour le Parlement à ne pas s'en tenir à la seule contestation de certaines mesures coûteuses pour les finances publiques, telle la baisse du taux de taxe sur la valeur ajoutée dans la restauration. S'agissant des finances sociales, la Caisse nationale d'assurance vieillesse appréhende un déficit de 50 milliards d'euros en 2012. Quel rôle la Cour peut-elle jouer pour faire la lumière sur l'avenir de notre système de retraite ? Par ailleurs, si nos stabilisateurs automatiques épargnent à la France une situation aussi délicate que celle que traversent certains de ses voisins, quelles difficultés faut-il s'attendre à affronter lors de la sortie de crise ?

M. Philippe Séguin a estimé que l'équilibrage du financement des retraites ne permettra ni d'éluder la question de l'âge du départ à la retraite, ni celle du niveau de cotisation et de pension. Le déficit de financement de la protection sociale n'est pas lié aux fraudes ou aux excès de certains usagers, mais à des déséquilibres structurels appelant des mesures elles-mêmes structurelles. A titre d'exemple, l'incompatibilité entre un système de distribution des soins fondé sur une logique libérale et un principe de socialisation de la dépense est diagnostiquée de longue date.

M. Serge Dassault a affirmé partager les constats de la Cour et souhaité qu'une analyse si clairvoyante sur l'état des finances publiques tempère l'optimisme dont fait traditionnellement preuve le Gouvernement.

Citant l'exemple de la mise en oeuvre du revenu de solidarité active, M. Philippe Adnot a regretté que l'empilement de dispositifs législatifs et réglementaires nouveaux accroisse continuellement la dépense, et que les règles de recevabilité financière encadrant l'initiative parlementaire ne s'appliquent pas au Gouvernement.

Bien que la Cour n'ait pas eu à connaître les conditions de mise en oeuvre du RSA, M. Philippe Séguin a consenti qu'une forme de « schizophrénie » transparaissait entre des discours vertueux sur le plan des principes et des pratiques conduisant à accumuler les mesures ponctuellement coûteuses.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur l'appréciation que la Cour porte sur la dichotomie entre bons et mauvais déficits.

Considérant qu'« un bon déficit est un déficit inexistant », M. Philippe Séguin a toutefois admis qu'il est courant de distinguer les dépenses d'avenir des autres dépenses. Ce débat renvoie à la définition de la règle d'or, qui voudrait qu'il soit exclusivement recouru à l'endettement pour financer lesdites « dépenses d'avenir ». La définition de ces dépenses demeure toutefois sujette à controverse.

M. Aymeri de Montesquiou a souhaité connaître la part de la dette locale dans l'ensemble de la dette publique et s'est interrogé sur la part de la masse salariale des collectivités dans l'emploi public.

En réponse, M. Philippe Séguin a indiqué que la dette des administrations publiques locales représente environ 10 % de la dette publique au sens du Traité de Maastricht.

A la question de M. Pierre Bernard-Reymond, relative aux conséquences du creusement des écarts caractérisant la situation des finances publiques entre les Etats de la zone euro, M. Philippe Séguin a admis que l'existence même de l'euro pourrait être menacée.

Loi de finances pour 2009 - Projet de décret d'avance - Communication

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur un projet de décret d'avance relatif à diverses mesures en matière, notamment, de santé, relations avec les collectivités territoriales, défense et outre-mer, transmis pour avis à la commission, en application de l'article 13 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que le projet de décret d'avance porte ouverture et annulation de crédits, pour un montant de 303,1 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 384,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Il a observé que, si la plupart des ouvertures de crédits demandées dans le cadre de ce projet de décret d'avance répondent aux critères d'urgence et d'imprévisibilité - l'indemnisation des collectivités touchées par des calamités naturelles, les mesures d'aide à l'Afghanistan et au Pakistan, la compensation de la baisse du prix des carburants dans certains départements d'outre-mer, le financement des opérations de recherche à la suite de la catastrophe aérienne du 1er juin 2009 et, dans une moindre mesure, le financement de la compagnie française de l'exposition de Shanghai 2010 -, en revanche, deux mesures suscitent des réserves.

S'agissant, tout d'abord, de l'ouverture de crédits pour l'acquisition de masques de protection contre la grippe A/H1N1, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que, si l'émergence du nouveau virus était imprévisible, en revanche, la nécessité d'achats supplémentaires de masques, elle, ne l'était pas. En effet, ces nouveaux achats sont destinés, pour partie, au renouvellement de masques dont l'arrivée à péremption était connue au moment du vote de la loi de finances initiale pour 2009.

Quant au caractère urgent de ces acquisitions, il est également discutable, l'achat des nouveaux masques résultant moins de l'urgence que de l'absence de décision prise sur le sort à réserver aux masques actuellement périmés. En effet, ces masques périmés ne seront pas détruits au fur et à mesure de l'acquisition des nouveaux produits, mais seront conservés, en vue de pallier d'éventuels besoins, des études ayant prouvé le maintien de leurs capacités filtrantes. M. Philippe Marini, rapporteur général, a ainsi souligné la contradiction existant entre, d'une part, la volonté de renouveler des stocks périmés, et, d'autre part, celle de conserver - tout en refusant de les utiliser au moins dans un premier temps - des produits utilisables en dépit de leur arrivée à péremption. Il a considéré qu'une décision rapide doit être prise sur ce point : ou bien ces masques sont réellement efficaces et peuvent être distribués, ou bien ils ne le sont pas et doivent, en conséquence, être détruits.

Par ailleurs, il a attiré l'attention sur le fait que le projet de décret d'avance ne porte que sur l'acquisition de masques et non sur celle de vaccins qui sera pourtant nécessaire avant l'automne.

Enfin, de façon plus générale, il a indiqué que le projet de décret d'avance doit conduire à s'interroger, de nouveau, sur la qualité de gestion des stocks constitués en cas d'attaque terroriste ou de pandémie, ainsi que sur l'utilité même de l'agence chargée de cette gestion, l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). Cette question a été soulevée, dès l'origine, par Mme Nicole Bricq, alors rapporteure spéciale de la mission « Sécurité sanitaire » et, plus récemment, par M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial de la mission « Santé ».

En effet, alors que l'EPRUS a été créé dans le but d'assurer l'acquisition et le stockage des produits de santé dans le cadre des plans de lutte contre les risques sanitaires de grande ampleur, la gestion des stocks de masques des différents ministères, ainsi que des collectivités territoriales, échappe à sa compétence. Cet établissement aura, par ailleurs, recours, pour la passation des nouveaux marchés, à l'Union des groupements d'achats publics (UGAP).

Enfin, M. Philippe Marini, rapporteur général, a insisté sur les difficultés rencontrées par la commission pour obtenir des chiffres précis et cohérents sur l'état actuel des stocks et l'évaluation des besoins nouveaux.

Mme Nicole Bricq a indiqué partager les arguments de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur cette question, précisant que, en sa qualité de rapporteure spéciale de la mission « Sécurité sanitaire », elle avait attiré l'attention, dès la constitution des premiers stocks et la mise en place de l'EPRUS, sur le risque de péremption des produits et la mauvaise gestion de cet opérateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite analysé les ouvertures de crédits relatives aux opérations immobilières du ministère de la défense, seconde mesure sur laquelle la commission exprime des réserves quant à son imprévisibilité et son urgence.

Il a, tout d'abord, rappelé que la mission « Défense » doit être en partie financée, sur la période 2009-2014, par des ressources exceptionnelles, évaluées à 3,7 milliards d'euros par le projet de loi de programmation militaire 2009-2014. Ces ressources exceptionnelles devraient correspondre, en quasi-totalité, à des cessions de biens immobiliers et de fréquences hertziennes, estimées initialement, dans le cas de l'année 2009, à 1,6 milliard d'euros, dont environ 1 milliard d'euros pour les actifs immobiliers et 0,6 milliard d'euros pour les fréquences hertziennes. S'agissant des biens immobiliers, il s'agit de céder les principaux immeubles parisiens à une société de portage en cours de création, qui serait une filiale de la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Or, lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire 2009-2014 par l'Assemblée nationale, le 8 juin dernier, M. Hervé Morin, ministre de la défense, a déclaré que, s'agissant des fréquences hertziennes, aucune recette ne serait perçue en 2009 et que, s'agissant des biens immobiliers, si environ 0,3 milliard d'euros a déjà été perçu, la création de la société de portage serait, en revanche, repoussée au mois d'octobre 2009.

Afin de compenser partiellement le retard des produits de cessions immobilières, le projet de décret d'avance propose ainsi de réorienter certains crédits de paiement de la mission « Défense » vers les dépenses immobilières du ministère. M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que le projet de décret d'avance obéit ainsi davantage à une logique de virement que de décret d'avance, un virement n'ayant pu être formellement réalisé, compte tenu du plafond fixé par l'article 12 de la LOLF.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est ensuite interrogé sur le caractère imprévisible de cette situation. Certes, la lenteur de la mise en place de la société de portage découle probablement, au moins en partie, de la crise économique. Cependant, il a fait observer que l'on ne pouvait exclure que les retards actuels auraient été constatés en l'absence de crise économique. Par ailleurs, il a rappelé que, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, la commission avait déjà émis de fortes réserves sur le montage proposé. La commission avait alors souligné, d'une part, les risques que le statut de la société de portage pouvait entraîner et, d'autre part, les incertitudes de cette opération en raison de l'état du marché immobilier.

Mme Nicole Bricq et M. François Trucy ont indiqué que, en leurs qualités respectives de rapporteure spéciale du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » et de rapporteur spécial de la mission « Défense », ils partagent les observations formulées par M. Philippe Marini, rapporteur général, sur cette question des cessions immobilières du ministère de la défense.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite présenté son avis sur le projet de décret d'avance, en faisant valoir que :

- le plafond de 1 % pour les crédits ouverts n'est pas dépassé ;

- l'équilibre budgétaire défini par la loi de finances initiale pour 2009, voté par le Parlement, est respecté ;

- l'urgence et l'imprévisibilité à ouvrir les autorisations d'engagement et les crédits de paiement sont indiscutables, sauf en ce qui concerne les ouvertures de crédits relatives à l'acquisition de masques et aux opérations immobilières du ministère de la défense.

Sous réserve de ces observations, la commission des finances a émis un avis favorable au projet de décret d'avance portant ouverture et annulation de crédits.

Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 - Audition de M. Hervé Morin, ministre de la défense

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008.

M. François Trucy, rapporteur spécial, a relevé que, selon le rapport annuel de performances pour 2008, « le recouvrement de [la] capacité de réaction à temps (projection de 30 000 hommes) [de l'armée de terre] sur un préavis de six mois serait (...) tributaire d'un effort, notamment financier, de remise à niveau opérationnelle du personnel et des équipements, et d'une récupération des moyens déjà projetés sur d'autres théâtres. En outre, la constitution des stocks requis pour réaliser les dotations initiales nécessaires au soutien d'un engagement de cette ampleur et la capacité des industriels à répondre à la demande des armées pour réaliser certaines ressources (munitions) ou matériels doivent faire l'objet d'une attention particulière ». Il s'est demandé ce qu'il est concrètement prévu de faire d'ici à 2014 pour atteindre cette capacité de projection de 30 000 hommes un an sans relève, fixée par le projet de loi de programmation militaire 2009-2014.

En réponse, M. Hervé Morin, ministre de la défense, a souligné que l'ancien objectif de capacité de projection de 50 000 hommes un an sans relève, fixé par la loi n° 2003-73 du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008, n'est pas réaliste. Le projet de loi de programmation militaire 2009-2014, actuellement en cours de discussion, doit permettre d'atteindre l'objectif de 30 000 hommes tout au long de la période, malgré le retrait des derniers C160 Transall en 2015. La capacité de projection un an sans relève de la France est actuellement comprise entre 30 000 et 35 000 hommes, ce qui en fait la plus importante en Europe avec celle du Royaume-Uni. Conformément aux souhaits exprimés par M. Didier Boulaud, le ministère de la défense s'emploie à accroître la part de ses effectifs consacrée aux tâches opérationnelles.

M. François Trucy, rapporteur spécial, s'est demandé pourquoi, avec un « réservoir » de combattants projetables analogue à celui de la France, le Royaume-Uni a été capable de projeter 45 000 hommes en Irak en 2003. Il s'est demandé si cela provient d'un manque de matériel.

M. Hervé Morin a considéré que ce phénomène peut s'expliquer par un passage à l'armée de métier dès 1962 dans ce pays, une plus faible proportion des effectifs affectés au soutien et une réduction des moyens relatifs à la dissuasion nucléaire.

M. Charles Guené, rapporteur spécial, a souhaité obtenir des précisions sur le financement des opérations extérieures (OPEX) en 2008, et sur la disposition du rapport annexé au projet de loi de programmation militaire 2009-2014 selon laquelle « en gestion, les surcoûts nets non couverts par la provision (surcoûts hors titre 5 nets des remboursements des organisations internationales) seront financés par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle ».

M. Hervé Morin a indiqué qu'en 2008 le surcoût des OPEX a été de 830 millions d'euros, dont 460 millions inscrits en loi de finances initiale. L'écart, de 370 millions d'euros, a été essentiellement financé par des remboursements de l'ONU (41 millions d'euros) et le décret n° 2008-1244 du 28 novembre 2008 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance, qui a ouvert 266 millions d'euros de crédits de paiement, « gagés » par des annulations de dotations du ministère de la défense, et dans une moindre mesure par des annulations d'autres ministères (plus de 40 millions d'euros). Les 159 millions d'euros de crédits de paiement annulés sur le programme 146 « Equipement des forces » correspondent essentiellement au programme du deuxième porte-avions, « suspendu » jusqu'en 2011, et n'ont donc pas eu de conséquence concrète. Les OPEX ont également été financées en 2008 par un prélèvement sur la trésorerie du commissariat à l'énergie atomique (CEA), qui pourrait constituer un sujet intéressant de contrôle parlementaire.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur le rôle d'Areva dans le financement du CEA.

M. Jean Arthuis, président, a souligné qu'il n'y a pas de « sanctuarisation » du CEA.

M. Hervé Morin a rappelé que le projet de loi de programmation militaire prévoit de fixer les crédits de paiement inscrits en lois de finances pour les OPEX à 510 millions d'euros en 2009, 570 millions en 2010 et 630 millions à compter de 2011 (en euros de 2008), le solde devant être financé par la « réserve de précaution interministérielle ».

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'opportunité de prévoir une affectation de la réserve de précaution dans une loi de programmation.

M. Hervé Morin a considéré que ce choix est justifié, dès lors que le Gouvernement mène une politique de réduction des effectifs en OPEX.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité connaître la position du ministre au sujet de l'appréciation portée par la Cour des comptes, dans son rapport sur la certification des comptes 2008, sur l'évaluation des actifs du ministère de la défense. Il s'est en outre demandé dans quelle mesure les crédits de paiement ouverts pour le ministère de la défense par le projet de décret d'avance que la commission vient d'examiner correspondent à des dépenses imprévisibles, dès lors qu'il apparaissait dès l'automne 2008 que la crise économique rendrait plus difficile la cession d'actifs immobiliers.

M. Hervé Morin a déclaré que le ministère de la défense s'efforcera de suivre les préconisations de la Cour des comptes au sujet de l'évaluation de ses actifs. Il faut cependant accepter une fiabilité imparfaite des données anciennes, à moins de consacrer à leur fiabilisation des moyens disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis. Le ministère mène une politique de renforcement de son contrôle interne comptable. Le projet de réunion des principales implantations parisiennes du ministère de la défense sur le site de Balard, dans le XVe arrondissement de Paris, correspondra au plus important partenariat public-privé qui ait jamais existé en France. Il permettra de réduire de 2 500 emplois les effectifs de l'administration centrale, et constituera un « geste architectural » fort. Le ministère de la défense conservera l'école militaire, l'hôtel de Brienne et l'hôtel des Invalides, ainsi que l'abusus de l'hôtel de la Marine, dont il doit céder l'usus et le fructus. M. Hervé Morin a évoqué un projet, qu'il juge particulièrement intéressant, tendant à rapprocher l'hôtel de la Marine de sa vocation initiale de lieu dédié à l'art.

M. Daniel Reiner, co-rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères du programme 146 « Equipement des forces » de la mission « Défense », a souhaité connaître l'état des négociations avec les industriels, au sujet des révisions à la baisse de certaines « cibles » prévues par le projet de loi de programmation militaire 2009-2014.

M. Hervé Morin a indiqué que les négociations sont toujours en cours pour deux programmes : le Rafale, dont la cadence de livraisons dépend de ventes éventuelles à l'exportation, et les frégates multi-missions (FREMM).

M. Daniel Reiner a alors demandé des précisions sur les perspectives du programme d'avion de transport tactique A400M.

M. Hervé Morin a déclaré que la France joue en ce domaine un rôle de « locomotive ». Elle a obtenu que les gouvernements des pays partenaires, réunis à Séville le 22 juin, prolongent d'un mois la clause dite de « stand still », qui ajourne l'application du contrat jusqu'au 1er juillet. Les négociations sont en bonne voie. Elles sont cependant complexifiées par la position du Royaume-Uni qui, souhaitant acheter ou louer d'autres appareils en attendant la livraison de l'A400M et très contraint budgétairement, estime ne pouvoir poursuivre sa participation au programme que si sa contribution à son financement est temporairement réduite. EADS considère désormais pouvoir s'engager sur la livraison des premiers appareils en 2013.

M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères des programmes 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » et 212 « Soutien de la politique de défense », s'est interrogé sur la faible disponibilité opérationnelle des principaux matériels.

M. Hervé Morin a indiqué que les résultats en ce domaine sont analogues à ceux des années précédentes. Les difficultés rencontrées sont liées non seulement au niveau des moyens financiers, mais aussi à des problèmes organisationnels. Ainsi, le faible taux de disponibilité du Rafale vient du fait que certaines pièces de moteur ont été commandées en nombre insuffisant en 2005 et en 2006.

M. Didier Boulaud a demandé si les sommes déjà dépensées pour le programme de deuxième porte-avions, actuellement suspendu, sont définitivement perdues, et s'est interrogé sur les perspectives de mise en place d'une société de portage des actifs immobiliers du ministère de la défense.

M. Hervé Morin a estimé que ces sommes ne peuvent être considérées comme perdues, dans la mesure où elles seront utiles quand le programme sera relancé. La société de portage sera, « normalement », mise en place à l'automne 2009.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que les transporteurs maritimes doivent contribuer au financement de la lutte contre la piraterie.

M. Hervé Morin a indiqué avoir défendu ce point de vue auprès des partenaires de la France lors de la récente présidence française de l'Union européenne, sans succès. Les sommes en jeu sont cependant assez faibles. Il arrive que certains armateurs « fassent un geste » à cet égard.

M. Charles Guené, rapporteur spécial, s'est demandé pourquoi, chaque année, les effectifs de la mission « Défense » sont inférieurs au plafond d'emplois inscrit en loi de finances initiale, pour des dépenses supérieures aux prévisions.

M. Hervé Morin a indiqué que cette erreur systématique d'évaluation provient des difficultés rencontrées en matière de recrutement, mais aussi du fait que la mission « Défense » a besoin de surévaluer son plafond d'emplois en loi de finances initiale pour financer sa masse salariale.

M. François Trucy a estimé que l'équilibre du projet de loi de programmation militaire 2009-2014 serait compromis par une aggravation de ce phénomène. Il s'est interrogé sur le report sur l'exercice 2009 de dettes pourtant exigibles en 2008, pour 1,95 milliard d'euros, comme la Cour des comptes le déplore dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de 2008.

M. Hervé Morin a souligné que le total des reports de charges est de l'ordre de 2,5 milliards d'euros, ce qui, pour des dépenses totales de 37 milliards d'euros, correspond à moins d'un mois d'exercice. Le délai moyen de paiement a été ramené de 46 jours en 2006 à 30 jours en 2008. En 2009, le ministère de la défense a accéléré le paiement de ses dettes envers les PME pour un montant de 500 millions d'euros, dans le cadre du plan de relance de l'économie. Les intérêts moratoires qu'il a payés ont été ramenés de 35 millions d'euros en 2006 à 18 millions en 2008.

M. Daniel Reiner s'est demandé si les recommandations du comité des prix de revient des fabrications d'armement (CPRA) sont suivies d'effet.

M. Hervé Morin a indiqué avoir confié une mission à M. Arthur Paecht, ancien vice-président de la commission de défense de l'Assemblée nationale et vice-président du conseil général du Var, au sujet du prix des programmes d'armement. Le Parlement sera associé à ces travaux.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que dans son rapport relatif à l'année 2008, le contrôleur budgétaire et comptable du ministère de la défense met en avant ce qu'il considère comme le principal enjeu budgétaire, « la maîtrise pluri-annuelle des besoins de crédits de paiement par une meilleure articulation entre les allocations d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement », en particulier dans le cadre de la future loi de programmation militaire 2009-2014. Il s'est demandé si le projet de loi de programmation militaire 2009-2014 présente toutes les garanties à cet égard.

M. Hervé Morin a rappelé que ce projet de loi prévoit la mise en place d'un comité ministériel des investissements de défense, présidé par le ministre de la défense, et d'un comité financier associant le ministère chargé du budget, celui-ci devant procéder à un examen contradictoire de la soutenabilité financière de la programmation et au suivi régulier de la politique d'engagements du ministère en matière d'investissements. Jamais un tel niveau de sincérité n'a été atteint dans une loi de programmation. La version actualisée du référentiel (VAR) doit être suivie de très près, pour ne pas avoir de « surprise aussi difficile à gérer » que celle constituée par la « bosse » de crédits de paiements qui est apparue nécessaire, de 2009 à 2011, pour financer les engagements de crédits antérieurs.

Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 - Audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008.

M. Jean Arthuis, président, après avoir souligné que la dépense fiscale liée au crédit d'impôt en faveur des équipements favorables au développement durable, tels que les pompes à chaleur, les chauffe-eau solaires et les appareils à bois s'élève, en 2009, à 1,5 milliard d'euros, a remarqué que la diffusion de ces équipements n'a progressé que de 10 %, alors que l'objectif était fixé à 30 %, et a demandé des précisions sur le rapport coût / efficacité de ce dispositif.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, a rappelé que l'avantage fiscal mis en place en 2007 a permis, malgré une croissance inférieure aux prévisions, de soutenir le niveau d'activité d'un secteur qui, au premier trimestre 2009, a connu à nouveau un développement dynamique. A la question de savoir si le marché aurait progressé de la même manière même en l'absence d'aide fiscale, il a souligné qu'il convient d'évaluer régulièrement les dispositifs afin d'éviter l'installation durable d'effets d'aubaine. Toutefois, il a rappelé qu'un juste équilibre doit être recherché entre l'adaptation nécessaire des dispositifs en fonction de l'évolution des marchés et le besoin légitime de stabilité et de sécurité juridique des professionnels.

M. Jean Arthuis, président, a mis en lumière certaines pratiques qui conduisent à surévaluer les factures d'installation qui donnent droit à un avantage fiscal, et a considéré que l'effet incitatif à l'installation d'équipements favorables au développement durable doit reposer sur les économies d'énergie réalisées et non sur des dispositifs fiscaux dérogatoires.

M. Jean-Louis Borloo a précisé que l'exclusion du crédit d'impôt pour les pompes à chaleur, qui représentent près de 20 % des nouvelles installations d'équipements de chauffage, résulte de la constatation que ce marché est naturellement dynamique, rendant inutile le maintien d'un avantage fiscal spécifique.

M. Jean Arthuis, président, s'est inquiété de la menace, pesant sur la France, d'une sanction financière de plusieurs dizaines de millions d'euros en raison du non-respect des normes européennes d'équipement des stations d'épuration. La mise en conformité de ces stations n'atteint pas les objectifs fixés : 91 % au lieu de 94 % pour les stations des agglomérations de plus de 10 000 habitants en zones sensibles et 86 % au lieu de 91 % pour les stations des agglomérations de plus de 15 000 habitants en zones normales. Quel est l'état d'avancement du plan de mise aux normes et quel est le montant de la provision pour litige constituée sur ces contentieux ?

M. Jean-Louis Borloo a précisé que ce risque contentieux, qui s'élève au maximum à 394 millions d'euros, n'a pas été provisionné dans la mesure où il devrait être résorbé avant la fin 2009. Des conventions de travaux ont été conclues avec 143 des 146 stations d'épurations non-conformes. Outre les mises en demeure d'effectuer les travaux de mise aux normes, l'Etat publie, au 31 décembre de chaque année, la liste des stations qui posent un problème de pollution.

M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » pour la commission des affaires économiques, tout en se félicitant de la prise de conscience des populations en faveur de la protection des sites naturels, a souligné que la délimitation des espaces protégés au titre de Natura 2000 ou du classement littoral doit faire l'objet d'un large débat, incluant la participation des élus locaux, afin de concilier la préservation de l'environnement avec le développement de l'activité économique, notamment dans le domaine portuaire.

M. Jean-Louis Borloo a rappelé que la politique des territoires est marquée par de multiples points de tensions chaque fois que doivent notamment se développer des noeuds ferroviaires ou routiers. Si les scientifiques ont la charge de cartographier la biodiversité et d'analyser l'impact des zones de développement économique, les élus doivent être associés aux réflexions. Il a identifié plusieurs sites sur lesquels une concertation doit être lancée : la vallée de Seine et l'embouchure portuaire du Havre.

M. Jean Arthuis, président, après avoir constaté que le resserrement des implantations territoriales de Météo France fait partie des décisions consécutives à la révision générale des politiques publiques (RGPP), a souligné la dégradation du climat social et a souhaité savoir si les objectifs de diminution des implantations, de 108 à 55, seront tenus.

M. Jean-Louis Borloo a confirmé que les objectifs définis par le conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), le 12 décembre 2007, seront strictement respectés.

M. Jean Arthuis, président, s'est inquiété du caractère restrictif du schéma minier en cours d'élaboration pour la Guyane au regard des nécessités de développement de ce territoire et des incertitudes pesant sur l'impact réel qu'auraient des activités extractives sur la biodiversité.

M. Jean-Louis Borloo, après avoir décrit la montagne de Kaw comme un réservoir de biodiversité majeur, a fait remarquer que le Président de la République a, à ce titre, suspendu l'arrêté d'exploitation malgré les conséquences négative d'une telle décision en matière d'emploi. Indiquant que plusieurs études ont été effectuées sur le sujet, dont notamment le rapport de l'inspecteur général de l'environnement Pierre Balland qui constitue une base de travail admise par l'ensemble des parties prenantes, il a souhaité qu'une réflexion soit engagée pour définir un schéma minier pour la Guyane.

Mme Nicole Bricq a attiré l'attention sur les insuffisances en matière de recrutement d'inspecteurs des installations classées et sur le non-respect des engagements pris consécutivement à la catastrophe de l'usine AZF. Où en est la mise en oeuvre du « programme stratégique 2008-2012 de l'inspection des installations classées » qui doit s'accompagner de la création de deux cents postes entre 2009 et 2012 ?

M. Jean-Louis Borloo a confirmé l'objectif de création, à terme, de deux cents postes, en précisant que vingt-huit postes ont été créés en 2008 et quarante-cinq en 2009.

M. Jean Arthuis, président, s'exprimant au nom de M. Alain Lambert, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », s'est réjoui de l'amélioration de l'information des rapporteurs spéciaux, notant que les documents relatifs aux comptes et à la situation financière des opérateurs de la mission ont été transmis avec diligence et efficacité, permettant ainsi de constater que leur gestion ne paraît pas poser de difficulté particulière.

En revanche, il s'est interrogé sur la faculté du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer à connaître pleinement et à contrôler l'utilisation des crédits que le Parlement alloue en loi de finances initiale aux transports. Il a noté que le rapport annuel de performances ne précise pas, dans sa partie consacrée aux opérateurs, les engagements pris par ces derniers. Or, les engagements de l'agence pour le financement des infrastructures de transport de France (AFITF) sont supérieurs de cinq milliards d'euros à ses recettes. De plus, le contrôleur financier et budgétaire de la mission note que le recours au fonds de concours, c'est-à-dire le principal moyen d'intervention de l'AFITF, limite l'exercice de la fongibilité des crédits, rendant la politique des transports peu lisible pour les citoyens comme pour les opérateurs du secteur.

M. Jean-Louis Borloo a souligné que l'AFITF, créée en 2004, a pour mission de garantir par priorité le financement des projets ferroviaires, ses investissements devant se répartir de la manière suivante : 70 % pour le fer, 25 % pour les routes et 5 % pour les projets fluviaux. Ainsi, le transfert modal du transport routier vers le rail s'inscrit dans le cadre plus général de l'évolution de la « fiscalité verte ». A ce titre, la « taxe poids lourds » constitue une ressource pérenne entièrement dédiée au financement d'investissements ferroviaires.

M. Jean Arthuis, président, après avoir rappelé que la commission des finances est défavorable à l'« agencisation » des politiques publiques, s'est fait l'écho des remarques de la Cour des comptes qui a relevé que 6,8 milliards d'euros d'engagements de l'Etat à l'égard de Réseau ferré de France (RFF), pour les trois exercices à venir, ne sont pas constatés au 31 décembre 2008 : il s'agit d'ailleurs d'une réserve substantielle de la Cour dans son rapport de certification des comptes de l'Etat pour 2008.

M. Jean-Louis Borloo a précisé que la situation de Réseau ferré de France ne doit pas être considérée uniquement à l'aune de la gestion de la dette. Il s'agit d'un acteur autonome de la régulation ferroviaire dont la mission est non seulement de garantir mais aussi d'augmenter l'utilisation des sillons de circulation. Ceux-ci sont en progression de 40 %. A ce titre, pour répondre au constat alarmant sur l'état du réseau mis en évidence par l'audit commandé en 2005 à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, l'intervention du Gouvernement auprès de RFF, qui n'est pas un opérateur budgétaire, s'avère déterminante. Si la Cour des comptes considère que les engagements de l'Etat doivent être provisionnés dès lors qu'une convention est conclue, cette position n'est pas appliquée uniformément pour toutes les agences. Il s'est interrogé sur l'ampleur mais aussi sur le bien-fondé de provisions qui porteraient sur l'ensemble des engagements pluriannuels de l'Etat.

M. Jean Arthuis, président, a demandé des éclaircissements sur le fait que seuls 49 % des contrôles des excès de vitesse ont abouti à l'émission d'un procès verbal. La Cour des comptes indique que ce résultat s'explique, d'une part, par les exonérations dont peuvent bénéficier certaines catégories de véhicules - notamment ceux immatriculés à l'étranger -, mais aussi par des motifs d'ordre technique, notamment l'insuffisance de la performance du système de lecture des plaques automobiles et des deux roues ou son inadaptation à l'évaluation de la vitesse autorisée des camions. Comment expliquer ce résultat en dépit de l'acquisition d'un nombre important de nouveaux radars, soit 2 300 à la fin de l'année 2008 ?

M. Jean-Louis Borloo a reconnu que la verbalisation au moyen de radars automatiques bute sur des difficultés incontestables en ce qui concerne plusieurs catégories d'utilisateurs de la route ; à commencer par les 3 158 infractions commises par des étrangers qui ne font l'objet d'aucun procès-verbal. En outre, plusieurs situations rendent difficile l'identification des contrevenants, notamment les temps de pluie. Enfin, les plaques d'immatriculation des deux-roues apparaissent souvent floues. Plusieurs véhicules figurent parfois sur les mêmes clichés, rendant impossible la détermination avec certitude du contrevenant. Néanmoins, le taux de verbalisation a progressé de 54,9 % en 2006, à 62 % en 2007 et 65 % en 2008. L'objectif dans les deux ans est d'atteindre le taux de 70 % qui semble constituer un plafond technique.

M. Jean Arthuis, président, a relevé que le rapport annuel de performances du budget annexe « Aviation civile » fait apparaître un prélèvement sur le fonds de roulement de 44,5 millions d'euros, qui résulte, d'une part, du déficit d'exploitation de 41,6 millions d'euros et, d'autre part, du déficit de la section des opérations en capital à hauteur de 2,9 millions d'euros. Le compte de résultat enregistre une perte pour la troisième année consécutive, soit 67,7 millions d'euros en 2008. Le déficit cumulé du compte de résultat sur trois ans s'élève à près de 300 millions d'euros. En outre, le ralentissement économique risque d'entraîner une diminution des recettes liées au trafic aérien.

M. Jean-Louis Borloo a indiqué que, face à la baisse générale des activités aériennes, les prévisions de recettes n'ont pas été remplies. Le ministère a opéré, dans le cadre de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009, des transferts de 30 millions d'euros de crédits entre programmes de la mission et a également contracté un emprunt à hauteur de 100 millions d'euros résultant d'une avance du Trésor, remboursable en huit ans.

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la mission « Politique des territoires » pour la commission des affaires économiques, a demandé des précisions sur l'état d'avancement du plan « France numérique 2012 » destiné à équiper les communes situées hors des zones de téléphonie mobile et de l'Internet à haut débit. Il a également souhaité obtenir des informations sur l'état d'avancement de l'évaluation des treize pôles de compétitivité à vocation mondiale qui se trouvent en difficulté, ainsi que sur les modalités de financement des pôles d'excellence rurale dont les recettes, provenant d'une dizaine de ministères différents, gagneraient à être gérées par un interlocuteur unique qui pourrait être, le cas échéant, le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

M. Jean-Louis Borloo a indiqué que M. Hubert Falco, secrétaire d'État à l'aménagement du territoire, a présenté un plan d'équipement, le 15 janvier 2009, tendant, avec l'engagement des opérateurs, à assurer la couverture des 364 communes situées en « zone blanche » de téléphonie mobile. Un accès par satellite à l'Internet à haut débit sera proposé pour un coût d'abonnement de 35 euros par mois. En outre, une procédure est engagée afin de bénéficier d'une partie du plan numérique européen dont la dotation globale s'élève à 60 millions d'euros.

S'agissant des pôles de compétitivité à vocation mondiale, il a précisé que le Premier ministre prévoit une évaluation fin 2009 des difficultés rencontrées. Revenant sur le financement des pôles d'excellence rurale, il a considéré que si la question relève bien de l'aménagement du territoire, cette compétence est dorénavant transférée au nouveau ministère de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que le solde des engagements pris au titre du programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « Politiques des territoires » non couverts par des paiements, au 31 décembre 2008, atteignait 839 millions d'euros. Il a souhaité connaître les perspectives de réduction de ces engagements non couverts par des paiements, afin notamment de réduire la dette exigible sur le fonds national d'aménagement du territoire (FNDADT) qui correspond à 22 % des crédits de paiement du fonds à la fin 2008.

M. Jean-Louis Borloo a indiqué que les engagements non couverts par des crédits de paiements résultent en partie de projets auxquels il n'a pas été donné de suite. Par ailleurs, il a annoncé que l'endettement de la FNDADT est en voie de résorption grâce à la mobilisation des crédits du plan de relance : de 125 millions d'euros en 2006, la dette du fonds a ainsi été ramenée à 80 millions d'euros en 2008 et sera de 10 millions d'euros, voire moins, fin 2009.

Jeudi 25 juin 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Résultats de la Caisse des dépôts et consignations pour 2008 - Audition de MM. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance, et Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de MM. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance, et Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), sur les résultats de 2008.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la commission a déjà auditionné MM. Michel Bouvard et Augustin de Romanet le 29 avril 2009, ainsi que M. Gilles Michel, directeur général du Fonds stratégique d'investissement (FSI), sur le soutien apporté par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à l'économie et sur la mise en place du FSI. L'audition de ce jour, conformément à la pratique annuelle, porte plus particulièrement sur les résultats de la CDC. Il a observé que cette dernière a subi les effets de la crise boursière et a enregistré en 2008 le premier déficit de son histoire, d'un montant de près de 1,5 milliard d'euros, annulant de fait toute perspective de dividende pour l'Etat.

Il a souhaité que MM. Michel Bouvard et Augustin de Romanet puissent exposer la situation financière réelle de la Caisse et dire si ce déficit est lié à une conjoncture très dégradée, ou plus structurellement à une inadéquation entre ses ressources et le périmètre de plus en plus vaste de ses missions. Il a également fait référence au débat en cours sur les relations financières entre la CDC et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), cette dernière devant faire face à un déficit massif des comptes sociaux.

M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, a tout d'abord rappelé que l'année 2008 a été marquée par une réforme de la gouvernance de la Caisse, introduite par la loi de modernisation de l'économie. Elle s'est traduite par un nouveau règlement intérieur du conseil de surveillance et la création d'un comité des rémunérations et d'un comité des investissements, qui sera prochainement appelé à statuer sur la liste définitive des apports de titres au FSI. De même, la mission d'assistance de la Commission bancaire à la commission de surveillance a été formalisée et a donné lieu à deux décrets, dont l'un devrait être bientôt publié. De manière générale, la commission de surveillance est davantage associée aux choix d'investissement du FSI et à la gestion des fonds d'épargne, dont la situation de liquidité, tendue dans la période actuelle, suscite plus particulièrement son attention.

Il a ensuite exposé les financements mobilisés depuis l'automne 2008 par la CDC au titre du plan de soutien à l'économie. Ceux-ci, d'un montant global de près de 40 milliards d'euros, dont 16,5 milliards d'euros apportés par les fonds d'épargne, incluent 18,5 milliards d'euros pour le financement des petites et moyennes entreprises (PME), dont 2 milliards d'euros pour les prêts accordés par Oséo Financement ; 2,7 milliards d'euros de prêts sur les fonds d'épargne, destinés au financement des investissement des collectivités territoriales ; 5 milliards d'euros d'avance à la Société de financement de l'économie française (SFEF) ; 6,7 milliards d'euros destinés au financement de 100 000 logements supplémentaires ; le rachat de 10 000 logements par la Société nationale immobilière (SNI) pour 1,6 milliard d'euros ; 8 milliards d'euros consacrés au financement de grands projets d'infrastructures ; et une participation de 2 milliards d'euros à la recapitalisation de Dexia.

M. Michel Bouvard a considéré que la crise financière a exercé un impact important sur les résultats de la CDC, mais que celle-ci n'a pas été confrontée à des défaillances de filiales ni exposée à des pertes liées aux crédits hypothécaires à risque (« subprimes ») ou à la fraude de M. Bernard Madoff. Deux aspects expliquent ainsi le déficit de 1 468 millions d'euros enregistré en 2008 : la stricte application des normes comptables internationales IFRS (International Financial Reporting Standards) comme des normes prudentielles de « Bâle II », et un volume élevé de dépréciations sur le portefeuille de titres cotés.

En revanche, il a estimé que le modèle économique de la Caisse demeure solide, ne serait-ce qu'en raison de l'existence d'importantes plus-values latentes, d'environ 7 milliards d'euros, sur les actifs immobiliers. Ce modèle n'est pas non plus compromis par l'extension des missions de la CDC, qui en réalité contribuent largement au résultat positif récurrent de la Caisse, de plus de 1,5 milliard d'euros en 2008. Les bénéfices des filiales de la CDC représentent ainsi 57 % de ce résultat global, ce qui, aux yeux de la commission de surveillance, légitime leur présence dans le groupe.

Il a ensuite abordé la question du débat sur la nécessaire clarification des relations financières entre l'Etat et la Caisse des dépôts et consignations, mise en évidence par le résultat négatif enregistré en 2008. En effet, cette situation n'est pas réellement prévue par les textes et a donc alimenté un débat sur la mise en oeuvre de la clause de garantie, qui assure un « dividende minimum » correspondant au rendement des dépôts des professions juridiques à la Caisse. La commission de surveillance et le directeur général de la CDC ont entendu ouvrir avec le ministère des finances, « dans la sérénité », un débat utile au regard des incertitudes - qui prévalent tant en cas de résultat net négatif de la CDC que de plus-values significatives - sur l'application de la règle dite des « trois tiers », soit un tiers pour le dividende, un tiers pour le renforcement des fonds propres et un tiers pour les missions d'intérêt général. Il a jugé que, en cas de résultat exceptionnel, la tentation peut, en effet, être grande pour l'Etat de « contourner les règles », ce qui est susceptible de conduire la CDC à différer la réalisation de plus-values en fonction de la situation budgétaire de l'Etat, pour échapper au prélèvement.

Cette réflexion commune avec l'Etat sur la clarification et la transparence des relations financières est également justifiée, selon M. Michel Bouvard, par les débats récurrents, au sein de la commission de surveillance, sur l'évolution et le contenu des missions d'intérêt général de la Caisse, sur les conventions passées par les ministères avec celle-ci, qui peuvent être des outils de débudgétisation, et sur les bonifications d'intérêt. Eu égard à la sérénité des débats engagés, il a déploré le contenu d'un récent article du quotidien Le Monde et a démenti toute mission de l'inspection générale des finances au sein de la CDC, qui n'est d'ailleurs légalement pas soumise à son contrôle. Il a fait état d'une mission de réflexion conduite, d'une part, par un inspecteur des finances et un membre d'un autre corps d'inspection pour la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et d'autre part, par un contrôleur général pour la CDC.

Il a affirmé que l'Etat respecte bien la gouvernance rénovée de la CDC et que la commission de surveillance entend également se montrer vigilante sur les futures marges de manoeuvre de la CDC, dont le résultat tend à se « rigidifier » du fait de l'émergence du FSI et de l'absence de perspectives de plus-values boursières à court et moyen termes. Il a estimé que la Caisse devrait par conséquent se montrer, à l'avenir, plus sélective dans ses choix d'investissement après une période de relative abondance, et que la commission de surveillance veillerait à la qualité et à la rentabilité de ces projets industriels, notamment à la Poste.

M. Jean Arthuis, président, a relevé l'impact des règles comptables sur le résultat de la CDC et les propos « apaisants » de M. Michel Bouvard sur la mission de l'inspection générale des finances. Il a reconnu que l'Etat est souvent suspecté de vouloir capter une partie des ressources de la CDC pour atténuer l'ampleur des déficits publics.

M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, a souligné que l'activité opérationnelle de la CDC a enregistré de bons résultats en 2008, puisque le résultat opérationnel récurrent, hors effet des moins-values exceptionnelles de la CDC, des tests de dépréciation, des provisions pour dépréciations à caractère durable et des plus-values exceptionnelles de certaines de ses filiales, est, avec 1 535 millions d'euros, le deuxième meilleur résultat de la Caisse, après celui enregistré en 2005, d'un montant de 1 576 millions d'euros, qui était lié aux résultats élevés des caisses d'épargne. Il a rappelé que, de 2000 à 2001, ce résultat opérationnel s'établissait entre un milliard et 1,1 milliard d'euros, avant de remonter autour de 1,3 milliard d'euros entre 2003 et 2006, et d'atteindre 1,4 milliard d'euros en 2007.

Il a relevé que toutes les filiales ont dégagé un bénéfice, à la différence de la situation qui prévalait dans les années 1990, durant lesquelles elles faisaient fréquemment appel au soutien financier de leur maison-mère, et que la CDC n'a été affectée que par un seul des quatre facteurs liés à la crise financière, soit l'impact direct de la chute des marchés boursiers, de 43 % en 2008. La Caisse a ainsi enregistré 921 millions d'euros de provisions pour dépréciation durable de titres de sociétés, qui, en application des normes IFRS, doivent être inscrites en charge même en l'absence de décaissement effectif, et 2,1 milliards d'euros de pertes liées aux tests de dépréciation pratiqués sur les actions des sociétés Dexia, Eiffage et Séché Environnement.

Malgré la baisse des marchés d'actions, la CDC a continué de remplir son rôle d'investisseur de long terme et n'a cédé aucune de ses participations. M. Augustin de Romanet a exposé que la CDC a ainsi consenti un effort important lors de la recapitalisation de Dexia, décidée en urgence par la France et la Belgique. Alors que l'Etat belge a pris à sa charge l'essentiel des trois milliards d'euros de la participation belge, la CDC, côté français, est intervenue pour deux milliards d'euros, soit au-delà des 650 millions d'euros qu'aurait impliqué sa participation à hauteur de 11,9 % du capital de Dexia. Il a souligné que, dans un esprit de responsabilité et de solidarité, la CDC a donc été au-delà de son simple rôle d'actionnaire, tout en écartant l'hypothèse d'assumer seule le risque lié à la participation de Dexia dans le rehausseur de crédit FSA. L'Etat français a donc versé le solde d'un milliard d'euros. Dans le cadre de son rôle d'investisseur, la CDC a également investi dans Eiffage au titre du rachat de la participation de Sacyr, qui avait tenté d'en prendre le contrôle de fait, avec les risques de démantèlement d'Eiffage y afférents.

Il a souligné la solidité de la situation financière de la CDC, dont le montant des capitaux propres fin 2008 s'élevait à 17,9 milliards d'euros, soit une augmentation de 77 % en dix ans, alors même que l'indice CAC 40 a baissé sur la même période. Il a donc jugé que la CDC n'est assurément pas une sorte de « grand OPCVM (organisme de placement collectif en valeurs mobilières) passif », mais un groupe qui valorise ses filiales après s'être opportunément désengagé de ses activités de banque de financement et d'investissement. Le modèle économique de la CDC suppose un rendement annuel moyen des fonds propres de l'ordre de 8 %, qui correspond, sur la base du niveau actuel de fonds propres, à un résultat annuel compris entre 1,3 et 1,4 milliard d'euros.

M. Augustin de Romanet est ensuite revenu sur la mise à disposition, par la CDC, de fonds propres pour accompagner le plan de relance économique, en particulier l'achat de logements de type « VEFA » (Vente en l'état futur d'achèvement) par la SNI, la montée au capital de Dexia, et la « mise sous tension » de la section des fonds d'épargne pour attribuer de nouvelles liquidités aux banques. Le résultat net de cette section est positif à hauteur de 108 millions d'euros, et son activité s'est révélée très dynamique puisque les prêts ont augmenté de 44 % par rapport à 2007, et vont continuer de croître en 2009.

Il a affirmé n'avoir « aucune difficulté » à débattre de la question des relations financières de la CDC avec l'Etat, afin de lever toute ambiguïté et de dissiper le malentendu qui a pu apparaître lors de la préparation du budget de l'Etat pour 2009. Une recette prévisionnelle avait en effet été anticipée, avant la faillite de Lehman Brothers et le sauvetage de Dexia, au titre du reversement du tiers du résultat escompté, soit environ 400 millions d'euros, ou du « gentleman's agreement » conclu en 1999 entre le directeur du Trésor et le directeur général de la Caisse, selon lequel un dividende minimal devrait être versé, correspondant à la contribution des dépôts des professions juridiques au résultat de la CDC. La crise s'étant amplifiée, l'Etat s'est trouvé « pris de court » lorsqu'il apparut que la Caisse ne pourrait lui verser aucun dividende, et a donc lancé une réflexion sur les modalités de la contribution de la CDC. Aux yeux de M. Augustin de Romanet comme de M. Michel Bouvard, une telle réflexion est opportune car elle constitue aussi une occasion de préciser ces relations en cas de résultat exceptionnel de la Caisse, et donc de lever les incertitudes sur le comportement de l'Etat.

Concernant les relations avec l'ACOSS, M. Augustin de Romanet a précisé qu'en 2008, la CDC a assuré à cet organisme un accès permanent à la liquidité, qui s'est traduit par une perte d'environ 20 millions d'euros pour la Caisse, le coût d'opportunité lié à la différence de rentabilité du placement des sommes correspondantes étant beaucoup plus élevé. En réponse à M. Jean Arthuis, président, il a indiqué que ce taux de rémunération des liquidités varie en fonction du montant tiré par l'ACOSS. Il a ensuite précisé que, le 24 décembre 2008, il a soumis à l'ACOSS une proposition d'avenant à la convention la liant à la CDC jusqu'en juin 2010, afin de tenir compte des nouvelles conditions de marché. Cet avenant prévoyait la non-facturation du coût d'opportunité de la CDC, la nécessité pour la Caisse de ne pas réaliser cette activité à perte, et l'impossibilité de s'engager sur un tarif fiable, actuellement au taux Eonia majoré de 7 points de base, au-delà d'un seuil de 25 milliards d'euros de liquidités. La CDC a proposé à l'ACOSS de nouvelles conditions financières reposant sur des taux progressifs en fonction du montant de la tranche levée par l'ACOSS et de l'écart entre les taux Eonia et Euribor, et sur une extension des facilités de recours aux billets de trésorerie. Faute d'accord, une nouvelle convention devrait être renégociée à partir du 21 septembre 2009. Il a indiqué que la réponse de l'ACOSS est attendue avant la fin du mois de juin.

M. Augustin de Romanet a enfin exposé la forte mobilisation du groupe en 2009 sur ses priorités, en particulier en matière de logement. 40 % de l'objectif annuel de financement a ainsi été réalisé, soit 27 000 logements, et la SNI a quasiment achevé le rachat de 10 000 logements « VEFA ». Néanmoins, elle ne réaliserait sans doute pas aujourd'hui la même opération, car la situation des promoteurs et constructeurs immobiliers s'est fortement améliorée par rapport à celle de l'automne 2008, notamment sous l'effet du dispositif d'incitation fiscale dit « Scellier ». La CDC est également très engagée auprès de cent établissements d'enseignement supérieur et en matière de développement durable.

Il a ajouté que la nouvelle priorité, qui mobilise les directeurs régionaux, est celle de la mise en réseau de tous les dispositifs de financement des PME, tels qu'Oséo, le médiateur du crédit, le Fonds de modernisation des équipementiers automobile ou les organismes de capital-développement, ces derniers étant désormais alimentés en fonds propres par le FSI, en contrepartie de l'apport du portefeuille d'un milliard d'euros de CDC-PME, à hauteur d'environ 300 millions d'euros par an.

M. Jean Arthuis, président, a établi une correspondance entre la participation de la CDC à l'augmentation de capital de Dexia et le dividende qu'elle aurait versé à l'Etat. Faisant référence à une proposition du médiateur du crédit et aux propos tenus par M. Gilles Michel, directeur général du FSI, lors de son audition le 29 avril dernier, il s'est également interrogé sur les perspectives de la création, qui revêt selon lui un caractère d'urgence, d'un fonds consacré aux PME traversant des difficultés ponctuelles.

M. Augustin de Romanet a indiqué que le FSI a donné son accord de principe pour contribuer à un tel fonds, mais que les discussions se poursuivent au sein de l'Etat sur ses modalités d'intervention et qu'aucune demande précise n'a encore été formulée. Il a considéré que beaucoup d'entreprises, aujourd'hui saines, pourraient faire face à d'importantes difficultés de trésorerie lors de la rentrée de septembre 2009, le « matelas de sécurité » fourni par leur gestion prudente ne pouvant guère excéder douze mois. De même que le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) a été créé en septembre 1974, soit un an après le choc pétrolier de 1973, le FSI a été créé au moment opportun et pourrait se montrer utile.

Puis, après que M. Jean Arthuis, président, eut insisté sur la perspective d'un automne 2009 difficile pour les PME et se fut interrogé sur le montant qui pourrait être engagé par le FSI, il a précisé que le montant de 100 millions d'euros, parfois avancé, se situe dans la fourchette basse.

M. Jean Arthuis, président, a abordé le thème des normes comptables internationales, qui ont parfois, selon lui, été excessivement mises en cause même s'il est vrai qu'elles sont probablement procycliques. Il a souhaité connaître l'impact des aménagements récemment apportés à ces normes sur les comptes de la CDC. M. Augustin de Romanet a précisé que la Caisse n'a pas été en position de recourir à ces aménagements ; les normes IFRS ont donc été intégralement appliquées.

Relevant le caractère préoccupant de la situation des fonds d'épargne, M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si la remontée des taux d'intérêt à long terme et la diminution de la rémunération des livrets d'épargne réglementée, susceptibles de bénéficier aux fonds d'épargne, permettront de reconstituer le fonds pour risques bancaires généraux (FRBG), qui a été prélevé à hauteur de 1,7 milliard d'euros fin 2008.

M. Michel Bouvard a rappelé que l'Etat perçoit, au titre de sa garantie, la totalité du résultat des fonds d'épargne, qui n'est donc pas inclus dans le périmètre de la « règle des trois tiers ». Néanmoins, eu égard à la reprise du FRBG, à l'insuffisance de fonds propres de la Caisse et au faible niveau du résultat des fonds d'épargne en 2008, ce résultat a été maintenu dans les comptes des fonds d'épargne. Le FRBG a permis de faire face à la crise des fonds d'épargne, liée, comme pour la Caisse elle-même, à leur portefeuille de titres, qui est toutefois structurellement limité à 10 % des placements.

Il a considéré qu'un « retour à meilleure fortune » des fonds d'épargne peut être attendu de la remontée des taux longs comme des mesures « courageuses » relatives à la baisse de la rémunération des réseaux bancaires, ramenée à 0,8 %. Néanmoins, il a appelé avec insistance à faire preuve de vigilance sur le niveau de liquidité de ces fonds, compte tenu des perspectives de croissance des engagements hors-bilan, qui mettront les fonds d'épargne « sous tension » jusqu'en 2013 et suppriment dans l'immédiat toute marge de manoeuvre analogue à celles dégagées pour le plan de relance. Dans ce contexte, la garantie de ressources mise en place par la loi de modernisation de l'économie, en particulier l'excédent de ressources d'au moins 25 % par rapport aux prêts, se révèle de son point de vue très précieuse, mais pourrait aussi conduire, à terme, à modifier le taux de centralisation à la Caisse des fonds de l'épargne réglementée. A cet égard, il a fait part de l'attention portée par la commission de surveillance à l'emploi de la fraction que les banques conservent dans leurs comptes, qui fait actuellement l'objet de contrôles du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Augustin de Romanet a ajouté que le FRBG, qui n'existe plus dans le référentiel IFRS mais demeure autorisé par les normes comptables françaises, est un « coussin » permettant de lisser les résultats annuels. En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, il a précisé que le FRBG de la CDC est passé de 2,4 milliards d'euros fin 2007 à 661 millions d'euros fin 2008, mais a vocation à être reconstitué au fur et à mesure de l'amélioration des résultats des fonds d'épargne, étant noté qu'une baisse du taux de rémunération du livret A de 0,25 point leur rapporte environ 200 millions d'euros par an. Il a également relevé que la révision de la formule de calcul de ce taux le rend désormais structurellement plus bas qu'en 2008, et s'est félicité de ce que la banalisation de la distribution du livret A ait permis de diminuer le taux de commissionnement des réseaux.

La hausse des taux à long terme exerce, quant à elle, un effet positif sur le rendement des titres de placement des fonds d'épargne, mais conduit aussi à passer des provisions sur les titres actuellement en portefeuille, d'où un impact neutre à court terme. Néanmoins, il a anticipé un résultat positif des fonds d'épargne en 2009, sans mise à contribution du FRBG.

En réponse à une interrogation de M. Jean Arthuis, président, sur l'existence de règles précises relatives à l'utilisation du FRBG, il a indiqué que le prélèvement de 2008 répond aux meilleures normes de l'expertise comptable. Il a confirmé qu'un tel prélèvement, compte tenu du niveau actuel du FRBG, ne pourra être renouvelé en 2009, et a expliqué la détermination de son montant en 2008, soit 1,7 milliard d'euros, par le respect des exigences de fonds propres réglementaires au titre du « premier pilier » de Bâle II.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur la possibilité pour la CDC de reprendre en 2009 la provision constituée sur sa participation dans Dexia, compte tenu de la forte hausse du cours boursier de cette société depuis le début de l'année, et sur l'hypothèse d'un rachat et d'une reconversion en logements sociaux, par la SNI et le cas échéant avec le soutien financier de la CDC, des 15 000 logements cédés par la filiale Icade, dont 7 000 dans le département des Hauts-de-Seine.

M. Augustin de Romanet a indiqué que la filiale FSA a été cédée par Dexia et que le cours de Dexia retenu, avec l'assistance des commissaires aux comptes, dans l'arrêté de comptes de la section générale et de la section des fonds d'épargne, est respectivement de 6 euros et de 5,20 euros, soit un niveau proche du cours actuel, qui oscille depuis dix jours entre 5,30 et 5,80 euros. En application des normes IFRS, il sera possible de reprendre fin 2009 une fraction de la provision constituée, pour la section générale, sur le test de dépréciation du titre Dexia si son cours se révèle durablement supérieur à un intervalle compris entre 6,50 et 7 euros.

Concernant les opérations relatives aux logements, il a expliqué que le rachat de 10 000 logements « VEFA » par la SNI n'a pas été réalisé sous la contrainte de l'Etat, mais proposé par les équipes de la SNI en juillet 2008, l'Etat ayant ensuite sollicité un engagement de rachat de 20 000 logements de la part des organismes HLM. Quant au programme de construction de 100 000 logements HLM sur deux ans, il a mobilisé 6,7 milliards d'euros des fonds d'épargne. Enfin, les cessions de 30 000 logements intermédiaires non conventionnés par la société Icade procèdent d'une forte accélération, encouragée par l'Etat, d'opérations auparavant réalisées « au fil de l'eau ».

Eu égard à son poids dans le logement social, la SNI a pris l'initiative de constituer un consortium, mais ne s'attendait pas à être le seul organisme à proposer un prix. Il a indiqué avoir, dès lors, encouragé la SNI à réduire sa part dans ce consortium pour minimiser le conflit d'intérêt de la CDC, actionnaire de la SNI et d'Icade et donc présente à la fois en tant qu'acheteuse et vendeuse. La Caisse s'est également retirée de toute négociation sur le prix. Il a ajouté que, dans le cadre d'un probable accord entre la SNI et les organismes HLM de la région parisienne, la SNI n'envisage pas de reprendre davantage que 20 à 25 % de ces logements.

M. Michel Bouvard a rappelé que cette situation résulte de l'introduction en bourse d'Icade, et donc de l'arrivée d'actionnaires minoritaires étrangers susceptibles d'avoir un avis sur le prix de cession des logements, et de son passage au statut de société d'investissement immobilier cotée (SIIC), qui la conduit à se recentrer sur son activité de foncière par la cession de son parc immobilier locatif. Le principal problème est, en réalité, extérieur à la CDC et indépendant du niveau du prix de cession puisqu'il a trait à la taxe sur le foncier bâti, dans le cadre du conventionnement du parc immobilier. La seule marge d'action de la CDC a résidé dans le choix d'ouvrir le plus largement possible le consortium à des opérateurs de logements sociaux, rattachés à des collectivités territoriales et donc supposés traduire leurs préoccupations.

Faisant suite à une observation de M. Jean-Pierre Fourcade sur l'introduction en bourse de certaines filiales de la CDC, il a observé que l'introduction de la Compagnie des Alpes avait suscité certaines interrogations de la part des collectivités territoriales.

M. Augustin de Romanet a ajouté que la cotation en bourse n'est pas, en soi, une mauvaise opération et permet la levée de nouveaux capitaux. Elle ne présente pas de difficultés particulières pour la Compagnie des Alpes et la Caisse nationale de prévoyance, mais Icade constitue un cas particulier.

Revenant aux conditions de financement de l'ACOSS, M. Jean-Jacques Jégou a rappelé que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a assuré, lors de la réunion de la commission des comptes de l'ACOSS, le 15 juin 2009, qu'il veillera à ce que celle-ci dispose des liquidités nécessaires en 2009 et 2010. Le Gouvernement ne semble cependant pas disposé à ce que le déficit de 2009, évalué à 20 voire 25 milliards d'euros, soit repris par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Il s'est demandé si la perte de 20 millions d'euros enregistrée par la CDC, et le coût d'opportunité évoqué, empêchent la Caisse de conduire des actions qu'elle jugerait nécessaires, et si le Gouvernement ne sera pas conduit à inciter la CDC à infléchir sa position, eu égard aux sombres perspectives financières de l'ACOSS.

M. Augustin de Romanet a estimé que la CDC, dans sa mission de banquier aussi performant que possible, doit apporter à tout moment à l'ACOSS les liquidités dont elle a besoin et optimiser la gestion de sa trésorerie. La Caisse ne dispose cependant d'aucun droit exclusif sur le financement de l'ACOSS mais s'attache à assurer un financement à prix coûtant, intégrant une quote-part minimale de charges de structures et sans facturer le coût d'opportunité. Il a précisé que les nouvelles modalités proposées ont été fixées après consultation de l'Agence France Trésor sur les conditions de marché en vigueur, et, en réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, que le coût de financement de la CDC est supérieur de quelques dizaines de points de base à celui de l'Etat.

Il a indiqué que les relations avec l'ACOSS ne pénalisent pas réellement la CDC dans l'exercice de ses activités, nonobstant le coût d'opportunité. Elles induisent cependant un fort risque opérationnel, illustré par la raréfaction de la liquidité due à la crise financière et par le défaut de payer, en 2003 et à hauteur d'environ 500 millions d'euros, d'une grande banque internationale, à laquelle la CDC avait dû se substituer en urgence. Il a, dès lors, justifié la mise en place d'une limite correspondant au seuil au-delà duquel la CDC ne pourrait plus nécessairement garantir l'octroi de liquidités. Il a ajouté que le Gouvernement est conscient de ce problème et n'interfère pas dans les négociations actuelles, mais que les enjeux portent tant sur la fixation du juste prix que sur les volumes.

Se référant à une analyse de la Cour des comptes, M. Michel Bouvard a considéré que la CDC a vocation à financer des volumes qui correspondent à un dispositif de trésorerie, et non à faciliter l'éventuelle débudgétisation d'une dette qui devrait être consolidée. Il a ajouté que le coût d'opportunité du financement de l'ACOSS s'élève à au moins 80 millions d'euros, et que la CDC, ainsi qu'il en a été fait part aux ministres en charge des comptes publics et des affaires sociales, ne peut guère s'engager au-delà d'un volume de financement de 31 milliards d'euros.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la stratégie d'investissement de la Caisse, eu égard aux très nombreuses sollicitations dont elle fait l'objet en période de crise.

M. Augustin de Romanet a précisé les trois orientations de cette stratégie :

- afin d'éviter que la CDC ne recoure à un endettement excessif, faire levier sur l'épargne mondiale en incitant des partenaires étrangers à co-investir avec la CDC de façon prévisible dans des entreprises françaises. Le lancement, le 20 avril 2009, du Club des investisseurs de long terme s'inscrit dans cette perspective, et le périmètre de ses membres s'est élargi à des fonds de Chine, de Dubaï et d'Abu Dhabi ;

- déployer le réseau des directions régionales de la Caisse pour diffuser la culture et la connaissance du financement en fonds propres au service des entreprises, eu égard, notamment, au dispositif de financement des PME de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat et aux engagements des compagnies d'assurance ;

- assurer la rénovation des universités et l'accompagnement de directeurs d'université souvent peu ou pas dotés en personnels administratifs. A cet égard, il a estimé que le défi de la rénovation des universités est analogue à celui des quartiers couverts par l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) et a fait part de la signature d'une convention entre la CDC, le Centre nationale de la fonction publique territoriale et la Conférence des présidents d'université pour mobiliser des fonctionnaires de qualité sur ce chantier, dont il a souligné l'importance pour la compétitivité de la France.

Puis, en réponse à une question de M. Yann Gaillard, il a indiqué que la CDC est très engagée en garantie auprès des caisses d'épargne, et que leurs relations n'ont pas été modifiées par le processus de fusion avec les banques populaires. M. Jean Arthuis, président, a relevé que la cession de la participation de la CDC dans Ixis avait été une « bonne affaire ».

Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 - Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », a souhaité savoir si la réorganisation du ministère des affaires étrangères et européennes, en particulier de son réseau à l'étranger, a déjà permis de réaliser des économies en 2008. Il s'est demandé quel est le montant des économies attendues d'ici à 2011 du fait de cette réorganisation, et si une telle évolution est compatible avec la vocation universelle de la diplomatie française, alors que les propositions chiffrées des « états généraux de la dépense publique » mis en place par le groupe Union pour un mouvement populaire (UMP) de l'Assemblée nationale préconisent notamment une diminution de moitié des effectifs des ambassades dans certains pays.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a tout d'abord insisté sur les efforts déjà accomplis par le ministère dans le cadre du contrat de modernisation 2006-2008, qui se sont traduits par une diminution de 739 emplois en équivalent temps plein travaillé (ETPT). En 2008, la création du centre de crise du ministère a préfiguré la réorganisation générale de l'administration centrale, effective depuis cette année. Pour ce qui concerne le réseau, un redimensionnement est en cours et doit aboutir à une nouvelle diminution de 700 ETPT sur la période 2009-2011. Cette évolution s'appuie, d'une part, sur une classification différenciée des postes diplomatiques selon les pays et la redéfinition de leurs missions, et, d'autre part, sur le regroupement de certains consulats. Le ministère est donc pleinement engagé dans la révision générale des politiques publiques (RGPP), mais il convient de prendre le temps nécessaire pour assurer le succès de la réforme.

M. Adrien Gouteyron, après avoir indiqué qu'il apprécie la réforme engagée par le ministère des affaires étrangères et européennes, a souhaité connaître les éventuelles conséquences de la sous-budgétisation des contributions de la France aux organisations internationales en 2008.

M. Bernard Kouchner a déclaré que les 407 millions d'euros votés par le Parlement dans le cadre de la loi n° 2008-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 au titre des contributions internationales hors opérations de maintien de la paix (OMP) ont suffi à financer les 400 millions d'euros versés à ce titre par la France en 2008. Il est d'ailleurs à relever que les contributions internationales n'ont augmenté que de 1,2 % par an en moyenne de 2000 à 2008. A cet égard, la France s'est retirée de certaines organisations à l'utilité peu évidente, s'emploie à obtenir une révision des barèmes de participation des différents Etats qui lui soit favorable, et encourage les progrès des organisations internationales en termes d'efficacité budgétaire. En revanche, les OMP, difficilement prévisibles, ont fortement augmenté. Ainsi, bien que les crédits votés en 2008 à ce titre, soit 300 millions d'euros, aient affiché une augmentation très sensible par rapport à 2007, ceux-ci n'ont pas suffi à couvrir les besoins, qui se sont élevés à 382 millions d'euros.

M. Adrien Gouteyron a ensuite interrogé le ministre sur les conséquences de la prise en charge par l'Etat des frais de scolarité des élèves de terminale et de première du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Alors que le coût de cette prise en charge s'est élevé à environ 15 millions d'euros en 2008, le rapport annuel de performances fait apparaître une légère hausse de la proportion des élèves français au sein du réseau AEFE (47,3 % en 2008 contre 46,7 % en 2007). En parallèle, le montant des bourses à destination des élèves français a sensiblement augmenté pour atteindre un peu plus de 50 millions d'euros. Il a demandé au ministre comment il analysait ces données.

M. Bernard Kouchner, après avoir rappelé que la prise en charge des frais de scolarité répond à un engagement du Président de la République, a estimé le coût de cette mesure en année pleine à 20 millions d'euros par classe concernée. A ce jour, les élèves de terminale et de première bénéficient de la prise en charge, qui doit être étendue aux élèves de seconde à la rentrée scolaire de 2009. En revanche, aux termes de l'article 133 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, adopté à l'initiative de M. Adrien Gouteyron, toute extension éventuelle de la prise en charge des frais de scolarité en sus de ces classes doit être précédée d'une étude d'impact transmise au Parlement, précisant notamment les modalités de son financement. Dans cette perspective, le ministère étudie la possibilité de faire participer d'autres acteurs, notamment des entreprises, aux besoins de financement correspondants. Il conviendrait également d'apporter une réponse aux difficultés des familles des élèves étrangers du réseau de l'AEFE face à l'augmentation des frais de scolarité pratiqués par les établissements.

M. Jean Arthuis, président, a estimé nécessaire de revenir sur ce sujet à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2010.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, s'exprimant au nom de M. André Trillard, rapporteur pour avis de la mission « Action extérieure de l'Etat » de la commission des affaires étrangères, s'est émue de la croissance des contributions françaises aux organisations internationales et a souhaité connaître les actions entreprises par le ministère pour en limiter l'ampleur.

M. Bernard Kouchner a rappelé les éléments apportés en réponse à M.  Adrien Gouteyron et a souligné l'attachement de la France au multilatéralisme.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, en sa qualité de rapporteure pour avis de la mission « Action extérieure de l'Etat » de la commission des affaires étrangères, a ensuite dénoncé les restrictions apportées aux attributions de bourses aux élèves français scolarisés à l'étranger, décidées sur le fondement de critères sociaux, du fait de la « contrainte budgétaire ». Pour dégager des moyens en faveur des bourses, il faudrait revenir au dispositif de « double plafonnement » de la prise en charge des frais de scolarité, en fonction des revenus du foyer des élèves et du niveau de ces frais, que le Sénat avait adopté lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009 avant qu'il ne soit rejeté au cours de la seconde délibération demandée par le Gouvernement sur ce texte.

M. Bernard Kouchner a jugé nécessaire de prendre entièrement en charge les frais de scolarité des élèves français scolarisés en terminale, première et seconde dans le réseau de l'AEFE, conformément aux engagements du Président de la République. Les bourses représentent déjà une charge de 53 millions d'euros pour la mission « Action extérieure de l'Etat » et le ministère plaide pour disposer de moyens accrus sur ce poste budgétaire.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la mission « Aide publique au développement » de la commission des affaires étrangères, s'est interrogé sur l'efficacité de l'aide apportée par la France au travers du Fonds européen de développement (FED) et du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme. Ne serait-il pas pertinent de réorienter, par exemple vers des actions bilatérales, une fraction des crédits qui leur sont consacrés afin d'en assurer une consommation plus rapide ?

M. Bernard Kouchner a souligné que la France, qui est le premier contributeur du 9ème FED, avec une quote-part de 24,3 %, sera le deuxième contributeur du 10ème FED, avec une quote-part de 19,5 %. Elle utilisera son influence afin d'améliorer la transparence de ce fonds en matière de gestion. La France consacre également 300 millions d'euros par an au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, auxquels s'ajoutent les sommes consacrées à UNITAID, qui achète des médicaments à destination des pays en voie de développement à partir des fonds récoltés grâce à une taxe sur les billets d'avion. M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat chargé de la coopération et de la francophonie, a confié à Mme Henriette Martinez, députée des Hautes-Alpes, une mission visant à dégager une meilleure synergie entre les financements français bilatéraux et multilatéraux en faveur du développement. Le Gouvernement en attend notamment des pistes afin d'améliorer cette coordination pour les actions menées par le Fonds mondial.

M. André Vantomme, rapporteur pour avis de la mission « Aide publique au développement » de la commission des affaires étrangères, a dénoncé la pratique consistant à « gonfler » artificiellement les sommes consacrées au développement en y incluant les remises de dettes aux pays en voie de développement, sans pour autant en exclure les sommes déjà comptabilisées à ce titre l'année précédente et qui n'ont pu être réalisées sur le même exercice.

M. Bernard Kouchner a partagé ce constat, regrettant, en outre, la modicité des moyens consacrés à l'aide au développement.

En réponse à une interrogation de M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la mission « Aide publique au développement » de la commission des affaires culturelles, M. Bernard Kouchner a précisé qu'en 2008, le budget de l'agence CulturesFrance s'est établi à 28 millions d'euros, dont 22 millions d'euros de dotation en provenance de la mission « Action extérieure de l'Etat » et 2 millions d'euros apportés par la mission « Culture ».

Puis, répondant à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, qui s'exprimait au nom de M. André Trillard, il s'est montré réticent à faire parvenir aux rapporteurs du Sénat un document récapitulatif de la classification des ambassades, estimant que sa publication serait très inopportune. En revanche, les rapporteurs pourront, s'ils le souhaitent, venir consulter ce document au ministère des affaires étrangères et européennes.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a ensuite regretté que l'AEFE doive faire face, sans compensation financière, à des charges nouvelles, telles que la gestion de son parc immobilier ou l'augmentation des cotisations de retraite de ses personnels titulaires.

M. Bernard Kouchner a fait valoir que l'évolution des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » contraint le ministère des affaires étrangères et européennes à des choix difficiles, même si le financement des lycées français à l'étranger fait partie de ses priorités.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui avait souhaité connaître les suites que le ministère réserverait à un récent référé de la Cour des comptes relatif au château de la Celle-Saint Cloud, M. Bernard Kouchner a déclaré, d'une part qu'il n'utilise pas ce bien à des fins personnelles et, d'autre part, qu'il essaie d'y organiser, autant que faire se peut, des réunions politiques ou des séminaires de son ministère. Toutefois, les termes du legs du château à l'Etat sont très contraignants puisqu'ils imposent la présence du ministre chargé des affaires étrangères lors de chaque utilisation.

M. Louis Duvernois s'est interrogé sur les perspectives budgétaires de la future agence chargée de la promotion culturelle de la France à l'étranger, dont le ministre a annoncé la création.

M. Bernard Kouchner a souligné avoir obtenu 20 millions d'euros supplémentaires pour le financement de cette agence en 2009 et autant en 2010. Mme Monique Cerisier-ben Guiga a relativisé ce chiffre en indiquant qu'il s'inscrit dans un contexte de diminution des sommes consacrées par l'Etat à son réseau culturel à l'étranger, qui doit ainsi passer de 105 millions d'euros en 2008 à 77 millions d'euros en 2011.