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Direction de la séance

Projet de loi

PLF pour 2020

(1ère lecture)

SECONDE PARTIE

MISSION SANTÉ

(n° 139 , 140 , 143)

N° II-37

23 novembre 2019


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Défavorable
Adopté

M. JOYANDET

au nom de la commission des finances


ARTICLE 78 DUODECIES


Rédiger ainsi cet article :

I. – Après le V de la section II du chapitre II du titre IV de la première partie du code général des impôts, est insérée une division ainsi rédigée :

« V bis : Aide médicale d’urgence

« Art. 962 ter. – Le droit aux prestations mentionnées à l’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles est conditionné par le paiement d’un droit annuel par bénéficiaire majeur, d’un montant de 30 euros ».

II. – Le titre V du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Le chapitre Ier est ainsi rédigé :

« Chapitre Ier

« Aide médicale d’urgence

« Art. L. 251-1. – Tout étranger résidant en France sans remplir la condition de régularité mentionnée à l’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale depuis plus de trois mois, et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l’article L. 861-1 du même code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge, à l’aide médicale d’urgence, sous réserve, s’il est majeur, de s’être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge, telles que définies ci-dessus, du droit annuel mentionné à l’article 962 ter du code général des impôts.

« En outre, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l’état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l’action sociale, bénéficier de l’aide médicale d’urgence dans les conditions prévues par l’article L. 251-2.

« De même, toute personne gardée à vue sur le territoire français, qu’elle réside ou non en France, peut, si son état de santé le justifie, bénéficier de l’aide médicale d’urgence, dans des conditions définies par décret.

« Art. L. 251-2. – La prise en charge, assortie de la dispense d’avance des frais, concerne :

« 1° La prophylaxie et le traitement des maladies graves et des douleurs aiguës ;

« 2° Les soins liés à la grossesse et ses suites ;

« 3° Les vaccinations réglementaires ;

« 4° Les examens de médecine préventive.

« La prise en charge est subordonnée, lors de la délivrance de médicaments appartenant à un groupe générique tel que défini à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, à l’acceptation par les personnes mentionnées à l’article L. 251-1 du présent code d’un médicament générique, sauf :

« 1° Dans les groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité défini à l’article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ;

« 2° Lorsqu’il existe des médicaments génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps ;

« 3° Dans le cas prévu au troisième alinéa de l’article L. 5125-23 du code de la santé publique.

« À l’exclusion des cas où ces frais concernent des bénéficiaires mineurs, la prise en charge mentionnée au premier alinéa du présent article peut être subordonnée pour certains frais relatifs à des prestations programmées et ne revêtant pas un caractère d’urgence à un délai d’ancienneté de bénéfice de l’aide médicale de l’État. Ce délai ne peut excéder neuf mois. Par dérogation, lorsque l’absence de réalisation de ces prestations avant l’expiration de ce délai est susceptible d’avoir des conséquences vitales ou graves et durables sur l’état de santé de la personne, leur prise en charge est accordée après accord préalable du service du contrôle médical mentionné à l’article L. 3151 du code de la sécurité sociale. »

« Art. L. 251-3. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;

2° L’article L. 252-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 252-1. – La demande d’aide médicale de l’État est déposée auprès d’un organisme d’assurance maladie qui en assure l’instruction pour le compte de l’État.

« Toutefois, elle peut être déposée auprès d’un établissement de santé dans lequel le demandeur est pris en charge. Dans ce cas, l’établissement transmet le dossier de demande, dans un délai de huit jours, à l’organisme d’assurance maladie. »

III. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2021.

IV. – Le II entre en vigueur à compter du 1er janvier 2020.

Objet

À l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté un article additionnel réformant l’accès à l’aide médicale d’État (AME), en vue de limiter les risques de fraudes. Cet article permet de clarifier la condition de résidence, instaure un délai d’ancienneté et un accord préalable avant accès aux soins non-urgents et impose une obligation de comparution physique devant une caisse primaire d’assurance-maladie. Ces dispositions constituent une véritable avancée. Elles sont néanmoins insuffisantes pour contenir la progression exponentielle des dépenses d’AME, faute de limitation préalable du panier de soins et d’instauration d’un droit de timbre.

 En l’absence d’une réelle politique de gestion des flux migratoires, une réforme profonde de l’AME parait en effet indispensable pour assurer la soutenabilité des dépenses. Le présent amendement propose , dans ces conditions, de remplacer l’aide médicale d’État (AME) par une aide médicale d’urgence (AMU). Il reprend les contours de l’amendement déposé par notre collègue Roger Karoutchi en juin 2018 à l’occasion de l’examen du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Cet amendement avait été adopté par le Sénat, avant d’être supprimé par l’Assemblée nationale.

 Dans ces conditions, le présent amendement prévoit que la prise en charge soit limitée :

 1°  au traitement des maladies graves et des douleurs aiguës,

 2°  aux soins liés à la grossesse et ses suites,

 3°  aux vaccinations réglementaires,

 4°  aux examens de médecine préventive.

 Il rétablit également un droit de timbre annuel, fixé à 30 euros, devant être acquitté par tous les demandeurs de l’Aide médicale d’urgence afin de pouvoir bénéficier du dispositif. Ce droit de timbre, introduit en loi de finances pour 2011 pour les demandeurs d’AME de droit commun, a été supprimé en loi de finances rectificative pour 2012.

 Depuis la suppression du droit de timbre, force est de constater que la dépense d’AME n’est pas maîtrisée. Le nombre de bénéficiaires a progressé de 25 % entre 2012 et 2019, tandis que dans le même temps le coût total de l’AME de droit commun a augmenté de  46 %.

 Ce rythme de progression n’est pas soutenable d’un point de vue financier. Le rétablissement d’un droit de timbre présenterait deux avantages majeurs :

 - en premier lieu, il s’agirait d’une mesure symbolique forte, garantissant que les personnes en situation irrégulière participent à leur couverture sociale, alors même que cette dernière nécessite un effort de solidarité nationale ;

 - en second lieu, le droit de timbre constituerait une recette financière non négligeable dans un contexte d’attrition des crédits dévolus aux autres programmes de la mission « Santé ». Ainsi, un droit de timbre fixé à 30 euros pourrait générer des recettes de l’ordre de 5 millions d’euros.

 Cet amendement reprend enfin les apports de l’article additionnel adopté à l’Assemblée nationale à l’initiative du Gouvernement : clarification de la condition de résidence,  obligation de comparution physique et, pour les soins non-vitaux : délai d’ancienneté et accord préalable.

 Cette transformation de l’AME en AMU devrait permettre de réduire les crédits dédiés de 300 millions d’euros, soit un objectif plus ambitieux que celui défendu par le Gouvernement dans son amendement de crédits.