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commission des lois

Projet de loi

Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique

(Nouvelle lecture)

(n° 866 )

N° COM-43

24 octobre 2016


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

M. PILLET, rapporteur


ARTICLE 10


Alinéas 10 à 18

Supprimer ces alinéas.

Objet

Cet amendement vise à supprimer une disposition introduite en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement et de la commission des lois, qui vise à prévoir, à l’article L. 154 du code électoral, comme condition d’éligibilité l’obligation de disposer d’un casier judiciaire vierge de toute mention d’une condamnation pour manquement au devoir de probité, ce qui a pour effet de créer une nouvelle condition d'éligibilité.

Plusieurs motifs d'inconstitutionnalité motivent cet amendement de suppression, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur l'opportunité de modifier les règles d'éligibilité applicables aux députés

En premier lieu, cette disposition, en instituant une nouvelle condition d’éligibilité, crée un nouveau cas d’inéligibilité pour l’élection des députés. Or, en application du dernier alinéa de l’article 25 de la Constitution, une telle règle relève du domaine de la loi organique. Cette disposition encoure, de manière certaine, une censure de la part du Conseil constitutionnel.

Ensuite, si seule la loi est compétente pour priver un citoyen du droit de présenter une candidature à une élection, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a dégagé, de manière limitative, quatre motifs qui peuvent fonder les conditions d’éligibilité : « une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou […] une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu » (décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982). Le critère fondé sur l’absence de condamnation ne semble pas se rattacher à un de ces motifs.

Enfin, cette disposition a pour effet de créer une sanction automatique d’inéligibilité ayant le caractère d’une peine, de surcroît non explicitement prononcée par une juridiction tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Une telle sanction viole le principe constitutionnel d’individualisation des peines. Sur le fondement de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel a ainsi censuré l’inéligibilité automatique en cas de condamnation pour atteinte à la probité publique ou recel, prévue à l’article L. 7 du code électoral (décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010), la majoration automatique des amendes (décision n°2014-696 DC du 7 août 2014) ou encore l’interdiction définitive d’inscription sur les listes électorales des organismes professionnels des notaires (décision n° 2011-211 QPC du 27 janvier 2012).

En l’absence d’effacement du bulletin n° 2, ce critère pourrait même entrainer une inéligibilité à vie, ce qui semble contrevenir au principe constitutionnel de nécessité des peines.