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commission des lois

Proposition de loi

devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre

(1ère lecture)

(n° 376 )

N° COM-4

12 octobre 2015


 

Motion préjudicielle

présentée par

Retiré

M. FRASSA, rapporteur



En application de l’article 44, alinéa 4, du Règlement, le Sénat décide de suspendre le débat sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (n° 376, 2014-2015) jusqu’à ce que soit adopté, à l’échelle de l’Union européenne, un cadre juridique commun répondant aux préoccupations de la proposition de loi et applicable à l’ensemble des entreprises intervenant sur le marché européen, sur la base de la directive 2014/95/UE du 22 octobre 2014 concernant les obligations des entreprises en matière de publication d’informations non financières.

Objet

La présente motion préjudicielle propose de suspendre l’examen de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre jusqu’à ce que soit adopté, à l’initiative de la Commission européenne, un cadre juridique européen répondant aux objectifs de cette proposition de loi.

L'ambition de cette proposition de loi est certes vertueuse, puisqu’il s’agit de mettre en œuvre les principes adoptés dans différentes enceintes internationales en vue de renforcer la responsabilité des grandes entreprises à l’égard des risques humains, sociaux et environnementaux pouvant découler de leurs activités économiques. Ces entreprises ne peuvent ignorer, en effet, les conséquences de leurs activités ou de celles de leurs sous-traitants sur la société, notamment dans les pays en développement.

Cependant, alors qu’aucun État membre de l’Union européenne n’a mis en place de dispositif législatif équivalent, avec un champ aussi large (droits de l’homme, dommages corporels et environnementaux, risques sanitaires et corruption), cette proposition de loi pourrait porter à l’attractivité de la France et à la compétitivité des entreprises françaises, par rapport à leurs concurrentes étrangères, une atteinte potentiellement disproportionnée. Ses conséquences économiques et financières n’ont pas été évaluées, faute d’étude d’impact.

Dans ces conditions, le débat sur une telle initiative mériterait d’être conduit à une échelle plus pertinente, celle de l’Union européenne, de manière approfondie. En effet, compte tenu des implications d’une telle initiative pour les entreprises, il est indispensable que la question soit traitée d’une manière qui assure une égalité de traitement entre les entreprises européennes, à défaut de normes internationales contraignantes concernant toutes les entreprises. Dans ce débat, la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale constituera une contribution à la réflexion.

En ce sens, la directive 2014/95/UE du 22 octobre 2014, concernant la publication d’informations non financières par les grandes entreprises, peut constituer la première étape d’un futur dispositif européen plus ambitieux. En effet, elle prévoit que les grandes entreprises doivent rendre compte des incidences de leurs activités relatives aux questions environnementales, aux questions sociales et de personnel, de respect des droits de l'homme et de lutte contre la corruption, et justifier des procédures de diligence raisonnable qu’elles mettent en œuvre pour prévenir les risques dans ces domaines .

En outre, telle qu’elle est rédigée, la proposition de loi comporte de nombreuses incertitudes et ambiguïtés, qui soulèvent en l'état des interrogations sérieuses d’ordre juridique voire constitutionnel.






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devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre

(1ère lecture)

(n° 376 )

N° COM-3

12 octobre 2015


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

M. LABBÉ et Mme BENBASSA


ARTICLE 1E


Alinéa 2, rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 225-102-4. - I. - Toute société dont le total du bilan dépasse 20 millions d’euros ou le montant net du chiffre d’affaires dépasse 40 millions d’euros et dont le nombre de salariés permanents employés au cours de l’exercice est supérieur à 500 établit et met en œuvre de manière effective un plan de vigilance.»

Objet

Les entreprises de secteurs à risques et à forte intensité en main d’œuvre qui sont à l’origine de nombreuses violations des droits humains ne sont pas concernées par le seuil des 5000 salariés en France / 10000 dans le monde, exagérément élevés (cf. nombreuses entreprises du secteur textile analysées par le collectif Ethique sur l’Etiquette ou l’entreprise pétrolière Perenco dont les activités en RDC ont fait l’objet d’une étude de cas alarmante par le CCFD-Terre Solidaire).

Il semble raisonnable d’utiliser les seuils de référence définis dans la directive européenne sur le reporting extra financier.

Il serait également possible d’envisager a minima soit :

- une introduction progressive de cette obligation de vigilance selon la taille des entreprises, comme pour le reporting extra financier en France à savoir Année 1 pour les entreprises de plus de 5000 salariés, Année 2 pour celles de 2000 salariés et année 3 pour celles au-delà de 500

- une disposition spécifique pour mieux couvrir les secteurs à risques, notamment extractif, BTP, électronique, jouet et textile.






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(1ère lecture)

(n° 376 )

N° COM-1

12 octobre 2015


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

M. LABBÉ et Mme BENBASSA


ARTICLE 2


Alinéa 2 :

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 225-102-5. - Les sociétés visées à l'article 1er qui méconnaissent les dispositions du présent article ou les mesures de diligence qu'elles devraient mettre en œuvre sont solidairement tenues responsables avec la personne responsable de réparer le dommage que le plan de vigilance était destiné à prévenir ».

Objet

L'article 2 ne rajoute rien à l'état du droit commun de la responsabilité civile L’engagement de la responsabilité de la société sous le régime de droit commun ne facilite pas l’accès effectif des victimes à la réparation, dans la mesure où elles continueront à devoir prouver non seulement le manquement de la multinationale à son obligation de vigilance mais aussi le lien de causalité avec le dommage. La responsabilité solidaire en cas de dommage et de manquement à l’obligation de vigilance pourrait permettre de lever cet obstacle majeur.






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(1ère lecture)

(n° 376 )

N° COM-2

12 octobre 2015


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

M. LABBÉ et Mme BENBASSA


ARTICLE 2


Après l'alinéa 3 :

insérer l'alinéa suivant :

« Il incombe à la société mère ou donneuse d’ordre de démontrer qu’elle a bien mis en œuvre les mesures en son pouvoir pour assurer son obligation de vigilance »

Objet

Aujourd’hui, la charge de la preuve repose sur le demandeur, à savoir la victime à qui il incombe de rapporter l’existence d’une faute (manquement à l’obligation de vigilance), d’un dommage et du lien de causalité entre la faute et le dommage. De par la complexité de la preuve à apporter, il est nécessaire pour éviter de nouveaux dénis de justice, de procéder à un renversement de la charge de la preuve. Ce mécanisme est connu en France dans d’autres domaines comme celui du blanchiment d’argent par exemple. Ainsi, si une violation des droits humains survient, il incombe à la société-mère d’apporter la preuve qu’elle a mis en œuvre des procédures spécifiques de contrôle de ses filiales et ses sous-traitants. A défaut d’une telle preuve apportée par la société-mère, les victimes pourront engager sa responsabilité civile sans avoir à apporter d’autres preuves et notamment celle de sa participation directe au fait générateur du préjudice. Cette mesure est de nature à rééquilibrer un peu la situation afin de faciliter l’accès des victimes à la justice et à la réparation.