Mardi 10 juin 2008

- Présidence de M. Jean Arthuis, président, et M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles.

Enseignement supérieur - Allocation des moyens par l'Etat aux universités - Examen du rapport d'information

Au cours d'une réunion commune, les commissions des finances et des affaires culturelles ont entendu les conclusions de MM. Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont, corapporteurs, présentées au nom du groupe de travail commun sur la réforme de l'allocation des moyens par l'Etat aux universités.

M. Jean-Léonce Dupont, corapporteur, a exposé tout d'abord les critiques du système analytique de répartition des moyens (San Remo), considéré comme « à bout de souffle ». Il en a rappelé les principes :

- la détermination théorique des besoins des établissements en crédits et en fonctionnement ;

- les trois critères principaux : les effectifs d'étudiants, l'encadrement en emplois administratifs et techniques, les surfaces consacrées à l'enseignement, qui servent à calculer quatre types de financement.

Puis il a présenté les limites du dispositif : complexité, inadaptation par rapport aux besoins et effets pervers des critères, instabilité due à un changement fréquent des paramètres et faible lisibilité nécessitant des rectifications, incapacité à corriger les écarts et tendance inflationniste, inadaptation au système LMD (Licence-Master-Doctorat) et à la logique de performance ou à une appréciation qualitative.

Il a conclu à l'impérieuse nécessité de faire évoluer le mode d'allocation des moyens par l'Etat aux universités.

M. Philippe Adnot, corapporteur, a poursuivi en présentant l'économie générale du dispositif qui pourrait succéder au système San Remo.

Il a souligné que les travaux du groupe de travail avaient pour objectif la mise en place d'un système à la fois clair, lisible et transparent, ayant pour double ambition de restaurer une plus grande équité entre les universités, tout en incitant ces dernières à davantage d'efficience dans l'utilisation de leurs moyens.

Après avoir précisé que le groupe de travail s'était appuyé sur les travaux engagés par la direction générale de l'enseignement supérieur (DGES) et les inspections générales, il a énoncé les principes constitutifs du nouveau modèle :

- un système applicable à l'ensemble des établissements, quelle que soit leur date de passage à l'autonomie ;

- une répartition des moyens à partir des crédits et des plafonds d'emplois votés en loi de finances initiale ;

- un périmètre élargi afin de mieux prendre en compte les financements de l'Etat (incorporation de la masse salariale) et de mieux appréhender les missions de service public des universités (intégration de l'activité recherche au côté de la formation) ;

- une vocation incitative nouvelle grâce à la mise en place d'un financement compétitif lié aux performances aussi bien qualitatives que quantitatives des établissements. Ce financement est complémentaire d'un financement de base majoritaire calculé à partir d'un « forfait étudiant » et prenant en compte l'activité des établissements.

S'agissant de la détermination du montant des crédits alloués sur la base de la performance, il a expliqué qu'une distinction devait être faite entre la formation, qui actuellement ne fait pas l'objet d'un financement qualitatif, et la recherche, dont le financement s'inscrit d'ores et déjà dans un processus de performance.

Il a ainsi proposé que, si 10 % des crédits de formation pouvaient être attribués en fonction de résultats qualitatifs, ce qui serait une novation majeure, cette part pourrait être portée à 30 ou 50 % pour la recherche. Au total, la proportion des crédits de formation et de recherche alloués au titre de la performance pourrait donc être comprise entre 13,5 % et 20 % dès 2009.

Afin de pondérer les résultats issus de l'application du nouveau modèle, il a souhaité qu'une part limitée des crédits fasse l'objet d'une négociation entre le ministère et l'établissement. Cette marge d'appréciation qualitative devrait permettre de prendre en compte des éléments essentiels et non quantifiables, tels que la qualité du projet d'établissement ou de la gestion de l'université, ainsi que d'éventuelles spécificités, liées par exemple à l'aménagement du territoire.

Il a précisé que cette part contractuelle négociée pourrait, dans une fourchette limitée (1 à 2 % des crédits alloués), faire varier le montant attribué à la performance. Il a indiqué, néanmoins, que la condition d'un tel dispositif reposait sur sa transparence. Ainsi, afin d'être légitime, l'attribution de cette « enveloppe qualitative » devra être motivée par le ministère, éventuellement en fonction d'une grille d'appréciation, et connue de l'ensemble des autres établissements.

M. Jean-Léonce Dupont, corapporteur, a présenté ensuite les critères d'évaluation préconisés par le groupe de travail. Il a précisé d'emblée que ces critères - ou faisceaux de critères - à la fois quantitatifs et qualitatifs devraient permettre de mieux évaluer la capacité des établissements à accomplir leurs différentes missions ainsi que leurs progrès en la matière.

Il a souligné que la mise en place du système était conditionnée par la disponibilité et la fiabilité des informations. Le ministère devra donc veiller à l'établissement d'indicateurs et de processus d'évaluation pertinents.

Il a précisé, bien que tous les critères ne soient pas immédiatement et parfaitement applicables, qu'ils devraient néanmoins être fixés d'emblée. Il importe, en effet, d'afficher les objectifs dès le lancement de la réforme si l'on veut garantir son caractère incitatif. En revanche, leur pondération devra varier au cours du temps, en fonction de la capacité à les renseigner.

Il a jugé que la réussite de cette dynamique dépendrait à la fois des moyens mis en oeuvre par les universités d'une part, et de l'exigence du calendrier de montée en charge des nouveaux critères d'autre part.

M. Jean-Léonce Dupont, corapporteur, a évoqué ensuite le financement de la formation. S'agissant ainsi de la mise en place d'un « forfait étudiant », le groupe de travail soutient l'entreprise de simplification engagée par le ministère, mais compte tenu des effets pervers d'un critère fondé sur le taux de réussite, il s'est prononcé en faveur d'un critère d'insertion professionnelle (quantitative et qualitative). Les critères suivants semblent pertinents :

- le taux d'insertion professionnelle à 6 mois et à 3 ans, sachant que la poursuite d'études doit être prise en compte, notamment au niveau de la licence.

- sur le plan plus qualitatif, le niveau de salaire ou le statut de cadre (pour les diplômes niveau master ou les doctorats).

Il a relevé que ce critère posait des problèmes méthodologiques. Afin de pouvoir en disposer le plus rapidement possible et de manière fiable, il a suggéré :

- d'inscrire d'ores et déjà la date de transition vers ce critère : par exemple en 2010 pour des simulations et 2012 pour une mise en oeuvre effective ;

- d'élaborer un cahier des charges commun à l'ensemble des universités, afin que chacune évalue l'insertion professionnelle selon les mêmes critères et méthodes, cette homogénéité étant nécessaire à la crédibilité de l'indicateur ;

- d'inciter les universités à mettre en place les moyens de renseigner ces critères : implication des équipes pédagogiques, prise en compte de la rapidité de mise en oeuvre de ce critère.

M. Jean-Léonce Dupont, corapporteur, a insisté sur la nécessité de croiser ce critère d'insertion avec des indicateurs permettant de prendre en compte l'origine socio-économique ou la formation scolaire des étudiants, afin de mieux évaluer la valeur ajoutée apportée par l'université.

Par ailleurs, les procédures d'auto-évaluation des universités devront être développées, la certification des processus d'auto-évaluation (type ISO 9000) pouvant constituer un bon indicateur à cet égard.

Il a exprimé le souhait que le ministère veille à la cohérence globale de l'offre de formation et s'assure notamment du maintien sur le territoire d'une offre suffisante dans toutes les disciplines. Il ne faudrait pas, en effet, que le nouveau système entraîne, à terme, la disparition pure et simple de formations rares, car elles contribuent au développement de la connaissance.

S'il apparaît difficile de continuer, comme par le passé, à flécher les crédits des composantes internes des universités, tels que les IUT ou les écoles d'ingénieur, il a, en revanche, insisté sur la nécessité que les établissements développent rapidement une méthodologie garantissant un dialogue interne, en vue d'assurer un pilotage cohérent et équitable des moyens budgétaires. En outre, les IUT et écoles d'ingénieurs devraient pouvoir gérer une enveloppe financière globale allouée par leur université afin de mettre en oeuvre leur projet.

Puis, s'agissant du financement de la recherche, M. Jean-Léonce Dupont, corapporteur, a souligné la nécessité de :

- mieux appréhender l'activité des enseignants-chercheurs, ce qui implique de se détacher du prisme des publications en accordant une plus grande attention aux activités de valorisation de la recherche, qui ne se résument pas au dépôt de brevet. Cette mission fondamentale, souvent insuffisamment assurée par les universités, n'est pas assez prise en compte par la notion de « chercheur publiant » de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement (AERES) ;

- prendre pleinement en compte, dans la cotation des laboratoires, la capacité de ces derniers à lever des fonds extérieurs, notamment compétitifs, compte tenu de l'importance croissante de cette voie de financement, aussi bien au niveau national que communautaire.

En outre, M. Jean-Léonce Dupont, corapporteur, a insisté pour que des critères de gestion administrative soient élaborés et pris en compte dans l'attribution des financements, tels que :

- le taux d'occupation des locaux : la gestion immobilière étant un sujet de préoccupation, il convient d'inciter les universités à une gestion vertueuse de leurs locaux, même si le présent modèle n'intègre pas la totalité des crédits immobiliers ;

- l'appréciation du niveau d'encadrement administratif qualifié ou la valorisation de services de gestion externalisés ;

- l'évaluation qualitative globale de l'amélioration de la gestion administrative des universités. Cette évaluation pourrait faire l'objet d'une sorte de cotation (du type A+, A, B, C, D), à l'instar de celle appliquée par l'AERES dans le domaine de la recherche. Elle pourrait prendre en compte tout un faisceau d'indicateurs, au titre desquels, par exemple, la certification des comptes et le nombre de réserves éventuellement émises, le taux de consommation des crédits de fonctionnement et d'investissement, le taux de ressources propres et le taux de progression de ces dernières, la capacité à redéployer des emplois en fonction de l'évolution des besoins de l'université.

M. Philippe Adnot, corapporteur, a précisé ensuite le contexte dans lequel s'inscrivait la réforme :

- des arbitrages budgétaires a priori favorables à la mission « Recherche et enseignement supérieur », compte tenu des engagements présidentiels d'augmenter de 50 % d'ici à 2012 le budget de l'enseignement supérieur ;

- la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui soulève des interrogations notamment quant à l'application de l'un de ses principes, à savoir le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux ;

- la présentation d'un projet pluriannuel qui devrait garantir une certaine lisibilité du financement des politiques publiques sur les trois prochaines années ;

- une situation peu satisfaisante de notre enseignement supérieur, qui nécessite aussi bien une réforme qualitative qu'une revalorisation quantitative.

M. Philippe Adnot, corapporteur, a observé que le nouveau modèle d'allocation des moyens devait nécessairement s'appuyer sur des marges de manoeuvre financières supplémentaires, dans le but de concilier à la fois les objectifs d'équité et d'efficience du système universitaire.

Il a précisé que l'organisation du rééquilibrage, nécessairement étalé dans le temps, devait faire l'objet d'une attention accrue afin que celui-ci se réalise sans pour autant mettre en échec la dynamique qualitative souhaitée.

Il a ainsi jugé qu'en 2009 aucune université ne devrait être « perdante » : les universités considérées comme « déficitaires » dans le cadre du nouveau modèle devant bénéficier d'une première tranche de rattrapage, les universités dites « excédentaires » conservant leurs moyens. Il a indiqué que la détermination des dotations les années suivantes tiendrait à la fois compte de la situation initiale par rapport audit rééquilibrage, de l'évolution de l'activité et des progrès qualitatifs.

S'agissant des établissements dits « déficitaires », il a proposé que les éventuelles augmentations de dotation liées à l'activité ou à des résultats positifs en matière de performance s'ajoutent à la part annuelle de rattrapage. En revanche, les éventuelles diminutions de dotation liées à l'activité ou à des résultats négatifs de performance devraient s'imputer sur le « crédit » fixé à l'initialisation du système et ne devraient se traduire par une baisse de dotation qu'une fois ce « crédit » épuisé.

S'agissant des établissements dits « excédentaires », il a précisé que les éventuelles augmentations de dotation liées à l'activité ne devraient pas, contrairement aux augmentations liées à la performance, se traduire par un surplus. En outre, les éventuelles diminutions de dotation liées à l'activité ou à la performance devraient être effectivement appliquées.

M. Philippe Adnot, corapporteur, s'est ensuite intéressé à la question du rééquilibrage en termes d'emplois, en soulignant que ce sujet délicat pourrait être singulièrement compliqué par l'application de la règle du non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite. Le rééquilibrage devait se fonder sur une approche pragmatique afin de développer une politique qualitative d'emplois (repyramidage, politique indemnitaire, recrutements de personnels de cadres administratifs de haut niveau, attractivité à l'égard des chercheurs...). Cette orientation nécessite d'accorder une compensation financière aux universités qui accepteraient de « rendre » des emplois budgétaires.

En conclusion, il a souhaité que le nouveau système soit à même de permettre à chaque université de développer une politique d'établissement adaptée à son environnement, à ses atouts et à ses ambitions.

Un large échange de vues a suivi l'exposé des rapporteurs.

MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, ont salué l'initiative de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui a invité le Parlement à se saisir de ce dossier essentiel. Ils se sont réjouis de la création de ce groupe de travail, qui a permis la mise en commun des acquis, complémentaires, des deux commissions permanentes. En dépit du très bref délai imparti, ils ont jugé ces travaux prometteurs et de nature à accompagner efficacement l'autonomie des universités.

M. Christian Gaudin, membre du groupe de travail, a souligné la difficulté de porter un regard sur un système en mouvement. Il a rappelé que la création des deux instruments fondamentaux que sont l'Agence nationale pour la recherche (ANR) d'une part, et l'AERES, d'autre part, imposait aux universitaires une « révolution » culturelle. Il a estimé que l'autonomie des universités supposait une évaluation et donc des outils pertinents pour ce faire. Après avoir relevé l'ampleur du travail conduit par l'AERES depuis un an, avec l'évaluation de 30 universités et 72 écoles doctorales, il a évoqué le caractère composite du système universitaire, qui pouvait compliquer la méthode par laquelle l'activité et les résultats de chacun pouvaient être identifiés.

S'agissant de la structuration de l'offre d'enseignement sur l'ensemble du territoire, il a souligné tout l'intérêt pour l'université de participer à un pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) ou à un pôle de compétitivité. Ce dernier permet une meilleure valorisation de la recherche et la création de liens de proximité entre universités, laboratoires de recherche et entreprises. Il favorise également l'insertion professionnelle des docteurs.

M. Serge Lagauche, membre du groupe de travail, a souligné le souci d'écoute du groupe de travail à l'égard de l'ensemble des personnalités entendues. Il a estimé que les corapporteurs avaient rendu compte, de façon synthétique, des points de vue ainsi exprimés et du travail conduit en commun par les deux commissions, même si cela n'empêchera pas d'éventuelles contestations.

A titre personnel, il a jugé souhaitable une grande fermeté, dans les quatre ans à venir, pour contrôler la volonté des universités de progresser en fonction de leurs moyens.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a félicité les corapporteurs pour la qualité de leur présentation. Après s'être à nouveau réjoui que cette évaluation d'une politique publique soit accomplie de concert par deux commissions permanentes, il s'est félicité que, dorénavant, les conseils d'administration des universités travaillent sur la base d'un budget consolidé, c'est-à-dire intégrant la masse salariale de leur personnel. Il s'est interrogé ensuite sur la capacité des systèmes d'information universitaires à répondre aux nouvelles exigences.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, a souligné l'intérêt des exposés complémentaires des deux corapporteurs. Il a partagé le sentiment exprimé sur la difficulté de régir un système en mouvement. Il a évoqué, ensuite, la question du pilotage de la recherche (auto-saisine par les scientifiques eux-mêmes ou choix stratégiques liés aux attentes de la communauté nationale...).

Après avoir salué la qualité de la présentation des corapporteurs, M. Ivan Renar a estimé qu'elle « réveillait » néanmoins différentes préoccupations :

- le taux d'échec des étudiants en premier cycle ;

- la question de la pérennité du soutien de l'Etat, notamment pour ce qui concerne l'immobilier universitaire ;

- l'avenir des pôles universitaires non retenus au titre de l'opération Campus, avec le risque de voir se développer des inégalités entre les universités et entre les territoires ;

- la question récurrente des droits d'inscription.

M. Pierre Laffitte a évoqué la diversité des universités en taille et en rayonnement, relevant néanmoins que des pôles d'excellence existaient - et pouvaient être développés - dans de petites universités.

Il a indiqué que les exemples étrangers montraient le caractère essentiel de la gestion des talents et des compétences. Par conséquent, il est fondamental d'apprécier la qualité de la gestion des ressources humaines, de l'organisation et de la capacité à travailler en commun des équipes de recherche ou des équipes pédagogiques.

Après avoir, lui aussi, souligné le grand intérêt des présentations, M. Adrien Gouteyron a déclaré adhérer au caractère pragmatique et progressif de la démarche suggérée par les corapporteurs, car il s'agit de l'une des conditions de la réussite de la réforme.

Le dispositif reposant largement sur l'évaluation, rendue difficile par l'extrême diversité des universités, il a demandé des précisions sur le processus envisagé. Il s'est ensuite interrogé sur les effets des propositions avancées en termes de gestion des personnels et d'emploi. Enfin, il a demandé si l'ensemble des recommandations pourra être retenu par le gouvernement et mis en oeuvre.

MM. Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont, corapporteurs, ont avancé les éléments de réponse suivants :

- compte tenu des retards en matière de systèmes d'information, quatre années seront sans doute nécessaires pour les mettre à niveau, mais il conviendra d'être incitatif pour que les progrès soient réels durant cette période ;

- la situation très inégalitaire constatée entre les universités concerne leurs dotations, mais aussi l'origine sociale de leurs étudiants. D'où l'ambition consistant à rééquilibrer les moyens à partir d'une « photo » de la situation actuelle. Les comparaisons internationales montrent que l'on ne peut pas parler d'universités « surdotées », mais éventuellement d'établissements « mieux dotés » que d'autres. L'application de critères tenant à la valeur ajoutée et à l'insertion professionnelle devrait contribuer à ce rééquilibrage ;

- les fonds consacrés à l'opération Campus ne font pas partie de l'enveloppe budgétaire concernée par la réforme. A l'avenir, l'amélioration des critères relatifs à la gestion immobilière incitera davantage à la vertu dans ce domaine ;

- le budget pluriannuel devra permettre une meilleure lisibilité dans l'évolution des dotations ;

- la question des droits d'inscription n'a pas été abordée ; en tout état de cause, elle ne relève pas de l'initiative des universités, mais d'une décision nationale ;

- s'agissant des critères d'insertion professionnelle, l'établissement d'une grille nationale, par le ministère ou par un prestataire qu'il aura choisi, devrait permettre de garantir la lisibilité et la fiabilité des informations ;

- s'agissant de l'impact des critères de performance à l'égard des personnels, certains « chantiers » en cours devraient permettre d'y répondre, notamment la commission présidée par M. Rémi Schwartz sur la gestion des carrières, qui rendra ses conclusions au début de juillet 2008 ;

- le réel impact des positions adoptées par le Sénat lors de l'examen de la loi sur la liberté et les responsabilités des universités du 10 août 2007 laisse présager que son influence sera également importante pour ce qui concerne la présente réforme.

Les commissions ont ensuite, à l'unanimité, approuvé le rapport du groupe de travail et en ont autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information commun.

Mercredi 11 juin 2008

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Contrôle budgétaire - Culture - Application de la LOLF dans les DRAC - Communication

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu une communication de M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, sur les modalités d'application de la LOLF dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC).

M. Jean Arthuis, président, a salué la présence de membres de la commission des affaires culturelles et évoqué la possibilité d'auditions communes sur les avantages fiscaux résultant de la « loi Malraux », dans la continuité des travaux déjà menés par la commission des affaires culturelles.

Après que MM. Henri de Raincourt et Serge Lagauche eurent soutenu une telle idée, M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a tout d'abord précisé que, de novembre 2006 à avril 2008, il avait enquêté, sur place et sur pièces, dans six DRAC (Picardie, Aquitaine, les deux Normandie, Lorraine, Poitou-Charentes) sur la mise en oeuvre de la LOLF. Ces déplacements avaient fait apparaître deux difficultés : les interventions répétées des inspections centrales et, surtout, la raréfaction des crédits, notamment en matière de patrimoine.

Il a noté qu'à partir de 2004, des expérimentations avaient encadré les nouvelles responsabilités des DRAC, notamment dans l'exercice de la fongibilité asymétrique et la gestion des personnels, et fixé un cadre rigide par la mise en place des quatre budgets opérationnels de programme (BOP), correspondant aux trois programmes de la mission « Culture », et à un BOP « Recherche ». Il a indiqué que ce « bouillonnement expérimental » n'avait cependant pas semblé lasser la bonne volonté des services déconcentrés : il en était résulté des tâtonnements montrant le souci des responsables de préparer l'ensemble des services, dans les meilleures conditions possibles, l'ensemble des services à la mise en place de la LOLF.

Il a indiqué que, si le contenu des BOP devait rester défini en administration centrale, il n'en restait pas moins un « désir partagé » par les deux niveaux administratifs (le ministère et les directions régionales), d'approfondir les procédures du dialogue de gestion, de clarifier le rôle des acteurs principaux, et, notamment, du responsable du programme, du responsable de BOP, et de la direction de l'administration générale. De même, il a proposé d'étendre le calcul des plafonds d'emplois à l'ensemble des services déconcentrés et d'analyser les conséquences des effets de seuil pour des structures de taille diverse.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, s'est interrogé sur les conclusions à en tirer. Selon le ministère de la culture et de la communication, l'extension des expérimentations avait mis en évidence certaines difficultés bien connues, liées à l'absence ou à la lente mise en place des outils informatiques nécessaires à cette nouvelle gestion publique, mais aussi aux besoins de compétences spécialisées dont le ministère était insuffisamment pourvu.

Puis il a noté que le ministère de la culture et de la communication avait conclu de ces expérimentations qu'elles allaient se traduire par un recul de la déconcentration de la gestion des crédits en DRAC, ce qui revenait à « sanctuariser » les crédits de personnels.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a ensuite présenté la lente mise en place de la LOLF dans les DRAC, en déplorant le retard dans la notification des BOP. Cette mise en place des crédits en début de gestion a été laborieuse, du fait d'arbitrages internes à la direction de l'administration générale (DAG) et de la non-validation des BOP par les contrôleurs financiers régionaux (CFR) en raison de l'importance de la dette des DRAC.

Il a rappelé qu'entre mai et juillet 2006, le ministère avait transmis des directives nationales d'orientation pour mettre en oeuvre le changement de méthodes, et qu'un nouveau calendrier avait été élaboré pour la préparation de l'exercice de 2008. Il a ainsi préconisé de poursuivre la rationalisation des calendriers de mise en place des BOP en DRAC. Il a ajouté que les DRAC s'étaient adaptées à la mise en place de la LOLF par un meilleur contrôle de gestion, et une plus grande réactivité du personnel, sans pour autant modifier les organigrammes. Ainsi, à Metz, ont été institués des coordinateurs qui doivent se réunir avec les quatre services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP), ce qui correspond à une de ses recommandations. Il a toutefois regretté que l'on n'ait pas voulu donner de pouvoir hiérarchique aux responsables des programmes. Il a noté qu'un rapport de l'inspection générale des affaires culturelles avait également souligné le contraste entre les relations de confiance établies par les DRAC avec les préfets de régions et les insuffisances du dialogue avec l'administration centrale et son « collège de directeurs ». Il s'est ainsi interrogé sur l'efficacité des secrétaires généraux de programme par rapport au secrétaire général du ministère.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a ensuite analysé la performance des DRAC : ce concept de performance semble avoir rencontré une meilleure adhésion dans les services régionaux que dans l'administration centrale, bien que l'on puisse déplorer l'absence de variété d'indicateurs à même de refléter la diversité des situations.

Il a regretté que l'adhésion des DRAC aux indicateurs de performance soit relativement passive, malgré quelques exceptions, et donc préconisé une diminution de leur nombre.

Puis M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, s'est posé deux questions : la LOLF n'aurait-elle pas conduit à une certaine reconcentration des crédits ? Faut-il exercer la fongibilité asymétrique au niveau des DRAC ?

S'agissant de la reconcentration des crédits, il a rappelé qu'aux termes de l'ordonnance organique de 1959, les crédits étaient répartis en plusieurs chapitres budgétaires : il était difficile de procéder à des transferts de crédits, d'un titre à l'autre, mais, à l'intérieur du même titre budgétaire, une relative souplesse était possible. De ce fait, les DRAC pouvaient appréhender de manière globale les crédits d'investissement et procéder aux arbitrages nécessaires. Depuis la mise en oeuvre de l'ensemble des dispositions de la LOLF, les DRAC ne peuvent plus faire jouer la fongibilité entre titres ou actions que dans d'étroites limites.

De plus, les crédits des monuments nationaux sont de plus en plus étroitement fléchés par édifice et il est difficile, dès lors, de jouer sur le rythme de mise en oeuvre des engagements des collectivités territoriales partenaires.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a relevé que l'affectation des crédits était inégalement ressentie selon les DRAC. Ainsi, celles qui ont été expérimenté de la réforme budgétaire estiment que la mise en oeuvre de la LOLF s'est accompagnée d'une reconcentration des pouvoirs budgétaires au niveau de l'administration centrale.

Afin d'assouplir la gestion, il a recommandé de mettre en oeuvre dans quelques DRAC une expérimentation de fusion des trois budgets opérationnels de programme (BOP) de la mission « Culture » et d'évaluer en conséquence les performances de gestion obtenues.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a ensuite abordé la question de la fongibilité asymétrique en DRAC, en regrettant que la faible taille des BOP ne permette pas de redéploiement effectif des crédits, contrairement aux opérations qui avaient pu être conduites pendant la période d'expérimentation de la LOLF.

Il a précisé, enfin, que la question cruciale était celle de la « dette » du patrimoine et de la « montée inexorable » des crédits d'engagement non couverts par des crédits de paiement, et qu'il avait souhaité tirer des conclusions relatives à la maîtrise d'ouvrage.

Il a ainsi observé que l'ordonnance du 8 septembre 2005, relative aux monuments historiques et aux espaces protégés, avait eu pour objet de recentrer l'Etat sur ses missions de contrôle de travaux, de responsabiliser le propriétaire ou l'affectataire domanial, en lui confiant le rôle de maître d'ouvrage. Il a émis des doutes sur l'utilité de confier un rôle de maître d'ouvrage au Centre des monuments nationaux (CMN) et s'est demandé pourquoi il fallait travailler avec quatre maîtres d'ouvrage publics : outre le CMN, l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (l'EMOC), le service national des Travaux et les DRAC.

Il a noté une autre difficulté, dont son collègue M. Michel Moreigne s'est souvent fait l'écho : les petites communes attendent la parution d'un décret d'application pour pouvoir bénéficier de l'assistance à maîtrise d'ouvrage des DRAC pour leurs travaux. Or, il a relevé que la parution de ce décret avait été, sans doute, retardée jusqu'à la publication d'un rapport de l'inspection générale des affaires culturelles, dans le cadre de sa mission sur la maîtrise d'ouvrage qui examine les modalités d'application de l'ordonnance du 8 septembre 2005 précitée. Il a alors plaidé pour une procédure simplifiée de passation des marchés publics pour les petites communes, qui devraient, en outre, selon lui, bénéficier d'une assistance d'ouvrage gratuite.

Il a donc estimé que sa mission de contrôle budgétaire avait montré le chemin qui restait encore à parcourir pour une application pleinement satisfaisante de la LOLF dans les DRAC.

M. Jean Arthuis, président, a salué une contribution précieuse pour la réforme du ministère de la culture et de la communication.

M. Ivan Renar a déploré la faiblesse des moyens humains des DRAC par rapport à d'autres services déconcentrés de l'Etat, tout en observant que les modalités de prise de décision, dans le domaine culturel, tendaient trop souvent à « court-circuiter » les directeurs régionaux des affaires culturelles.

Il s'est ensuite interrogé sur les conséquences, en termes d'emplois, du regroupement des DRAC, dans le cadre de la réorganisation du ministère de la culture et de la communication, conformément aux préconisations de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a tenu à souligner la qualité des équipes des DRAC qu'il avait rencontrées, ainsi que leurs bonnes relations avec les préfets, tout en estimant qu'il serait souhaitable de renforcer l'autorité hiérarchique des directeurs régionaux sur les conseillers en charge des différentes politiques sectorielles.

En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, sur les suites données à ses travaux relatifs aux grands établissements culturels, il a rappelé que les directions d'administration centrale du ministère de la culture et de la communication n'exerçaient pas une tutelle suffisante sur les établissements publics, et tout particulièrement les plus importants d'entre eux.

M. Jean Arthuis, président, a plaidé pour une restructuration interne au ministère de la culture et de la communication, tendant à diminuer le nombre de directions d'administration centrale.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a fait part de ses interrogations quant au rôle que pouvaient jouer le secrétaire général du ministère et les secrétaires généraux des programmes de la mission « Culture ».

M. Yves Dauge a déclaré partager les observations du rapporteur spécial sur la montée en puissance des établissements publics, tout en relevant que les régions et les départements exerçaient davantage leurs compétences dans le domaine culturel. Il a également mis en exergue « l'assemblage hétéroclite de fonctions » qu'exerçaient les DRAC.

Par ailleurs, il a exprimé son scepticisme quant à un rattachement des services de l'architecture et du patrimoine (SDAP) aux DRAC, en estimant qu'une telle mesure ne serait pas de nature à pallier la faiblesse en moyens des SDAP.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a relevé que les différentes politiques conduites par les architectes des bâtiments de France d'un département à l'autre montraient la nécessité d'une plus grande harmonisation.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que la LOLF était constituait une loupe qui mettait en évidence les difficultés spécifiques au ministère de la culture et de la communication, ce qui invitait à en repenser l'organisation globale.

M. Adrien Gouteyron a observé que l'autonomie dont disposaient les conseillers des directeurs régionaux des affaires culturelles tendait à limiter l'exercice de la fongibilité asymétrique des crédits.

A cet égard, M. Jean Arthuis, président, a plaidé pour la constitution de services déconcentrés dont le périmètre serait inter-régional, de manière à permettre la mise en oeuvre effective de ce principe de fongibilité.

Puis, s'agissant de l'archéologie préventive, il a qualifié les prescriptions des DRAC « d'exigeantes », alors même que le financement des chantiers à mener incombait, non pas à l'Etat, mais aux collectivités territoriales.

Après avoir rappelé le contenu et les conclusions de ses précédents travaux sur l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a jugé que les collectivités territoriales pouvaient s'organiser en mettant en place leurs propres services archéologiques, le cas échéant dans un cadre mutualisé.

M. Yves Dauge a observé que des progrès avaient été réalisés dans le domaine de l'archéologie préventive, mais que la définition précise du champ des fouilles requérait encore un dialogue plus soutenu avec les préfets et les directeurs régionaux des affaires culturelles.

Par ailleurs, il a appelé, en accord avec M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, à reconsidérer les exemptions de taxe dont bénéficient les investisseurs privés.

M. Jean Arthuis, président, s'est félicité de ce que la mise en oeuvre de la LOLF ait rendu possible ce large débat et ces préconisations fortes sur les politiques conduites par les DRAC.

La commission a enfin décidé, à l'unanimité, d'autoriser la publication des travaux de M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, sous la forme d'un rapport d'information.

Enseignement scolaire et préscolaire - Accueil des élèves - Demande de renvoi pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

Enfin, la commission a décidé de se saisir pour avis de l'éventuel projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire, et a désigné comme rapporteur pour avis M. Gérard Longuet.

Contrôle budgétaire - Agriculture - Agence française d'information et de communication agricole rurale (AFICAR) - Communication

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu une communication de M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, sur l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale (AFICAR).

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a tout d'abord précisé que sa communication résultait de travaux de contrôle décidés au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2008. Il s'était interrogé, à l'époque, sur la nécessité de subventionner l'AFICAR pour faire circuler des « Trains expositions » et organiser des opérations de communication « Jeune public », alors même que le ministère de l'agriculture connaissait une situation budgétaire difficile.

Il a indiqué qu'au cours du premier semestre 2008, il s'était donc rendu au siège de l'AFICAR, à Montreuil, puis avait recueilli les observations des représentants de l'agence, du ministère de l'agriculture, et des organisations professionnelles siégeant au conseil d'administration de l'établissement.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a rappelé que la création de l'AFICAR résultait du constat d'une forme de « divorce » entre l'opinion publique française et le monde agricole, constat qui s'était imposé à mesure que les crises sanitaires, les atteintes à l'environnement causées par un modèle « productiviste » ou les débats entourant la culture des OGM s'étaient multipliés.

Il a également précisé que les insuffisances de la communication agricole résultaient d'actions trop sectorielles et très dispersées. Une première tentative pour remédier à ces insuffisances avait consisté à créer, dans le cadre de la loi d'orientation agricole de 1999, un Fonds de valorisation et de communication agricole, dont les missions étaient toutefois imprécises et les modalités de financement indéterminées.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a indiqué que la création de l'AFICAR résultait de la loi relative au développement des territoires ruraux de 2005. Le premier contrat d'objectifs de l'agence lui avait assigné les missions de promouvoir une « image positive, dynamique et innovante » de l'agriculture, de rétablir auprès des consommateurs le lien existant entre leur alimentation et les matières premières ou les produits qui en sont à l'origine et d'assurer la cohérence des actions de communication des secteurs concernés.

Il a précisé que l'agence avait été constituée sous la forme d'un établissement public industriel et commercial afin d'associer les représentants du monde agricole et rural aux actions de l'AFICAR, ce que permettrait la constitution d'un conseil d'administration paritaire, de recueillir, en complément des fonds publics, une participation financière des organisations professionnelles, syndicales et consulaires agricole, et de garantir l'impartialité du message délivré.

Après être brièvement revenu sur les instances de fonctionnement de l'AFICAR, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a établi un premier bilan des actions menées. Il a tout d'abord évoqué l'exposition itinérante baptisée le « Train de la Terre », réalisée en 2007 sur le thème de « l'agriculture et la forêt dans votre quotidien » : 5 wagons exposition ont accueilli 100.000 visiteurs, dont 70.000 au Salon international de l'agriculture, pour un coût d'1,1 million d'euros réparti sur les exercices 2006 et 2007. Elle a été reconduite en 2008 sur le thème de la PAC, avec un budget de 960.000 euros.

Par ailleurs, l'AFICAR avait mis en oeuvre des actions plus modestes en direction du jeune public, sous la forme de jeux éducatifs, d'animations-concours dans les centres de loisirs et de publications à destination des scolaires. A l'appui de son propos, il a soumis à l'examen de ses collègues quelques exemples de jeux réalisés par l'AFICAR. Enfin, l'AFICAR s'est dotée d'un site internet dont les performances sont, à ce stade, relativement modestes.

S'agissant de la portée de ces actions, il a indiqué avoir recueilli des avis contrastés au cours de ses auditions : une analyse des retombées de presse du « Train de la Terre 2007 » montrait que l'événement avait été essentiellement relayé par la presse écrite locale, voire spécialisée, et surtout sous forme d'annonce du passage du train, les articles de fond sur des médias nationaux étant presque inexistants. Les actions menées étaient donc très en-deçà des ambitions affichées par une partie de la profession agricole.

Concernant la rationalisation des politiques de communication du secteur agricole, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a jugé que les résultats n'étaient guère plus satisfaisants. Il s'est demandé si le ministère de l'agriculture et de la pêche, lui-même, s'efforçait de coordonner ses propres actions de communication avec celles de l'opérateur dont il assurait la tutelle, observant que le délégué à la communication du ministère n'était pas directeur de l'AFICAR, en dépit de la possibilité ouverte par le code rural. Par ailleurs, la communication ministérielle inclut, sans coordination apparente avec l'AFICAR, des actions tournées vers le grand public qui correspondent à la vocation de l'agence. En matière de communication des organisations professionnelles agricoles, il a constaté que la coordination n'était pas plus aboutie, citant l'exemple de l'opération des Jeunes agriculteurs intitulée « Un week-end sur terre », ayant eu pour conséquence de priver le « Train de la terre » de financement.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a relevé que les résultats insuffisants obtenus par l'AFICAR tenaient tout d'abord à la faiblesse de ses moyens. L'agence est aujourd'hui presque exclusivement financée par une subvention pour charges de service public en provenance du budget de l'Etat, d'un montant d'1,4 million d'euros en 2007 et 2008. Cette subvention doit être majorée du coût des moyens mis gratuitement à disposition de l'opérateur par le ministère de l'agriculture et de la pêche, entre 330.000 et 340.000 euros en 2006 et 2007. Parallèlement, les partenariats financiers extérieurs sont quasiment inexistants, en dépit d'une cible, fixée dans le contrat d'objectifs, d'un euro de recette extérieure pour un euro de financement public pour chaque grande opération de communication.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a noté que les rares financements extérieurs obtenus par l'AFICAR avaient pris la forme exclusive de dotations au titre du « sponsoring » du Train de la Terre 2007 et de prestations en nature, telles que le concours apporté par les chambres d'agriculture sur le trajet du train. En 2007, les contributions extérieures ont représenté 18 % des moyens totaux de l'AFICAR, soit un niveau sensiblement inférieur à la cible fixée par le contrat d'objectifs, celle-ci étant pourtant la moins ambitieuse des différentes hypothèses formulées.

Cette faible mobilisation des partenaires privés de l'AFICAR est parfois imputée à la phase de « démarrage » de l'établissement et à la nécessité de laisser aux partenaires potentiels le temps de se familiariser avec le fonctionnement de la nouvelle structure. Ces travaux de contrôle démontrent toutefois que les organisations représentées au conseil d'administration de l'AFICAR soit n'entendent purement et simplement pas participer au financement de l'agence, soit considèrent que le financement public est indispensable et doit être majoritaire.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a indiqué que l'insuffisance des moyens dévolus à l'AFICAR lui faisait rencontrer des difficultés de gestion récurrentes, dont témoignaient ses problèmes de trésorerie et sa tendance à engager des dépenses en dépassement de ses capacités.

Sur ses deux premières années de fonctionnement, les engagements pris par l'AFICAR ont excédé ses capacités de 597.951 euros. En conséquence, le ministère de l'agriculture a demandé à l'établissement de régulariser sa situation et de limiter strictement ses engagements 2008 à la capacité issue des autorisations d'engagement accordées par l'Etat, augmentée des éventuelles ressources externes, mais déduction faite de la résorption de la totalité des sur engagements constatés en 2006 et en 2007. Il a par ailleurs alloué à l'agence une dotation complémentaire exceptionnelle de 200.000 euros en autorisations d'engagement, afin de l'aider à assainir sa situation.

Observant que l'AFICAR générait des coûts de fonctionnement relativement élevés, tout en n'ayant pas la taille critique pour se doter de services supports suffisants, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a estimé que la coordination administrative entre l'opérateur et sa tutelle était perfectible. Aucune convention n'a été conclue entre l'AFICAR et le ministère pour régir les moyens mis à disposition par ce dernier, et aucune règle de travail en commun n'a été formalisée entre l'agence et les services du ministère susceptibles de lui apporter une assistance technique.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a imputé l'échec de l'AFICAR à la prééminence de logiques sectorielles qui ont entravé l'émergence d'une communication commune à l'ensemble de la profession, ainsi qu'à la double réticence des organisations professionnelles agricoles, qui redoutent de perdre la maîtrise ultime des fonds alloués à un opérateur public dont elles n'assurent pas le pilotage intégral, et qui ne souhaitent plus prendre part à une forme de « cogestion » de fonds publics et privés.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a indiqué que beaucoup de ses interlocuteurs avaient cité, en guise de « modèle », le Fonds national de promotion et de communication de l'artisanat (FNPCA). Il a toutefois souligné les limites d'une telle comparaison : les moyens du FNPCA sont incomparablement plus élevés que ceux de l'AFICAR, car ils sont le produit d'un prélèvement obligatoire, et non de contributions volontaires. Cela a permis au FNPCA de financer des actions de communication d'une envergure très supérieure à celles de l'AFICAR, mobilisant des canaux de diffusion inaccessibles à cette dernière, et dont la campagne « L'artisanat, première entreprise de France » est emblématique.

Rappelant que le ministère de l'agriculture avait invité les représentants de la profession agricole à se déterminer rapidement sur l'avenir et les modalités de financement de l'AFICAR, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a mentionné certaines propositions de la profession, consistant à créer un fonds de communication alimenté par une partie des cotisations volontaires obligatoires (CVO) prélevées par les interprofessions, ou par une partie des recettes du compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (CAS-DAR). Il a indiqué, qu'à ce stade, la création d'un fonds supplémentaire ne lui semblait pas appropriée, et que le financement d'actions de communication ne lui paraissait pas conforme à l'objet du CAS-DAR, qui concourait à la recherche et au développement.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a évoqué, pour l'avenir de l'AFICAR, les deux options suivantes :

1) une prise en charge opérationnelle et financière de la communication agricole « grand public » par la profession, le ministère chargé de l'agriculture ou ses opérateurs étant libres de subventionner ponctuellement certaines actions jugées conformes aux missions d'intérêt général qui leur sont assignées. Dans une telle hypothèse, la suppression de l'AFICAR pourrait être programmée ;

2) un maintien de l'AFICAR, à la triple condition de mobiliser de façon pérenne des participations financières extérieures au moins égales à la participation de l'Etat, de formaliser par convention l'appui technique que devraient apporter les services du ministère de l'agriculture et de la pêche et d'améliorer la coordination entre, d'une part, la politique de communication grand public du ministère et des organisations professionnelles agricoles et, d'autre part, les actions de l'AFICAR.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a enfin indiqué qu'il entendrait à nouveau, suite au prochain conseil d'administration de l'AFICAR, les représentants du ministère de l'agriculture et de la pêche et des organisations siégeant au conseil d'administration, afin qu'ils lui fassent part de leurs éventuelles propositions sur l'avenir de l'opérateur. Il a ajouté qu'il suggérerait, aux membres de la commission, en l'absence d'avancées significatives, ou si la consistance des propositions formulées était insuffisante, de supprimer l'AFICAR lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009.

M. Jean Arthuis, président, a considéré que les conclusions du rapporteur spécial illustraient bien les difficultés d'un opérateur dont la mission et les moyens avaient été mal définis. Il est revenu sur les jeux pour enfants présentés par M. Joël Bourdin à l'appui de sa démonstration, doutant qu'ils contribuent puissamment à améliorer l'image de l'agriculture auprès de l'opinion.

M. Michel Charasse a jugé que le résultat des présents travaux devait encourager le rapporteur spécial à persévérer dans la voie des contrôles.

La commission a alors donné acte au rapporteur spécial de sa communication et a décidé d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Jeudi 12 juin 2008

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Contrôle budgétaire - Gestion immobilière de la Banque de France - Audition de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

La commission a procédé à l'audition de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, sur la gestion immobilière de la Banque de France.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que M. Paul Girod, rapporteur spécial de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », avait mené, en application de l'article 57 de la LOLF, un contrôle sur le patrimoine immobilier de la Banque de France, et qu'il en avait déjà présenté les conclusions à la commission le mercredi 28 mai 2008. Il avait voulu mesurer les efforts d'adaptation déployés par la Banque de France sur le plan de sa gestion immobilière, alors que, depuis une dizaine d'années, l'introduction de l'euro et, partant, la transformation de son rôle de banque centrale l'avaient engagée dans la voie d'importantes réformes d'organisation.

Le bilan des cessions immobilières réalisées, depuis 2003, par la Banque de France, en particulier dans le cadre du « Plan d'adaptation de l'implantation territoriale », a été jugé « globalement positif ». En revanche, des lacunes ont été relevées dans le dispositif de gestion immobilière, rendant nécessaire l'adoption de nouveaux outils. Le rapporteur spécial a également appelé à corriger certains aspects, critiquables à ses yeux, de la gestion du parc locatif exploité par la Banque de France, et à pratiquer de nouvelles cessions, ciblées, parmi ses immeubles à finalité « sociale ».

M. Jean Arthuis, président, a également souhaité connaître l'état de mise en oeuvre de la loi du 20 février 2007 portant diverses dispositions intéressant la Banque de France, quant à la suppression du Conseil de la politique monétaire, aux économies de gestion réalisées à cette occasion, et à la nécessité de poursuivre la simplification du fonctionnement institutionnel de la Banque de France. En outre, il a demandé à M. Christian Noyer quelle était son analyse de la conjoncture économique actuelle.

M. Paul Girod, rapporteur spécial, a rappelé ses recommandations qui, en premier lieu, visaient la modernisation de la gestion immobilière de la Banque de France.

Partant du constat que les outils à la disposition des services gestionnaires de la Banque de France n'autorisaient qu'une vision rétrospective de l'état de son parc immobilier, il a tout d'abord préconisé qu'elle élabore un document d'orientation immobilière pluriannuelle, afin de disposer d'un outil prévisionnel de gestion. De même, il a proposé la mise en place, par la Banque de France, d'indicateurs et objectifs de performance en matière immobilière, notamment pour les travaux et la gestion du parc locatif. Il a également estimé que la Banque de France devrait introduire des loyers internes, sur le modèle des administrations d'Etat, qui seraient acquittés par les services hébergés par la Banque de France.

En outre, il a préconisé que la Banque de France, à l'instar de l'Etat désormais, introduise systématiquement une clause de complément de prix dans toutes ses ventes immobilières.

S'agissant de la rationalisation du parc immobilier de la Banque de France, il a préconisé un arbitrage au sein de l'ensemble des immeubles qu'elle occupe, soit détenus en propriété, soit pris à bail, et tous bâtiments du parc d'exploitation confondus. Il a notamment souhaité que la Banque de France recherche une alternative aux plus onéreux des immeubles pris à bail dans le centre de Paris, dont le coût lui est apparu comme « disproportionné ».

Par ailleurs, il a recommandé la poursuite de la mise aux niveaux du marché des loyers fixés dans le cadre de l'exploitation de son parc d'habitation. Dans la mesure où elle dépend du rythme de renouvellement des locataires, cette politique est nécessairement lente à produire ses effets. Il a toutefois interrogé M. Christian Noyer sur les moyens d'en accélérer la mise en oeuvre. Rappelant que 12 % des locataires de ce parc d'habitation étaient des personnes extérieures au personnel de la Banque de France, il s'est interrogé sur la légitimité des baux ainsi consentis, et il a fait part de ses doutes quant à la compatibilité de l'activité de bailleur de logements avec le rôle d'une banque centrale.

Enfin, il a recommandé la cession des deux maisons de retraite détenues par la Banque de France ainsi que la vente, dans les meilleurs délais, des centres de vacances de la Banque déjà identifiés, en tout ou en partie, comme cessibles. Au surplus, il a souhaité que le conseil général de la Banque de France poursuive le dialogue avec les instances représentatives du personnel, afin d'exploiter toutes les sources d'économies pertinentes en ce domaine. Dans cette perspective, il a salué l'ouverture au dialogue et le sens des responsabilités dont ont témoigné, lors des auditions qu'il a conduites, les représentants du comité central d'entreprise de la Banque de France.

M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, s'est déclaré globalement en accord avec les observations du rapporteur spécial.

S'agissant en premier lieu des outils de gestion immobilière, il a fait valoir que la Banque de France, jusqu'à présent, avait concentré ses efforts sur la restructuration de son patrimoine. Il a reconnu qu'elle devait désormais se doter des outils d'une approche prospective. Dans ce but, les services de la Banque de France devraient formaliser leurs besoins dans le domaine immobilier, et ce processus a d'ores et déjà été amorcé.

D'autre part, il a souscrit à la nécessité d'introduire des indicateurs et objectifs de performance, qui permettraient à la Banque de France, non seulement d'évaluer sa progression, mais de comparer ses résultats aux « standards » professionnels. Il a précisé qu'un consultant extérieur serait recruté à cet effet. Deux dispositifs pilote pourraient ainsi être engagés, dès la fin de l'année 2008, l'un relatif aux travaux immobiliers, l'autre pour la gestion du parc locatif.

Il a également reconnu l'opportunité de mettre en place des loyers internes, à court terme, au sein de la Banque de France et, à cette fin, s'est engagé à se rapprocher du service France Domaine.

Quant à l'inclusion systématique d'une clause de complément de prix dans les ventes immobilières, il a admis que, l'Etat ayant récemment adopté ce dispositif, la Banque de France devait maintenant, à tout le moins, l'envisager. Il a fait observer que, par le passé, une clause semblable aurait probablement dégradé les conditions de cession à des investisseurs privés des immeubles d'exploitation, vendus par lots. Ces clauses, jusqu'à présent, avaient été conçues par la Banque de France comme la contrepartie du droit de cession préférentielle dont avaient bénéficié les collectivités territoriales : si une collectivité revend l'immeuble dans les trois ans de son acquisition, elle doit reverser à la Banque de France 80 % de sa plus-value éventuelle. En tout état de cause, les clauses de complément de prix stipulées par France Domaine dans le cadre de ventes au secteur privé n'atteignent pas un tel niveau ; elles se situent à hauteur de 20 ou 30 %.

Evoquant en second lieu la poursuite de la rationalisation de son parc immobilier par la Banque de France, il s'est tout d'abord attaché à justifier que seuls 79 immeubles aient été cédés, dans le cadre du « Plan d'adaptation de l'implantation territoriale », alors que 83 succursales avaient été fermées.

D'une part, la fermeture de la succursale située dans les locaux du siège de la Banque de France n'a pas libéré d'immeuble. Cependant, le réaménagement des surfaces ainsi libérées devrait permettre de se désengager d'autres implantations parisiennes coûteuses.

D'autre part, la succursale de Vincennes a été conservée afin de loger certains services centraux de la Banque de France.

Par ailleurs, la succursale d'Asnières-sur-Seine a vocation à être prochainement cédée, après le complet transfert, vers des locaux situés à Marne-la-Vallée, des archives que la Banque de France y abritait.

Enfin, pour la succursale située boulevard Malesherbes, à Paris, un projet de « musée monétaire/cité de l'économie » est en cours d'élaboration, sur le modèle d'institutions existant dans de nombreux pays étrangers.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur le risque de « doublonnage », par ce projet, des activités muséales déjà exercées, notamment, par la Monnaie de Paris. Il a également souhaité connaître le mode de financement envisagé.

M. Christian Noyer a estimé que la qualité des collections de monnaies détenues par la Banque de France justifiait leur présentation au public. Surtout, il a souligné le rôle pédagogique du projet, en vue de faire découvrir au plus grand nombre le fonctionnement de l'économie. Le musée serait financé par la Banque de France, mais les possibilités de recourir au mécénat d'entreprise et de couvrir une partie des frais par les recettes issues des visites sont à l'étude.

M. Paul Girod, rapporteur spécial, a reconnu les vertus éducatives de ce projet, qui permettrait de présenter les missions d'une banque centrale.

M. Christian Noyer a précisé que, dans cette perspective, il conviendrait d'élaborer le matériel pédagogique adéquat. A ses yeux, la sensibilisation du public à l'économie fait aujourd'hui partie des missions d'une banque centrale.

Il a ensuite fait part de son adhésion de principe aux recommandations du rapporteur spécial relatives aux loyers fixés par la Banque de France dans le cadre de l'exploitation de son parc de logements. La Banque de France, avait instauré, en 2005, un nouveau barème pour ces loyers, de façon à les rapprocher des niveaux du marché. Le dispositif a permis une revalorisation de 10 % en moyenne, allant jusqu'à 25 voire 30 % s'agissant de logements de haut « standing ».

Cependant, il a souligné les limites auxquelles se heurte ce processus, très progressif compte tenu, notamment, de l'encadrement réglementaire de l'évolution des loyers. Il a reconnu qu'il s'ensuivait des situations « anormales » de bas loyers, profitant à des locataires « privilégiés ».

M. Paul Girod, rapporteur spécial, a souhaité savoir ce qui empêchait la Banque de France de se défaire de son parc locatif.

Pour M. Christian Noyer, après les importantes cessions du parc locatif déjà opérées, les logements conservés par la Banque de France se trouvent souvent adjacents aux succursales, de sorte que leur vente risquerait de nuire à la sécurité des locaux d'exploitation, à l'image de la succursale située boulevard Raspail, à Paris.

Mme Nicole Bricq s'est émue que la Banque de France admette entretenir des locataires « privilégiés ». Elle a estimé que le niveau des loyers pouvait être négocié par la Banque de France avec les occupants de ces logements, particulièrement dans le cas des membres du personnel d'encadrement.

M. Christian Noyer a précisé que la formule de « locataires privilégiés » constituait la reprise de celle utilisée par le rapporteur spécial lors de sa communication, et parfois véhiculée par la presse. Il a indiqué que le renouvellement des baux, quoique lent, donnait lieu à des résultats significatifs de « normalisation ». Ainsi, entre les baux conclus avant 2006 et les baux conclus depuis, les loyers acquittés par les agents de la Banque de France ont progressé, en moyenne, de 13 %, et les loyers payés par les personnes extérieures au personnel ont été augmenté, en moyenne, de près de 70 %.

M. Denis Badré ayant estimé que l'activité de bailleur de logements restait étrangère aux missions d'une banque centrale, M. Christian Noyer a mis en avant la nécessité de ne pas laisser inoccupés les locaux existant dans le patrimoine de la Banque de France.

M. Jean Arthuis, président, a préconisé que la Banque de France « externalise » la gestion de son parc d'habitation. Le recours à une société de gérance locative, faisant « écran » entre l'institution et ses locataires, épargnerait en effet à la Banque de France les suspicions dont elle peut faire l'objet dans les médias. M. Christian Noyer s'est engagé à mettre à l'étude cette préconisation.

Puis il a indiqué que la cession des deux maisons de retraite de la Banque de France venait d'être conclue, visant à la fois les bâtiments et la reprise de l'activité, y compris le personnel, auprès d'un repreneur professionnel spécialisé. Il a souligné la difficulté de la négociation, dans la mesure où les agents employés par ces établissements bénéficient d'un statut spécial, proche de celui des agents de la Banque de France, comportant des droits supérieurs à ceux que définit la convention collective normalement applicable au secteur.

Répondant à M. Jean Arthuis, président, il a reconnu ne pas disposer, à ce stade, des éléments financiers de cette opération, et a confirmé que la Banque de France, eu égard au statut précité du personnel, devrait verser au repreneur l'équivalent d'une « soulte » qui excéderait le montant des produits de cession des bâtiments.

Enfin, il a indiqué que la restitution de trois centres de vacances, ainsi que de certaines dépendances de quatre autres centres, avait été acceptée par le comité central d'entreprise de la Banque de France, de sorte que ces domaines, à plus ou moins court terme, pourraient être vendus. Il a fait part du caractère délicat des négociations engagées avec les instances représentatives du personnel, alors que le parc de centres de vacances de la Banque de France était évidemment trop vaste rapporté aux effectifs. Son « resserrement » permettrait de moderniser les centres conservés, qui pourraient représenter, à terme, la moitié du parc actuel.

Il a précisé que le dialogue avec les partenaires sociaux portait également sur l'externalisation de certaines prestations, en particulier la restauration offerte dans les centres de loisirs.

M. Michel Charasse a souhaité obtenir des précisions sur le statut de l'immeuble, propriété de la Banque de France, occupé par la Maison de l'Amérique latine et situé boulevard Saint-Germain, à Paris. Il a mis en exergue le caractère symbolique de ce lieu. Dans la mesure où le ministère des affaires étrangères et européennes n'était vraisemblablement pas en situation d'acheter l'immeuble, il s'est interrogé sur la possibilité de son transfert à l'Etat.

M. Christian Noyer a indiqué que la Banque de France était actuellement tenue par un bail consenti à la Maison de l'Amérique latine pour une durée de 9 ans, dont le tiers restait encore à courir. Il a jugé la situation insatisfaisante. En tout état de cause, une cession de l'immeuble ne pourrait intervenir dans de bonnes conditions qu'à l'échéance du bail.

M. Jean Arthuis, président, a suggéré que cet immeuble, après l'estimation de sa valeur par France Domaine, soit transféré au domaine de l'Etat au titre du dividende de la Banque de France.

M. Roland du Luart, après avoir signalé le caractère prestigieux de ce bâtiment, ancien siège de la Banque d'Algérie, a souhaité savoir si l'Etat algérien ne serait pas fondé à le revendiquer.

M. Christian Noyer a répondu par la négative, eu égard aux accords franco-algériens de répartition des biens de la Banque d'Algérie conclus lors de la déclaration d'indépendance.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'utilité de la succursale située boulevard Raspail, à Paris : sa cession, compte tenu de sa valeur commerciale manifeste, devrait être envisagée.

M. Christian Noyer a indiqué qu'il s'agissait de l'agence parisienne de la Banque de France, équivalant pour la capitale à ses succursales implantées dans chaque département. En particulier, pour ce qui concerne Paris, l'agence procède à la notation d'entreprises et réalise des enquêtes de conjoncture. Elle offre également une activité de caisse de détail. Son maintien dans le patrimoine de la Banque de France aurait vocation à être examiné, comme pour toutes les autres succursales, dans le cadre de la démarche d'arbitrage préconisée par le rapporteur spécial. Actuellement, sa cession n'est pas justifiée.

A l'invitation de M. Jean Arthuis, président, il a abordé le sujet de l'organisation de la Banque de France. Après s'être félicité du bon fonctionnement du conseil général, en raison notamment de la diversité de ses membres, il a rappelé que le comité monétaire, institué par la loi du 20 février 2007, avait gardé un rôle de conseil du gouverneur en matière de politique économique. Il a présenté deux types d'évolutions auxquelles faire face :

- une technicité accrue des dossiers préparatoires au conseil de la Banque centrale européenne (BCE), à laquelle le comité monétaire est mal adapté ;

- les interactions plus nombreuses entre les évolutions économiques et les questions de stabilité financière ; or, dans ce cadre, les membres du comité monétaire tendent à empiéter sur les compétences de la commission bancaire.

Après avoir évoqué certains échos de presse sur le rôle des quatre membres non exécutifs du comité monétaire, il a décrit le nouveau système de rémunérations des vacations, pour un montant égal au tiers du traitement de base d'un conseiller d'Etat.

Compte tenu des difficultés de fonctionnement d'un organisme hybride devenu plus politique que technique, M. Christian Noyer a acquiescé au principe, proposé par M. Jean Arthuis, président, d'une suppression du comité monétaire dont les membres demeureraient intégrés au conseil général. M. Jean Arthuis, président, a précisé qu'en conséquence il entendait prendre une telle initiative à l'occasion de la prochaine discussion du projet de loi de modernisation de l'économie.

Sur la situation économique, M. Christian Noyer a montré que la baisse des prix immobiliers aux Etats-Unis pesait sur la consommation des ménages, tout en rééquilibrant la balance commerciale américaine.

Notant que les pays émergents étaient restés dynamiques, il a relevé la bonne tenue du taux de croissance économique dans la zone euro. Il a montré les difficultés de prévision du taux de croissance de la France, en raison de fortes variations conjoncturelles, caractéristiques d'une période d'incertitude : une croissance 1,5 % à 2 % était très probable, compte tenu de la bonne conjoncture fin 2007 et début 2008, mais les chocs externes - notamment les prix du pétrole et des produits alimentaires - pesaient sur la consommation et, donc, sur la croissance.

Il a ainsi souligné le caractère passager du pic d'inflation, lequel, nonobstant le sentiment dominant, devrait être ressenti comme tel par les consommateurs.

Répondant à une question de M. Jean Arthuis, président, sur l'évolution du prix du baril de pétrole et de possibles comportements spéculatifs, M. Christian Noyer a considéré qu'un « marché normal » donnerait un prix du baril à 80 dollars eu égard au coût marginal actuel d'extraction, mais que d'autres analystes le voient aller jusqu'à 180 dollars, en raison notamment des tensions sur la demande et du manque d'incitation des producteurs à augmenter leur offre. Il a estimé que la montée récente des cours correspondait non seulement à la difficulté d'équilibrer une offre et une demande inélastiques, mais aussi au fait que les matières premières étaient devenues une classe d'actifs financiers. Enfin, il a mentionné les politiques d'économie d'énergie que la France devait développer davantage, en utilisant l'atout de son parc nucléaire.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, sur la supervision du système bancaire après la crise des « subprimes », il a souligné le renforcement du contrôle interne et des procédures d'audit, en mentionnant le bien-fondé des nouveaux dispositifs prévus dans le projet de loi de modernisation économique, dont les modalités d'application seraient précisées par voie réglementaire.

S'agissant des provisions bancaires, il a souligné que leur niveau avait été révisé mécaniquement par les dégradations du marché immobilier américain, et non par la découverte d'éléments conjoncturels nouveaux. Il a ainsi jugé satisfaisante la solvabilité des établissements bancaires français.

La commission a alors décidé, à l'unanimité, d'autoriser la publication de la communication faite le 28 mai 2008 par M. Paul Girod, rapporteur spécial, ainsi que des éléments de réponse fournis par la présente audition, sous la forme d'un rapport d'information.