Jeudi 27 septembre 2007

- Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président -

Prise en charge précoce des accidents vasculaires cérébraux - Examen du rapport

L'Opeps à tout d'abord examiné le rapport de M. Jean Bardet, député, rapporteur, sur la prise en charge précoce des accidents vasculaires cérébraux (AVC).

A titre liminaire, M. Jean Bardet, député, rapporteur, a rappelé les raisons qui ont conduit l'Opeps à engager cette étude.

Tout d'abord le poids de la maladie. Les AVC sont à l'origine de 7 % des décès enregistrés chaque année en France et constituent l'une des principales causes d'invalidité dans notre pays. Près de 200 000 personnes sont actuellement bénéficiaires du régime des affections de longue durée pour cause d'AVC invalidant. Les AVC sont également une cause importante d'hospitalisation : l'étude commandée par l'Opeps a recensé quelque 130 000 séjours hospitaliers annuels en court séjour attribués aux AVC, dont 20 % se prolongent dans un établissement de soins de suite et de rééducation. Le coût total des soins dispensés aux victimes d'AVC a ainsi été évalué entre 2 et 2,5 milliards d'euros.

Par ailleurs, les récentes avancées dans le domaine du diagnostic et du traitement des AVC ont des implications substantielles sur l'organisation des soins. Les traitements actuels conduisent à distinguer les accidents d'origine ischémique - consécutifs à l'obstruction d'une artère cérébrale par un corps sanguin solide - et les accidents d'origine hémorragique - caractérisés par un épanchement de sang dans l'espace cérébral, faisant suite à la rupture d'un vaisseau sanguin. De même, les techniques modernes d'investigation par imagerie médicale - le scanner et l'IRM - permettent aujourd'hui de visualiser précisément la zone du cerveau atteinte par l'accident vasculaire et donc d'améliorer le diagnostic. Sur le plan thérapeutique, deux innovations majeures modifient la prise en charge des personnes victimes d'AVC : d'une part, la définition des soins neuro-vasculaires, qui améliorent le pronostic fonctionnel des patients lorsqu'ils sont administrés précocement ; d'autre part, la thrombolyse médicamenteuse, qui permet de dissoudre l'obstruction vasculaire responsable des lésions cérébrales. Pour les patients, ces traitements apportent l'espoir d'une récupération réelle des fonctions cérébrales. Mais ils ne produisent leurs effets thérapeutiques que dans la mesure où ils sont mis en oeuvre très rapidement après le début de l'AVC, en particulier pour la thrombolyse qui doit être administrée moins de trois heures après la manifestation des premiers symptômes. Par comparaison, la thrombolyse peut être mise en oeuvre dans un délai de six à vingt-quatre heures en cas d'infarctus du myocarde. Il faut par conséquent organiser une prise en charge hospitalière précoce des personnes victimes d'un AVC.

L'Opeps a confié la réalisation de son étude à un bureau d'études spécialisé dans l'audit des systèmes de santé, le Réseau d'évaluation en économie de la santé (REES-France), sélectionné dans le cadre d'une procédure de marché public.

M. Jean Bardet, député, rapporteur, a souligné que le bilan de la politique de prise en charge précoce des AVC, tel qu'il ressort de l'étude de REES-France, est contrasté. La prise en charge est de qualité très variable entre les unités neuro-vasculaires, où elle est spécialisée, les services de neurologie conventionnels, où elle est de bon niveau, et les services de cardiologie-gériatrie ou les services de médecine générale, où elle est moindre. Des études randomisées ont été utilisées pour comparer les résultats thérapeutiques obtenus par les différentes formes d'organisation de la prise en charge des victimes d'AVC. Elles ont montré que l'hospitalisation d'un patient dans une unité spécialisée s'accompagne d'une diminution relative du risque de décès ou d'invalidité de l'ordre de 20 %. Les résultats variant en fonction du degré de spécialisation du service, il est essentiel de mettre en place des unités de soins neuro-vasculaires (UNV) sur l'ensemble du territoire.

A cet égard, M. Jean Bardet, député, rapporteur, s'est félicité de la démarche de planification de l'offre de soins confiée aux agences régionales de l'hospitalisation dans le cadre des schémas régionaux d'orientation sanitaire de troisième génération, les SROS III, élaborés en 2006. Cette démarche a donné lieu à de nombreuses initiatives, très utiles à la réflexion nationale, et a permis de définir un dispositif de prise en charge des AVC à la hauteur de l'enjeu national : la carte des unités de soins neuro-vasculaires dessinée par les SROS III constitue un maillage cohérent du territoire national, reposant sur l'implantation à terme de 140 unités de soins neuro-vasculaires, assurant un égal accès aux soins spécialisés neuro-vasculaires pour l'ensemble de la population française. Par ailleurs, la mise en place des unités neuro-vasculaires a fait l'objet de deux circulaires d'instructions ministérielles : la circulaire du 3 novembre 2003, établissant les fondements de la politique des pouvoirs publics pour la prise en charge des AVC, complétée par la circulaire du 22 mars 2007.

Toutefois, l'étude de REES-France a également souligné les insuffisances du dispositif actuel de prise en charge des AVC, les mesures en faveur du développement des UNV étant encore trop souvent restées au stade des bonnes intentions.

En ce qui concerne les capacités d'accueil hospitalières, l'étude ne recense que cinquante-huit unités neuro-vasculaires en activité sur les 140 unités prévues, représentant 900 lits de soins spécialisés sur les 4 400 lits nécessaires, selon les calculs de REES-France. Par ailleurs, les capacités existantes sont inégalement réparties sur le territoire : on compte onze unités neuro-vasculaires (UNV) en région Ile-de-France, tandis que les régions Auvergne, Basse-Normandie, Champagne-Ardenne et Corse en sont totalement dépourvues. Plus généralement, on constate un manque de lits disponibles pour les AVC dans les services de neurologie, où on ne peut pas toujours hospitaliser tous les AVC se présentant au service des urgences du même hôpital : en moyenne, 60 % des malades seulement y trouvent une place. Le manque de lits spécialisés est également important dans les établissements hospitaliers de soins de suite et de rééducation, ce qui allonge inutilement le séjour des malades dans les unités de court séjour.

Evoquant ensuite la prise en charge médicale des AVC, M. Jean Bardet, député, rapporteur, a constaté que les traitements thrombolytiques sont encore insuffisamment mis en oeuvre. Depuis que cette technique a été autorisée en 2003, le nombre de thrombolyses croît très lentement : 1 080 thrombolyses seulement ont été réalisées en 2005 sur l'ensemble du territoire français. Cette situation s'explique non seulement par le fait que la thrombolyse est une technique médicale délicate d'emploi - elle exige une sélection rigoureuse des patients éligibles en raison du risque hémorragique - mais aussi à cause de la carence des moyens techniques mis à la disposition des équipes médicales. Sur les quatre-vingt-huit établissements ayant réalisé au moins une thrombolyse en 2005, vingt-cinq établissements ont conduit moins de cinq thrombolyses dans l'année. Pour que la thrombolyse puisse être véritablement déployée à hauteur des espoirs qu'elle suscite, il est donc indispensable que ces équipes soient renforcées et disposent d'un environnement médico-technique adapté.

Par ailleurs, l'enquête de terrain effectuée pour le compte de l'Opeps a montré que les délais de prise en charge des victimes sont toujours d'une longueur excessive au regard des contraintes de la prise en charge thérapeutique précoce : 50 % des patients arrivent aux urgences plus de trois heures et demie après les premiers symptômes. L'enquête effectuée pour le compte de l'Opeps a également montré qu'à l'hôpital, les délais moyens pour obtenir des clichés d'imagerie sont trop longs : plus de deux heures et demie en moyenne. Ces délais sont générateurs d'un retard au diagnostic et portent préjudice à l'administration de la thrombolyse : une majorité des thrombolyses sont réalisées plus de deux heures et demie après la manifestation des premiers symptômes, c'est-à-dire à la limite temporelle d'administration des produits. Les praticiens estiment qu'un gain de trente minutes sur les délais de prise en charge suffirait à doubler la proportion des patients traités. Pour atteindre ce résultat, il suffirait que la filière de prise en charge des AVC soit activée au stade des secours. Un transport médicalisé des victimes d'AVC permettrait ainsi de gagner du temps pour le diagnostic et le recours au transport héliporté devrait pouvoir également être envisagé pour des trajets supérieurs à trente minutes.

M. Jean Bardet, député, rapporteur, a ensuite souligné que selon l'évaluation effectuée pour le compte de l'Opeps, il apparaît clairement que les acteurs régionaux de santé n'ont pas la capacité de mettre en place une infrastructure répondant aux nouveaux référentiels médicaux, avec les moyens dont ils disposent. L'étude a mis en évidence que les unités neuro-vasculaires ne peuvent échapper au déséquilibre financier dans les conditions actuelles de financement de ces soins. Les frais supplémentaires de fonctionnement des 140 unités neuro-vasculaires prévues sur le territoire français ont été chiffrés par REES-France à 265 millions d'euros. A règles constantes de financement, ces frais ne sont couverts que partiellement - à hauteur de 40 % - par les recettes supplémentaires tirées de l'application du forfait pour lits de soins intensifs (97,5 millions d'euros) et de l'aide à la contractualisation (7,7 millions d'euros). En supposant que des économies puissent être retirées des efforts de mutualisation des lits de soins intensifs avec d'autres services (pour un montant maximum estimé à 8,5 millions d'euros), le besoin de financement complémentaire pour les budgets hospitaliers peut être estimé à 150 millions d'euros. Ce besoin doit inciter les pouvoirs publics à engager au plus vite une réelle réflexion sur les moyens de le combler, sachant que la prise en charge précoce des AVC permettra de réduire les coûts de réadaptation et de rééducation liés aux AVC, lesquels représentent la part la plus importante du coût de prise en charge des AVC.

En conclusion, M. Jean Bardet, député, rapporteur, a souligné que la politique de prise en charge précoce des AVC n'a pas encore les moyens nécessaires à sa mise en oeuvre. Dans la démarche de structuration des filières régionales de prise en charge, l'Etat a bien sûr un rôle d'harmonisation mais aussi le devoir de donner aux acteurs régionaux les moyens nécessaires pour organiser l'offre de soins locale.

Le but des douze propositions de son rapport est de permettre la mise en place de dispositifs régionaux de prise en charge cohérents et efficaces, visant à faciliter l'accès aux UNV et la pratique de la thrombolyse. Ces propositions répondent à quatre objectifs.

Le premier concerne le renforcement global des capacités hospitalières nécessaires à la fourniture de soins spécialisés au profit de l'ensemble de la population. Ce renforcement doit être assuré à la fois dans les établissements de court séjour et dans les établissements de rééducation et de suivi.

Le deuxième objectif vise la constitution d'un dispositif régional de prise en charge des AVC. Ce dispositif comprendrait une filière d'urgence spécifique aux AVC organisant des secours réactifs, un réseau hospitalier régional garantissant la qualité des soins pour toutes les victimes d'AVC et un comité chargé du suivi et de l'organisation de la filière régionale.

Le troisième objectif concerne les moyens structurels nécessaires à la réalisation du programme d'actions. La réponse aux problèmes financiers et humains identifiés par l'Opeps pourrait en effet utilement faire l'objet d'un « plan AVC » de la part du Gouvernement.

Le quatrième objectif vise l'organisation d'actions de communication à destination du grand public pour que l'ensemble de la population sache mieux détecter les premières manifestations d'un AVC.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

En réponse à une interrogation du président Pierre Méhaignerie, député, sur le montant des économies que permettrait la mise en oeuvre des propositions formulées dans le rapport, M. Jean Bardet, député, rapporteur, a indiqué que leur évaluation précise demande une étude approfondie de la filière de soins de suite et de rééducation, laquelle n'entrait pas dans le champ de la saisine de l'OPEPS.

M. Nicolas About, sénateur, vice-président, a rappelé que l'OPEPS avait effectivement fait le choix de centrer son étude sur la prise en charge précoce des AVC et sur les soins aigus, en raison de l'ampleur qu'aurait prise une étude portant sur l'ensemble de la filière de prise en charge et sur les économies entraînées au niveau des soins de rééducation, par la réduction des séquelles obtenues à la phase précoce.

Se félicitant du fait que l'hospitalisation des victimes d'une AVC dans des unités de soins neuro-vasculaires (UNV) permette une baisse de leur mortalité de 20 %, Mme Dominique Orliac, députée, a souhaité savoir si la mise en place de telles unités avait eu également un impact sur la morbidité liée aux AVC.

M. Jean Bardet, député, rapporteur, a précisé qu'à sa connaissance les données scientifiques disponibles se limitent aux mesures de l'effet des UNV sur la mortalité et sur les séquelles invalidantes, qui se trouvent réduites dans les mêmes proportions.

Le président Pierre Méhaignerie, député, ayant demandé quelles sont les mesures individuelles de prévention existantes, MM. Jean Bardet, député, rapporteur, et Gérard Bapt, député, ont indiqué que les principaux facteurs de risques sont l'hypertension, un taux élevé de cholestérol, le diabète ainsi que la consommation de tabac et la prise de la pilule contraceptive.

M. Gérard Bapt, député, a relevé l'importance du nombre de victimes d'AVC âgés de moins de soixante ans dont fait état le rapport d'étude et souligné les enjeux économiques attachés à ce que ces personnes aient accès à la thrombolyse.

M. Nicolas About, sénateur, vice-président, a insisté sur l'urgence à agir en présence d'un caillot dans une artère cérébrale, la thrombolyse médicamenteuse devant être administrée dans les trois heures qui suivent la constitution du caillot. Pour ces motifs, il est nécessaire de veiller à l'implantation des appareils d'imagerie à résonance magnétiques (IRM) sur l'ensemble du territoire, ceux-ci étant les seuls équipements permettant d'établir un diagnostic différentiel sur la nature de l'AVC et de distinguer l'obstruction d'une artère cérébrale de l'existence d'une hémorragie, dont le traitement est totalement différent.

M. Paul Blanc, sénateur, s'étant interrogé sur la nécessité de créer des structures hospitalières de suite spécialisées, M. Jean Bardet, député, rapporteur, a reconnu qu'il existe un manque en ce domaine, qui se traduit par une durée d'hospitalisation plus longue, de treize jours en moyenne pour les victimes d'AVC, alors qu'elle est de sept jours pour l'ensemble des activités hospitalières de court séjour. Cette occupation des lits entraîne des dépenses inutiles et participe à l'encombrement des unités de soins neuro-vasculaires.

Mme Dominique Orliac, députée, a demandé si le recours à la télémédecine peut contribuer à réduire les délais d'administration de la thrombolyse.

M. Jean Bardet, député, rapporteur, a souligné qu'à défaut de réduire dans tous les cas le délai de prise en charge d'un patient, le recours à la télémédecine permet un meilleur diagnostic clinique et une meilleure expertise radiologique grâce à l'intervention de personnels spécialisés.

En réponse au président Pierre Méhaignerie, député, il a expliqué que la complexité de la thrombolyse tient à la difficulté d'écarter, au stade du diagnostic, les cas où il y a des risques de complications hémorragiques, mais que l'administration, elle-même, de la thrombolyse s'effectue par une simple injection intraveineuse du médicament qui agit sur le caillot obstruant le vaisseau sanguin.

Mme Dominique Orliac, députée, revenant sur la question de la télémédecine, a souligné le rôle joué par les praticiens bénévoles dans ce domaine et estimé que ce rôle mériterait une meilleure reconnaissance.

M. Jean Bardet, député, rapporteur, s'est associé à ce point de vue en ajoutant que son rapport préconise un renforcement des équipes médicales.

Pour conclure, le président Pierre Méhaignerie, député, et M. Nicolas About, sénateur, vice-président, ont insisté sur l'ampleur du problème que posent les AVC, qui concernent 27 000 personnes de moins de soixante ans, dont le risque augmente de façon exponentielle avec l'âge et qui représenteront un coût de plus en plus important du fait du vieillissement de la population.

A l'issue de ce débat, l'office a autorisé le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

Politique vaccinale de la France - Examen du rapport

L'Opeps à ensuite examiné le rapport de M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, sur la politique vaccinale de la France.

M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a rappelé que le rapport qu'il présente s'appuie sur l'étude précédemment confiée à la société Alcimed.

Il a souligné la longue tradition française en matière de vaccinologie et la présence, sur le territoire national, de nombreux laboratoires de recherche et de production. La France a mis en place un calendrier vaccinal exigeant et constitue l'un des rares pays à maintenir une obligation stricte pour certaines vaccinations.

Pourtant, face à la menace de nouvelles pandémies, les industriels et les chercheurs s'interrogent sur leur capacité à découvrir et à produire de nouveaux vaccins dans des délais suffisants. Par ailleurs, on observe des comportements paradoxaux, qui conduisent les Français à réclamer des vaccins contre les maladies émergentes (grippe aviaire, chikungunya), alors qu'ils se méfient des vaccins existants, celui contre l'hépatite B par exemple.

La réussite de la politique vaccinale suppose de répondre à deux impératifs : un impératif sanitaire, afin d'améliorer la couverture vaccinale de la population, et un impératif économique et scientifique, pour maintenir la présence de la France dans le secteur des vaccins.

En premier lieu, il s'agit d'améliorer la couverture vaccinale car, quoique globalement satisfaisante, elle varie selon l'âge et le vaccin considérés : excellente chez les enfants contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite, elle est encore insuffisante contre la rougeole ou l'hépatite B. De même, alors que les enfants sont généralement à jour de leurs vaccinations, ce n'est pas toujours le cas des adolescents et des adultes. Cette situation peut s'expliquer par les réticences du corps médical et du grand public à l'égard de certains vaccins.

Pour y remédier, M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a proposé de renforcer la formation des médecins en matière de vaccinologie. L'enseignement universitaire devrait poursuivre un triple objectif : former les médecins aux techniques et aux stratégies vaccinales les plus récentes, les informer sur les obligations et les recommandations du calendrier vaccinal et transmettre les connaissances existantes sur les virus concernés. Le niveau de connaissance des jeunes médecins pourrait ensuite faire l'objet d'une évaluation lors de l'examen classant national.

De même, il faudrait intégrer des modules sur les vaccins dans la formation médicale continue des médecins généralistes et développer l'évaluation des pratiques professionnelles dans ce domaine. Par ailleurs, les médecins devraient être régulièrement tenus informés des recommandations et avis officiels, ainsi que des modifications du calendrier vaccinal, afin qu'ils s'impliquent davantage dans la politique vaccinale.

Enfin, les professionnels eux-mêmes doivent mieux se protéger pour préserver leurs patients. Or, la publication du décret rendant effective l'obligation vaccinale des professionnels de santé contre la grippe, votée par le Parlement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, n'est toujours pas envisagée.

Une deuxième proposition pourrait être d'augmenter le nombre des vaccinateurs : les sages-femmes, qui y ont été autorisées depuis 2005, y procèdent encore trop peu. De surcroît, les médecins scolaires, qui ne vaccinent plus depuis l'arrêt de la campagne de vaccination contre l'hépatite B en 1998, et les médecins du travail pourraient être davantage mobilisés.

Cette plus grande implication des professionnels de santé doit s'accompagner, chez le grand public, du développement d'une culture de la prévention, grâce notamment au lancement de campagnes d'information sur les vaccins, ciblées en fonction de l'évolution des données épidémiologiques : elles pourraient notamment concerner la vaccination contre l'hépatite B, sur laquelle portent la majorité de contestations. Selon le type de vaccin, ces messages informatifs pourraient être diffusés soit au niveau national, soit au niveau local ou bien viser des populations spécifiques (voyageurs et migrants, par exemple). Dans ce cadre, l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) jouera plus efficacement son rôle de soutien aux politiques publiques si ses crédits sont recentrés sur les projets prioritaires d'éducation à la santé et de prévention.

Enfin, pour que l'information officielle sur les vaccins soit constamment disponible, il serait judicieux de créer un portail Internet accessible à tous et regroupant l'ensemble des informations validées par les autorités sanitaires : liste des vaccins obligatoires et recommandés en France et à l'étranger, effets secondaires observés et risques encourus en cas de non-vaccination. La création et la mise à jour d'un tel outil pourraient être confiées à l'institut de veille sanitaire (InVS) et aux réseaux de surveillance épidémiologique et de pharmacovigilance, qui devront avoir les moyens financiers et humains de mener à bien cette mission.

M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, s'est déclaré convaincu de l'utilité de maintenir une obligation vaccinale. Les données statistiques montrent que le taux de couverture est meilleur lorsque les vaccins sont obligatoires et pas seulement recommandés.

Cette obligation devra bien sûr être adaptée à l'évolution de la situation épidémiologique. La suppression, cet été, de l'obligation vaccinale par le BCG en est un bon exemple. Toutefois, ces interruptions ne doivent être ni trop brutales, si l'on veut éviter la recrudescence de la maladie, ni forcément générales pour toutes les catégories de population et tous les territoires. Ainsi, le BCG obligatoire aurait pu être maintenu en Ile-de-France et à Marseille, ainsi que pour les nouveaux migrants car l'on constate dans ces zones et pour ces personnes une recrudescence des cas de tuberculose.

Le professionnel de santé le mieux à même de s'assurer, auprès de ses patients, du contrôle du respect des obligations vaccinales et du suivi des recommandations est, à l'évidence, le médecin traitant. Il pourra sans doute informer davantage ses patients sur leur statut vaccinal lorsque leur dossier médical personnel sera opérationnel. Il est, sur ce point, indispensable de mener à son terme ce projet dont certaines rumeurs laissent entendre qu'il pourrait être abandonné.

Par ailleurs, il est souhaitable que les médecins participent plus activement à la surveillance des maladies à prévention vaccinale et à la notification des effets secondaires des vaccins. Leur implication pourrait être facilitée par une information individuelle sur les données épidémiologiques collectées, mais aussi par une rémunération forfaitaire définie dans un contrat de santé publique spécifique.

Enfin, le respect de l'obligation vaccinale suppose l'application effective des sanctions prévues en cas de violation. Les autorités chargées du contrôle - conseils généraux, maires ou médecins de crèche et de santé scolaire, selon les cas - ne jouent pas suffisamment leur rôle et les sanctions prévues (privation de certaines prestations sociales et refus d'inscription à la crèche ou à l'école) sont rarement appliquées.

Puis M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a présenté une deuxième série de propositions relatives à la recherche et à la production nationales de vaccins, ainsi qu'à l'aide aux pays les plus pauvres. Il a regretté que la recherche fondamentale française sur les vaccins n'ait pas produit de résultats notables depuis plusieurs années. Cette situation résulte notamment de la valorisation insuffisante du métier de chercheur. Il faudrait rendre leurs rémunérations et leurs perspectives de carrière plus attrayantes, médiatiser davantage les découvertes dans le domaine des vaccins, comme le font les Etats-Unis ou le Canada, et renforcer les liens entre l'université et les équipes de recherche.

Pour sa part, la recherche clinique française est en perte de vitesse et souffre de la concurrence des autres pays. La sensibilité des Français au risque médical rend difficile la formation de cohortes, en particulier pour les vaccins destinés aux enfants. En outre, l'absence de réseaux de médecins chargés des recherches cliniques oblige les industriels à trouver par eux-mêmes des médecins volontaires, ce qui augmente les coûts et les délais de l'étude. De fait, les laboratoires se tournent parfois vers l'étranger, le risque étant que les médecins et les hôpitaux français soient moins au fait des nouvelles connaissances épidémiologiques.

Pour ces raisons, M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a souhaité que les Français soient davantage incités à participer aux recherches cliniques et que des réseaux de médecins soient constitués, à l'exemple de ceux qui existent aux Etats-Unis, où les médecins investigateurs sont répertoriés par la Food and Drug Administration (FDA) et regroupés dans des centres d'essais cliniques, dont la liste et la spécialisation sont disponibles sur Internet. De surcroit, les médecins français pourraient également participer à des projets européens de recherche clinique.

Par ailleurs, les moyens de la recherche française devraient être renforcés pour permettre le développement des projets jusqu'au stade de leur rachat par des laboratoires. Trois pistes pourraient être suivies :

- obtenir le financement public des projets de recherche prioritaires et l'amélioration des salaires des chercheurs qui y participent ;

- favoriser l'investissement privé dans les start-up, qui assurent l'aboutissement du projet entre la recherche fondamentale et l'application industrielle. Aux Etats-Unis, les fondations privées, les fonds d'investissement et les « business angels » n'hésitent pas à investir dans ce type de structures, alors que ce n'est pas encore le cas en France, ce qui occasionne la faillite de certaines structures, dès leur première année d'existence. De manière connexe, les chercheurs-développeurs seraient sans doute davantage incités à créer des sociétés de développement de projets de recherche, si ces initiatives étaient considérées au même titre que les publications pour l'avancement des carrières ;

- enfin, les partenariats public-privé doivent être développés sur le modèle du pôle de compétitivité de Lyonbiopôle, pour mettre en relation le monde de la recherche et les industriels, et dégager les financements nécessaires.

Enfin, en ce qui concerne la production de vaccins, pour laquelle la France est classée au premier rang mondial, l'objectif est le maintien des atouts nationaux. Il faut ainsi continuer à proposer un enseignement secondaire, universitaire et professionnel de qualité, en y orientant les élèves par une information documentée sur les métiers qu'offre le secteur des vaccins, et en proposant régulièrement des formations aux salariés en place. En effet, seul le haut niveau de qualification et d'expertise de ses professionnels peut permettre à la France de lutter contre les coûts de personnel très inférieurs pratiqués par les pays en voie de développement.

M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, s'est félicité du fait que l'attractivité de la France pour l'installation de sites de production se maintienne, évoquant l'investissement récent de GSK, à hauteur de 500 millions d'euros, dans la création d'un site implanté dans le Nord-Pas-de-Calais pour la production d'un nouveau vaccin contre le cancer du col de l'utérus. Il s'agit de préserver cette situation favorable, notamment grâce à une fiscalité attrayante, et de soutenir ce secteur économique, afin de disposer d'une capacité de production de vaccins en cas d'épidémie (grippe aviaire ou chikungunya, par exemple).

Mais l'attractivité de la France dépend aussi de l'ouverture de son marché. Il faudrait notamment réduire le délai d'inscription des vaccins au remboursement, encore trop long, qui pénalise à la fois les patients, qui ne peuvent accéder rapidement aux nouveaux produits, et les industriels, qui souhaitent rentabiliser leurs investissements. Le délai, fixé à 180 jours, ne doit pas être dépassé et la procédure devrait être rendue plus transparente pour les entreprises, afin qu'elles puissent répondre aux demandes des autorités sanitaires.

Par ailleurs, les procédures de mise sur le marché et de remboursement faisant intervenir de nombreux acteurs, il serait utile de transmettre à chacun les informations nécessaires à sa décision, sans attendre de connaître l'avis de l'instance qui intervient en amont. Un temps précieux serait ainsi gagné sans que l'examen du dossier n'en pâtisse.

Enfin, M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a plaidé en faveur d'une implication plus grande de la France dans la politique vaccinale des pays les plus pauvres. Le taux de couverture vaccinale s'y détériore progressivement depuis le début des années quatre-vingt-dix, en raison de l'arrêt des grandes campagnes de vaccination et de l'augmentation de leur coût. De fait, trente-sept millions d'enfants ne sont pas vaccinés, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie du sud. Chaque année, plus de trois millions d'entre eux décèdent de maladies contre lesquelles il existe des vaccins efficaces.

L'aide publique et privée doit donc permettre à ces pays d'accéder aux vaccins existants, mais aussi inciter les équipes de recherche et les entreprises à investir sur des projets à faible rentabilité, car destinés quasi exclusivement aux pays en voie de développement.

Il serait concevable que les pays développés se dotent des moyens financiers leur permettant de racheter aux industriels certains brevets, via des fonds d'investissement par exemple, afin de développer des vaccins qui pourront être vendus « sans bénéfice » aux pays émergents. La politique traditionnelle d'aide au développement menée par la France doit l'inciter à défendre ces positions dans les instances internationales, auprès de ses équipes de recherche publique et des industriels du vaccin.

Ayant été sensibilisé à la question de la situation sanitaire des migrants, M. Gérard Bapt, député, a demandé si l'examen par le Sénat du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile n'offrirait pas l'occasion de rendre obligatoire la vaccination des primo-arrivants sur le territoire français, notamment par le BCG.

M. Nicolas About, sénateur, vice-président, a rappelé que la recommandation vaccinale existe déjà pour les personnes en provenance de zones où la tuberculose est endémique. Le sujet mérite toutefois d'être discuté en séance publique.

Concernant le passage de la recherche fondamentale à la production d'un vaccin, M. Gérard Bapt, député, a indiqué que l'institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dispose déjà d'une structure chargée de mener à bien l'étape de pré-industrialisation des produits développés par ses équipes.

M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a confirmé la participation active de l'Inserm à toutes les phases de développement des vaccins.

Le président Pierre Méhaignerie, député, a souhaité que le rapport précise quelle est la situation de la France en matière de calendrier vaccinal, de recherche et d'investissement par rapport aux autres pays. Il a aussi rappelé l'intérêt qu'il porte à la mise en oeuvre effective du dossier médical personnel.

M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a indiqué que le rapport écrit comporte bien, pour chacun de ces sujets, une série de comparaisons internationales. Elles permettent d'ailleurs de constater que les taux de vaccination sont plus élevés dans les pays anglo-saxons, bien que la vaccination n'y soit pas obligatoire, qu'en France.

Le président Pierre Méhaignerie, député, a considéré que cette situation paradoxale est pour partie due au trop grand nombre de structures intervenant en matière de vaccination et à la contradiction des informations, ce qui rend le système incompréhensible par les familles.

M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a estimé que le dossier médical personnel permettra justement à tout médecin vaccinateur de connaître le statut vaccinal de son patient.

Le président Pierre Méhaignerie, député, a partagé cette analyse et a souhaité que l'office fasse de la création effective de ce dossier la première de ses propositions.

M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a signalé qu'en l'absence de ce nouvel outil, le carnet de santé permet déjà un suivi efficace du statut vaccinal des enfants par les pédiatres.

M. Jean Bardet, député, a fait observer que le problème porte surtout sur la méconnaissance du statut vaccinal des adultes par eux-mêmes et par leur médecin.

M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a confirmé cette analyse. Il en résulte que, trop souvent, les rappels de vaccination ne sont pas faits : c'est notamment le cas pour le tétanos, alors que le bacille est très résistant et très longtemps présent sur les rosiers ou dans les écuries, par exemple. Pour améliorer le taux de rappel, des progrès ont toutefois été faits avec la création de vaccins mixtes contre le tétanos et la grippe, qui permettent d'effectuer le rappel tétanique en même temps que la vaccination antigrippale.

Mme Dominique Orliac, députée, a indiqué que, jusqu'à la suppression du service national, les femmes étaient moins bien protégées sur le plan vaccinal que les hommes à qui l'on administrait plusieurs vaccins durant leur période militaire.

M. Nicolas About, sénateur, vice-président, a souhaité que, lors de la conférence de presse, le rapporteur puisse présenter quelques chiffres-clés sur les vaccins obligatoires et recommandés ainsi que des statistiques sur les maladies qu'ils permettent d'éviter.

Le président Pierre Méhaignerie, député, a proposé que soit également mentionnée l'alerte récemment lancée sur le risque d'épidémie de grippe redouté pour cet hiver.

M. Nicolas About, sénateur, vice-président, a estimé que la limite de ce type d'annonce est de démobiliser les Français si le risque ne se réalise pas. On a vu l'exemple de la grippe aviaire et du chikungunya, qui ont provoqué en leur temps une certaine émotion et dont la menace s'est finalement éloignée sans qu'on l'évoque à nouveau.

Il a souhaité que le message des pouvoirs publics sur les vaccins soit plus cohérent : par exemple, comment peut-on inciter les Français à se faire vacciner contre la grippe, alors que les professionnels de santé n'y ont pas été obligés sous prétexte que le vaccin n'est pas utile ?

M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a fait remarquer que, compte tenu du coût élevé des épidémies de grippe pour les entreprises et la sécurité sociale, le vaccin antigrippal ne peut pas être qualifié d'inutile.

M. Nicolas About, sénateur, vice-président, a rappelé que le vaccin lui-même est également coûteux et a estimé qu'une comparaison bénéfice-coût du vaccin antigrippal permettrait d'en mesurer l'intérêt. L'incohérence du discours public sur l'utilité des vaccins a aussi été constatée pour le BCG.

M. Jean Bardet, député, a fait valoir que c'est pourtant le BCG qui a permis de faire quasiment disparaître la tuberculose des pays occidentaux.

M. Nicolas About, sénateur, vice-président, a déclaré partager ce constat, qu'il a étendu au vaccin contre la variole et à celui contre la rougeole. Il a déploré que la survenance de quelques cas d'effets secondaires, le plus souvent anodins, découragent les Français de se faire vacciner contre des maladies qu'ils pensent, à tort, disparues.

A l'issue de ce débat, l'Opeps a approuvé les conclusions de son rapporteur et autorisé la publication de ce rapport.