Mercredi 9 juillet 2008

- Présidence de M. François Trucy, secrétaire, puis de M. Jean Arthuis, président.

Contrôle budgétaire - Retraites - Caisse de retraite de la RATP - Communication

La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, sur la caisse de retraite de la RATP.

Procédant à l'aide d'une vidéoprojection, M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, a dressé le bilan des deux premières années d'exercice de la caisse de retraite des personnels de la RATP (CRP-RATP), en rappelant qu'elle avait été créée le 1er janvier 2006. Il a souligné que les normes internationales comptables qui s'appliquent aux comptes consolidés, dès 2007 pour les entreprises qui ont recours à l'épargne, imposent de provisionner les engagements de retraite qui sont à leur charge. En conséquence, la création de cette caisse autonome a eu pour objet de ne plus imputer sur les comptes de la RATP les provisions au titre des engagements de retraite, évalués à 21 milliards d'euros.

Dotée de l'autonomie juridique et financière, cette caisse exerce une mission de service public au profit des agents et anciens agents du cadre permanent de la RATP, sous la tutelle conjointe des ministères chargés du budget, des transports et de la sécurité sociale. Il a fait valoir que cet organisme avait été créé sans fonds propres, ni dotations en patrimoine, son siège étant situé dans un immeuble de location à Fontenay-sous-Bois. Il a précisé que 50 agents dont 29 agents mis à disposition par la RATP, 17 agents de l'union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS), et quatre prestataires de service informatique extérieurs, constituaient l'effectif de la caisse qui, en 2007, a procédé à la liquidation de 2.056 nouvelles pensions, contre 1.495 en 2006 et 2.211 en 2005. S'agissant de l'organisation et de la performance du service, il a mis en lumière les progrès effectués dans une gestion plus efficace du traitement des dossiers, mais a souligné que si le coût unitaire d'une primo-liquidation d'une pension avait été ramené de 1.568 euros en 2006 à 925 euros en 2007, il était encore supérieur à celui de la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF, soit 695 euros. Il a ajouté que si le premier bilan de l'accueil et de l'information des assurés était positif, il devait s'inscrire dans une démarche de qualité afin de réduire les délais d'obtention de rendez-vous.

M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, a précisé que la caisse avait pour mission l'immatriculation et la radiation des affiliés, le recouvrement du produit des cotisations dues par les salariés de la RATP, la liquidation et le service des pensions dans le cadre des caractéristiques du régime spécial. A ce titre, il a fait valoir que si la démographie du régime demeurait équilibrée, le ratio entre les actifs et les retraités étant supérieur à 1 en 2007, une dégradation durable à moyen et long terme conduirait à accroître le niveau de la subvention d'équilibre de l'Etat. Aussi il a précisé que pour 44.203 cotisants, la caisse avait versé en 2007 des prestations à 40.945 assurés de droit direct ou de réversion, l'âge moyen de départ à la retraite étant de 53 ans et le montant moyen mensuel des pensions étant de 1.968 euros.

Après avoir indiqué que le financement des charges de retraite reposait en majeure partie sur les cotisations sociales et la subvention d'équilibre de l'Etat qui représente plus de 50 % des ressources de la caisse, M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, s'est inquiété de « l'alourdissement » de la contribution de l'Etat en mettant en lumière les dépassements de crédits récurrents depuis 2006. Il a précisé que la réforme des régimes spéciaux était entrée en vigueur le 1er juillet 2008 et que le projet d'adossement de la caisse de retraite du personnel de la RATP au régime général visait à réduire la subvention de l'Etat aux seules prestations spécifiques, les prestations générales restant à la charge de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) moyennant le versement d'une soulte.

M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, a relevé que le régime spécifique des agents de la RATP était maintenu, mais qu'un alignement progressif sur les règles de liquidation de la fonction publique de l'Etat, avait été retenu avec notamment l'allongement de 37,5 à 40 annuités en 2012, la mise en place d'une décote et d'une surcote, l'instauration d'un droit à pension au 60e anniversaire au lieu de l'obligation de départ au même âge.

S'agissant de la perspective d'adossement, il a précisé que si le rapprochement du régime spécial avec le régime général avait pour objectif de réduire le montant de la participation de l'Etat, l'économie escomptée était limitée à environ 30 millions d'euros en 2007. En contrepartie, le montant de la soulte était évalué entre 500 et 700 millions d'euros avant la réforme du régime, et fera l'objet d'un nouveau chiffrage plus précis. Il a indiqué qu'il n'existait ni calendrier, ni échéancier de paiement, et que le dossier restait soumis à une décision de la Commission européenne quant à la qualification éventuelle en aide d'Etat, de cet éventuel versement. Rappelant que les dotations budgétaires inscrites en lois de finances initiales depuis 2006 avaient été calculées dans l'hypothèse d'un adossement qui ne s'est toujours pas réalisé, M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, s'est inquiété des retards de versement des acomptes mensuels de la subvention de l'Etat, qui ont conduit la caisse à recourir à des emprunts successifs en 2007 pour combler ses déficits de trésorerie. En outre, il a fait valoir que les 390 millions d'euros de crédits ouverts pour 2008, seraient probablement insuffisants, la direction de la CRP-RATP ayant évalué un besoin de crédits complémentaires de l'ordre de 80 millions d'euros, portant ainsi à 470 millions d'euros la subvention d'équilibre d'Etat pour 2008.

M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, a enfin présenté ses principales recommandations sur le financement du régime, en appelant à :

- sécuriser le versement des acomptes mensuels de la subvention d'équilibre que verse l'Etat à la Caisse ;

- relancer d'urgence la procédure d'adossement au régime général ;

- donner un chiffrage actualisé des économies escomptées de la réforme du régime spécial et de l'adossement au régime général.

Il a ensuite fait valoir les améliorations à apporter à la gestion de la CRP-RATP en indiquant qu'il convenait :

- de conclure une convention d'objectifs et de gestion tripartite Etat-RATP-caisse autonome de la RATP afin d'instaurer un pilotage des coûts de gestion et de mesure de la performance ;

- d'inscrire la chaîne des pensions dans une démarche d'amélioration de la qualité et de l'efficience du service notamment par la dématérialisation des demandes des assurés ;

- et d'achever l'évolution des systèmes d'information ainsi que la numérisation et la sécurisation des « archives papier ».

Tout en s'interrogeant sur le coût élevé de gestion d'une primo-liquidation de pension, M. Jean Arthuis, président, s'est inquiété de la dégradation démographique du régime et du poids croissant qu'il ferait peser sur les finances publiques. Il a souhaité que des efforts de gestion soient réalisés et que le bilan comptable de la caisse autonome ainsi que de la RATP soit communiqué à la commission.

En réponse à M. François Trucy, qui s'étonnait de l'augmentation des dépenses de gestion pour un euro de prestation servie, passant de 0,73 % à 0,80 % en 2007 alors que pour la SNCF, ce coût s'élève à 0,50 %, M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, a précisé que l'organisation de la caisse de retraite de la SNCF était tout autre, faisant intervenir près de 900 salariés pour des volumes de prestations beaucoup plus importants qui permettent de dégager des économies d'échelle.

La commission a donné acte au rapporteur spécial de sa communication et a décidé, à l'unanimité, d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Contrôle budgétaire - Education prioritaire - Examen du rapport d'information

Puis la commission a entendu une communication de M. Gérard Longuet, rapporteur spécial, sur l'éducation prioritaire dans les académies de Créteil et de Versailles.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial, a indiqué que la présente communication faisait suite à son déplacement le 27 mai 2008 dans les académies de Versailles et de Créteil qui accueillent environ 25 % des élèves scolarisés en éducation prioritaire.

Après avoir rappelé que la politique d'éducation prioritaire avait débuté en 1981 et fait l'objet de plusieurs relances, notamment en 2006, il a précisé que le coût de cette action était d'environ un milliard d'euros au niveau national, soit 1,7 % des crédits de la mission « Enseignement scolaire » ou 4,7 % de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Il a observé que la mesure la plus coûteuse (environ 800 millions d'euros) correspondait au taux d'encadrement spécifique des élèves.

Au regard de l'effort financier réalisé, il a regretté l'absence d'évaluation concrète des mesures prises en faveur de l'éducation prioritaire. Il a souligné notamment la présence d'indicateurs de moyens au sein des projets et rapports annuels de performances, tels que les écarts des taux d'encadrement ou la proportion de personnels d'assistance sociale. Il a relevé également le fait que plusieurs indicateurs de performance éducative, permettant notamment de comparer les évolutions de la réussite des élèves scolarisés en éducation prioritaire et hors éducation prioritaire, ne soient pas renseignés.

Après avoir souhaité que l'éducation prioritaire soit mieux évaluée et suivie au niveau national, il a expliqué que cette situation l'avait conduit à se rendre dans deux établissements de Garges-lès-Gonesse et d'Aulnay-sous-Bois afin de constater « sur place et sur pièce » les mesures mises en oeuvre depuis 2006.

Il a tout d'abord insisté sur la qualité du travail des équipes pédagogiques et administratives rencontrées, ainsi que sur leur engagement au sein d'établissements réputés difficiles. A cet égard, il a souligné que l'un des enjeux les plus importants était de parvenir à stabiliser les personnels des établissements situés en zone d'éducation prioritaire, cette stabilisation étant primordiale pour le développement d'actions qualitatives adaptées.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial, a jugé que les principales mesures prises dans le cadre des « réseaux ambition réussite » à partir de 2006 étaient pertinentes. La mise en place des enseignants d'appui et le soutien apporté par les assistants pédagogiques permettent ainsi de développer des « produits pédagogiques » différents et adaptés au profil des élèves. Il a insisté toutefois sur l'attention portée par les établissements visités à la qualité du recrutement des assistants pédagogiques, en choisissant prioritairement des personnes se destinant aux métiers de l'éducation.

Il a expliqué ensuite que les priorités des équipes rencontrées étaient :

- de faire de l'établissement scolaire un « espace pacifié » en prenant des mesures spécifiques d'encadrement et de suivi des élèves difficiles ;

- de développer des lignes d'action pédagogique en privilégiant l'exigence scolaire, ce qui est essentiel aux yeux du rapporteur spécial, des actions culturelles permettant une expression des élèves ou des enseignements transversaux favorisant l'appétence scolaire.

Il a tenu à souligner l'importance du rôle du chef d'établissement, dont la responsabilité est d'optimiser au mieux les moyens dont il dispose pour répondre aux difficultés. Il a ainsi expliqué que l'un des principaux de collège rencontré avait renoncé à l'ouverture d'une classe de 6e afin de mieux organiser les actions pédagogiques spécifiques destinées aux élèves en difficulté.

Il a mis l'accent également sur le rôle des collectivités territoriales : elles ont la responsabilité des locaux scolaires, elles sont des partenaires privilégiés dans les domaines sportifs et culturels, elles ont un intérêt à suivre les publics scolaires dans la mesure où ces derniers influencent directement les actions qu'elles conduisent.

S'agissant précisément des politiques de la ville et de leur articulation avec les politiques éducatives, M. Gérard Longuet, rapporteur spécial, a estimé que le ministère de l'éducation nationale devait conserver un certain « leadership » compte tenu de son expérience et du maillage territorial dont il dispose via les établissements scolaires.

M. Jean Arthuis, président, a souligné l'importance de la qualité du management des équipes et de la bonne gouvernance des établissements scolaires. A ce titre, il a souhaité savoir si les conseils d'administration des établissements étaient informés de l'ensemble des données comptables et financières concernant les établissements. Il a fait remarquer que, contrairement aux attentes, la masse salariale des établissements situés en éducation prioritaire n'était pas nécessairement très élevée, dans la mesure où les efforts d'encadrement pouvaient être compensés par une moyenne d'âge moindre des enseignants.

M. Paul Girod a souligné l'importance des témoignages de terrain, qui permettent de mieux apprécier la mise en oeuvre des politiques publiques. Il a estimé que l'éducation en zone difficile nécessitait une attention particulière, tout comme les problématiques éducatives en milieu rural.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial, a confirmé l'importance des conseils d'administration des établissements scolaires, notamment lorsque ces derniers connaissent des difficultés. Il a rappelé que la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école permet d'expérimenter pour les lycées technologiques et professionnels le modèle agricole, qui repose sur une distinction entre la présidence du conseil d'administration, confiée à une personnalité extérieure, et la direction du conseil d'administration qui revient au chef d'établissement. Il a estimé que l'implication plus importante des personnes extérieures était un atout, notamment pour les établissements dits difficiles qui nécessitent des partenariats renforcés.

M. Jean Arthuis, président, s'est félicité de ce que le rapporteur spécial ait insisté sur l'importance du « désir d'apprendre ».

La commission a donné acte au rapporteur spécial de sa communication et a décidé, à l'unanimité, d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Finances publiques - Débat d'orientation budgétaire - Examen du rapport d'information

Puis la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le débat d'orientation budgétaire.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a tout d'abord regretté que le gouvernement n'ait pas respecté les dispositions de l'article 48 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), ni du point de vue des délais de transmission au Parlement du rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, ni de celui du contenu de ce rapport. L'« évaluation à moyen terme des ressources de l'Etat ainsi que de ses charges ventilées par grandes fonctions » fait, en particulier, défaut.

Il a ensuite décrit la trajectoire de redressement des finances publiques, en observant que l'objectif d'un retour à l'équilibre en 2012, affiché par le Gouvernement, nécessite la mise en oeuvre d'une politique extrêmement volontariste de correction par rapport à la tendance « spontanée » d'évolution des finances publiques, en dépenses ou en recettes. Le scénario retenu par le Gouvernement se fonde sur des hypothèses de croissance optimistes (+ 2,5 % sur la période 2009-2012), nettement supérieures à celles des pays de croissance potentielle comparable (de 0,5 à 1 point par an en moyenne), à l'exception de l'Espagne. La croissance française, qui a été sensiblement inférieure à la moyenne de la zone euro au cours des deux dernières années, est ainsi supposée lui devenir nettement supérieure. En outre, ces prévisions ne tiennent pas compte du ralentissement cyclique de la croissance internationale et européenne qui s'amorce en 2008 et pourrait prolonger ses effets en 2009. A cet égard, M. Philippe Marini, rapporteur général, a constaté que les programmes français antérieurs avaient déjà, pour la plupart, retenu des scénarios de croissance trop favorables.

M. Alain Lambert a remarqué que, pour la première fois, les dépenses publiques représentent, en France, un pourcentage de PIB supérieur à celui de la Suède.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est ensuite interrogé sur l'évolution du solde public d'ici la fin de l'année 2008. Il a estimé que les hypothèses d'un déficit équivalent à 2,3 % de PIB, retenues lors de la loi de finances pour 2008, seraient dépassées et que le déficit pourrait atteindre 3,1 ou 3,2 % du PIB.

Il a noté que l'exécution du budget de l'Etat au cours de l'exercice 2008 reste jusqu'à présent conforme à l'exécution 2007, même s'il a noté un surcroît de dépenses du budget général par rapport à la même période en 2007 (+ 1,4 milliard d'euros), ainsi qu'une détérioration de solde des comptes spéciaux d'1,29 milliard d'euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté que les perspectives de croissance du PIB pour 2008, initialement évaluées à 2,25 % dans le cadre de la loi de finances pour 2008, ont depuis été constamment revues à la baisse, le Gouvernement ayant tendance à suivre avec un certain retard les hypothèses du consensus des conjoncturistes. En revanche, les perspectives de solde public retenues par le Gouvernement restent plus favorables que celles du consensus des conjoncturistes : respectivement - 50 milliards et - 55,9 milliards d'euros fin 2008.

Dans ce contexte, M. Philippe Marini, rapporteur général, est revenu sur l'accroissement de la charge de la dette. Alors que la période 2000-2006 avait connu une certaine stabilité de la charge de la dette des administrations publiques, aux alentours de 45 milliards d'euros par an, la remontée des taux d'intérêt et de l'inflation conduit à rendre cette charge plus dynamique. Les charges d'intérêt des administrations publiques ont ainsi crû de 12,2 % en valeur en 2007, portant leur montant à 51,8 milliards d'euros.

Il a également exprimé certaines craintes pour l'année 2008, le surcroît d'inflation ayant un effet sur les obligations indexées sur l'inflation (OATi), qui voient leur coût augmenter. Il a ainsi fait part de son souhait de disposer de projections sur l'évolution de la charge d'intérêt des administrations publiques à horizon 2012.

Il a également noté les difficultés rencontrées par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). La dégradation du solde de trésorerie de cette dernière, conjuguée à la hausse des taux d'intérêt à court terme, se traduit par un alourdissement des charges financières nettes du régime général, qui pourrait atteindre un milliard d'euros sur l'ensemble de l'année 2008. Ceci a conduit le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique à annoncer le transfert de 30,5 milliards d'euros à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), correspondant aux déficits passés du régime général, pour près de 23 milliards d'euros fin 2008, et du FFIPSA, pour 7,5 milliards d'euros.

La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale ne permettant pas de prolonger la durée de vie de la CADES, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que ceci contraint le Gouvernement à lui apporter des ressources complémentaires à hauteur de 2,6 milliards d'euros annuels.

Dans ce cadre général, il a donc estimé qu'à court terme, le risque d'un dépassement du seuil de déficit public de 3 points de PIB en 2008 ou en 2009 ne peut être écarté, ce qui conduit à examiner les voies possibles de redressement.

Il a rappelé que la commission avait, lors du débat d'orientation budgétaire pour 2008, évalué à 80 milliards d'euros les économies nécessaires pour ramener le solde public à l'équilibre en 2012. Cependant, grâce aux réformes structurelles entreprises par le Gouvernement, la croissance du PIB devrait être nettement supérieure à celle enregistrée ces dernières années, ce qui permettrait, compte tenu de certains redéploiements, de limiter à 65 milliards d'euros les économies nécessaires pour atteindre cet objectif, soit toutefois un montant supérieur à celui affiché par le Gouvernement (40 milliards d'euros).

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite indiqué que l'impact budgétaire de la loi pour le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat a été réévalué. Selon les estimations du Gouvernement, son coût annuel s'élèverait à 12,9 milliards d'euros en « régime de croisière », soit un montant identique à l'estimation présentée lors de l'examen du projet de loi. Le coût des exonérations d'heures supplémentaires a toutefois été revu à la baisse (5,4 milliards d'euros, contre 6 milliards d'euros selon les estimations initiales). Par ailleurs, le doublement du crédit d'impôt pour les intérêts d'emprunts la première année, non prévu par le texte initial, coûterait 0,8 milliard d'euros en « régime de croisière ».

Il a ensuite relevé que la norme de dépenses applicable au budget de l'Etat s'applique dorénavant sur un périmètre élargi, qui inclut, outre les dépenses nettes du budget général de l'Etat, les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités territoriales ainsi que les affectations de recettes de l'Etat à des entités extérieures, en cas de substitution à des dépenses budgétaires.

Dans ce cadre, tenir une norme de dépenses élargie « 0 volume » implique, compte tenu des nouvelles dépenses prévues au cours de la législature, de réaliser sur le périmètre du budget de l'Etat des économies d'environ 35 milliards d'euros par rapport à la tendance. A cet égard, M. Philippe Marini, rapporteur général, a observé que les économies nettes attendues, à ce stade, de la révision générale des politiques publiques (RGPP) s'établissent à 6 milliards d'euros.

Il a donc souligné la nécessité d'aller plus loin et a souhaité que la RGPP se poursuive sur les dépenses non encore examinées. Il a cependant observé que, même en supposant que la poursuite de la RGPP permette à l'Etat d'économiser 35 milliards d'euros, il faudrait encore trouver 30 milliards d'euros d'économies sur l'ensemble constitué par la sécurité sociale et les collectivités territoriales, les prélèvements sur recettes au profit de ces dernières étant déjà inclus dans le périmètre de la norme de dépenses de l'Etat.

Il a donc prôné la mise en oeuvre d'une stratégie de réduction des niches fiscales et sociales et a, tout particulièrement, mis en évidence les marges de manoeuvre offertes par les allègements généraux de cotisations sociales patronales, dont le coût atteint 20 milliards d'euros en 2007. Il a relevé que, dès l'examen du projet de loi de finances pour 2007, le rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » avait considéré que le peu d'emplois créés dans la restauration devait conduire à une révision de la politique systématique de réduction du coût du travail et s'était prononcé en faveur d'une diminution progressive du niveau et du coût des exonérations de 1,6 SMIC à 1,5 puis 1,4 SMIC etc. en fonction de la situation du marché du travail.

De même, les études menées dans le cadre de la RGPP ont abouti au constat qu'il ne s'agissait pas de l'instrument le plus efficace pour améliorer la compétitivité de la France, dans la mesure où 72 % des allègements sont concentrés dans le secteur tertiaire, moins exposé à la concurrence internationale et aux délocalisations que le secteur industriel.

Dans ces conditions, M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé nécessaire de reconsidérer cette politique d'allègements très coûteuse, en la replaçant dans le cadre plus global de la revue générale des prélèvements obligatoires (RGPO).

Faute de mesures d'économies de grande ampleur, il a estimé que la France pourrait se trouver confrontée à deux « scénarios de l'inacceptable » :

- soit augmenter les prélèvements obligatoires pour atteindre l'équilibre des finances publiques en 2012, ce qui engendrerait un « choc de confiance à rebours », en portant le taux de prélèvements obligatoires à près de 47 % du PIB ;

- soit repousser une nouvelle fois l'objectif d'équilibre des finances publiques, avec un solde public de - 1 % ou - 1,5 % du PIB en 2012, ce qui conduirait à ne pas respecter, une nouvelle fois, les engagements européens de la France.

M. Serge Dassault a préconisé la suppression des allégements de charges sur les bas salaires mis en place dans le cadre du passage aux 35 heures, et s'est inquiété du coût du revenu de solidarité active (RSA). Il a estimé qu'il appartenait à la commission de rappeler que les mesures prévues par le Gouvernement sont insuffisantes pour parvenir à l'équilibre des finances publiques en 2012.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que l'article 12 du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, actuellement en cours de discussion, qui prévoit d'insérer dans la Constitution un article 34-1 permettant aux assemblées de voter des résolutions, pourrait en particulier être utilisé par le Parlement pour exprimer une telle position sur la politique budgétaire du Gouvernement.

M. Jean Arthuis, président, a regretté que le Parlement ne puisse actuellement pas s'exprimer par un vote sur la politique budgétaire, mais seulement adopter des amendements au projet de loi de finances, en-dehors du cas d'école où il refuserait d'adopter celui-ci.

M. Alain Lambert a estimé que la commission pourrait proposer sa propre trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques en 2012, en la distinguant par catégorie d'administrations publiques.

M. Yves Fréville s'est inquiété des conséquences qu'une forte inflation et une faible croissance pourraient avoir sur les finances publiques.

Mme Nicole Bricq a souligné qu'elle reprochait à la loi TEPA non son coût, mais de trop privilégier la demande, et insuffisamment favorable à l'offre. Elle a considéré que la commission devait être plus concrète quant aux « niches » fiscales et sociales et aux voies et moyens de les supprimer.

M. François Marc s'est interrogé sur les bénéficiaires de la loi TEPA et le coût des différentes mesures qu'elle a mises en oeuvre.

M. Michel Mercier a approuvé les analyses du rapporteur général, mais a déploré, eu égard à la situation actuelle des finances publiques, que le Parlement se limite trop souvent à une fonction tribunitienne. 

M. Jean Arthuis, président, s'est inquiété du coût du RSA, et a considéré que les concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales constituaient une possible source d'économies.

M. Michel Mercier a indiqué qu'il n'était pas défavorable à une telle éventualité.

M. Jean Arthuis, président, a jugé que les impôts sur la production, comme les cotisations sociales et la taxe professionnelle, étaient des « délocalisateurs d'activité ». De même que MM. François Trucy et Michel Mercier, il s'est interrogé sur l'opportunité de faire bénéficier le secteur de la restauration de la TVA au taux réduit.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que si le Sénat pouvait adopter une résolution dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, comme cela était proposé par l'article 12 du projet de loi constitutionnelle précité, il pourrait en particulier recommander de financer le RSA par des redéploiements, en réduisant la prime pour l'emploi ; de reporter à plus tard l'extension éventuelle de la TVA au taux réduit au secteur de la restauration ; de diminuer progressivement les exonérations de charges sur les bas salaires.

M. Jean Arthuis, président, a jugé qu'une telle résolution devrait également préconiser un plafonnement des « niches » fiscales par foyer fiscal.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a déclaré que s'il partageait les inquiétudes de M. Yves Fréville sur la conjoncture, il ne lui avait pas semblé opportun de dresser un tableau « catastrophiste », afin de ne pas décourager les réformes. Il a souligné que l'ensemble des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires depuis 1999 correspondaient à un allégement net des prélèvements obligatoires de près de 3 points de PIB, analogue au déficit public. Il a rappelé que le Gouvernement de M. Lionel Jospin avait considérablement allégé les prélèvements obligatoires. Il a estimé que les véritables bénéficiaires de la loi TEPA étaient les entreprises, et qu'il s'agissait bien d'une politique de l'offre. Il a considéré qu'il fallait supprimer l'ensemble des « niches » fiscales.

M. Jean Arthuis, président, a déploré la poursuite de la création de nouvelles « niches ».

La commission a alors donné acte au rapporteur général de sa communication et a décidé d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Loi de règlement des comptes et rapport de gestion du budget de l'année 2007 - Désignation de candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

Enfin, la commission a désigné MM. Jean Arthuis, président, Philippe Marini, rapporteur général, Yann Gaillard, Alain Lambert, Roland du Luart, Marc Massion, Thierry Foucaud, candidats titulaires, puis MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré, Joël Bourdin, Mme Nicole Bricq, MM. Paul Girod et François Trucy, candidats suppléants, pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2007.

Jeudi 10 juillet 2008

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Contrôle budgétaire - Sécurité sanitaire - Fièvre catarrhale ovine - Communication

La commission a tout d'abord entendu une communication de Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, sur la gestion de l'épizootie de fièvre catarrhale ovine (FCO).

Après avoir rappelé les éléments qui l'ont conduite à choisir le thème de sa mission de contrôle, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a exposé les principales caractéristiques de la fièvre catarrhale ovine (FCO), l'ampleur de sa diffusion en Europe et en France, et a insisté sur le caractère encore incertain de l'introduction de cette maladie qualifiée d' « exotique » par les experts scientifiques.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, elle a ensuite indiqué que la FCO était à l'origine de pertes économiques directes et indirectes importantes pour les filières ovine et bovine difficiles à évaluer. Elle a précisé que le ministère de l'agriculture et de la pêche avait accordé, en conséquence, des aides de soutien à destination des éleveurs dont le montant s'élevait à plus de 30 millions d'euros depuis le début de la crise.

Abordant la question de la gestion de l'épizootie de FCO, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a tout d'abord insisté sur le contexte contraint dans lequel le ministère de l'agriculture et de la pêche avait dû agir en raison de l'introduction inopinée de la forme 8 de la maladie, de l'ampleur de sa diffusion, et surtout de l'absence, dans un premier temps, de moyens de lutte efficaces en raison de l'inexistence de vaccin contre cette forme de la maladie.

Dans ce contexte particulier, elle a jugé la réactivité du ministère de l'agriculture et de la pêche relativement bonne, notamment s'agissant des démarches entreprises auprès des industriels du secteur de la santé animale pour les inciter à développer la recherche d'un vaccin contre la forme 8 de la FCO, ce qui a permis une mise à disposition rapide des premières doses vaccinales.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a insisté sur le choix de la stratégie vaccinale adoptée par le ministère de l'agriculture et de la pêche. A cet égard, elle a noté les divergences d'approche entre, d'une part, l'évaluateur du risque, l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), et, d'autre part, le gestionnaire du risque, à savoir le ministère de l'agriculture et de la pêche. Elle a indiqué que celui-ci avait en fait privilégié les aspects politico-économiques de la crise en fixant comme priorité la vaccination des régions du Nord-Est de la France, déjà durablement touchées en 2006 et 2007, ainsi que celle des animaux destinés aux échanges.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a souligné les difficultés de l'application sur le terrain du plan de vaccination en raison de son manque de lisibilité, de la lourdeur de la gestion logistique de l'acheminement des vaccins et du « climat » existant entre éleveurs et vétérinaires. Elle a indiqué qu'en tout état de cause, la première campagne de vaccination n'aura, de l'avis même des experts scientifiques, que des effets limités.

S'agissant de la gestion budgétaire de la crise, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a rappelé les sous-budgétisations récurrentes des crédits destinés aux maladies animales qu'elle avait déjà relevées, à deux reprises, à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances pour 2007 et 2008. Elle s'est, en particulier, interrogée sur le mode de gestion utilisé par le ministère de l'agriculture et de la pêche, qui consiste à sous-budgétiser en loi de finances, puis à recourir au décret d'avance pour finalement reporter les crédits non consommés sur l'exercice suivant, comme cela avait eu lieu au cours de l'année 2007.

Elle a ensuite abordé la question de la pérennisation de l'aide financière communautaire à compter de 2009, précisant que la France devrait recevoir pour 2007-2008 une contribution, au titre de la vaccination d'urgence, à hauteur de 87 millions d'euros.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a ensuite présenté les limites de la coopération européenne dans la gestion de la crise. Bien que la santé animale soit un des domaines les plus communautarisés, elle a indiqué qu'aucun plan de vaccination européen n'a pu être établi, alors que les Etats membres devaient faire face à une maladie vectorielle qui, par définition, ne connaissait pas de frontières. Elle a, en particulier, souligné les difficultés pour l'agence européenne de sécurité sanitaire des aliments à trouver sa place au sein du schéma institutionnel communautaire, ainsi que le manque de fluidité dans les échanges d'information.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a indiqué qu'il fallait tirer de la crise de la FCO des enseignements pour mieux anticiper et mieux gérer les crises sanitaires à venir. Elle a préconisé, à cet égard, de renforcer les réseaux de surveillance, notamment entomologique, et de les coordonner à l'échelle européenne ; d'intensifier les échanges entre les industriels du secteur de la santé animale, les professionnels de l'élevage et les pouvoirs publics afin de limiter, à l'avenir, les problèmes de disponibilités médicamenteuses et vaccinales observées dans le cas de la FCO, mais aussi de procéder à une évaluation rapide des premières campagnes de vaccination.

S'agissant de l'aspect budgétaire, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a indiqué qu'il était essentiel de veiller à la bonne budgétisation initiale des crédits destinés à la lutte contre la FCO pour 2009. De façon plus large, elle a précisé que la réforme des modes de financement des risques sanitaires, telle qu'envisagée par le ministère de l'agriculture et de la pêche et reposant sur un co-financement professionnels / pouvoirs publics, devait être prise avec précaution et ne pourrait aboutir à court terme.

Elle a insisté, enfin, sur l'indispensable renforcement de la coopération européenne en matière de sécurité sanitaire, ainsi que sur la nécessité de mettre l'accent sur les risques émergents, qui, sous l'effet conjugué du réchauffement climatique et de l'intensification des échanges, vont se multiplier.

M. Jean Arthuis, président, a salué la présence d'une délégation du Conseil de la Choura et du cabinet du ministre des finances d'Egypte.

Il a ensuite indiqué que les dysfonctionnements observés dans le cas de la gestion de l'épizootie de FCO rappelaient, en quelque sorte, ceux observés, au plan national, dans le cadre du service public de l'équarrissage (SPE), et, au plan européen, ceux rencontrés par les agences européennes dans leur ensemble. Il a indiqué qu'une évaluation du dispositif des agences européennes serait la bienvenue.

Après avoir rappelé les conséquences importantes de la FCO dans le département des Pyrénées-Atlantiques, M. Auguste Cazalet a insisté sur les limites de la coopération transfrontalière entre la France et l'Espagne et sur l'importance des maladies émergentes qui pourraient occasionner des conséquences importantes pour le cheptel français.

M. François Trucy a souhaité connaître les laboratoires pharmaceutiques spécialisés dans le secteur de la santé animale et s'est interrogé sur les modalités de mise sur le marché des vaccins vétérinaires.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a indiqué que les trois principaux industriels étaient les laboratoires Merial, Intervet et Fort Dodge. Elle a précisé que, pour accélérer les délais de mise à disposition des doses vaccinales, une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) a été délivrée.

M. Henri de Raincourt a souligné la nécessité de mieux prévoir, à l'avenir, l'émergence de nouvelles maladies animales afin d'y apporter, le moment venu, une réponse adéquate et coordonnée au niveau européen. Il a, par ailleurs, rappelé les difficultés posées par la stratégie vaccinale retenue par le ministère de l'agriculture et de la pêche et qui a consisté à faire débuter les premières campagnes de vaccination dans les départements du Nord-Est de la France, ce qui a été mal vécu par les éleveurs des autres départements limitrophes.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a indiqué qu'une des voies possibles d'amélioration était le renforcement du réseau de surveillance. Elle a ensuite exposé l'idée, développée par l'organisation mondiale de la santé animale (OIE), de mettre en place une banque de vaccins, à la fois physique et virtuelle, afin de limiter les problèmes de mise à disposition médicamenteuse et vaccinale.

Répondant à M. Jean Arthuis, président, sur les conditions d'indemnisation des animaux morts de la FCO, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a précisé qu'il était difficile pour le ministère de l'agriculture et de la pêche de savoir précisément si les mortalités indemnisées étaient réellement liées à la FCO. Elle a ajouté que le taux de mortalité était très variable d'une exploitation à l'autre.

La commission a donné acte à la rapporteure spéciale de sa communication et a décidé, à l'unanimité, d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Contrôle budgétaire - Outre-mer - Immigration clandestine à Mayotte - Communication

Puis la commission a entendu une communication de M. Henri Torre, rapporteur spécial, sur l'immigration clandestine à Mayotte.

Procédant à l'aide d'une vidéoprojection, M. Henri Torre, rapporteur spécial, a rendu compte de son déplacement effectué à Mayotte. Il a indiqué que l'objectif était de contrôler, sur pièces et sur place, le phénomène de l'immigration clandestine, très développé sur ce territoire. Il a précisé que son objectif, en qualité de rapporteur spécial de la mission « Outre-mer », avait été d'apprécier l'impact de cette immigration sous un angle budgétaire. Il a ajouté qu'il n'aborderait donc pas les enjeux juridiques, tels que la question du droit du sol ou l'avenir institutionnel de Mayotte, qui relevaient de la compétence de la commission des lois. Toutefois, il serait naturellement conduit à exposer aux membres de la commission les constats qu'il avait pu faire sur place quant à la situation économique et sociale de l'île.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a brièvement rappelé l'histoire de l'appartenance de Mayotte à la République française. Il a observé que Mayotte était française depuis près de 170 ans et a précisé qu'elle faisait partie de l'archipel des Comores, qui comprenait trois autres îles : la Grande Comore, Mohéli et Anjouan. Il a ajouté que les 4 îles de cet archipel ont constitué, à partir de 1946, un territoire d'outre-mer français.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a relevé que si Mayotte était demeurée française, c'était parce qu'à la différence des trois autres îles, elle avait refusé l'indépendance lors du référendum organisé en décembre 1974. Il a fait observer qu'elle était soumise aujourd'hui au statut particulier de « collectivité départementale », dans l'attente d'un référendum sur sa départementalisation, qui pourrait être, selon les déclarations gouvernementales, organisé au début de l'année 2009.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a relevé que, malgré une situation économique et sociale très précaire, Mayotte restait attractive pour les étrangers. Il a déclaré que les conditions de vie de la population mahoraise étaient très difficiles. La population mahoraise, de 187.000 habitants, était très dense, plus de 500 habitants par kilomètre carré, et croissait à un rythme de plus de 3 % par an, ce qui ne facilitait pas la résorption de l'habitat insalubre, qui dominait largement le territoire.

Il a déclaré qu'à cette densité démographique s'ajoutait la jeunesse de la population mahoraise, puisque 71 % des mahorais avaient moins de 30 ans, ce qui créait des difficultés en matière d'éducation.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a, par ailleurs, souligné que le produit intérieur brut (PIB) mahorais par habitant était inférieur à 4.000 euros, soit plus de 6 fois inférieur au PIB métropolitain, avec un taux de chômage de l'ordre de 23 %. Il a estimé que cela résultait d'une grande faiblesse des structures économiques, et précisé, enfin, que le taux de couverture des importations par les exportations n'était égal qu'à 1,9 %, montrant la dépendance de Mayotte vis-à-vis de l'extérieur.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a fait observer que Mayotte restait cependant très attractive pour les populations des territoires environnants, son PIB par habitant restant 9 fois supérieur à celui des Comores, d'où provenait la majorité de l'immigration clandestine. Il a estimé que les motifs d'immigration étaient donc largement économiques, et souligné que les pays voisins de Mayotte avaient des indices de développement humain parmi les plus faibles du monde. Par ailleurs, les liens familiaux entre les Mahorais et les habitants des autres îles des Comores étaient historiquement très forts et expliquaient également les phénomènes migratoires.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a déclaré que la situation politique de l'île d'Anjouan était un autre facteur d'immigration : cette île était en effet soumise à des mouvements séparatistes, qui revendiquaient son indépendance par rapport aux deux autres îles des Comores. Cette motivation était d'autant plus grande que la pression démographique sur l'île d'Anjouan était très élevée, avec plus de 570 habitants par kilomètre carré.

Il a indiqué que la proximité géographique, enfin, facilitait les flux d'immigration clandestine, l'île d'Anjouan étant distante de Mayotte de moins de 70 kilomètres, ce qui permettait des trajets en bateau. Il a noté que les immigrés, même de nationalité non comorienne, passaient donc très majoritairement par l'île d'Anjouan, d'où ils embarquaient clandestinement pour Mayotte.

Puis M. Henri Torre, rapporteur spécial, a souligné l'importance des flux d'immigration et le traitement de la population clandestine présente à Mayotte.

Il a indiqué qu'environ un tiers de la population présente à Mayotte était en situation irrégulière : les estimations des différentes personnes rencontrées à Mayotte concordaient pour aboutir à un nombre d'étrangers en situation irrégulière compris entre 50.000 et 60.000 personnes. Environ 90 % de cette population était d'origine comorienne, le reste provenant de Madagascar et des pays d'Afrique proches de Mayotte.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a estimé que ces chiffres étaient d'autant plus inquiétants que ces flux d'immigration s'ajoutaient au départ d'un nombre croissant de Mahorais : 500 par an avant 1997 et aujourd'hui plus de 3.500 par an. Il a estimé que l'immigration était facilitée par l'intégration paradoxale des clandestins à la société mahoraise. En effet, il a indiqué que de nombreux Mahorais critiquaient vivement la présence des clandestins sur leur territoire et y voyaient la cause des difficultés du pays. Il a toutefois fait valoir que l'emploi des clandestins était extrêmement répandu, tant pour les travaux ménagers que dans le bâtiment ou le travail agricole, ce qui constituait un « appel d'air » important pour les populations étrangères.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a déclaré que ces flux d'immigration clandestine étaient financés par de véritables réseaux économiques.

Il a relevé que si les réseaux d'immigration restaient artisanaux, ils participaient toutefois à un vrai système économique. Il a souligné que la traversée d'Anjouan à Mayotte se faisait dans des conditions de sécurité dramatiques, sur des bateaux de pêcheurs conçus pour 8 passagers, où voyageaient jusqu'à 45 personnes, précisant que les naufrages étaient fréquents et les noyades estimées à près de 1.000 par an. Il a ajouté que les traversées se faisaient avec l'appui de clandestins présents à Mayotte, qui communiquaient aux embarcations le nombre et la localisation des bateaux d'interception des forces de police en mer.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a fait valoir que pour ceux qui l'organisaient, l'activité d'émigration vers Mayotte était financièrement très « rentable » : le prix de la traversée était compris entre 100 euros et 300 euros par personne, ce qui peut rapporter près de 10.000 euros au propriétaire du bateau, le passeur étant quant à lui payé entre 400 euros et 500 euros, soit l'équivalent d'un an de salaire aux Comores.

Il a, par ailleurs, déclaré que quatre à cinq mois de travail clandestin à Mayotte suffisaient, pour un immigré en situation irrégulière, à financer la traversée d'un parent ou d'un ami ou encore le retour à Mayotte après une expulsion. Il a précisé que les bateaux qui débarquaient des immigrés sur les plages mahoraises repartaient en général avec du matériel volé par les clandestins à Mayotte, ce qui leur procurait des ressources financières importantes.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a indiqué qu'une fois sur place, les clandestins étaient souvent reconduits à la frontière et obtenaient très rarement une carte de résident. Il a précisé que le nombre d'arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière avait fortement augmenté pour atteindre près de 16.000 par an, ce qui correspondait approximativement au flux de nouveaux arrivants et permettait de stabiliser le nombre de clandestins présents.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a déclaré que si les conditions de retenue dans le centre de rétention administrative de Pamandzi, qu'il avait eu l'occasion de visiter, étaient très précaires, les reconduites à la frontière se passaient en général sans heurts.

Puis, il a abordé le volet relatif aux coûts de cette immigration clandestine et aux leçons qu'il convenait d'en tirer.

Il a déclaré qu'ils pesaient d'abord sur les structures chargées de lutter contre ce phénomène.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a indiqué que la police aux frontières consacrait un budget estimé à 2,3 millions d'euros par an à la lutte contre l'immigration clandestine, en forte augmentation en raison de la hausse des moyens humains rendue nécessaire pour faire face à ce phénomène. Selon le directeur de la police aux frontières, sur les 140 fonctionnaires qui y travaillaient actuellement, 120 étaient affectés à la lutte contre l'immigration clandestine.

Il a ajouté que la gendarmerie évaluait le coût de la lutte contre l'immigration clandestine à près d'1 million d'euros par an. Tout comme le directeur de la police aux frontières, le commandant de la gendarmerie de Mayotte éprouvait des difficultés importantes à remplir l'ensemble de ses missions traditionnelles, la gendarmerie étant totalement occupée à lutter contre l'immigration clandestine.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a relevé que la coordination des moyens matériels permettait une relative maîtrise des coûts de la lutte contre l'immigration clandestine : les interventions en mer des différentes forces de l'ordre étaient, en effet, centralisées et donc optimisées. Il a également précisé que les moyens matériels, notamment les bateaux servant à l'interception des clandestins, étaient aussi standardisés, ce qui permettait une réduction des coûts d'entretien.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a déclaré qu'en matière d'offre scolaire, l'immigration clandestine constituait un obstacle supplémentaire au rattrapage des standards métropolitains et une source de coûts. Il a ajouté, qu'entre 1997 et 2007, les effectifs avaient augmenté de 44 % à Mayotte dans le premier degré et de plus de 100 % dans le second degré et que la population scolaire avait été multipliée par 6 depuis 1973.

Il a indiqué que l'immigration clandestine n'était pas responsable de la majorité des coûts induits par cette croissance. Il a précisé, toutefois, que selon le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, plus de 22 % des élèves scolarisés étaient issus de l'immigration clandestine, et que, d'après les chiffres fournis par le vice-rectorat de Mayotte, les coûts de fonctionnement induits par la présence de ces élèves supplémentaires au sein des structures scolaires étaient évalués à plus de 32 millions d'euros.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a enfin noté que la présence d'une importante population clandestine entraînait des coûts importants pour les services de santé. Si le nombre de patients immigrés clandestins était difficile à évaluer, les informations fournies par le directeur du centre hospitalier de Mayotte permettaient d'évaluer le coût des soins qui leur étaient dispensés à plus de 20 millions d'euros par an.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a estimé que cette évaluation budgétaire ne visait bien évidemment pas à sous-estimer les aspects humains souvent dramatiques de l'immigration clandestine, mais permettait toutefois de dégager des pistes d'amélioration pour la gestion du défi de l'immigration clandestine à Mayotte.

Ainsi, il a constaté que, globalement, les coûts induits par la lutte contre l'immigration clandestine étaient d'une ampleur bien moindre que ceux induits par la présence, sur le territoire mahorais, des clandestins. Il serait donc non seulement plus efficace, mais aussi moins onéreux, d'augmenter les moyens consacrés à la lutte contre l'immigration clandestine que de prendre le risque d'avoir à accueillir un nombre croissant d'immigrés clandestins.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a déclaré que, parallèlement à l'accentuation de la lutte contre l'immigration clandestine, les conditions d'accueil des immigrés clandestins devaient être améliorées. Il a estimé que les efforts visant à améliorer les services sociaux et médicaux proposés (y compris aux clandestins), devaient être poursuivis et les conditions d'accueil des clandestins dans le centre de rétention administrative de Pamandzi améliorées.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a estimé, au vu du contexte économique régional de Mayotte, que la politique de co-développement ne pouvait constituer la solution au problème de l'immigration clandestine. Il a estimé que si une politique de co-développement devait être menée, elle devait viser à inciter davantage les Comores à participer à une politique conjointe de régulation des flux d'immigration.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a donc souhaité qu'une véritable politique de développement économique soit mise en place en faveur de l'ensemble de l'outre-mer français.

M. Jean Arthuis, président, s'est inquiété du tableau, assez préoccupant, dressé par le rapporteur spécial.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, est convenu que la situation était inquiétante, relevant notamment que les crédits consacrés à Mayotte seraient appelés à augmenter dans le cadre de la future départementalisation, sans perspective claire de développement économique.

M. Jean Arthuis, président, a relevé les similitudes entre l'immigration clandestine à Mayotte et celle existant en Guyane, et s'est interrogé sur les moyens de contribuer au développement de l'île d'Anjouan.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a regretté que les problèmes des collectivités territoriales d'outre-mer en général ne soient pas au coeur des préoccupations des autorités politiques.

M. François Trucy s'est interrogé sur l'ampleur des mouvements migratoires dans l'environnement régional de Mayotte. M. Henri Torre, rapporteur spécial, a indiqué que le flux migratoire d'Anjouan vers Mayotte se distinguait par son importance, qui résultait notamment de la proximité géographique des deux îles, et que Mayotte et La Réunion étaient particulièrement attractives du fait de leurs niveaux de développement.

Répondant à M. Henri de Raincourt, M. Henri Torre, rapporteur spécial, a indiqué ne pas être en mesure de fournir une estimation précise du coût à venir de la départementalisation de l'île. Il a toutefois observé que la mise en place des minima sociaux provoquerait nécessairement une hausse substantielle de ces coûts. Il a par ailleurs observé que les impôts collectés à Mayotte étaient presque exclusivement destinés au budget de la collectivité départementale de Mayotte et n'alimentaient pas le budget général de l'Etat. Il a relevé qu'une fiscalité locale devrait être mise en place, dans le cadre de la départementalisation, pour assurer à la collectivité départementale des ressources autonomes et pérennes.

M. Yves Détraigne a signalé que la commission des lois se rendrait prochainement à Mayotte pour y étudier les questions juridiques relatives notamment au problème de l'immigration clandestine. Il a donc remercié le rapporteur spécial, pour l'éclairage apporté par sa communication, notamment sur les aspects budgétaires, et noté que le principal problème auquel Mayotte faisait face était celui de son développement économique.

M. Jean Arthuis, président, a jugé qu'il fallait globalement trouver une solution au développement économique de l'ensemble des collectivités territoriales d'outre-mer, en prenant en compte les particularités de leurs environnements géographiques. Il a souhaité que le futur projet de loi de programme sur l'outre-mer réponde à cette interrogation, et rappelé que M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, avait indiqué lors de son audition, le 2 juillet 2008, devant la commission, que le système des indemnités temporaires de retraite serait réformé dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

La commission a ensuite donné acte au rapporteur de sa communication et a donné à l'unanimité son accord pour sa publication sous la forme d'un rapport d'information.