Mardi 10 février 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président, et de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères -

Conditions de mise en oeuvre du programme A400M - Communication

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission des finances et la commission des affaires étrangères ont entendu une communication conjointe de MM. Jean-Pierre Masseret, membre de la commission des finances, co-rapporteur spécial de la mission « Défense », et Jacques Gautier, membre de la commission des affaires étrangères, sur les conditions financières et industrielles de mise en oeuvre du programme d'avion de transport tactique A400M.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a souligné que le Parlement, chargé non seulement de voter la loi, mais aussi de contrôler et d'évaluer les politiques publiques, est dans son rôle en examinant le programme A400M. Le présent rapport d'information est le premier réalisé conjointement par la commission des finances et la commission des affaires étrangères.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, a insisté sur le fait que les rapporteurs représentant l'un la majorité, l'autre l'opposition, ont travaillé dans un délai très court, et entendu les principaux responsables concernés. Il a jugé le rapport d'information équilibré et objectif.

M. Jean-Pierre Masseret, co-rapporteur, a estimé que les approches des deux commissions sont complémentaires, la commission des affaires étrangères s'intéressant particulièrement aux questions capacitaires, alors que la commission des finances a mis en particulier l'accent sur les problématiques financières. Le rapport d'information affirme la nécessité de mener le programme à son terme. Les rapporteurs ont réalisé de nombreuses auditions, au cours des mois de décembre et janvier.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Jacques Gautier, co-rapporteur, a déclaré qu'il avait été difficile d'obtenir tous les documents relatifs au contrat, dans la mesure où la plupart d'entre eux sont soumis à une clause de confidentialité commerciale.

Il a ensuite présenté les grandes lignes du programme A400M. Cet appareil doit remplacer les avions de transport tactique C160 Transall et Lockheed C130 Hercules. Retraçant l'historique de l'opération, il a indiqué que le programme trouvait son origine en France dans une « fiche programme » de 1984 et, au niveau des états-majors européens, dans le projet de « future large aircraft » (FLA), dont les spécifications répondaient aux besoins opérationnels des armées européennes.

Les Etats européens ont réussi à se mettre d'accord sur la façon de conduire ce programme selon une approche dite « commerciale », c'est-à-dire avec une phase unique ne distinguant pas le développement et la production, à des prix fermes et à des échéances fixes. Sous le nom de « work allocation » (répartition du travail), les Etats se sont efforcés d'interpréter intelligemment le principe du « juste retour », selon lequel le retour industriel de chaque Etat doit être proportionnel au nombre de ses commandes. En 1998, la validité de cette approche a été confirmée, pour la France, par un rapport de M. Pierre Lelong, alors président de chambre à la Cour des comptes.

En septembre 1997, sur la base des spécifications définies en commun, les Etats parties au programme ont demandé une proposition commerciale à Airbus.

Pour gérer en particulier les relations avec le prestataire, les Etats européens ont créé en 2001 l'OCCAr (Organisation commune de coopération en matière d'armement).

Après de longues négociations commerciales et une mise en concurrence, c'est finalement l'offre d'Airbus military, filiale d'Airbus, qui a été retenue en 2003.

Conformément au souhait des Etats, la construction du moteur a été confiée à un consortium européen de motoristes. Celui-ci, Europrop International (EPI), est constitué de l'anglais Rolls Royce, du français Snecma (appartenant au groupe Safran), de l'allemand MTU et de l'espagnol ITP.

Parmi les nombreux obstacles rencontrés par le programme, les difficultés à obtenir la certification du logiciel du système numérique de régulation des moteurs (FADEC) sont la cause apparente du retard de la première livraison. Celui-ci est estimé à environ 3 ans, ce qui conduirait celle-ci à 2012. Cependant, compte tenu du fait que l'industriel n'exclut pas, par prudence, un rythme de production beaucoup plus lent que prévu, le véritable retard serait de l'ordre de 4 ans, ce qui reporterait la livraison d'un nombre significatif d'appareils à 2013 ou 2014.

Par ailleurs, certaines spécifications pourraient devoir être revues à la baisse, concernant en particulier le vol masqué à basse altitude, ou la navigation à l'aide de la cartographie, qui ne sont pas réalisables en l'état des technologies.

Ce retard a de graves conséquences pour l'armée de l'air, qui risque de connaître une situation de « rupture capacitaire » plus importante que prévu, en particulier pour le transport tactique, ainsi que pour les industriels.

M. Jacques Gautier a ensuite précisé les raisons des problèmes rencontrés.

Les Etats, tirant les leçons des retards constatés dans les programmes militaires et compte tenu des besoins de remplacement de leur flotte de transport, notamment en Grande-Bretagne, ont mis une forte pression sur l'industriel, auquel ils ont demandé de réaliser un programme technologiquement ambitieux et innovant, dans un calendrier très serré et à des prix contraints. De son côté, l'industriel a sous-estimé le pari technologique et surestimé ses connaissances et ses compétences dans un segment du marché - le transport militaire logistique - sur lequel il n'avait pas ou peu d'expérience. Trois défis technologiques ont été cumulés, concernant la cellule, le moteur et une partie de l'avionique. Ce cumul de défis, sans étude approfondie de réduction des risques en amont, est l'une des causes principales des difficultés que connaît le programme. La provision pour risque a été insuffisante. En outre, le recours à un contrat commercial rendant difficile le dialogue entre les industriels et les Etats, de même que l'absence d'Etat leader du programme et la faible capacité décisionnelle de l'OCCAr, se sont traduits par un suivi défaillant, tant du côté des Etats que de celui des industriels.

M. Jacques Gautier a considéré que l'impact sur le retard du programme du choix d'un moteur européen turbopropulseur de 11 000 ch, souhaité par les Etats, doit être relativisé, et que si la certification civile est une contrainte lourde, celle-ci est nécessaire.

Enfin, le recours à un contrat de type commercial ne doit pas être rejeté. Ce n'est en effet pas le recours à un tel contrat qui a été nuisible, mais l'absence de dialogue entre l'industriel et les Etats. Le fait de responsabiliser l'industriel sur des délais et des calendriers, et les Etats sur le nombre de leurs commandes, ne peut être considéré comme négatif.

M. Jacques Gautier a ensuite envisagé trois scénarios.

Le premier, qu'il a qualifié de « scénario du pire », consisterait à abandonner le programme. Il ne résoudrait pas le problème de la rupture capacitaire pour les armées, compte tenu du délai nécessaire à l'acquisition « sur étagères » d'autres types d'appareils. Cet abandon serait en outre très dommageable pour l'industrie aéronautique européenne, qui perdrait des emplois et des savoir-faire. Il constituerait par ailleurs un grave revers pour la politique européenne de défense.

Le deuxième scénario, reposant sur une application rigide du contrat, conduirait à fragiliser EADS, alors même que le gouvernement fédéral américain aide massivement les constructeurs aéronautiques, Boeing en particulier.

Les deux rapporteurs plaident donc pour une troisième solution, équilibrée, consistant à renégocier le contrat afin de trouver une solution acceptable par tous.

Enfin, s'agissant des leçons à tirer des difficultés rencontrées, il paraît nécessaire d'abandonner la règle du juste retour, comme l'a souhaité le Président de la République au Bourget; de créer les conditions d'un dialogue mature entre les Etats et les industriels ; enfin, de mieux gérer les risques grâce à des programmes d'études en amont permettant d'évaluer et de réduire les risques technologiques.

M. Bertrand Auban a rappelé qu'EADS a connu ces dernières années d'importants problèmes de gouvernance, qui ne concernent pas le seul programme A400M. La gouvernance d'EADS est rendue plus complexe par la présence de l'Etat français dans son capital. Selon lui, EADS était techniquement capable de produire l'avion dans les délais prévus, mais ce sont certains facteurs, comme le manque de coordination des Etats et la règle du « juste retour », qui l'en ont empêchée.

M. Adrien Gouteyron s'est interrogé sur le coût du retard pour les Etats et les industriels, sur l'éventualité d'une sortie du programme par le Royaume-Uni et sur les perspectives de prise en compte des préconisations des rapporteurs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a considéré que les Etats ont fait preuve d'un « grand moment d'exaltation » en 2003, d'autant plus facilement que les échéances étaient alors lointaines. Il a par ailleurs estimé que l'éventualité d'un remboursement des Etats par l'industriel en cas d'abandon du programme est irréaliste.

M. Jean-Pierre Masseret, co-rapporteur, a souligné l'ampleur du risque pour l'Europe de la défense et pour EADS, qui doit également mener à bien le programme A350. Précisant qu'il s'exprimait à titre personnel et que ces appréciations ne figuraient pas dans le rapport d'information, il a considéré que les Etats savaient dès la signature du contrat que le délai de 6 ans et demi ne serait pas respecté, et que l'exigence de certification civile imposait une contrainte excessive.

M. Jacques Gautier, co-rapporteur, a souligné les problèmes d'organisation d'EADS auxquels cette entreprise avait depuis remédié. Il s'est demandé si un Etat pouvait se retirer individuellement du programme en cas de retard de plus de 14 mois pour le premier vol. Ce point fait l'objet de discussions entre experts juridiques. Le montant des sommes déjà versées par les Etats est de l'ordre de 5 milliards d'euros.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, a indiqué que les rapporteurs poursuivraient leurs travaux aussi longtemps que nécessaire. Il a fait part de son intention de transmettre le présent rapport d'information aux plus hautes autorités de l'Etat et, notamment, au Président de la République.

La commission des finances et la commission des affaires étrangères ont donné acte de leur communication aux rapporteurs et ont décidé d'autoriser la publication de ces travaux sous la forme d'un rapport d'information.

Crise financière internationale : plan de soutien aux banques - Audition de M. René Ricol, médiateur du crédit

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. René Ricol, médiateur du crédit.

M. René Ricol, médiateur du crédit, a tout d'abord souligné la rapidité de la mise en place du dispositif de médiation du crédit, actif depuis le 14 novembre 2008. Cette structure se décline sur l'ensemble du territoire, les directeurs départementaux de la Banque de France assurant les fonctions de médiateurs départementaux du crédit et formant une équipe dédiée à ce sujet avec les trésoriers-payeurs généraux et les préfets. Au niveau central, la médiation s'assure du bon fonctionnement de chaque équipe départementale, suit la montée en charge des demandes de médiation, est responsable des liens avec les organisations professionnelles et les réseaux consulaires pour garantir la meilleure cohérence d'ensemble, est en charge de la communication et règle les dossiers les plus lourds en termes financiers.

Puis M. René Ricol a dressé le bilan du dispositif de médiation au 1er février 2009. A cette date, 5 331 entreprises avaient saisi le médiateur et 91 % de ces dossiers avaient été acceptés en médiation. Parmi ces derniers, 2 424 dossiers avaient été clôturés, la médiation ayant réussi pour 66 % d'entre eux. Ainsi, près de 1 600 entreprises, représentant environ 36 500 emplois, avaient été confortées dans leur poursuite d'activité. Ces dossiers concernent principalement des entreprises de moins de 50 salariés, qui représentent 94 % des dossiers. Par ailleurs, les encours de crédit traités en médiation sont inférieurs à 50 000 euros dans 61 % des cas, compris entre 50 000 euros et 150 000 euros dans 21 % des cas, et supérieurs à 500 000 euros dans 7 % des cas.

Cependant, M. René Ricol a souligné le dépôt récent, auprès de ses services, de deux dossiers de sociétés détenues par un fonds d'investissement d'acquisition par effet de levier (leveraged buy-out, ou LBO), mises en difficulté par le poids des charges financières liées au remboursement de leur dette alors même qu'elles affichent un résultat d'exploitation satisfaisant. Ces dossiers sont importants en termes d'emplois, l'un d'eux concernant une entreprise comptant 18.000 salariés. A cet égard, ces fonds de LBO cherchent encore souvent à réaliser d'importants profits en peu de temps, ce qui peut rendre les négociations avec eux très difficiles. En revanche, d'autres types de fonds, dits de capital développement, sont « porteurs d'espoir » car ils demeurent prêts à investir de façon minoritaire au capital de certaines entreprises, avec une vision de moyen terme ambitieuse et réaliste.

S'agissant de l'attitude des groupes bancaires, il a considéré que le simple fait que deux tiers des dossiers faisant l'objet d'une médiation aboutissent à un résultat positif est, en soi, le signe que « les banques jouent le jeu ». De plus, les refus définitifs reposent souvent sur des arguments solides. Cependant, si une certaine atonie des demandes de crédit peut être constatée dans le contexte économique actuel, certains projets portés par des entreprises rencontrent des difficultés de financement. Ainsi, les banques paraissent avoir durci leurs conditions de crédit à l'égard des opérations de promotion immobilière.

Puis M. René Ricol a abordé la question de l'assurance-crédit, cruciale car la réduction de l'encours d'une entreprise garanti par les assureurs-crédit se traduit par un durcissement brutal des conditions de paiement que lui octroient ses fournisseurs. Or, ces acteurs tendent à observer une attitude prudente, d'autant qu'ils assurent un total de 360 milliards d'euros d'encours alors même que leur capitaux propres s'élèvent à environ 3 milliards d'euros. L'article 125 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 a instauré un mécanisme de partage du risque entre l'Etat, au travers de la Caisse centrale de réassurance (CCR), et les assureurs-crédit sur certains dossiers. Ce dispositif a été complété par un accord entre le médiateur du crédit et les assureurs-crédit, aux termes duquel, d'une part, ces assureurs acceptent un délai de six jours avant de retirer leur garantie aux entreprises décotées et, d'autre part, les entreprises risquant d'être décotées disposent d'un « droit d'argumentation » pour plaider leur dossier auprès des assureurs.

En réponse à une interrogation de M. Jean Arthuis, président, M. René Ricol a précisé que les fonds de LBO ont des profils divers, pouvant dépendre de groupes bancaires ou d'assurances, ou bien être indépendants et parfois cotés en bourse.

M. Philippe Marini, rapporteur général, après s'être félicité de la rapidité avec laquelle le dispositif de médiation du crédit a été mis en place, a souhaité savoir si les groupes bancaires ont des pratiques homogènes en termes d'octroi de crédit. Il s'est également interrogé sur les moyens d'action du médiateur du crédit à l'égard de ces groupes, ou bien à l'égard de fonds de LBO, ainsi que sur les « voies de sortie » possibles pour les entreprises rachetées par de tels fonds et mises en difficulté par le poids de leurs charges financières. Par ailleurs, il s'est demandé s'il était déjà possible d'évaluer le dispositif de partage du risque crédit instauré par l'article 125 de la loi de finances rectificative pour 2008 et, s'agissant des problèmes de montage d'opérations immobilières évoqués par le médiateur du crédit, si un système de cautionnement mutuel ne permettrait pas de débloquer de tels dossiers. Enfin, au vu de la conjoncture économique prévisible des mois à venir et des menaces que de nombreuses défaillances d'entreprises font peser sur le bilan des banques, il a souhaité connaître les projections et les « objectifs » du médiateur du crédit pour l'année 2009.

M. René Ricol a répondu que :

- le taux de succès de la médiation est équivalent quel que soit le grand réseau bancaire français considéré, l'un d'eux se montrant toutefois encore aujourd'hui moins rapide que les autres dans le traitement de ces dossiers ;

- pour l'heure, le dispositif de médiation du crédit est un succès. Le poids du soutien politique étant déterminant, il n'apparaît pas nécessaire, à ce stade, d'inclure des clauses plus contraignantes dans les conventions conclues entre l'Etat et les banques bénéficiant de son soutien financier ;

- les dossiers de certaines sociétés détenues par un fonds de LBO risquent de s'avérer très délicats, la solution pouvant alors passer par un rééchelonnement de leurs dettes financières et un renflouement par leurs actionnaires. Dans certains cas, il pourrait être nécessaire que les banques abandonnent une partie de leurs créances sur ces sociétés. A moyen terme, il conviendra de trouver de nouveaux actionnaires, qui pourraient être le Fonds stratégique d'investissement (FSI), des fonds de capital développement ou bien des particuliers au travers d'une introduction en bourse ;

- la réussite du dispositif relatif à l'assurance-crédit ne peut pas encore être mesurée, faute d'un recul suffisant ;

- le système de caution mutuelle peut effectivement permettre de débloquer des dossiers, comme l'ont déjà montré les deux sociétés spécialisées pour les artisans. A ce sujet, il convient de saluer l'action d'OSEO, dont la garantie permet à de nombreuses PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) de continuer à avoir accès au crédit ;

- les produits structurés, dont vraisemblablement seule une faible partie est réellement « toxique », présentent des zones de risque désormais bien identifiées mais qui sont le plus souvent dépendantes de l'évolution de marchés étrangers, tels que celui de l'immobilier résidentiel en Espagne. Il en résulte le maintien de fortes incertitudes, dont il faut s'accommoder tant que la crise financière n'est pas terminée. Concernant l'économie réelle, le sentiment qui prédomine sur le terrain est celui d'un « atterrissage en douceur », les carnets de commandes se réduisant progressivement.

M. Eric Doligé a déploré la lente application des dispositions de la loi de modernisation de l'économie sur les délais de paiement. Les PME font actuellement face à plusieurs échéances concomitantes et les assureurs-crédit refusent parfois de s'engager. Il s'est également interrogé sur les conséquences de la crise sur les constructeurs et équipementiers automobiles et s'est demandé si les services du médiateur du crédit peuvent mesurer la durabilité des solutions qu'ils proposent, à carnet de commandes constant.

Mme Nicole Bricq a relevé l'apparente contradiction dans la communication des banques qui, jusqu'à récemment, disaient constater un encours de prêts satisfaisant et une diminution de la demande de crédit.

M. Joël Bourdin s'est interrogé sur la nature des dossiers de crédit relevant du secteur de l'agriculture et de la pêche et sur la situation du crédit interentreprises.

M. Albéric de Montgolfier s'est demandé si le champ de la médiation ne porte que sur les refus de crédit ou inclut également les litiges relatifs aux conditions de taux. Il a également souhaité obtenir des précisions sur la nature et le taux moyen des emprunts négociés avec l'aide du médiateur.

Après avoir rappelé les conséquences dramatiques de la crise pour certains salariés, Mme Marie-France Beaufils s'est demandé si les entreprises abandonnent aujourd'hui des projets plutôt par précaution ou sous la pression d'actionnaires tels que les fonds d'investissement.

M. Jean Arthuis, président, a estimé qu'une fraction des intérêts perçus par la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE) pourrait être affectée à OSEO afin de lui permettre de se porter caution et faciliter ainsi le consentement au crédit.

En réponse, M. René Ricol a tout d'abord relevé que la question des délais de paiement constitue une véritable « plaie historique » en France, qui a engendré des effets pervers se traduisant par des besoins en fonds de roulement négatifs et des liquidations précoces d'entreprises. Si la grande majorité des entreprises attend aujourd'hui une application effective des dispositions de la loi de modernisation de l'économie, on constate également un effet asymétrique au détriment des entreprises qui bénéficiaient de ce décalage de paiement. Les services du médiateur du crédit sont ainsi conduits à traiter des dossiers relatifs à des entreprises de plus de 5.000 salariés, qui ne sont pas couvertes par le dispositif d'OSEO. Ses services n'évaluent pas la durabilité des solutions proposées, mais veillent néanmoins à ce que les entreprises surveillent leurs frais pour prévenir le mieux possible un futur litige qui aurait moins de chances d'être réglé.

S'agissant du secteur automobile, effectivement sinistré, les équipementiers apparaissent capables de se redéployer efficacement par l'innovation, pour peu qu'on leur en laisse le temps. Il existe cependant un risque réel de disparition des savoir-faire. Quant au secteur de l'agriculture et de la pêche, qui représente environ 3 % des dossiers, on constate que des exploitations agricoles commencent à demander une médiation.

M. René Ricol a ajouté que la question du niveau des taux d'emprunt n'est pas réellement abordée dans le traitement des dossiers. En effet, ses services ne disposent pas de tous les éléments pour porter une telle appréciation, et la priorité est d'assurer la continuité du financement. Le taux le plus élevé relevé a néanmoins atteint 6,18 %, et il est possible que la rémunération due à l'Etat au titre des souscriptions de la SPPE ait été dans certains cas répercutée sur le coût des crédits octroyés. De même, les taux des prêts immobiliers, souvent conçus comme des produits d'appel présentant des marges parfois négatives, ont pu être relevés. Il reste que le renchérissement du coût de refinancement des banques poursuit sa hausse tendancielle, en dépit de l'abaissement des taux directeurs de la Banque centrale européenne.

Les apparentes contradictions du discours des banques concernent surtout la situation en décembre 2008, après que la défiance des entreprises a entraîné un gel des projets et une baisse substantielle de leurs demandes de crédit, exerçant un impact négatif sur l'emploi. Néanmoins, les banques ont aussi pu décourager l'investissement dans certains secteurs par des conditions de crédit plus contraignantes et font parfois preuve d'une excessive frilosité quand les projets existent. Selon lui, le rôle de la médiation est aussi de faire comprendre aux entreprises que la crise constitue une occasion de réviser la stratégie et l'approche commerciale et de faire des efforts de rationalisation de la gestion.

Après avoir admis que l'utilisation d'une fraction des intérêts et dividendes versés à la SPPE au profit du cautionnement mutuel peut être une voie appropriée, il a déploré l'émergence d'une certaine animosité à l'encontre des salariés des banques, qui n'ont pourtant aucune responsabilité dans la crise. S'il est légitime de mettre en cause les dirigeants des banques qui ont commis des erreurs de gestion et de stratégie et ont parfois « muselé » leurs chefs-économistes, il n'en est pas moins nécessaire d'avoir un discours qui protège leurs collaborateurs.

Crise financière internationale : plan de soutien aux banques - Audition de M. François Cailleteau, président-directeur général de la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE), et de Mmes Virginie Delaury, membre du conseil d'administration de la SPPE, et Lucie Muniesa, secrétaire générale de l'Agence des participations de l'Etat

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. François Cailleteau, président-directeur général de la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE), et de Mmes Virginie Delaury, membre du conseil d'administration de la SPPE et Lucie Muniesa, secrétaire générale de l'Agence des participations de l'Etat.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que l'audition de M. François Cailleteau intervenait dans le cadre du suivi du plan de soutien aux banques, qui s'était traduit par l'adoption, en octobre 2008, dans une loi de finances rectificative, d'une garantie globale de l'Etat à hauteur de 360 milliards d'euros. Cette garantie portait notamment sur le renforcement de la solvabilité des banques, la SPPE souscrivant à des titres super subordonnés ou à des actions de préférence constitutives de fonds propres.

M. François Cailleteau, président-directeur général de la société de prise de participation de l'Etat, a rappelé certaines particularités de la SPPE, société anonyme intégralement détenue par l'Etat, dont la structure est légère et qui permet d'individualiser l'action de l'Etat en faveur des banques. Son action comprend jusqu'à présent trois volets.

En premier lieu, une intervention au capital de Dexia, conjointement avec la Caisse des dépôts et consignations et les Etats belge et luxembourgeois. Elle s'est traduite par l'acquisition d'un milliard d'euros d'actions, sans participation à la gestion de Dexia, bien que l'Etat dispose d'un représentant à son conseil d'administration.

En deuxième lieu, la SPPE a contribué au renforcement des fonds propres des principales banques françaises par une première tranche de souscription, à hauteur de 10,5 milliards d'euros, à des titres super-subordonnés dont M. François Cailleteau a décrit les caractéristiques. Sorte de « rente perpétuelle », ces titres obligataires sont assimilables aux fonds propres constituant le « Tier One » (mais ne peuvent en excéder 35 %), et la souscription a permis d'améliorer de 0,5 point le ratio de solvabilité de chaque banque. Les titres sont substantiellement rémunérés puisque l'intérêt versé à la SPPE est en moyenne de 8,2 %, soit un dispositif que l'on peut qualifier de « gagnant-gagnant ». En outre, il est prévu une incitation des banques à sortir du dispositif puisque la valeur de rachat des titres super subordonnés augmente avec le temps : au pair la première année suivant la souscription, puis à 101 % de la valeur d'émission la deuxième année, jusqu'à 111 % après la septième année.

Le troisième volet de l'action de la SPPE est en cours et consistera en une nouvelle souscription, pour un montant équivalent à la première, de titres super subordonnés ou d'actions de préférence. Ces dernières sont éligibles sans limitation au « Core Tier One », fraction la plus sûre des fonds propres, et seront mieux rémunérées que les titres super subordonnés, selon un mécanisme analogue d'incitation au rachat. Au total, ces deux tranches de souscription de la SPPE permettront d'améliorer d'un point les fonds propres des banques, à hauteur de 21 milliards d'euros. Le dispositif se veut transitoire et rapportera à l'Etat quasiment le double du coût des émissions obligataires réalisées en vue des souscriptions.

En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, sur le niveau du dividende versé à la SPPE, M. François Cailleteau a précisé qu'il sera fixé au plus élevé des taux résultant de deux formules : soit le rendement moyen des titres super subordonnés (8,2 %) majoré de 25 points de base chaque année, soit 105 % à 125 % du dividende d'une action ordinaire sur la période 2009-2018. Il a ajouté qu'une option de conversion des titres super subordonnés en actions de préférence sera ouverte. BNP Paribas a d'ores et déjà déclaré vouloir exercer cette option.

Puis, répondant à M. Jean Arthuis, président, M. François Cailleteau a précisé les éléments suivants concernant le financement de la SPPE :

- dans le cadre de l'opération de recapitalisation de Dexia, la SPPE a reçu de l'Etat, via la Caisse de la dette publique, une avance de 1,05 milliard d'euros, qui a été affectée immédiatement à l'établissement bancaire. Toutefois, l'endettement de la SPPE auprès de l'Etat ne s'élève sur cette opération qu'à 600 millions d'euros, 450 millions d'euros ayant été convertis sous forme de capital afin de doter la SPPE de fonds propres ;

- la réalisation de la première tranche de renforcement des fonds propres des groupes bancaires a porté l'endettement de la SPPE à 11,1 milliards d'euros, 10,5 milliards d'euros supplémentaires ayant été mobilisés, selon le même schéma que pour Dexia, via la Caisse de la dette publique et l'Agence France Trésor (AFT) ;

- ces deux premières opérations ont ainsi nécessité un emprunt à court terme de la SPPE auprès de l'Etat au taux EONIA (taux de rémunération des dépôts interbancaires du jour) pour un montant de 11,1 milliards d'euros. Le coût de cet emprunt, dont l'échéance de remboursement a été fixée au 4 décembre 2009, est évalué par la SPPE à 150 millions d'euros ;

- le versement de la seconde tranche de renforcement des fonds propres pourrait être opéré, soit à partir d'une levée directe de capitaux sur le marché par la SPPE, soit à partir d'un nouveau prêt de l'Etat à la société, après appel au marché via l'Agence France Trésor (AFT). L'arbitrage entre ces deux modalités s'effectuera par comparaison du coût de chaque option. A ce jour, l'écart de taux (« spread ») entre une émission directe par la SPPE et une émission de l'AFT est défavorable à la SPPE à hauteur de 50 points de base environ. Dans la mesure où l'AFT devrait emprunter, plus ou moins à due concurrence du nouveau prêt à la SPPE, ses conditions d'émission pourraient se dégrader et se traduire par une hausse du coût de l'ensemble des emprunts de l'Etat. Ce surcoût pourrait être plus onéreux que le surcoût lié à une émission au nom de la SPPE.

Mme Virginie Delaury, membre du conseil d'administration de la SPPE, a observé que, contrairement aux deux premières opérations, les prochaines souscriptions de la SPPE seront étalées dans le temps, ce qui devrait permettre de lisser les émissions et d'apporter une certaine souplesse dans les conditions de financement.

Répondant à M. Jean Arthuis, président, et à Mme Nicole Bricq sur la rémunération perçue par la SPPE, M. François Cailleteau a indiqué qu'il escompte un bénéfice net d'environ 700 millions d'euros à la fin de l'année 2009, ce chiffre prenant en compte un coût de la dette à hauteur de 150 millions d'euros sur une rémunération brute de 853 millions d'euros.

M. Jean Arthuis, président, a toutefois fait observer que ce chiffre est sujet à caution, puisque la prochaine opération de la SPPE permettra aux groupes bancaires de convertir leurs titres super subordonnés souscrits par la SPPE en actions de préférence, ce qui modifiera et décalera la rémunération de la SPPE d'un an, celle-ci ne percevant plus alors, sur ces actions, des intérêts à la fin 2009, mais des dividendes en 2010.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, a souhaité savoir, d'une part, comment est défini le montant souscrit par la SPPE pour chaque établissement et, d'autre part, comment est surveillée l'évolution de l'encours de crédit aux entreprises. M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'utilisation d'un éventuel reliquat si certains établissements ne participent pas à la seconde opération de renforcement des fonds propres.

En réponse, M. François Cailleteau et Mme Virginie Delaury ont indiqué que :

- le volume des souscriptions de la SPPE est calculé de manière à renforcer les fonds propres des établissements dans la même proportion, soit une augmentation de 0,5 point des fonds propres de base ;

- l'ensemble des établissements aidés lors de la première tranche de renforcement des fonds propres ont des ratios de solvabilité supérieurs aux normes internationales établies. Il s'est agi d'une opération de soutien, et non de sauvetage, destinée à renforcer la structure financière des groupes bancaires ;

- le dispositif validé par la Commission européenne précise que les établissements prennent, ou non, la quote-part qui leur est attribuée. Dans cette perspective, il n'est pas envisagé de redistribuer un éventuel reliquat résultant du refus d'un établissement de bénéficier de l'aide ;

- les contreparties demandées aux établissements bénéficiaires font l'objet d'une convention signée entre l'Etat, et les groupes bancaires. L'octroi de la deuxième tranche de renforcement des fonds propres devrait être subordonné à de nouveaux engagements de la part des établissements, à savoir la priorité donnée au renforcement de leurs fonds propres dans le cadre de leur politique de distribution des dividendes, et le renoncement à la part variable des rémunérations de leurs dirigeants.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur la contradiction apparente qu'il y a, pour les établissements destinataires de l'aide, à bénéficier de l'argent public et à distribuer parallèlement des dividendes. En outre, elle s'est émue que l'Etat puisse s'enrichir dans le contexte de crise actuel.

Mme Virginie Delaury a répondu que l'objectif de la SPPE est de pallier temporairement les défaillances du marché, et qu'il est donc nécessaire de conserver une politique de distribution de dividendes afin de maintenir un attrait de ces établissements auprès des investisseurs privés

Après avoir souhaité connaître pour la SPPE, le montant de la perte latente liée à Dexia, Mme Nicole Bricq s'est interrogée, avec M. Jean Arthuis, président, sur l'existence d'une provision pour dépréciation du titre de ce groupe, et sur l'impact de cette provision sur la distribution de dividendes par la SPPE.

Reconnaissant que la SPPE enregistre à ce jour une moins-value sur Dexia, M. François Cailleteau a souligné que le sauvetage du groupe franco-belgo-luxembourgeois doit être apprécié sur le moyen terme. Il a indiqué que la prise en compte de la situation de Dexia dans les comptes est difficile, aussi bien pour l'année 2008 que pour l'année 2009.

Répondant à M. Jean Arthuis, président, qui s'interrogeait sur la participation éventuelle de l'Etat aux conseils d'administration ou de surveillance des banques dont il sera amené, via la SPPE, à détenir une fraction non négligeable du capital, M. François Cailleteau a indiqué que cette présence serait en pleine contradiction avec la finalité de la SPPE. Le renforcement des fonds propres des établissements par l'Etat, via la SPPE, constitue un dispositif de crise, dont les modalités de mise en oeuvre doivent inciter les bénéficiaires à sortir rapidement. Dans cette perspective, l'Etat n'a pas vocation à s'ingérer dans la gouvernance des établissements.

En conclusion, M. Jean Arthuis, président, a souligné la nécessité de distinguer les établissements bancaires « en détresse » qui réclament une intervention de sauvetage, des établissements qui, pour jouer pleinement leur rôle de financement de l'économie en temps de crise, doivent recourir à des « activateurs de crédit ».

Mercredi 11 février 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Nouvelle procédure d'examen des amendements en commission résultant de la révision constitutionnelle - Communication

La commission des finances a entendu une communication de M. Jean Arthuis, président, sur la nouvelle procédure d'examen des amendements en commission résultant de la révision constitutionnelle.

M. Jean Arthuis, président, a expliqué que l'article 42 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, modifie en profondeur la procédure d'examen des textes, en prévoyant que la discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie au fond. Cette règle ne s'applique toutefois pas aux projets de révision constitutionnelle, aux projets de lois de finances, ni aux projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Ces dispositions entrent en vigueur le 1er mars 2009.

Dans l'attente d'une modification du règlement du Sénat, la commission des lois a proposé de mettre en place une nouvelle procédure d'examen des projets et propositions de loi qui viendront en discussion en séance publique à compter de cette date. Cette procédure, qui reflète les grands axes définis par le groupe de travail sur la réforme du règlement, tire les conséquences de la nouvelle rédaction de l'article 42 de la Constitution.

M. Jean Arthuis, président, a alors présenté les principales innovations proposées et a indiqué comment elles seront concrètement mises en oeuvre dans le cadre de l'examen du projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer :

- une première réunion de commission permettra aux rapporteurs et aux seuls membres de la commission des finances de déposer et de défendre leurs amendements et d'élaborer ainsi le texte qui sera soumis à l'examen du Sénat en séance publique ; en particulier, le Gouvernement ne sera pas présent à cette réunion et ses amendements ne seront pas examinés à cette étape ;

- l'audition du secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-mer, Yves Jégo, ayant été repoussée au mardi 17 février à 10 heures 30, le calendrier de dépôt et d'examen des amendements est ainsi fixé : le délai-limite pour le dépôt des amendements des rapporteurs et des membres de la commission des finances est établi au mardi 17 février à 16 heures et l'examen du texte en commission est prévu le jeudi 19 février à 16 heures ;

- une adresse électronique dédiée au dépôt des amendements a été créée : finances.amendements@senat.fr ; toutefois, toute forme de dépôt auprès du secrétariat de la commission sera acceptée ;

- les amendements déposés feront l'objet d'un contrôle de recevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution ; les auteurs des amendements déclarés irrecevables seront prévenus par le secrétariat de la commission ;

- les amendements reçus et numérotés par le secrétariat de la commission seront diffusés, à leur demande, aux membres de la commission, au Gouvernement et aux groupes politiques ;

- lors de la réunion de commission, les amendements (des rapporteurs et des commissaires) seront discutés, par ordre d'article, en appelant en priorité, sur chaque article, les amendements des rapporteurs. Tous les amendements seront donc présentés dans le cadre d'une discussion commune. Si des motions de procédure ont été déposées, elles seront examinées avant les amendements sur les articles ;

- les amendements non adoptés par la commission seront insérés à la fin du rapport ;

- le texte élaboré à l'issue de la réunion de commission, destiné à être discuté en séance publique, sera diffusé sous forme d'un document parlementaire distinct du rapport.

Par ailleurs, les amendements dits « extérieurs » feront l'objet, comme à l'accoutumée, d'une seconde réunion de la commission et d'un second délai limite pour leur dépôt. Seront alors examinés les amendements éventuellement déposés par le Gouvernement, les amendements des commissions saisies pour avis et les amendements des sénateurs ne faisant pas partie de la commission.

Toutefois, afin de laisser à la commission des finances le délai nécessaire pour débattre de ces amendements, le délai-limite pourrait être fixé la semaine qui précède le débat en séance publique, à l'issue de l'adoption des rapports des commissions saisies pour avis, vraisemblablement le mercredi 4 mars après-midi. Ce point sera précisé ultérieurement.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que l'examen en séance des projets de lois sur le fondement des conclusions de la commission saisie au fond a également des répercussions substantielles sur les modalités d'examen, par la commission des finances, de la recevabilité financière des amendements.

Le dispositif prévu est le suivant.

S'agissant des amendements du rapporteur et des membres de la commission saisie au fond, examinés au cours de la première réunion de commission, il appartiendra à chaque président de commission de statuer sur la recevabilité financière, celui-ci pouvant toutefois saisir pour avis le président de la commission des finances de tout amendement qui lui paraîtrait contraire à l'article 40. Cette procédure de saisine pour avis a connu une première application le 2 février 2009. Saisi par le président de la commission des lois de la recevabilité de trois amendements au projet de loi pénitentiaire, le président de la commission des finances a avisé son collègue de l'irrecevabilité de deux d'entre eux, au moyen d'un courrier assorti d'une brève motivation.

Dans le cas d'espèce, le président de la commission des lois a suivi l'avis de son collègue des finances et a annoncé l'irrecevabilité des deux amendements lors de la séance d'examen du rapport. En l'état de la pratique mise en place, l'avis du président de la commission des finances ne lie toutefois pas la décision des présidents des autres commissions qui peuvent donc décider de passer outre.

Par ailleurs, le fait que chaque président de commission saisie au fond statue souverainement sur la recevabilité des amendements et puisse décider, soit de ne pas les transmettre tous pour avis à la commission des finances, soit de ne pas suivre l'avis d'irrecevabilité formulé par le président de celle-ci, contraindra la commission des finances à examiner la totalité du texte de la commission et à statuer, le cas échéant, en séance publique, sur les dispositions du texte qui seraient irrecevables au regard de l'article 40.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que dans le cadre de ce processus, il conviendra de justifier oralement, devant les sénateurs présents, l'irrecevabilité opposée aux dispositions du projet de loi en discussion. Il serait cependant plus sage, à l'avenir, que la commission des finances se prononce d'emblée sur la recevabilité de tous les amendements déposés à l'étape de l'élaboration du texte par la commission saisie au fond.

Enfin, s'agissant des amendements dits « extérieurs », la procédure actuelle consistant à déclarer l'irrecevabilité au moment de leur dépôt au service de la séance sera conservée.

M. Michel Charasse a jugé que lors de l'examen en commission, le débat sur les amendements et le vote sont deux processus étroitement liés. Il paraît, dans ces conditions, difficile d'imaginer que le ministre puisse assister au débat et qu'il doive sortir de la salle de la commission chaque fois qu'il sera procédé au vote. Par ailleurs, afin de prévenir des risques ultérieurs de contentieux, il a attiré l'attention sur la nécessité d'établir un compte-rendu intégral des discussions en commissions dans la mesure où ces débats auront valeur de « travaux préparatoires » pour les juridictions qui seraient appelées à interpréter l'intention du législateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur les conséquences pratiques du principe selon lequel le Gouvernement pourrait participer aux débats de la commission entourant l'élaboration du texte destiné à être discuté en séance publique, tout en étant contraint de se retirer au moment du vote sur les amendements. Faudra-t-il, dans ces conditions, réserver tous les votes jusqu'à la fin de la discussion sur les articles ?

Soulignant le fait que les autres commissions pourront avoir une interprétation de la portée de l'article 40 différente de celle défendue par la commission des finances, il a attiré l'attention sur le risque d'adoption de dispositions irrecevables sur le plan financier qui seront alors « incorporées » dans le texte présenté en séance publique et ne seront pas simples à repérer. Enfin, il a estimé que les commissions saisies au fond pourraient légitimement exiger la présence des auteurs d'amendements extérieurs, lors de leur examen, afin d'éclairer les avis qu'elles auront à exprimer.

M. Jean Arthuis, président, s'est déclaré hostile à la présence du Gouvernement lors de la réunion de la commission saisie au fond consacrée à l'élaboration du texte discuté en séance publique. La mise en place d'un délai de 48 heures entre le dépôt des amendements et leur discussion par la commission doit permettre au Gouvernement de prendre connaissance des amendements déposés, y compris ceux des rapporteurs. Il pourra mettre à profit ce laps de temps pour faire connaître sa position, soit en demandant à être auditionné avant la séance d'élaboration du texte, soit en transmettant une note aux auteurs et aux rapporteurs.

Par ailleurs, sans méconnaître l'intérêt qu'il y aurait pour la commission saisie au fond à entendre l'ensemble des auteurs d'amendements extérieurs, il a mis en doute le réalisme de ce souhait, eu égard, en particulier, à la faiblesse des plages horaires qu'il est prévu de laisser à la disposition des commissions pour se réunir. On pourrait sans doute envisager, plus vraisemblablement, d'entendre les rapporteurs pour avis sur leurs amendements, sans étendre cette faculté à tous les auteurs.

Revenant sur la mise en place de la nouvelle procédure, M. Denis Badré a jugé que la modernisation du travail parlementaire devrait conduire à rendre publiques les réunions de commissions qui auront alors vocation à devenir l'enceinte privilégiée du débat législatif, au détriment de la séance publique.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est élevé contre la multiplication des saisines pour avis qui conduisent à allonger et à affaiblir l'intérêt de la discussion en séance publique. Il s'est montré favorable à un recours plus fréquent à la constitution de commissions spéciales dès lors que plusieurs commissions souhaiteront se saisir pour avis d'un texte.

Il s'est interrogé sur le risque, pour la commission des finances, d'apparaître comme un « tribunal suprême ».

M. Michel Charasse a souligné, à son tour, les possibilités de discordance des jurisprudences si chaque commission saisie au fond devient responsable de l'application de l'article 40 sur les textes relevant de sa compétence. S'il existe des différences d'interprétation, elles devront être tranchées par la commission des finances qui devra faire prévaloir ses critères.

Mme Marie-France Beaufils a exprimé son désaccord de principe sur la réforme et a manifesté la crainte que la remontée des débats à l'étape de la commission, dans le processus d'examen des textes, n'entraîne la disparition de fait de la séance publique. Ce qui signifierait que le grand public ne sera plus associé aux discussions qui animent le Parlement.

Elle a estimé que si les auditions des ministres en commission sont souhaitables, la présence du Gouvernement lors de l'élaboration du texte appelé à être débattu en séance publique n'est pas légitime et reflèterait un affaiblissement supplémentaire du Parlement vis-à-vis du pouvoir exécutif.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que les amendements examinés par la commission saisie au fond, mais non adoptés par elle, pourront être redéposés auprès du service de la séance et suivront le circuit des amendements dits « extérieurs ».

Il a défendu les objectifs de la réforme constitutionnelle qui vise à renforcer la crédibilité du Parlement. Force est de constater qu'aujourd'hui nombre de débats tenus en séance publique ne reflètent pas les préoccupations des Français.

M. Jean-Jacques Jégou a considéré que le fait que le Gouvernement assiste aux débats de la commission saisie au fond lors de l'élaboration du texte de loi constituerait une « perte de liberté » pour les parlementaires. Par ailleurs, il a estimé que la commission des finances doit faire prévaloir sa primauté d'interprétation dans l'application de l'article 40 et, en tout état de cause, qu'il ne saurait y avoir de débat en séance publique sur les motifs d'irrecevabilité. Par ailleurs, la mise en oeuvre du dispositif d'irrecevabilité financière ne doit jamais répondre à des motifs d'opportunité liés aux auteurs des amendements mais doit reposer sur des bases juridiques indiscutables.

Mme Nicole Bricq a mis en évidence le risque de redondance du travail parlementaire entre les discussions en commission et en séance publique, rappelant toutefois que l'examen du texte adopté par la commission répond à une revendication forte des parlementaires. Elle s'est montrée hostile à toute présence d'un représentant du Gouvernement en commission pendant la discussion générale comme pendant l'examen des articles et des amendements.

Par ailleurs, elle s'est déclarée favorable à la publicité des débats en commission. Enfin, en écho aux propos de M. Jean-Pierre Fourcade, elle a fait observer que la multiplication des rapports pour avis entraîne une « dévitalisation » regrettable des débats en séance publique. Il faudra sans doute recourir, à l'avenir, plus systématiquement aux commissions spéciales.

M. Jean Arthuis, président, a approuvé ces remarques et a estimé que la publicité des débats en commission est incontestablement l'une des clés de la réussite de la réforme.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a mis en exergue le but de la réforme constitutionnelle qui est de « redorer le blason » du Parlement au moyen d'un instrument fondamental : « rapatrier » l'essentiel du travail législatif en commission. Il est regrettable que la « Commission Balladur » qui ne comptait aucun « praticien du Parlement » dans ses rangs ne l'ait pas compris.

De ce point de vue, la publicité des débats constitue une chance que les assemblées doivent savoir saisir pour montrer aux Français qu'elles agissent au service de leurs préoccupations.

Si l'on développe jusqu'à son terme la logique de la réforme, les propositions de loi vont occuper une place grandissante dans le calendrier parlementaire. Il faudra que ces textes bénéficient d'une expertise accrue, ce qui imposera d'étoffer les services du Sénat grâce au recrutement d'administrateurs qui auront vocation à accroître la légitimité du Parlement dans le travail d'édiction de la norme.

M. Michel Charasse s'est déclaré opposé à la publicité des débats en commission : d'une part, la liberté de ton et de contenu des propos tenus par les sénateurs et les personnes auditionnées s'en ressentira immanquablement ; d'autre part, la publicité des débats suppose qu'il soit établi un compte rendu intégral des séances de commission ; or le Sénat n'est pas actuellement équipé pour cela. Il s'est, en outre, à nouveau exprimé en faveur de la présence du Gouvernement en commission, lors de la phase d'élaboration des textes appelés à être discutés en séance publique. A défaut, en effet, les éventuels conflits, qui auraient pu être réglés à l'étape de la commission, seront portés en séance publique avec le risque que la commission saisie au fond soit, dans ce cadre, publiquement désavouée par le Gouvernement.

M. Jean Arthuis, président, a exprimé la crainte que le Gouvernement ne soit en réalité représenté, en commission, que par des secrétaires d'Etat, spécifiquement désignés pour venir en quelque sorte « surveiller » l'activité des parlementaires, voire par des fonctionnaires dépourvus de toute légitimité.

Mme Nicole Bricq a estimé que l'absence du Gouvernement aux débats de la commission est justifiée par le principe de séparation des pouvoirs. En outre, il ne faut pas oublier que l'exécutif conserve des privilèges importants qui lui permettent de garder la haute main sur la procédure législative.

M. Henri de Raincourt a souhaité que le Sénat ne se dote pas de règles trop strictes qui pourraient conduire à une paralysie du calendrier législatif, dans la mesure où le temps consacré à l'ordre du jour prioritaire fixé par le Gouvernement va être pratiquement divisé par deux, deux semaines par mois étant dorénavant consacrées aux activités de contrôle et à l'initiative parlementaire. Il a mis en garde contre la difficulté qu'auront les sénateurs membres de la majorité à arbitrer, dans certains cas, entre deux légitimités : celle de la commission à laquelle ils appartiennent et celle du Gouvernement dont ils soutiennent l'action. A cet égard, il a considéré que l'usage répété de la « deuxième délibération » et du dépôt par le Gouvernement d'amendements remettant en cause des accords élaborés en commission mixte paritaire apparaissent en complète contradiction avec l'objectif de renforcement des pouvoirs du Parlement.

M. Philippe Adnot a souhaité que soient publiés, dans les rapports des commissions saisies au fond, les amendements adoptés afin de mieux identifier l'origine des dispositions insérées dans le projet de loi initial.

Il a exprimé son opposition à la multiplication des commissions spéciales soulignant le fait que certains sénateurs risquent de ne jamais être sollicités pour participer à leurs travaux et se trouveront ainsi de fait tenus à l'écart de l'activité législative.

Il a enfin fait part de ses doutes sur l'opportunité d'inviter tous les auteurs d'amendements extérieurs à venir s'exprimer devant la commission saisie au fond. Cette solution entraînerait un allongement considérable et injustifié des délais d'examen des textes. En revanche, il serait utile que les rapporteurs pour avis puissent défendre leur point de vue et présenter leurs amendements.

En réponse à M. Michel Charasse, M. Jean Arthuis, président, a précisé que conformément à la procédure expérimentée par la commission des lois, seuls les amendements du rapporteur et des membres de la commission saisie au fond seront examinés dans le cadre de l'adoption du rapport et du texte de la commission, à l'exclusion des amendements extérieurs. Ces derniers feront l'objet d'un avis lors de la seconde réunion de commission, préalable à la séance publique.

M. Eric Doligé a souhaité qu'une rationalisation du travail des commissions soit mise en oeuvre, notamment en mutualisant le travail des rapporteurs saisis au fond et pour avis, par exemple grâce à l'organisation d'auditions communes.

M. Charles Guéné a constaté que dans la plupart des Parlements européens où la décision a été prise de privilégier et de rendre publics les débats en commission, le travail en séance plénière s'est considérablement réduit. Or, telle n'est pas la démarche suivie dans le cadre de la révision constitutionnelle. Le risque est dès lors réel que l'on assiste à un dédoublement de la procédure législative, le débat en séance publique répétant celui qui aura eu lieu auparavant en commission.

La commission a ensuite donné acte au président de sa communication.

Conventions fiscales avec l'Allemagne, la Syrie, l'Australie et le Qatar - Examen des rapports

La commission a ensuite procédé à l'examen des rapports de M. Adrien Gouteyron sur les projets de loi suivants :

- n° 144 (2007-2008) autorisant la ratification de la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les successions et sur les donations (ensemble un protocole) ;

n° 274 (2007-2008) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République arabe syrienne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu ;

n° 275 (2007-2008) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et à prévenir l'évasion fiscale ;

n° 38 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Etat du Qatar amendant la convention du 4 décembre 1990 en vue d'éviter les doubles impositions et l'accord sous forme d'échange de lettres du 12 janvier 1993.

Après un bref débat, à l'issue de la présentation du rapporteur, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter ces projets de loi, qui feront l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

Groupe de travail sur la sécheresse de 2003 - Désignation des membres

Enfin, la commission a désigné Mme Nicole Bricq, MM. Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Adrien Gouteyron, Jean-Jacques Jégou, Mme Fabienne Keller, MM. Aymeri de Montesquiou et Bernard Vera, membres du groupe de travail sur la situation des sinistrés de la sécheresse de 2003 et le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

Questions diverses

M. Jean Arthuis, président, a enfin indiqué que, conformément au souhait exprimé par le bureau de la commission lors de sa réunion du mardi 10 février, il inscrira à l'ordre du jour de la semaine du 16 février la désignation des membres des groupes de travail sur :

- la crise financière et la régulation des marchés,

- la fiscalité environnementale.