Logo : Sénat français

commission des lois

Projet de loi

Prorogation de l'état d'urgence sanitaire

(1ère lecture)

(n° 414 )

N° COM-11 rect.

4 mai 2020


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

Mme JOISSAINS, MM. MARSEILLE et JANSSENS, Mmes GOY-CHAVENT, Nathalie GOULET, GATEL, BILLON, GUIDEZ et VERMEILLET, M. Loïc HERVÉ, Mmes de la PROVÔTÉ et LOISIER et MM. CADIC et CANEVET


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 5


Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 19 de l’ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 est abrogé.

Objet

Face au risque de catastrophe sanitaire qui menace les établissements pénitentiaires, le Gouvernement a, dans le but de diminuer la surpopulation carcérale, permis la libération de détenus en fin de peine, ce qui obéit aux impératifs du risque sanitaire encouru. À l'inverse, les détenus présumés innocents, eux, ont vu la durée de leur détention provisoire être prolongée de plein droit d'une période de deux à six mois selon les cas, par l'ordonnance du 25 mars 2020. La circulaire diffusée par le ministère de la justice le 26 mars précise « qu'il n'est pas nécessaire que des prolongations soient ordonnées par la juridiction compétente pour prolonger la détention en cours ».

Saisi par de nombreux recours d'avocats, d'associations d'avocats et de magistrats, le vendredi 3 avril, le Conseil d'Etat rejetait et validait ainsi la prolongation de plein droit et sans débat des détentions provisoires. A noter, et c'est d'une terrible ironie, que la question a ici été tranchée… sans audience contradictoire ni instruction publique. Louis Boré, président de l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, a ainsi déclaré : « C'est la première fois depuis la loi des suspects de 1793 que l'on ordonne que des gens restent en prison sans l'intervention d'un juge. »

Alors que l'urgence de désengorger les prisons amenait le ministère à écourter les peines de détenus condamnés en fin de peine, la même urgence a conduit le gouvernement à allonger de plein droit la détention de ceux présumés innocents et ce, sans qu'il soit besoin d'examen de leur situation par le juge, ce qui les expose, eux, à un risque sanitaire mortel supérieur à celui qu'impliquait le respect du droit commun.

La présomption d'innocence serait-elle devenue présomption de culpabilité ?

Plus d'un millier de ces prisonniers sont innocents et sortent libres chaque année après avoir été enfermés à tort.

Les détenus présumés innocents ne présentent pas tous – loin s'en faut – de caractère de dangerosité, et si le nécessaire maintien de l'ordre public ne permet pas la libération de certains en cas d'empêchement des juridictions, il n'est pas conforme à l'esprit de nos lois, à l'esprit d'un Etat de droit, d'en faire la règle.

Le maintien en détention des détenus présumés innocents en dehors des délais de droit commun n'aurait dû être qu'une mesure exceptionnelle limitée au temps du confinement, et décidée par un juge après une audience, même si elle avait lieu par télécommunication audiovisuelle. Seuls ceux présentant une dangerosité particulière, accusés de violences ou de crimes de sang auraient dû être visés par une mesure exceptionnelle de prolongement de leur détention provisoire.

Piétiner ainsi la présomption d'innocence et les droits de La Défense est indigne d'un Etat de droit. Ces règles fondamentales sont d'autant plus fondamentales que les temps sont agités et les peuples sidérés.

Un des buts du présent texte devrait être d'adapter et de corriger certaines des mesures prises par les ordonnances du 25 mars, notamment celles les plus attentatoires aux droits fondamentaux.

Au moment où les juridictions judiciaires vont de nouveau être efficientes, il est urgent de rétablir le justiciable dans ses droits les plus élémentaires et, de fait, revenir au droit commun en ce qui concerne les règles relatives à la privation de liberté.

C'est l'objet de cet amendement.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.