Mardi 3 juin 2008

- Présidence de M. Jean Arthuis, président. -

Contrôle budgétaire - Bilan des travaux de la commission - Communication

M. Jean Arthuis, président, a rappelé le contexte particulier de la révision constitutionnelle, portant notamment sur la question des pouvoirs du Parlement, dans les domaines du contrôle de l'action du gouvernement et de l'évaluation des politiques publiques.

Il a rappelé, à cet égard, son souhait que l'article 9 du projet de révision constitutionnelle mentionne la mission d'évaluation des politiques publiques, tout en différenciant les rôles respectifs du Parlement et de la Cour des comptes.

Observant que la commission avait pris l'habitude, depuis quelques années, d'actualiser et de diffuser un « Guide des bonnes pratiques du contrôle budgétaire », il a indiqué que la publication d'un rapport d'information serait l'aboutissement de ce travail méthodologique.

M. Jean Arthuis, président, a souligné la nécessité de lutter contre certains présupposés, encore trop largement répandus, selon lesquels les parlementaires n'utiliseraient pas les pouvoirs qui leur sont attribués par les textes. S'il reste des marges de progression certaines, il a estimé qu'il ne fallait pas négliger l'importance de ce qui a déjà été accompli pour développer le contrôle budgétaire et valoriser ses résultats, en termes de médiatisation, mais aussi de suivi des préconisations.

Puis il a brièvement résumé les principales observations tirées du bilan des activités de contrôle de la commission :

- l'existence d'une spécificité de la commission dont tous les membres, en leur qualité de rapporteurs spéciaux, suivent et contrôlent l'action du gouvernement ;

- l'utilisation approfondie des moyens de contrôle sur pièces et sur place attribués par l'article 57 de la LOLF, notamment dans l'exploitation des documents transmis par la Cour des comptes, illustrée par les auditions organisées suite aux référés et rapports particuliers ;

- la participation de tous les groupes aux travaux de contrôle, qui a permis en particulier d'associer des rapporteurs spéciaux issus de diverses sensibilités politiques ; à cet égard, il a souhaité que tous les membres du bureau de la commission cosignent le rapport d'information ;

- l'accent mis sur le suivi des préconisations, gage de leur bonne application et qui contribue à asseoir la crédibilité de la commission.

Finalement M. Jean Arthuis, président, a souligné le bilan très positif de l'activité de contrôle. D'un point de vue quantitatif, le contrôle budgétaire a couvert tous les secteurs de la vie administrative et la progression du nombre annuel des travaux effectués atteint 271 % depuis 2001, année du vote de la LOLF.

D'un point de vue qualitatif, la commission a démontré son aptitude à réagir à l'actualité, sans lourdeurs excessives de procédure. Elle assure désormais un retentissement médiatique aux travaux de contrôle qu'elle engage et elle organise le suivi des recommandations formulées.

Un large débat s'est alors engagé.

M. Paul Girod s'est associé aux conclusions présentées dans le bilan d'activité. Il s'est interrogé sur la possibilité, pour tous les rapporteurs spéciaux, de cosigner le rapport d'information.

M. Jean Arthuis, président, a noté que l'activité de contrôle relevait effectivement d'un travail commun de l'ensemble de la commission. Il a réitéré son souhait d'une association de l'ensemble du bureau de la commission au rapport d'information et précisé que tous les rapporteurs spéciaux étaient associés à la conférence de presse de présentation dudit rapport.

M. Yann Gaillard s'est réjoui de ce que le bilan présenté fasse justice à chacun des rapporteurs spéciaux de son travail de contrôle, dans un esprit écartant toute concurrence politique. Il a souligné que les rapporteurs spéciaux disposaient des mêmes pouvoirs d'investigation que les inspecteurs généraux des finances.

Se félicitant de cette appréciation, M. Jean Arthuis, président, a observé que les travaux de contrôle devaient éclairer le fonctionnement de la sphère publique et tendre à améliorer son efficacité. Ils permettent également aux rapporteurs spéciaux d'acquérir des convictions utiles dans leur débat avec le gouvernement.

M. Jean-Jacques Jégou s'est félicité, en tant qu'ancien député, d'avoir pu constater que le Sénat avait encore plus à coeur d'affermir une culture transpartisane du contrôle. Il a appelé les membres du gouvernement à davantage prendre en compte les observations formulées par les rapporteurs spéciaux.

M. Jean Arthuis, président, a mis en exergue l'importance du suivi, soit lors d'auditions spécifiques, comme tel avait été le cas pour l'établissement public d'aménagement de la Défense (EPAD), soit par l'organisation de débats spécifiques en séance publique, par exemple dans le cadre de l'ordre du jour réservé.

Il a ajouté que l'exploitation des travaux de la Cour des comptes prenait une place accrue dans les activités de contrôle budgétaire, en soulignant que, pour la première fois, un membre du gouvernement serait auditionné par la commission sur un référé de la Cour des comptes, le 19 juin 2008, concernant la fusion entre l'agence nationale pour l'emploi (ANPE) et l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC).

M. Thierry Foucaud a donné son accord pour cosigner le rapport d'information en tant que membre du bureau, en observant que le contrôle budgétaire constituait une mission utile du Parlement, même s'il pouvait, à titre personnel, se démarquer des analyses ainsi formulées par la majorité de la commission. Par ailleurs, il a estimé que le travail des commissions d'enquête ne pouvait pas se substituer aux activités de contrôle, en rappelant que le groupe communiste, républicain et citoyen avait demandé la constitution d'une commission d'enquête sur la European Aeronautic Defence and Space (EADS) et que cette demande n'avait pas abouti, ce qu'il regrettait.

M. Jean Arthuis, président, a mis en avant les limites inhérentes à une commission d'enquête, notamment l'impossibilité de se prononcer sur des faits susceptibles de donner lieu à des poursuites judiciaires.

M. Marc Massion a confirmé son accord pour cosigner le rapport, en relevant la diversité de l'implication des rapporteurs spéciaux dans la conduite des activités de contrôle.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que l'ensemble des membres de la commission étaient rapporteurs spéciaux et avaient donc, à ce titre, mené des missions de contrôle.

Tout en se félicitant de la qualité du projet de rapport adressé préalablement à tous les membres de la commission, Mme Nicole Bricq a mis l'accent sur le fait que le Parlement disposait de droits dont il devait faire un large usage, à l'instar de ce que faisait la commission.

M. Michel Charasse a noté que le projet de rapport faisait ressortir l'absence d'obstacles à l'exercice du contrôle, ainsi que la mise en place de relations de travail régulières avec la Cour des comptes. Puis il a proposé que, suivant une pratique qu'il appliquait lui-même, les rapporteurs spéciaux adressent à titre personnel, avant publication, copie de leurs observations à l'ensemble des autorités concernées, lesquelles pourraient répondre dans une annexe jointe au rapport.

M. Jean Arthuis, président, a relevé qu'il appartenait à chacun des rapporteurs spéciaux d'organiser une discussion, le cas échéant contradictoire, avec les administrations contrôlées. Citant une lettre adressée à M. Adrien Gouteyron en sa qualité de rapporteur spécial par M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, il a montré que la reprise des propositions formulées par les sénateurs, et plus largement, l'exécution de leurs recommandations et des décisions prises en loi de finances incombaient à chacun des rapporteurs spéciaux et qu'elle était suivie d'effets réels.

M. Jean-Jacques Jégou a souligné que le contrôle portait sur l'efficacité de l'administration, ce qui impliquait une autre approche que la seule diminution des crédits et des emplois publics.

Puis il a fait référence à ses travaux sur le dossier médical personnel (DMP) pour souligner les insuffisances de certaines réformes administratives, à contre-courant de l'analyse parfois formulée ab initio par les ministères.

M. Jean Arthuis, président, a donc invité les rapporteurs spéciaux à faire preuve de pugnacité vis-à vis de l'administration.

M. Michel Charasse a évoqué la frontière souvent ténue entre le contrôle en opportunité, qu'il se refusait de conduire, et le bon emploi des deniers publics qui constituait, pour la politique publique contrôlée, une des missions fondamentales des rapporteurs spéciaux.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé le caractère par nature politique de l'analyse conduite par les rapporteurs spéciaux.

Evoquant de nouveau ses analyses sur le DMP, M. Jean-Jacques Jégou a souligné l'intérêt d'associer les autres commissions à ce travail de contrôle afin de permettre l'émergence d'une culture commune.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé la coordination systématique des travaux menés avec les cinq autres commissions permanentes, soulignant qu'elles l'avaient auditionné à plusieurs reprises, notamment sur la mise en oeuvre de la réforme budgétaire.

Faisant référence à la discussion à venir du projet de loi de révision constitutionnelle, il a montré qu'un plus large partage, avec le gouvernement, de l'ordre du jour des séances publiques impliquerait de nouvelles responsabilités pour le Parlement.

La commission a enfin décidé, à l'unanimité, la publication de ses travaux sous forme d'un rapport d'information cosigné par l'ensemble des membres de son bureau.

Mercredi 4 juin 2008

- Présidence de M. Jean Arthuis, président. -

Modernisation des institutions de la Ve République - Suite de l'échange de vues

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a poursuivi l'échange de vues sur le projet de loi constitutionnelle n° 365 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la VRépublique.

M. Jean Arthuis, président, a présenté les différents articles du projet de loi constitutionnelle qui auraient une influence directe sur le travail de la commission.

M. Jean Arthuis, président, a précisé que l'article 4 créait une commission ad hoc chargée de se prononcer sur un certain nombre de nominations. Il a indiqué qu'elle était composée, dans la rédaction de l'Assemblée nationale, de la réunion des deux commissions permanentes compétentes de chaque assemblée et que son champ excluait les nominations de hauts fonctionnaires mais comprenait celles dans les établissements publics nationaux, les entreprises publiques ou les autorités administratives indépendantes.

Il a souligné la difficulté de réunir les commissions respectives des deux assemblées et que la commission ad hoc aurait un droit de veto sur les nominations, à une majorité des trois cinquièmes.

La commission s'est interrogée sur la liste des postes pour lesquels la nomination serait soumise à la commission ad hoc, sur les commissions permanentes concernées, sur l'opportunité de renvoyer au règlement des assemblées pour en préciser le mode de fonctionnement et sur la nécessité d'introduire un quorum.

M. Jean Arthuis, président, a ensuite évoqué l'article 9 qui détaillait les missions du Parlement : il vote la loi, contrôle l'action du gouvernement et concourt à l'évaluation des politiques publiques.

Il a estimé qu'il était indispensable de préciser que le Parlement évaluait ces politiques.

La commission a estimé que cet article devait être traité en cohérence avec l'article 21 concernant le rôle de la Cour des comptes et qu'il devait être prévu, dans la mesure où la souveraineté ne se partageait pas, que le Parlement « évalue » les politiques publiques, et non pas « concourt » à cette évaluation. La commission a ainsi souhaité qu'une initiative en ce sens puisse être prise par ceux de ses membres qui, à titre personnel, le souhaiteraient.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que l'article 11 élargissait le champ des lois de programme qui devenaient des lois de programmation, et qu'il serait ainsi désormais possible de voter de tels textes dans le domaine des finances publiques, ces lois s'inscrivant dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques.

La commission s'est interrogée sur la portée de ces dispositions, notamment au regard des engagements déjà souscrits, en ce sens, au niveau européen.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que l'article 16 posait le principe de la discussion en séance sur le texte de la commission, et non plus sur celui du gouvernement ou transmis par l'autre assemblée. Il a souligné que c'était la généralisation à tous les textes de ce qui était déjà pratiqué pour les propositions de loi sénatoriales en première lecture. Il a estimé que cette réforme allait incontestablement dans le sens d'un renforcement du rôle des commissions, mais qu'il conviendrait de réfléchir à la place du gouvernement lors de ces travaux, ainsi qu'aux modalités d'application de l'article 40 de la Constitution relatif à la recevabilité financière des initiatives parlementaires. Il a ajouté qu'un délai de six semaines était prévu pour l'examen devant la première assemblée saisie, et qu'un autre de trois semaines était laissé pour l'examen devant la seconde assemblée. Il a précisé que ces règles ne s'appliquaient ni aux projets de loi de finances, ni aux projets de loi de financement de la sécurité sociale.

En outre, il a précisé que cet article devait se lire en liaison avec l'article 18 qui posait le principe du droit d'amendement en commission, droit qui devait être défini par une loi organique.

La commission s'est interrogée sur l'utilité de l'article 40 de la Constitution, sur le caractère réel et sérieux des gages proposés pour compenser une perte de ressources induite par un amendement parlementaire, et sur l'adéquation entre les délais fixés par l'article 16 précité et les contraintes inhérentes au débat parlementaire.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué qu'à titre personnel, il déposerait un amendement de suppression de l'article 40 de la Constitution afin de faire « vivre en séance » le débat sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires.

M. Jean Arthuis, président, a ensuite souligné que l'article 17 augmentait le plafond du nombre des commissions de six à huit. A cet égard, il a estimé qu'il n'était pas nécessaire de créer une commission du contrôle budgétaire, car le contrôle était, selon lui, inséparable de la législation.

La commission s'est interrogée sur la possibilité de créer une commission de l'environnement et du développement durable, ou une commission des collectivités territoriales, de transformer la délégation à l'Union européenne en commission permanente, ainsi que de constituer des sous-commissions, par exemple en charge du droit financier et bancaire dont les enjeux sont très importants.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que l'article 21 précisait les missions de la Cour des comptes, qui avait un rôle d'assistance au Parlement. Il a souligné que la rédaction hiérarchisait bien les rôles respectifs du Parlement et de la Cour des comptes.

La commission s'est interrogée sur la possibilité pour la Cour des comptes de cumuler ses fonctions juridictionnelles, son rôle de conseil du gouvernement comme du Parlement et sa mission de certification des comptes de l'Etat et de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que l'article 22 modifiait le mode de détermination de l'ordre du jour et qu'à l'initiative de l'Assemblée nationale, une semaine sur quatre serait réservée, par priorité, aux travaux de contrôle et d'évaluation, précision opportune compte tenu de la place très large dévolue à l'initiative parlementaire dans le projet de révision constitutionnelle.

La commission s'est interrogée sur la portée de ces dispositions et sur la place, en définitive, accordée aux activités de contrôle.

La commission a ensuite évoqué des dispositions qui pourraient être insérées au sein du texte adopté par l'Assemblée nationale.

La commission a tout d'abord estimé utile que soit évoquée la question de la « compétence exclusive » des projets de loi de finances en matière de fiscalité et des projets de loi de financement de la sécurité sociale en matière d'exonération des cotisations sociales.

Elle a également souhaité que soit examinée une disposition qui permette la consolidation du volet « recettes » des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale : il s'agirait donc de fusionner la première partie du projet de loi de finances avec la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin d'avoir une vision consolidée des prélèvements obligatoires.

Enfin, après que M. Jean Arthuis, président, a rappelé qu'il déposerait, à titre personnel, un amendement de suppression de l'article 40 de la Constitution, Mmes Nicole Bricq et Marie-France Beaufils se sont interrogées sur l'utilité qu'il y aurait à renforcer le caractère substantiel des mesures servant à gager les diminutions de recettes.

M. Gérard Longuet s'est interrogé sur le statut des suppléants des parlementaires acceptant une fonction ministérielle et sur la possibilité pour un ministre démissionnaire de retrouver son siège de parlementaire.

M. Yann Gaillard a estimé que cette perspective renvoyait à la pratique de la IVRépublique, marquée par une forte instabilité ministérielle.

A l'issue de cet échange de vue, le président Jean Arthuis a rappelé que, la commission ayant décidé de ne pas se saisir pour avis de ce projet de loi constitutionnelle, il allait proposer à ceux des membres de la commission qui le souhaitaient de s'associer, à titre personnel, à trois amendements qu'il entendait déposer, ainsi que le rapporteur général, portant respectivement :

- à l'article 9, sur le rôle du Parlement dans l'évaluation des politiques publiques ;

- à l'article 11, sur la compétence de principe reconnue respectivement au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale en matière de fiscalité et d'exonération de cotisations sociales, le cas échéant, en liaison avec les membres intéressés de la commission des affaires sociales ;

- à l'article 11, sur la consolidation de la présentation et du vote des prélèvements obligatoires, qu'ils soient fiscaux ou sociaux.

La commission lui a alors donné acte, à l'unanimité, sur le principe d'une telle démarche, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen déclarant réserver leur accord, sur le fond, à l'examen approfondi des amendements qui leur seraient effectivement présentés.

Finances publiques - Certification des comptes de l'Etat et exécution budgétaire pour 2007 - Audition de MM. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, Christian Babusiaux, Président de la 1ère chambre de la Cour des comptes, et Patrick Lefas, Conseiller-maître à la Cour des comptes

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de MM. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, Christian Babusiaux, Président de la 1ère chambre de la Cour des comptes, et Patrick Lefas, Conseiller-maître à la Cour des comptes, portant sur les rapports relatifs à la certification des comptes de l'Etat pour 2007 et à l'exécution budgétaire de 2007.

M. Jean Arthuis, président, s'est félicité de ce que M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, vienne présenter les deux rapports que la Cour venait de faire paraître, dans la perspective de l'examen par le Parlement du projet de loi de règlement pour 2007. Il a estimé que cet exercice, jadis rituel, devait être, selon la formule désormais consacrée, le « moment de vérité budgétaire ». Il a remercié le Premier président pour les notes sur l'exécution budgétaire transmises à la commission, dont tous les rapporteurs spéciaux concernés avaient été destinataires. Il a souligné que pour la deuxième année consécutive, la Cour des comptes présentait la façon dont elle avait accompli ses diligences en matière de certification des comptes. Elle n'avait émis que 12 réserves, soit une de moins que l'année dernière, et le président s'est interrogé sur la manière dont cette diminution devait être interprétée. Il a déclaré que les travaux de la Cour des comptes contribueraient à alimenter les débats que la commission allait ouvrir à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement de l'exercice 2007, tant en séance plénière que dans le cadre des auditions publiques ouvertes à tous les sénateurs.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a indiqué que la Cour des comptes attachait le plus grand prix à sa mission d'assistance au Parlement, et qu'elle se félicitait à cet égard de la confiance que lui faisait le Sénat, et plus particulièrement la commission. Aux deux rapports présentés ce jour, s'ajouterait à la fin du mois de juin un troisième rapport, portant sur la situation et les perspectives des finances publiques, destiné à apporter de nouveaux éclairages sur l'ensemble des finances publiques à la veille du débat d'orientation budgétaire pour 2008.

Il rappelé que l'exercice 2007 correspondait seulement au deuxième compte général de l'Etat établi selon les nouvelles normes comptables. Il a estimé que les états financiers relatifs à l'année 2007 étaient plus riches que les précédents, et appelés à s'enrichir encore dans les années à venir. Il a jugé qu'en conséquence, il faudrait quelques années supplémentaires pour que les comparaisons d'un exercice à l'autre aient une réelle signification.

Il a indiqué qu'en comptabilité générale, c'est-à-dire dans un cadre qui prenait en compte l'ensemble des droits et des obligations de l'Etat, et non seulement ses encaissements et ses décaissements, le résultat de l'exercice 2007 s'établissait à - 41,4 milliards d'euros, contre - 31,6 milliards d'euros en 2006, soit une dégradation de près de 10 milliards d'euros. Cette dégradation aurait été encore plus importante si l'Etat n'avait pas enregistré un produit exceptionnel lié à l'opération de règlement de ses dettes vis-à-vis de la sécurité sociale, pour 5 milliards d'euros. Elle provenait d'une augmentation importante des charges de personnel et financières nettes de, respectivement, 5,3 milliards d'euros et 13 milliards d'euros. On observe une diminution de 4 milliards d'euros des produits de fonctionnement, due pour l'essentiel à la baisse des produits de cession de participation. Il a souligné que la hausse des charges de fonctionnement nettes des produits de même nature était de 6,5 %, ce qui contrastait avec l'apparente maîtrise des dépenses qui ressortait des données de comptabilité budgétaire. Pour ce qui était des produits régaliens, on constate aussi une baisse de l'impôt sur le revenu de 4 milliards d'euros.

S'agissant du bilan, également soumis à l'approbation du Parlement, l'actif s'établit fin 2007 à 555 milliards d'euros, soit une progression de 21 milliards d'euros, cette progression étant, pour une large part, liée aux immobilisations, comme les routes ou les constructions, qui ont été fortement réévaluées par rapport à 2006. Il a indiqué que le passif, pour sa part, avait davantage augmenté, passant de 1.127 milliards d'euros à 1.211 milliards d'euros, en raison, non seulement de l'alourdissement de la dette « financière », de plus de 51 milliards d'euros, mais aussi d'une hausse de 16 milliards d'euros des dettes non financières, et d'une hausse de près de 12 milliards d'euros des provisions pour risques et charges, dont une part importante risquait de se transformer en dette non financière. Il a ajouté qu'au total, la situation nette de l'Etat s'établissait fin 2007 à - 656 milliards d'euros, plus défavorable qu'en 2006 de 63 milliards d'euros.

Il a souligné que la Cour des comptes avait, concernant les comptes de l'Etat, quatre options possibles : se déclarer dans l'impossibilité de certifier, refuser de certifier, certifier avec réserves ou certifier sans réserve. Il a rappelé qu'elle avait certifié les comptes de 2006 avec 13 réserves substantielles. Il a estimé que ces réserves traduisaient, avant tout, le fait que « tout ne pouvait pas être parfait » dès le premier exercice, et qu'en conséquence, la Cour des comptes avait préféré accompagner la réforme, plutôt que d'en sanctionner l'inachèvement en refusant de certifier. Il a déclaré que la Cour des comptes avait raisonné de la même façon s'agissant des comptes de 2007.

A l'automne 2007, des « missions intermédiaires » se sont traduites par l'envoi à l'administration d'une quarantaine de rapports contenant plus de 500 recommandations et points d'attention. Puis, en mars et avril 2008, la Cour des comptes a mené, dans un laps de temps très resserré, des « missions finales », qui ont débouché sur 232 observations d'audit, dont un grand nombre ont été prises en compte par l'administration, d'où des ajustements et des reclassements de plusieurs milliards d'euros.

Il a déclaré que des progrès notables avaient été accomplis par l'administration en 2007, qui avaient conduit à la levée de 3 des 13 réserves substantielles formulées sur les comptes de 2006. Ces trois réserves substantielles concernaient la comptabilisation des contrats d'échange de taux d'intérêt pour la gestion de la dette de l'Etat, celle du réseau routier national -dont les enjeux financiers dépassaient les 110 milliards d'euros- et les comptes des pouvoirs publics, qui n'étaient pas intégrés dans le compte général de l'Etat. Sur ce dernier point, il a estimé que la commission n'était pas étrangère aux « progrès significatifs » enregistrés en la matière pour le Sénat, et s'est félicité de ce que la Présidence de la République se soit engagée à soumettre à la Cour des comptes, à partir de l'exercice 2008, l'examen de sa gestion et de ses comptes.

Il a indiqué que la Cour des comptes avait décidé de certifier les comptes de l'Etat de 2007 sous 12 réserves : 9 réserves substantielles, dont il a évoqué les deux premières, transversales et communes à l'ensemble des ministères (l'insuffisance des systèmes d'information financière et comptable de l'Etat, ainsi que du contrôle et de l'audit internes) ; et 3 réserves nouvelles, considérées comme non substantielles, portant sur les comptes de trésorerie, sur les provisions pour risques et sur diverses procédures d'inventaire.

Il a estimé que le travail fourni par les administrations et par la Cour des comptes contribuait à éclairer certaines décisions, soulignant, à titre d'exemple, que le ministère de la défense ne savait pas valoriser certains de ses actifs, comme le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle, ou ses navires de surface. Des programmes en développement aussi importants que le futur avion de transport A 400 M, les frégates multi-missions, l'hélicoptère Tigre ou le missile nucléaire M 51 ne sont pas encore correctement valorisés dans les comptes, ce qui faisait l'objet de la troisième réserve.

Certaines des réserves formulées par la Cour des comptes touchent à des problèmes tels qu'il faudrait du temps avant de parvenir à les résoudre, en particulier les systèmes d'information. Par contre, d'autres insuffisances peuvent être réglées rapidement. En conséquence, « à l'avenir, si l'effort se relâchait, si les engagements n'étaient pas tenus, la Cour ne se sentirait pas prisonnière de sa position actuelle ».

M. Philippe Séguin a ensuite présenté le second rapport, portant sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour 2007.

Il a jugé qu'il était inutile d'entrer dans une vaine polémique pour déterminer quel était le « vrai » niveau de déficit budgétaire pour 2007, considérant ce débat inévitable en l'absence d'un référentiel budgétaire adéquat, que la Cour des comptes appelle de ses voeux. Il a souligné que le gouvernement avançait deux chiffres : 34,7 milliards d'euros en comptant les recettes exceptionnelles issues de la cession de titres EDF, et 38,4 milliards d'euros sans les intégrer. Il a relevé que le gouvernement mettait, par ailleurs, l'accent sur l'amélioration du solde en exécution fin 2007 par rapport au solde prévu par la loi de finances initiale pour 2007.

Il a considéré que cette présentation n'était pas suffisante, estimant que si l'on voulait approcher au plus près de la réalité, on devait comparer le déficit en exécution fin 2007 avec le déficit en exécution fin 2006, c'est-à-dire 34,7 milliards d'euros pour 2007 et 39 milliards d'euros pour 2006. Il a jugé que cette amélioration apparente, de 4,3 milliards d'euros, devait être interprétée avec prudence. En comptabilité générale, le déficit était passé de 31,6 milliards d'euros en 2006 à 41,4 milliards d'euros en 2007, soit une dégradation de 9,8 milliards d'euros, de sorte que « l'amélioration de la situation budgétaire » n'était qu'« apparente ».

Il a indiqué que le gouvernement a eu recours à un certain nombre d'opérations pour « enjoliver » le résultat budgétaire, comme le financement par le Crédit foncier des primes dues aux banques lors de la clôture des plans d'épargne, soit près de 600 millions d'euros. Il a critiqué les modalités de prise en compte, en comptabilité budgétaire, du montage financier auquel l'Etat avait eu recours pour régler une partie de ses dettes envers la sécurité sociale. Cette opération, entièrement réalisée en comptabilité générale, aurait dû figurer en comptabilité budgétaire, et donc accroître le déficit. Il a craint que cette opération ne demeure pas exceptionnelle, le déficit ainsi apuré étant déjà en voie de reconstitution, ce qui serait de nature à aggraver « l'effritement de la signification et de la portée de l'acte budgétaire ». Il a déploré les reports de charges sur 2008, indiquant que la dette non financière de l'Etat exigible à la fin de 2007 s'élevait à 7,5 milliards d'euros. Il a souligné que le déficit budgétaire avait également été limité par la mobilisation de recettes exceptionnelles, bien au-delà des évaluations de la loi de finances initiale, comme la cession de titres EDF, à hauteur de 3,7 milliards d'euros, destinés en principe au financement des universités. De même des recettes non fiscales supplémentaires ont été mobilisées pour « boucler » le budget, alors même que la progression spontanée des recettes fiscales était satisfaisante.

Tout cela montre bien les limites de la signification du seul solde budgétaire dans la mesure où « en réalité les principaux équilibres [se sont] dégradés ».

Si la norme d'augmentation des dépenses, fixée pour 2007 à 0,8 % en euros courants, avait bien été respectée, c'était en grande partie grâce aux opérations traitées de façon extrabudgétaire et aux reports de charges sur 2008. Il a déploré le caractère partiel de cette norme, qui ne couvre que la moitié des dépenses de l'Etat. La Cour des comptes recommande depuis plusieurs années que ce périmètre soit élargi à certains prélèvements sur recettes, à des dépenses financées par des ressources affectées, aux remboursements et dégrèvements d'impôts quand ils sont assimilables à des dépenses, et aux dépenses effectuées sur certains comptes spéciaux. Si certaines de ces demandes ont été prises en compte en 2008, il conviendrait de poursuivre pour 2009 ce « mouvement vertueux » d'élargissement de la norme.

L'absence de norme d'évolution des dépenses fiscales explique, en partie, les difficultés budgétaires de l'Etat, dépenses qui doivent relever des seules lois de finances ou lois de financement de la Sécurité sociale. A défaut, il faudrait limiter leur durée de vie, ce qui obligerait à un vote pour leur reconduction éventuelle. Il a jugé que toute dépense fiscale nouvelle devait donner lieu à évaluation.

Si le plafond global d'emplois est en réduction en loi de finances initiale de près de 68.000 équivalents temps pleins travaillés (ETPT), cela représentait moins de 3 % des 2 millions d'ETPT, et, pour l'essentiel, résulte de transferts d'emplois aux collectivités territoriales. De même, si la loi de finances initiale pour 2008 prévoit une nouvelle réduction de plus de 80.000 ETPT, les deux tiers résultent également de transferts vers les collectivités territoriales.

La situation des recettes est également problématique, avec une légère diminution des recettes fiscales nettes (- 0,5 %), pour la deuxième année consécutive, alors que ces recettes stagnaient depuis 2004, situation inédite dans l'histoire récente de nos finances publiques. Ce phénomène vient du fait que, si en 2007 la croissance avait suscité 16,4 milliards d'euros supplémentaires par rapport à 2006, ceux-ci ont été intégralement annulés par des baisses d'impôts, décidées par le précédent gouvernement.

Il a considéré qu'en conséquence, on se trouvait face à un « effet de ciseaux », avec des recettes fiscales nettes qui stagnaient et des dépenses, au sens large, qui restaient dynamiques.

Il a déploré la sous-budgétisation de certains postes, qui a suscité l'ouverture en cours d'année par décrets d'avance de nouveaux crédits, souvent dans des conditions peu respectueuses des règles budgétaires, ainsi que des reports de charges sur l'exercice suivant. Il a regretté que l'une des innovations de la LOLF, l'établissement du budget en autorisations d'engagement qui doivent donner une vision pluriannuelle, et en crédits de paiement valables pour l'année, soit restée lettre morte, des engagements étant pris sans que des autorisations d'engagement n'aient été ouvertes.

Il a déclaré que la notion de budget paraissait « dangereusement s'effriter », la disparition des chapitres et articles et leur remplacement par les missions et programmes s'étant accompagnés d'une dégradation de l'information budgétaire, là où la LOLF souhaitait plus de transparence. Il est donc nécessaire de mettre rapidement à niveau les systèmes d'information pour bénéficier de tous les avantages de la nouvelle nomenclature, sans perdre la précision et la fiabilité de l'information nécessaire au suivi de la loi de finances.

En ce qui concerne la performance, il a indiqué que la Cour des comptes avait examiné les 34 missions du budget général, ainsi que les budgets annexes et les principaux comptes spéciaux, et conduit une analyse plus approfondie de 14 programmes. Il a considéré que le nombre de programmes, 132, était trop élevé, de nombreux gestionnaires ne disposant pas d'une « masse critique » suffisante pour faire jouer les mécanismes de « fongibilité » des crédits. Des progrès substantiels concernant la comptabilité d'analyse des coûts, très lacunaire, et en matière de contrôle de gestion et de mesure de la performance doivent être accomplis. Les indicateurs sont manifestement trop nombreux, renseignés de façon partielle et souvent non sécurisée ; globalement, la lecture des indicateurs ne permet pas de dégager une appréciation sur l'amélioration des performances des administrations. De même, les délais de fabrication des rapports annuels de performances sont trop longs pour leur permettre leur utilisation dans le dialogue budgétaire avec le ministère du budget.

L'Etat est encore largement dans la phase de mise en place des outils et des méthodes, et de nombreuses potentialités de la LOLF n'ont pas encore pris corps. Si l'effort fourni a été considérable, il ne doit surtout pas être relâché, sous peine d'en perdre tout le bénéfice.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné la complémentarité des rôles de la Cour des comptes et du Sénat, la première alimentant les travaux du second, de même, supposait-il, que les travaux du Parlement alimentaient ceux de la Cour des comptes. Il a souhaité connaître les analyses de la Cour des comptes sur la tendance de l'Etat à contourner la norme de dépenses par la débudgétisation au profit d'organismes divers d'administration centrale (ODAC), qu'il avait qualifiée d' « agencisation » de l'Etat, et sur l'intégration éventuelle des allégements fiscaux et sociaux dans le champ exclusif de compétences des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Il a jugé qu'après les importants allégements fiscaux et sociaux entrés en vigueur en 2008, l'année 2009 serait cruciale pour le retour à l'équilibre des finances publiques.

M. Jean Arthuis, président, s'est déclaré favorable à la modification de la Constitution proposée par le rapporteur général.

Pour M. Philippe Séguin, les préoccupations de la Cour des comptes rejoignent celles de la commission. Ainsi, dans le prochain rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes proposerait d'intégrer des données consolidées pour l'Etat et les ODAC dans les documents budgétaires. Il a envisagé qu'à compter de 2009, il présente à la commission le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques en même temps que les rapports relatifs à la certification des comptes de l'Etat et à l'exécution budgétaire, afin d'éviter de scinder artificiellement la discussion. Il a déploré que la dépense fiscale serve à contourner la norme de dépenses, et jugé que le Parlement devait jouer à cet égard un rôle de « garde-fou ».

MM. Michel Charasse et Jean-Jacques Jégou ont déclaré partager les préoccupations du Premier président quant aux dépenses fiscales. M. Michel Charasse a envisagé que la dépense fiscale soit intégrée à la norme de dépenses.

M. Christian Babusiaux, Président de la 1ère chambre de la Cour des comptes, s'est interrogé sur la faisabilité technique d'une telle intégration. Il a regretté que les obligations fiscales de l'Etat ne soient pas présentées en diminution des produits bruts fiscaux de ces impôts, et considéré que les systèmes informatiques de l'Etat ne permettaient pas de suivre ces obligations fiscales.

M. Eric Doligé s'est interrogé sur le degré de contrôle de la Cour des comptes sur la compensation des transferts de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales, et a souhaité savoir si l'Etat avait réévalué ses actifs routiers avant ou après le transfert d'une partie des routes nationales aux départements.

M. Philippe Séguin a indiqué que le prochain rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques aborderait les transferts de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales, de même que leur contribution au solde des administrations publiques.

M. Christian Babusiaux a précisé que la Cour des comptes n'avait pas audité les évaluations des transferts de compétences du gouvernement, et que ces évaluations concernaient la seule année du transfert de compétences. La réévaluation, par l'Etat, de ses actifs routiers, est postérieure au transfert d'une partie des routes nationales aux départements, réalisée au début de l'année 2006.

M. Jean-Jacques Jégou s'est félicité de la convergence des analyses de la Cour des comptes avec celles de la commission. Il a considéré que, compte tenu du faible montant de ses crédits, la mission « Santé » devait disparaître. Il a déploré les modalités du règlement des dettes de l'Etat vis-à-vis de la sécurité sociale réalisé en 2007 et regretté que le financement du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA) ne soit toujours pas assuré.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'opportunité d'une certification, par la Cour des comptes, de comptes consolidés.

M. Philippe Séguin a proposé de présenter devant la commission le prochain rapport de certification des comptes de la sécurité sociale. Il a jugé que les missions « Santé » et « Sécurité sanitaire » pourraient être regroupées.

M. Patrick Lefas, Conseiller-maître à la Cour des comptes, a souligné qu'une certification de comptes consolidés impliquerait l'existence de normes de consolidation, et estimé qu'une telle consolidation ne pourrait être étendue à la sécurité sociale.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur la septième réserve substantielle de la Cour des comptes, qui déplorait l'exclusion du périmètre comptable de l'Etat de la section des fonds d'épargne centralisée à la Caisse des dépôts et consignations.

M. Philippe Séguin a estimé que l'administration ne faisait pas preuve d'un grand volontarisme à cet égard. 

M. Christian Babusiaux a considéré que le gouvernement reconnaissait la nécessité de rattacher les fonds d'épargne aux comptes de l'Etat ou à ceux de la Caisse des dépôts et consignations, mais estimait que la question ne pourrait être abordée qu'après l'ouverture à la concurrence du livret A.

M. Alain Lambert est revenu sur la notion d'« effritement » du principe de sincérité budgétaire, estimant que les gouvernements successifs profitaient de l'éclatement des comptes des administrations publiques pour communiquer sur les points les plus favorables. Il a déploré les insuffisances du système d'information comptable de l'Etat.

M. Philippe Séguin a estimé que l'avenir dirait si cet « effritement » du principe de sincérité budgétaire correspondait à un phénomène structurel, auquel cas, il y aurait lieu de s'inquiéter. Il a souligné le progrès constitué par la mise en place d'un compte patrimonial, et indiqué que la Cour des comptes réalisait actuellement une enquête sur le système d'information comptable de l'Etat.

M. Jean Arthuis, président, a envisagé d'inscrire dans la Constitution que la Cour des comptes se prononce sur la sincérité des comptes de l'Etat et de la sécurité sociale.

MM. Yann Gaillard et Jean-Jacques Jégou ont considéré qu'il s'agirait, pour la Cour des comptes, d'une responsabilité très lourde.

M. Philippe Séguin a estimé qu'une telle constitutionnalisation pourrait permettre au Conseil constitutionnel de préciser la définition de la sincérité budgétaire.

M. Jean Arthuis, président, a relevé qu'un certain manque de sincérité budgétaire avait contribué au déficit et à la dette actuels. Il a donc proposé que ceux des membres de la commission qui, à titre personnel le souhaiteraient, puissent cosigner un amendement au projet de loi constitutionnelle prévoyant que la Cour des comptes « exprime son opinion sur la sincérité des comptes de l'Etat et de la sécurité sociale ».

Jeudi 5 juin 2008

- Présidence de M. Jean Arthuis, président. -

Contrôle budgétaire - Suivi du contrôle du service des visas et de la politique immobilière - Audition de M. Patrick Stefanini, secrétaire général du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Patrick Stefanini, secrétaire général du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, sur les suites données au contrôle de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, sur le service des visas, ainsi que sur la politique immobilière du ministère.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé les conclusions du rapport d'information n° 353 (2006-2007) de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, sur le service des visas, issu d'une mission de contrôle menée en application de l'article 57 de la LOLF. Ce rapport soulignait, d'une part, l'ampleur de la fraude, dans certains Etats, concernant les documents nécessaires pour obtenir un visa et, d'autre part, l'importance des demandes de visas dans les pays émergents, où les consulats, en conséquence, étaient contraints soit d'allonger les délais de délivrance, soit de contingenter la demande. Sur la base de ces constats, le rapporteur spécial avait formulé douze recommandations. Un an après la constitution du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, il convient de dresser un premier bilan.

De plus, alors que la commission s'était interrogée, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2008, quant à l'efficacité du partage des rôles entre ce ministère de l'immigration et celui des affaires étrangères et européennes (MAEE), M. Jean Arthuis, président, a souhaité connaître les mesures prises afin d'assurer la cohérence de cette organisation administrative, notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », a fait état des constatations qu'il venait d'effectuer, mardi 3 juin 2008, au Caire, lors d'un contrôle sur pièces et sur place du service des visas du consulat général de France. Il a tout d'abord souligné la qualité de la motivation des agents qu'il avait rencontrés, malgré la lourdeur et les difficultés de leur tâche. Cependant, il a estimé que les observations consignées dans son rapport précité demeuraient valables, un an plus tard. Il a notamment cité la longueur des délais d'instruction des demandes de visas et l'insuffisante « externalisation » de certains aspects de la procédure. Ainsi, le consulat général du Caire avait pu déléguer la gestion des rendez-vous à une société privée, mais il attendait encore les décisions qui lui permettraient une semblable délégation s'agissant de la constitution des dossiers et de l'envoi des documents après examen.

Il a souligné combien il était important que les préconisations du Parlement soient suivies d'effets au sein des administrations, et qu'à tout le moins les obstacles rencontrés par ces dernières soient exposés.

M. Patrick Stefanini a alors repris les douze recommandations du rapporteur spécial, afin d'en présenter l'état de mise en oeuvre.

La première recommandation visait à la mise en place, par les consulats, d'objectifs stratégiques permettant une large ouverture aux visites touristiques, familiales et d'affaires. A cet égard, il a indiqué que la part des visas de circulation dans l'ensemble des visas délivrés avait augmenté, en 2007, par rapport à 2006, de 18 %. Ainsi, sur un total de 2 millions de visas, 300.000 étaient des visas de circulation, soit un taux de 14,9 % (contre 8,9 % en 2002).

La deuxième recommandation tendait à l'introduction d'un suivi, consulat par consulat, du taux de personnes éloignées du territoire national ayant bénéficié d'un visa. Il a fait valoir qu'un tel dispositif était impossible en l'état actuel des systèmes informatiques. De fait, on ne dispose encore que de statistiques globales : en 2007, 16 % des étrangers reconduits à la frontière avaient obtenu un visa délivré par les services consulaires français. Cependant, il a précisé qu'une nouvelle application informatique, prévue pour 2010, devrait permettre de satisfaire la demande du rapporteur spécial.

La troisième recommandation portait sur l'instauration, pour chaque consulat, d'un « tableau de bord » des délais d'attente des demandeurs de visa, assorti d'objectifs en ce domaine. Il a fait observer que la longueur des délais concernait généralement l'obtention par les demandeurs d'un rendez-vous : le traitement des dossiers après ce rendez-vous, en moyenne, ne nécessitait qu'une dizaine de jours. Pour l'essentiel, la réduction des délais lui paraissait donc pouvoir résulter de mesures d'externalisation des étapes préalables de la procédure, qu'il s'agisse de la constitution des dossiers ou des prises de rendez-vous.

La quatrième recommandation tenait à l'élaboration d'une justification « type » des refus de visas. Selon lui, la mise en oeuvre de cette recommandation conduirait à communiquer aux demandeurs le motif d'un refus, alors que le droit en vigueur n'imposait cette communication que dans les cas limitativement prévus par l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il a estimé que ce travail de justification risquerait d'accroître les tâches annexes des services des visas au détriment de leur « coeur de métier », c'est-à-dire l'analyse des risques migratoires.

La cinquième recommandation incitait l'administration à suivre systématiquement les avis de la commission de recours des visas. Cependant, il a rappelé la nature consultative des avis rendus par cette commission, qui intervient dans une phase précontentieuse de recours pour les demandeurs. Elle joue un rôle de « filtre » pour les recours contentieux : en 2007, sur 24.000 refus de visas, 4.000 ont occasionné une saisine de la commission, suivis de seulement 400 recours devant le Conseil d'Etat. Il a signalé que cette commission connaissait un début d'engorgement, expliquant la relative longueur -un an en moyenne- du traitement des dossiers. Au surplus, il a indiqué que le ministère de l'immigration attendait de prendre connaissance du rapport que le Premier ministre avait demandé au Conseil d'Etat sur les recours administratifs préalables obligatoires, dont le recours devant la commission de recours des visas faisait partie.

La sixième recommandation portait sur la réalisation de brochures d'information en direction des demandeurs et, à la fois, des personnes susceptibles de les héberger. Il a indiqué que de nombreux services des visas avaient mis en place un « espace visas » sur le site Internet de leur consulat, délivrant par ce moyen une information gratuite et évolutive. Une harmonisation de cette information serait prochainement organisée par le ministère de l'immigration. Celui-ci, en outre, a diffusé des « kits » d'information pour certains types de visas, en particulier les visas professionnels.

La septième recommandation tendait à donner leur plein effet aux vérifications des actes d'état civil effectuées par les consulats. Ainsi, dans les dossiers de regroupement familial, le rapporteur spécial avait préconisé que l'agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) suive les conclusions des consulats en matière de filiation. M. Patrick Stefanini a rappelé que les procédures de regroupement familial font intervenir l'ANAEM, à l'initiative des préfets, uniquement pour la justification des ressources et du logement des demandeurs en France. La vérification des pièces d'état civil relève de la seule compétence des services consulaires. Dans ces conditions, il lui est apparu que la recommandation précitée impliquait, d'une part, le renforcement de la coopération avec les services d'état civil des pays d'origine de l'immigration et, d'autre part, le développement de l'identification des demandeurs par empreintes génétiques (test « ADN »), dans les conditions fixées par la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, il a précisé que ce dernier dispositif n'avait pas encore été mis en pratique, le décret d'application de la loi du 20 novembre 2007 se trouvant en cours d'élaboration.

La huitième recommandation du rapporteur spécial incitait à la construction d'une culture de travail commune aux administrations préfectorales et consulaires intervenant dans le domaine de l'immigration, par la création d'un institut de formation ad hoc. Il a indiqué que le ministère de l'immigration avait organisé des échanges entre agents des préfectures et agents des consulats. Une adresse générique, commune aux services des étrangers des préfectures et aux services des visas des consulats, a également été mise en place. La « faisabilité » budgétaire de l'institut préconisé est à l'étude.

Partant du constat que le travail des administrations relatif à l'immigration économique n'était pas satisfaisant, la neuvième recommandation visait à ouvrir un « chantier » en vue que la France accueille les compétences et talents dont elle a véritablement besoin. A cet égard, il a indiqué que le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire avait réuni, le lundi 2 juin 2008, une trentaine d'ambassadeurs afin de faire le point sur l'exercice des compétences de son ministère, en particulier quant à l'organisation de l'immigration professionnelle. Dans ce cadre, il a été décidé d'accentuer l'effort de diffusion de l'information en direction des publics « cible » de l'immigration professionnelle, notamment des étudiants, et de promouvoir cette immigration grâce à une meilleure concertation avec le monde économique. Des objectifs quantitatifs de délivrance de visas ont été fixés.

La dixième recommandation tendait à la constitution d'une base de données commune aux consulats, préfectures et police de l'air et des frontières. M. Patrick Stefanini a précisé les contours de la nouvelle application informatique attendue pour 2010 en soulignant qu'elle serait également accessible aux agents préfectoraux et consulaires. Répondant à M. Jean Arthuis, président, il a indiqué que la consultation du système d'information Schengen (SIS) serait associée à cette nouvelle application.

La onzième recommandation prônait de généraliser, au moins aux 30 consulats les plus importants, l'externalisation des tâches annexes des services des visas. Il a mis en relief la pleine convergence de vues entre le rapporteur spécial et le ministère de l'immigration : en effet, la mesure devrait permettre aux services consulaires, non seulement de réaliser des économies d'emplois, mais encore et surtout de concentrer leur activité sur l'examen des risques migratoires. Il a indiqué que l'externalisation des prises de rendez-vous et de la constitution des dossiers des demandeurs de visas était d'ores et déjà effective pour les consulats français situés en Chine, en Inde, au Koweït, au Pakistan, en Russie et en Turquie ; elle le serait prochainement en Algérie. Pour les relevés biométriques, cependant, l'externalisation a pris du retard en raison des garanties requises en termes de protection de données à caractère personnel. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) devrait être saisie de la question dans le courant du mois de juin 2008.

50 emplois d'agents titulaires faisant défaut, selon les estimations du rapporteur spécial, dans les services des visas, la douzième de ses recommandations incitait à un redéploiement d'emplois entre administration centrale et consulats. Mais, le ministère de l'immigration n'étant pas compétent en ce domaine, M. Jean Arthuis, président, a indiqué que le sujet serait abordé lors de l'audition de M. Jean-Loup Kuhn-Delforge, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et européennes.

M. Patrick Stefanini a alors présenté les décisions prises par le conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008, en vue de clarifier la répartition des rôles entre le MAEE et le ministère de l'immigration. Le MAEE conserverait la maîtrise des visas diplomatiques, des visas liés aux procédures d'adoption internationale, ainsi que des visas dont la délivrance ou le refus serait motivé par des considérations de politique étrangère, la compétence de principe, en matière de visas, revenant désormais au ministère de l'immigration. Sur le plan pratique, il a attiré l'attention sur trois mesures qui devraient figurer dans le projet de loi de finances pour 2009.

En premier lieu, le rattachement des crédits budgétaires destinés à couvrir les frais d'équipements informatiques nécessaires à la gestion des visas a été décidé, a priori, au bénéfice du ministère de l'immigration.

En deuxième lieu, compte tenu de l'opposition du MAEE au transfert, au ministère de l'immigration, des agents des services des visas, il a été proposé que l'affectation de ces agents, à l'avenir, soit gérée conjointement par les deux ministères.

En troisième lieu, une affectation partielle au ministère de l'immigration du produit de la taxe sur la délivrance des visas a été envisagée. Il a rappelé que le MAEE bénéficie aujourd'hui de 50 % de ce produit.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a fait part de sa satisfaction, globalement, quant aux éléments que venait de présenter M. Patrick Stefanini. Ils témoignaient, à ses yeux, de la réalité de l'attention dont ses préconisations avaient fait l'objet, de la part du ministère de l'immigration. A ce titre, il a notamment salué le « pragmatisme » de la démarche mise en place en vue de rapprocher les services préfectoraux et les services consulaires, ainsi que les efforts déployés pour favoriser l'immigration professionnelle, en particulier auprès des étudiants. Il s'est également félicité de ce que le ministère de l'immigration ait obtenu le rattachement des crédits nécessaires à ses besoins informatiques, dont il avait soutenu la proposition, au nom de la commission, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2008.

Néanmoins, il a mis l'accent sur deux aspects qui, pour lui, restaient à améliorer. D'une part, il a signalé l'incompréhension, légitime à ses yeux, des demandeurs ayant bénéficié d'un avis favorable de la commission de recours des visas mais qui, pourtant, se voient refuser le visa demandé. D'autre part, il a exprimé son scepticisme quant au caractère « optimal » que revêtirait la gestion conjointe des agents des services des visas par le ministère de l'immigration et par le MAEE. Il a mis en doute la solidité des objections d'ordre technique présentées, par le MAEE, à l'encontre d'un rattachement exclusif de ces agents au ministère de l'immigration.

M. Jean Arthuis, président, a abondé en ce sens. Puis il a interrogé M. Patrick Stefanini sur la politique immobilière conduite par le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

M. Patrick Stefanini a tout d'abord rappelé que ce ministère, créé en 2007, n'avait constitué de manière effective son administration centrale qu'au début de l'année 2008. Il a précisé que cette administration regroupait des services qui relevaient auparavant du MAEE, du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, ainsi que du ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. En conséquence, son parc immobilier se présentait comme particulièrement « éclaté » : deux implantations en province, hébergeant 42 % de ses effectifs (soit environ 250 agents) et six implantations à Paris.

Dès le mois de juillet 2007, en liaison avec France Domaine, le ministère a recherché une implantation unique pour l'ensemble de ses services situés dans la capitale. La prise à bail d'un immeuble situé rue Laffitte, dans le IXe arrondissement, ancien siège de la société AREVA, était apparue comme une solution répondant « parfaitement » aux besoins. Le loyer annuel se serait élevé à 539 euros, hors taxes, par mètre carré. Cependant, le service France Domaine ayant émis un avis défavorable au projet, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique en a refusé la réalisation.

Par lettre en date du 17 janvier 2008, dont il a remis une copie à la commission, le Premier ministre a autorisé le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire à engager les négociations en vue de prendre à bail 8.000 m2 de bureaux dans un immeuble situé rue de Grenelle, dans le VIIe arrondissement, et mitoyen des locaux abritant le cabinet du ministre. Cette surface permettrait de loger, à la fois, les services parisiens du ministère et ceux de son principal opérateur, l'ANAEM, qui cèderait l'immeuble qu'elle occupe actuellement. Le loyer annuel serait de 768 euros par mètre carré, toutes taxes et charges comprises.

M. Jean Arthuis, président, a relevé le niveau élevé de ce loyer. M. Patrick Stefanini l'a toutefois relativisé en indiquant que le ministère de l'immigration, dans l'attente d'un site parisien unique, acquittait des loyers à hauteur de 808 euros par mètre carré (taxes et charges comprises) dans le quartier du boulevard Montparnasse, de 1.096 euros par mètre carré (taxes et charges comprises) dans le IXe arrondissement, et de 1.493 euros par mètre carré (taxes et charges comprises) rue de Rennes, dans le VIe arrondissement.

Cependant, il a indiqué que les services du ministre du budget étaient défavorables à la prise à bail projetée. En réponse à M. Paul Girod, rapporteur spécial de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », il a précisé que le service France Domaine n'était pas intervenu dans le montage de ce projet.

Il a indiqué qu'une autre implantation était par conséquent recherchée par le ministère de l'immigration. Il a précisé que son ministère travaillait sur l'hypothèse d'un regroupement des services rue Barbet-de-Jouy, dans le VIIe arrondissement. En tout état de cause, il a émis le voeu que la situation soit débloquée au stade de la présentation du projet de loi de finances pour 2009. Il a souligné que, pour le moment, la gestion immobilière du ministère était effectuée par le redéploiement de crédits que permettait la fongibilité budgétaire, la loi de finances initiale pour 2008 n'ayant pas prévu de crédits spécifiques en la matière.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité qu'une solution économe des deniers publics soit trouvée. A ce titre, il a rappelé l'importance du contrôle parlementaire sur l'action du gouvernement, en vue de renforcer la performance de celle-ci, qu'elle concerne la politique des visas aussi bien que la gestion immobilière.

Contrôle budgétaire - Suivi sur le service des visas - Audition de M. Jean-Loup Kuhn-Delforge, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et européennes

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jean-Loup Kuhn-Delforge, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et européennes, sur les suites données au contrôle de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, sur le service des visas.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la création du ministère de l'immigration intervenue avant la publication du rapport d'information sur le service des visas pouvait répondre aux souhaits du rapporteur spécial de mettre en cohérence le pilotage des administrations responsables des questions d'immigration, soulignant que l'exécutif avait choisi de faire des visas une compétence partagée entre deux ministères, celui de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et celui des affaires étrangères et européennes. Il a souhaité que cette audition puisse répondre aux interrogations qui se posent sur ce partage des compétences et sur le suivi des recommandations de la commission. Il a rappelé que le ministère des affaires étrangères et européennes s'était opposé au transfert des crédits informatiques relatifs aux visas vers le ministère chargé de l'immigration au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, mais que le Président de la République avait annoncé, au cours d'un conseil de modernisation des politiques publiques, une mise en cohérence de l'informatique relative à la politique de l'immigration, répondant en cela aux voeux formulés par M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que, dès 2007, le rapporteur spécial avait mis en lumière la fraude endémique qui sévit dans certains pays et le rallongement des délais d'obtention des visas. Il a ainsi souhaité que cette audition puisse apporter une clarification des attributions respectives du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et du ministère des affaires étrangères et européennes.

De retour d'une mission de contrôle sur place et sur pièces au Caire, au cours de laquelle il s'était rendu dans le service des visas, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a constaté la nécessité de renforcer la coopération entre les services consulaires et les préfectures, préconisant qu'une formation commune soit instaurée pour les fonctionnaires des deux ministères chargés de la gestion des visas. Il a indiqué que l'allongement des délais de traitement des visas, particulièrement choquant pour l'opinion, devait trouver une solution, notamment au Caire, grâce à la pratique de l'externalisation, par ailleurs très largement utilisée par le réseau consulaire britannique. Enfin, il a considéré que le transfert des crédits informatiques du ministère des affaires étrangères et européennes vers le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qu'il avait proposé dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, demeurait fondé dans son principe, ainsi que l'accroissement des moyens humains affectés au traitement des visas, dont il estime le nombre à 50 emplois équivalent à temps plein travaillé (ETPT).

M. Jean-Loup Kuhn-Delforge, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et européennes, a tout d'abord rappelé que le décret du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et, à cette date, du codéveloppement, posait le principe de la responsabilité conjointe de ce ministère avec celui des affaires étrangères et européennes dans la politique d'attribution des visas. Il s'est félicité à cet égard de l'excellence des relations entre les services de ces deux ministères en précisant qu'un premier transfert de 137 ETPT au profit du ministère chargé de l'immigration avait été effectué dès le 1er janvier 2008. Rappelant que le conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 avait consacré la responsabilité du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire dans la mise en oeuvre opérationnelle de la politique des visas, il a précisé que ni l'autorité des ambassadeurs, ni celle des consuls sur l'intégralité des services consulaires n'était remise en cause. Sur ce point, il a estimé que le transfert des personnels des services des visas vers le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ne serait pas une bonne solution, dans la mesure où la polyvalence des tâches effectuées par les agents consulaires les amenait à partager leur temps avec les autres métiers consulaires tels que l'état civil, ou les tâches de gestion. A ce titre, sur les 800 emplois affectés dans les services des visas, seuls, 400 à 450 d'entre eux sont affectés à plein temps au traitement des demandes de visa. Il a considéré que le partage des responsabilités entre les deux ministères ne posait pas de problème, les deux ministres définissant ensemble la politique des visas, comme l'a illustré l'affaire des réfugiés d'Irak. Il a ajouté qu'il devait être possible pour le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de donner des instructions directes au consulat sur la délivrance des visas et qu'un projet de décret était, à cet effet, en cours d'élaboration.

Revenant sur les procédures administratives, il a confirmé que le ministère des affaires étrangères et européennes avait donné son accord pour que les crédits informatiques soient transférés au ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire dans le prochain budget et que la mise en oeuvre de l'externalisation et de la biométrie fasse l'objet d'un copilotage interministériel. Il a appelé de ses voeux une collaboration respectueuse de l'intérêt supérieur du pays dans la définition de la politique des visas et a souhaité que la répartition des emplois dans les différents pays donne lieu à un examen global afin de faire correspondre les besoins en personnel avec l'évolution locale des demandes de visas.

M. Jean-Loup Kuhn-Delforge, a dressé un bilan de la mise en oeuvre des recommandations figurant dans le rapport de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, en indiquant que le ministère des affaires étrangères avait déjà engagé de nombreuses actions destinées à répondre aux préoccupations de la commission, avant même que la mise en oeuvre opérationnelle de la politique des visas ne soit confiée au ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Ainsi, il a indiqué que le nombre de visas de circulation délivré entre 2006 et 2007 avait d'ores et déjà augmenté de 18 % et que l'externalisation des tâches de prétraitement des dossiers vers les prestataires devait permettre, à terme, d'obtenir des gains de productivité afin d'assurer la mise en oeuvre d'une politique d'évaluation du risque migratoire ; le but étant de cibler les contrôles et les entretiens individuels sur les requérants présentant le plus de risques potentiels de séjours irréguliers en France, sur le modèle du « border agency » britannique.

Concernant les délais de délivrance des visas, il a souligné que l'externalisation avait d'ores et déjà permis de réduire de manière significative les délais d'attente des demandeurs de visas pour le dépôt de leur dossier, ce délai étant revenu de 2 mois et demi à douze jours à Shanghaï et de trois semaines à 3 jours à Moscou. L'information des demandeurs a également été améliorée par la diffusion sur les sites internet des postes consulaires d'une information en temps réel sur les formalités à accomplir. Ce procédé a été jugé préférable et plus efficace que l'impression de brochures dont les mises à jour ne pourraient suivre le rythme accéléré des modifications apportées aux conditions d'obtentions des visas. Enfin, afin de faciliter l'intégration d'une culture de travail commune aux administrations en relation avec les flux migratoires, il a précisé que le ministère des affaires étrangères et européennes disposait d'un Institut de formation consulaire qui était apte à accueillir les fonctionnaires du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

S'agissant des emplois, il a précisé qu'un rapport de la mission interministérielle d'audit de juin 2007 chargée d'évaluer les besoins inhérents au déploiement de la biométrie faisait apparaître un besoin en personnel de 144 ETPT, soit, après la création nette de 10 emplois avec l'appui de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, et le redéploiement de 23 emplois, un besoin final non satisfait de 111 ETPT.

M. Jean-Loup Kuhn-Delforge a ensuite développé trois points relatifs à l'évolution de la politique des visas sur le terrain. En premier lieu, il a indiqué que le réseau diplomatique et consulaire avait instruit en moyenne 2,4 millions de demandes de visas par an, avec une légère augmentation en 2007 résultant notamment de la forte progression des délivrances de visas de circulation et de visas pour des séjours de plus de trois mois. En deuxième lieu, l'augmentation du tarif de 35 à 60 euros des visas Schengen a fait passer en 2007 la recette du produit des visas de 78 à environ 115 millions d'euros. Enfin, il a relevé que le développement de la biométrie constituait un réel défi depuis la décision prise par le Comité interministériel de contrôle de l'immigration, le 5 décembre 2006, de généraliser l'expérimentation de la délivrance de visas biométriques.

La nécessité pour les demandeurs de comparaître personnellement, ainsi que la prise des empreintes digitales et la numérisation de la photographie ont pour conséquences d'augmenter le temps de traitement d'une demande et d'accroître les charges de personnel. C'est pourquoi il a indiqué que, dans un contexte de réduction des effectifs, l'externalisation devait poursuivre plusieurs objectifs :

- la limitation de la tension sur les effectifs des services consulaires par le transfert des tâches non régaliennes à un prestataire agréé ;

- l'amélioration de la qualité du service rendu, avec notamment la réduction des délais de délivrance des visas ;

- le renforcement de la lutte contre la fraude et l'élaboration de nouveaux outils d'investigation pour l'analyse du risque migratoire qui va être prochainement expérimentée à Shanghaï.

Enfin, en réponse à M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, sur l'absence d'amélioration des délais de traitement des visas au Caire, il a précisé que le lancement de la biométrie avait été décidé avant l'externalisation des tâches associées, ce qui expliquait les retards.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a précisé que sa recommandation tendant au recrutement de 50 ETPT devait être considérée comme une estimation et qu'en tout état de cause, les résultats de l'audit interministériel prévoyant un déficit d'emploi de 144 ETPT confirmaient ses orientations

En outre, il s'est demandé, d'une part, si le produit des droits de visa qui s'élève à 115 millions d'euros, comprend les droits versés aux opérateurs chargés de l'externalisation et, d'autre part, si un retour de cette somme vers le ministère chargé de l'immigration était prévu.

M. Jean-Loup Kuhn-Delforge a indiqué que le financement des opérateurs reposait intégralement sur un droit additionnel au droit de visa, rendant ainsi l'externalisation transparente sur le plan budgétaire. Il a ajouté que le retour vers le ministère des affaires étrangères et européennes du produit des visas s'élevait à 50 %, mais que ces fonds étaient versés au budget général du ministère, sans ligne budgétaire spécifique, ni ciblage particulier.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a souligné qu'au cours de ses missions de contrôle, il avait acquis la conviction que le nombre de fonctionnaires affectés à temps plein à la gestion des visas représentait une part plus importante que les 450 ETPT indiqués par les services du ministère des affaires étrangères et européennes.

M. Jean-Loup Kuhn-Delforge a précisé, sous réserve de vérification, que sur les 3.000 agents consulaires, 850 d'entre eux sont affectés au traitement des visas, répartis dans les 203 postes consulaires habilités à traiter les visas, dont 400 à 450 sont exclusivement affectés à ces tâches.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui s'interrogeait sur le nombre important d'agents affectés à temps partiel au service des visas, M. Jean-Loup Kuhn-Delforge a considéré que cette particularité trouvait son origine dans une politique de gestion des ressources humaines qui privilégie la polyvalence et l'enrichissement des tâches des agents. En outre, il a insisté sur le fait que la rotation des postes permettait également de lutter contre la fraude.

Enfin, M. Jean Arthuis, président, a regretté que de nombreux consulats des pays concernés par des opérations de reconduite à la frontière se montrent peu coopératifs avec les services préfectoraux, s'interrogeant ainsi sur les causes des manoeuvres dilatoires parfois pratiquées.

M. Jean-Loup Kuhn-Delforge a également déploré cette situation, tout en indiquant qu'elle reposait le plus souvent sur la qualité des rapports personnels entretenus par chacun des consuls avec la population des ressortissants de son pays.