Mardi 29 janvier 2008

- Présidence de M. Jean Arthuis, président, et de M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'union européenne

Union européenne - Activités économiques et financières - Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi

La commission a procédé, conjointement avec la délégation pour l'Union européenne, à l'audition de Mme Christine Lagarde.

M. Jean Arthuis, président, a précisé que cette audition, se tenant 6 mois avant le début de la présidence française de l'Union européenne, fournissait l'occasion d'évoquer des dossiers européens. Il a ainsi souhaité que Mme Christine Lagarde s'exprime à propos de l'accord concernant la proposition de directive sur le lieu de taxation de la TVA pour des services électroniques conclu lors du Conseil ECOFIN du 4 décembre 2007. Il a également invité la ministre à commenter l'appréciation de la Commission européenne sur l'évolution des comptes publics et de la dette. Puis, ayant jugé « assourdissant » le silence des institutions communautaires au sujet de la situation économique, il a demandé à Mme Christine Lagarde son appréciation de la crise des « subprimes » ainsi que son jugement quant à la nécessité de former un véritable « gouvernement économique européen ». Enfin, abordant la situation de la Société générale, qui a révélé, le 24 janvier 2008, une perte de l'ordre de 5 milliards d'euros dans de récentes opérations financières frauduleuses, il a demandé à la ministre des précisions sur les règles prudentielles qui permettraient de se prémunir contre de telles dérives.

Mme Christine Lagarde a tout d'abord rappelé qu'alors que moins d'un an auparavant, l'Union européenne semblait entrée dans une crise profonde, le compromis institutionnel traduit dans le traité de Lisbonne permettait désormais d'envisager l'avenir plus sereinement.

Dès l'origine, la crise des « subprimes » avait fait l'objet d'une étroite concertation au niveau européen : dès le 16 août 2007, M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, avait écrit à Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d'Allemagne, pour lui proposer une mobilisation internationale en réponse aux turbulences de marché. Elle a ensuite évoqué les différentes réunions des dirigeants européens, au cours du second semestre de l'année 2007, qui ont abouti, lors du Conseil ECOFIN du 4 décembre 2007, à l'élaboration d'une « feuille de route ambitieuse » en matière de correction des excès nés du développement de la titrisation sur les marchés financiers, dont les résultats sont attendus en 2008. Elle s'est également félicitée de ce que l'Europe ait porté un message convergent sur ce sujet au niveau international, notamment lors du G7 d'octobre 2007 et de ce que les pays européens inscrivent leur action dans un cadre coopératif, alors même que d'autres pays semblaient prendre des mesures unilatérales face aux turbulences des marchés.

Mme Christine Lagarde a observé que les Etats membres de l'Union européenne portaient un diagnostic commun sur la situation macro-économique, M. Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe, ayant ainsi récemment rappelé qu'aux yeux de l'ensemble de ses membres, la croissance européenne était « saine et solide ». De plus, si elle a reconnu que les Etats-Unis pourraient connaître un ralentissement, elle a estimé que l'Asie du Sud-Est, très dynamique, devrait contribuer à soutenir le commerce mondial en 2008.

Elle a ensuite énuméré les données qui fondent son « réalisme positif » sur l'état de l'économie française : bonne orientation de l'emploi en France et en Europe, stabilité de l'indice PMI manufacturier en Europe en décembre 2007, taux d'endettement des ménages maîtrisé en France et marché de l'immobilier correctement orienté. Sur ce dernier point, elle a salué les effets de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA), en particulier du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt d'acquisition de la résidence principale.

Puis, évoquant le contenu des réponses des Européens à l'évolution des marchés financiers, Mme Christine Lagarde s'est félicitée de l'action de la Banque centrale européenne (BCE), qui a su répondre aux besoins de liquidité du marché tout au long de l'automne 2007. Elle a également déclaré que les chefs d'Etats et de gouvernement réunis à Londres avec M. Jose Manuel Barroso, président de la Commission européenne, devaient affirmer l'existence d'un accord européen pour agir selon des principes fondamentaux :

- la transparence, qui doit s'appliquer à l'exposition des établissements financiers aux risques « subprimes » et, plus largement, aux montages de titrisation. Elle a jugé nécessaire une certaine standardisation des montages et des reporting, constatant toutefois que cette proposition ne faisait pas l'objet d'un consensus ;

- la responsabilisation des agences de notation. Elle a indiqué que, sous l'impulsion du G7, une revue du code de bonne conduite applicable à ces agences était en cours mais que, si cette initiative devait s'avérer insuffisante, la question de la régulation du secteur devrait être posée ;

- l'amélioration de la gestion des risques de liquidité, au travers de la mise en place, dans tous les pays européens, de groupes de travail sur des scénarios de crise afin de faciliter, le cas échéant, l'élaboration de réponses coordonnées ;

- le renforcement de l'intégration de la supervision financière au niveau européen, sujet prioritaire pour la France.

Elle a insisté sur la nécessité pour les Européens d'avancer sur ces thématiques de façon unie, à 27, estimant que la situation actuelle des marchés financiers et son éventuel impact sur « l'économie réelle » pourrait inciter les pays les plus réticents à s'engager dans cette voie.

Puis Mme Christine Lagarde est revenue sur les conclusions de la réunion de l'ECOFIN du 4 décembre 2007 concernant la TVA. Elle a estimé que cette réunion avait permis des avancées, la France ayant obtenu que la question de la TVA sur les produits « verts » et sur les services soit traitée durant la présidence française, au second semestre de 2008 et non en 2009, comme initialement envisagé. Au sujet de la TVA sur le commerce électronique, elle a expliqué qu'aux termes d'un accord politique ayant fait l'objet de longues négociations, le système actuel, à savoir l'imposition sur le lieu du prestataire et non sur le lieu de consommation, serait maintenu jusqu'en 2015. Ensuite, à partir du 1er janvier 2015 et jusqu'au 31 décembre 2016, le pays d'origine des services électroniques ne percevrait plus que 30 % de la TVA, le reste étant encaissé par le pays de destination des services, cette proportion étant ramenée à 15 % entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2018. Enfin, à partir du 1er janvier 2019, le pays de consommation percevrait l'ensemble des recettes de TVA sur les ventes par commerce électronique.

M. Jean Arthuis, président, s'est étonné de l'avantage ainsi consenti au Grand-duché de Luxembourg, qui applique une TVA de 15 % sur le commerce électronique.

Mme Christine Lagarde a rappelé la difficulté de dégager un compromis sur un sujet nécessitant un accord unanime des Etats et a précisé que le « paquet TVA » serait débattu lors de la présidence française de l'Union européenne.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si les événements frauduleux affectant la Société générale résultaient d'un problème de contrôle interne ou du dysfonctionnement des règles appliquées par les régulateurs.

Mme Christine Lagarde a jugé indispensable d'attendre les résultats de l'enquête en cours pour se prononcer sur cette question. Elle a toutefois indiqué qu'elle n'avait aucune raison de penser, à ce stade, que la situation de la banque résultait d'autre chose que du comportement frauduleux d'un courtier « bien informé et mal intentionné ».

M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que la crise des « subprimes » était devenue systémique et que, si les injections de liquidités passées avaient permis de se prémunir contre une contraction du crédit, cette situation ne perdurerait peut-être pas. Il a successivement interrogé la ministre :

- sur la gouvernance de la Banque centrale européenne, se demandant si elle demeurerait aussi « figée » que par le passé ;

- sur la refonte du paysage des autorités de régulation, estimant que la diffusion des risques au-delà des limites des secteurs bancaire, boursier et assurantiel plaidait pour une fusion des autorités de régulation propres à ces secteurs ;

- sur l'actualisation des normes comptables, dont il a jugé que la définition actuelle, fortement influencée par la traduction anglo-saxonne, favorisait la volatilité des bilans ;

- sur la mise en oeuvre, depuis longtemps réclamée par la commission de procédures et de contrôles permettant d'encadrer l'activité des agences de notation, au-delà des simples codes de bonne conduite.

Mme Christine Lagarde a rappelé qu'aucune contraction du crédit n'était constatée sur la base des chiffres de novembre 2007. Elle a rappelé que la première réaction de la BCE à la crise des « subprimes » avait été saine, mais a affirmé partager la conviction du rapporteur général, selon laquelle la poursuite du seul impératif de la stabilité des prix correspondait à une époque qui avait changé, et que l'impératif de croissance méritait d'être pris en compte par la banque centrale.

A l'invitation de M. Jean Arthuis, président, elle a également précisé que des initiatives commençaient à être prises en matière de niveau des taux de change, et que le taux d'intérêt était, en soi, un instrument susceptible d'influencer le cours des monnaies, instrument au demeurant largement utilisé par la Réserve fédérale des Etats-Unis (FED).

S'agissant de l'organisation des institutions de régulation, Mme Christine Lagarde a jugé approprié de mener une réflexion sur la fusion des autorités intervenant dans les secteurs de la banque et de l'assurance. Elle a également souscrit à la nécessité de s'interroger sur une révision des normes comptables permettant une valorisation plus fiable des actifs. Elle a enfin souligné que les agences de notation ne devaient pas constituer les « victimes expiatoires » des récentes turbulences financières, tout en admettant que le risque de conflit d'intérêts devait être attentivement considéré au sein d'entités souvent amenées à juger des produits à l'élaboration desquels elles avaient participé.

Mme Nicole Bricq a estimé que l'exercice de la présidence française de l'Union européenne serait probablement entravé par les divergences de vues entre la France et l'Allemagne quant aux questions de gouvernance économique et d'intégration de la supervision des marchés. Elle s'est, de concert avec M. Jean Arthuis, président, interrogée sur les conséquences, pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, des provisions constituées par les banques pour faire face aux retombées de la crise des « subprimes ». Mme Nicole Bricq a enfin questionné la ministre sur les éventuelles pressions exercées par le gouvernement quant à une éventuelle démission de M. Daniel Bouton, président-directeur général de la Société générale.

Mme Christine Lagarde a noté que la Commission européenne et l'Allemagne étaient convaincues de la nécessité et du bien-fondé du programme de réforme annoncé par la France. Elle a relativisé les divergences existant entre la France et l'Allemagne, en observant une évolution de la position allemande sur des sujets tels que la réforme des organes de régulation ou l'utilisation du taux d'intérêt comme instrument de change.

S'agissant enfin de la démission de M. Daniel Bouton, la ministre a rappelé que la décision appartenait aux administrateurs de la banque, qui devaient se prononcer en fonction de la confiance qu'ils témoignaient dans la direction de l'établissement et dans l'intérêt de la société et de la place de Paris. Elle a également jugé que les risques auxquels était confrontée la Société générale en raison de ses difficultés impliquaient une certaine solidarité nationale.

M. Jean Arthuis, président, s'est alors interrogé sur l'identité des acteurs financiers français susceptibles de recapitaliser cette banque.

S'agissant enfin de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, Mme Christine Lagarde a précisé que de grands établissements tels que le Crédit lyonnais et BNP Paribas avaient, à sa connaissance, anticipé dès fin 2007 les retombées de la crise des « subprimes ».

Mercredi 30 janvier 2008

- Présidence de M. Jean Arthuis, président,

Transports terrestres - Mise aux normes des tunnels routiers - Audition de M. Patrice Parisé, directeur général des routes

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Patrice Parisé, directeur général des routes, sur le programme de sécurisation des tunnels routiers.

M. Jean Arthuis, président, a précisé que cette audition était organisée à l'initiative de M. Roger Besse, qui avait attiré l'attention de la commission sur les incidents qui ont eu lieu lors de l'ouverture du tunnel du Lioran, de sorte qu'il apparaissait indispensable de se pencher sur les conditions de mise aux normes des tunnels routiers.

M. Patrice Parisé a exposé les principales caractéristiques du programme de mise en sécurité des tunnels routiers, engagé après une série d'accidents catastrophiques, dont le dramatique incendie du tunnel du Mont-Blanc en 1999.

Il a précisé que la réglementation applicable s'appuyait sur une circulaire de 2000, une directive européenne de 2004 et un décret de juin 2005. La philosophie générale des mesures de sécurité comprend l'établissement préalable d'un dossier de sécurité, la soumission de la mise en service à autorisation préfectorale et l'obligation de tenir un dossier de sécurité pour chaque tunnel.

Il a indiqué qu'au total, 912 tunnels routiers existent en France, dont 192 de plus de 300 mètres sont soumis à ces normes de sécurité.

M. Patrice Parisé a ensuite présenté l'état d'avancement de la réalisation du programme de mise aux normes. Il a notamment indiqué :

- que tous les tunnels routiers, sauf celui de Firminy (Loire), avaient fait l'objet de diagnostics de sécurité ;

- que préalablement aux travaux, des mesures immédiates (mise en place de radars, limitation de vitesse, circulation alternée) étaient mises en oeuvre, en cas de constat d'insuffisance de la sécurité ;

- que 300 millions d'euros étaient programmés pour les tunnels du réseau routier non concédé hors Ile-de-France, 400 millions d'euros pour l'Ile-de-France et 870 millions d'euros pour le réseau concédé ;

- que le programme de mise aux normes était réalisé à moitié, certains travaux importants, comme le contournement de Nice par l'A8 ou la sécurisation des tunnels d'Ile-de-France, restant à entreprendre.

M. Patrice Parisé a précisé que les règles applicables, résultant d'une circulaire du ministère de l'équipement de 1986, imposaient des hauteurs minimales libres variant de 4,30 mètres sur le réseau routier national, à 4,50 mètres sur les grands itinéraires et 4,75 mètres sur les autoroutes.

En conséquence, il a observé que le tunnel du Lioran, installé sur la route nationale 122, avait été construit conformément à la réglementation. Il a toutefois indiqué qu'une adaptation de la marge de sécurité permettrait l'élévation de sa hauteur minimale et il a admis que des dysfonctionnements avaient touché les détecteurs optiques et la poutre de contrôle des gabarits à l'entrée du tunnel. Il a également donné les chiffres des accidents liés à des « pénétrations hors gabarit » qui progressent très sensiblement, passant de 7 accidents en 2004 à 35 en 2006, indiquant qu'une enquête était en cours pour connaître les causes de cette évolution.

M. Patrice Parisé a précisé que des mesures seraient prises pour améliorer la circulation et la sécurité dans le tunnel du Lioran, telles que la surélévation de la signalisation, le renforcement du dispositif d'alerte aux entrées du tunnel ou la mise en place d'un gabarit flottant.

Un débat s'est alors ouvert.

M. Roger Besse a jugé « laborieuses » les explications avancées par le directeur général et il a observé l'incompréhension des élus et de la population devant un équipement public dont le coût est aussi important et qui fonctionne de manière si peu satisfaisante. Il a rappelé que le nouveau tunnel, construit plus lentement que son prédécesseur au milieu du XIXè siècle, et bien qu'inauguré par 3 ministres avait été fermé à la circulation quatre jours après son ouverture.

Il a opposé le bon sens de l'opinion publique, qui avait noté que le nouveau tunnel était plus bas que l'ancien, à la « science » de la technocratie. Il s'est étonné de ce que l'on continue d'appliquer des normes trop anciennes, qui interdisent la circulation des bétaillères et des grumiers, suggérant un décaissement de la chaussée du tunnel.

Il s'est enfin préoccupé des conséquences en termes de détournement de trafic que risquaient d'entraîner les mesures drastiques de contrôle des poids-lourds et d'interdiction de circulation, annoncées par le préfet du département.

M. Patrice Parisé a réaffirmé que le nouveau tunnel de Lioran avait été construit conformément à la réglementation, comme tous les autres tunnels du réseau national. Il a considéré qu'une augmentation du gabarit aurait un coût trop élevé et que la hauteur des poids-lourds, à la différence de leur longueur ou de leur poids, ne progresserait pas à l'avenir.

Il a indiqué que le relèvement du dispositif de contrôle de gabarit, à l'entrée du tunnel, permettrait désormais aux poids lourds de l'emprunter, même s'ils resteront en infraction.

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et aménagement durables (EDAD) », a fait part de sa satisfaction devant l'avancée de la mise en oeuvre du programme de sécurisation des tunnels routiers. Il a estimé qu'il était difficile de comprendre la situation du tunnel du Lioran et relevé que ce cas n'était pas isolé. Il a ainsi évoqué la situation d'une tranchée couverte à Souillac sur l'A20. Il a suggéré une application des normes plus conforme à la réalité du trafic et s'est inquiété de la disponibilité des moyens financiers nécessaires à la poursuite du programme de sécurisation des tunnels.

M. Patrice Parisé a dit comprendre l'incompréhension des élus et de l'opinion publique. Il a toutefois indiqué que la révision des normes aurait un coût très important, compte tenu du parc considérable de tunnels et de ponts en cause. Il a également souligné que les transporteurs routiers seraient toujours tentés de s'aligner au plus près des limites autorisées.

M. Yann Gaillard s'est inquiété du problème connexe du transport du bois. Considérant que « l'incompétence » de la SNCF entraînait un report sur le transport routier, et que le développement de l'énergie bois était inéluctable, il a souhaité la pérennisation de la dérogation sur la surcharge des camions, dont bénéficie le transport du bois en application de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation sur les transports intérieurs.

M. Adrien Gouteyron s'est réjoui du caractère concret du débat, le cas d'espèce du tunnel du Lioran permettant d'évoquer des questions importantes. Il s'est interrogé sur la procédure de fixation des normes, sur l'absence de diagnostic de sécurité concernant le tunnel de Firminy et, s'agissant du Lioran, sur les raisons du choix de creuser un nouveau tunnel plutôt que de mettre l'ancien tunnel au gabarit.

M. Patrice Parisé a précisé que les normes étaient établies par une circulaire du ministre de l'équipement après consultation du centre d'études des tunnels. Il a indiqué qu'il n'existait pas de directive européenne sur le gabarit des ouvrages, mais qu'il fournirait à la commission des éléments comparatifs sur la hauteur des tunnels dans l'Union européenne.

Il a observé qu'un agrandissement de tunnel existant présentait plus de risques, notamment d'effondrement s'agissant de tunnels en maçonnerie, que le creusement d'un nouveau tunnel.

M. Jean-Claude Frécon a souhaité connaître la date à laquelle serait terminé le diagnostic de sécurité du tunnel de Firminy. Il a demandé à disposer de la liste des tunnels déjà mis aux normes européennes de sécurité.

M. Patrice Parisé a indiqué que le diagnostic concernant la tranchée couverte de Firminy serait disponible dans les prochains mois après son examen par la commission de sécurité.

A M. Yves Fréville, il a précisé que les normes étaient identiques entre les ponts, les tunnels et les tranchées et que les gabarits variaient selon la nature des routes, car on les liait à l'importance du trafic. Il a ajouté que des motifs économiques entraient également en jeu.

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la mission « EDAD », a fait part de son inquiétude sur les transferts modaux résultant du comportement de la SNCF, et de la fermeture de gares. Il a estimé que l'accroissement du trafic sur les routes nationales et départementales entraînait un besoin de financement auquel devrait répondre la mise en place d'un péage sur les poids lourds. Il a souligné l'attachement des présidents de conseils généraux à être associés à la définition de la carte des routes à péage.

M. Patrice Parisé a affirmé que cette collaboration étroite était intégrée au projet de texte, élaboré à la suite du « Grenelle de l'environnement ». Il a précisé que la taxe s'appliquerait sur le réseau national et sur les réseaux des collectivités territoriales définis après leur consultation. Il a indiqué que le produit perçu sur le réseau des collectivités irait à celles-ci.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les possibilités de modulation de la taxe en fonction du poids des véhicules et de leur niveau d'émission de polluants.

M. Patrice Parisé a indiqué que le tarif du péage serait encadré par les règles définies par la directive européenne « euro-vignette » et que son calcul ne pourrait prendre en compte que les coûts des facteurs strictement définis, soit le coût de construction et le coût d'exploitation.

M. Charles Guené s'est demandé si la tarification pourrait faire application du principe « pollueur-payeur » et s'est inquiété du rapport entre les dépenses liées aux poids lourds et celles qui peuvent être attribuées aux véhicules légers, s'agissant du coût des infrastructures et de leur entretien.

M. Patrice Parisé est convenu que les infrastructures routières étaient dimensionnées pour les camions et qu'en termes d'usage, le trafic des véhicules légers était négligeable.

Il a précisé que le tarif du péage poids lourds, souvent annoncé à 12 centimes d'euro le kilomètre, ne pourrait dépasser 16 centimes sans contrevenir à la réglementation européenne.

M. Philippe Dallier s'est préoccupé d'éventuels projets de péages en Ile-de-France. Il a demandé si la directive « euro-vignette » limitait les utilisations du produit des péages.

M. Patrice Parisé a indiqué qu'il ne connaissait pas d'autres projets de péage urbain que ceux qui avaient été évoqués à l'occasion du « Grenelle de l'environnement ». Il a précisé que l'utilisation des péages, pour le financement d'autres opérations ou dépenses, était parfaitement libre et que la directive européenne n'imposait que les deux obligations de non-discrimination en fonction de la nationalité et de limitation du prix du péage au coût des facteurs.

Il a indiqué toutefois qu'une révision de la directive était en cours pour permettre d'intégrer les coûts externes, liés notamment à l'environnement.

A M. Jean-Claude Frécon, il a bien confirmé l'équivalence d'un camion pour 5.000 voitures, s'agissant des dégradations causées aux équipements routiers.

M. Yves Fréville a jugé choquante la tarification au coût des facteurs et s'est félicité de la remise en question des principes de la directive « euro-vignette ».

Répondant à M. Jean Arthuis, M. Patrice Parisé a précisé, enfin, que les tarifs des péages pouvaient être modulés à condition que le résultat soit une somme nulle et n'entraîne pas un enrichissement. Il a considéré que l'extension de la modulation était possible, mais très complexe.

Contrôle budgétaire - Programme pour 2008 - Communication

M. Jean Arthuis, président, présentant le bilan du contrôle budgétaire pour l'année 2007, au cours de laquelle 44 contrôles sectoriels avaient été envisagés, a constaté une augmentation sensible du travail de contrôle par rapport à 2006, les contrôles réalisés ayant donné lieu à 32 communications ou auditions élargies. Il a indiqué que 29 rapports d'information avaient été publiés, en 2007, par la commission en matière de contrôle budgétaire, contre 23 en 2006 et que, sur ce total, 4 rapports d'information avaient été réalisés suite aux enquêtes demandées à la Cour des comptes. Il a précisé, en outre, que 5 rapports étaient relatifs à des contrôles engagés en 2006.

En ce qui concerne le bilan qualitatif du travail de contrôle, il a rappelé que celui-ci était réparti entre les rapporteurs des différentes sensibilités politiques, le contrôle budgétaire étant, par excellence, au sein de la commission, une responsabilité confiée aussi bien à la majorité qu'à l'opposition.

M. Jean Arthuis, président, a observé, par ailleurs, que le contrôle budgétaire avait démontré son aptitude à couvrir tous les domaines de l'activité gouvernementale : de la « Justice », avec un contrôle sur l'aide juridictionnelle, à « l'Ecologie », avec le pilotage de la politique de l'eau et au « Sport » avec un contrôle sur la convention entre l'Etat et le concessionnaire stade de France, jugeant que toutes les missions se prêtaient à cet exercice.

Il a remarqué que le programme de contrôle en 2007 s'était aussi caractérisé par un équilibre entre sujets de long terme et sujets d'actualité et, qu'à ce titre, la commission avait démontré sa réactivité en décidant de conduire de nouveaux contrôles en cours d'année. Il a rappelé qu'elle avait ainsi décidé, en octobre 2007, d'entendre les acteurs de la cession et du rachat de l'immeuble de l'Imprimerie nationale, rue de la Convention. Cette audition publique avait donné lieu à un rapport d'information cosigné par 4 rapporteurs spéciaux appartenant à toutes les sensibilités représentées au sein de la commission.

Il a ajouté que trois autres contrôles ponctuels avaient été réalisés en cours d'année : sur la Maison de la francophonie, le fonctionnement des directions régionales de l'INSEE, et les centres des études en France, les deux premiers de ces contrôles ayant donné lieu à une communication en commission.

Il a ensuite souligné une caractéristique majeure du bilan 2007 : la publicité faite aux travaux des rapporteurs spéciaux, la commission attachant une grande importance à leur médiatisation. Il a précisé que, outre de très nombreux communiqués de presse, onze auditions avaient été ouvertes à la presse et que la publication des rapports faisait l'objet de présentations spécifiques à la presse. Il a souligné que cette ouverture se doublait bien entendu d'une ouverture aux membres des autres commissions concernées afin que le contrôle soit bien le « patrimoine collectif du Sénat ».

Il a observé que le contrôle budgétaire n'est pas une « action isolée ». Il s'inscrit dans la durée, et les rapporteurs spéciaux ont veillé, comme l'année passée, à prolonger leurs travaux en mettant en oeuvre un « suivi des contrôles ». Ainsi, il a rappelé que deux rapports issus d'enquêtes demandées à la Cour des comptes en 2006 avaient fait l'objet de suivi. Il s'agissait du rapport sur « CulturesFrance » de MM. Adrien Gouteyron et Michel Charasse, et de celui relatif aux « Commissions et instances consultatives placées directement auprès du Premier ministre » de MM. François Marc et Michel Moreigne.

Il a ajouté qu'un suivi avait été également réalisé sur les contrôles exercés en 2006 dans le domaine de l'action extérieure de l'Etat par M. Adrien Gouteyron, et sur les enjeux budgétaires liés au droit communautaire dans le domaine de l'environnement, contrôle réalisé par Mme Fabienne Keller.

Enfin, comme elle s'y était engagée lors de son séminaire dans la Sarthe, la commission a décidé de rendre plus systématique le suivi des travaux par la Cour des comptes (rapports particuliers ou référés). Cela avait permis de faire le point sur le service public de l'équarrissage, sur l'établissement public d'aménagement de la Défense (EPAD) et sur l'inter-opérabilité des systèmes d'information dans le domaine de la santé.

M. Jean Arthuis, président, a présenté le programme de contrôle de la commission pour 2008. Outre la poursuite de 11 contrôles, engagés en 2007, qui feraient prochainement l'objet de communication et publication de rapports d'information, il comporte 29 sujets « nouveaux », ainsi que six enquêtes demandées à la Cour des comptes sur la base de l'article 58-2° de la LOLF, deux missions d'assistance sur la base de l'article 58-1° et, enfin, quatre référés ou rapports particuliers de la Cour des comptes sélectionnés pour faire l'objet de suivi de la part de la commission. Au total, pour 2008, les rapporteurs spéciaux de la commission s'étaient engagés sur un programme de 52 contrôles. Ce programme se traduisait, de plus, par le renforcement des liens avec les membres des autres commissions du Sénat, en particulier les rapporteurs pour avis, ce qui ne manquerait pas d'enrichir les travaux de la commission.

Donnant lecture de la liste des contrôles annoncés, il a conclu en soulignant que les retombées médiatiques données aux travaux, et la prise en compte des recommandations de la commission par le gouvernement et l'administration prouvaient que ses rapporteurs spéciaux étaient totalement fondés à s'engager dans un programme aussi ambitieux.

Programme de contrôle des rapporteurs spéciaux pour 2008

Mission

Rapporteur spécial

Objet du contrôle

Action extérieure de l'Etat

Adrien Gouteyron

Les systèmes d'information du ministère des affaires étrangères

Suivi d'un référé de la Cour des comptes

   

La diffusion de la culture française à l'étranger

   

Le programme d'invitation de « personnalités d'avenir » 

   

L'institut du monde arabe

Administration générale et territoriale de l'Etat

Henri de Raincourt

Coût des élections nationales

Affaires européennes

Recherche et enseignement supérieur

Denis Badré

Philippe Adnot, Christian Gaudin

Le financement européen de la recherche française

Agriculture

Joël Bourdin

Refus d'apurement communautaire dans le domaine agricole

Enquête 58-2 demandée à la Cour des comptes pour 2008

   

Suivi du rapport sur les haras nationaux

   

L'Agence française d'information et de communication agricole et rurale (AFICAR)

Aide publique au développement

Michel Charasse

Contrôle des crédits de coopération dans 3 Etats d'Afrique centrale

Aide publique au développement

Engagements financiers de l'Etat

Michel Charasse
Paul Girod

Gestion et comptabilisation des créances d'aide publique au développement portées par La Coface

Enquête 58-2 demandée à la Cour des comptes pour 2008

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

Charles Guené

Les directions interdépartementales des anciens combattants (DIAC)

Conseil et contrôle de l'Etat

Jean-Claude Frécon

Evolution du Conseil économique et social, notamment dans le cadre de la réforme des institutions

Culture

Yann Gaillard

Contrôle sur l'application de la LOLF dans 4 directions régionales des affaires culturelles (DRAC)

   

Développement des ressources autonomes des musées

Défense

Yves Fréville
François Trucy

Evolution des pensions militaires depuis la professionnalisation des armées

Enquête 58-2 demandée à la Cour des comptes pour 2007

 

François Trucy

Le service militaire adapté

 

Yves Fréville

La SIMMAD (structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense)

Développement et régulation économiques

Eric Doligé

Financement des chambres de métiers et de l'artisanat

Mission d'assistance 58-1 demandée à la Cour des comptes

Direction de l'action du gouvernement

François Marc

Michel Moreigne

Suites données aux contrôles exercés depuis 2004 (Documentation française, DGAFP, CSA, CAS, commissions placées auprès du Premier ministre)

Ecologie, développement et aménagement durables

Gérard Miquel

Le système de sanction automatisé des infractions au code de la route (radars)

   

La mise aux normes des tunnels routiers

 

Alain Lambert

La réforme des ports autonomes

 

Fabienne Keller

Les enjeux budgétaires liés aux catastrophes naturelles

   

Suivi des contentieux communautaires dans le domaine de l'environnement

Engagements financiers de l'État

Paul Girod

L'Etat locataire

   

Le patrimoine immobilier de la Banque de France

Enseignement scolaire

Gérard Longuet

L'école maternelle 

Enquête 58-2 demandée à la Cour des comptes pour 2008

   

Les « réseaux ambition réussite »

Immigration, asile et intégration

André Ferrand

Le fonctionnement et l'organisation des administrations responsables de l'immigration économique

Mission d'assistance 58-1 demandée à la Cour des comptes

Justice

Roland du Luart

Les caisses autonomes de règlement pécuniaire des avocats (CARPA)

Enquête 58-2 demandée à la Cour des comptes pour 2008

   

Suivi du rapport sur l'aide juridictionnelle

Médias

Claude Belot

France 24

Outre-mer

Henri Torre

Les conséquences financières et budgétaires de l'immigration clandestine à Mayotte

Politique des territoires

Roger Besse

Les « interventions territoriales de l'Etat »

Publications officielles et information administrative

Bernard Véra

L'Etat imprimeur

Recherche et enseignement supérieur

Philippe Adnot

Le financement de la maturation des projets de recherche

 

Christian Gaudin

Les engagements du Centre national d'études spatiales (CNES) dans les programmes de l'Agence spatiale européenne (ASE)

Enquête 58-2 demandée à la Cour des comptes pour 2008

Régimes sociaux et de retraite

Thierry Foucaud, Bertrand Auban

Suivi du rapport sur le service des pensions

   

Le bilan des caisses de retraite de la SNCF et de la RATP

Santé

Jean-Jacques Jégou

La taxation de l'industrie du médicament

Sécurité

Aymeri de Montesquiou

La coopération internationale en matière de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme

Sécurité civile

Claude Haut

L'école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers à Aix-en-Provence

Sécurité sanitaire

Nicole Bricq

La gestion de la crise de la fièvre catarrhale ovine

   

Les risques sanitaires liés à l'environnement

Solidarité, insertion et égalité des chances

Auguste Cazalet

L'agence française de l'adoption

Sport, jeunesse et vie associative

Michel Sergent

L'action de l'Etat en matière de lutte contre le dopage

   

Le droit à l'image collectif des sportifs professionnels

   

La rénovation de l'Institut national du sport et de l'éducation physique (INSEP)

Ville et logement

Philippe Dallier

L'action de l'ANAH dans les centres villes dégradés

   

Bilan des premiers mois de mise en place du droit au logement opposable

   

Suivi du rapport sur l'EPAD et la mise en oeuvre de la loi de février 2007

Un débat s'est ensuite engagé.

A la demande de M. Jean-Claude Frécon, M. Jean Arthuis, président, a précisé les dates des prochaines présentations des résultats du contrôle budgétaire.

M. Adrien Gouteyron s'est félicité de la volonté d'associer aux travaux de contrôle budgétaire les rapporteurs pour avis des autres commissions, ce qu'il avait d'ailleurs déjà proposé et effectué en 2007 en ce qui concernait le programme du Quai d'Orsay d'invitation des « personnalités d'avenir », association pouvant prendre la forme, le cas échéant, de déplacements ponctuels conjoints avec le rapporteur pour avis compétent. Il a souligné l'importance de la médiatisation des travaux de contrôle et l'intérêt de poursuivre les efforts déjà engagés en ce sens.

En réponse à Mme Nicole Bricq s'interrogeant sur les modalités de suivi de ses travaux sur le service public de l'équarrissage, M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la commission avait vocation à entendre une nouvelle communication du rapporteur spécial une fois ses auditions achevées, et dès lors qu'il l'estime nécessaire.

Puis, à l'issue d'un échange auquel ont pris part MM. Jean Arthuis, président, Philippe Dallier, Jean-Claude Frécon, Adrien Gouteyron et Alain Lambert, les rapporteurs spéciaux ont confirmé tout l'intérêt pour le Parlement en général et le Sénat en particulier, de faire du contrôle sa « seconde nature ».

La commission a ensuite donné acte à l'unanimité au président de sa communication.

Economie française - Crise financière et bancaire - Audition de MM. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France et Michel Prada, président de l'Autorité des marchés financiers, et de Mme Ariane Obolensky, directrice générale de la Fédération bancaire française

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition, ouverte à tous les sénateurs, de MM. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, Michel Prada, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), et de Mme Ariane Obolensky, directrice générale de la Fédération bancaire française.

M. Jean Arthuis, président, a fait observer que deux séries d'éléments conduisaient les pouvoirs publics à s'interroger sur la pertinence de la réglementation des marchés financiers en vigueur. En premier lieu, il s'agit de la crise dite des « subprimes », qui s'était déclenchée durant l'été 2007 aux Etats-Unis, et qui paraissait à présent se diffuser à l'Europe. En second lieu, il s'agit de la crise propre que la Société générale traversait dans ce contexte. Il a rappelé que cette situation, indépendante de la crise des « subprimes », était liée à la fraude de l'un des traders de la banque, dont la prise d'engagements sans contreparties, dans le cadre d'une activité d'arbitrage, s'était traduite, à l'issue du « débouclage » des opérations en cause, par une perte de 4,9 milliards d'euros.

Il a rappelé la chronologie de cette « affaire » : vendredi 18 janvier, la fraude du trader ayant été mise au jour par l'entreprise, une investigation interne était engagée. Dimanche 20 janvier, le soir, l'ensemble des positions prises par le trader ayant été identifiées, le président-directeur général (PDG) de la Société générale, M. Daniel Bouton, informait de la situation le gouverneur de la Banque de France, ainsi que l'AMF. Lundi 21 janvier, le « débouclage » des positions frauduleusement prises se trouvait engagé. Cette opération était achevée mercredi 23 janvier, date à laquelle le gouvernement semblait avoir été averti. L'information était rendue publique le jeudi 24 janvier, la cotation de la Société générale étant alors suspendue.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si l'intéressement aux résultats dont bénéficient les traders avait joué un rôle déterminant. Il a signalé que les produits que maniait le trader concerné étaient des instruments de couverture, utilisés dans un but spéculatif : des produits dérivés dits « futures » et des contrats à terme « forwards ». Il a souhaité connaître les règles que la Commission bancaire était en charge de faire respecter à cet égard, et l'organisation du contrôle interne des banques.

M. Christian Noyer a tout d'abord souligné l'importance, en termes de volume financier, des positions que le trader avait prises pour le compte de la Société générale. Ces positions, en effet, s'élevaient au total à 50 milliards d'euros. Il a estimé que la révélation de cette situation, sans l'annonce des solutions mises en oeuvre, aurait engendré des risques majeurs : panique des clients, retrait des contreparties et risque de liquidité. Il a indiqué que c'était en considération d'un double objectif de stabilité financière globale et de protection des clients de la Société générale qu'il avait accepté que cette dernière procède à un « débouclage » rapide et secret des positions incriminées, mené dans les meilleures conditions possibles de sécurité.

Interrogé par Mme Nicole Bricq, il a précisé qu'il avait donné son aval à la stratégie de M. Daniel Bouton dès le jour où il avait été informé de la situation de la Société générale, c'est-à-dire le dimanche 20 janvier après-midi. Il a indiqué que l'AMF en avait été immédiatement prévenue, et que la Banque de France, dès lors, avait étroitement suivi le dossier. La collaboration entre les autorités financières, selon lui, avait été complète.

Par ailleurs, M. Christian Noyer a exposé que les opérations d'arbitrage en cause consistaient à intervenir, dans un délai très bref, sur différents compartiments de marché. Alors que les « futures » sont échangés sur un marché réglementé ou organisé, les « forwards » sont traités sur le marché de gré à gré. En réponse à M. Jean Arthuis, président, il a précisé que les « forwards » ne donnaient pas lieu à appels de marge, au contraire des « futures », pour lesquels les appels de marge sont quotidiens. Il a souligné l'importance, en ce domaine, des systèmes de contrôle, qui doivent permettre de vérifier que les positions prises se trouvent effectivement couvertes, et le cas échéant de déceler les anomalies. Il a indiqué avoir diligenté une enquête en vue de comprendre comment le trader de la Société générale avait pu se soustraire au système de contrôle interne de la banque et organiser une gestion frauduleuse, notamment des couvertures fictives, dont il a relevé le caractère « sophistiqué ».

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est demandé si une position de 50 milliards d'euros pouvait être prise sur un marché de gré à gré, compte tenu de la « profondeur » de ce marché.

M. Michel Prada a souligné la complexité technique des opérations dont il s'agissait. Il a indiqué que le marché de gré à gré, par nature, inventait, sur un mode contractuel, ses propres modalités de fonctionnement. Au regard des premiers éléments connus, il a précisé que les positions qui avaient été prises par le trader de la Société générale concernaient principalement les marchés Liffe et Eurex, soit, respectivement, les places de Londres et de Francfort. Il a estimé que retracer ces positions constituerait un travail long et difficile, et qu'en tout état de cause l'AMF ne pouvait les identifier a priori. Au demeurant, il a fait valoir que le problème tenait davantage au caractère fictif des couvertures qu'aux positions elles-mêmes. Par ailleurs, il a fait remarquer que la spéculation participait de l'essence du marché ; la fraude, selon lui, ne remettait pas en cause le rôle et le fonctionnement des marchés.

Sur une question de M. Jean Arthuis, président, il a précisé que les marchés de gré à gré pouvaient être d'une très grande ampleur. A titre d'exemple, il a cité le marché obligataire. Il a relevé que ces marchés non réglementés fonctionnaient généralement bien et essentiellement entre professionnels.

M. Christian Noyer a présenté les modalités du contrôle que fait porter la commission bancaire sur les établissements qu'elle supervise. D'une part, elle assure un contrôle sur pièces permanent pour l'ensemble des établissements, en vérifiant leurs ratios prudentiels dans les états financiers trimestriels, semestriels et annuels. D'autre part, elle diligente des inspections sur place, ciblées sur un thème ou un secteur particulier. De la sorte, il a indiqué que la Société générale, sur la période 2006-2007, avait fait l'objet de 17 inspections qui ont porté soit sur les secteurs les plus risqués comme l'exposition aux subprimes, soit sur l'urgence du passage aux normes prudentielles dites de « Bâle II ». Ces contrôles avaient abouti à des recommandations de la commission bancaire, qui avait préconisé le renforcement des équipes et des moyens dédiés aux contreparties. En mars 2007, une lettre de cadrage en ce sens avait été adressée au PDG de la Société générale, ainsi qu'une « lettre de suite ». Cette dernière concernait spécifiquement les « dérivés structurés actions », mais ses recommandations, axées sur un objectif de sécurisation, revêtaient une portée plus générale, visant l'ensemble des instruments financiers, notamment les « futures ».

Mme Nicole Bricq a émis le voeu que ces lettres puissent être communiquées à la commission.

M. Christian Noyer a estimé que les premiers éléments connus laissaient à penser que le système de contrôle interne de la Société générale n'avait pas fonctionné comme il l'aurait dû et que ceux qui avaient fonctionné n'avaient pas toujours fait l'objet d'un suivi approprié. Interrogé par M. Jean Arthuis, président, il a confirmé que ce point était au centre des investigations que menait la commission bancaire. 

M. Michel Prada est alors revenu sur les conditions du « débouclage » des positions frauduleusement prises par le trader de la Société générale, avant que la découverte de cette fraude ne soit rendue publique. Il a rappelé qu'en matière d'information financière, le principe était que tout élément qui, porté à la connaissance du marché, serait de nature à influer sur celui-ci, devait être rendu public. Toutefois, il a précisé que ce principe supportait une exception : dans des circonstances graves mettant en jeu l'intérêt supérieur de l'entreprise, l'information pouvait être différée si ce secret temporaire était de nature à éviter des pertes stratégiques. En l'occurrence, l'AMF avait estimé que la confidentialité des opérations de « débouclage » de la Société générale assurerait la meilleure sortie de crise possible, en minimisant les risques pour la banque et ses clients, dans la mesure où M. Daniel Bouton s'était engagé à réaliser cette opération dans le respect des règles en vigueur, notamment en ce qui concernait les ratios d'emprise. Il a souligné que la révélation de « l'affaire » avait reçu un accueil relativement modéré de la part du marché, compte tenu de sa gravité. Une annonce prématurée avant le « débouclage » aurait pu provoquer une crise aiguë. En outre, il a confirmé que l'AMF et la Banque de France étaient intervenues, dans ce dossier, en pleine coopération.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur le rôle de la commission bancaire : était-il normal qu'un salarié de banque puisse aussi « facilement » passer du « back office » au « front office », en conservant une connaissance précise des modes opératoires de contrôle interne ? Les 17 inspections conduites par la commission bancaire auprès de la Société générale en 2006 et 2007 avaient-elles permis de s'assurer d'une bonne répartition des rôles et de l'absence de conflits d'intérêts dans le traitement et le contrôle des ordres des traders ? La situation financière de la Société générale au 31 décembre 2007 était-elle aujourd'hui connue ; et était-il possible de distinguer clairement l'impact de la crise de l'immobilier américain et celui de la fraude constatée sur les produits dérivés ? En matière informatique, les codes d'accès aux postes de travail et logiciels étaient-ils régulièrement modifiés ? Les contrôles exercés par la commission bancaire avaient-ils notamment porté sur le respect des limites de délégation de pouvoirs au sein des services concernés de la Société générale, et les « lettres de suite » auxquelles M. Christian Noyer avait fait référence comportaient-elles des observations sur ces délégations ? Il s'est enfin demandé comment il avait été possible d'accumuler impunément un tel risque en capital, d'environ 50 milliards d'euros et donc largement supérieur aux fonds propres et à la capitalisation de la Société générale.

Concernant plus particulièrement le rôle de l'AMF, il a relevé que son président s'était joint au « comité de crise » constitué le dimanche 20 janvier après-midi en vue d'évaluer les conséquences financières de la fraude et les mesures à prendre, et a demandé confirmation que M. Michel Prada avait bien cautionné et partagé la responsabilité d'un débouclage immédiat des positions.

M. Michel Prada a confirmé cette appréciation, tout en contestant l'expression de « comité de crise » dans la mesure où il avait partagé un « secret lourd » dans le cadre d'une relation exclusive et « serrée », téléphonique et personnelle, avec MM. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, et Gérard Rameix, secrétaire général de l'AMF. Il a insisté sur le fait qu'en tant que représentant du régulateur des marchés, il n'exerçait naturellement aucune responsabilité opérationnelle dans les décisions prises par la Société générale, mais qu'il n'avait fait qu'accorder à son président le temps nécessaire pour solder les positions.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que M. Michel Prada avait bien estimé que le cours de la Société générale ne devait pas être suspendu dès le lundi 21 janvier, ce qui, selon lui, constituait une exception certes prévue par la réglementation mais singulière, et nécessitait donc des explications plus approfondies au regard de la fluidité et de la transparence du marché. Il a demandé confirmation que le gouvernement avait été informé le mercredi 23 janvier, à l'issue du débouclage, et si la Banque centrale européenne et d'autres instances internationales avaient également reçu la même information. Il a ajouté que la différence de fonctionnement entre marchés financiers réglementés et de gré à gré constituait bien un enjeu central dans cette affaire, mais que l'information disponible sur les modalités de la fraude n'était pas encore assez complète pour que l'on puisse en tirer des conclusions opérationnelles.

M. Christian Noyer a rappelé qu'il s'en remettrait aux conclusions et recommandations de la commission bancaire si l'ensemble des infractions, relatives à la violation des codes informatiques ou à la connaissance des procédures, était avéré. Il a ajouté que d'éventuelles atteintes à la « Muraille de Chine » censée séparer les activités de back et de front offices, constitueraient une infraction grave, eu égard à l'importance déterminante de ce cloisonnement, et que la commission bancaire examinerait les moyens concrets d'en renforcer l'étanchéité. Parmi les travaux prioritaires, la commission bancaire avait demandé à tous les établissements de vérifier que ces « murailles de Chine » étaient respectées.

Puis, en réponse à M. Jean Arthuis, président, se demandant si le respect de cette « Muraille de Chine » était effectivement formalisé dans les bonnes pratiques des banques et comportait l'interdiction de passer du contrôle au service opérationnel, il a estimé qu'une telle interdiction n'était sans doute pas formellement édictée. Il a ajouté que l'examen du respect des procédures informatiques et de la fréquence de renouvellement des codes d'accès n'entrait pas, a priori, dans le champ des investigations de la commission bancaire.

Concernant la situation financière de la Société générale fin 2007, dont les comptes n'étaient pas encore arrêtés, il a considéré que les chiffres communiqués par la société le jeudi 24 janvier correspondaient, en ordre de grandeur, à ce qu'il était possible d'estimer. Sans cette fraude, la société aurait donc dégagé un très large bénéfice malgré d'importantes provisions constituées en raison de la crise des « subprimes ».

S'étonnant du caractère « transparent » dans les médias des déclarations du trader incriminé, M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la nature du « matelas » évoqué par celui-ci lors des auditions judiciaires, et s'est demandé si de telles pratiques de dissimulation étaient fréquentes.

M. Christian Noyer a indiqué que le montant d'1,5 milliard d'euros mentionné par le trader constituait bien des positions réelles mais qui avaient été neutralisées par des positions fictives inverses pour un montant équivalent. Il a néanmoins déclaré qu'il ne se fierait, sur ce point, qu'aux seules conclusions des inspecteurs de la commission bancaire et non pas aux déclarations prêtées au trader.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que les équipes de négociation pour compte propre paraissaient parfois composées de « prima donna » gérant leurs positions de manière autonome, au mieux des intérêts financiers de leur banque comme des leurs.

M. Christian Noyer a jugé que le principe du contrôle interne était d'empêcher de telles dérives, d'assurer le respect de limites précises sur les positions prises et un reporting régulier à la hiérarchie pour requérir, le cas échéant, ses instructions. Une révision générale des systèmes des banques serait néanmoins nécessaire pour assurer le respect de ces contrôles et limites. Il a ajouté que les provisions de la Société générale liées aux subprimes étaient bien distinctes de la perte due à la fraude, et que l'historique de l'accumulation des positions prises par le trader était bien au coeur de l'enquête judiciaire en cours. La sécurité informatique était également, selon lui, un élément déterminant de la « Muraille de Chine », et il importait donc de déterminer selon quelles modalités et fréquence les mots de passe et codes étaient modifiés. Cette sécurité ne pouvant être totale, il a considéré qu'il était nécessaire de rechercher en permanence les parades et améliorations pour accroître son effectivité.

Puis, en réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui sollicitait davantage de précisions sur le contrôle des procédures de délégation, il a indiqué qu'il n'avait pas de réponse précise à cette question. Il a estimé que la réponse était négative mais que ce point devait être vérifié.

En réponse à une question de Mme Nicole Bricq, M. Christian Noyer a précisé que le gouvernement, afin de préserver ses capacités d'action, avait été averti suffisamment tôt avant le public par la Société générale, soit très tôt dans la matinée du mercredi 23 janvier, le débouclage des opérations étant largement engagé mais pas encore totalement achevé. Il a considéré qu'il était alors en mesure de fournir à l'exécutif une information pertinente et utile, consistant à ne pas exposer uniquement un problème mais également les solutions déjà mises en oeuvre pour le régler, c'est-à-dire le débouclage très avancé des opérations et le montage de l'augmentation de capital.

Il a ajouté qu'il avait alerté d'autres autorités dans l'après-midi du mercredi 23 janvier, parmi lesquelles la Réserve fédérale de l'Etat de New York, autorité de supervision de la Société générale dans cette place financière, et le Président de la Banque centrale européenne, au titre du bon fonctionnement de l'Eurosystème.

Justifiant le débouclage rapide des positions, M. Michel Prada a cité l'article 223-2-2 du règlement général de l'AMF, selon lequel un émetteur « peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d'une information privilégiée afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, sous réserve que cette omission ne risque pas d'induire le public en erreur et que l'émetteur soit en mesure d'assurer la confidentialité de ladite information en contrôlant l'accès à cette dernière », en particulier « en cas de danger grave et imminent menaçant la viabilité financière de l'émetteur ». L'appréciation de ces circonstances exceptionnelles, dans le respect des règles du marché, faisait, selon lui, partie intégrante de la difficile mission d'une autorité de régulation et démontrait pleinement son indépendance, parfois mise en question.

Puis, en réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, sur l'absence d'appels de marge pour certains instruments dérivés, il a rappelé que l'exposition globale d'environ 50 milliards d'euros consistait en des positions bien réelles, en l'espèce des « futures », et pour lesquelles les appels de marge avaient été réalisés, mais que le véritable problème résidait plutôt dans la question de savoir comment il avait été possible de compenser ces positions par des couvertures fictives. Il a également souligné que ces positions s'étaient constituées sur des marchés ouverts, ce qui impliquait de se montrer particulièrement vigilant quant à leurs effets lors du dénouement. Il a estimé que dans un tel contexte, et compte tenu de la gravité de la fraude, les décisions prises avaient été appropriées.

Mme Ariane Obolensky a indiqué ne pas disposer d'informations supplémentaires sur la Société générale. Elle a ajouté que la communauté bancaire française était en « état de choc », se posait naturellement des questions sur les raisons et conséquences de cette fraude, et attendait les conclusions du rapport que devait établir le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi pour en tirer les leçons.

Elle a souligné que certains principes de contrôle étaient bien ancrés dans la culture bancaire, tels que le principe dit « deux paires d'yeux », la présence de trois niveaux de contrôle ou le rattachement du département de contrôle interne à la direction générale, sans interférence de la hiérarchie opérationnelle. Elle a ajouté que les rapports de contrôle interne étaient discutés au sein des instances de direction et de supervision de chaque banque et transmis à la commission bancaire. Parmi les autres principes de contrôle non-écrits, elle a également évoqué la vigilance en matière de ressources humaines, et en particulier le principe selon lequel un salarié qui ne partait jamais en vacances devait a priori faire l'objet d'une proche inspection.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a constaté que ce principe n'était manifestement pas appliqué à la Société générale.

M. Joël Bourdin s'est déclaré « gêné » par les réponses apportées par M. Michel Prada quant au caractère urgent du dénouement des positions, qui ne lui semblait pas cohérent avec la mission principale de l'AMF, laquelle résidait, selon lui, dans la protection des épargnants, qui étaient la raison d'être du marché. Il a considéré que le maintien du secret avait empêché ces derniers de disposer d'informations qu'ils auraient dû obtenir. Il s'est, dès lors, demandé si le capital de la Société générale, compte tenu de la baisse modérée de son cours, avait fait l'objet de « ramassage », et a souhaité connaître l'identité des contreparties acquéreuses des instruments dérivés cédés sur le marché.

M. Michel Prada a souligné que la réglementation de tous les grands marchés financiers prévoyait une procédure analogue de différé de la publication d'une information privilégiée en cas de circonstances graves, et a évoqué les conséquences très préjudiciables qu'aurait eues la publication immédiate, dès le lundi 21 janvier, d'une information sur les anomalies décelées. Il a estimé que les actionnaires de la Société générale avaient ainsi été protégés d'une baisse probablement très prononcée du cours, et que l'AMF et la Société générale n'avaient fait qu'appliquer une faculté offerte par les directives européennes et la réglementation en vigueur, conforme aux pratiques des autres marchés.

Il a ajouté qu'il ne disposait pas d'informations précises sur l'identité des contreparties des positions dénouées ni sur les transactions réalisées sur le titre Société générale. Une enquête sur les variations de cours et l'information financière de la société avait, à cet égard, été ouverte par le secrétaire général de l'AMF, afin de déterminer si des informations privilégiées avaient éventuellement été utilisées durant la période de débouclage et les semaines qui l'avaient précédé.

Mme Nicole Bricq a estimé que l'intérêt supérieur de l'entreprise, qui motivait le recours à la procédure de différé de la publication d'une information privilégiée, pouvait entrer en conflit avec la légitime information du marché. Après avoir fait part de son intention de vérifier les termes de transposition des directives communautaires évoquées par M. Michel Prada, elle s'est interrogée sur le contenu et la tonalité des « lettres de suite » adressées en 2007 par la commission bancaire aux grandes banques françaises, dont elle a souhaité que la commission obtienne communication, et s'est demandé de quels moyens financiers et humains disposait la commission bancaire pour faire appliquer ses recommandations.

Se référant aux propos de M. Michel Prada sur les relations « serrées » qu'il avait eues avec le gouverneur de la Banque de France, plutôt qu'un réel « comité de crise », elle a déduit que les autorités de régulation avaient choisi de procéder à un débouclage rapide et que le secret avait été maintenu entre seulement trois personnes extérieures à la Société générale, du dimanche 20 au mercredi 23 janvier, ce qui témoignait d'une crainte légitime compte tenu de l'ampleur du sinistre.

M. Michel Prada a insisté sur le fait qu'il n'avait pas formellement autorisé ce dénouement des positions, qui constituait une décision propre du président de la Société générale - lequel s'était engagé à communiquer sur trois aspects de l'affaire le jeudi 24 janvier - conforme à la dérogation prévue par le droit. L'AMF n'avait pas non plus participé aux négociations avec des établissements financiers portant sur la recapitalisation de la société. La problématique des risques financiers dans un marché globalisé n'offrait pas, selon lui, d'autre alternative que de permettre ce maintien du secret. Le marché avait, de la sorte, été mieux protégé que si une annonce brutale avait été faite et en l'absence de gestion rapide du débouclage des positions.

Après que Mme Nicole Bricq eut précisé qu'elle avait compris que M. Christian Noyer avait parlé d'un « plan d'acceptation », M. Jean Arthuis, président, a indiqué qu'il souhaitait obtenir une copie des lettres de suite adressées aux banques.

M. Christian Noyer a donné son accord de principe à une communication de la structure et du principe de ces lettres, mais a jugé qu'il importait d'examiner préalablement si la transmission de leur contenu précis était compatible avec le respect du secret bancaire. Puis, en réponse à une question de M. Aymeri de Montesquiou sur la nature de ces lettres, à caractère général ou faisant suite à une inspection, il a précisé que ces documents, adressés en mars 2007, avaient pour objet de fournir aux conseils d'administration des banques une synthèse des constatations nées de contrôles antérieurs et des principales recommandations.

Après que M. Jean Arthuis, président, eut considéré que les malversations constatées à la Société générale résultaient d'une « fraude complexe sur des produits simples », M. Paul Girod a affirmé qu'il était illusoire d'espérer pouvoir tout contrôler, alors que l'innovation financière était permanente et que la régulation s'adaptait avec un temps de retard. Relevant que le débouclage avait eu lieu dans des conditions particulières et un contexte de marché très heurté, il s'est interrogé sur la part qu'avaient représentée ces dénouements dans le volume des transactions du lundi 21 au mercredi 23 janvier.

M. Michel Prada a jugé que le choix d'une réaction rapide fait par les dirigeants de la Société générale était légitime. En effet, la situation avait été réglée en trois jours, suivant la méthode qui, dans ce type de circonstances, était réputée comme la meilleure : « se couper le bras » plutôt que chercher à « se refaire ». Par ailleurs, il a fait observer que la gestion des positions de la Société générale sur les marchés Eurex et Liffe n'avaient pas justifié d'observations de leur part. Il restait peut-être à examiner une démarche émanant d'Eurex à la fin 2007. Il a également relevé que les risques bancaire et boursier demeureraient toujours, quoiqu'on fasse, même si le rôle des autorités de régulation et de supervision consistait précisément à limiter ces risques, en améliorant les dispositifs de contrôle.

M. Christian Noyer a insisté sur l'importance, en l'occurrence, du risque qui était encouru. En effet, à ses yeux, la révélation sans délai de la situation de la Société générale aurait pu conduire à l'affolement, à la fois, des clients et des partenaires de la banque, ainsi que de l'ensemble des acteurs boursiers, engendrant un début de crise d'ordre « systémique ». Il a estimé que le scénario suivi par la direction de la Société générale avait permis de parer au plus vite et au mieux à un tel danger. Il a rappelé que la Commission bancaire imposait, aux établissements qu'elle supervisait, la mise en place, d'une part, de systèmes de contrôle interne destinés à réduire les risques et, d'autre part, de fonds propres proportionnés à ces risques et constituant, le cas échéant, un « coussin » de protection pour les déposants.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a reconnu à ces précisions le mérite de pointer clairement la nature et la gravité du risque auquel la Société générale s'était trouvée exposée : non pas un simple risque de chute de la cotation de ses actions, mais le risque d'un défaut de liquidités, dont la réalisation aurait pu avoir des conséquences non seulement pour la banque et ses clients mais pour l'ensemble du système financier.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que cette situation justifiait la décision, qui avait alors été prise, de différer momentanément la divulgation de la situation où se trouvait la Société générale.

M. Charles Josselin a souhaité obtenir des précisions sur les modalités selon lesquelles le président de la Société générale avait informé les autorités de supervision de la situation de la banque. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la possibilité qu'une « affaire » semblable à celle que traversait la Société générale touche un autre établissement financier.

M. Christian Noyer a rappelé les faits suivants : le président de la Société générale l'avait informé dimanche 20 janvier, en fin de journée, que le contrôle interne de la banque avait révélé, le vendredi soir précédent, la fraude en cause. Il lui avait présenté la position financière de l'établissement telle qu'elle avait été établie pendant le week-end, ainsi que ses intentions en vue d'y remédier. Il lui avait indiqué qu'il souhaitait, dans ce cadre, pouvoir opérer de manière secrète. Estimant que cette stratégie était opportune, M. Christian Noyer avait décidé de n'en informer qu'un nombre très limité de collaborateurs.

Il a également indiqué que la Commission bancaire avait déjà demandé à tous les établissements de crédit ou sociétés d'investissement de se doter de procédures renforcées en matière de contrôle des risques. Ces procédures concernent l'engagement des opérations conformément au mandat, la sécurisation du système d'information, la détermination d'un seuil d'engagement des montants notionnels bruts, le respect des règles par les flux de trésorerie de paiement, la détection des anomalies et erreurs de traitement et de règlement.

M. Michel Prada a estimé qu'il était très difficile de connaître l'identité des contreparties, compte tenu de leur nombre élevé et de leur probable localisation sur les marchés britannique et allemand. Il a ajouté que du point de vue de l'AMF, le dénouement des positions s'était apparemment déroulé dans des conditions normales.

Après que M. Charles Josselin eut exprimé le voeu que la majorité des contreparties fussent françaises, M. Jean Arthuis, président, a constaté que certains acheteurs avaient sans doute réalisé des gains substantiels durant cette période de trois jours.

M. Christian Noyer a précisé que ces contreparties, aussi bien, pouvaient simplement avoir minoré leurs pertes, si les achats advenaient en couverture d'un portefeuille d'opérations sur des actions.

Mme Nathalie Goulet a souligné l'importance « cruciale » des appels de marge réguliers, qui dans le cas présent avaient été compensés par des couvertures fictives. Elle s'est, dès lors, demandée si l'AMF avait opéré des vérifications sur ces appels de marge.

M. Michel Prada a précisé que ces appels de marge relevaient du fonctionnement interne des banques et n'étaient pas communiqués à l'AMF. Celle-ci disposait, en revanche, d'un système précis de surveillance des transactions réalisées sur les actions.

Après que Mme Nathalie Goulet eut estimé qu'il serait nécessaire de demander à la Société générale quelles étaient les modalités pratiques de vérification de ces appels de marge, M. Jean Arthuis, président, a rappelé qu'une telle requête n'entrait pas dans les compétences du Parlement, et s'est demandé si chaque trader disposait d'un « tableau de bord » individuel de ses positions.

M. Christian Noyer a souligné la pertinence des interrogations de Mme Nathalie Goulet et confirmé que les opérateurs pouvaient effectivement suivre précisément leurs positions. Il a ajouté que dans le cas d'espèce, le problème résidait dans le respect des limites qui leur étaient imposées et du « reporting » auprès des responsables hiérarchiques. Il a également considéré que les appels de marge constituaient un moyen parmi d'autres de s'assurer de la continuité des systèmes de contrôle et de ce qu'il ne subsistait pas d'opérations en suspens.

M. Yann Gaillard a jugé que les présidents des autorités de surveillance avaient fait preuve d'un certain courage en préservant le secret sur la fraude et les opérations consécutives sur le marché. Il s'est demandé si l'industrie financière française, qui constituait l'un des secteurs les plus performants de l'économie nationale, se trouverait durablement entachée par cette affaire et, au-delà de ce cas, si des actions avaient été entreprises, au niveau international, pour réduire les inconvénients de la titrisation, compte tenu du rôle que celle-ci avait joué dans la crise des « subprimes ».

M. Michel Prada a considéré que cette crise posait de nombreuses questions, notamment au regard du risque opérationnel et de la déconsolidation comptable. Il a indiqué qu'elle se trouvait examinée par le Forum de la stabilité financière (FSF), qui avait été constitué après la crise asiatique de 1997. Cela représentait un progrès considérable dans l'architecture de la régulation financière mondiale. Il a exposé les quatre objectifs actuellement poursuivis par le FSF : une analyse de la gestion en amont des risques dans les établissements de crédit et sociétés de gestion, les conditions de valorisation des actifs (compte tenu des défaillances constatées en matière de dérivés de crédit et véhicules de titrisation), la transparence de l'information dans la chaîne de titrisation, et le rôle des agences de notation.

Il a indiqué que la titrisation était initialement perçue comme un modèle efficace et novateur de financement, via des « conduits » et véhicules structurés, mais que de nouveaux risques étaient finalement apparus. La crise avait commencé sur le marché très spécifique des subprimes, qui était progressivement devenu aux Etats-Unis un outil de spéculation - au moyen de la garantie hypothécaire sous-jacente - et non plus « social » de financement de l'accès à la propriété des ménages modestes. Il a rappelé que les agences de notation avaient noté « triple A » les tranches « senior » des véhicules de titrisation, contribuant à induire en erreur les investisseurs sur le risque réel encouru. La crise s'était accélérée, durant l'été 2007, en raison de la réaction tardive des agences, dont les révisions à la baisse des notations avaient alimenté un mouvement généralisé de défiance.

Les hedge funds avaient, quant à eux, contribué au déclenchement de la crise en cédant massivement des dérivés de crédit et parts de véhicules de titrisation. Il a indiqué que les banques avaient, de surcroît, dû rapatrier dans leurs comptes des montants élevés de risques auparavant déconsolidés, soit parce qu'elles étaient juridiquement et comptablement liées aux véhicules de titrisation hors-bilan, soit pour des raisons commerciales de « risque réputationnel », leur marque ayant été apposée sur certains « conduits » et structures de titrisation. Il a conclu que la recherche de solutions à cette crise constituait un chantier difficile, mais que le FSF proposerait sans doute des améliorations d'ici à mai 2008.

Mme Bariza Khiari s'est étonnée que la situation d'un trader qui, d'après les premiers éléments connus, ne prenait pas de vacances et dissimulait tant ses gains que ses pertes, n'ait pas rapidement attiré l'attention de sa hiérarchie. Elle a souligné que, pourtant, les salles de marché étaient caractérisées par une certaine promiscuité, qui devrait rendre difficile, pour un trader, une fraude durable.

M. Christian Noyer a estimé que ces interrogations étaient tout à fait pertinentes, mais qu'elles ne pourraient trouver de réponse qu'à l'issue des investigations en cours.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si un phénomène « d'addiction » propre aux salles de marché, à l'instar des salles de jeu, doublé d'une certaine méconnaissance de l'activité concrète des traders par leur hiérarchie, n'avait pas joué un rôle dans le cas de la Société générale.