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commission des lois

Projet de loi

Adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne

(1ère lecture)

(n° 482 , 0 )

N° COM-16

27 octobre 2014


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

Le Gouvernement


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 5


Après l’article 5, insérer un article ainsi rédigé : 

Le titre X du livre IVème  du code de procédure pénale est complété par un chapitre VII rédigé comme suit :

 

«  Chapitre VII

 

« De l’exécution des décisions de protection européennes au sein des États membres de l’Union européenne en application de la directive n°2011/99/UE  du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la décision de protection européenne

 « Art. 696-90- Une décision de protection européenne peut être émise par l’autorité compétente d’un Etat membre, appelé Etat d’émission, aux fins d’étendre sur le territoire d’un autre Etat membre, appelé Etat d’exécution, une mesure de protection adoptée dans l’Etat d’émission, imposant à une personne suspectée, poursuivie ou condamnée et pouvant être à l’origine d’un danger encouru par la victime de l’infraction, une ou plusieurs des interdictions suivantes:

 « 1°Une interdiction de se rendre dans certains lieux, dans certains endroits ou dans certaines zones définies dans lesquelles la victime se trouve ou qu’elle fréquente;

« 2° Une interdiction ou une réglementation des contacts avec la victime;

 « 3° Une interdiction d’approcher la victime à moins d’une certaine distance, ou selon des modalités particulières. »

 

« Section I.  Dispositions relatives à l’émission d’une décision de protection européenne par les autorités françaises

« Art. 696-91. - Une décision de protection européenne peut être émise par le procureur de la République, sur demande de la victime ou de son représentant légal. La victime est informée de ce droit lorsqu’est prise à son bénéfice une des interdictions mentionnées à l’article 696-90.

« Le procureur de la République compétent est celui près le  tribunal de grande instance sur le ressort duquel se trouve l’autorité compétente qui a ordonné l’interdiction sur le fondement de laquelle peut être émise une décision de protection européenne. 

« Si le Procureur de la République auquel la demande a été adressée n’est pas compétent, il la transmet sans délai au procureur de la République compétent et en avise la victime.

 

« Art. 696-92. - Le procureur de la République vérifie si la décision fondant la mesure de protection a été adoptée selon une procédure contradictoire.

« Si tel n’est pas le cas, le procureur de la République notifie à l’auteur de l’infraction avant de prendre la décision de protection européenne la décision ou le jugement contenant les mesures de protection dont il entend étendre les effets.

 

« Art. 696-93. -  Lorsqu’il est saisi d’une demande d’émission d’une décision de protection européenne, le procureur de la République apprécie la nécessité d’y faire droit en tenant compte notamment de la durée du séjour projeté par la victime dans l’Etat d’exécution.

« Il peut procéder ou faire procéder à tout complément d’enquête qu'il estime utile. 

 

« Art. 696-94. – Les mesures de protection qui se fondent sur une décision, une ordonnance, un jugement ou un arrêt qui a été transmis pour exécution à un autre Etat membre en application des articles  696-48 à 696-64 ou des articles 764-1 à 764-17 ne peuvent donner lieu à l’émission en France d’une décision de protection européenne.

 

« Art. 696-95. - Le procureur de la République transmet la décision de protection européenne à l’autorité compétente de l’Etat d’exécution par tout moyen laissant une trace écrite et dans des conditions permettant au destinataire d’en vérifier l’authenticité, accompagnée de sa  traduction soit dans la langue officielle ou dans l’une des langues officielles de l’Etat d’exécution, soit dans l’une des langues officielles des institutions de l’Union européenne acceptées par cet Etat. 

« Le procureur de la République transmet une copie de la décision de protection européenne à l’autorité judiciaire française qui a décidé la mesure de protection sur le fondement de laquelle a été émise la décision de protection européenne.

 

« Art. 696-96. - L’autorité judiciaire qui a prononcé la décision sur le fondement de laquelle le procureur de la République a émis une décision de protection européenne informe celui-ci :

1° De toute modification ou révocation de cette mesure.

2° Du transfèrement de l’exécution de cette mesure à un autre Etat membre, appelé Etat de surveillance, en application  des articles  696-48 à 696-64 ou des articles 764-1 à 764-17, lorsque ce transfert a donné lieu à l’adoption de mesures sur le territoire de l’Etat de surveillance,

« Le procureur de la République modifie ou révoque en conséquence la décision de protection européenne, et en informe sans délai l’autorité compétente de l’Etat d’exécution de la décision de protection européenne.

 

« Section II. - Dispositions relatives à la reconnaissance et à l’exécution par les autorités françaises d’une décision de protection européenne

« Art. 696-97. - Le procureur de la République reçoit les demandes tendant à la reconnaissance et à l’exécution sur le territoire français des décisions de protection européennes émises par les autorités compétentes des autres Etats membres.

« Le procureur de la République compétent est celui dans le ressort duquel la victime projette de séjourner ou de résider.  A défaut, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris est compétent.

« Si le procureur de la République auquel la décision de protection européenne a été transmise par l’Etat membre d’émission n’est pas compétent pour y donner suite, il la transmet sans délai au procureur de la République compétent et en informe l’autorité compétente de l’Etat d’émission.

 

« Art. 696-98. - Le procureur de la République peut procéder ou faire procéder à tout complément d’enquête qu'il estime utile.

« S’il estime que les informations accompagnant la décision de protection européenne sont incomplètes, il en informe sans délai l’autorité compétente de l’Etat d’émission et lui impartit un délai maximum de dix jours pour lui communiquer les informations demandées.

 

« Art. 696-99. -  Dans les sept jours ouvrables à compter de la réception de la décision de protection européenne ou des informations complémentaires demandées en application de l’article 696-98, le procureur de la République saisit le juge des libertés et de la détention de la demande de reconnaissance et de mise à exécution de la décision de protection européenne, accompagnée de ses réquisitions.

Le juge des libertés et de la détention statue sur les demandes de reconnaissance des décisions de protection européenne dans un délai de dix jours à compter de la saisine du procureur de la République.

 

« Art. 696-100.  - La reconnaissance de la décision de protection européenne est refusée dans les cas suivants :

« 1° la décision de protection européenne est incomplète ou n’a pas été complétée dans le délai fixé par l’autorité compétente de l’État d’exécution ;

« 2° les conditions énoncées à l’article 696-90 ne sont pas remplies ;

« 3° la mesure de protection a été prononcée sur le fondement d’un comportement qui ne constitue pas une infraction selon la loi française ;

« 4° la décision de protection européenne est fondée sur l’exécution d’une mesure ou d’une sanction concernant un comportement qui relève de la compétence des juridictions françaises et qui a donné lieu à une amnistie conformément à la législation française ;

« 5° l’auteur de l’infraction bénéficie en France d’une immunité qui fait obstacle à l’exécution en France de la décision de protection européenne ;

« 6° la décision de protection européenne est fondée sur des faits qui pouvaient être jugés par les juridictions françaises et la prescription de l’action publique est acquise selon la loi française ;

« 7° la décision de protection européenne est fondée sur des infractions pour lesquelles la personne soupçonnée, poursuivie ou condamnée a déjà été jugée définitivement par les juridictions françaises ou par celles d’un Etat membre autre que l’Etat d’émission, à condition que la peine ait été exécutée, soit en cours d’exécution ou ne puisse plus être mise à exécution selon la loi de l’Etat membre ayant prononcé cette condamnation ;

« 8° l’auteur de l’infraction était âgé de moins de treize ans à la date des faits.

 

« Art. 696-101 - La reconnaissance de la décision de protection européenne peut être refusée si cette décision  est fondée :

« 1° Sur des infractions commises en totalité, en majeure partie ou pour l’essentiel sur le territoire français ou en un lieu assimilé ;

« 2° Sur des infractions pour lesquelles la personne soupçonnée, poursuivie ou condamnée a déjà été jugée définitivement par les juridictions d’un autre Etat qui n’est pas membre de l’Union européenne, à condition que la peine ait été exécutée, soit en cours d’exécution ou ne puisse plus être mise à exécution selon la loi de l’Etat ayant prononcé cette condamnation.

 

« Art. 696-102. - Lorsqu’il décide de reconnaître la décision de protection européenne, le juge des libertés et de la détention détermine la ou les mesures de protection prévues par la législation française pour assurer la protection de la victime. La mesure adoptée correspond, dans la mesure la plus large possible, à celle adoptée dans l’Etat d’émission.

« Il statue par ordonnance précisant la mesure à respecter sur le territoire français et rappelant les dispositions du deuxième alinéa de l’article 227-4-2 du code pénal.

 

« Art. 696-103. - L’ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application de l’article 696-102 est notifiée sans délai à l’auteur de l’infraction.

« L’auteur de l’infraction est en outre informé par une mention portée dans l’acte de notification qu’il dispose d’un délai de 5 jours pour saisir la chambre de l’instruction d’une requête précisant, à peine d’irrecevabilité, les motifs de droit ou de fait de sa contestation

« Le juge des libertés et de la détention informe l’autorité compétente de l’Etat d’émission, par tout moyen laissant une trace écrite, de la mesure de protection adoptée et des conséquences encourues en cas de violation de cette mesure.

 

« Art. 696-104. – Le juge des libertés et de la détention informe l’autorité compétente de l’Etat d’émission, selon les mêmes modalités, ainsi que la victime, de toute décision de refus et en précise les motifs dans les 10 jours à compter de sa décision.

« Le procureur de la République informe sans délai cette autorité, selon les mêmes modalités, de tout manquement à la mesure ou aux mesures exécutoires sur le territoire français

 

« Art. 696-105. - Lorsque le juge des libertés et de la détention a été informé par l’autorité compétente de l’Etat d’émission d’une modification de la ou des mesures fondant la décision de protection européenne, il modifie en conséquence la ou les mesures reconnues et mises à exécution.  Si ces mesures ne relèvent plus de celles mentionnées à l’article 696-90, il donne mainlevée de la mesure exécutoire en France.

 

« Art. 696-106. -  Le juge des libertés et de la détention met fin à l’exécution de la décision de protection dès qu’il est informé par l’autorité compétente de l’Etat d’émission de sa révocation.

« Il peut également mettre fin à ces mesures :

« 1° Lorsqu’il existe des éléments permettant d’établir que la victime ne réside pas ou ne séjourne pas sur le territoire français, ou qu’elle l’a quitté ;

« 2° Lorsque, suite à la modification par l’Etat d’émission de la décision de protection européenne, les conditions de l’article 696-90 ne sont plus remplies, ou les informations transmises par cet Etat sont insuffisantes pour lui permettre de modifier en conséquence les mesures prises en application de la décision de protection européenne. 

« 3° Lorsque la condamnation ou la décision fondant la décision de protection européenne a été transmise pour exécution aux autorités françaises conformément aux articles 696-66 et 764-18 du présent code, postérieurement à la reconnaissance sur le territoire français de la décision de protection européenne. 

« Le juge des libertés et de la détention en informe sans délai la victime. Il en informe également l’autorité compétente de l’Etat membre d’émission, par tout moyen laissant une trace écrite et permettant au destinataire d’en vérifier l’authenticité.

L’article 227-4-2 du code pénal est complété d’un deuxième alinéa ainsi rédigé :

«Est puni des mêmes peines le fait, pour une personne faisant l'objet d'une ou plusieurs obligations ou interdictions imposées dans une décision prise en application d’une décision de protection européenne conformément aux articles ordonnance de protection rendue en application des articles 696-90 et 696-104 du code de procédure pénale, de ne pas se conformer à l’une de ces obligations ou interdictions. »

Objet

Cet amendement transpose la directive 2011/99/UE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la décision de protection européenne.

Cette directive complète les décisions-cadres 2009/829 relative à la reconnaissance mutuelle des mesures de contrôle alternatives à la détention provisoire et 2008/947/JAI relative aux mesures de probation applicables aux condamnés.

La directive 2011/99/UE vise à permettre à une victime séjournant dans un autre Etat membre d’obtenir la poursuite, sur le territoire de cet Etat, de la protection dont elle bénéficie dans l’Etat où elle réside.

La directive  introduit les principaux mécanismes suivants :

- un formulaire standardisé pour la décision de protection européenne ;

- l’obligation pour les autorités compétentes émettant une décision de protection d’informer la victime de son droit de solliciter une décision de protection européenne ;

- l’information de la « personne à l’origine du danger encouru » de l’émission d’une décision de protection européenne, des conséquences en cas de violation des obligations, et de voies de recours;

- la compétence de l’Etat d’exécution pour prendre toutes mesures, voire éventuellement des sanctions pénales,  en cas de manquement.

La transposition est fondée sur le choix du procureur de la République en tant qu’autorité compétente pour émettre une décision de protection européenne et du juge des libertés et de la détention pour reconnaître une décision de protection européenne et prévoit une incrimination pénale sanctionnée d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement en cas de violation en France des obligations étrangères reconnues exécutoires en France.