Mardi 2 octobre 2007

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Contrôle budgétaire - Suivi - Commissions placées auprès du Premier ministre

La commission a tout d'abord entendu une communication de MM. François Marc et Michel Moreigne, rapporteurs spéciaux de la mission « Direction de l'action du gouvernement », sur des commissions placées auprès du Premier ministre : la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) et la commission d'équivalence pour le classement des ressortissants européens dans la fonction publique.

M. François Marc, rapporteur spécial de la mission « Direction de l'action du gouvernement », a présenté les conclusions du contrôle ainsi mené, avec M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, au premier semestre de l'année 2007, en application des dispositions de l'article 57 de la LOLF, sur deux commissions placées auprès du Premier ministre.

Il a rappelé que ces contrôles budgétaires faisaient suite à la réalisation, par la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la LOLF, d'une enquête sur « les commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ». Il a ajouté que cette enquête avait déjà donné lieu à la publication d'un rapport d'information des deux rapporteurs spéciaux.

Il a observé que quelque 40 structures, consultatives ou délibératives, placées auprès du Premier ministre, représentaient un enjeu budgétaire d'environ 15 millions d'euros.

M. François Marc, rapporteur spécial, a relevé que la commission avait proposé qu'au début de chaque législature, chacune des commissions fasse un bilan détaillé sur le coût complet de ses activités, ses missions et les suites concrètes de ses travaux concernant la législation, la réglementation et les pratiques administratives. Il a rappelé que la commission avait aussi préconisé la suppression de plusieurs commissions : la commission interministérielle de la météorologie pour la défense, le haut conseil du secteur public ainsi que le comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.

Il a noté qu'il restait alors à apprécier la capacité des différentes commissions, placées auprès du Premier ministre, à s'inscrire dans cette démarche de transparence sur leurs coûts complets, de compte rendu de leur activité, et d'évaluation de la performance de leur action au regard des évolutions du droit et des pratiques administratives.

Il s'est demandé s'il était pertinent d'appliquer les mêmes critères à l'ensemble des commissions placées auprès du Premier ministre, compte tenu de l'extrême diversité de leurs moyens et de leurs missions.

Il a observé que le choix de la commission d'équivalence et de la CIEEMG s'était fondé sur plusieurs critères. En premier lieu, la commission d'équivalence était une structure légère, dont les charges de fonctionnement annuelles avaient été estimées à 35.668 euros par la Cour des comptes. A l'inverse, la CIEEMG était l'une des commissions placées auprès du Premier ministre parmi les mieux dotées, car elle recourait à 14 emplois équivalent temps plein travaillés (ETPT) et son budget annuel était estimé à 1 million d'euros.

M. François Marc, rapporteur spécial, a ensuite précisé que les missions de la CIEEMG relevaient des activités d'expertise militaire de l'Etat, tandis que les activités de la commission d'équivalence étaient civiles et concernaient une question transversale à l'ensemble des administrations : la prise en compte de la libre circulation des travailleurs dans l'espace communautaire. Il a précisé qu'elle se prononçait ainsi sur les modalités de classement dans l'un des corps ou des cadres d'emploi de la fonction publique française des ressortissants européens (y compris Français), lauréats des concours de notre fonction publique, qui avaient travaillé antérieurement dans l'administration d'un autre Etat membre de l'Union européenne.

S'agissant de la commission d'équivalence, il a cité un exemple qui pouvait illustrer ses missions et relevé qu'un ressortissant européen reçu à un concours de la fonction publique française pouvait saisir la commission d'équivalence où le rapporteur tenait compte de la nature des missions de l'administration où il avait servi antérieurement, du niveau et de la durée des missions qu'il avait exercées ainsi que de la nature juridique de l'engagement qui le liait à l'autre administration qui l'avait employé. Il a ajouté que la commission d'équivalence était composée de son président, de représentants de trois ministères (fonction publique, affaires étrangères, budget), de l'administration d'accueil et - le cas échéant - du ministère chargé des collectivités territoriales ou du ministère chargé de la santé. Enfin, il a souligné que l'avis de la commission était consultatif, mais qu'il était généralement suivi.

M. François Marc, rapporteur spécial, a indiqué que la commission ne s'était réunie pour la première fois qu'en février 2005 et qu'il était donc encore trop tôt pour dresser un bilan définitif. Son démarrage plus lent que prévu avait toutefois justifié l'envoi d'une circulaire d'information aux directeurs des personnels des trois fonctions publiques, le 8 juillet 2005, pour qu'elle soit mieux connue. Il a indiqué que la commission s'était réunie neuf fois en 2006 pour examiner 122 dossiers.

Il a noté que si les coûts de fonctionnement étaient limités, le secrétariat de la commission était surdimensionné, de l'avis même de la commission d'équivalence. Il a souligné l'intérêt d'un calcul en coûts complets qui montrait que toutes les commissions placées auprès du Premier ministre étaient en mesure de faire un bilan financier annuel de leurs activités.

M. François Marc, rapporteur spécial, a ajouté que, ponctuellement, une économie budgétaire, de l'ordre de 2.000 euros, pourrait être opérée sur le recours à des collaborateurs externes.

S'agissant du compte rendu d'activité de la commission d'équivalence, il a relevé que des bilans, non seulement quantitatifs, mais également qualitatifs, étaient en cours d'élaboration.

Il s'est demandé s'il fallait adjoindre d'autres missions, comme le suivi contentieux, même si cela n'était pas la mission première de la commission d'équivalence.

A cet égard, il a précisé que la création de la commission d'équivalence avait répondu à une demande spécifique d'expertise, faute des moyens nécessaires dans les administrations françaises et en l'absence manifeste de pratiques homogènes. Il a estimé qu'après cette phase d'apprentissage, les activités de la commission d'équivalence pourraient être fortement réduites et largement transférées aux administrations d'accueil.

Il s'est félicité que cette perspective d'une commission allégée, se réunissant sur des cas exceptionnels, ait d'ailleurs été envisagée spontanément par son président.

Enfin, M. François Marc, rapporteur spécial, a résumé les principales caractéristiques de la commission d'équivalence : des coûts limités, une capacité à établir des comptes rendus financiers et d'activité et une existence envisagée comme temporaire. Il a estimé qu'elle devait ainsi être un modèle pour les autres commissions trop souvent créées pour répondre à des besoins ponctuels ou médiatiques.

M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a souligné que la CIEEMG représentait une structure plus importante en termes d'enjeux financiers, puisqu'elle employait 14 emplois et que son coût annuel s'élevait à 1 million d'euros. Par ailleurs, il a estimé que se posait la question d'un compte rendu de ses activités respectueux du secret de la défense nationale.

Il a noté que la CIEEMG intervenait dans le contrôle des exportations de matériels d'armement, lesquelles nécessitent l'obtention d'un agrément préalable (AP) puis d'une autorisation d'exportation de matériels de guerre (AEMG).

Après avoir décrit la procédure d'autorisation, il a indiqué que, pour définir la politique d'exportation d'armement de la France, la CIEEMG définissait des directives politiques qui faisaient apparaître un certain nombre d'évolutions : un accroissement des demandes portant sur des équipements considérés comme sensibles, comme les missiles, les drones et les satellites ; l'accession d'un nombre croissant de pays au statut de producteur d'armement ; l'émergence de nouveaux risques, comme le détournement vers des groupes terroristes ou le copiage de technologies de pointe ; la possibilité pour les sociétés à filiales d'obtenir des autorisations dans certains pays dont les procédures sont moins exigeantes ; enfin, le rôle croissant d'intermédiaires et de sociétés spécialisées dans le courtage d'armement.

Par ailleurs, il a indiqué que la France, tout en respectant les décisions de l'Organisation des Nations unies (ONU) sur les restrictions au commerce d'armement, s'était engagée, au niveau européen, dans une procédure de concertation et d'échange d'information avec ses principaux partenaires exportateurs d'armements (l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, la Suède et l'Espagne).

Il a noté que la procédure française avait été et restait critiquée par les industriels de l'armement, parce qu'elle opérait un contrôle plus étroit que d'autres Etats. Il a ajouté toutefois que des procédures de simplification avaient déjà été opérées et que d'autres modifications étaient en cours, comme la suppression de l'autorisation préalable pour la négociation de contrats d'armement ou l'allongement de la durée des AEMG. Il a ajouté que, suite au rapport remis au Premier ministre, au début de l'été 2006, par le député M. Yves Fromion, une nouvelle simplification était par ailleurs à l'étude depuis juin 2007, dans l'attente d'un bilan en juin 2008.

M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a ajouté que, lors de leur contrôle, il avait pu apprécier l'implication importante, aux côtés du SGDN, des ministères de la défense, de l'économie et des affaires étrangères. Ainsi, la CIEEMG se réunissait un jour par mois pour traiter, chaque année, 8.000 dossiers au titre des autorisations préalables et 16.000 dossiers d'autorisation d'exportation de matériels de guerre. Puis il a appelé à une véritable évaluation, en coûts complets, des besoins en fonctionnement qu'impliquait l'activité de la CIEEMG pour tous les ministères, y compris les agents en poste à l'étranger, et qui renforcerait la transparence budgétaire. Ensuite, il a appelé à l'élaboration d'indicateurs de performance, même si la démarche était délicate.

Il a ajouté que les infractions, comme l'absence de demande d'autorisation d'exportation d'armes, étaient évaluées par le SGDN à trois ou quatre par an. Il a souhaité que ces infractions puissent être commentées dans le compte rendu des activités de la CIEEMG, notamment dans le rapport au Parlement sur le contrôle des exportations d'armement.

En conclusion, M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a souhaité saluer la qualité du travail effectué par ces deux commissions. Il s'est déclaré convaincu que la préconisation d'un compte rendu d'activité régulier, comportant une analyse budgétaire en coûts complets et analysant l'impact des travaux des commissions sur les modifications de la réglementation et des pratiques administratives, pouvait être respectée par l'ensemble des commissions placées auprès du Premier ministre et sans doute, plus largement, par l'ensemble des commissions et instances placées auprès des différents ministres.

Il a ajouté qu'une telle démarche répondait à une exigence de transparence et qu'elle pourrait être aussi une source d'économies. Il a envisagé la suppression ou l'extinction de commissions dont l'expertise serait moins nécessaire, ou la simplification des procédures d'autres commissions qui, comme la CIEEMG, exerçaient des missions pérennes.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que les propositions formulées par les rapporteurs spéciaux pour améliorer le fonctionnement de ces commissions répondaient à l'exigence de réforme et de simplification des procédures administratives.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a mis en exergue l'importante activité de la CIEEMG et souhaité connaître le champ des 16.000 autorisations d'exportation de matériels de guerre (AEMG) examinées chaque année par cette commission.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la fréquence des cas de refus d'autorisation d'exportation.

M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a justifié le bien-fondé de la procédure de contrôle des exportations d'armement par la nature sensible de ces biens.

Il a relevé que 5  % des dossiers étaient abandonnés en cours de procédure, compte tenu des risques d'un refus d'autorisation. Selon lui, l'activité de la CIEEMG devait concilier les principes de souplesse des procédures et de vigilance sur les transferts de technologie ou les ventes d'armes à certains pays.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a observé que le suivi de la localisation des productions d'armement relevait de la cellule d'intelligence économique du secrétariat général de la défense nationale (SGDN).

M. Yves Fréville a souligné l'utilité de la procédure suivie par la France, en relevant que l'allégement des procédures en Angleterre avait au contraire conduit à une diminution des capacités d'expertise et de contrôle des opérations effectués par les industriels de l'armement. Il a relevé l'importance que l'information relative à la CIEEMG figure bien dans le rapport annuel au Parlement sur le contrôle des exportations d'armement.

Par ailleurs, il a souhaité connaître le positionnement de la commission interministérielle pour le soutien aux exportations de sécurité (CIEDES), nouvellement créée, par rapport à la CIEEMG.

M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a observé que les missions de la CIEEMG relevaient d'un champ différent de celles de la CIEDES et que leurs rôles respectifs seraient détaillés dans le rapport d'information.

Par ailleurs, il a relevé que le fonctionnement de la CIEEMG tendait à servir de modèle pour d'autres pays, comme Israël.

M. François Marc, rapporteur spécial, a montré que l'évolution du marché de l'armement nécessitait de prendre en compte de nouvelles réalités, comme le transit d'armes qui faisait l'objet de demandes d'autorisations spécifiques.

S'agissant des 16.000 dossiers annuels d'AEMG traités par la CIEEMG, il a fait valoir que la commission n'examinait en détail que les cas soulevant des difficultés.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la nécessité que soient représentés à la CIEEMG, outre le SGDN, trois ministères, en charge respectivement de la défense, des affaires étrangères et de l'économie.

Par ailleurs, il s'est interrogé sur les effectifs de fonctionnaires qu'impliquaient les travaux de la CIEEMG.

M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a rappelé que la CIEEMG avait vocation à opérer une synthèse des points de vue de l'ensemble des administrations compétentes en matière d'exportation d'armement. Il a cependant relevé que ces besoins d'expertise impliquaient d'autres moyens en personnel que les 14 experts du SGDN directement en charge des activités de la CIEEMG : pour le seul ministère de la défense, 60 fonctionnaires d'administration centrale étaient impliqués dans les activités conduites par la CIEEMG.

M. François Marc, rapporteur spécial, a lui aussi estimé que le nombre de ministères représentés aux réunions de la CIEEMG, se justifiait par une application du principe de prudence.

M. Yves Fréville a noté que la politique française de contrôle des exportations d'armements devait respecter les conventions internationales. Dans ce cadre, il a souligné qu'il était de plus en plus fréquent que les exportations d'armes s'opèrent avec des transferts de technologies, ce qui permettait aux pays clients de se doter de leurs propres capacités de production d'armes.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si le montant des vacations était adapté à la charge de travail des rapporteurs.

M. François Marc, rapporteur spécial, a relevé que la complexité des dossiers pouvait entraîner un important travail de recherche, mais que les rapporteurs attendaient d'abord de leurs activités une forme de reconnaissance.

A une question de M. Yves Fréville, il a répondu que la prise en compte des cours donnés dans l'enseignement supérieur, pour les reclassements dans la fonction publique, constituait un cas fréquent de saisine de la commission d'équivalence.

La commission a ensuite donné acte, à l'unanimité, à MM. François Marc et Michel Moreigne, rapporteurs spéciaux, de leur communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Audition de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, sur la situation financière internationale.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que si M. Christian Noyer avait déjà été auditionné à quatre reprises par la commission, c'était la première fois qu'il était auditionné en amont de la discussion du projet de loi de finances. Il a précisé que le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) devait se réunir le jeudi 4 octobre 2007. Il s'est interrogé sur les conséquences, pour l'Europe et pour la France, de la crise des prêts hypothécaires à risque aux Etats-Unis (les « subprimes »), et sur la manière de limiter les « bulles » d'actifs.

En réponse, M. Christian Noyer a estimé que la crise des « subprimes » concernait un marché très limité, mais qu'elle s'était étendue à l'ensemble de la titrisation. Il a considéré que si le développement de la titrisation permettait de répartir le risque entre de nombreux acteurs, et favorisait donc le financement de l'économie, elle se traduisait également par une opacité dans la répartition du risque, ce qui pouvait nuire à la confiance en période de tension. Il a indiqué que les banques pouvaient être touchées directement, au niveau de leur bilan, ou indirectement, par l'intermédiaire des lignes de crédit accordées. Il a considéré que les banques françaises se trouvaient presque exclusivement dans le second cas de figure et que leur exposition était très limitée. Il a expliqué que, la crise des subprimes rendant difficile la valorisation des actifs titrisés, certains billets de trésorerie, finançant ces actifs, n'avaient pas été renouvelés, ce qui obligeait les banques à prêter davantage, alors même qu'elles avaient moins de ressources. Il a indiqué qu'en conséquence, les banques manquaient de ressources à court terme, d'1 à 3 mois. Il a estimé que si elles avaient du mal à en trouver, cela ne provenait pas d'une quelconque défiance vis-à-vis du « risque bancaire » lui-même, mais d'un simple problème de liquidité.

Il a indiqué que la BCE avait été « généreuse » en matière d'allocations hebdomadaires de refinancement, attribuant des allocations exceptionnelles à 24 heures les jours où la situation était tendue. Il a relativisé la manière alarmiste avec laquelle la presse avait rapporté certaines de ces opérations, soulignant que, dès lors qu'il s'agissait d'opérations à très court terme, si la BCE prêtait un jour 90 milliards d'euros, puis 50 milliards d'euros le lendemain, additionner ces deux chiffres n'avait guère de sens. Il a ajouté que la BCE avait, en outre, accru un financement à trois mois en août et en septembre 2007, inversant ainsi la proportion des financements de l'eurosystème, désormais constitués pour un tiers de financements à une semaine et pour deux tiers de financements à trois mois, afin d'alléger les besoins de financement à 1 mois, 2 mois et 3 mois.

Il a indiqué que la Réserve fédérale des Etats-Unis avait, dès le mois d'août, élargi la gamme des actifs admis en garantie,  porté la durée de ses financements à un mois, et réduit de cinquante points de base son taux du guichet d'escompte. Il a considéré que cette diminution du taux d'escompte ne devait pas être interprétée comme une décision de politique monétaire. La réserve fédérale a, par la suite, le 19 septembre 2007, réduit le taux des fonds fédéraux de 5,25 % à 4,75  %.

M. Christian Noyer a jugé que la crise des « subprimes » ne touchait pas de la même manière l'économie américaine et l'économie européenne, soulignant que l'économie américaine avait atteint son haut de cycle dès 2006, les deux économies présentant un décalage de 18 mois, et que c'était seulement aux Etats-Unis que les ménages avaient été directement touchés. Il a indiqué que la BCE s'était « mise en attente » et souligné que les analystes ne prévoyaient plus d'augmentation à court terme de ses taux d'intérêt.

Il a estimé que les banques centrales étaient, d'une manière générale, réticentes à considérer qu'elles devaient réguler les prix des actifs, parce qu'il n'était souvent pas possible de définir leur juste valeur, et que cela pourrait les amener à décider de hausses de taux beaucoup plus importantes que celles actuellement utilisées pour contrôler les prix des biens et des services. Il a, en outre, considéré que la BCE prenait déjà en compte indirectement les prix des actifs dans son analyse, par l'intermédiaire de l'évolution de la monnaie et du crédit, dont une forte croissance peut indiquer la constitution d'une « bulle ».

Il a jugé qu'au total la crise des subprimes avait été « salutaire », en conduisant les agents économiques à davantage de réalisme, et en mettant en évidence la nécessité d'améliorer la transparence du système financier, en particulier s'agissant de la titrisation.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que les propos de M. Christian Noyer étaient de nature à apaiser les craintes relatives à la crise des subprimes. Il s'est interrogé sur les conséquences de cette crise sur l'économie européenne.

En réponse, M. Christian Noyer a indiqué que la Banque de France n'avait pas remis en cause ses prévisions de croissance antérieures à la crise des « subprimes ». Il a souligné qu'avec une croissance de 0,6 % aux troisième et quatrième trimestres 2007, la croissance moyenne de l'économie française serait de 1,8 % en 2007, et estimé qu'elle serait vraisemblablement comprise en 2008 entre 2 % et 2,5 %, comme le prévoyait le gouvernement.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur l'ordre de grandeur du risque, pour les banques, de perte en fonds propres, sur le jugement qu'il convenait de porter sur le système de supervision financière en Europe, et sur la nécessité éventuelle de faire évoluer les méthodes de la BCE.

En réponse, M. Christian Noyer a indiqué que si les résultats trimestriels des banques françaises ne seraient connus qu'au début du mois de novembre, la Banque de France avait d'ores et déjà effectué un travail considérable afin de s'assurer que l'exposition des banques n'était pas de nature à menacer la stabilité du système bancaire. Il a estimé que si le résultat des banques serait vraisemblablement en recul au troisième trimestre, ce phénomène devrait demeurer modéré, soulignant que la part de la titrisation dans les actifs et les revenus des banques françaises était faible.

En ce qui concerne la régulation du système financier européen, il s'est félicité de la très grande proximité entre la Banque de France et la commission bancaire, qu'il préside, en tant que gouverneur de la Banque de France. Il a considéré qu'il s'agissait d'un avantage dont ne disposait pas, par exemple, la Banque d'Angleterre. Il a estimé qu'une telle proximité existait en revanche, par exemple, aux Etats-Unis, dans le cas des banques de réserve fédérales. Il a jugé que le comité européen des contrôleurs bancaires pourrait fonctionner auprès de la BCE.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'utilité d'une unification des organes de régulation financière en Europe.

En réponse, M. Christian Noyer a indiqué que les Pays-Bas avaient décidé de confier la responsabilité de la régulation des assurances à leur banque centrale, qu'une telle réforme était à l'étude en Italie et en Espagne, et que la Banque de France avait abordé le sujet avec le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi. Il a cependant considéré que les régulateurs pouvaient demeurer distincts, soulignant qu'aux Etats-Unis, la Réserve fédérale, responsable du système bancaire, ne l'était pas des marchés financiers, qui étaient, eux, régulés par la Securities and Exchange Commission (SEC). Il a cependant jugé que les régulateurs devaient travailler en étroite collaboration.

En ce qui concerne les méthodes de travail de la BCE, il a, à nouveau, considéré que la BCE prenait déjà en compte les prix des actifs dans son analyse, par l'intermédiaire de l'évolution de la monnaie et du crédit. Il a, par ailleurs, souligné que de nombreuses études économétriques montraient que la « fonction de réaction » de la BCE n'était pas différente de celle de la Réserve fédérale. Si cette dernière pouvait parfois donner l'impression d'être plus réactive, c'était parce que l'économie américaine était plus cyclique. Il a considéré que s'il était toujours souhaitable que la BCE améliore sa politique de communication, cela était difficile. En effet, le président du conseil des gouverneurs doit s'adresser à la fois aux marchés et aux opinions publiques des différents Etats ayant adopté l'euro, très différentes d'un pays à un autre. Il a déploré que les médias n'accordent pas suffisamment d'importance aux déclarations des gouverneurs des banques centrales nationales, alors que ceux-ci étaient les plus capables d'adapter la communication de la BCE aux caractéristiques propres à chaque pays.

MM. Paul Girod et Yves Fréville se sont interrogés sur les causes et les conséquences de l' « aplatissement de la courbe des taux ».

M. Jean Arthuis, président, s'est inquiété du rôle croissant des « fonds souverains », mis en place par des Etats disposant d'un solde extérieur fortement excédentaire, comme la Chine ou certains Etats producteurs de pétrole, et acquérant des actifs à l'étranger. Il a souhaité faire le point sur l'application de la loi n° 2007-212 du 20 février 2007, portant diverses dispositions intéressant la Banque de France, adoptée à son initiative, et qui supprimait le Conseil de la politique monétaire, ainsi que sur la réforme des retraites à la Banque de France.

En réponse, M. Christian Noyer a souligné que les taux d'intérêt à long terme avaient significativement augmenté en 2006 et 2007, et que l'on semblait donc assister à la fin de l' « aplatissement de la courbe des taux », le fameux « conundrum » (énigme) évoqué en 2005 par M. Alan Greenspan, alors président de la Réserve fédérale. On l'explique habituellement par l'importance des liquidités internationales due aux forts excédents de la Chine et des pays exportateurs de matières premières. Il s'est interrogé sur les causes de cette augmentation des taux d'intérêt à long terme, estimant qu'elle pouvait témoigner de la prise de conscience, par les investisseurs, du fait que les taux d'intérêt à court terme n'allaient pas « éternellement » demeurer au très bas niveau qui était le leur après le 11 septembre 2001, et que les titres à long terme étaient, par nature, plus risqués que les titres à court terme. Il a considéré que le véritable problème était non l' « aplatissement de la courbe des taux », mais le niveau élevé des taux interbancaires à trois mois, qu'il avait déjà évoqué. Il a, à nouveau, souligné la nécessité d'améliorer la transparence du système financier, afin de recréer un climat de confiance.

En ce qui concerne les fonds souverains, il a rappelé que la Norvège disposait d'un fonds alimenté par les revenus du pétrole, et cherchait à valoriser des actifs, dans une logique de fonds de pension. Il a indiqué ne pas disposer d'informations selon lesquelles le fonds récemment créé par la Chine obéirait à une logique d'acquisition d'actifs stratégiques à l'étranger.

Il a estimé que la loi du 20 février 2007 précitée avait été mise en oeuvre dans de bonnes conditions, en particulier en ce qui concernait la suppression du Conseil de la politique monétaire. Il a indiqué que les négociations avec les syndicats à la suite de la modification du code du travail avaient bien avancé. Il a ajouté que les retraites seraient progressivement alignées sur le régime de la fonction publique, avec une durée de cotisation de 40 ans et un relèvement à 65 ans de l'âge limite, l'intégration de la décote et de la surcote, la prise en compte des 6 derniers mois d'activité, et l'extension des cotisations à tous les éléments fixes de la rémunération. Il a précisé qu'un régime spécifique avait été maintenu pour les personnes effectuant les travaux les plus pénibles, notamment les papetiers-imprimeurs et les chauffeurs-convoyeurs.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur le montant du dividende que la Banque de France devait verser à l'Etat en 2008.

En réponse, M. Christian Noyer a indiqué que la Banque de France avait indiqué à l'Etat pouvoir verser 1,6 milliard d'euros, et que c'était ce montant qui figurait dans le projet de loi de finances pour 2008. Il a rappelé qu'en 2007, ce montant avait été de 950 millions d'euros en loi de finances initiale, 920 millions d'euros ayant effectivement été versés. Il a estimé qu'en y ajoutant plus d'1 milliard d'euros d'impôt sur les sociétés, la Banque de France serait en 2008 le principal contributeur au budget de l'Etat, avant même la Caisse des dépôts et consignations.

Il a indiqué qu'avant la réforme des retraites décidée en novembre 2006, l'engagement non couvert était de 6,6 milliards d'euros. Il a estimé, s'appuyant sur des calculs encore provisoires, que la réforme devrait ramener cet engagement à environ 6 milliards d'euros en 2007. Il a souhaité que la Banque de France continue de réduire cet engagement non couvert de 400 millions d'euros par an, par des provisionnements complémentaires.

Au total, M. Jean Arthuis, président, a jugé rassurants, pour la stabilité du système financier international, les propos du gouverneur.

Mercredi 3 octobre 2007

- Présidence de M. Claude Belot, vice-président puis de M. Jean Arthuis, président.

Enquête Cour des comptes - Remboursements et dégrèvements d'impôts

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé tout d'abord à l'audition de MM. Christian Babusiaux, président de la 1ère chambre de la Cour des comptes, Philippe Josse, directeur du budget, Bruno Parent, directeur général des impôts (DGI), Alban Aucoin, chef du service des ressources et du réseau à la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), Etienne Effa, sous-directeur chargé de la 4e sous-direction à la DGCP, et Edward Jossa, directeur général des collectivités locales (DGCL), pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes relative à la gestion et à l'efficacité des remboursements et dégrèvements, transmise en application de l'article 58-2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

M. Claude Belot, président, a rappelé que l'enquête avait été demandée par Mme Marie-France Beaufils en sa qualité de rapporteure spéciale. Il a indiqué qu'à plusieurs reprises, la commission avait souligné les faiblesses de cette mission, tant au regard de son architecture que de la mesure de la performance des deux programmes dont elle se composait. Il a souligné que la mission « Remboursements et dégrèvements » représentait pourtant la plus importante des missions budgétaires de l'Etat en termes de volume de crédits, soit 27 % des dépenses du budget général de l'Etat.

M. Claude Belot, président, a précisé que les cabinets des deux ministères concernés n'avaient pas donné de réponse positive à l'invitation de la commission. Il a précisé que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, avait néanmoins fait parvenir, par écrit, ses observations, ainsi qu'un certain nombre de propositions.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Christian Babusiaux, président de la 1ère chambre de la Cour des comptes, a rappelé les principales caractéristiques de la mission « Remboursements et dégrèvements », notamment le montant élevé et le caractère évaluatif des crédits retracés, l'extrême diversité des dépenses concernées, et le rattachement des moyens de gestion de la mission au programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local », de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques ».

S'agissant de l'architecture et du contenu de la mission, M. Christian Babusiaux a indiqué que celle-ci ne répondait pas aux prescriptions de la LOLF, selon lesquelles une mission budgétaire devait comprendre un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie. Il a souligné la disproportion entre les dispositifs retracés, notamment le poids important des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Il a ensuite distingué deux types de dépenses, d'une part, les dépenses dites « techniques », liées aux modalités de recouvrement de certains impôts, et, d'autre part, les dépenses retraçant des dispositifs fiscaux mis en place pour servir une politique publique déterminée.

Après avoir rappelé que tout changement de périmètre de la mission devait être étudié avec précaution, M. Christian Babusiaux a présenté trois pistes d'amélioration possibles : le rattachement de certains dispositifs de taille suffisante aux missions dédiées à des politiques publiques spécifiques, l'intégration du programme 201, relatif aux impôts locaux, à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », la création d'un programme dédié aux remboursements de TVA.

M. Christian Babusiaux a ensuite souligné le caractère « rudimentaire » du dispositif de performance de la mission, soulignant que l'objectif unique et identique associé à chaque programme ne portait que sur la rapidité des remboursements et ne couvrait pas l'ensemble des dépenses retracées dans la mission. Exposant plusieurs voies d'amélioration possibles, il a insisté sur la nécessité de compléter l'objectif actuel de rapidité des remboursements par un objectif centré sur la fiabilité et la régularité des opérations, de tendre à la mesure de l'efficience des programmes grâce à la mise en place d'outils de comptabilité analytique adéquats et d'évaluer l'efficacité socio-économique des dégrèvements et remboursements relevant de politiques publiques spécifiques.

M. Christian Babusiaux a conclu sa présentation sur la nécessité d'un examen attentif et approfondi des suggestions exposées par M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Bruno Parent, directeur général des impôts, a souligné le caractère atypique de cette mission regroupant des crédits évaluatifs et retraçant des dépenses hétérogènes. Il a, par ailleurs, précisé que l'essentiel des opérations enregistrées dans la mission ne correspondait pas à des remboursements d'impôt indûment perçu, mais était lié aux techniques de recouvrement de certains impôts. Il a déduit de ces deux remarques la difficile mesure de l'efficacité socio-économique des dispositifs de remboursements et dégrèvements.

M. Bruno Parent a ensuite insisté sur le fait que, si la mission ne comprenait qu'un objectif relatif à la rapidité des remboursements, celui-ci était néanmoins ambitieux et s'expliquait par la volonté de l'administration d'améliorer prioritairement les délais de traitement de certains dispositifs. Il a, en outre, souligné que cet objectif avait été atteint par ses services.

M. Philippe Josse, directeur du budget, a indiqué comprendre la volonté de ventiler les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » entre les missions du budget de l'Etat en fonction des finalités des politiques publiques. Il s'est cependant interrogé sur la pertinence de cette solution, soulignant la difficile prévisibilité de ces dépenses, ainsi que la possible incompatibilité d'un tel redécoupage avec l'article 40 de la Constitution.

Proposant des voies d'amélioration, M. Philippe Josse a suggéré de rattacher les dépenses dite « techniques » aux recettes correspondantes en tant que « moindre recettes », ainsi que de développer la mesure de la performance de la dépense fiscale au sein des projets annuels de performances. Il a, en outre, indiqué que la mise en place progressive des systèmes d'information COPERNIC et CHORUS devrait permettre une identification précise et complète des dispositifs de remboursements et dégrèvements.

M. Edward Jossa, directeur général des collectivités locales, a déclaré, en préambule, qu'il partageait l'essentiel des analyses qui venaient d'être présentées. Il a souligné que le niveau actuellement atteint par les dégrèvements d'impôts locaux, 13 milliards d'euros, reflétait l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités territoriales. Il a estimé que, de ce point de vue, l'analyse économique de ces dispositifs méritait d'être développée.

Puis il a tracé les deux voies qui, selon lui, s'offraient en vue d'organiser la présentation budgétaire des dégrèvements d'impôts locaux en dehors de la mission « Remboursements et dégrèvements ». Il était ainsi concevable : soit de quitter l'architecture des missions et programmes, pour présenter les dégrèvements d'impôts locaux sous forme de prélèvements sur recettes fiscales ; soit de rattacher à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » le programme qui leur était dédié. Toutefois, il a précisé que la mission « Relations avec les collectivités territoriales », même ainsi reconfigurée, resterait loin de retracer l'ensemble des dépenses budgétaires de l'Etat affectées aux collectivités territoriales.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé que l'existence même de la mission « Remboursements et dégrèvements », critiquée dès l'origine par la commission, ne constituait pas une situation satisfaisante. Il a plaidé pour que l'Etat distingue clairement entre dépenses budgétaires et dépenses fiscales, et appelé de ses voeux le cantonnement de ces dernières.

Dans cette perspective, M. Philippe Josse a évoqué deux pistes. La première consisterait à instaurer, de façon systématique, une limitation dans le temps des dispositifs générateurs de dépenses fiscales, de sorte que le Parlement soit nécessairement amené à se prononcer, à intervalles réguliers, sur leur pérennité. La seconde tiendrait à l'institution, pour chaque contribuable, d'un plafonnement global des avantages fiscaux.

M. Alban Aucoin, chef du service des ressources et du réseau à la direction générale de la comptabilité publique, a souhaité s'en tenir, à ce stade du débat, à deux précisions. En premier lieu, il a indiqué que les outils de comptabilité analytique qui permettraient une mesure de l'efficience des remboursements et dégrèvements étaient disponibles. Cependant, il s'est interrogé sur la pertinence de leur mise en oeuvre. En deuxième lieu, il a exposé que l'information concernant les admissions en non-valeur, par catégorie d'impôt, n'était disponible qu'au stade de la gestion, et non au niveau de la comptabilité.

Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale, a déclaré que les éléments qui venaient d'être apportés ne répondaient que très imparfaitement à ses attentes. En effet, à ses yeux, les aménagements de la mission « Remboursements et dégrèvements » devraient avant tout permettre au Parlement d'apprécier la pertinence des dispositifs fiscaux et, ce faisant, l'opportunité de les maintenir, de les modifier ou de les supprimer. Elle a estimé que les difficultés techniques à mettre en place ces aménagements, telles qu'elles étaient avancées par l'administration, s'analysaient comme une manière de refuser aux parlementaires l'information dont ils avaient besoin pour décider en toute connaissance de cause.

Elle a souligné que l'enquête de la Cour des comptes, pourtant, donnait plusieurs exemples témoignant de la capacité des services à fournir une information de nature à éclairer utilement la décision politique. Elle a souhaité que des indicateurs d'efficience et d'efficacité socio-économique soient rapidement instaurés.

En réponse, M. Philippe Josse a fait observer que les trois quarts des masses financières consacrées aux remboursements et dégrèvements correspondaient à des opérations « ordinaires », par opposition aux remboursements et dégrèvements relevant de politiques publiques spécifiques. Pour ces opérations, l'introduction d'indicateurs d'efficacité socio-économique n'avait pas de sens.

MM. Philippe Marini, rapporteur général, et Jean Arthuis, président, ont jugé que ces remboursements et dégrèvements « ordinaires » devaient être traduits, sur le plan budgétaire, en prélèvements sur recettes.

M. Philippe Josse, alors, a rappelé que la mission « Remboursements et dégrèvements » ne retraçait que la masse financière remboursée, et non celle qui était imputée au contribuable. Il a fait valoir que l'on ne pouvait appréhender cette imputation qu'au stade ex post.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a proposé que cette imputation apparaisse en loi de règlement, la loi de finances initiale n'en présentant alors qu'une évaluation. M. Jean Arthuis, président, a souscrit à cette idée, dont il a souligné qu'elle participait de la revalorisation des lois de règlement que commandait, selon lui, la LOLF.

M. Yves Fréville a jugé qu'il était nécessaire de distinguer entre quatre catégories de dépenses de remboursements et dégrèvements. La première catégorie concernait les opérations « techniques », afférentes notamment à la TVA et à l'impôt sur les sociétés, qui relevaient du prélèvement sur recettes. La seconde catégorie visait les dégrèvements d'impôts locaux hors admissions en non-valeur, pour lesquels, à ses yeux, un programme spécifique pouvait être conservé. La troisième catégorie regroupait l'ensemble des admissions en non-valeur, la distinction entre impôts d'Etat et impôt locaux paraissant difficile à établir en la matière. La quatrième catégorie, enfin, était relative aux dépenses fiscales partagées entre opérations de remboursement et opérations d'imputation. Il a estimé que la seule difficulté de présentation des remboursements et dégrèvements se situait sur ce dernier point.

M. Charles Guéné a noté que la mission « Remboursements et dégrèvements », en son état actuel, privilégiait une approche fonctionnelle de présentation. Pour lui, il serait opportun d'intégrer la mesure de la performance fiscale au sein de chaque mission correspondante, tout en conservant une mesure fonctionnelle avec la mission « Remboursements et dégrèvements ».

M. Christian Babusiaux a relevé un consensus en faveur d'un progrès de la mesure de la performance des remboursements et dégrèvements. Il a insisté sur l'utilité d'aménagements de l'architecture budgétaire, notamment en vue de distinguer les opérations relatives à la TVA des autres. Néanmoins, il a mis en garde contre une éventuelle méconnaissance de l'articulation nécessaire entre la nomenclature budgétaire, la comptabilité générale et les indicateurs issus du traité de Maastricht.

M. Philippe Josse a admis qu'un certain nombre de progrès dans la présentation des remboursements et dégrèvements étaient possibles. Cependant, il a souligné que, les dépenses fiscales ne pouvant être mesurées qu'a posteriori, il n'était pas envisageable de les intégrer au sein d'une politique budgétaire, sauf à altérer la définition de cette dernière.

MM. Philippe Marini, rapporteur général et Jean Arthuis, président, ont considéré que cet élément militait fortement pour la limitation des dépenses fiscales.

Pour conclure, M. Jean Arthuis, président, a estimé que la disparition de la mission « Remboursements et dégrèvements » devait constituer, pour le gouvernement, un objectif pour le projet de loi de finances initiale pour 2009.

La commission des finances a décidé, à l'unanimité, d'autoriser la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte rendu de la présente audition sous la forme d'un rapport d'information.

Référé Cour des comptes - Etablissement public d'aménagement de la Défense (EPAD)

Puis la commission a procédé à l'audition, pour suite à donner, sur les travaux de la Cour des comptes relatifs à l'établissement public d'aménagement de la Défense (EPAD), de MM. Christian Descheemaeker, président de la 7e chambre de la Cour des comptes, Bernard Bled, directeur général de l'EPAD, Etienne Crépon, directeur, adjoint au directeur général de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, Mme Hélène Eyssartier, sous-directrice à la direction du budget, M. Yves Colcombet, conseiller au cabinet du cabinet du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué au préalable que l'audition pour suite à donner sur les travaux de la Cour des comptes relatifs à l'établissement public d'aménagement de la Défense (EPAD) constituait une innovation procédurale : l'objectif commun de la commission et de la Cour des comptes est ainsi de mieux valoriser les travaux de contrôle.

En dehors de la procédure désormais « classique » des enquêtes effectuées au titre de l'article 58-2° de la LOLF, la commission a décidé d'organiser un suivi plus visible et plus systématique des rapports particuliers et des référés en sélectionnant certains sujets particulièrement importants ou ayant appelé des observations remarquables de la part de la Cour des comptes.

Il a ainsi indiqué que la Cour des comptes avait remis, le 24 avril 2007, un rapport particulier relatif aux comptes et à la gestion de l'établissement public d'aménagement de la Défense (EPAD) pour les exercices 1997 à 2005 qui avait été délibéré le 24 janvier 2007, cette transmission ayant été suivie, le 2 août 2007, de celle d'un référé sur le même sujet.

Exposant certaines des observations présentées par la Cour des comptes, il a relevé leur sévérité. Ainsi, il a noté que la Cour des comptes avait conclu à la permanence de nombreuses et graves anomalies comptables, qui l'empêchaient de se prononcer sur la régularité, la sincérité et l'image fidèle du patrimoine et des résultats de l'établissement.

La Cour des comptes observe également que les critiques qu'elle avait émises dans son rapport public de 1999 sont toujours valables. En particulier, elle relève que l'établissement public ne dispose pas de document d'urbanisme lui permettant d'asseoir juridiquement sa mission d'aménageur et doit se référer aux plans d'occupation des sols (POS) des communes d'accueil ou aux règlements nationaux d'urbanisme.

Elle constate également que l'EPAD, qui a une mission d'aménageur, intervient comme exploitant dans un cadre juridique irrégulier, ce qui crée des difficultés pour la commercialisation des nouveaux droits à construire prévus par le plan de relance du quartier d'affaires de la Défense.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que le Parlement avait été récemment conduit à se pencher sur la gestion de l'EPAD, à l'occasion de la discussion de la proposition de loi portant création d'un établissement public de gestion des équipements publics du quartier d'affaires dit de « La Défense ».

Il s'est interrogé sur la mise en application de cette loi n° 2007-254 du 27 février 2007, qui réforme la gouvernance de l'EPAD et qui pourrait être de nature à répondre, au moins en partie, aux observations de la Cour des comptes.

M. Christian Descheemaeker, président de la 7e chambre de la Cour des comptes, a souligné, au préalable, que les observations de la Cour des comptes portaient sur les exercices 1997 à 2005 et incluaient une actualisation sur les comptes 2006, mais ne tenaient pas compte des différents événements intervenus en 2007. Il a ensuite exposé les principales remarques de la Cour des comptes figurant dans le référé n° 47724 en date du 13 avril 2007 sur l'établissement public d'aménagement de la Défense.

Il a rappelé que la Cour des comptes avait émis, à plusieurs reprises, des critiques sur la gestion de l'EPAD. Il a indiqué, en particulier, que la Cour des comptes avait contrôlé, en 1998, les comptes et la gestion de l'EPAD de 1991 à 1996, ce contrôle ayant fait l'objet d'une publication au rapport public annuel de 1999.

Il a aussi souligné que la responsabilité des anomalies comptables et des défauts de gestion était partagée entre l'établissement public et ses tutelles. Il a ensuite brièvement présenté les cinq critiques principales portées par la Cour des comptes sur la gestion et les comptes de l'EPAD :

- en matière d'urbanisme, l'EPAD est en situation de grande fragilité juridique, puisqu'elle ne dispose d'aucun document d'urbanisme propre à sa mission. Malgré des engagements pris par les pouvoirs publics dès 1992, cette situation, dénoncée également en 1999, n'avait pas évolué à la date de transmission du référé à la commission ;

- l'EPAD a poursuivi ses interventions en matière de voirie nationale dans un cadre juridique irrégulier. Ainsi, la convention de mandat reliant l'Etat et l'EPAD date d'octobre 1967 et elle n'est pas conforme aux principes de la maîtrise d'ouvrage public ;

- l'EPAD, qui a une mission d'aménageur, assume depuis des années un rôle d'exploitant. Cette situation anormale est liée au refus des collectivités territoriales, en particulier de la commune de Courbevoie, de prendre en charge la gestion des espaces et des équipements généraux, et de participer à leur financement ;

- le fonctionnement du conseil d'administration de l'EPAD s'est révélé difficile et a nui à son efficacité ;

- enfin, la présentation des comptes de l'EPAD n'est pas conforme aux lois, règlements et instructions en vigueur.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui a souhaité savoir si la qualification de faux bilan pouvait s'appliquer aux comptes de l'EPAD, M. Christian Descheemaeker a répondu que ces comptes n'étaient, pour le moins, pas conformes au principe de sincérité des comptes publics.

Il a ensuite évoqué les perspectives de l'EPAD en relevant les hésitations qui caractérisent depuis de nombreuses années l'exercice de la tutelle de l'Etat. Après avoir prolongé la durée de l'établissement, la tutelle, au début des années 2000, a changé d'orientation, envisageant la disparition de l'établissement public. Un nouveau changement est intervenu en 2004 avec le lancement d'un projet de renouveau du quartier de la Défense et le terme de l'existence de l'EPAD a été repoussé à 2010. Il a cependant relevé une discordance entre cette échéance et la date prévue d'achèvement du plan de renouveau, fixée à 2013. Il a noté que ces changements stratégiques s'étaient traduits par des coûts importants, notamment en matière de personnel. Il a pris acte des récentes évolutions, en particulier la mise en place de règles d'urbanisme propres à l'EPAD ou la réflexion menée sur un nouveau plan comptable, mais s'est inquiété de leur aboutissement, qui pourra difficilement intervenir avant la fin de l'année 2007.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles les comptes de l'EPAD étaient intégrés au sein des comptes de l'Etat.

M. Bernard Bled, directeur général de l'EPAD, a noté que dans la période 1997 à 2007, une coupure nette était intervenue depuis 2004, mais que l'EPAD resterait à l'avenir un établissement atypique. En effet, l'EPAD gère et aménage un espace qui constitue le plus grand quartier d'affaires de France et d'Europe, ce qui justifie la prolongation de sa mission. A cet égard, il a indiqué qu'un décret en Conseil d'Etat pourrait prochainement prolonger l'établissement jusqu'en 2015.

Il a également souligné que l'établissement avait connu beaucoup de vicissitudes dans ses relations avec les élus locaux. L'alternance de fonctionnaires et d'élus à sa présidence n'a pas été un facteur d'efficacité. En outre, du fait de la tutelle de l'Etat, le « libre arbitre » de l'EPAD est limité et les retournements d'orientation ont été nombreux. Il a souligné les fluctuations de la tutelle hésitant entre une volonté de mettre fin à la mission de l'EPAD et une politique de relance. Il a regretté que l'Etat n'ait pas donné une vision claire de l'avenir de l'établissement, qui a beaucoup fonctionné par empirisme.

M. Bernard Bled a toutefois indiqué que l'établissement avait rempli ses missions et que depuis 2004 certaines réformes avaient été mises en oeuvre, en particulier le lancement d'un nouveau plan comptable. S'agissant de la double fonction d'aménageur et d'exploitant, il a indiqué qu'elle ne résultait pas de la volonté de l'EPAD, mais du fait que les communes refusaient de participer au financement. Cette dualité de mission est aussi une des causes des difficultés de l'EPAD à présenter des comptes clairs. Il a regretté l'absence de réponse de la direction générale de la comptabilité publique aux interrogations de l'EPAD sur les règles comptables applicables.

Il s'est félicité des dernières évolutions intervenues, et notamment du retour des élus locaux à la présidence du conseil d'administration, de la prochaine parution des décrets d'application de la loi du 27 février 2007 créant un établissement public de gestion des équipements publics du quartier d'affaires dit de « La Défense ». Il a souligné la capacité de l'EPAD à mettre au point, en deux ans, le plan de renouveau de la Défense, soulignant que les 450.000 m² supplémentaires de bureaux avaient déjà été commercialisés.

Il a souhaité que les tutelles appuient l'EPAD dans la mise en oeuvre des observations de la Cour des comptes.

Interrogé par MM. Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général, sur la valorisation du patrimoine, qui devra être transmis au nouvel établissement public de gestion, M. Bernard Bled a reconnu que le bilan de l'EPAD était actuellement une grande « nébuleuse ». Il a précisé que les recettes étaient constituées essentiellement des droits à construire et des fruits de l'exploitation du patrimoine.

S'agissant des règles d'urbanisme, il a indiqué qu'aucun document d'urbanisme propre à l'EPAD n'existait depuis 1981 et qu'il était tributaire des documents d'urbanisme des communes, plans d'occupation des sols ou règlements nationaux d'urbanisme.

M. Etienne Crépon, directeur, adjoint au directeur général de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, a précisé sur ce point qu'à la suite de l'adoption de la loi n° 2007-254 du 27 février 2007, des orientations générales d'urbanisme avaient été fixées par décret et qu'elles devraient permettre à l'Etat de mettre en oeuvre des programmes d'intérêts généraux.

Il a estimé que le choix de construire un quartier sur dalle représentait un vice structurel, dans la mesure où il rendait très difficile le respect des frontières communales. Il a noté que la logique de retour au droit commun, qui avait marqué l'histoire de la Défense dans les années 1990, s'était heurtée à l'obsolescence des équipements et des constructions. Il a souligné que le plan de renouveau constituait une véritable rupture, intégrant de nombreuses opérations de démolition-reconstruction, la séparation des fonctions d'aménagement et d'exploitant et la clarification des relations entre l'EPAD et l'Etat dans la maîtrise d'ouvrage.

Il a enfin considéré que, d'un point de vue purement économique, il était normal que les recettes tirées de l'aménagement participent au financement des infrastructures.

Mme Hélène Eyssartier, sous-directrice à la direction du budget, a reconnu que les règles de fonctionnement de l'EPAD étaient caractérisées à l'origine par un grand empirisme et qu'un mouvement de régularisation était en cours. Elle a admis que les tutelles avaient été parfois trop indécises, mais elle a observé qu'elles étaient parfois mal informées par l'EPAD.

S'agissant de la normalisation du plan comptable, elle a estimé que 95 % des travaux étaient déjà réalisés, souhaitant que l'établissement puisse présenter des comptes satisfaisants pour le 31 décembre 2007.

M. Yves Colcombet, conseiller au cabinet du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, a affirmé que la Défense était un élément capital du développement de l'Ile-de-France, et que le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables avait, pour ce projet, des perspectives ambitieuses et souhaitait une accélération des réformes en cours. Il a refusé de s'engager sur leur réalisation au 31 décembre 2007.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité, dans ces conditions, qu'une audition de suivi soit organisée dans un délai de six mois, ce dont la commission lui a donné acte.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné le grand succès du quartier de la Défense, notamment dans l'accueil de sièges sociaux, mais également l'ambivalence de son statut et de son fonctionnement, qu'il a qualifiés de « no man's land ». Il a souhaité que la Cour des comptes soit en mesure de porter une appréciation sur la sincérité des écritures, indépendamment du cadre comptable. Il a regretté l'absence de la direction générale du trésor et de la politique économique, considérant qu'en droit budgétaire le patrimoine de l'EPAD participait au patrimoine de l'Etat.

Il a estimé que la question essentielle de l'EPAD était celle de sa situation nette et il a remercié son directeur général du souci de transparence dont il avait fait preuve dans sa présentation.

M. Bernard Bled a insisté sur l'importance de la présence des tutelles aux côtés de l'établissement public. Il a estimé que le ministère de l'équipement avait fait peser des charges importantes sur l'EPAD, comme le coût de la construction, puis de la remise en état de l'autoroute A14, ainsi qu'une contribution aux travaux liés à la route nationale 314.

M. Etienne Crépon ayant contesté l'existence de cette créance sur la route nationale 314, M. Jean Arthuis, président, a considéré qu'il ne pouvait y avoir deux vérités et qu'il pouvait être « très tentant » pour l'Etat de faire financer les travaux d'infrastructures par des voies extrabudgétaires.

M. Eric Doligé a remercié le directeur général pour sa présentation et s'est déclaré assez « effaré » de réaliser que, sous couvert de considérations sur l'attrait économique, il était possible de déroger à toutes les règles. Il a souligné, à cet égard, la différence de traitement entre les petites collectivités territoriales et les établissements publics nationaux. Il a jugé indispensable de remettre de l'ordre dans le fonctionnement de l'EPAD, estimant que l'Etat n'avait pas pris ses responsabilités. Considérant que les réformes en cours aboutiraient à gommer un historique de 50 ans, il a approuvé la proposition de tenir une audition de suivi à l'issue des six prochains mois.

Mme Nicole Bricq a relevé la singularité du quartier de la Défense mise en évidence par le directeur général de l'EPAD, et a conclu aux effets néfastes de l'« endogamie » qui a caractérisé les relations entre l'EPAD et l'Etat. Elle a considéré que les observations de la Cour des comptes et celles présentées par l'EPAD et ses tutelles permettaient d'expliquer la célérité de la procédure d'adoption de la loi du 27 février 2007.

Elle s'est inquiétée des effets du plan de relance du quartier de la Défense sur l'équilibre de la région Ile-de-France, sur les flux de transport et sur les besoins en logements. Elle a jugé que si l'attractivité du territoire devait être favorisée, il conviendrait de ne pas la limiter à l'ouest de l'Ile-de-France. Elle s'est interrogée sur la réalité du déficit d'exploitation de l'EPAD en 2006. Compte tenu de toutes les incertitudes révélées par les travaux de la Cour des comptes, elle a émis des doutes quant à la capacité de l'EPAD et de l'Etat à se projeter dans l'avenir et à mener à bien un plan de renouveau.

M. Paul Girod s'est interrogé sur le bien-fondé de la participation de l'EPAD au financement de l'autoroute A14.

M. Philippe Dallier a constaté les différences de traitement entre collectivités territoriales telles qu'illustrées par l'exemple de l'EPAD. Il a souhaité obtenir plus de précisions quant aux négociations menées avec les collectivités territoriales sur les charges d'exploitation des équipements de la Défense.

M. Jean Arthuis, président, s'est inquiété des conditions de construction de la nouvelle tour qui doit accueillir les services du ministère de l'équipement sur le quartier de La Défense.

M. Bernard Bled a indiqué que les charges d'exploitation seraient prises pour moitié en charge par le département et, pour le reste, partagées à égalité entre les deux communes concernées. Il a souligné que les relations entre l'EPAD et les communes n'étaient pas « mauvaises », dans la mesure où on ne leur demandait pas de participation au financement.

S'agissant du déficit d'exploitation de 2006, il a expliqué par le caractère très aléatoire des recettes l'écart entre le déficit estimé de 15 millions d'euros et le déficit réel d'1,5 million d'euros.

Il a souligné, également, que deux décrets en Conseil d'Etat seraient pris avant la fin de l'année concernant notamment le statut de l'établissement public de gestion, mais que sa mise en place au 1er janvier 2008 ne serait pas effective. Le dernier conseil d'administration de l'EPAD a donc prévu l'installation d'un organisme de préfiguration pour une période transitoire. Il a fait part de son incertitude quant au bien-fondé de la participation de l'EPAD au financement de l'A14, et a fait observer que l'Etat avait choisi d'implanter la nouvelle tour du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables sur le site le plus attractif du quartier de la Défense.

En réponse à Mme Nicole Bricq, qui s'inquiétait des conditions dans lesquelles seront financées les nouvelles infrastructures de transport rendues nécessaires par la réalisation du plan de renouveau de la Défense, il a répondu qu'une augmentation de 40.000 salariés sur le site était envisagée à terme et que les investissements de transport à réaliser incluraient, en particulier, une nouvelle ligne de RER, pour un montant d'1,5 milliard d'euros, l'EPAD étant invité à y contribuer « modestement ».

M. Etienne Crépon a indiqué que le logement était une composante essentielle du plan de renouveau du quartier de la Défense et que l'EPAD serait amené à participer financièrement à un développement équilibré entre l'est et l'ouest de l'Ile-de-France.

M. Christian Descheemaeker a indiqué, en conclusion, qu'en l'état, la Cour des comptes considérait que les comptes de l'EPAD n'étaient pas sincères et qu'il y avait confusion entre le bilan et les comptes d'exploitation. Il a estimé, dans ces conditions et compte tenu de l'ampleur des opérations de remise en état de la comptabilité, difficile de faire un jour la clarté sur l'ensemble de ses comptes depuis sa création.

M. Jean Arthuis, président, a souligné la nécessité pour le Parlement d'exercer la plénitude de son contrôle.

Après que la commission eut acté le principe d'une audition de suivi d'ici à 6 mois, elle a ensuite autorisé, à l'unanimité, la publication de ces débats et des travaux de la Cour des comptes sous la forme d'un rapport d'information.

Droit communautaire dans les domaines économique et financier - Examen du rapport

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 443 (2006-2007) portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a tout d'abord souligné le caractère hétérogène des dispositions du projet de loi, qui relevaient, néanmoins, pour la plupart d'entre elles, de sujets suivis par la commission, notamment en matière de marchés financiers.

S'agissant des problématiques communautaires, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité rappeler les principes qu'il avait dégagés dans son rapport d'information n° 302 (2006-2007) « Maîtriser le droit « mou » communautaire » : privilégier les négociations lors de l'élaboration des textes communautaires, conserver un caractère exceptionnel aux ordonnances ayant pour objet de transposer les différentes directives européennes et, le cas échéant, encadrer les habilitations données au gouvernement pour légiférer par ordonnance, apprécier à sa juste mesure l'urgence liée aux dates limites de transposition des textes.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a expliqué que le projet de loi comptait 11 articles concernant, d'une part, les marchés de biens et de services et, d'autre part, les marchés financiers.

S'agissant des dispositions relatives aux marchés des biens et services, il a précisé que les articles 3 et 4 du projet de loi visaient à harmoniser et à adapter le droit national avec la législation communautaire concernant l'itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile à l'intérieur de la Communauté. Il a observé que l'objectif était notamment de permettre aux habitants des collectivités d'outre-mer de bénéficier d'une meilleure tarification liée au plafonnement des tarifs d'itinérance prévu par les règles communautaires.

Il a également fait part de ses réserves sur l'article 5 du projet de loi, qui prévoit d'habiliter le gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2005/36 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Il a observé que le nombre de professions concernées par cette transposition, à savoir pas moins de 120, rendait difficile l'appréciation de l'impact des modifications requises, notamment dans le domaine des prestations occasionnelles ou temporaires de services. Il a également fait valoir qu'il n'était pas en mesure d'apprécier les orientations prises par la France par rapport à ses autres partenaires concernant l'utilisation des différentes possibilités offertes par la directive pour encadrer les prestations de services. Enfin, il a relevé que les travaux de la commission présidée par M. Jacques Attali « Pour la libération de la croissance française », dont les conclusions ne sont pas encore rendues, pourraient utilement éclairer le débat.

S'agissant des dispositions relatives aux marchés financiers, M. Philippe Marini, rapporteur général, a expliqué que la principale problématique concernait la supervision globale du système bancaire au regard de la crise financière de cet été. Il a souligné que les modes de propagation des risques constatés différaient sensiblement des logiques traditionnelles, dans la mesure où l'on observait une transmission des établissements de crédit vers des agents non bancaires. Il a noté que les dérivés de crédits se retrouvaient ainsi non seulement dans des produits structurés et des fonds de titrisation, mais aussi dans des organismes de placement collectif à diffusion plus large, en particulier des fonds dits de « trésorerie dynamique », ce qui posait à ses yeux des problèmes de transparence dans l'industrie financière.

Il a estimé que cette situation soulevait deux questions. D'une part, la pertinence d'une régulation basée sur une logique professionnelle et une segmentation verticale, alors que les nouveaux modes de transmission de risques étaient caractérisés par la transversalité et l'horizontalité. D'autre part, le rôle des banques centrales et leurs moyens d'action pour prévenir les crises de liquidités. M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est notamment interrogé sur le fait de savoir si, au-delà de leur mission de contrôle de l'inflation, les banques centrales avaient le souci de réduire les risques sur les marchés et de participer, ainsi, à la dynamique réelle sur leurs territoires. A ce titre, il a souligné que les événements actuels s'inscrivaient dans un contexte de changement des règles prudentielles applicables aux banques, avec notamment la modification du ratio de solvabilité bancaire (passage du ratio Cooke au ratio McDonough). Il a jugé que la solvabilité des investisseurs à long terme était un enjeu important. A cet égard, la mise en place de nouveaux standards communautaires (directives transposant le régime prudentiel issu des accords dits « Bâle II ») représentait une avancée positive, même si toutefois des progrès en matière de transparence de l'information des investisseurs pouvaient être réalisés.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite détaillé le contenu des différents articles. Il a indiqué que l'article premier transposait une directive relative à la responsabilité civile des véhicules et n'appelait pas de commentaires particuliers.

Il a abordé l'article 2 relatif à l'habilitation à modifier par ordonnance le code monétaire et financier afin d'une part, de transposer la directive relative à la réassurance, et d'autre part, de moderniser le régime des fonds communs de créances et d'élargir leur objet à la titrisation des risques d'assurance. Il a fait observer que la titrisation n'était pas un mal en soi, dans la mesure où elle contribuait à améliorer les capacités de financement de l'économie et participait à la mutualisation des risques. Il a jugé que l'adaptation constante de notre cadre juridique devait à la fois permettre de soutenir la compétitivité de la place de Paris, de réaliser des opérations de titrisation dans des conditions de sécurité et de transparence satisfaisantes, et d'éviter un recours croissant à des entités off shore.

Ensuite, M. Philippe Marini, rapporteur général, a précisé que l'article 7 opérait plusieurs ratifications d'ordonnances en matière de comptabilité et de marchés financiers, parmi lesquelles la ratification de l'ordonnance transposant la directive 2004/36/CE concernant les marchés d'instruments financiers.

Il a noté que l'article 6 levait toute interdiction formelle à la rémunération des comptes courants et a déploré, à ce sujet, les combats d'arrière-garde qui avaient pu être menés quelques années auparavant. Il a ensuite mentionné l'article 9 relatif à la prohibition de certaines discriminations en matière de primes d'assurance-vie ou automobiles. Il a également fait état d'un article additionnel qu'il allait proposer à la commission, afin de prévoir, dans le fonctionnement de la commission de sanctions de l'AMF, une procédure de récusation d'un de ses membres.

Un débat s'est ensuite instauré.

Mme Nicole Bricq a souligné que le projet de loi ne soulevait pas de débat spécifique, à l'exception de l'article 2 qui ouvrait la titrisation au marché de la réassurance. Elle a estimé que cette ouverture impliquait un bouleversement de ce marché insuffisamment préparé à fonctionner de la même manière que les marchés financiers. Elle a jugé la procédure prématurée et l'attention portée aux questions de transparence par M. Philippe Marini, rapporteur général, insuffisante.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par M. Philippe Marini, rapporteur général.

A l'article premier (responsabilité civile des véhicules), la commission a adopté, à l'unanimité, un amendement rédactionnel.

A l'article 2 (réassurance et titrisation des risques d'assurance), la commission a adopté un amendement visant à encadrer l'habilitation donnée au gouvernement à moderniser le cadre juridique applicable aux fonds communs de créances et notamment élargir leur objet à la titrisation des risques d'assurance afin de préserver la transparence des informations des investisseurs.

A l'article 5 (reconnaissance des qualifications professionnelles), la commission a adopté un amendement visant à supprimer l'article. L'impossibilité d'apprécier pleinement, à ce stade, l'impact de modifications requises pour plus de 120 professions, tout comme les conditions de transposition de la directive 2005/36 ont, en effet, suscité les réserves de la commission.

A l'article 7 (ratification d'ordonnances), la commission a adopté deux amendements : le premier amendement propose la suppression d'une ratification d'ordonnance déjà ratifiée ; le second amendement tend à associer formellement l'AMF au processus de reconnaissance des organismes externes d'évaluation de crédit par la commission bancaire.

Après l'article 8, la commission a adopté un amendement portant article additionnel tendant à introduire une procédure de récusation d'un membre de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers.

A l'article 11 (application de la loi à l'outre-mer), la commission a adopté un amendement tendant à ajouter la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon à la liste des collectivités auxquelles s'appliquera le projet de loi.

A l'issue de cet examen, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

Union européenne - Marché intérieur et des services

Enfin, M. Philippe Marini, rapporteur général, a rendu compte d'un entretien qu'il avait eu le 18 septembre 2007 avec M. Charlie Mac Creevy, commissaire européen chargé du marché intérieur et des services.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que les thèmes abordés, relatifs à l'actualité des marchés financiers et aux jeux d'argent, se situaient dans la continuité de son rapport d'information sur le « droit mou » communautaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a en premier lieu évoqué une certaine insatisfaction française sur la « comitologie », qui caractérisait le processus dit « Lamfalussy » d'adoption des textes communautaires en matière de services financiers et de droit des sociétés. Ce processus n'était pas jugé suffisamment transparent, et la frontière entre principes et mesures d'application n'était pas toujours claire.

Il a précisé que M. Charlie McCreevy lui avait annoncé la publication d'un nouveau rapport du groupe inter-institutionnel d'évaluation (IIMG) en octobre 2007, qui serait suivi en novembre de rapports de la Commission européenne et du Comité des services financiers. Une réflexion serait également menée en 2008 afin de mettre en place une éventuelle réforme sous présidence française, dont il ne fallait cependant pas attendre de changement radical. M. Charlie McCreevy avait toutefois reconnu que l'équilibre du processus se révélait difficile au cas par cas, et que le rôle des comités de niveaux 2 et 3 faisait encore l'objet d'appréciations divergentes.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite rappelé l'attachement de la Commission européenne au principe « une action - une voix », et a fait part de ses échanges sur la question de la « golden share », dont le commissaire européen au commerce, M. Peter Mandelson, avait admis la légitimité.

Il a indiqué que M. Charlie McCreevy abordait désormais le principe « une action - une voix », qui demeurait fondamental dans la conception de la Commission, dans un esprit plus ouvert, et reconnaissait qu'on ne pouvait envisager un droit des sociétés totalement homogène en Europe. A cet égard, il devait exprimer une position d'ici à la fin de l'année, qui n'aurait toutefois pas d'impact législatif.

Concernant la « golden share », il lui avait fait part de ses réserves quant au principe d'une action accordant des pouvoirs supplémentaires ou un droit de veto à l'Etat détenteur, et avait considéré que la seule discrimination réellement justifiée avait trait à la sécurité publique et n'autorisait que quelques exceptions sectorielles. Il avait cependant invoqué des conditions de transparence et de réciprocité des investisseurs extra-européens, en particulier des « fonds souverains ». Le commissaire s'était également interrogé sur la nature économique ou politique des objectifs poursuivis par ces fonds, tout en considérant qu'ils apportaient une liquidité bienvenue sur les marchés financiers européens.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite jugé qu'il importait de tirer les leçons de la crise financière de l'été, en particulier au regard de la « marchéisation » des risques et de l'exposition réelle des banques.

M. Charlie McCreevy avait estimé que cette crise mettait en évidence le problème de la transparence de certains véhicules structurés comportant des dérivés de crédit. Il avait rappelé que la titrisation avait permis d'améliorer la fluidité du marché des emprunts, et que la crise restait fondamentalement liée aux excès de certains fournisseurs de crédit immobilier, qui avaient octroyé des emprunts à des ménages non solvables, plutôt qu'aux hedge funds, dont le rôle s'était limité à la circulation de ces risques.

Dans ce contexte, le commissaire européen estimait nécessaire d'éviter une « surréaction régulatrice » qui apaiserait les consciences, mais ne réglerait pas le problème. Il avait également souligné qu'en matière de transparence, le Plan d'action pour les services financiers avait déjà permis des améliorations notables avec la directive « Transparence » et les déclarations de franchissement de seuils.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite évoqué la proposition de directive « Solvabilité II », et les inquiétudes des compagnies d'assurance comme du gouvernement français relatives à un possible impact négatif des futures règles de solvabilité sur l'investissement en actions, alors même que la France accusait un réel retard en la matière.

M. Charlie McCreevy lui avait précisé que la deuxième étude quantitative d'impact avait révélé ce problème, et donné lieu à la réalisation d'une troisième étude, achevée en juin dernier. A cet égard, il s'était montré relativement ouvert sur la question de l'investissement en actions, estimant qu'il importait effectivement d'éviter un impact négatif, mais qu'il était également nécessaire d'établir une cohérence entre l'horizon du passif et celui de l'actif des assureurs. A l'instar des bilans des banques, les compagnies d'assurance devaient suivre la même logique de comptabilisation des actions en valeur de marché.

M. Charlie McCreevy avait, en outre, indiqué que le processus d'adoption de la future directive serait long et que celle-ci ne serait probablement pas opérationnelle avant 2012. Les fonds de pension et institutions de retraite n'étaient aujourd'hui pas soumis aux mêmes règles, mais une révision de la directive « fonds de pension » pourrait intervenir en 2009 et intégrer des principes reconnus dans la proposition de directive « Solvabilité II ».

L'entretien avait enfin porté sur les jeux d'argent et la procédure d'infraction initiée en juin 2007 à l'encontre de la France. M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué qu'il s'était demandé comment concilier la transparence et la pleine concurrence entre opérateurs de paris et le financement de la filière hippique, qui relevait de l'intérêt général. En effet, les acteurs de la filière craignaient que les opérateurs sur Internet ne transfèrent à l'étranger les flux financiers, en particulier dans des paradis fiscaux.

M. Charlie McCreevy lui fait part de son attachement à la filière hippique. Il avait considéré que la filière française était très professionnelle, et que la Commission n'avait aucune intention de lui porter préjudice, ainsi qu'il en avait fait part à M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, et à M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes. Concernant la procédure d'infraction en cours, M. Charlie McCreevy avait estimé qu'il devrait être possible de trouver des « solutions raisonnables », reposant sur un équilibre entre concurrence et financement de la filière cheval.

Un débat s'est ensuite instauré.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que la future directive « Solvabilité II » risquait d'accroître les contraintes pesant sur les investisseurs institutionnels européens, mais que les fonds non européens ne seraient pas soumis aux mêmes règles, procéderaient à des rachats progressifs d'entreprises européennes et accroîtraient leur pression sur la compétitivité de l'économie française. Il a estimé que les critères prudentiels actuels privilégiaient les placements dans des bons du Trésor plutôt que la prise de risques et le financement du capital des PME, et qu'il importait donc de faire preuve de vigilance.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que les critères micro-économiques venaient contrarier les impératifs macro-économiques, mais que la Commission avait manifesté une approche moins « rigoriste » sur l'investissement en actions.

M. François Trucy s'est félicité de ce qu'ait été abordé le financement de la filière hippique, aujourd'hui menacé, et les jeux en général. Il s'est demandé pourquoi la Commission ne s'estimait pas liée par le vote du Parlement européen sur ces questions. Il a jugé que la perspective d'une ouverture à la concurrence ne concernait pas seulement les paris sportifs mais, à terme, l'ensemble des opérateurs de jeux, et était reliée, au-delà des enjeux financiers, à des considérations essentielles d'ordre public.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a déclaré partager cette approche, qui ne serait, à ses yeux, que mieux servie si les représentants français de la filière hippique, en particulier au sein de l'institution des courses, manifestaient une unité de langage.

M. Jean Arthuis, président, a ajouté qu'il n'existait pas de réel « pilotage » de ce dossier au sein du gouvernement, et a indiqué que M. François Trucy et lui-même en avaient saisi le Premier ministre afin que soit désigné un interlocuteur unique sur les jeux.

M. François Trucy a précisé qu'un tel interlocuteur constituerait le préalable à une autorité unique de régulation des jeux, dont la commission avait recommandé la création en 2006 et qui pourrait, le cas échéant, relever du gouvernement.

Vendredi 5 octobre 2007

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

EADS - Evolution de l'actionnariat - Audition de MM. Thierry Breton, Luc Rémont, Denis Samuel-Lajeunesse, Bruno Bézard et de M. Jean-Yves Leclercq

La commission a procédé à l'audition de MM. Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Luc Rémont, ancien directeur-adjoint du cabinet du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Denis Samuel-Lajeunesse, ancien directeur général de l'Agence des participations de l'Etat (APE), de Bruno Bézard, directeur général, et de M. Jean-Yves Leclercq, sous-directeur, sur les conditions d'évolution de l'actionnariat d'EADS.

M. Jean Arthuis, président, après être brièvement revenu sur le contexte et les délais très brefs dans lesquels cette audition avait été organisée, a rappelé la teneur des informations récemment publiées, relatives à l'actionnariat d'European aeronautic defence and space company (EADS) et à l'enquête en cours de l'Autorité des marchés financiers (AMF) sur les conditions entourant des opérations réalisées en 2006 sur des titres de cette société.

Il a justifié l'initiative de la commission par le fait que l'Etat était actionnaire indirect et minoritaire d'EADS, puis précisé que l'objet de l'audition se limitait aux rôles joués par l'Etat et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans l'évolution récente de la structure de l'actionnariat d'EADS, sans concerner les transactions réalisées par des actionnaires privés, ni l'enquête de l'AMF. Il a ainsi fait valoir que la commission entendait éclairer le débat à propos d'une question de « gouvernance publique ».

M. Jean Arthuis, président, est revenu sur la composition et les grandes étapes de l'évolution du capital d'EADS durant le premier semestre 2006. Il a ensuite rappelé que le groupe Lagardère avait procédé, en avril 2006 et par l'intermédiaire de la banque d'investissement Ixis CIB, à la cession de 7,5 % du capital qu'il détenait, avant de préciser que cette cession s'était opérée au travers d'un mécanisme d'obligations remboursables en actions EADS.

Il a alors fait observer que cette cession s'était déroulée sur la base d'un cours de référence de 32,60 euros l'action, correspondant au cours autour duquel évoluait l'action jusqu'en avril 2006, puis a souligné que le titre avait perdu 26 % de sa valeur, le 14 juin 2006, au lendemain de l'annonce d'un retard important dans la livraison de l'A380.

Après avoir rappelé la composition de l'actionnariat d'EADS au 3 juillet 2007, M. Jean Arthuis, président, a souhaité que la commission soit successivement éclairée sur les raisons pour lesquelles il avait été recouru à une émission d'obligations remboursables en actions plutôt qu'à une cession d'actions vives, ainsi que sur les motifs qui avaient conduit la CDC à accroître substantiellement sa participation au capital d'EADS. Il a enfin souhaité savoir dans quelle mesure les représentants de l'Etat au conseil d'administration de la société de gestion de l'aéronautique, de la défense et de l'espace (SOGEADE) avaient eu à se prononcer sur le principe et les modalités de la cession des titres détenus par le groupe Lagardère.

M. Jean Arthuis, président, a conclu son propos liminaire en souhaitant que le destin de l'entreprise soit isolé de celui des actionnaires mêlés au soupçon qu'avait fait naître le pré-rapport de l'AMF, et en rendant hommage au travail accompli par M. Louis Gallois, ses collaborateurs et les sous-traitants du fleuron de la technologie et de l'industrie européennes qu'était Airbus.

M. Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a fait valoir qu'il avait souhaité répondre sans délai à la convocation de la commission. Après avoir indiqué qu'il mesurait l'émotion immense qui pouvait saisir l'opinion, les salariés et les clients d'EADS, il s'est engagé à apporter toute la clarté et la transparence sur le rôle de l'Etat. Il a ajouté que son ministère avait tenu une conduite irréprochable et s'est dit choqué du traitement infligé à l'Etat dans ce contexte.

Il a souhaité évoquer successivement les modalités de la participation indirecte de l'Etat au capital d'EADS, les conditions de cessions des titres détenus par le groupe Lagardère, ainsi que la nature de ses relations avec la CDC.

M. Thierry Breton a rappelé que la négociation du pacte d'actionnaires menée en 1999 et 2000 par ses prédécesseurs, MM. Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius, s'était déroulée dans le cadre de relations difficiles avec la partie allemande, le groupe Daimler ne souhaitant pas que l'Etat français participe au capital du nouveau groupe aéronautique. Il a expliqué qu'il en était résulté un mécanisme complexe où l'Etat ne constituait qu'un actionnaire indirect, agissant via la holding SOGEADE.

Il a ainsi fait valoir que l'Etat était privé de la capacité d'influencer la gestion du groupe et que ses prérogatives étaient limitées à la seule sauvegarde de sa participation patrimoniale. Il a ajouté que les quatre administrateurs représentant SOGEADE au conseil d'administration d'EADS ne pouvaient être des fonctionnaires en exercice et étaient proposés par le groupe Lagardère, l'Etat ne disposant que d'un droit de veto. Il a enfin affirmé s'être plaint, à l'époque, de ce que l'Etat ne puisse constituer un actionnaire direct, situation qu'il a jugée sans précédent.

M. Thierry Breton a rappelé que le groupe EADS n'avait communiqué les retards affectant le programme A380 qu'en juin 2006. Il a fait valoir que MM. Manfred Bischoff, Arnaud Lagardère et Noël Forgeard lui avaient toujours assuré que ces retards étaient habituels et que le management du groupe se mobiliserait pour les résorber. Il a précisé à la commission que MM. Manfred Bischoff et Arnaud Lagardère lui avaient annoncé, au mois de novembre 2005, leur intention éventuelle de céder conjointement une partie de leur participation, et qu'il leur avait fait immédiatement part de sa très grande réserve quant à cette cession, qui ne manquerait pas d'avoir des répercussions négatives pour les salariés, les clients, les fournisseurs et les marchés.

M. Thierry Breton a indiqué que la démarche de MM. Manfred Bischoff et Arnaud Lagardère résultait du pacte d'actionnaires, aux termes duquel les parties devaient s'informer mutuellement de leur intention de céder des titres, afin de permettre aux autres actionnaires de les préempter ou d'opérer des cessions similaires. Il a fait valoir, alors, que l'Etat français ne serait pas en mesure de préempter les titres cédés, dans la mesure où le pacte lui interdisait de détenir plus de 15 % du capital d'EADS.

M. Thierry Breton a déclaré qu'à l'issue de cet entretien, il n'avait pas eu le sentiment que la décision des actionnaires industriels était prise. Il a ajouté que, dans ce contexte, l'Etat ne pouvait accroître sa participation pour les raisons qu'il avait précédemment évoquées, mais qu'il ne souhaitait pas non plus la diminuer, à la fois pour des raisons stratégiques et parce qu'il ne convenait pas de donner le sentiment de se désengager du groupe. Après avoir rappelé que l'Etat n'avait finalement cédé aucune de ses actions, il a qualifié son attitude d'exemplaire.

M. Thierry Breton a ensuite indiqué avoir reçu une note datée du 20 janvier 2006 de M. Denis Samuel-Lajeunesse, alors directeur général de l'APE, précisant que celle-ci étudiait l'opportunité d'une cession d'actions du groupe EADS par l'Etat sur la base de l'évolution du cycle du secteur de l'aéronautique et des rumeurs de désengagement des actionnaires industriels. Il a souligné qu'il n'était fait aucune mention, dans cette note, des retards du programme de l'A380. Il a affirmé avoir réitéré sa position de maintien de la participation de l'Etat dans le capital d'EADS, de même qu'en mars 2006, lorsqu'il a été informé par M. Luc Rémont, qui était alors son directeur-adjoint de cabinet, que les groupes Lagardère et DaimlerChrysler allaient céder 7,5 % des actions du groupe quelques jours plus tard.

Puis M. Thierry Breton a évoqué l'acquisition d'actions d'EADS par la CDC. A cet égard, il a expliqué que le ministre des finances n'a aucun pouvoir sur les décisions d'investissement de la Caisse, celle-ci ne rendant compte qu'à sa commission de surveillance, et qu'en conséquence il n'avait jamais donné à la CDC la moindre instruction en la matière quand il était ministre.

Il a indiqué avoir appris la décision de la CDC d'acquérir 2,25 % du capital d'EADS par M. Luc Rémont en avril 2006, celui-ci tenant lui-même son information de la presse. Il a déclaré ne « vraiment pas avoir été content », non pour des raisons patrimoniales mais par crainte que les partenaires allemands d'EADS n'y voient un contournement de l'esprit du pacte d'actionnaires.

M. Thierry Breton a enfin affirmé avoir été prévenu des retards du programme de l'A380 la veille de l'annonce publique du groupe EADS, soit le 12 juin 2006.

M. Bruno Bézard a remercié la commission d'avoir associé l'APE à cette audition, ce qui lui permettrait de rétablir quelques vérités malmenées depuis 48 heures. Il a rappelé que l'APE est une agence placée sous l'autorité du ministre des finances et chargée de veiller aux intérêts patrimoniaux de l'Etat dans les entreprises au capital desquelles il est présent. Il a souligné qu'EADS échappait à toutes les règles de gouvernance habituelles de l'APE du fait des procédures mises en place par un pacte d'actionnaires dont le but est précisément, selon lui, de tenir l'Etat à distance du contrôle du groupe. Pour illustrer son propos, il a expliqué que l'APE avait participé, en 2006, à plus de 500 réunions de conseils d'administration ou de comité d'audit, dont aucun concernant EADS. Compte tenu de cette situation particulière de l'entreprise vis-à-vis de l'APE, il a dès lors fait état de sa surprise à la lecture d'articles de presse selon lesquels l'Etat aurait pu détenir des informations privilégiées et agir sur leur fondement.

Revenant ensuite sur la chronologie des événements, il a confirmé que l'APE avait rencontré EADS, notamment M. Noël Forgeard, alors co-président d'EADS, le 2 décembre 2005, et relaté qu'aucune information sur un possible retard du programme de l'A380 ne lui avait alors été livrée. Il a par ailleurs indiqué que l'APE n'avait appris pour la première fois la possibilité de « difficultés industrielles » sur le programme A380 que le 18 mai 2006, lors d'une réunion avec des dirigeants français d'EADS, qui n'en avaient toutefois précisé ni l'ampleur ni les conséquences.

S'agissant de la note rédigée à l'attention de M. Thierry Breton, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qu'il a remise aux sénateurs présents, M. Bruno Bézard a expliqué qu'il relevait de la mission de l'APE de veiller à la bonne valorisation des participations de l'Etat et de faire des recommandations au Ministre lorsqu'elle juge que les marchés valorisent bien ces entreprises, le ministre étant le seul décideur. Il a résumé cette note en indiquant qu'elle expliquait que le secteur aéronautique se situait, selon le sentiment général des analystes du secteur, en haut de cycle et que, le marché anticipant un ralentissement, il pouvait être opportun pour l'Etat de céder une partie de ses actions. Il a de nouveau exprimé avec force qu'aucun élément concernant un possible retard du programme A380 n'y figurait, l'APE n'en ayant alors aucune connaissance.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui l'interrogeait sur la connaissance par l'APE du tissu des sous-traitants d'Airbus, il a déclaré qu'ils n'étaient évidemment pas dans le périmètre de l'APE, mais que cette dernière s'efforçait, pour EADS comme pour les autres entreprises suivies par l'APE, de suivre le secteur dans lequel elle opère.

En conclusion, M. Bruno Bézard a estimé que certaines allégations étaient à la fois mensongères et potentiellement diffamatoires à l'égard de l'APE, et il a rappelé que l'Etat n'a pas accès au conseil d'administration et est tenu à l'écart des flux d'information, et que par ailleurs il n'a procédé à aucune cession de titres.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité avoir des précisions sur les deux lignes manuscrites ajoutées à la fin de la note du 20 janvier 2006, signée par M. Denis Samuel-Lajeunesse, alors directeur général de l'APE : « Il me paraît important que les actionnaires se déterminent rapidement, les bruits actuels risquant de peser sur le cours du titre ».

M. Denis Samuel-Lajeunesse a regretté le procès d'intention fait à l'APE. Rappelant les relations spécifiques de l'agence avec EADS, il a précisé que les réunions avec les dirigeants s'inscrivaient davantage dans le cadre de visites de courtoisie que dans un processus formalisé de « reporting ». Il a affirmé que, lors de la réunion qui s'était tenue avec M. Noël Forgeard, ancien coprésident exécutif d'EADS, le 2 décembre 2005, aucune difficulté d'industrialisation de l'A380 n'avait été mentionnée. Il a fait observer, par ailleurs, qu'il n'avait jamais rencontré le directeur financier d'EADS, le travail de l'APE s'appuyant principalement sur la lecture des rapports d'analystes et de la presse. Faisant part de sa volonté de défendre l'intégrité des équipes de l'agence, il a également estimé que la présente affaire portait préjudice à l'image de la France auprès des investisseurs internationaux.

S'agissant de la note du 20 janvier 2006, il a expliqué qu'il était du devoir de l'APE de s'interroger périodiquement sur l'évolution de la participation de l'Etat en fonction de l'évolution des marchés. Il a précisé que ladite note revêtait un caractère extrêmement technique, basé sur l'analyse des marchés. Il a indiqué avoir ajouté cette phrase manuscrite, car il était de notoriété publique que les actionnaires industriels, qui s'étaient exprimés en ce sens dans la presse, réfléchissaient à une éventuelle cession, ce qui pouvait influencer le cours du titre et impacter négativement la valorisation de l'entreprise. Il a ajouté que de nombreuses banques d'investissement avaient approché l'APE au cours des mois précédents, en lui faisant part des réflexions en cours, selon elles, de la part des actionnaires industriels.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité se faire confirmer que « les bruits » mentionnés dans ladite note ne concernaient pas des difficultés d'industrialisation mais des éventuelles cessions de titres.

M. Denis Samuel-Lajeunesse a confirmé l'interprétation du président, précisant qu'aucune difficulté d'industrialisation n'avait été portée à la connaissance de l'APE avant la réunion du 18 mai 2006.

M. Denis Samuel-Lajeunesse a insisté sur le fait que la note du 20 janvier 2006 était abordée sous un angle patrimonial, et prenait en compte les contraintes afférentes au pacte d'actionnaires. Il a indiqué, à cet égard, que la réponse du ministre, c'est-à-dire le maintien à un même niveau de la participation de l'Etat, avait été rapide.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a tout d'abord souhaité rappeler le calendrier des différents événements. Il a, en premier lieu, fait état de la réunion tenue en novembre 2005 entre le ministre de l'économie et les industriels au cours de laquelle les conditions du désengagement desdits industriels auraient été actées.

M. Thierry Breton a souhaité corriger le terme employé par M. Philippe Marini, dans la mesure où les éventuelles cessions d'une partie du capital par les industriels n'avaient été qu'évoquées, aucune décision n'ayant été prise au cours de cette réunion qui, selon lui, s'apparentait à une réunion de sensibilisation.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité savoir précisément à quelle date les conditions de sortie des investisseurs industriels avaient été actées par l'Etat et, plus précisément, à quelle date la SOGEADE, lieu d'exercice du pacte d'actionnaires, avait délibéré sur ces conditions.

M. Luc Rémont a noté que les modalités de cession avaient été abordées, pour la première fois, au cours d'un entretien au cabinet le 8 mars 2006 avec un représentant de Lagardère, une réunion formelle s'étant ensuite tenue le 20 mars 2006 en présence de l'APE pour instruire les modalités présentées par les investisseurs industriels. Il a ensuite indiqué que le conseil d'administration de la SOGEADE s'était réuni le 3 avril 2006 afin de prendre acte de la notification d'intention de cession de parts du capital par les industriels. Il a ajouté que les représentants de l'Etat au sein de ce conseil d'administration avaient fait valoir que l'Etat ne préempterait ni ne cèderait des actions.

M. Thierry Breton a demandé à M. Luc Rémont si l'Etat avait la possibilité de s'opposer ou non à cette cession, question à laquelle M. Luc Rémont a répondu par la négative.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite abordé les conditions techniques de la sortie des deux actionnaires industriels, constatant que celles-ci avaient été dissymétriques :

- d'une part, le choix complexe du groupe Lagardère ayant privilégié une émission d'obligations investies en actions, pour préserver le droit de vote du groupe pendant la période de transition, et permettant également un traitement fiscal optimisé, ainsi qu'une opération sans risque, quelle que soit l'évolution du cours des titres d'EADS jusqu'en juin 2009 ;

- d'autre part, le choix du groupe DaimlerChrysler d'une sortie par cession pure et simple des titres sur le marché.

Il a souhaité savoir à quelle date ces modalités avaient été approuvées et si un service particulier du ministère de l'économie et des finances, la direction de la législation fiscale (DLF) ou la direction générale des impôts (DGI) par exemple, avait été mobilisé.

M. Thierry Breton a répondu que les modalités de sortie des actionnaires n'avaient pas été portées à sa connaissance, ni, selon lui, instruites par un quelconque service du ministère.

M. Bruno Bézard a indiqué que le travail de l'APE avait consisté à examiner les termes de l'opération au regard du pacte d'actionnaires.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'étalement dans le temps de la cession du groupe Lagardère. En réponse, M. Luc Rémont a indiqué qu'il n'avait pas à examiner les motivations des conditions de cession mais seulement la compatibilité des cessions proposées avec le pacte d'actionnaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite donné acte aux différents intervenants de l'absence de mention de difficultés d'industrialisation dans la note du 20 janvier 2006, qui est une note d'analyse financière et stratégique. Toutefois, il a relevé, page 2 de ladite note, que l'APE avait précisé « que d'un point de vue patrimonial, il paraît dans ces conditions opportun d'envisager - comme semblent le faire les autres actionnaires de référence - une réduction de l'exposition de l'Etat au titre EADS ». Il s'est félicité de cette approche patrimoniale qui nécessitait d'être développée dans notre pays.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé qu'il siégeait au titre du Sénat à la Commission de surveillance de la CDC et, qu'à ce titre, il avait cherché les différents procès-verbaux de leurs séances. Il a relevé que :

- le 26 avril 2006, lors d'un point d'actualité, M. Francis Mayer, alors directeur général de la CDC, avait informé les membres de la Commission de surveillance de l'augmentation de la participation de la CDC dans le capital d'Eiffage et d'EADS ;

- le 21 juin 2006, M. Philippe Auberger, alors président de la Commission de surveillance de la CDC a évoqué les turbulences touchant le groupe EADS ayant conduit l'AMF à ouvrir une enquête, et a souhaité confier une mission d'étude à M. Pierre Hériaud, président du comité d'examen des comptes et des risques, concernant l'opération d'acquisition par la CDC de 2,25 % du capital d'EADS antérieure auxdites turbulences ;

- le 12 juillet 2006, une réunion de travail s'était tenue sur la note demandée, au cours de laquelle il a été dit, comme l'atteste le procès-verbal, que « dans le cadre des dispositions prévues dans le pacte d'actionnaires, l'Etat avait autorisé la CDC à procéder à cette acquisition ».

M. Thierry Breton a souhaité rectifier les propos de M. Philippe Marini, rapporteur général, en précisant que les opérations de cession n'avaient pas été approuvées par l'Etat et n'avaient pas à l'être. Il a indiqué qu'il était important de mentionner que M. Dominique Marcel, alors directeur financier du groupe CDC, avait expliqué, au cours de cette réunion du 12 juillet 2006, que l'Etat n'avait « à aucun moment demandé à la Caisse des dépôts et consignations de se porter acquéreuse des titres concernés [d'EADS] pour préserver l'équilibre franco-allemand », comme le mentionne le procès-verbal. Il a répété que cette prise de participation supplémentaire par la CDC l'avait placé dans une situation embarrassante au regard du pacte d'actionnaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a confirmé ce fait dans la mesure où certains observateurs étaient convaincus qu'il s'agissait d'une « intervention en sous-main » de l'Etat. Il s'est ensuite interrogé sur le caractère paradoxal d'une situation où étaient constatées, d'une part, la préconisation d'une réduction de l'exposition de l'Etat au sein d'EADS et, d'autre part, un investissement à hauteur de 600 millions d'euros par la CDC dans le capital de cette même entreprise. Il a estimé que ces faits soulevaient des questions et témoignaient d'une certaine ambiguïté qui était au coeur du débat actuel. Il a interrogé précisément M. Bruno Bézard afin de savoir si, au cours de ces mois de l'année 2006, il avait eu des contacts avec la CDC, question à laquelle M. Bruno Bézard a répondu par la négative.

M. Thierry Breton a relevé que la Commission de surveillance de la CDC ne s'était pas réunie avant la cession des titres, mais trois semaines après celle-ci. Il a jugé que cela posait un problème de gouvernance, d'autant plus qu'au cours de cette réunion M. Francis Mayer, alors directeur général de la CDC, n'avait fait qu'informer la Commission de l'augmentation de la participation de la CDC au capital d'EADS, arguant d'une sous-pondération de celle-ci. A cet égard, M. Thierry Breton a plaidé pour une information préalable du ministre de l'économie et des finances à l'avenir.

M. Jean Arthuis, président, a confirmé que la gouvernance de la CDC, à la lumière de la présente affaire, constituait une vraie question.

M. Thierry Foucaud a considéré que la gravité de la situation comme l'importance des enjeux industriels et stratégiques d'EADS justifiaient pleinement cette audition, dont il a salué la mise en place. Evoquant l' « écoeurement » des salariés confrontés à la rigueur du plan Power 8 face aux soupçons de délit d'initié, il s'est demandé pour quelles raisons M. Thierry Breton, en tant que ministre chargé de l'industrie, n'avait pas été tenu davantage informé de l'évolution d'un des plus grands groupes industriels français. Il a estimé que les membres de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations avaient également manqué de réactivité. Il a fait référence aux dispositions du projet de loi de finances pour 2008 qui tendaient, selon lui, à assouplir les conditions de détention de titres.

M. Thierry Breton a, de nouveau, déclaré partager l'émotion des salariés et que l'Etat avait eu, à ses yeux, un comportement irréprochable dans un contexte difficile. Il a rappelé avoir plaidé pour qu'EADS dispose des moyens financiers de son développement et que l'Etat s'était dit prêt à accompagner le développement de l'entreprise lors d'une éventuelle augmentation de capital, et avait, de ce fait, tenu un discours très différent de celui d'autres partenaires industriels.

Après avoir remercié M. Jean Arthuis, président, pour sa réactivité dans l'organisation de cette audition, M. Thierry Breton pour avoir opportunément rappelé le contexte politique qui avait présidé à la conclusion du pacte d'actionnaires avec la partie allemande, et M. Bruno Bézard pour avoir communiqué la note de l'APE du 20 janvier 2006, Mme Nicole Bricq a demandé s'il était possible d'obtenir communication du procès-verbal du conseil d'administration de SOGEADE qui s'était tenu le 3 avril 2006. Elle a jugé que les représentants de l'Etat n'étaient certes pas fondés à donner leur accord à une diminution de la participation de Lagardère SCA, mais que pour autant, ils auraient au moins dû tenter, dans le cadre du fonctionnement normal d'un conseil d'administration, de dissuader cette société de vendre une partie de ses titres.

Evoquant les clauses contractuelles de préemption et de plafonnement à 15 % de la participation indirecte de l'Etat dans EADS, elle s'est demandé si M. Thierry Breton avait engagé des discussions avec DaimlerChrysler pour renégocier le pacte d'actionnaires et permettre à l'Etat d'exercer son droit de préemption. Puis, se fondant sur l'analyse économique et financière figurant dans la note de l'APE du 20 janvier 2006, et en particulier aux mentions de la « nécessité de maintenir un niveau de R&D plus élevé que prévu » et de « l'incertitude sur l'évolution du résultat d'exploitation à partir de 2008 », elle a déduit que l'Etat avait vraisemblablement, début 2006, une certaine connaissance des difficultés du programme de l'Airbus A380.

M. Thierry Breton a indiqué qu'il avait proposé une évolution du pacte d'actionnaires à la partie allemande, qui l'avait écartée. Il a ajouté que l'acquisition de la CDC n'avait certes pas contribué à conforter la perception, par l'actionnaire allemand, du respect de l'esprit du pacte par les actionnaires publics français.

M. Jean-Yves Leclercq a indiqué avoir participé, en sa qualité de représentant de l'Etat, au conseil d'administration de SOGEADE le 3 avril 2006, et a précisé que l'objet de cette réunion n'était pas d'autoriser la cession décidée par le groupe Lagardère, mais de « purger » les droits de préemption et de sortie conjointe dont disposait l'Etat, conformément aux statuts de la holding SOGEADE. Il a indiqué qu'à compter du moment où ces droits étaient purgés, les statuts de SOGEADE imposaient de droit la cession des titres par la société au profit de Lagardère, qui revêtait ainsi un caractère automatique.

Après que M. Jean Arthuis, président, eut demandé à pouvoir disposer d'une copie du procès-verbal de cette réunion, M. Jean-Yves Leclercq a ajouté que le président du conseil d'administration de SOGEADE, M. Pontet, avait exprimé le souhait que la cession de la moitié de la participation de Lagardère SCA ne puisse être interprétée par le marché comme un signal de défiance de la part des actionnaires industriels.

En réponse à une question de Mme Nicole Bricq relative à la référence aux frais de R&D figurant dans la note considérée, M. Bruno Bézard a indiqué que les appréciations portées dans la note de l'APE du 20 janvier 2006 sur le niveau de recherche et développement étaient motivées par une analyse unanime du marché sur, notamment, le besoin de renouvellement des gammes et les imperfections du « mix-produits ».

M. Jean Arthuis, président, s'est référé aux termes de la note, exposant les motivations d'optimisation fiscale susceptibles d'animer les actionnaires Lagardère et DaimlerChrysler et de les inciter à recourir à une émission d'obligations remboursables en actions pour céder leurs titres. Une telle opération, selon lui, requérait dès lors une contrepartie acheteuse « compréhensive ».

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ajouté que les explications, figurant dans la note du 20 janvier 2006, sur une possible optimisation fiscale des coactionnaires témoignaient d'un niveau d'information élevé de l'APE. Il s'est ensuite demandé s'il était possible qu'une opération telle qu'une émission d'obligations remboursables en actions puisse être structurée sans disposer concomitamment d'un acheteur et d'un vendeur.

M. Bruno Bézard a précisé que ce type de produit « hybride » était fréquemment proposé par les banques d'affaires, que c'était un compartiment du marché des capitaux et qu'à cet égard, l'APE avait été régulièrement sollicitée pour émettre de tels instruments, sans toutefois y donner suite.

M. Philippe Dallier a ensuite indiqué que, selon une boutade d'un haut responsable d'Airbus lors du premier vol de l'A380, Airbus risquait alors de bientôt perdre de l'argent à chaque avion construit. Bien que reconnaissant que ces propos avaient été tenus du fait de l'évolution de la parité euro / dollar, il a cependant estimé que certains signes laissaient alors craindre des difficultés imminentes quant à la santé financière d'EADS. Il a donc interrogé M. Thierry Breton sur les questions que celui-ci avait posées aux dirigeants de Lagardère et de DaimlerChrysler venus lui signifier leur intention de vendre des actions d'EADS. Il lui a demandé si la note rédigée deux mois après par l'APE était la réponse aux interrogations qu'il aurait pu avoir sur l'avenir d'EADS, après l'annonce des intentions de vente de deux des principaux actionnaires.

En réponse, M. Thierry Breton a rappelé que la note rédigée par l'APE relevait du devoir de cette agence. Il a précisé que M. Denis Samuel-Lajeunesse, alors directeur général de l'APE, savait que, en sa qualité de ministre, il voyait un intérêt stratégique dans la participation de l'Etat dans EADS, et ne souhaiterait donc pas que celui-ci réduise sa participation. Il a ensuite reconnu que l'évolution de la parité euro/dollar avait une influence forte sur les résultats d'Airbus et d'EADS. Il a enfin rappelé qu'il avait émis, lors de la réunion précitée de novembre 2005 avec les dirigeants de DaimlerChrysler et de Lagardère, de fortes réserves quant à leur souhait de céder une part de leur capital.

M. Jean-Luc Mélenchon a remercié M. Jean Arthuis, président, d'avoir ouvert cette audition aux sénateurs non membres de la commission. Il a précisé qu'il ne souhaitait pas que l'Etat se voie reprocher ce qui ne devait l'être qu'aux investisseurs privés, et a pris acte des déclarations de MM. Thierry Breton, Luc Rémont, Denis Samuel-Lajeunesse et Bruno Bézard. Il s'est toutefois étonné de ce que, lors de la rencontre précitée entre M. Thierry Breton et les dirigeants des groupes Lagardère et DaimlerChrysler, ceux-ci n'aient justifié leur intention de céder des participations que par la volonté de recentrage de leurs maisons-mères, et non par les difficultés rencontrées par EADS. Il a estimé que, dans le cas où l'instruction de l'AMF actuellement en cours révèlerait leur connaissance, à cette époque, des difficultés d'EADS, cela montrerait qu'ils avaient menti à M. Thierry Breton lors de cette rencontre.

M. Thierry Breton a objecté que son rôle n'avait pas consisté à « instruire » la décision des dirigeants de Lagardère et de DaimlerChrysler, qui relevait selon lui des stratégies privées de ces groupes.

M. Jean-Luc Mélenchon a observé qu'il lui aurait semblé naturel que M. Thierry Breton, mis au courant de la décision de vente de deux actionnaires stratégiques d'EADS, pose la question des motivations de cette vente.

M. Thierry Breton a précisé que l'intention des groupes Lagardère et DaimlerChrysler de réduire leur participation dans EADS était conforme par le pacte d'actionnaires, dont une renégociation n'avait donc pas été nécessaire.

M. Bertrand Auban s'est félicité de ce que la commission ait organisé aussi rapidement la présente audition. Il a reconnu que le pacte d'actionnaires avait eu pour avantage de permettre à l'Etat de conserver une participation dans EADS. Il a estimé que les difficultés d'Airbus étaient largement connues à Toulouse au premier trimestre 2006, alors que les tronçons d'avions originaires d'Allemagne n'arrivaient plus, ce qui nécessitait de ralentir l'arrivée des autres tronçons. Il a affirmé avoir été prévenu de ces difficultés par les syndicats. Il s'est donc étonné de ce que, bien que lié par le pacte d'actionnaires, l'Etat ne se soit pas davantage préoccupé de la gestion d'Airbus.

Mme Marie-France Beaufils s'est jointe aux interrogations de M. Bertrand Auban, en ajoutant que le conseil d'administration d'EADS avait discuté des retards de l'A380 et des difficultés de l'A350 dès le mois de juin 2005. Elle s'est donc émue du fait que l'Etat se soit cantonné à son rôle dans le pacte d'actionnaires, sans surveiller une entreprise aussi stratégique pour la France et pour l'Europe.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que ces questions mettaient plus largement en cause la gouvernance du groupe EADS, et qu'à ce titre elles ne rentraient pas directement dans le champ de la présente audition.

En réponse, M. Thierry Breton a considéré que la seule personne ayant une vue globale de la situation d'Airbus en était son président. Il a ensuite fait valoir que lorsque les difficultés d'Airbus avaient été évoquées lors de ses rencontres avec MM. Arnaud Lagardère et Manfred Bischoff, alors co-présidents du conseil d'administration d'EADS, ceux-ci avaient à chaque fois manifesté leur plus grande confiance dans l'efficacité des plans de rattrapage mis en place chez Airbus. Enfin, il a mis en évidence la difficulté pour l'Etat à la fois de respecter le cadre du pacte d'actionnaires d'EADS, et d'intervenir malgré l'existence de ce cadre contraignant.

M. Jean Desessard a alors regretté le montant des indemnités de départ dont certains dirigeants d'EADS avaient pu bénéficier, et qui demeuraient, selon lui, trop peu encadrées par les dispositions de la récente loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. Il a interrogé M. Thierry Breton sur sa réaction, en tant que ministre, au fait qu'un dirigeant réalise une première plus-value de 600.000 euros en novembre 2005 puis une autre de 3,5 millions d'euros en mars 2006, à l'issue de l'exercice de ses stock-options.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que cette intervention ne rentrait pas dans le champ de l'audition en cours.

M. Thierry Breton a toutefois affirmé partager l'émotion suscitée par cette question, qu'il jugeait très importante. Il a observé qu'il avait été à l'origine, en juillet 2005, d'une loi qui encadrait le régime des « parachutes dorés » en les soumettant au vote de l'assemblée générale, mais qu'elle n'avait pas pu trouver à s'appliquer au cas d'EADS dans la mesure où cette société était une entreprise de droit néerlandais.

Enfin, M. Jean Arthuis, président, a souligné être conscient que de nombreux opérateurs agissaient hors du territoire français et a rappelé, au sujet des stock-options, que les principes énoncés par un rapport d'information de la commission, publié en 1994, demeuraient toujours actuels. Il a remercié les participants à cette audition pour leurs réponses et leur présence dans des délais aussi brefs, et a réaffirmé l'importance pour MM. Thierry Breton, Luc Rémont, Denis Samuel-Lajeunesse et Bruno Bézard de s'exprimer ainsi publiquement sur leurs responsabilités dans la période allant de l'automne 2005 au 5 mai 2006.