Logo : Sénat français

Direction de la séance

Projet de loi constitutionnelle

organisation décentralisée de la République

(2ème lecture)

(n° 83 , 86 )

N° 12

10 décembre 2002


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

MM. PEYRONNET, BEL, CHARASSE et COURTEAU, Mme DURRIEU, MM. DREYFUS-SCHMIDT, DAUGE, FRIMAT, FRÉCON, LAGAUCHE, LISE, MARC, MAUROY, RAOUL, SUEUR

et les membres du Groupe socialiste


ARTICLE 4


Supprimer le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72 de la Constitution.

Objet

L'objet de cet amendement est de supprimer le dispositif d'expérimentation législative et réglementaire tel qu'il est reconnu aux collectivités territoriales ou à leurs groupements dans la Constitution par le présent alinéa.
Le droit d'expérimentation qui est proposé d'instituer au bénéfice des collectivités territoriales et de leurs groupements, présente la même imprécision que celle reconnue au Parlement et au Gouvernement par l'article 2 du présent projet de loi.
En effet, les prérogatives régaliennes de l'Etat ne sont pas explicitement exclues. Il n'est pas fait état d'une demande d'autorisation à expérimenter, émanant des collectivités territoriales et adressée au Parlement ou au Gouvernement. Les moyens financiers de mise en œuvre de cette expérimentation ne sont pas prévus, les conséquences qu'il convient d'en tirer sont laissées aux termes de l'exposé des motifs « à l'appréciation de l'autorité compétente ».
Malgré les précisions introduites par l'Assemblée nationale, aux termes desquelles les expérimentations ne pourront concerner les conditions d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti et devront avoir un objet et une durée limités à l'instar de ce que y est prévu par l'article 2, le flou de cette rédaction et l'absence d'informations précises sur le contenu des lois organiques, laissent totalement incertains le champ d'application de l'expérimentation, ses modalités de mise en œuvre, ainsi que ses conséquences à son terme. La lecture du rapport de la commission des Lois de l'Assemblée nationale confirme nos inquiétudes sur bien des points et en particulier sur l'application du principe d'égalité dans l'hypothèse d'une expérimentation fructueuse dans une collectivité territoriale mais difficilement transposable ailleurs.
En outre l'extension de cette possibilité, aux « groupements », appelle une double remarque.
Premièrement, ce terme de « groupements » est un terme très large et imprécis qui englobe au delà des structures intercommunales, les 17 000 SIVU et SIVOM. Il y a une contradiction à, d'un côté, reconnaître dans la Constitution la possibilité d'expérimenter (et dans l'alinéa suivant la possibilité d'être chef de file) à de simples « groupements » dans des conditions d'ailleurs contestables et d'un autre côté, à refuser de reconnaître explicitement dans la Constitution le fait intercommunal.
Deuxièmement, tel que rédigé, ce dispositif risque d'aboutir, dans certains cas, à créer, par la loi, une tutelle des groupements sur les collectivités de base que sont les communes.
L'expérimentation ne saurait remettre en cause le principe même d'unité sur lequel est bâtie la décentralisation. Il est à craindre en effet, que ce dispositif conduise à une décentralisation à la carte, susceptible de remettre en cause les principes d'égalité, de solidarité ainsi que les libertés publiques. Il fait peser une menace de démantèlement de l'Etat et de désarticulation de notre paysage institutionnel.
Sans révision constitutionnelle, il est possible d'expérimenter, de transférer plus de compétences, et donc plus de pouvoirs aux collectivités territoriales dans le cadre de la libre administration. Par ailleurs, plus on expérimentera moins on clarifiera la répartition des compétences.